Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Dossier : 2003‑2477(IT)G

ENTRE :

GKN SINTER METALS - ST. THOMAS LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 14 décembre 2005 à London (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Paris

 

Comparutions

 

Avocat de l’appelante :

Me Keith M. Trussler

 

 

Avocats de l’intimée :

Me Justine Malone

Me Ronald McPhee

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2000 est rejeté, avec dépens, selon les motifs du jugement ci‑joint.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mai 2006.

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mai 2008.

 

Aleksandra Koziorowska


 

 

 

Référence : 2006CCI248

Date : 20060531

Dossier : 2003‑2477(IT)G

ENTRE :

GKN SINTER METALS - ST. THOMAS LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Paris

 

[1]     Il s’agit d’un appel relatif à la nouvelle cotisation établie par le ministre (le « ministre ») du Revenu national, à l’égard de l’appelante pour l’année d’imposition 2000 dans laquelle le montant de la déduction pour amortissement (ci‑après la « DPA ») demandée par l’appelante a été réduit de 1 980 476 $ au motif que la fraction non amortie du coût en capital (ci‑après la « FNACC ») des biens amortissables de l’appelante à la fin de l’année d’imposition en cause était inférieure de 5 480 580 $ au montant déclaré par l’appelante.

 

[2]     Selon le ministre, l’erreur découle de l’application impropre qu’a faite l’appelante de l’article 5401 du Règlement de l’impôt sur le revenu (ci‑après le « Règlement ») pour l’année d’imposition 1993.

 

[3]     En 1993, l’appelante avait de graves difficultés financières et elle a obtenu une remise de dette de ses créanciers. En vertu de l’article 80 de la Loi de l’impôt sur le revenu (ci‑après la « Loi »), l’appelante devait utiliser le montant remis de la dette pour réduire ses pertes des années précédentes de même que le coût en capital de ses biens amortissables et le prix de base rajusté de ses immobilisations. La méthode de calcul de la réduction du coût en capital des biens amortissables aux fins du paragraphe 80(1) de la Loi est prescrite au paragraphe 5401(1) du Règlement. L’appelante et l’intimée ne s’entendent pas sur l’interprétation du sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) et, par conséquent, sur le montant dont l’appelante était tenue de réduire le coût en capital de ses biens amortissables.

 

[4]     La réduction du coût en capital des biens amortissables diminue la FNACC du bien d’un montant équivalent et modifie donc le montant de la DPA que le contribuable peut réclamer pour les années subséquentes. En l’espèce, le solde de fermeture de la FNACC établi par l’appelante a été reporté sur chaque année d’imposition jusqu’en 2000, la première année où l’appelante a réalisé un profit depuis 1993 et a demandé une DPA. La question de l’application correcte du paragraphe 5401(1) n’a donc pas eu d’incidence sur l’impôt à payer par l’appelante avant 2000.

 

[5]     La question en l’espèce est celle de savoir si l’article 80 de la Loi (selon le libellé en vigueur pour l’année d’imposition 1993) et l’article 5401 du Règlement faisaient obligation à l’appelante de réduire à zéro le coût de ses biens amortissables en 1993.

 

LES FAITS

 

[6]     Les faits de l’espèce ne sont pas contestés. Les parties ont rédigé un exposé conjoint des faits, auquel s’ajoutent les faits reconnus dans les plaidoiries. Les voici.

 

[TRADUCTION]

L’appelante a été formée de la fusion, en 1989, de deux sociétés remplacées. Son exercice se terminait le 31 décembre.

 

L’appelante exploitait à St. Thomas (Ontario) une usine de fabrication de pièces de métal en employant une technologie de métal fritté, surtout pour l’industrie automobile.

 

L’appelante a subi de lourdes pertes d’exploitation et n’a déduit aucun montant au titre de la DPA avant le 31 décembre 1993.

 

Au cours de 1993, l’appelante a restructuré ses activités. Par suite de négociations avec ses créanciers, son passif a été réduit de 78 247 605 $.

 

En conséquence de la remise de sa dette, l’appelante s’est prévalue de l’article 80 de la Loi de la manière suivante :

 

-           elle a réduit le solde de ses pertes autres que ses pertes en capital de 33 372 737 $ à 0 $;

 

-           elle a réduit la FNACC de ses biens amortissables de 5 517 274 $ de sorte que le solde de fermeture de la FNACC de ses biens amortissables au 31 décembre 1993 était de 5 480 580 $;

 

-           elle a réduit le prix de base rajusté de ses immobilisations non amortissables de 203 078 $ à 0 $.

