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Dossier : 2004-3596(IT)G

 

ENTRE :

GULF OFFSHORE N.S. LIMITED,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu à Ottawa (Ontario), les 10 et 11 avril 2006.

Devant : l'honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

Me Vern Krishna, c.r.

Me Isabella Mentina

Avocats de l'intimée :

Me Peter Leslie

Me Martin Hickey

 

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est accueilli et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelante exerçait au Canada une activité par l'intermédiaire d'un établissement stable et qu'elle a droit à la déduction des frais associés aux salaires et aux déplacements qu'elle a demandée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour d'avril 2006.

 

 

« Campbell J. Miller »

Le juge Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour d'avril 2008.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

Référence : 2006CCI246

Date : 20060421

Dossier : 2004-3596(IT)G

 

ENTRE :

GULF OFFSHORE N.S. LIMITED,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Miller

 

[1]     Gulf Offshore N.S. Limited (« GONS ») interjette appel de la cotisation établie par le ministre du Revenu national à l'égard de son année d'imposition 1999. La GONS est une société britannique qui, en 1999, a conclu une charte‑partie avec Allseas Canada Limited (« Allseas »). Conformément à ce contrat, elle fournissait à Allseas un navire doté d'un équipage complet, le Highland Pride. En 1999, le Highland Pride a navigué en eaux canadiennes pendant 88 jours, principalement en vue de fournir des tuyaux aux navires d'Allseas, le Lorelay et le Solitaire, tous deux utilisés aux fins de l'installation d'un pipeline au large de la côte de la Nouvelle‑Écosse, près de l'île de Sable. En se fondant sur la Convention fiscale entre le Canada et le Royaume‑Uni, le ministre a établi une cotisation à l'égard de la société GONS pour le motif qu'elle était assujettie à l'impôt canadien étant donné que, pendant ces 88 jours, elle exerçait une activité par l'intermédiaire d'un établissement stable au Canada. Le ministre a ensuite refusé la déduction de certains frais associés aux salaires et aux déplacements, ainsi que des frais d'intérêt et des déductions pour amortissement. La GONS affirme qu'elle n'exerçait pas une activité par l'intermédiaire d'un établissement stable et que, si elle en exerçait une, elle avait droit à toutes les déductions demandées au titre des salaires et des déplacements ainsi que pour les frais d'intérêt. Elle a abandonné la demande qu'elle avait faite à l'égard de la déduction pour amortissement. Je conclus qu'en 1999, la GONS exerçait une activité au Canada par l'intermédiaire d'un établissement stable et qu'elle a droit à la déduction demandée au titre des frais associés aux salaires et aux déplacements, mais non à la déduction demandée pour les frais d'intérêt.

 

[2]     Monsieur Guthrie, vice‑président directeur de la société mère de la GONS, a témoigné pour l'appelante. La GONS a été constituée en société au Royaume‑Uni en 1990. Le premier objectif mentionné dans son acte constitutif est le suivant :

 

[TRADUCTION]

 

a)(i)      Exploiter des navires ravitailleurs et fournir par ailleurs des services de transport entre des bases de ravitaillement terrestres et des zones de transbordement, d'une part, et des installations de forage et de production en mer partout dans le monde, d'autre part, notamment l'approvisionnement en hommes et en matériel des sites où ces activités sont exercées, le remorquage et la mise en place de plateformes de forage et la prestation d'aide en général aux activités de forage en mer.

 

[3]     En 1999, la GONS possédait et exploitait 27 navires ravitailleurs. Le Highland Pride, l'un de ces navires, a été construit en 1992 au coût de 12 000 000 £, dont environ 11 000 000 £ ont été empruntées. (Il y a une certaine divergence entre la preuve présentée par M. Guthrie à cet égard et un tableau fourni par la suite par son avocat et indiquant un emprunt de beaucoup inférieur à 11 000 000 £ et plutôt d'environ 6 500 000 £.) Selon M. Guthrie, les fonds ont été empruntés pour une période de dix ans. Le navire Highland Pride a été construit expressément pour transporter sur le pont des tuyaux destinés à l'installation d'un pipeline en mer. Il a aussi la capacité de transporter d'autres approvisionnements en cale, notamment de l'eau et de la boue. Il s'agissait exclusivement d'un navire ravitailleur conçu pour être utilisé dans une industrie particulière et ne pouvant servir à rien d'autre.

