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Dossier : 2004‑3208(CPP)

ENTRE :

MAURICE R. CORMIER,

faisant affaire sous la raison sociale de

DAN JO GENERAL CLEANING,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

HÉLÈNE MAILLET,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel numéro

2004‑3209(EI) de l’appelant, à Miramichi (Nouveau‑Brunswick),

les 11 et 12 mai 2005.

 

Devant : l’honorable juge François Angers

 

Comparutions :

Avocat de l’appelant :

Me Stephen J. Doucet

Avocat de l’intimé :

Pour l’intervenante :

Me Edward Sawa

L’intervenante elle‑même

__________________________________________________________________

JUGEMENT 

 

L’appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée selon les motifs de jugement ci‑joints.

 


Signé à Edmundston (Nouveau‑Brunswick), ce 18e jour d’octobre 2005.

 

« François Angers »

Juge Angers

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de juin 2007.

 

Maurice Audet, réviseur

 

 


 

 

Dossier : 2004‑3209(EI)

ENTRE :

MAURICE R. CORMIER,

faisant affaire sous la raison sociale de

DAN JO GENERAL CLEANING,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

HÉLÈNE MAILLET,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel numéro

2004‑3208(CPP) de l’appelant, à Miramichi (Nouveau‑Brunswick),

les 11 et 12 mai 2005.

 

Devant : l’honorable juge François Angers

 

Comparutions :

Avocat de l’appelant :

Me Stephen J. Doucet

Avocat de l’intimé :

Pour l’intervenante :

Me Edward Sawa

L’intervenante elle‑même

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

L’appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée selon les motifs de jugement ci‑joints.

 


Signé à Edmundston (Nouveau‑Brunswick), ce 18e jour d’octobre 2005.

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de juin 2007.

 

Maurice Audet, réviseur

 

 


 

 

Référence : 2005CCI646

Date : 20051017

Dossiers : 2004‑3208(CPP)

2004‑3209(EI)

 

ENTRE :

MAURICE R. CORMIER,

faisant affaire sous la raison sociale de

DAN JO GENERAL CLEANING,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

HÉLÈNE MAILLET,

intervenante.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

 

[1]   Ces deux appels ont été entendus sur preuve commune. Par des avis de cotisation datés du 23 octobre 2003, l’appelant a fait l’objet de cotisations pour avoir omis de verser des cotisations au titre du Régime de pensions du Canada et de l’assurance‑emploi, pour le compte de 22 travailleurs pendant la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2002, et pour le compte de 15 travailleurs pendant la période allant du 1er janvier au 24 septembre 2003, plus les pénalités et intérêts y afférents. Les travailleurs en cause pour la première période sont :

 

Charlene Adams

Shirley Allain

Janiece Alward

Chantale Babineau

Anise Bastarache

Vincent Bernard

Rose Boucher

Régis Bourque

Roseanne Caissie

Eveline Cameron

Daniel Cormier

Colette Delaney

Yvon Gauvin

Doris Goguen

Bruce Hickey

Cheryl Landry

Donat LeBlanc

Kelly LeBlanc

Meagan LeBlanc

Marie L. McDonald

Hélène Maillet

Noëlla Maillet

 

 

Les travailleurs en cause pour la seconde période sont :

 

Janiece Alward

Chantale Babineau

Anise Bastarache

Vincent Bernard

Rose Boucher

Charline Bourque

Régis Bourque

Eveline Cameron

Yvon Gauvin

Bruce Hickey

Meagan LeBlanc

Hélène Maillet

Noëlla Maillet

Marie L. McDonald

Gary Pellerin

 

 

[2]   Par une lettre datée du 17 mai 2004, le ministre du Revenu national a conclu que tous les travailleurs susmentionnés, sauf Régis Bourque, exerçaient auprès de l’appelant un emploi assurable, au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi »), et ouvrant droit à pension, au sens de l’article 6 du Régime de pensions du Canada (le « Régime »), la décision étant fondée sur le fait qu’il existait un contrat de louage de services entre l’appelant et chacun des travailleurs susmentionnés, sauf Régis Bourque.

