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Dossier : 2004-3065(GST)I

ENTRE :

ÉVASION HORS PISTE INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 11 juillet 2006, à Sherbrooke (Québec).

Devant : L'honorable juge Pierre Archambault

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Michel Joncas

Avocat de l'intimée :

Me Michel Morel

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JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise pour la période du 1er septembre 2001 au 28 février 2003, dont l'avis porte le numéro 22190 et est daté du 21 janvier 2004, est accueilli et la cotisation déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis qu'un montant de TPS totalisant 910 $ doit être exclu des fournitures taxables faisant l'objet de sa cotisation, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à, Montréal, Québec, ce 1er jour de septembre 2006.

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


Référence : 2006CCI477

Date : 20060901

Dossier : 2004-3065(GST)I

ENTRE :

ÉVASION HORS PISTE INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Archambault

[1]      Il s'agit d'un appel d'une cotisation relative à la taxe sur les produits et services (TPS), établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (LTA) pour la période du 1er septembre 2001 au 28 février 2003 (période pertinente). Dans sa cotisation du 21 janvier 2004, le ministre du Revenu national (ministre) a augmenté la taxe nette d'Évasion Hors Piste Inc. (EHP) d'un montant de 35 397,88 $ avec des intérêts de 788,01 $ et des pénalités de 1 965,13 $. Le litige concerne des fournitures effectuées au Canada en faveur de clients d'EHP résidant aux États-Unis.

Les faits

[2]      Les parties s'entendent quant aux faits pertinents de cet appel. EHP exploite une entreprise de vente de véhicules récréatifs, notamment des motoneiges et des motocyclettes, à St-Élie d'Orford, une localité située à environ 50 kilomètres de la frontière entre le Canada et les États-Unis. Durant la période pertinente, EHP a vendu 61 véhicules à des personnes résidant aux États-Unis, mais a omis de percevoir un montant de TPS de 35 397,88 $. Lors de son témoignage, monsieur Yanick Le Clerc, qui était durant la période pertinente directeur général d'EHP, a confirmé que les véhicules en question avaient été remis aux résidents des États-Unis à son établissement.

[3]      Avant d'effectuer les ventes à ces résidents des États-Unis, monsieur Le Clerc s'était informé auprès du ministère du Revenu du Québec (MRQ), mandataire du ministre, de la procédure à suivre pour pouvoir exporter des véhicules récréatifs en franchise de TPS. Le MRQ lui aurait confirmé qu'aucune TPS n'était due si les biens en question étaient exportés aux États-Unis. Monsieur Le Clerc a décrit la procédure qu'a d'abord adoptée EHP pour exporter ses produits aux États-Unis. Le client américain se présentait à l'établissement d'EHP, effectuait un paiement par chèque certifié ou par traite bancaire, et un représentant d'EHP transportait le véhicule jusqu'à la frontière et la traversait, ayant obtenu un Certificat de Destruction/Exportation, formulaire E 15, sur lequel figurait la mention « exported under customs supervision » (pièce A-4). Le certificat en question indiquait le numéro de série du véhicule récréatif. Le ministre n'a pas établi de cotisation de TPS à l'égard des véhicules exportés dans ces circonstances.

[4]      Par la suite, EHP a modifié cette façon de faire après une proposition d'un courtier en douanes américain, Norman G. Jensen, Inc. (Jensen). Cette société lui offrait de s'occuper de remplir tous les documents nécessaires pour effectuer l'exportation. Monsieur Le Clerc a décrit cette nouvelle procédure de la façon suivante. Le résident des États-Unis se présentait à l'établissement d'EHP et signait un formulaire intitulé « Proforma Invoice » sur lequel apparaissaient la dénomination sociale de Jensen et une description du véhicule récréatif, y compris son numéro de série. EHP y est décrite comme étant « Exporter, Shipper, Seller » , et le client américain, comme « Buyer (if other than consignee) » . Le client américain signait sur ce document l'attestation suivante intitulée « Carrier's Certificate » :

To the district director of customs, port of arrival

The undersigned carrier to whom or upon whose order the articles described above must be released hereby certifies that Norman G. Jensen, Inc. is the owner or consignee of such articles within the purview of section 484(H), Tariff Act of 1930. I certify that this manifest is correct and true to the best of my knowledge.