 

[4]     En 1998, la GONS a conclu une charte‑partie[1] avec la société canadienne Allseas Canada Limited en vue de fournir le Highland Pride pour [TRADUCTION] « le transport par mer de tuyaux et d'autres approvisionnements (matériel, équipement, gazole marin, eau, personnel et ainsi de suite) et pour d'autres tâches, en fonction de la capacité naturelle du navire ».

 

[5]     Les frais d'affrètement s'élevaient à 21 500 £ par jour, mis à part le carburant et les droits d'importation. Le contrat stipulait également qu'Allseas devait donner au capitaine toutes les instructions nautiques et autres et que le capitaine et le mécanicien devaient tenir des journaux complets et exacts. C'était le capitaine qui avait le dernier mot au sujet des questions se rapportant à la sécurité du navire.

 

[6]     Un mandataire d'Allseas, Holmes Maritime Inc., a obtenu un permis de cabotage de Douanes Canada. Le permis stipulait qu'il visait [TRADUCTION] « le transport de joints de tuyaux et d'autre matériel depuis le port de chargement jusqu'à la zone d'installation, au large des côtes de la Nouvelle‑Écosse, ainsi que des activités d'installation de tuyaux au large de l'île de Sable et entre Country Harbour (Nouvelle‑Écosse) et l'île de Sable[2] ».

 

[7]     La société GONS fournissait le capitaine, et de fait tout l'équipage. Elle avait conclu un contrat avec la Guernsey Ship Management Ltd. (« GSM »), société soeur établie à titre de société de prestation de main‑d'oeuvre, pour qu'elle dote le navire en officiers et membres d'équipage. La GONS avait également eu recours aux services de matelots d'une société non liée, appelée C‑Mar.

 

[8]     Conformément au contrat de gestion conclu par la GONS et la GSM, celle‑ci exigeait de la GONS un taux quotidien calculé mensuellement en fonction du grade de l'employé. Des taux standard étaient fixés pour chaque grade. Monsieur Guthrie a expliqué que la GONS et la GSM se fondaient sur les taux standard, étant donné que la GONS gérait également d'autres navires et qu'elle voulait éviter de faire preuve de favoritisme à l'égard de la dotation en personnel de son propre navire. Monsieur Guthrie qualifiait ces taux standard de taux du marché.

 

[9]     Monsieur Guthrie a produit les factures présentées par la GSM à la GONS pour la période pertinente. Les factures ne s'appliquaient pas seulement au Highland Pride, mais également à tous les navires visés par un contrat entre la GONS et la GSM. Une liste distincte indiquait la répartition entre les navires. Ainsi, le montant total facturé pour le mois de juin 1999 était de 1 235 100 £ pour la dotation en équipage de tous les navires visés par le contrat. Les documents justificatifs établissaient ensuite la part du Highland Pride à 25 730 £. Pour plus de clarté, disons que cela ne représente pas ce que la GONS a versé en fin de compte aux employés, mais bien ce qu'elle a versé à la GSM. Selon la preuve fournie par M. Guthrie, étant donné l'ancienneté de l'équipage du Highland Pride, le montant que la GSM a versé aux membres d'équipage est fort probablement plus élevé que le montant facturé à la GONS par la GSM, compte tenu des taux standard. Le vérificateur de l'Agence du revenu du Canada n'a jamais reçu la confirmation des montants qui, en fin de compte, ont été versés à l'équipage du Highland Pride, et par conséquent, il a admis seulement 50 p. 100 de la déduction concernant les salaires.