 

[3]   En rendant sa décision, le ministre s’est fondé sur une série d’hypothèses de fait qui ont toutes été admises par l’appelant, les conclusions qu’en a tirées le ministre étant toutefois contestées. Ces hypothèses admises sont résumées ci‑dessous.

 

[4]   L’appelant exploite son entreprise depuis 1992. L’entreprise fournit des services de nettoyage et d’entretien dans des bureaux, des immeubles et des magasins ainsi que des services de nettoyage de tapis et de nettoyage de bateaux et de voitures et des services de location de petits tapis. L’entreprise comptait 29 travailleurs en 2002 et 26 en 2003. Sept des 29 travailleurs, en 2002, étaient considérés comme des employés; ces travailleurs et tous les autres, sauf Régis Bourque et la secrétaire, étaient embauchés pour accomplir des tâches se rapportant aux divers aspects de l’entreprise de nettoyage de l’appelant. Les employés qui étaient inscrits dans le livre de paie de l’appelant étaient rémunérés à l’heure et étaient embauchés pour de petits travaux, au besoin, alors que les autres travailleurs étaient embauchés pour exécuter des contrats annuels précis, négociés par l’appelant et comportant surtout la prestation de services réguliers d’entretien. Chacun de ces contrats précisait la fréquence et le type de services requis. Les travailleurs contractuels étaient rémunérés à un taux fixe pour le travail particulier en fonction du temps approximatif nécessaire pour fournir le service. Tous les travailleurs étaient rémunérés par chèque ou par dépôt direct chaque semaine, aux deux semaines ou chaque mois et aucun ne travaillait à plein temps. Aucun des travailleurs – qu’il s’agisse des employés ou des travailleurs contractuels – n’avait à fournir les produits ou les outils de nettoyage et ils accomplissaient tous leurs tâches sous le nom commercial de l’appelant.

 

[5]   L’appelant a produit des exemplaires du type de contrats de nettoyage qu’il obtenait et il a mentionné des dispositions particulières au sujet des produits et de l’utilisation d’outils pour l’exécution des contrats. Tous ces contrats obligeaient l’appelant à fournir les outils, à savoir les vadrouilles, les seaux, les cires, les décapants et d’autres produits d’entretien. Les produits que l’autre partie contractante devait fournir n’étaient pas nécessaires à l’exécution du travail. L’appelant a témoigné que, dans certains cas, il utilisait les outils de l’autre partie contractante pour effectuer son travail.

 

[6]   Il importe de noter que, selon deux des contrats qui ont été soumis à titre d’exemples, l’appelant doit veiller à ce que le travail soit bien supervisé et à ce qu’il soit exécuté conformément aux dispositions du contrat. Ces contrats exigent également que les travailleurs qui y sont assujettis soient couverts par une [traduction] « assurance contre les détournements » fournie par une entreprise de sécurité autorisée à exploiter son entreprise au Nouveau‑Brunswick. Enfin, il existe une disposition selon laquelle l’appelant ne peut pas céder le contrat sans obtenir le consentement requis, à défaut de quoi il risque de perdre le contrat.

 

[7]   Tous les travailleurs effectuaient leur travail en vertu d’une entente verbale conclue avec l’appelant. Les tâches étaient établies selon ce qui était précisé dans le contrat de celui-ci. L’appelant informait les travailleurs des heures d’ouverture du client et les travailleurs devaient accomplir leurs tâches en dehors de ces heures. Le nombre d’heures nécessaires pour exécuter le travail était estimé au début du contrat et la rémunération des travailleurs était fixée en conséquence. Si les travailleurs pouvaient faire le travail en moins de temps, ils recevaient néanmoins le même montant. Certains d’entre eux accomplissaient également des travaux de nettoyage ailleurs, sans que l’appelant ne s’y oppose, et certains refusaient le travail offert par l’appelant. Les travailleurs étaient autorisés à amener des aides au travail. Les conjoints et les enfants des travailleurs pouvaient aider ceux‑ci, ce qui réduisait le nombre d’heures effectuées par les travailleurs.

