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Référence : 2006CCI37

Date : 20060117

Dossier : 2005-1002(IT)I

ENTRE :

PIRJO SETCHELL,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]




MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience

à Toronto (Ontario), le 19 décembre 2005.)

La juge Woods

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté par Pirjo Setchell à l'égard d'une cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) pour l'année d'imposition 2003. Au moment d'établir la cotisation, le ministre a rejeté la demande de crédit d'impôt de Mme Setchell en ce qui concerne un cours de quatre semaines que Mme Setchell a suivi pour mettre à jour ses compétences en informatique.

[2]      Il y a deux questions en litige dans cet appel. La première est de savoir si les frais engagés par Mme Setchell donnent droit au crédit d'impôt pour frais de scolarité prévu à l'article 118.5 de la Loi. La deuxième est un argument subsidiaire avancé par Mme Setchell à savoir que les frais sont déductibles dans le calcul de son revenu en tant que dépenses d'entreprise ordinaires.

[3]      J'énoncerai brièvement les faits. En 2003, Mme Setchell a été mise à pied par la Compagnie de la Baie d'Hudson, où elle travaillait comme analyste de systèmes depuis plus de cinq ans. Après avoir cherché d'autres possibilités d'emploi, Mme Setchell a conclu que ses compétences en informatique n'étaient plus monnayables. Après avoir mené des recherches pour savoir quelles compétences pourraient lui être utiles, Mme Setchell a décidé de suivre un cours de quatre semaines donné par SAP Canada Inc. ( « SAP » ), un fournisseur de logiciels informatiques. Elle espérait que ce cours l'aide à trouver du travail dans une entreprise utilisant les logiciels de SAP, soit à titre d'employée soit à titre de travailleuse indépendante. Par l'intermédiaire du programme d'aide qu'offrait son ancien employeur, Mme Setchell avait suivi des cours pour apprendre à gérer sa propre entreprise.

[4]      Depuis qu'elle a terminé le cours donné par SAP, Mme Setchell cherche activement du travail. Elle n'a pas eu de succès jusqu'à maintenant, mais ce n'est pas parce qu'elle n'a pas fait de démarches en ce sens, et elle n'a pas renoncé.

[5]      Mme Setchell a payé 14 097 $ pour suivre le cours de quatre semaines, et elle a reçu une attestation délivrée par SAP lorsqu'elle a terminé le cours avec succès.

[6]      Voici les faits importants. Je passe maintenant aux exigences concernant le crédit d'impôt. La disposition législative pertinente est l'alinéa 118.5(1)a) de la Loi. Cet alinéa comprend deux dispositions importantes en l'espèce : le sous-alinéa (i) et le sous-alinéa (ii).

[7]      J'examinerai d'abord le sous-alinéa (ii). Il s'applique dans le cas d'établissements d'enseignement reconnus par le ministre du Développement des ressources humaines. Les parties conviennent que le sous-alinéa (ii) ne s'applique pas vu que SAP n'est pas reconnue par ce ministère. Un témoin de SAP a affirmé qu'elle avait mené des recherches pour demander que SAP soit reconnue, mais avait conclu qu'il ne s'agissait pas d'une grande priorité parce que, pour la majorité des participants au cours, les frais sont payés par l'employeur. Les employeurs auraient probablement le droit de déduire les frais à titre de dépenses d'entreprise.

[8]      Comme SAP n'est pas reconnue, la seule question en litige est de savoir si le cours peut donner droit au crédit en application du sous-alinéa (i). Ce sous-alinéa s'applique seulement dans le cas d'un « établissement d'enseignement - université, collège ou autre - offrant des cours de niveau postsecondaire » .

[9]      SAP n'est pas une université parce qu'elle n'est pas un établissement conférant des grades universitaires. Elle n'est pas non plus un établissement d'enseignement offrant des cours de niveau postsecondaire. Le témoin de SAP a déclaré qu'il n'était pas obligatoire d'avoir une diplôme d'études secondaires, mais qu'il serait difficile de suivre les cours sans un tel diplôme.

[10]     Il reste à déterminer si SAP est un collège. Il y a un autre obstacle à surmonter, cependant, même s'il est établi que SAP est un collège. Selon le sous-alinéa (ii.1) de l'article pertinent, les cours suivis à un collège ne donnent pas droit au crédit d'impôt à moins qu'il ne s'agisse de cours de niveau postsecondaire.

[11]     Comme il a été mentionné plus tôt, les cours offerts par SAP n'exigeaient pas de diplôme d'études secondaires comme préalable. À mon avis, le critère énoncé au sous-alinéa (ii.1) n'est pas satisfait en l'espèce, et la demande de crédit d'impôt pour frais de scolarité de Mme Setchell doit donc être rejetée.   

[12]     Je passe maintenant à l'argument subsidiaire selon lequel les frais sont déductibles à titre de dépenses d'entreprise ordinaires.

[13]     L'avocat de l'intimée soutient que les frais ne sont pas déductibles parce que Mme Setchell n'exploitait pas une entreprise au moment où elle a suivi le cours. Il a fait référence au fait que Mme Setchell n'avait touché aucun revenu d'entreprise au cours de l'année en question, à l'exception d'un très petit montant reçu à titre de rémunération pour des services de tutorat. Il a fait référence à la décision Martin v. The Queen, [2003] 3 C.T.C. 2416 (C.C.I.).