 

[10]    En 1999, le Highland Pride a servi pendant 88 jours au transport de tuyaux et d'autre matériel de la Nouvelle‑Écosse jusqu'aux deux navires d'Allseas qui installaient des tuyaux au large des côtes de la Nouvelle‑Écosse, dans la zone située au large de l'île de Sable. Il lui fallait environ une journée pour se rendre de la côte de la Nouvelle‑Écosse aux deux navires. Lorsqu'il ne faisait pas le transport aller‑retour aux fins du ravitaillement, le Highland Pride se tenait prêt en attendant d'autres instructions d'Allseas.

 

[11]    Quant aux frais de déplacement, la GONS s'occupait elle‑même de ces questions pour les employés de la GSM qui se rendaient au Highland Pride et en revenaient. Monsieur Guthrie a présenté des factures d'OBC Travel pour le mois de juillet, indiquant un montant de 4 133 £ attribuable au Highland Pride pour les frais de déplacement. Cela était étayé par une liste des noms des membres d'équipage et des montants attribués à chacun.

 

[12]    Les états financiers de la GONS comprenaient dans son passif à long terme un [TRADUCTION] « billet payable à la dernière société de portefeuille, portant intérêt au taux de 9,5 p. 100[3] ». Cela représente une dette à la société mère de la GONS, découlant d'un refinancement, en 1998. En 1998, la société mère a pu organiser un financement moins coûteux et elle a donc remboursé les dettes des filiales, en les regroupant. Le solde du montant à rembourser à l'égard de l'emprunt initial concernant le Highland Pride faisait partie de ce refinancement. Monsieur Guthrie n'a pas pu indiquer la répartition, lors de ce refinancement, entre la dette regroupée, comprenant la dette relative au Highland Pride, et l'argent frais emprunté pour la construction de nouveaux navires.

 

[13]    En déterminant le montant des intérêts à allouer au Highland Pride, la GONS a pris un pourcentage de l'intérêt total sur la dette refinancée pour la période pertinente et elle l'a multiplié par le pourcentage correspondant au revenu tiré du Highland Pride par rapport au revenu total tiré de tous les navires. Ainsi, pour les 88 jours en question, le total des frais d'intérêt de la GONS sur la dette envers sa société mère s'élevait à 849 767 £. Le revenu tiré du Highland Pride représentait 22,93 p. 100 du revenu total pour cette période et, par conséquent, les frais d'intérêt déduits par la GONS représentaient 22,93 p. 100 de 849 767 £, soit 194 876 £, ce qui correspond à 461 856 $. L'Agence du revenu du Canada a refusé ces frais d'intérêt en entier pour le motif qu'il n'y avait rien qui permettait d'établir expressément un lien avec le Highland Pride.

 

[14]    Point litigieux – La société GONS exerçait‑elle une activité au Canada en 1999?

 

Analyse

 

[15]    En vertu du paragraphe 2(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu, un non‑résident qui exploite une entreprise au Canada à un moment donné de l'année est assujetti à l'impôt au Canada. La Convention fiscale entre le Canada et le Royaume‑Uni (article 7) libère les entreprises non résidantes de l'impôt au Canada, à moins que le revenu ne soit obtenu par l'intermédiaire d'un établissement stable. L'article 27A de la Convention fiscale entre le Canada et le Royaume‑Uni stipule ce qui suit :

 

2.         Une personne qui est un résident d'un État contractant et qui exerce des activités dans l'autre État contractant dans le cadre de l'exploration ou de l'exploitation du sol et du sous‑sol marins ainsi que de leurs ressources naturelles situés dans cet autre État contractant est, sous réserve du paragraphe 3 du présent article, considérée comme exerçant une activité industrielle ou commerciale dans cet autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé.

 

[16]    Il s'agit donc au départ de savoir si la GONS exerçait une activité ou exploitait une entreprise au Canada. L'avocat de l'appelante a soutenu que la GONS n'exploitait pas d'entreprise selon le sens élargi de cette expression, tel qu'il figure à l'article 253 de la Loi. Avec égards, je conclus qu'il est inutile de se fonder sur tout sens élargi de l'expression, et en me fondant simplement sur un sens ordinaire de l'expression « exploiter une entreprise », je conclus que la GONS exploitait de fait une entreprise au Canada.

