Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2005-3113(EI)

ENTRE :

DRL GROUP LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de DRL Group Ltd. (2005‑3115(CPP)) le 1er février 2006, à Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

Devant : l'honorable juge L. M. Little

 

Comparutions :

 

Représentant de l'appelante :

John Harding

Avocat de l'intimé :

Me Ted Sawa

________________________________________________________________

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi relativement aux guides et aux agents d'accueil pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2003 est accueilli, sans dépens, et la décision du ministre est modifiée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

          L'appel interjeté en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi relativement aux chauffeurs d'autobus scolaires pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2003 est rejeté et la décision du ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 15e jour de juin 2006.

 

 

« L. M. Little »

Le juge Little

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de septembre 2006.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Dossier : 2005-3115(CPP)

ENTRE :

DRL GROUP LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de DRL Group Ltd. (2005‑3113(EI)) le 1er février 2006, à Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

Devant : l'honorable juge L. M. Little

 

Comparutions :

 

Représentant de l'appelante :

John Harding

Avocat de l'intimé :

Me Ted Sawa

________________________________________________________________

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté en vertu du Régime de pensions du Canada relativement aux guides et aux agents d'accueil pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2003 est accueilli, sans dépens, et la décision du ministre est modifiée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

          L'appel interjeté en vertu du Régime de pensions du Canada relativement aux chauffeurs d'autobus scolaires est accueilli et la décision du ministre est modifiée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de juin 2006.

 

« L. M. Little »

Le juge Little

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de septembre 2006.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

.


 

 

 

 

Référence : 2006CCI331

Date : 20060615

Dossiers : 2005-3113(EI)

2005-3115(CPP)

ENTRE :

DRL GROUP LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Le juge Little

 

A.      Les faits

 

[1]     L'appelante est une personne morale constituée en vertu de la loi intitulée Companies Act (Loi sur les sociétés) de la Nouvelle‑Écosse.

 

[2]     L'appelante avait embauché certaines personnes (les « travailleurs ») comme chauffeurs d'autobus scolaires dans la région de la vallée de l'Annapolis, en Nouvelle‑Écosse.

 

[3]     L'appelante avait également embauché certaines personnes (les « travailleurs ») comme chauffeurs d'autobus de tourisme, guides touristiques et agents d'accueil dans le secteur de l'industrie des croisières à Halifax et à Sydney, en Nouvelle‑Écosse.

 

[4]     Les travailleurs étaient répartis comme suit :

 

          — 40 guides touristiques

          — 8 agents d'accueil

          — 120 chauffeurs d'autobus scolaires

 

(Remarque : Il y avait également un certain nombre de chauffeurs d'autobus de tourisme. Pendant l'audience, M. Harding, le représentant de l'appelante, a déclaré que les chauffeurs d'autobus de tourisme étaient considérés comme des travailleurs par l'appelante et leur situation n'est donc pas en cause devant la Cour.)

 

[5]     L'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») a pris une décision selon laquelle les travailleurs mentionnés ci-dessus occupaient des emplois assurables pendant la période du 1er janvier au 31 décembre 2003 (la « période »), au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi »).

 

[6]     L'ARC a pris une décision selon laquelle les travailleurs occupaient des emplois ouvrant droit à pension lorsqu'ils étaient engagés par l'appelante pendant la période du 1er janvier au 31 décembre 2003 (la « période »), au sens de l'alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada (le « Régime »).

 

B.      Les points en litige

 

[7]    A.        Les travailleurs occupaient-ils des emplois assurables auprès de l'appelante pendant la période, au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi?

 

        B.        Les travailleurs occupaient-ils des emplois ouvrant droit à pension auprès de l'appelante pendant la période, au sens de l'alinéa 6(1)a) du Régime?

 

[8]     Dans une situation de cette nature, je dois déterminer si les travailleurs étaient des employés de l'appelante pendant la période, ou s'ils étaient des entrepreneurs indépendants.