[5]      Attaché à cette « Proforma Invoice » , il y a un « Certificate of Origin » , soit un formulaire du « Department of the Treasury, United States Customs Service » , sur lequel on trouve le nom d'EHP comme « Exporter » et sur lequel on trouve aussi le numéro de série du véhicule récréatif. Ce certificat était signé par un représentant d'EHP[1].

[6]      Finalement, en plus de la « Proforma Invoice » signée par l'acquéreur du véhicule récréatif, il y avait le contrat de vente entre EHP et cet acquéreur, sur lequel on trouve les renseignements usuels, dont le numéro de série du véhicule ainsi que les conditions de paiement. Le résident des États-Unis repartait avec le véhicule récréatif qui lui avait été livré à l'établissement d'EHP.

[7]      Par la suite, Jensen envoyait par la poste une copie de la « Proforma Invoice » et du « Certificate of Origin » ainsi qu'un autre formulaire du « Department of the Treasury, United States Customs Service » intitulé « Entry Summary » , sur lequel le nom d'EHP était indiqué comme « Importer of Record » , le Canada comme « Exporting Country » et le nom du résident des États-Unis comme « Ultimate Consignee » . Pour monsieur Le Clerc, cet « Entry Summary » constituait la preuve de l'exportation de son véhicule récréatif. Le procureur de l'intimée a reconnu que ce document établissait que le véhicule récréatif remis par EHP au client américain à son établissement avait été exporté aux États-Unis. Finalement, sur un autre formulaire du « Department of the Treasury, United States Customs Service » , intitulé « Customs Bond » , on trouve le nom du « Principal » , EHP, représentée par Jensen, et le nom de la compagnie d'assurances. La preuve n'a pas permis de savoir pourquoi une telle « Customs Bond » avait été souscrite. Ajoutons également que Jensen facturait à EHP ses services de courtage, tel que le révèle la pièce A-2.

[8]      Monsieur Le Clerc a confirmé qu'il avait vérifié auprès d'un compétiteur de la région que cette nouvelle façon de procéder était adéquate pour qu'on puisse effectuer une exportation sans être assujetti à la TPS. De plus, il avait communiqué avec le service de renseignements du MRQ, qui aurait confirmé que, si les papiers prouvaient qu'il y avait eu exportation, cela suffirait. Cette nouvelle façon de procéder était attrayante pour EHP, puisque sa marge bénéficiaire brute sur la vente de véhicules récréatifs était très mince et cette façon de faire lui permettait d'économiser les frais du transport du véhicule de son établissement jusqu'à la frontière américaine.

[9]      Lors de son contre-interrogatoire, monsieur Le Clerc a reconnu que Jensen n'avait jamais eu possession physique des véhicules récréatifs. Jensen se limitait à lui envoyer par la poste ou par télécopie les documents mentionnés ci-dessus. De plus, monsieur Le Clerc a reconnu qu'il n'avait pas montré au ministre ces documents lorsqu'il avait communiqué avec le MRQ pour vérifier s'ils étaient suffisants pour qu'on soit relevé de l'obligation de percevoir la TPS.

Analyse

[10]     Pour justifier sa cotisation, le ministre se fonde sur l'alinéa 142(1)a) LTA, qui dispose comme suit :

142(1) Règle générale − Canada − Pour l'application de la présente partie et sous réserve des articles 143, 144 et 179, un bien ou un service est réputé fourni au Canada si :

a)          s'agissant d'un bien meuble corporel fourni par vente, il est, ou sera, livré à l'acquéreur au Canada ou y est, ou y sera, mis à sa disposition;

[Je souligne.]