 

[8]   L’appelant remplaçait lui‑même tout travailleur malade, en particulier lorsque l’accès aux locaux du client se faisait au moyen d’un code de sécurité, de façon à ne pas avoir à communiquer le code. Les travailleurs s’occupaient généralement des plaintes et reprenaient également tout travail qui devait être refait.

 

[9]   L’appelant laissait, dans les locaux des clients, ce qu’il a appelé des feuilles de commentaires que devaient remplir les travailleurs. Les feuilles de commentaires renfermaient un compte rendu quotidien de l’heure d’arrivée et de départ des travailleurs et permettaient aux clients d’y inscrire des instructions ou des commentaires à leur intention. L’appelant ramassait les feuilles de commentaires et pouvait ainsi vérifier si les travailleurs avaient exécuté leur travail chaque jour. Les feuilles étaient également conservées pour des raisons liées à la sécurité, mais aucune explication n’a été donnée à ce sujet.

 

[10] L’appelant s’estimait pleinement responsable en tout temps de l’exécution des obligations prévues dans le contrat. Il veillait à ce que les travailleurs comprennent leurs tâches et puissent s’en acquitter en conséquence. Il inspectait parfois les locaux, en particulier lorsqu’il y faisait lui‑même d’autres travaux. L’appelant a également témoigné qu’il aurait pu avoir recours à ses employés réguliers pour exécuter ces contrats. La seule différence entre les travailleurs contractuels et les employés est que les travailleurs contractuels pouvaient décider de leurs propres heures, à condition que ce soit en dehors des heures d’affaires du client et que les travaux de nettoyage à exécuter soient achevés.

 

[11] L’appelant a déclaré qu’Eveline Cameron établissait les feuilles de temps, étant donné qu’il lui versait une rémunération additionnelle si ses heures de travail dépassaient le nombre établi. D’autre part, il ne se rappelait pas exactement les arrangements qui avaient été conclus avec elle puisqu’elle gagnait 350 $ par semaine, peu importe le nombre d’heures travaillées. L’appelant a ajouté qu’Eveline Cameron était la seule travailleuse dont il payait les frais de déplacement étant donné qu’elle devait aller plus loin que les autres.

 

[12] Les deux parties ont cité des travailleurs à témoigner et ils ont tous donné leur version des arrangements conclus avec l’appelant au sujet de leurs conditions de travail.

 

[13] Bruce Hickey travaille pour l’appelant depuis le mois de juin 2000. Il est éleveur de bovins de boucherie à son propre compte. Un ami l’a mis en rapport avec l’appelant, qui lui a offert ce qui lui semblait être un bon emploi à temps partiel. Son travail était tel que décrit ci‑dessus et devait être accompli entre 16 h 30 et 6 h, cinq jours par semaine. L’appelant lui avait montré ce qu’il fallait faire. Il fallait de deux heures à deux heures et demie pour faire le travail et M. Hickey gagnait 108 $ par semaine sur une base mensuelle. Si des membres de sa famille l’aidaient, le travail lui prenait moins de temps. M. Hickey a déclaré que l’appelant ne le supervisait pas sur une base quotidienne et qu’il le voyait uniquement lorsque l’appelant venait nettoyer les tapis. Une machine à code enregistrait l’heure d’arrivée et de départ et M. Hickey remplissait la feuille de commentaires laissée sur les lieux par l’appelant. M. Hickey utilisait l’équipement de nettoyage qui se trouvait sur les lieux, mais il apportait parfois des sacs pour l’aspirateur. S’il ne pouvait pas se présenter au travail, sa femme le remplaçait, et si ni l’un ni l’autre ne pouvait travailler, il communiquait avec l’appelant pour s’arranger avec celui‑ci.

