Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Dossier : 2001‑2098(EI)

ENTRE :

GURDEV S. GILL,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

RAJINDER SINGH GILL & HAKAM SINGH GILL,

FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE R & H GILL FARMS,

intervenants.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur une période de 24 jours entre le 4 juillet 2005

et le 19 septembre 2005 à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentante de l’appelant :

Ronnie Gill

 

Avocates de l’intimé :

Mes Amy Francis et Shawna Cruz

 

 

Représentante des intervenants :

Ronnie Gill

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

  L’appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée en conformité avec les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 16e jour de juin 2006.

 

« D.W. Rowe »

Le juge suppléant Rowe

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de février 2007.

 

Sara Tasset


 

 

Dossier : 2001‑2100(EI)

ENTRE :

MANJIT K. GILL,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

RAJINDER SINGH GILL & HAKAM SINGH GILL,

FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE R & H GILL FARMS,

intervenants.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur une période de 24 jours entre le 4 juillet 2005

et le 19 septembre 2005 à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentante de l’appelant :

Ronnie Gill

 

Avocates de l’intimé :

Mes Amy Francis et Shawna Cruz

 

 

Représentante des intervenants :

Ronnie Gill

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

  L’appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée en conformité avec les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 16e jour de juin 2006.

 

« D.W. Rowe »

Le juge suppléant Rowe

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de février 2007.

 

Sara Tasset


 

 

Dossier : 2001‑2101(EI)

ENTRE :

HARMIT K. GILL,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

RAJINDER SINGH GILL & HAKAM SINGH GILL,

FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE R & H GILL FARMS,

intervenants.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur une période de 24 jours entre le 4 juillet 2005

et le 19 septembre 2005 à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentante de l’appelant :

Ronnie Gill

 

Avocates de l’intimé :

Mes Amy Francis et Shawna Cruz

 

 

Représentante des intervenants :

Ronnie Gill

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

  L’appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée en conformité avec les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 16e jour de juin 2006.

 

« D.W. Rowe »

Le juge suppléant Rowe

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de février 2007.

 

Sara Tasset


 

 

Dossier : 2001‑2115(EI)

ENTRE :

SURINDER KAUR GILL,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

RAJINDER SINGH GILL & HAKAM SINGH GILL,

FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE R & H GILL FARMS,

intervenants.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur une période de 24 jours entre le 4 juillet 2005

et le 19 septembre 2005 à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentante de l’appelant :

Ronnie Gill

 

Avocates de l’intimé :

Mes Amy Francis et Shawna Cruz

 

 

Représentante des intervenants :

Ronnie Gill

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

  L’appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée en conformité avec les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 16e jour de juin 2006.

 

« D.W. Rowe »

Le juge suppléant Rowe

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de février 2007.

 

Sara Tasset


 

 

Dossier : 2001‑2116(EI)

ENTRE :

SURINDER K. GILL,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

RAJINDER SINGH GILL & HAKAM SINGH GILL,

FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE R & H GILL FARMS,

intervenants.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur une période de 24 jours entre le 4 juillet 2005

et le 19 septembre 2005 à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentante de l’appelant :

Ronnie Gill

 

Avocates de l’intimé :

Mes Amy Francis et Shawna Cruz

 

 

Représentante des intervenants :

Ronnie Gill

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

  L’appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée en conformité avec les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 16e jour de juin 2006.

 

« D.W. Rowe »

Le juge suppléant Rowe

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de février 2007.

 

Sara Tasset


 

 

Dossier : 2001‑2117(EI)

ENTRE :

SANTOSH K. MAKKAR,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

RAJINDER SINGH GILL & HAKAM SINGH GILL,

FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE R & H GILL FARMS,

intervenants.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur une période de 24 jours entre le 4 juillet 2005

et le 19 septembre 2005 à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentante de l’appelant :

Ronnie Gill

 

Avocates de l’intimé :

Mes Amy Francis et Shawna Cruz

 

 

Représentante des intervenants :

Ronnie Gill

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

  L’appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée en conformité avec les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 16e jour de juin 2006.

 

« D.W. Rowe »

Le juge suppléant Rowe

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de février 2007.

 

Sara Tasset


 

 

Dossier : 2001‑2118(EI)

ENTRE :

JARNAIL K. SIDHU,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

RAJINDER SINGH GILL & HAKAM SINGH GILL,

FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE R & H GILL FARMS,

intervenants.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur une période de 24 jours entre le 4 juillet 2005

et le 19 septembre 2005 à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentante de l’appelant :

Ronnie Gill

 

Avocates de l’intimé :

Mes Amy Francis et Shawna Cruz

 

 

Représentante des intervenants :

Ronnie Gill

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

  L’appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée en conformité avec les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 16e jour de juin 2006.