[11]     À l'exception de deux ventes à des marchands, les dispositions - notamment les articles 1 et 12 - de la partie V de l'annexe VI de la LTA définissant les fournitures détaxées n'étaient pas applicables non plus aux fournitures visées par la cotisation. Voici ce que disposent les articles 1 et 12 :

1.          [Bien meuble corporel] − La fourniture d'un bien meuble corporel, sauf un produit soumis à l'accise, effectuée par une personne au profit d'un acquéreur, autre qu'un consommateur, qui a l'intention d'exporter le bien, si à la fois :

[...]

b)          l'acquéreur exporte le bien dans un délai raisonnable après en avoir pris livraison de cette personne, compte tenu des circonstances entourant l'exportation et, le cas échéant, de ses pratiques commerciales normales;

c)          l'acquéreur n'acquiert pas le bien pour consommation, utilisation ou fourniture au Canada avant l'exportation;

d)          entre le moment de la fourniture et celui de l'exportation, le bien n'est pas davantage traité, transformé ou modifié au Canada, sauf dans la mesure raisonnablement nécessaire ou accessoire à son transport;

e)          la personne possède des preuves, que le ministre estime acceptables, de l'exportation du bien par l'acquéreur.

12.        [Bien meuble corporel livré à l'étranger] − La fourniture d'un bien meuble corporel (sauf un produit transporté en continu au moyen d'un fil, d'un pipeline ou d'une autre canalisation), dans le cas où le fournisseur, selon le cas :

a)          expédie le bien à une destination à l'étranger, précisée dans le contrat de factage visant le bien;

b)          transfère la possession du bien à un transporteur public ou à un consignataire qui a été chargé d'expédier le bien à une destination à l'étranger par l'une des personnes suivantes :

(i)          le fournisseur pour le compte de l'acquéreur,

(ii)         l'employeur de l'acquéreur;

c)          envoie le bien par courrier ou messager à une adresse à l'étranger.

[Je souligne.]

[12]     Comme les véhicules récréatifs avaient été remis à des consommateurs à l'établissement d'EHP et n'avaient pas été expédiés aux États-Unis ou remis à un « transporteur public ou à un consignataire [...] chargé d'expédier le bien à une destination à l'étranger par [...] le fournisseur pour le compte de l'acquéreur » , les ventes étaient réputées avoir été faites au Canada et les véhicules ne constituaient pas des fournitures détaxées. Par contre, l'intimée a reconnu que parmi les fournitures qui ont fait l'objet de la cotisation, deux étaient des fournitures à des marchands et, par conséquent, les montants correspondant devaient être exclus de la cotisation. Il s'agit d'une fourniture effectuée le 11 septembre 2001 à monsieur Jeff Manning pour un montant de 490 $ et d'une autre faite à monsieur Claude Cotnoir pour 420 $.

[13]     Lors de sa plaidoirie, le procureur d'EHP a reconnu qu'il n'y avait aucune disposition de la LTA qui lui permettait de contester la cotisation du ministre. Selon lui, elle devrait être annulée parce qu'EHP avait été de bonne foi dans sa démarche, qu'elle avait vérifié auprès du MRQ si sa façon de procéder était suffisante pour qu'elle soit relevée de l'obligation de percevoir la TPS et que, dans les faits, les véhicules avaient été réellement exportés. À l'appui de son argument, le procureur d'EHP a cité la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Lévis (Ville) c. Tétreault, 2006 CSC 12, [2006] A.C.S. no 12 (QL). Dans cette affaire, la Cour suprême a reconnu comme valide relativement à l'application d'une pénalité pour une infraction provinciale la défense d'erreur provoquée par une personne ayant autorité. Une accusation avait été portée par la Ville de Lévis contre une personne qui avait conduit un véhicule automobile à l'égard duquel les droits d'immatriculation n'avaient pas été payés, contrairement à l'article 31.1 du Code de la sécurité routière, L.R.Q., ch. C-24-2.

[14]     À mon avis, cette décision n'est d'aucune utilité pour justifier l'annulation de la cotisation du ministre. Il ne s'agit pas ici d'une affaire de droit pénal, mais plutôt d'une affaire de droit administratif. Il s'agit d'une cotisation de taxes auxquelles s'ajoutent, selon le paragraphe 280(1) de la LTA[2], des intérêts et des pénalités calculées comme des intérêts.