 

[9]     Pour déterminer si une personne est un entrepreneur indépendant ou un employé, les tribunaux canadiens ont élaboré un certain nombre de critères. Les tribunaux ont élaboré un critère mettant l'accent sur la relation entre les deux parties dans son entier, avec une analyse centrée autour de cinq éléments :

 

1.       le degré de contrôle et de supervision;

2.       la propriété des instruments de travail;

3.       les chances de bénéfice et les risques de perte;

4.       l'intégration;

5.       l'intention des parties.

 

[10]    Ces critères ont été proposés par la Cour d'appel fédérale dans la décision Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N.[1], et ils ont été acceptés et approfondis par des décisions subséquentes. La Cour suprême du Canada a eu l'occasion de se pencher de nouveau sur la question dans l'arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc[2]. S'exprimant au nom de la Cour, le juge Major a déclaré :

 

Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches[3].

 

[11]    Par conséquent, le juge Major a estimé que la question centrale à laquelle il fallait répondre était de savoir « si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte ou si elle les fournit en tant qu'employé ».

 

[12]    L'obligation d'adopter une méthode holistique lors de l'examen des critères a déjà été soulignée par la Cour d'appel fédérale :

 

[...] nous considérons les critères comme des subordonnés utiles pour peser tous les faits relatifs à l'entreprise de la requérante. C'est maintenant l'approche appropriée et préférable pour la très bonne raison que dans une cause donnée, et celle-ci peut très bien en être une, un ou plusieurs des critères peuvent être peu ou pas applicables. Pour rendre une décision, il faut donc considérer l'ensemble de la preuve en tenant compte des critères qui peuvent être appliqués et donner à toute la preuve le poids que les circonstances peuvent exiger[4].

 

De la même manière, le juge Major a déclaré ce qui suit dans l'arrêt Sagaz :

 

Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire[5]. (Je souligne.)

 

[13]    Comme énoncé ci-dessus, le critère de la décision Wiebe Door peut être réparti en cinq catégories :

 

[14]    Le contrôle

 

          Dans la décision Wiebe Door, le juge MacGuigan a déclaré ce qui suit :

 

En common law, le critère traditionnel qui confirme l'existence d'une relation employeur-employé est le critère du contrôle, que le baron Bramwell a défini dans R. v. Walker, (1858), 27 L.J.M.C. 207 (page 208) :

 

[TRADUCTION] « À mon sens, la différence entre une relation commettant-préposé et une relation mandant-mandataire est la suivante : un mandant a le droit d'indiquer au mandataire ce qu'il doit faire, mais le commettant a non seulement ce droit, mais aussi celui de dire comment la chose doit être faite[6]. »

 

[15]    La propriété des instruments de travail

 

          Pour l'application de ce critère, la Cour examine les instruments ou les biens utilisés par le travailleur.

 

[16]    Les chances de bénéfice et les risques de perte

 

          Dans une relation employé‑employeur, c'est sur ce dernier que pèse le fardeau du bénéfice ou le risque de perte; l'employé n'encourt aucun risque financier puisqu'il touche le même salaire, peu importe la situation financière de l'employeur[7].

 

          Il faudrait aussi observer que dans la décision Wolf, le juge Desjardins a étendu la notion de risque à des facteurs qui vont au-delà du risque financier. Elle a déclaré :

 

En contrepartie d'une hausse de salaire, l'appelant en l'espèce prenait tous les risques de l'activité à laquelle il se livrait. Il ne pouvait pas souscrire à un régime d'assurance-maladie ni à un régime de retraite de Canadair. Il n'avait pas de sécurité d'emploi, aucune protection syndicale, ne pouvait pas suivre de cours et n'avait pas de chance d'avancement. C'était à lui d'assumer les profits et les facteurs de risque[8].