 

« D.W. Rowe »

Le juge suppléant Rowe

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de février 2007.

 

Sara Tasset


 

 

Dossier : 2001‑2120(EI)

ENTRE :

HARBANS K. KHATRA,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

RAJINDER SINGH GILL & HAKAM SINGH GILL,

FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE R & H GILL FARMS,

intervenants.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur une période de 24 jours entre le 4 juillet 2005

et le 19 septembre 2005 à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentante de l’appelant :

Ronnie Gill

 

Avocates de l’intimé :

Mes Amy Francis et Shawna Cruz

 

 

Représentante des intervenants :

Ronnie Gill

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

  L’appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée en conformité avec les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 16e jour de juin 2006.

 

« D.W. Rowe »

Le juge suppléant Rowe

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de février 2007.

 

Sara Tasset


 

 

Dossier : 2001‑2121(EI)

ENTRE :

HIMMAT S. MAKKAR,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

RAJINDER SINGH GILL & HAKAM SINGH GILL,

FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE R & H GILL FARMS,

intervenants.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur une période de 24 jours entre le 4 juillet 2005

et le 19 septembre 2005 à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentante de l’appelant :

Ronnie Gill

 

Avocates de l’intimé :

Mes Amy Francis et Shawna Cruz

 

 

Représentante des intervenants :

Ronnie Gill

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

  L’appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée en conformité avec les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 16e jour de juin 2006.

 

« D.W. Rowe »

Le juge suppléant Rowe

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de février 2007.

 

Sara Tasset


 

 

Dossier : 2001‑2125(EI)

ENTRE :

GYAN K. JAWANDA,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

RAJINDER SINGH GILL & HAKAM SINGH GILL,

FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE R & H GILL FARMS,

intervenants.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur une période de 24 jours entre le 4 juillet 2005

et le 19 septembre 2005 à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentante de l’appelant :

Ronnie Gill

 

Avocates de l’intimé :

Mes Amy Francis et Shawna Cruz

 

 

Représentante des intervenants :

Ronnie Gill

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

  L’appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée en conformité avec les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 16e jour de juin 2006.

 

« D.W. Rowe »

Le juge suppléant Rowe

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de février 2007.

 

Sara Tasset


 

 

Référence : 2006CCI149

Date : 20060616

Dossiers : 2001‑2098(EI), 2001‑2100(EI),

2001‑2101(EI), 2001‑2115(EI),

2001‑2116(EI), 2001‑2117(EI),

2001‑2118(EI), 2001‑2120(EI),

2001‑2121(EI), 2001‑2125(EI)

ENTRE :

 

GURDEV S. GILL, MANJIT K. GILL, HARMIT K. GILL,

SURINDER KAUR GILL, SURINDER K. GILL, SANTOSH K. MAKKAR,

JARNAIL K. SIDHU, HARBANS K. KHATRA,

HIMMAT S. MAKKAR, GYAN K. JAWANDA,

 

appelants,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

 

intimé,

et

 

RAJINDER SINGH GILL & HAKAM SINGH GILL,

FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE R & H GILL FARMS,

 

intervenants.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Rowe

 

[1]  Les appelants interjettent chacun appel de décisions du ministre du Revenu national (le ministre) datées du 11 janvier 2001. Chacune des décisions portait sur une période spécifique se rapportant à la situation particulière de l’appelant qu’elle visait.

 

[2]  Mes Amy Francis et Shawna Cruz ont comparu pour l’intimé. Ronnie Gill, comptable en management accréditée, représentait tous les appelants ainsi que MM. Rajinder Singh Gill et Hakam Singh Gill, qui sont des associés à parts égales d’une société de personnes faisant affaires sous le nom de R & H Gill Farms et qui sont désignés dans l’intitulé de la cause comme intervenants.

 

[3]  Le 12 octobre 2004, le juge Little de la Cour a rendu une ordonnance – en réponse à l’avis de requête déposé par l’avocate de l’intimé – en vue d’obtenir que les appels nommés dans l’avis de requête en question soient entendus ensemble sur preuve commune conformément à l’article 10 des Règles de procédure de la Cour canadienne de l’impôt, en ce qui concerne les appels interjetés en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « LAE »). Cette ordonnance était assortie de directives concernant le déroulement de l’instance et, aux termes d’une autre ordonnance rendue le 10 juin 2005, l’instruction des présents appels devait commencer le 4 juillet 2005 à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