[15]     Dans Ville de Lévis, le juge LeBel a reconnu la validité de la « défense d'erreur provoquée par une personne en autorité » ; il en a reconnu la validité « à titre d'exception à la règle selon laquelle l'ignorance de la loi ne constitue pas une excuse » et il l'a fait au nom de la règle de « [l'] équité fondamentale du processus pénal [...] qu'il s'agisse d'infractions de responsabilité stricte ou d'infractions de responsabilité absolue » (par. 20 et suiv. de la décision). Comme l'a écrit le juge Robertson dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Consolidated Canadian Contractors Inc., [1999] 1 C.F. 209, 98 G.T.C. 6303 (CAF), lorsqu'il a retenu la défense de la diligence raisonnable qu'on avait invoquée contre l'application de la pénalité édictée par l'alinéa 280(1)a) LTA, « la valeur judiciaire en cause est le droit général de l'individu de ne pas être puni s'il n'a pas commis de faute, lequel droit est dans le droit fil du principe de common law qu'il ne saurait y avoir sanction en l'absence de toute faute » (par. 33). Ajoutons finalement, comme le faisait le juge Robertson au par. 58 :

[...] j'estime qu'il n'y a pas lieu d'appliquer les concepts de droit pénal dans les matières telle l'affaire en instance. [...] les inscrits n'invoquent pas l'erreur de droit à titre de moyen de défense en cas de défaut de perception et de versement de la TPS. Personne n'a jamais contesté qu'ils soient toujours tenus au moins-payé et aux intérêt y afférents. En effet, la Loi prévoit qu'ils ont le droit de percevoir tout montant qui aurait dû être recouvré auprès de ceux qui sont tenus au paiement de la taxe. Ce qu'ils contestent, c'est la pénalité automatique de 6 p. 100.

[16]     Ici, le procureur d'EHP n'a pas distingué dans sa plaidoirie entre les taxes et la pénalité. Cela peut s'expliquer par le fait que la TPS s'élève à 35 397,88 $ et la pénalité à seulement 1 965,13 $. Même si la « défense d'erreur provoquée » applicable en droit pénal pouvait être également appliquée à l'imposition de la pénalité de l'alinéa 280(1)a) LTA[3], les conditions d'ouverture de la défense énoncées dans Ville de Lévis ne sont pas réunies ici. Voici ce qu'a écrit le juge Le Bel au sujet de ces conditions, aux par. 26 et 27 :

26         Après son analyse de la jurisprudence, le juge en chef Lamer définit les éléments constitutifs et les conditions d'ouverture de la défense. Il impose au prévenu l'obligation de démontrer la présence de six éléments :

1)          la présence d'une erreur de droit ou d'une erreur mixte de droit et de fait;

2)          la considération par son auteur des conséquences juridiques de l'acte accompli;

3)          le fait que l'avis obtenu provenait d'une personne compétente en la matière;

4)          le caractère raisonnable de l'avis;

5)          le caractère erroné de l'avis reçu;

6)          l'accomplissement de l'acte sur la base de cet avis.

(Jorgensen,par. 28-35).

27         Ce cadre d'analyse me paraît s'être imposé, bien que notre Cour ne se soit pas exprimée à son sujet dans l'arrêt Jorgensen. [...] Les préoccupations du procureur général du Canada se rattachent plutôt à la nécessité de démontrer le caractère raisonnable de l'avis et de la confiance que lui a accordée le prévenu. Comme l'a fait la Cour d'appel de l'Ontario, il convient de souligner la nécessité d'établir le caractère objectivement raisonnable non seulement de l'avis, mais aussi de la confiance qui lui a été accordée (R. c. Cancoil Thermal Corp. (1986), 27 C.C.C. (3d) 295; Cranbrook Swine). Des facteurs divers seront pris en considération dans le cours de cette évaluation, comme les efforts faits par le prévenu pour se renseigner, la clarté ou l'obscurité du texte de la loi, le poste et le rôle du fonctionnaire qui a fourni le renseignement ou l'opinion, ainsi que la précision, la fermeté et le caractère raisonnable de ceux-ci (Cancoil Thermal, p. 303). On ne saurait se satisfaire dans ces cas d'une analyse purement subjective de ce caractère raisonnable. Il faut examiner cet aspect de la question par rapport à la perspective de la personne raisonnable placée dans une situation semblable à celle du prévenu.