 

[17]    Le Highland Pride a navigué en eaux canadiennes pendant 88 jours pour ravitailler sa cliente, Allseas, en tuyaux et en matériel. Contrairement à ce que l'appelante a affirmé, il ne s'agissait pas d'une opération isolée. C'était là ce que faisait la société GONS. Elle possédait et exploitait des navires ravitailleurs au sein de l'industrie de l'installation d'oléoducs et de gazoducs. Elle concluait des contrats, sous forme de contrats de location, en vue de fournir non seulement de l'équipement, c'est‑à‑dire le navire, mais aussi l'équipage manoeuvrant le navire. Conformément au contrat conclu par la GONS avec Allseas, il a certes fallu qu'Allseas donne des directives au sujet de l'endroit où il fallait aller chercher et livrer les approvisionnements, mais ce n'était pas Allseas qui exploitait le navire – c'était la GONS qui le faisait. La GONS exploitait une entreprise au Canada.

 

[18]    Point litigieux – La société GONS exerçait‑elle une activité au Canada par l'intermédiaire d'un établissement stable?

 

[19]    Pour répondre à cette question, il faut analyser l'article 27A. L'argument invoqué par la GONS sur ce point était simplement qu'elle « n'exerçait pas d'activités » au Canada, comme l'exige le paragraphe 27A(2). Toutefois, la GONS a reconnu que, si je concluais qu'elle exerçait des activités au Canada, c'était dans le cadre de l'exploration ou de l'exploitation du sol et du sous‑sol marins ainsi que de leurs ressources naturelles. L'avocat de la GONS a soutenu que je devrais éviter une interprétation littérale ou légaliste de la Convention, et que conclure que ce que la GONS faisait constituait l'exercice d'activités serait adopter une telle approche littérale ou légaliste. La société GONS a affirmé qu'elle avait uniquement conclu un seul contrat de location passif. L'appelante soutient qu'étant donné qu'Allseas dirigeait les activités du Highland Pride, c'était Allseas, et non la GONS, qui exerçait les activités. Ce n'est pas ainsi que je considère l'opération.

 

[20]    L'appelante a comparé la situation à une charte‑partie coque‑nue; on dit que l'intimée reconnaît qu'une telle entente ne fait pas du donneur de licence une personne qui exerce des activités. Avec égards, la fourniture d'un navire ravitailleur spécialement conçu, doté d'un équipage complet, qui est exploité non par Allseas, mais par la GONS, n'a rien à voir avec une charte‑partie coque‑nue. L'appelante a fait une analogie avec un service de transport par limousine avec chauffeur, en faisant valoir que le client qui loue la limousine conduite au Canada par un chauffeur à qui il demande ensuite de l'amener aux États‑Unis est celui qui exerce les activités aux États‑Unis, et non l'entreprise de transport par limousine. Cette analogie n'aide pas l'appelante. Le service de transport par limousine conduit des clients à l'étranger – il exerce sans aucun doute des activités à l'étranger. De même, le Highland Pride, qui appartient à la GONS et qui est exploité par la GONS, quoiqu'en vertu d'un contrat conclu avec Allseas, exerce ses activités au Canada. Le navire appartient à la GONS et il est doté en équipage et exploité par elle; le siège social de la GONS est chaque jour en contact avec le navire; le capitaine est responsable de la sécurité du navire et, de plus, l'équipage et le capitaine dirigent physiquement le navire; il n'existe aucun élément de preuve montrant que les employés d'Allseas aient à quelque moment que ce soit mis les pieds à bord du navire. Cela étant, je conclus que la GONS ne s'occupait pas de location d'équipement. Elle exploitait des navires ravitailleurs partout dans le monde et, lorsqu'elle exploitait le Highland Pride au Canada pendant les 88 jours en question, elle exerçait sans aucun doute des activités au Canada. Il serait de fait étrange de conclure que la GONS exploitait une entreprise au Canada, mais qu'elle n'exerçait pas d'activités au Canada. Par conséquent, étant donné qu'il n'y a aucun litige au sujet de la question de savoir si ces activités étaient liées à l'exploration ou à l'exploitation du sol marin, l'article 27A s'applique et la GONS est réputée exercer une activité au Canada par l'intermédiaire d'un établissement stable, et elle est donc assujettie à l'impôt au Canada.