 

[14] M. Hickey s’occupe du nettoyage aux termes d’un des contrats qui a été produit en preuve à titre d’exemple. Il n’a jamais vu ce contrat ni discuté de ses conditions avec qui que ce soit, si ce n’est avec l’appelant. Selon son témoignage, les plaintes devaient d’abord être adressées à l’appelant, puis renvoyées à M. Hickey qui a toutefois déclaré n’en avoir jamais reçu. M. Hickey ne se considère pas comme une personne dans les affaires.

 

[15] Anise Bastarache travaille à plein temps comme chauffeur d’autobus. En 2001, elle a pris contact avec l’appelant qui lui a offert de nettoyer les locaux d’un client. La personne qui exécutait les travaux aux termes de ce contrat lui a dit ce qu’il fallait faire. Mme Bastarache touchait 95 $ par semaine, pour effectuer en moyenne de dix à douze heures de travail par semaine. Elle travaillait en dehors des heures d’ouverture des clients et connaissait le code permettant d’entrer dans les locaux. Les outils dont elle avait besoin pour faire le travail étaient fournis, mais elle utilisait son propre seau et ses propres chiffons. Mme Bastarache a témoigné qu’elle faisait des travaux similaires pour d’autres employeurs; elle a refusé d’autres offres de l’appelant. Elle remplissait les feuilles de commentaires fournies par l’appelant; elle reprenait le travail qui n’avait pas été bien fait. S’il arrivait qu’elle ne puisse pas se présenter au travail, elle s’entendait avec le client et non avec l’appelant. Comme M. Hickey, elle ne se considère pas comme une personne dans les affaires.

 

[16] Hélène Maillet est l’intervenante dans la présente affaire. Elle exploite sa propre entreprise de nettoyage, qu’elle annonce et dans laquelle elle travaille à plein temps. C’est l’appelant qui a communiqué avec elle pour lui demander si elle avait du temps libre afin de travailler pour lui. L’appelant lui a offert des contrats et elle en a maintenant trois avec l’appelant, et ce, depuis 2001. Elle gagne 150 $ par semaine et est rémunérée sur une base mensuelle. Elle travaille environ deux heures par semaine à chaque endroit. Étant donné que l’appelant ne lui a jamais dit si elle pouvait se faire aider, elle amène parfois son mari ou quelqu’un d’autre. Cela lui permet de terminer le travail plus vite. Comme c’est le cas des autres travailleurs, son travail est accompli en dehors des heures d’ouverture sans qu’un horaire précis n’ait été établi. Les outils et le matériel nécessaires se trouvent sur les lieux, mais elle fournit ses propres chiffons et un seau. Elle remplit les feuilles de commentaires et voit l’appelant une fois par mois. Elle a témoigné que son travail n’est pas supervisé. S’il y a du travail à reprendre, elle s’en charge elle‑même. Elle affirme avoir refusé du travail que l’appelant lui avait offert.

 

[17] Un questionnaire visant à permettre de constater les faits, auquel Mme Maillet a répondu, a été produit en preuve. Dans ce questionnaire, Mme Maillet reconnaît que des feuilles de temps sont remplies à l’égard du travail exécuté pour l’appelant. Grâce à ces feuilles, elle pouvait savoir si elle gagnait 10 $ l’heure. Mme Maillet a également indiqué dans le questionnaire que ses heures étaient consignées, mais à l’instruction elle a témoigné ne pas avoir compris la question et que ce n’était pas le cas. Dans le questionnaire, Mme Maillet a également indiqué que c’était l’appelant qui décidait si le travail devait être repris et qu’il payait les frais y afférents et fournissait le matériel. Toutefois, à l’instruction, Mme Maillet a témoigné que c’était le client qui décidait si le travail devait être repris et que les frais y afférents étaient à sa charge. Quant au matériel, Mme Maillet a témoigné qu’il était fourni par le client et qu’elle utilisait ses propres chiffons et son propre seau plutôt que ceux de l’appelant. Quant à la question du remplacement, Mme Maillet a témoigné à l’instruction qu’elle n’avait jamais à chercher un remplaçant étant donné que son mari pouvait la remplacer au besoin, alors que dans le questionnaire elle avait répondu que l’appelant devait trouver un remplaçant et le payer. À l’audience, Mme Maillet a ajouté n’avoir jamais besoin d’un remplaçant. Dans ses remarques finales, elle a déclaré ne pas travailler sous les ordres d’une autre personne, mais elle a convenu que, quant au travail accompli pour l’appelant, c’était celui‑ci qui lui attribuait ses tâches.