 

[17]    L'intégration

 

          Le critère de l'intégration est difficile à appliquer[9]. Néanmoins, dans la décision Canada c. Rouselle et al., le juge Hugessen de la Cour fédérale a fait les commentaires suivants sur le critère de l'intégration :

 

Le juge n'a pas mentionné comme tel le facteur « intégration ». Évidemment à la lumière de la jurisprudence citée ci-dessus, il n'était pas indispensable qu'il en parle. Toutefois, s'il l'avait considéré, il est évident que, vu du point de vue des employés, ceux-ci n'étaient intégrés d'aucune façon dans l'entreprise de l'employeur.

 

Leurs allées et venues, leurs heures et même leurs semaines de travail n'étaient d'aucune manière intégrées ni coordonnées avec les opérations de la compagnie qui les payait. Leur travail bien que fait pour l'entreprise de la compagnie n'en faisait pas une partie intégrante mais y était purement accessoire.[10]

 

          En d'autres termes, la question est la suivante :

 

Les remarques de lord Wright, du lord juge Denning et des juges de la Cour suprême des États‑Unis laissent à entendre que le critère fondamental à appliquer est celui‑ci : « La personne qui s'est engagée à accomplir ces tâches les accomplit‑elle en tant que personne dans les affaires à son compte[11]

 

[18]    L'intention des parties

 

          Il s'agit d'un autre critère que les tribunaux ont appliqué pour déterminer si un travailleur était un employé ou un entrepreneur indépendant.

 

          Dans la décision Wolf, le juge Noël a fait les remarques suivantes sur le rôle que joue l'intention contractuelle dans la catégorisation d'un employé :

 

[...] Je reconnais que la façon dont les parties décident de décrire leur relation n'est pas habituellement déterminante, en particulier lorsque les critères juridiques applicables pointent dans l'autre direction. Mais, dans une issue serrée comme en l'espèce, si les facteurs pertinents pointent dans les deux directions avec autant de force, l'intention contractuelle des parties et en particulier leur compréhension mutuelle de la relation ne peuvent pas être laissées de côté[12].

 

[19]    La Cour d'appel fédérale a récemment entendu l'appel Le Royal Winnipeg Ballet c. Le ministre du Revenu national[13]. Dans cette cause, le Royal Winnipeg Ballet (« RWB ») a interjeté appel d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt. Le juge de la Cour de l'impôt avait jugé que Tara Birtwhistle, Johnny Wright et Kerrie Souster étaient, lorsqu'ils étaient employés par le RWB en qualité de danseurs pendant la période allant du 1er janvier au 29 juillet 2001, des employés du RWB et non des entrepreneurs indépendants. La Cour d'appel fédérale a accueilli l'appel et elle a décidé que les danseurs étaient des entrepreneurs indépendants. Pour parvenir à sa décision, le juge Sharlow a déclaré ce qui suit au paragraphe 13 :

 

[13]      Le dossier indique que la CAEA, les danseurs et le RWB se sont entendus sur le fait que les danseurs visés par le Canadian Ballet Agreement sont des entrepreneurs indépendants et non pas des employés du RWB. Il est également généralement reconnu que les régisseurs de plateau engagés par le RWB aux termes du Canadian Ballet Agreement sont des employés du RWB.

 

[20]    Le juge Sharlow a déclaré ce qui suit aux paragraphes 63 et 64 :

 

[63]      Ce qui est inhabituel en l'espèce, c'est qu'il n'y a pas d'accord écrit qui vise à qualifier la relation juridique existant entre les danseurs et le RWB, et que, parallèlement, les parties s'entendent sur ce qu'elles croient être la nature de leur relation. La preuve révèle que le RWB, la CAEA et les danseurs pensaient tous que les danseurs étaient des travailleurs indépendants et qu'ils avaient agi en conséquence. Le litige portant sur la nature de la relation juridique existant entre les danseurs et le RWB vient du fait qu'un tiers (le ministre), qui a un intérêt légitime à ce que la relation juridique soit correctement qualifiée, souhaite faire écarter le témoignage des parties au sujet de leur intention commune parce que ce témoignage n'est pas compatible avec les faits objectifs.