 

[21]    Point litigieux – La société GONS a‑t‑elle droit à la déduction des frais associés aux salaires, aux déplacements et aux intérêts qu'elle a demandée?

 

[22]    Salaires et déplacements – En vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, de la Loi sur l'interprétation des conventions en matière d'impôts sur le revenu et de la Convention fiscale entre le Canada et le Royaume‑Uni, le revenu imposable d'une entreprise exploitée par l'intermédiaire d'un établissement stable doit être déterminé comme si l'établissement était une entreprise distincte pendant la période où il existe. La difficulté à laquelle fait face la GONS découle du fait qu'elle exploitait 28 navires pendant la période en question et que la GSM lui facturait la prestation des services des équipages de tous les navires. Pourtant, les documents justificatifs renfermaient une ventilation des coûts, basée sur le coût standard, alloués à chaque navire. L'Agence du revenu du Canada ne trouve pas cette méthode acceptable, étant donné qu'elle n'indique pas ce qui, en fin de compte, a été versé à l'équipage du Highland Pride. Cependant, cette méthode indique ce que la GONS a versé à la GSM. À mon avis, il s'agit également d'une approche raisonnable aux fins de l'allocation des salaires, eu égard aux circonstances. On ne m'a soumis aucun élément de preuve donnant à entendre que cette approche est contraire aux principes commerciaux reconnus. La méthode du coût standard est une façon acceptable d'allouer les coûts. En outre, M. Guthrie a témoigné que, dans le cas du Highland Pride, tout écart entre le montant de la facture de la GSM qui est alloué au Highland Pride et les salaires qui ont en fin de compte été versés à l'équipage du Highland Pride serait négatif, c'est‑à‑dire que les salaires réels auraient été plus élevés. Je reconnais que la preuve étaye la déduction que la GONS a faite au titre des salaires, tout en reconnaissant que la GONS aurait pu se montrer plus ouverte en fournissant les listes des membres d'équipage, en indiquant les périodes pendant lesquelles les membres d'équipage avaient travaillé et en donnant les coûts standard pertinents applicables. Je puis comprendre pourquoi l'Agence du revenu du Canada a hésité à admettre le plein montant en l'absence de détails. Somme toute, je reconnais que les montants qui ont été déduits sont justifiables et raisonnables, compte tenu des principes commerciaux acceptables et de la méthode du coût standard. Cette méthode donne une idée claire des dépenses se rattachant au Highland Pride comme s'il s'agissait d'une entreprise distincte.

 

[23]    La société GONS n'a pas ventilé les frais associés aux salaires et les frais de déplacement. Monsieur Guthrie a témoigné que la GONS était responsable du transport aller‑retour de l'équipage du Highland Pride. La facture de l'agent de voyages adressée à la GONS illustre la façon dont les frais de déplacement ont été alloués entre les navires. La facture du mois de juillet indiquait que 4 133 £ avaient été allouées au Highland Pride, et elle était accompagnée de la liste des membres d'équipage et des vols effectués, précisant le coût de ces vols.

 

[24]    En l'absence d'une ventilation détaillée des frais associés aux salaires et des frais de déplacement, il est difficile de concilier cette preuve avec la déduction effectuée par la GONS au titre des déplacements, bien que l'état des résultats fourni pour la période de 88 jours soit corroboré par des entrées informatisées effectuées dans le grand livre. La facturation de l'agent de voyages pour le mois de juillet, d'un montant de 4 133 £, figure dans le grand livre. Somme toute, je retiens la preuve soumise par M. Guthrie et les pièces justificatives, indiquant que les frais de déplacement ainsi que les frais associés aux salaires reflètent avec exactitude les dépenses du Highland Pride comme s'il s'agissait d'une entreprise distincte.