 

[18] Eveline Cameron a été travailleuse chez l’appelant du mois de septembre 2001 au mois de décembre 2003. C’est l’appelant qui a communiqué avec elle; pendant cette période, elle a effectué des travaux de nettoyage à différents endroits. Mme Cameron gagnait un montant fixe qui donnait environ huit dollars l’heure. Son prédécesseur lui avait dit quoi faire et l’appelant ou le client lui remettait une liste des choses à faire chaque semaine, chaque mois et chaque année. En ce qui concerne le travail que Mme Cameron exécutait pour l’un des clients de l’appelant, l’appelant et sa secrétaire ont d’abord assuré une supervision plus grande. Contrairement aux autres travailleurs, Mme Cameron enregistrait ses heures chaque semaine de façon qu’à la fin de l’année l’appelant et elle sachent ce qu’ils se devaient l’un l’autre. Au cours des deux années où elle a travaillé, Mme Cameron devait des heures à l’appelant. La première année, l’appelant a renoncé à ces heures en les considérant comme une gratification, mais la seconde année, Mme Cameron a été obligée de remettre 50 heures de temps non payé. Mme Cameron était autorisée à se faire remplacer à ses propres frais, mais elle ne pouvait pas communiquer les codes, de sorte qu’elle devait être là pour ouvrir et fermer les locaux.

 

[19] Mme Cameron a témoigné que l’appelant préférait qu’elle ne travaille pas pour d’autres, au cas où il aurait besoin d’elle. Elle a également témoigné que l’appelant lui fournissait les outils et les produits nécessaires pour faire le travail, sauf dans le cas d’un client qui fournissait en partie le matériel et les produits de nettoyage. Mme Cameron voyageait avec sa voiture et l’appelant lui payait un plein d’essence chaque semaine alors qu’il lui en fallait parfois trois. Elle n’était pas assurée et tenait l’appelant au courant de tout ce qui se passait au moyen de ses feuilles de travail et des feuilles de commentaires. En ce qui concerne un client particulier, Mme Cameron avait dû appeler l’appelant avant de partir pour vérifier s’il y avait autre chose à faire.

 

[20] Shirley Allain a travaillé pour l’entreprise de l’appelant du mois de mai au mois de septembre 2002. Elle a quitté l’appelant après s’être vu refuser sa demande de congé pour les fins de semaine. Mme Allain travaillait huit heures par semaine et était rémunérée aux deux semaines. Elle travaillait pour différents clients, mais en ce qui concerne un client en particulier, elle a demandé à être la seule à travailler à cet endroit, de sorte qu’elle ne pouvait pas envoyer quelqu’un d’autre à sa place. Mme Allain devait se conformer à ce qu’elle a appelé la liste de tâches. Elle remplissait les feuilles de commentaires de façon que l’appelant sache qu’elle avait travaillé. L’appelant lui avait fourni le code permettant d’entrer dans les locaux du client. Mme Allain a témoigné ne pas avoir fourni quoi que ce soit au point de vue du matériel ou des outils et ne pas être assurée. Elle a également témoigné avoir refusé certains travaux que l’appelant lui avait offerts. Elle reconnaît que les heures réellement travaillées n’étaient pas pertinentes; pourtant, à un moment donné, une heure additionnelle de travail effectuée à la demande du client a été ajoutée à sa rémunération.