[14]     Je ne peux pas être en accord avec l'avocat de l'intimée en ce qui concerne la pertinence de la décision Martin. Dans l'affaire Martin, la question en litige était de savoir si les activités exercées par le contribuable étaient exercées dans le cadre d'une entreprise ou à des fins personnelles. On cherchait à savoir si l'activité exercée par le contribuable était suffisamment commerciale pour être considérée comme étant exercée dans le cadre d'une entreprise et non à des fins personnelles.

[15]     En l'espèce, les activités exercées par Mme Setchell ne comportaient aucun élément personnel. Mme Setchell avait pour but de toucher un revenu, que ce soit au moyen d'un emploi ou d'une entreprise.

[16]     Même si la décision Martin n'est pas pertinente, je suis d'accord avec l'avocat de l'intimée pour dire que les frais ne sont pas déductibles, sauf si Mme Setchell exploitait une entreprise au moment où le cours a été suivi. Je ne suis pas d'accord avec lui, cependant, lorsqu'il affirme qu'il est nécessaire que Mme Setchell ait conclu des contrats commerciaux pour pouvoir être considérée comme exploitant une entreprise. Des décisions judiciaires démontrent clairement que cela n'est pas nécessaire. Si la structure financière de l'entreprise est en place et que le contribuable recherche activement des possibilités d'affaires, l'entreprise a alors débuté, même si aucun contrat commercial n'a été conclu. Dans la décision Hudon v. The Queen, 2001 D.T.C. 5630 (C.A.F.), la Cour a statué qu'une société exploitait activement une entreprise même si elle n'avait pas été en mesure de conclure des contrats commerciaux.

[17]     Je constate également que ce critère semble être accepté par l'Agence du revenu du Canada ( « ARC » ). La politique administrative de l'ARC ne fait pas loi, bien entendu, mais elle est utile lorsqu'elle reflète les décisions judiciaires. La politique administrative de l'ARC est exposée au numéro 2 du bulletin d'interprétation IT-364. Selon ce bulletin, l'ARC estime qu'une entreprise n'a pas débuté si des opérations sont entreprises dans l'espoir que les renseignements obtenus justifieront l'établissement d'une entreprise et qu'une entreprise sera considérée comme ayant débuté si des efforts sérieux ou continus sont tentés afin d'amorcer son exploitation normale.

[18]     Vu le témoignage de Mme Setchell, je suis convaincue qu'elle se trouve dans la dernière catégorie. Elle a mené des recherches, elle a engagé une somme de 14 000 $ pour mettre à jour ses compétences et elle a activement cherché du travail. Il ne lui restait plus qu'à décrocher des contrats.

[19]     Je suis principalement influencée par le fait que Mme Setchell a engagé une importante somme d'argent pour mettre à jour ses compétences. Ce fait démontre un engagement sérieux de la part de l'appelante en ce qui concerne ce qu'elle avait entrepris. À mon avis, c'est suffisant pour que l'entreprise ait débuté. Je voudrais aussi faire remarquer que si les déductions devaient être refusées au motif qu'aucun contrat n'avait été conclu, cela mettrait des personnes dans une situation différente en fonction du fait qu'elles avaient réussi à conclure des contrats commerciaux. Le fait que Mme Setchell n'ait pas encore réussi à conclure des contrats ne devrait pas jouer sur la déductibilité.   

[20]     La Couronne a aussi soutenu que les frais sont des dépenses en capital et que la déduction est donc interdite par l'alinéa 18(1)b). L'avocat a fait référence au jugement Cormier v. The Queen, 98 D.T.C. 1070 (C.C.I.).

[21]     Les faits de l'affaire Cormier sont très différents de ceux de l'espèce. Les principes généraux qu'il faut appliquer lorsqu'on cherche à savoir si des frais de scolarité sont des dépenses en capital ou non sont décrits dans le bulletin d'interprétation IT-357R2, qui traite des frais de formation. Toutes les décisions judiciaires que j'ai étudiées, y compris le jugement Cormier, adoptent ces principes.

[22]     Les frais de formation sont généralement déductibles comme frais courants s'ils ont été engagés pour conserver, mettre à jour ou améliorer une compétence ou un titre existant. Ce principe décrit bien la situation de Mme Setchell. À mon avis, les frais engagés par Mme Setchell pour suivre le cours offert par SAP ne sont pas des dépenses en capital.

[23]     Pour ces motifs, l'appel sera accueilli et la cotisation sera renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que les frais que Mme Setchell a payés à SAP sont déductibles dans le calcul du revenu. Aucune ordonnance ne sera rendue quant aux dépens.

Signé à Toronto (Ontario) ce 17e jour de janvier 2006.

« J. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour d'avril 2006.

Sara Tasset


RÉFÉRENCE :

2006CCI37

N º DU DOSSIER DE LA COUR :

2005-1002(IT)I

INTITULÉ :

Pirjo Setchell et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 8 décembre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge Judith Woods

DATE DU JUGEMENT :

Le 20 décembre 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :

Me Martin Beaudry

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

s.o.

Cabinet :

s.o.

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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