 

Les montants remis ayant servi à établir les montants ci‑dessus totalisaient 39 093 089 $, ce qui a laissé un solde non appliqué de 39 154 516 $.

 

En établissant la nouvelle cotisation de l’appelante pour l’année d’imposition 1993, le ministre a réduit le solde de fermeture de la FNACC des biens amortissables de 5 480 580 $ à 0 $. L’impôt à payer pour cet exercice était toutefois nul.

 

L’appelante a ensuite produit une déclaration de revenus pour tous les exercices subséquents, y compris pour l’année d’imposition 2000, en se fondant sur la prémisse selon laquelle le solde de fermeture de la FNACC de 1993 de ses biens amortissables était de 5 480 580 $.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[7]     Selon le libellé du paragraphe 80(1) applicable à l’année d’imposition 1993[1], si la dette ou l’obligation du contribuable est réglée ou éteinte par le paiement d’une somme inférieure au principal de la dette ou de l’obligation, la différence doit servir à réduire, dans l’ordre prescrit, les pertes déductibles pour les années d’imposition antérieures, et si la dette remise excède les pertes subies, l’excédent doit servir à réduire le coût en capital des biens amortissables du contribuable ainsi que le prix de base rajusté de ses immobilisations.

 

[8]     Le libellé du paragraphe 80(1) applicable à l’année d’imposition 1993 était le suivant :

 

80(1) Gain d’un débiteur provenant d’un règlement de dettes.

 

     (1) Lorsque, à une date quelconque pendant une année d’imposition, une dette contractée par un contribuable, ou une autre obligation contractée par un contribuable de payer une somme, est réglée ou éteinte après 1971, sans que ce contribuable effectue de paiement, ou par le paiement d’une somme inférieure au principal de la dette ou de l’obligation, selon le cas, la fraction du moins élevé des montants suivants : ce principal ou le montant pour lequel l’obligation a été émise par le contribuable, qui est en sus de la somme ainsi versée, le cas échéant, doit servir

80(1) Debtor’s gain on settlement of debts.

 

 

     (1) Where at any time in a taxation year a debt or other obligation of a taxpayer to pay an amount is settled or extinguished after 1971 without any payment by him or by the payment of an amount less than the principal amount of the debt or obligation, as the case may be, the amount by which the lesser of the principal amount thereof and the amount for which the obligation was issued by the taxpayer exceeds the amount so paid, if any, shall be applied

a) à réduire, dans l’ordre suivant :

(a) to reduce, in the following order, the taxpayer’s

   (i) les pertes autres que les pertes en capital,

   (i) non‑capital losses,

   (i.1) les pertes agricoles,

   (i.1) farm losses,

   (ii) les pertes en capital nettes, et

   (ii) net capital losses, and

   (iii) les pertes agricoles restreintes,

subies par le contribuable pour des années d’imposition antérieures, jusqu’à concurrence du total de ces pertes qui seraient par ailleurs déductibles lors du calcul du revenu imposable du contribuable pour l’année ou une année postérieure, et

 

   (iii) restricted farm losses,

for preceding taxation years, to the extent of the amount of those losses that would otherwise be deductible in computing the taxpayer’s taxable income for the year or a subsequent year, and

 

b) dans la mesure où cet excédent est supérieur à la fraction en question qui doit servir, en vertu de l’alinéa a), à réduire, de la manière prescrite, le coût en capital supporté par le contribuable, de tous biens amortissables du contribuable et le prix de base rajusté, pour lui, de tous biens en immobilisation […]

 

(b) to the extent that the excess exceeds the portion thereof required to be applied as provided in paragraph (a), to reduce in prescribed manner the capital cost to him of any depreciable property and the adjusted cost base to the taxpayer of any capital property,…

 

 

 

[9]     Les articles 5400 et 5401 du Règlement prescrivaient la façon dont le contribuable était tenu d’appliquer l’excédent en conformité avec l’alinéa 80(1)b) de la Loi.