 

[21] Ghislaine Desprès est agente des appels auprès de l’intimé. Elle a remis les mêmes questionnaires de constatation des faits à 7 des 24 travailleurs étant donné que la secrétaire de l’appelant l’avait informée que les 24 travailleurs accomplissaient les mêmes travaux et devaient s’acquitter des mêmes tâches. Elle a choisi au hasard tous les travailleurs à qui elle a remis le questionnaire, sauf dans un cas. En plus de faire remplir les questionnaires, elle a rencontré la secrétaire de l’appelant et a eu des conversations téléphoniques avec les employés, au bureau de l’appelant. Elle a obtenu et examiné les contrats, les feuilles de temps et les feuilles de commentaires et elle a conclu que 23 des 24 travailleurs, au cours de la période en question, étaient régis par un contrat de louage de services et exerçaient donc un emploi assurable ouvrant droit à pension.

 

[22] La question à trancher est de savoir si ces 23 travailleurs exerçaient auprès de l’appelant un emploi assurable, au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi, et ouvrant droit à pension, au sens du paragraphe 6(1) du Régime. Existe‑t‑il un contrat de louage de services entre eux et l’appelant de sorte que, pendant la période en question, l’appelant aurait dû déduire et verser des cotisations au titre de l’assurance‑emploi et du Régime de pension du Canada pour le compte des travailleurs?

 

[23] Dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] A.C.S. no 61 (QL), la Cour suprême du Canada a confirmé que le critère comprenant quatre éléments énoncé dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. The Minister of National Revenue, 87 DTC 5025, est une approche convaincante, comme il en est fait mention aux paragraphes 47 et 48 de cette décision :

 

47 Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui‑même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

 

48 Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

[24] Dans de nombreux cas, la Cour d’appel fédérale a appliqué ces facteurs et pris en compte la nature générale de l’enquête, et elle a également tenu compte d’autres facteurs comme la question de savoir à qui appartient l’entreprise et quelle était l’intention des parties lorsqu’elles ont conclu leur contrat (Wolf c. Canada), [2003] 4 C.F. 396.

 

[25] Les avocats des deux parties ont cité des décisions en faveur de leurs positions respectives, dont les faits sont semblables à ceux de la présente affaire. Il reste néanmoins que la question en litige doit être tranchée eu égard aux faits et circonstances de chaque cas.

 

[26] Les parties ont convenu que, même s’il y a des différences dans la façon dont l’appelant traitait les travailleurs, la nature de l’ensemble de la relation qui existait entre l’appelant et les travailleurs, laquelle doit être établie par la présente cour, sera la même pour tous les travailleurs. Il importe également de noter que toutes les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s’est fondé ont été admises par l’appelant dans ce cas‑ci; toutefois, l’appelant ne souscrit pas à la conclusion du ministre selon laquelle ces faits permettent de conclure que la relation est compatible avec l’existence d’un contrat de louage de services. Toutefois, les faits admis et la preuve produite à l’instruction étayent une telle conclusion.

 

[27] L’appelant présentait des soumissions à l’égard de contrats de nettoyage et négociait des contrats de nettoyage avec divers clients. La preuve n’a pas révélé que ces contrats aient été cédés au profit du travailleur. De fait, les contrats produits en preuve exigeaient expressément le consentement du client avant que l’appelant puisse les céder à quelqu’un d’autre. L’un des contrats produits en preuve exigeait que le travail soit supervisé et que les travailleurs soient couverts par une [traduction] « assurance contre les détournements », ce qui signifie, si je comprends bien, que les travailleurs devaient être cautionnés afin d’accomplir tout travail en vertu de ces contrats. Les contrats des autres clients n’étaient pas aussi détaillés, mais ils avaient néanmoins été conclus avec l’appelant.