 

[64]      Dans les circonstances, il me semble qu'il serait contraire aux principes applicables de mettre de côté, en le considérant comme dépourvu de toute force probante, le témoignage non contredit des parties quant à la façon dont elles comprennent la nature de leur relation juridique, même si ce témoignage ne saurait être déterminant. Le juge aurait dû examiner les facteurs de l'arrêt Wiebe Door à la lumière de ce témoignage non contredit et se demander si, dans l'ensemble, les faits étaient compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des travailleurs indépendants, comme les parties le pensaient, ou s'ils étaient davantage compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des employés. C'est parce que le juge n'a pas adopté cette approche qu'il en est arrivé à une conclusion erronée.

 

[21]    Au paragraphe 66, le juge Sharlow a fait référence au critère du contrôle exercé par le Royal Winnipeg Ballet et elle a déclaré ce qui suit au paragraphe 67 :

 

[67]      Le même raisonnement s'applique à tous les facteurs, considérés dans leur ensemble, dans le contexte de la nature des activités qu'exerce le RWB et du travail qu'exécutent les danseurs engagés par le RWB. À mon avis, dans la présente affaire, la façon dont les parties interprétaient la nature de leur relation juridique est étayée par les clauses contractuelles et les autres faits pertinents.

 

[22]    Je dois maintenant analyser les faits pertinents pour déterminer comment les différents critères énoncés dans les décisions Wiebe Door[14], Sagaz[15] et Le Royal Winnipeg Ballet[16] s'appliquent à la présente cause.

 

Guides touristiques et agents d'accueil :

 

A.      Le contrôle

 

[23]    Le ministre soutient que l'appelante contrôlait les guides et les agents d'accueil à un point tel que ceux-ci devraient être traités comme des employés.

 

[24]    Le représentant de l'appelante, M. Harding, a émis les arguments suivants :

 

(1)     L'appelante n'avait signé aucun contrat avec les travailleurs, mais elle leur avait dit qu'ils seraient traités comme des entrepreneurs indépendants et non pas comme des employés, et les travailleurs avaient accepté ce fait.

 

(2)     La preuve présentée à la Cour a fait ressortir que chacun des guides et des agents d'accueil était responsable de sa formation et de toute dépense y afférant.

 

(3)     Aucun guide et aucun agent d'accueil n'a travaillé à l'établissement de l'appelante et aucun d'entre eux n'a loué de local de l'appelante. Ils ont tous travaillé au quai où le bateau de croisière jetait ses amarres.

 

(4)     Chacun des guides et des agents d'accueil gérait son propre régime d'avantages sociaux et son propre régime de pension.

 

(5)     L'appelante n'offrait ni aux guides, ni aux agents d'accueil un régime de soins médicaux ou dentaires.

 

(6)     Les guides et les agents d'accueil travaillaient quand ils le voulaient.

 

(7)     Les guides et les agents d'accueil facturaient à l'appelante le travail qu'ils effectuaient.

 

(8)     Les guides et les agents d'accueil s'occupaient de leurs déclarations de revenus et de leurs assurances.

 

(9)     Les guides et les agents d'accueil n'avaient aucune garantie de travail, ni aucune garantie quant au nombre d'heures de travail.

 

(10)    Les guides et les agents d'accueil avaient divers clients. La preuve révèle que certains guides et agents d'accueil travaillaient pour d'autres fournisseurs de croisières. Certains guides et agents d'accueil travaillaient pour des organisations comme Metro Centre ou Exhibition Park dans la région de Halifax.

 

(11)    L'avocat de l'intimé a mis l'accent sur le fait que chacun des travailleurs devait porter un « uniforme » (par exemple, une veste rouge, une chemise blanche, un pantalon noir, des chaussures noires de « style cuir »).