 

[10]    Le paragraphe 5400(1) prescrivait l’ordre dans lequel le contribuable devait utiliser l’excédent, et le paragraphe 5400(2) autorisait le contribuable à choisir le type de bien auquel cet excédent était appliqué (à condition de respecter l’ordre dans lequel l’excédent devait être appliqué selon le paragraphe 5400(1)). L’article 5400 était ainsi libellé :

 

5400. (1) Sous réserve de l’article 5401, l’excédent mentionné à l’alinéa 80(1)b) de la Loi, après déduction de la fraction de cet excédent qui doit être appliquée de la façon prévue à l’alinéa 80(1)a) de la Loi, doit servir, au moment où la dette ou l’obligation est réglée ou éteinte, à réduire, le plus possible et dans l’ordre suivant,

 

5400. (1) Subject to section 5401, the excess referred to in paragraph 80(1)(b) of the Act, after deducting the portion thereof required to be applied as provided in paragraph 80(1)(a) of the Act, shall be applied at the time the debt or obligation is settled or extinguished, in the following order to reduce to the maximum extent possible

 

a) le coût en capital de biens amortissables d’une catégorie prescrite ou de catégories prescrites, selon le cas;

 

(a) the capital cost of depreciable property of a prescribed class or prescribed classes, as the case may be;

 

b) le coût en capital de biens amortissables autres que des biens amortissables d’une catégorie prescrite;

 

(b) the capital cost of depreciable property other than depreciable property of a prescribed class;

 

c) le prix de base rajusté, à ce moment‑là, d’immobilisations autres que des biens amortissables et des biens à usage personnel;

 

(c) the adjusted cost base at that time of capital property, other than depreciable property and personal‑use property;

 

d) le prix de base rajusté, à ce moment‑là, d’immobilisations qui sont des biens personnels désignés; et

 

(d) the adjusted cost base at that time of capital property that is listed personal property; and

 

e) le prix de base rajusté, à ce moment‑là d’immobilisations qui sont des biens à usage personnel, autres que des biens personnels désignés.

 

(e) the adjusted cost base at that time of capital property that is personal‑use property, other than listed personal property.

 

 

         (2) Lorsqu’une somme doit être affectée conformément au paragraphe (1), le contribuable peut choisir tout bien particulier pour effectuer la réduction dans l’ordre spécifié audit paragraphe.

 

 

 

         (2) Where an amount is to be applied pursuant to subsection (1), the taxpayer may choose any particular property to make the reduction in the order specified therein.

 

 

[11]    Le paragraphe 5401 limitait le montant dont le contribuable était tenu de réduire le coût en capital de ses biens amortissables et le prix de base rajusté de ses immobilisations. Dans le cas de biens amortissables, le plafond ou le maximum du montant de l’excédent devant servir à réduire le coût en capital était le moindre des deux montants calculés en vertu de l’alinéa 5401(1)a) d’une part, et de l’alinéa 5401(1)b) d’autre part.

 

[12]    Le paragraphe 5401(1) est ainsi libellé :

 

5401. (1) Aux fins de l’alinéa 5400(1)a), la somme devant servir à réduire le coût en capital d’un bien ne doit pas excéder le moins élevé des montants suivants :

5401. (1) For the purposes of paragraph 5400(1)(a), the amount to be applied to reduce the capital cost of a property shall not exceed the lesser of

a) la fraction

 

(a) the amount by which

 

(i) du coût en capital du bien

qui excède

(i) the capital cost of the property

exceeds

(ii) tous les montants qui auraient été alloués au contribuable relativement audit bien, si ce bien avait été le seul à être compris dans une catégorie prescrite, au taux qui lui était alloué relativement aux biens de la catégorie dans laquelle il était compris conformément aux règlements établis en vertu de l’alinéa 20(1)a) de la Loi pour les années d’imposition antérieures à l’année au cours de laquelle la dette ou l’obligation a été réglée ou éteinte; et

 

(ii) all amounts that would have been allowed to the taxpayer in respect of the property, if it had been the only property that was included in a prescribed class, at the rate that was allowed to him in respect of property of the class in which it was included under regulations made under paragraph 20(1)(a) of the Act for the taxation years prior to the year in which the debt or obligation was settled or extinguished; and

 

b) la fraction

 

(b) the amount by which

 

(i) du coût en capital non amorti de la catégorie de biens, au moment où la dette ou l’obligation a été réglée ou éteinte,

(i) the undepreciated capital cost of the class at the time the debt or obligation was settled or extinguished

qui excède

(ii) le montant ou l’ensemble des montants, s’il en est, déjà établi, en vertu du présent paragraphe, à l’égard d’un autre bien de la catégorie, au moment dont il est fait mention au sous‑alinéa (i).

exceeds

(ii) the amount or the aggregate of amounts, if any, that has already been determined under this subsection in respect of another property of the class at the time referred to in subparagraph (i).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[13]    Comme on l’a vu plus haut, seul le montant devant être calculé en vertu du sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) est contesté en l’espèce.