 

[25]    Frais d'intérêt – En 1999, la GONS avait envers sa société mère une dette d'environ 37 000 000 £. Cette dette découlait d'un refinancement qui avait eu lieu l'année précédente, certaines dettes de la GONS, et notamment la dette restante que cette dernière avait à l'égard du Highland Pride, ayant été remboursées et de nouveaux fonds ayant été avancés pour la construction de navires additionnels. La société GONS a réparti les intérêts sur cette dette parmi ses navires en fonction du revenu généré par chaque navire par rapport au total des revenus. Cela indique‑t‑il d'une façon exacte le revenu et les dépenses associés au Highland Pride, comme si le navire était exploité en tant qu'entreprise distincte? Je n'en suis pas convaincu. Contrairement aux dépenses associées aux salaires, à l'égard desquelles on savait qu'un nombre donné de membres d'équipage assuraient l'exploitation du Highland Pride moyennant certains coûts standard, à l'égard de la dette, je ne dispose d'aucun élément de preuve au sujet de la fraction de la dette qui se rapportait, le cas échéant, à l'exploitation du Highland Pride. Je sais qu'en 1998 le montant qui était encore dû sur l'emprunt initial contracté aux fins de la construction du Highland Pride a été remboursé aux prêteurs initiaux et qu'un nouveau financement a été mis en place avec la société mère. Je sais également que le montant initial de 11 000 000 £ ou un montant moindre avait été emprunté en 1992 pour une durée de dix ans. La société GONS a soutenu dans son argumentation qu'il ne serait pas réaliste de s'attendre à ce qu'elle ait suivi le montant de l'emprunt initial qui avait été remboursé. Contrairement à ce qui a été soutenu, je ne crois pas qu'il s'agisse d'une tâche onéreuse sur le plan de la tenue de livres.

 

[26]    Selon la position prise par l'intimée, il n'y a tout simplement rien de concret qui permette d'imputer des frais d'intérêt directement au Highland Pride. Je suis d'accord. Le fondement sur lequel la GONS a alloué les frais d'intérêt n'a rien à voir avec les montants réellement empruntés aux fins du financement des activités d'un navire particulier. Je ne suis pas ici saisi d'une instance engagée sous le régime de la procédure informelle, dans laquelle je pourrais être tenté d'estimer au jugé la fraction de la dette expressément imputable au Highland Pride qui était encore due en 1999. La société GONS devrait être en mesure de me fournir la preuve nécessaire. Or, elle ne l'a pas fait. Selon moi, la méthode par laquelle la GONS a alloué les intérêts ne donne pas non plus une idée claire des véritables frais d'intérêt associés au Highland Pride comme s'il s'agissait d'une entreprise distincte. Il s'agit peut‑être bien d'une méthode appropriée pour une allocation interne, mais je ne la trouve pas acceptable lorsqu'il s'agit d'établir les dépenses associées au Highland Pride en tant qu'entreprise distincte. Ces frais d'intérêt devraient se rapporter directement à l'exploitation du Highland Pride. On n'a pas réussi à me convaincre qu'ils s'y rapportaient.

 

[27]    L'appel est accueilli et la cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen en tenant compte du fait que la GONS exerçait une activité au Canada par l'intermédiaire d'un établissement stable et qu'elle a droit à la déduction des frais associés aux salaires et aux déplacements qu'elle a demandée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour d'avril 2006.

 

 

« Campbell J. Miller »

Le juge Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour d'avril 2008.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2006CCI246

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2004-3596(IT)G

 

INTITULÉ :                                       Gulf Offshore N.S. Limited c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  Les 10 et 11 avril 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               l'honorable juge Campbell J. Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 21 avril 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelante :

Me Vern Krishna, c.r.

Me Isabella Mentina

Avocats de l'intimée :

Me Peter Leslie

Me Martin Hickey

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante :

 

                   Nom :                             Vern Krishna, c.r.

 

                   Cabinet :                         Borden Ladner Gervais LLB

 

       Pour l'intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           Pièce A‑1, onglet 5.

 

[2]           Pièce A‑1, onglet 7.

 

[3]           Pièce A‑1, onglet 1.

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