[4]  La présente instance a nécessité 24 jours d’audience, au cours desquels 22 témoins ont été entendus. La plupart des appelants ont témoigné en punjabi et les questions et réponses, ainsi que d’autres aspects de la procédure, ont été interprétés par M. Russell Gill, un interprète judiciaire agréé qui parle couramment l’anglais et le punjabi. En plus d’interpréter les témoignages, M. Gill a – à de nombreuses reprises – traduit simultanément certains documents en convertissant en paroles le message imprimé. On a versé aux dossiers déposés en preuve des comptes rendus des diverses entrevues menées avec les appelants et d’autres personnes. Je suis convaincu que l’interprétation des paroles qui ont été prononcées et la traduction des documents et l’interprétation des questions et des réponses reproduites dans la transcription des interrogatoires préalables des divers appelants ont été effectuées d’une manière extrêmement efficace et selon une norme de qualité qui a permis à tous les témoins de langue punjabie de présenter pleinement leur témoignage et à tous les appelants de soumettre les faits pertinents se rapportant à leur cause. Ronnie Gill, qui représente les appelants et les intervenants, est également capable de communiquer oralement en punjabi. À l’occasion, des personnes de langue punjabie ont témoigné principalement en anglais, mais Russell Gill était présent pour aider à interpréter certains mots ou certaines expressions. Dans un cas précis, M. Kasmir Gill, qui est interprète judiciaire agréé, a remplacé M. Russell Gill.

 

[5]  Dans les centaines de documents qui font partie des pièces versées au dossier de la présente instance, le nom de certaines des personnes en cause est écrit de différentes façons. Le punjabi est une langue syllabique et la conversion à l’alphabet romain donne parfois lieu à une orthographe différente lorsqu’on transcrit des mots phonétiquement.

 

[6]  Dans tous les cas, l’employeur était R & H Gill Farms, ci‑après appelé Gill Farms. Les appels entrent dans deux catégories. Harmit Kaur Gill est l’épouse de Hakam Singh Gill, un des associés de Gill Farms. Manjit Kaur Gill est l’épouse de Rajinder Singh Gill – l’autre associé de Gill Farms – et la soeur de Harmit Kaur Gill. Comme les deux appelantes en question étaient des personnes liées aux associés, le ministre a pris les décisions en vertu du paragraphe 93(3) de la LAE et il a estimé que l’emploi de chacune de ces appelantes n’était pas un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(2)i) parce que ces personnes avaient un lien de dépendance avec Gill Farms dans le cadre de leur emploi et que le ministre n’était pas convaincu, au sens de la disposition en question, qu’elles auraient conclu avec la société de personnes un contrat de travail à peu près semblable si elles n’avaient pas eu de lien de dépendance. L’emploi visé dans les deux appels en question couvre certaines périodes des années 1996, 1997 et 1998 et les lettres de décision mentionnaient aussi l’alinéa 3(2)c) de l’ancienne Loi sur l’assurance‑chômage (la « LAC »), car certaines des périodes d’emploi de Harmit Kaur Gill et de Manjit Kaur Gill remonteraient à une date antérieure à celle de l’entrée en vigueur de la LAE, le 30 juin 1996.

 

[7]  Les autres appelants ne sont pas des personnes liées au sens des dispositions pertinentes de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») qui s’appliquent à la LAE, et toutes les périodes d’emploi faisant l’objet des décisions du ministre se situent en 1998. Pour ce qui est des autres appelants qui ne faisaient pas partie de la famille Gill, la décision prise par le ministre au sujet de chacun d’entre eux reposait sur la conclusion qu’aucun n’exerçait un emploi assurable chez Gill Farms parce que l’emploi exercé au cours de la période à l’examen était considéré comme un emploi comportant un lien de dépendance au sens des dispositions applicables de la LIR. Toutefois, dans chacune des décisions en question, le ministre a calculé, à titre subsidiaire, le nombre d’heures d’emploi et le montant de la rémunération assurable de l’appelant visé au cours de la période en cause pour le cas où sa prétention principale serait par la suite jugée mal fondée. Bien que la méthode consistant à rendre une décision en l’assortissant d’un élément subsidiaire puisse sembler pour le moment inusitée, nous y reviendrons plus loin dans les présents motifs. Les décisions visant les appelants qui n’étaient pas des personnes liées reposent également sur l’alinéa 5(2)i) de la LAE.