 

THÈSE DES PARTIES

 

[14]    Selon l’appelante, le montant précisé au sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) représente la DPA totale dont le contribuable aurait pu se prévaloir relativement aux biens et ce, pour toutes les années d’imposition précédant l’année où la dette a été remise, que le contribuable l’ait déduite ou non dans les faits. L’appelante a qualifié le montant précisé au sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) de [TRADUCTION] « DPA théorique ». Le montant maximum de la réduction applicable au coût des biens amortissables correspondrait donc à l’excédent du coût des biens sur la DPA que l’appelante aurait pu demander à l’égard de ces biens dans les années antérieures. Cette interprétation permettrait à l’appelante d’appliquer aux années d’imposition se terminant après le règlement de ses dettes le montant de la DPA à laquelle elle aurait eu droit dans les années antérieures. Selon l’avocat de l’appelante, il s’agissait là de la [TRADUCTION] « protection de la DPA avant règlement ».

 

[15]    L’intimée a soutenu en revanche que le montant visé au sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) est le montant de DPA qu’on peut considérer comme ayant été déduit dans les faits par le contribuable relativement aux biens en cause. Les avocats de l’intimée ont fait valoir que l’utilisation du conditionnel – « tous les montants qui auraient été alloués au contribuable relativement audit bien » s’imposait, car le législateur avait estimé nécessaire de créer la fiction selon laquelle la DPA pouvait être demandée à l’égard d’un bien particulier quand, en fait, la DPA ne s’appliquait, selon la Loi, qu’à des regroupements d’actifs placés dans des catégories prescrites par le Règlement. Le coût total de tous les biens amortissables de la catégorie (moins tout rajustement pour la DPA demandée au cours des années antérieures et pour le produit de disposition d’actifs appartenant à la catégorie) forme la FNACC de la catégorie à partir de laquelle la DPA est calculée.

 

[16]    Les deux avocats ont cité le récent arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Hypothèques Trustco Canada c. Canada[2] et son analyse des règles d’interprétation des lois dans le contexte de la Loi : « Il n’y a qu’un seul principe d’interprétation : il faut dégager l’intention du législateur en tenant compte du libellé de la disposition, de son contexte et d’autres indices de l’objectif législatif[3]. »

 

[17]    L’avocat de l’appelante a soutenu que le libellé du sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) était clair et ne renfermait aucune ambiguïté.

 

[18]    À l’appui de sa thèse, il a fait référence à deux analyses de fiscalistes ainsi qu’à un extrait d’un bulletin fiscal en feuillets mobiles qui épousaient l’interprétation de l’appelante quant au sous‑alinéa 5401(1)a)(ii).

 

[19]    La première analyse, intitulée A Practical Look at Section 80, d’Alan M. Schwartz, exposait de la manière suivante les modalités d’application du sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) :

 

[TRADUCTION]

Le montant de la réduction applicable au coût original du bien amortissable d’une catégorie prescrite ne peut dépasser la « FNACC théorique » d’un bien donné. Par « FNACC théorique », j’entends le coût original d’un bien donné moins le maximum de la DPA qui pourrait être déduite relativement à ce bien pour les années d’imposition ayant précédé l’année de la remise de la dette. Par conséquent, l’article 80 ne peut avoir pour effet de ramener le coût d’un bien amortissable donné à un montant négatif et de donner lieu à un gain en capital en vertu du paragraphe 40(3)[4].

[Non souligné dans l’original.]