 

En ce qui a trait à la mention de l'« uniforme », M. Harding a déclaré que la majorité des travailleurs fournissaient leurs propres uniformes et que ces derniers étaient très simples — une chemise blanche, un pantalon noir et des chaussures noires de « style cuir ». La société fournissait une veste rouge pour des raisons d'identification et les travailleurs fournissaient les autres éléments de leur tenue vestimentaire.

 

(12)    M. Harding a déclaré que l'appelante ne « supervisait » pas les travailleurs. Il a dit : [TRADUCTION] « Ils se supervisaient eux‑mêmes. »

 

[25]    À partir d'une analyse des points énoncés ci-dessus, j'ai conclu que l'appelante ne « contrôlait » pas les guides et les agents d'accueil comme un employeur pourrait contrôler un employé.

 

B.      La propriété des instruments de travail

 

[26]    Monsieur Harding a insisté sur le fait que chacun des guides et des agents d'accueil devait obtenir les renseignements nécessaires pour travailler en tant que guide touristique ou agent d'accueil. Monsieur Harding a fait référence à des livres, à des cours et à l'Internet en tant que sources où des renseignements pouvaient être obtenus afin que les guides se familiarisent avec l'histoire de la région où la visite guidée se déroulait. Monsieur Harding a dit que pour une visite guidée de trois heures, les guides devaient parler pendant environ deux heures. Il a dit qu'ils préparaient leurs propres discours. Monsieur Harding a déclaré que [TRADUCTION] « tout le matériel qu'ils avaient leur appartenait ».

 

[27]    J'en ai conclu que ce critère révèle que les guides et les agents d'accueil étaient des entrepreneurs indépendants et non pas des employés de l'appelante.

 

C.      Les chances de bénéfice et les risques de perte

 

[28]    Monsieur Harding a souligné que les guides recevaient 100 $ pour une journée entière de visites guidées et 60 $ pour une demi‑journée de visites guidées. De plus, M. Harding a déclaré que les guides recevaient généralement des pourboires de leurs clients. Monsieur Harding a dit que les pourboires permettaient aux guides d'accroître leur rémunération pour les visites guidées qu'ils effectuaient. Il a dit que les pourboires étaient basés sur leur énergie, leur professionnalisme et le travail d'arrière‑scène qu'ils effectuaient pour s'assurer qu'ils fournissaient une excellente visite guidée au client.

 

[29]    J'ai conclu que lorsqu'on applique ce critère, il est évident que les guides touristiques avaient une chance de bénéfice et un risque de perte relativement à leur travail en tant que guides.

 

D.      L'intégration

 

[30]    Je ne pense pas que ce critère soit pertinent dans la présente affaire.

 

E.      L'intention des parties

 

[31]    Monsieur Harding a déclaré que dans le secteur de l'industrie des croisières dans le Canada atlantique, et également, il le croit, à la côte Ouest du Canada, la coutume voulait que les guides et les agents d'accueil soient traités comme des entrepreneurs indépendants et non pas des employés. Les personnes qui ont témoigné pour l'appelante et celles qui ont été appelées à témoigner par l'intimé ont indiqué que l'intention des parties était que les guides et les agents d'accueil soient traités comme des entrepreneurs indépendants et non pas des employés.

 

[32]    Dans la décision Le Royal Winnipeg Ballet[17], le juge Sharlow a déclaré ce qui suit :

 

[67]      [...] À mon avis, dans la présente affaire, la façon dont les parties interprétaient la nature de leur relation juridique est étayée par les clauses contractuelles et les autres faits pertinents.

 

Je crois que les commentaires du juge Sharlow s'appliquent à la présente affaire et, selon moi, les guides et les agents d'accueil étaient des entrepreneurs indépendants.

 

[33]    L'appel interjeté par la société relativement aux guides et aux agents d'accueil est accueilli, sans dépens.