[Je souligne.]

[17]     Tout d'abord, la preuve présentée par EHP est insuffisante en ce qui a trait au rôle joué par le représentant du MRQ, qui n'a pas été nommé, et à l'erreur qu'il a pu provoquer chez EHP lorsqu'il a répondu aux questions que lui a posées monsieur Le Clerc au téléphone. La preuve n'a pas révélé les questions qui lui ont été posées ni le contexte factuel précis auquel se rapportait ces questions. Si monsieur Le Clerc n'a pas fourni tous les faits pertinents au MRQ, cela pourrait expliquer pourquoi il n'a pas reçu la bonne réponse. Par exemple, on ne sait pas si monsieur Le Clerc a mentionné au MRQ que ses clients comprenaient à la fois des marchands et des consommateurs et s'il a dévoilé que c'est à ces consommateurs qu'EHP livrait, à son établissement, les véhicules, que les consommateurs transportaient eux-mêmes.

[18]     En outre, à mon avis, EHP a été bien imprudente en se limitant à un appel téléphonique. La difficulté qu'il y avait à faire la preuve de cette conversation téléphonique illustre bien cette réalité. Le fait que le courtier américain ne lui fournissait que des formulaires du Trésor américain aurait dû sonner l'alerte. Au moins l'une des deux démarches supplémentaires suivantes aurait dû être entreprise. D'une part EHP aurait pu présenter au ministre par écrit une demande d'interprétation technique dans laquelle elle aurait décrit avec précision la procédure qu'elle entendait suivre pour exporter ses véhicules aux États-Unis. Dans de telles circonstances, il aurait été plus facile de savoir exactement si oui ou non il y avait eu de la part du fonctionnaire du MRQ une erreur d'interprétation qui aurait pu provoquer l'omission de percevoir la TPS. D'autre part, il aurait été plus prudent qu'EHP obtienne une opinion juridique de ses conseillers relativement à l'application de la LTA. Comme on peut le constater, le libellé de l'alinéa 142(1)a) ainsi que des articles 1 et 12 de la partie V de l'annexe VI de la LTA est, somme toute, assez clair pour faire voir que la démarche suivie par EHP ne lui permettait pas d'omettre de percevoir la TPS.

[19]     La défense de la diligence raisonnable n'a pas été invoquée par l'avocat d'EHP à l'encontre de l'application de la pénalité de l'alinéa 280(1)a) de la LTA et il va de soi que cette défense n'est pas justifiée ici. Voici ce que le juge Bowman (tel était alors son titre) a écrit dans Stafford, Stafford and Jakeman c. Canada, [1995] A.C.I. no 89 (QL), par. 15, [1995] G.S.T.C. 7, 7-4 :

[...] La diligence raisonnable englobe plus que simplement accepter un quelconque avis oral qu'a pu donner un répartiteur du ministère du Revenu national. [...]

[Je souligne.]

Il dit également dans Wong c. Canada, [1996] A.C.I. no 1237 (QL), par. 24, [1996] G.S.T.C. 73, 73-5 :

[...] La diligence raisonnable n'est rien de plus que le soin qu'une personne raisonnable prendrait pour assurer le respect de la Loi.    Elle ne requiert ni la perfection, ni l'infaillibilité. Elle requiert toutefois plus qu'une demande de renseignements [informelle] auprès d'un fonctionnaire du ministère du Revenu. J'éprouve énormément de sympathie pour les contribuables aux prises avec une loi complexe et difficile, en particulier dans les premières années de son entrée en vigueur. Mais on ne peut faire fi du libellé de l'article prévoyant la pénalité. Je ne crois pas qu'une défense fondée sur la diligence raisonnable ait été établie, bien que j'estime que M. Wong a agi avec honnêteté et de bonne foi.