 

[20]    Dans la seconde analyse, intitulée Proposed Changes to the Debt Forgiveness Rules :1[5], Evelyn Moskowitz expliquait ainsi les modalités d’application du sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) :

 

[TRADUCTION]

- le coût en capital du bien, moins la déduction pour amortissement qui aurait été admissible (c’est‑à‑dire, un autre montant que celui ayant été de fait admis) relativement à ce bien, pour toutes les années antérieures à l’année dans laquelle la dette a été remise, si ce bien avait été le seul compris dans la catégorie prescrite[6]. [Souligné dans l’original.]

Mme Moskowitz ajoutait que cette disposition :

 

[TRADUCTION]

[…] protège en fait la déduction pour amortissement à laquelle le débiteur aurait eu droit avant la remise de la dette de l’application des règles visant la remise de dettes[7].

 

[21]    L’avocat de l’appelante a également présenté un extrait d’un bulletin fiscal en feuillets intitulé Income Taxation in Canada[8], selon lequel le montant calculé en vertu du sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) était :

 

[TRADUCTION]

[L]a déduction pour amortissement maximale qui aurait pu être déduite relativement à ce bien pour les années d’imposition ayant précédé l’année au cours de laquelle la dette a été remise […][9]  [Non souligné dans l’original.]

 

[22]    L’avocat a enfin renvoyé à l’arrêt Hypothèques Trustco[10] de la Cour suprême du Canada, au paragraphe 13 des motifs :

 

La Loi de l’impôt sur le revenu demeure un instrument dominé par des dispositions explicites qui prescrivent des conséquences particulières et commandent une interprétation largement textuelle.

 

[23]    L’avocat de l’appelante a donc soutenu que l’interprétation textuelle de la disposition devrait l’emporter en l’espèce.

 

[24]    L’avocate de l’intimée a fait valoir que l’interprétation qu’a faite l’appelante du sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) était erronée, car elle n’a pas tenu compte de la proposition : « si ce bien avait été le seul compris dans une catégorie prescrite, au taux qui lui était alloué », laquelle qualifie la proposition : « tous les montants qui auraient été alloués au contribuable relativement audit bien ».

 

[25]    Selon l’avocate de l’intimée, la fiction qu’a créée le sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) visait à attribuer à un bien précis dans une catégorie une portion de la DPA demandée par le contribuable relativement à la catégorie en question. La fiction ou le mécanisme s’imposent, car le paragraphe 5400(2) autorise le contribuable à choisir les biens dont le coût servira à absorber l’excédent, tandis que la DPA est calculée, en vertu de la Loi, à partir d’un regroupement de biens et non d’un bien particulier dans une catégorie prescrite. L’objet de la fiction n’est pas de créer une [TRADUCTION] « DPA théorique » au sens où il s’agirait d’une DPA que le contribuable aurait pu choisir de demander lors des années d’imposition antérieures.

 

[26]    L’avocate de l’intimée a soutenu en outre que l’expression « au taux qui lui était alloué » précisaient bien que le législateur avait fait référence aux montants effectivement demandés par le contribuable et admis par le ministre.

 

[27]    Elle a fait valoir que le mot « alloué » utilisé au sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) avait trait à la réponse du ministre aux demandes de déduction pour amortissement présentées par des contribuables en vertu de la Loi et non à ce que la Loi prévoyait ou autorisait. Elle a expliqué qu’il en était ainsi pour deux raisons.

 

[28]    En premier lieu, elle a indiqué que le sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) traitait du taux de DPA « qui lui était alloué » et qu’il fallait comprendre cet énoncé comme s’agissant du traitement fiscal accordé à un contribuable en particulier et non du traitement fiscal général de la Loi, qui ne contient aucun montant ni taux de DPA visant précisément un contribuable particulier. Le traitement fiscal du contribuable est fondé sur sa déclaration de revenus et en l’espèce, sur toute demande de DPA présentée dans les déclarations.

 

[29]    En second lieu, elle a soutenu que si le législateur avait voulu que le sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) traitât de la DPA à laquelle le contribuable avait droit mais qu’il n’avait pas demandée, le législateur aurait facilement pu recourir au libellé [TRADUCTION] « au taux auquel il a droit », semblable au libellé de la définition de « bien amortissable » de l’alinéa 13(21)b) de la Loi, et non au libellé « au taux qui lui était alloué ». La définition est rédigée ainsi :

 

« bien amortissable » À un moment donné d’une année d’imposition, bien qu’un contribuable acquiert et pour lequel il obtient une déduction, en vertu de l’alinéa 20(1)a), dans le calcul de son revenu pour cette année ou pour une année d’imposition antérieure ou pour lequel il aurait droit à une telle déduction compte non tenu du paragraphe (26) et s’il était propriétaire du bien à la fin de l’année.