 

[28] L’appelant avait donc besoin de travailleurs pour exécuter les travaux nécessaires en vertu de ces contrats. Il avait offert du travail à certains d’entre eux, alors que d’autres lui avaient offert leurs services. La plupart d’entre eux agissaient comme ils l’entendaient une fois que leurs tâches leur avaient été expliquées, mais l’appelant tenait compte de leur rendement, de façon à ne pas perdre de contrats. L’appelant a mis sur pied son système de feuilles de commentaires de façon à pouvoir vérifier si les travailleurs accomplissaient leur travail tous les jours et également s’assurer que ses clients étaient satisfaits du travail.

 

[29] Les heures de travail étaient peut‑être laissées à la discrétion des travailleurs, mais elles devaient être effectuées conformément au contrat. Les parties s’entendaient sur le nombre approximatif d’heures qu’il fallait pour exécuter le travail; par conséquent, il importait peu de savoir combien de temps il fallait pour accomplir le travail et qui l’exécutait réellement, dans la mesure où le client ne se plaignait pas. L’appelant était toujours chargé de trouver des remplaçants, quelles que soient les raisons pour lesquelles on en avait besoin, et les codes de sécurité ne pouvaient être communiqués à ces remplaçants.

 

[30] L’appelant a toujours cru être pleinement responsable de l’exécution des obligations prévues dans son contrat. À mon avis, pour s’acquitter de ces obligations, il devait assurer un certain degré de contrôle. L’appelant n’était peut‑être pas présent tous les jours, mais il examinait le travail des travailleurs et leur rendement en consultant les feuilles de commentaires et les feuilles de temps (à l’égard de certains travailleurs) et lorsqu’il se rendait dans les locaux du client pour nettoyer les tapis. Les feuilles de commentaires lui indiquaient le nombre de plaintes et leur nature.

 

[31] Le fait que les travailleurs devaient corriger eux‑mêmes tout travail mal fait est compatible avec la simple exécution de leurs tâches et n’indique pas nécessairement qu’ils exploitaient une entreprise à leur propre compte. À mon avis, le fait que les heures de travail n’étaient pas fixes et que le travail n’avait pas à être effectué dans un délai précis ne l’indique pas non plus, eu égard aux circonstances, et cela n’est pas non plus concluant. Somme toute, ce qui importait, c’était que le travail soit fait. Il se peut que, eu égard aux circonstances de la présente affaire, l’entreprise de nettoyage en cause et certaines conditions de travail au sein de cette entreprise soient différentes, mais pas au point de me permettre de conclure que l’appelant avait renoncé à son droit d’exercer un contrôle sur ses travailleurs et sur l’exécution de leur travail. L’appelant devait néanmoins s’assurer qu’ils accomplissaient leur travail conformément aux obligations qui lui incombaient en vertu de ses divers contrats.

 

[32] Quant à la question des instruments de travail, les travailleurs n’en fournissaient essentiellement aucun. Mis à part les seaux et les chiffons, tous les produits étaient fournis par l’appelant ou par les clients en vertu des contrats. La preuve ne révèle pas que la question des produits ait jamais été une question ou une condition que les travailleurs ont dû négocier avec l’appelant. La question aurait‑elle été soulevée si les travailleurs avaient exploité leur propre entreprise? Quoi qu’il en soit, le fait que les travailleurs fournissaient peut‑être leurs propres seaux et leurs propres chiffons ne constitue pas un fondement suffisant permettant de conclure qu’ils engageaient suffisamment de dépenses pour indiquer qu’ils étaient des entrepreneurs indépendants ou qu’ils exploitaient leur propre entreprise.