 

Les chauffeurs d'autobus scolaires

 

[34]    Je suis convaincu que, lorsqu'on applique les critères de la décision Wiebe Door aux chauffeurs d'autobus scolaires, ces derniers n'étaient pas des employés de l'appelante. Toutefois, l'alinéa 6e) du Règlement pris conformément à la Loi sur l'assurance-emploi énonce :

 

6. Sont inclus dans les emplois assurables, s'ils ne sont pas des emplois exclus conformément aux dispositions du présent règlement, les emplois suivants :

 

[...]

 

e) l'emploi exercé par une personne à titre de chauffeur de taxi, d'autobus commercial, d'autobus scolaire ou de tout autre véhicule utilisé par une entreprise privée ou publique pour le transport de passagers, si cette personne n'est pas le propriétaire de plus de 50 pour cent du véhicule, ni le propriétaire ou l'exploitant de l'entreprise privée ou l'exploitant de l'entreprise publique [...] (Je souligne.)

 

Ce règlement donne au ministre le pouvoir de déterminer qu'un chauffeur d'autobus scolaire évolue dans une relation d'employeur-employé.

 

[35]    L'appel interjeté par l'appelante en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi relativement aux chauffeurs d'autobus scolaires est rejeté.

 

[36]    L'appel interjeté par l'appelante en vertu du Régime de pensions du Canada relativement aux chauffeurs des autobus scolaires est accueilli, sans dépens.

 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 15e jour de juin 2006.

 

 

« L. M. Little »

Le juge Little

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de septembre 2006.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

RÉFÉRENCE :

2006CCI331

 

NUMÉROS DES DOSSIERS DE LA COUR :

2005-3113(EI)

2005-3115(CPP)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

DRL Group Ltd. et

Le ministre du Revenu national

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

le 1er février 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

l'honorable juge L. M. Little

 

DATE DU JUGEMENT :

le 15 juin 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l'appelante :

John Harding

 

Avocat de l'intimé :

Me Ted Sawa

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l'appelante :

 

Nom :

 

 

Étude :

 

 

Pour l'intimé :

John H. Sims, c. r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] [1986] 3 C.F. 553, 70 N.R. 214, [1986] 2 C.T.C. 200, 87 D.T.C. 5025 (C.A.F.).

 

[2] [2001] 2 R.C.S. 983, 204 D.L.R. (4th) 542.

 

[3] Sagaz, précité, au paragraphe 47.

 

[4] Moose Jaw Kinsmen Flying Fins Inc. c. M.R.N., [1988] 2 C.T.C. 2377, 88 D.T.C. 6099, à la p. 6100, n° A‑531‑87, 15 janvier 1988 (C.A.F.).

 

[5] Sagaz, précité, au paragraphe 48.

 

[6] Wiebe Door, à la page 5.

 

[7] Wolf c. Canada, [2002] 4 C.F. 396, [2002] A.C.F. n° 375.

 

[8] Wolf, précité, au paragraphe 87.

 

[9] Precision Gutters Ltd. c. Canada, [2002] A.C.F. n° 771, n° A-79-01, A-80-01, 21 mai 2002, au paragraphe 19.

 

[10] (1990) 124 N.R. 339, à la p. 347, n°A-1243-88, 31 octobre 1990 (C.A.F.).

 

[11] Le juge MacGuigan cite avec approbation les commentaires du juge Cooke dans la décision Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732, à la page 737.

 

[12] Wolf, au paragraphe 122. Le juge Décary accorderait plus de déférence à l'intention des parties, étant donné la tendance des affaires de nos jours : voir les paragraphes 119 à 120. Le juge Desjardins a déclaré aux paragraphes 69 à 72 que le contrat doit refléter exactement la relation entre les parties si on veut lui accorder une quelconque valeur.

 

[13] 2006 CAF 87, n° A-443-04, 2 mars 2006.

 

[14] Wiebe Door, précité.

 

[15] Sagaz, précité.

 

[16] Le Royal Winnipeg Ballet, précité.

 

[17] Le Royal Winnipeg Ballet, précité.

 

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