 

[30]    L’avocate de l’intimée a fait valoir qu’il était utile de souligner que l’article 5400 énonçait que l’excédent mentionné à l’alinéa 80(1)b) de la Loi devait servir « à réduire, le plus possible », le coût en capital des biens amortissables et le prix de base rajusté des immobilisations. Selon elle, il en découle que le sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) doit être interprété de manière restrictive pour que la plus grande réduction possible s’appliquât au coût en capital du bien amortissable du contribuable.

 

[31]    L’avocate de l’intimée a fait également valoir que l’interprétation de l’appelante n’était pas conforme à la politique générale sous‑jacente aux règles de remise de dette de l’article 80 de la Loi, qui vise à empêcher que le contribuable ne comptabilise, à des fins d’impôt, des dépenses qu’il n’a pas faites.

 

[32]    En l’espèce, l’avocate de l’intimée a affirmé que l’appelante cherchait à obtenir une décision qui lui permît de continuer à demander une déduction au titre de la DPA à l’égard d’actifs dont elle n’avait pas supporté les coûts.

 

[33]    L’avocat de l’appelante a soutenu que cette dernière a, dans les faits, supporté les coûts des actifs, puisque ceux‑ci se sont dépréciés depuis leur acquisition. L’avocat a affirmé que [TRADUCTION] « l’amortissement entre en jeu dès que la machine est utilisée » sans égard au fait que la DPA soit demandée ou non.

 

ANALYSE

 

[34]    À mon avis, le libellé du sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) n’est pas entièrement clair et peut raisonnablement être interprété de l’une ou l’autre manière proposée par les parties. L’ambiguïté tient à l’emploi de l’expression « au taux qui lui était alloué ». Je suis d’accord avec l’avocate de l’intimée que le mot « alloué » peut avoir deux sens dans le contexte. Je crois que « taux » peut aussi avoir deux sens. Dans ce contexte, « taux » peut signifier le taux de la DPA autorisé par le Règlement pour chaque catégorie de biens amortissables, ou le taux appliqué par le contribuable au calcul de la DPA relativement à une catégorie de biens amortissables, ce taux pouvant être, en fait, inférieur au taux maximal fixé par Règlement, puisque la DPA est une déduction facultative et que le contribuable peut décider de la demander ou non dans toute année d’imposition.

 

[35]    La lecture du libellé français du sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) n’aide pas à trancher la question du sens des mots examinés, puisqu’il contient les mêmes ambiguïtés que le libellé anglais. Dans l’expression « au taux qui lui était alloué », « taux » et « alloué » peuvent tous deux avoir l’un ou l’autre sens, à l’instar de « rate » et « allowed », comme on l’a vu plus haut dans les présents motifs.

 

[36]    Pour clarifier ces ambiguïtés, il s’impose d’examiner le cadre de la disposition et son objet.

 

[37]    Le paragraphe 5401(2) éclaire le régime législatif de l’article 5401 pour ce qui est des biens amortissables. Le paragraphe 5401(2) va de pair avec le paragraphe 5401(1) dans la mesure où il établit le montant maximum de réduction applicable aux « biens amortissables autres que des biens amortissables d’une catégorie prescrite » conformément à l’alinéa 5400(1)b). Le paragraphe 5401(2) est ainsi libellé :

 

5401(2) Aux fins de l’alinéa 5400(1)b), le montant devant servir à réduire le coût en capital d’un bien ne doit pas excéder

 

5401(2) For the purposes of paragraph 5400(1)(b), the amount to be applied to reduce the capital cost of a property shall not exceed

 

      a) la fraction du coût en capital du bien qui

 

(a) the amount by which the capital cost of the property

 

      excède

 

      b) le montant alloué au contribuable en vertu de la partie XVII relativement audit bien, avant que la dette ou l’obligation n’ai été réglée ou éteinte.

exceeds

 

(b) the amount that was allowed to the taxpayer by virtue of Part XVII in respect of the property before the debt or obligation was settled or extinguished.