[Je souligne.]

À mon avis, ces propos sont également applicables à la démarche d'EHP.

[20]     En conclusion, EHP n'a pas réussi à démontrer que la cotisation établie par le ministre était erronée, sauf à l'égard des ventes effectuées aux deux marchands. Pour cette raison, l'appel d'EHP doit être accueilli et la cotisation déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis qu'un montant de TPS totalisant 910 $ doit être exclu des fournitures taxables faisant l'objet de sa cotisation.

[21]     Même si la cotisation établie par le ministre est conforme à la lettre de la LTA, je ne peux m'empêcher de constater qu'elle n'est pas conforme à son esprit. En effet, il ressort clairement des dispositions de la LTA que les biens tangibles exportés à l'extérieur du Canada ne devraient pas être assujettis à la TPS. Cela traduit d'ailleurs l'un des motifs importants de l'adoption de la TPS en remplacement de l'ancienne taxe de vente fédérale, à savoir : rendre plus compétitifs les produits canadiens sur le marché mondial. Comme le procureur de l'intimée et la vérificatrice ont reconnu que certains des véhicules d'EHP avaient été réellement exportés aux États-Unis, quoiqu'on n'ait pas suivi la bonne façon de faire, EHP se trouve à être pénalisée en devenant responsable d'une taxe qui n'aurait pas eu à être perçue si elle avait suivi la bonne démarche. Par conséquent, je recommande fortement au ministre qu'il exerce le pouvoir que lui confère le paragraphe 23(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques et qu'il prenne un décret de remise édictant le remboursement à EHP des montants de TPS, d'intérêt et de pénalité fixés dans sa cotisation, mais seulement, bien évidemment, dans la mesure où il est convaincu que les véhicules ont été, dans les faits, exportés aux États-Unis. Si le ministre ne prend pas cette mesure, une grave injustice sera commise envers EHP, qui n'est pas en mesure de forcer ses clients américains à lui verser la TPS qu'ils auraient dû lui remettre en sa qualité de mandataire du ministre. En effet, les tribunaux américains refusent d'aider les pays étrangers à percevoir leurs taxes aux États-Unis. Ce fait devrait d'autant plus inciter le ministre à remédier à cette injustice.

Signé à Montréal, Québec, ce 1er jour de septembre 2006.

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


RÉFÉRENCE :                                   2006CCI477

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2004-3065(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               ÉVASION HORS PISTE INC. c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Sherbrooke (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 11 juillet 2006

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Pierre Archambault

DATE DU JUGEMENT :                    le 1er septembre 2006

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me Michel Joncas

Avocat de l'intimée :

Me Michel Morel

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour l'appelante :

                   Nom :                              Me Michel Joncas

                   Cabinet :                          Fontaine, Panneton & associés

                                                          Sherbrooke (Québec)

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           C'est la signature de monsieur Le Clerc qui figure sur le certificat faisant partie de la pièce A-1.

[2]           Le paragraphe 280(1) dispose ainsi :

280(1) Pénalités et intérêts − Sous réserve du présent article et de l'article 281, la personne qui ne verse pas ou ne paie pas un montant au receveur général dans le délai prévu par la présente partie est tenue de payer la pénalité et les intérêts suivants, calculés sur ce montant pour la période commençant le lendemain de l'expiration du délai et se terminant le jour du versement ou du paiement :

a)          une pénalité de 6 % par année;

b)          des intérêts au taux réglementaire.

[Je souligne.]

[3]           Un argument possible à l'encontre d'une telle application est le fait que le ministre a le pouvoir d'annuler les pénalités en vertu du paragraphe 281.1(2) LTA lorsque, notamment, ces pénalités découlent « principalement d'actions attribuables au Ministère, par exemple : [...] c) des renseignements écrits inexacts fournis à une personne donnée dans une interprétation ou un avis du Ministère » (par. 7c du Mémorandum sur la TPS 500-3-2-1 du 14 mars 1994). (Voir les motifs du juge Robertson dans Consolidated Canadian Contractors Inc. (déjà cité), aux par. 51 et suiv.)

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