 

[33] Quant à la question de savoir si les travailleurs avaient des chances de réaliser un bénéfice ou risquaient de subir des pertes, l’appelant a soutenu qu’ils avaient la possibilité d’accroître leurs bénéfices en acceptant un plus grand nombre de contrats, en exécutant leur travail d’une façon plus efficace, ce qui augmentait leur disponibilité pour le travail, et également du fait qu’ils pouvaient refuser les contrats offerts par l’appelant s’ils pouvaient obtenir d’autres sources des travaux de nettoyage plus rentables. À mon avis, les circonstances susmentionnées sont davantage compatibles avec le fait que les travailleurs avaient peut‑être plus de chances de gagner plus d’argent s’ils entretenaient avec l’appelant une relation employeur‑employé que s’ils étaient nécessairement en mesure de réaliser un bénéfice ou même de subir des pertes en tant qu’entrepreneurs. Le fait que les travailleurs assuraient leur propre transport pour se rendre au travail et en revenir ne fait pas pour autant d’eux des entrepreneurs indépendants. À mon avis, la preuve ne permet pas de conclure que les travailleurs avaient des chances de réaliser un bénéfice ou risquaient de subir des pertes en tant qu’entrepreneurs. À mon avis, leurs conditions de travail étaient souples et leur permettaient de gagner de l’argent en moins de temps et de refuser du travail ou d’accepter des travaux plus rémunérateurs, comme tout travailleur entretenant une relation employeur‑employé se trouvant dans une situation similaire serait en mesure de le faire.

 

[34] La considération du critère d’intégration nous amène à nous demander à qui appartenait l’entreprise. À mon avis, la preuve ne permet pas de conclure que l’un quelconque de ces travailleurs – sauf l’intervenante, Mme Hélène Maillet – exploitait sa propre entreprise en tant qu’entrepreneur. Tous les travailleurs offraient leurs services à l’appelant ou se faisaient offrir du travail par l’appelant pour que celui‑ci puisse s’acquitter des obligations qui lui incombaient en vertu des contrats conclus avec ses propres clients. Quant à Mme Maillet, elle exploitait sa propre entreprise de nettoyage, mais elle accomplissait du travail pour l’appelant sous la supervision de celui‑ci et en s’acquittant des obligations contractuelles de l’appelant envers les clients de celui‑ci et non envers ses propres clients. Dans cette situation-là, Mme Maillet n’exploitait pas, à mon avis, sa propre entreprise.

 

[35] Compte tenu de la relation dans son ensemble qui existait entre les parties, je suis d’avis que la preuve permet de conclure que les travailleurs n’exploitaient pas leur propre entreprise. À mon avis, l’appelant est la seule personne qui agissait en tant que personne d’affaires en ce sens qu’il présentait des soumissions à divers clients possibles, qu’il prenait des risques en tant qu’entrepreneur et qu’il engageait des capitaux dans du matériel et des fournitures. Les travailleurs s’acquittaient de leurs tâches et ils étaient donc rémunérés à un taux horaire préétabli en fonction du nombre approximatif d’heures nécessaire pour exécuter le travail, et aucun d’eux ne pouvait augmenter sa rémunération si ce n’est en effectuant un plus grand nombre d’heures de travail.

 

[36] Compte tenu de l’analyse qui précède, la Cour est convaincue que tous les travailleurs mentionnés au premier paragraphe pour les deux périodes, sauf Régis Bourque, exerçaient auprès de l’appelant un emploi assurable au sens de la Loi et un emploi ouvrant droit à pension au sens du Régime, étant donné qu’ils étaient régis par un contrat de louage de services. L’appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée.

 

 

Signé à Edmundston (Nouveau‑Brunswick), ce 18e jour d’octobre 2005.

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de juin 2007.

 

Maurice Audet, réviseur

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2005CCI646

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2004‑3208(CPP)

                                                          2004‑3209(EI)

 

INTITULÉ :                                       Maurice R. Cormier, faisant affaire sous la raison sociale de Dan Jo General Cleaning

                                                          c.

                                                          M.R.N. et Hélène Maillet

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Miramichi (Nouveau‑Brunswick)

 

DATES DE L’AUDIENCE :               Les 11 et 12 mai 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 18 octobre 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Stephen J. Doucet

 

Avocat de l’intimé :

Me Edward Sawa

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                             Stephen J. Doucet

 

                   Cabinet :                         Stephen J. Doucet

                                                          Avocat ‑ Lawyer

                                                          Bouctouche (Nouveau‑Brunswick)

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

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