 

 

[38]    Les « biens amortissables autres que des biens amortissables d’une catégorie prescrite » sont composés d’actifs ayant appartenu au contribuable avant 1972, utilisés pour l’agriculture ou la pêche et à l’égard desquels une déduction pour amortissement a été demandée ou pourrait l’être en vertu de la partie XVII du Règlement[11]. Il importe de signaler que pour les besoins de la DPA, ces actifs ne sont pas regroupés en catégories dans la partie XVII du Règlement. La DPA s’applique à des actifs distincts et il est facile de déterminer quelle est la DPA d’un actif. Ce n’est pas le cas pour les biens amortissables appartenant à une catégorie prescrite, car la DPA est calculée sur le solde de la FNACC pour l’ensemble de la catégorie et non sur chaque bien de la catégorie.

 

[39]    En vertu du paragraphe 5401(2), la réduction maximale du coût des biens amortissables n’appartenant pas à une catégorie prescrite est le coût en capital supporté par le contribuable, moins le « montant » de DPA « alloué au contribuable » à l’égard de ces biens. Aucune mention n’est faite de montants de DPA « qui auraient été alloués au contribuable » (ainsi qu’en fait état le sous‑alinéa 5401(1)a)(ii)), et il n’existe donc aucun fondement permettant d’affirmer que la DPA que le contribuable aurait pu demander, mais n’a pas demandée à l’égard de ces biens, s’applique au calcul de la réduction maximale. Autrement dit, s’il s’agit de biens amortissables autres que des biens appartenant à une catégorie prescrite, « la DPA avant règlement » n’est pas « protégée ».

 

[40]    Ainsi, selon l’interprétation qu’a donnée l’appelante du sous‑alinéa 5401(1)a)(ii), les deux types de biens amortissables auraient un traitement fiscal différent en vertu de l’article 5401 du Règlement. Je suis toutefois d’avis qu’il n’existe aucune raison impérieuse de traiter différemment les deux types de biens amortissables.

 

[41]    En réponse à la thèse de l’intimée selon laquelle il faut réduire le plus possible le coût en capital des biens amortissables en vertu de l’article 5400, je note que du fait des premiers mots de son libellé, celui‑ci est subordonné à l’article 5401. L’article 5401 limite les montants de la réduction applicable au moins élevé des montants en cause. Les mots « le plus possible » de l’article 5400 ne s’appliquent qu’après que le montant le moins élevé applicable en vertu de l’article 5401 a été calculé.

 

[42]    J’en viens maintenant à l’objet de l’article 5401, qui est de [TRADUCTION] « fournir des règles conçues de manière à faire en sorte, en vertu de l’article 80, que la réduction du coût en capital de biens amortissables ne puisse permettre de récupérer la déduction pour amortissement, et que la réduction du prix de base rajusté des immobilisations autres que les biens amortissables ne puisse donner lieu à un gain en capital[12] ».

 

[43]    L’avocat de l’appelante a reconnu que c’était là l’objet de l’article, mais soutenu que le sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) visait également à protéger la DPA avant règlement du contribuable.

 

[44]    Le fait que le paragraphe 5401(2) n’a pas pour effet de protéger la DPA avant règlement à l’égard de biens amortissables autres que des biens d’une catégorie prescrite est l’un des motifs de rejet de l’interprétation du sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) proposée par l’appelante.

 

[45]    Le second motif est qu’un tel objet serait contraire à l’intention générale sous‑jacente aux règles de remise de dettes, qui visent à empêcher le contribuable de comptabiliser, aux fins de l’impôt, des dépenses qu’il n’a pas supportées. Ce principe a été décrit de diverses façons :

 

[TRADUCTION]

En matière de politique fiscale, le fait que la remise de dette fasse naître un gain en capital découle du fait que la dette a permis au débiteur d’acquérir des biens ou de faire des dépenses qui ont donné lieu à des déductions dans le calcul du revenu. Dans la mesure où la dette est remise, ce n’est pas le débiteur qui a supporté les coûts, et il ne peut par conséquent comptabiliser les dépenses aux fins de l’impôt[13].

 

et :

 

[TRADUCTION]

[…] En termes simples, le contribuable ne peut aux fins de l’impôt comptabiliser de perte, ni rajuster le prix de base relativement à des sommes qu’il n’a pas réellement dépensées […][14]

 

[46]    Je ne crois pas que l’appelante ait [TRADUCTION] « supporté les coûts de la dépréciation », comme l’a soutenu son avocat. Si le contribuable ne supporte pas les coûts d’acquisition d’un bien, il ne peut prétendre en avoir supporté les coûts de la dépréciation. En l’espèce, il a été supposé que l’appelante n’avait pas supporté les coûts de ses biens amortissables, parce que le total des dettes remises dépassait le coût d’acquisition de ces biens (après application du montant de la remise aux pertes inutilisées de l’année précédente).

 

[47]    La déduction demandée par l’appelante au titre de la DPA pour l’année d’imposition visée par l’appel touche donc des actifs dont elle était propriétaire lors de la remise de ses dettes et dont elle n’a pas en fin de compte supporté les coûts. Le fait d’accorder une telle déduction au titre de la DPA équivaudrait à la reconnaissance fiscale de dépenses que l’appelante n’a pas supportées.

 

[48]    Pour ces motifs, j’estime que l’interprétation par l’intimée du sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) répond mieux aux considérations de principe entourant l’article 80 que celle de l’appelante.

 

CONCLUSION

 

[49]    Je conclus que l’analyse contextuelle et téléologique nécessaire à la clarification des ambiguïtés du libellé du sous‑alinéa 5401(1)a)(ii) appuie l’interprétation qu’en a donnée l’intimée, et que l’appelante devait réduire le coût en capital de ses biens amortissables en 1993 à zéro par suite de la remise de dettes consentie par ses créanciers.

 

 

[50]    L’appel est rejeté avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, le 31e jour de mai 2006.

 

 

 

 

« B. Paris »

Le juge Paris

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mai 2008.

 

Aleksandra Koziorowska

 


RÉFÉRENCE :                                  2006CCI248

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2003-2477(IT)G

 

INTITULÉ :                                       GKN Sinter Metals - St. Thomas Ltd.

et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   London (Ontario)

 

DATE DE L’AUDITION :                  Le 14 décembre 2005

 

MOTIFS DE JUGEMENT :                L’honorable juge B. Paris

 

DATE DU JUGEMENT :                             Le 31 mai 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Keith M. Trussler

Avocats de l’intimée :

Me Justine Malone

Me Ronald McPhee

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

                   Nom :                             Me Keith M. Trussler

 

                   Cabinet :                         Giffen and Partners

                                                          London (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] L’article 80 a été modifié en profondeur en 1995 et les articles 5400 et 5401 du Règlement ne sont plus pertinents, eu égard à l’application de l’article 80 actuel. Toutefois, ces modifications ne sont pas pertinentes aux fins du présent appel.

 

[2] 2000 CSC 54.

[3] Précité, au paragraphe 40.

[4] Revue fiscale canadienne (1975), volume 23, no 6 563, à la page 576.

[5] Rapport de la Corporate Management Tax Conference, Toronto, Association canadienne d’études fiscales, 1994, 2:1‑2:18).

[6] Ibid., à la page 2:2, note en bas de page 2.

[7] Ibid., à la page 2:3, note en bas de page 2.

[8] Income Taxation in Canada, W.A. Macdonald, éd., Scarborough, Prentice-Hall Canada Inc., 1985.

[9] Ibid., au paragraphe 43, 203. Les exemples d’application du sous-alinéa 5401(1)a)(ii) fournis par l’auteur s’appuient sur l’hypothèse que le contribuable peut utiliser le montant de la DPA dont il aurait pu se prévaloir plutôt que le montant de la DPA effectivement déduit et pouvant être appliqué au bien.

[10] Précité, à la note en bas de page 2.

[11] Voir l’alinéa 1102(1)g) du Règlement.

[12] McKinlay, R.A., « Tax Implications of Bankruptcy and Insolvency Proceedings », dans  Report of the Proceedings of the Twenty-Seventh Tax Conference Report, Toronto, Association canadienne d’études fiscales (1976), 697-712, à la page 700.

[13] Pickford, Barry W. et Tunney, Wayne L., « The Tax Treatment of Forgiveness of Debt and Foreclosures: The Proposed New Rules », dans Report of the Proceedings of the Forty-Sixth Tax Conference, 1994 Conference Report, Toronto, Association canadienne d’études fiscales, 1994, 3:1.

[14] Précité, note de bas de page 12, à la page 698.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.