 

[8]  Bien que les faits, et notamment les périodes d’emploi, diffèrent d’un appelant à l’autre, l’avocate de l’intimé a signalé les hypothèses suivantes tirées des alinéas 7a) à 7g) inclusivement de la réponse à l’avis d’appel (la « réponse ») de Harmit K. Gill (2001‑2101(EI)) s’appliquent à chacun des appelants dans la présente instance :

 

[TRADUCTION]

a)  au cours des périodes en cause, la société de personnes exploitait une ferme d’une superficie d’environ 8,25 acres sur laquelle elle cultivait des bleuets (la « ferme »);

 

b)  les associés de la société de personnes sont deux frères, Rajinder S. Gill et Hakam S. Gill;

 

c)  l’appelante a épousé Hakam S. Gill et sa soeur, Manjit K. Gill, a épousé Rajinder S. Gill;

 

d)  la société de personnes engageait des employés rémunérés à l’heure et des travailleurs contractuels pour la cueillette des bleuets;

 

e)  les travailleurs contractuels étaient en règle générale embauchés à la journée, au fur et à mesure des besoins, et ils étaient rémunérés à la pièce;

 

f)  les employés rémunérés à l’heure étaient engagés pour toute la durée de la saison et ils étaient payés à l’heure;

 

g)  la société de personnes garantissait aux employés rémunérés à l’heure qu’ils seraient engagés pour toute la saison, peu importe qu’il y ait suffisamment de travail pour eux ou non.

 

[9]  Les présents appels ont été instruits ensemble sur preuve commune, et plusieurs des recueils déposés en preuve – et que nous examinerons en détail plus loin – s’appliquent à la plupart des appelants. Il importe toutefois de signaler que chacun de ces appels est un cas d’espèce qui commande une analyse indépendante de la preuve et une évaluation de la crédibilité en cas de contradictions entre la version des faits donnée par les divers témoins. Ainsi qu’il a été expliqué dès l’ouverture des débats, il incombe à chacun des appelants d’établir le bien‑fondé de sa cause au moyen d’une preuve prépondérante. Qui plus est, on a signalé aux appelants qu’il était important qu’ils divulguent tous les faits entourant leur emploi, y compris tous les détails relatifs aux heures de travail, aux déplacements effectués pour se rendre à leur lieu de travail et pour en revenir, à la nature des tâches effectuées, au mode de rémunération et à l’identité de leurs compagnons de travail.

 

[10]  Les avocates de l’intimé et la représentante des appelants et des intervenants ont consenti au dépôt d’un grand nombre de pièces (dans la plupart des cas, des recueils renfermant de nombreux documents). Au cours des débats, chacun des appelants s’est vu remettre un recueil de documents se rapportant à son appel. Les pièces suivantes ont été versées au dossier :

 

  R‑1 – Recueil de documents de l’intimé (commun) – Vol. 1, onglets 1‑34, inclusivement;

  R‑2 – Recueil de documents de l’intimé (commun) – Vol. 2, onglets 35‑50, inclusivement;

  R‑3 – Recueil de documents de l’intimé concernant Gurdev S. Gill, onglets 1‑14, inclusivement;

  R‑4 – Recueil de documents de l’intimé concernant Harbans K. Khatra, onglets 1‑15, inclusivement;

  R‑5 – Recueil de documents de l’intimé concernant Harmit K. Gill, onglets 1‑19, inclusivement;

  R‑6 – Recueil de documents de l’intimé concernant Surinder Kaur Gill, onglets 1‑13, inclusivement; (Appel 2001‑2115(EI))

  R‑7 – Recueil de documents de l’intimé concernant Surinder K. Gill, onglets 1‑17, inclusivement; (Appel 2001‑2116(EI))

  R‑8 – Recueil de documents de l’intimé concernant Manjit K. Gill, onglets 1‑23, inclusivement;

  R‑9 – Recueil de documents de l’intimé concernant Himmat S. Makkar, onglets 1‑15, inclusivement;

  R‑10 – Recueil de documents de l’intimé concernant Santosh K. Makkar, onglets 1‑14, inclusivement;

  R‑11 – Recueil de documents de l’intimé concernant Jarnail K. Sidhu, onglets 1‑16, inclusivement;

  R‑12 – Recueil de documents de l’intimé concernant Gyan K. Jawanda, onglets 1‑15, inclusivement;

 

[11]  Avant de reproduire le témoignage de chacun des appelants, je vais indiquer le numéro du recueil – dûment coté – qui s’y rapporte. Par la suite, les documents composant ce recueil seront désignés, sauf indication contraire, par un numéro d’onglet. Les pages des documents correspondant aux onglets de chacun de ces recueils portent chacune un numéro – à partir de 1 – dans le coin supérieur droit et elles se poursuivent dans cet ordre jusqu’à la dernière page de la pièce correspondant au dernier onglet. Les renvois aux numéros de pages correspondent à ce numéro même si d’autres marques numériques – manuscrites ou imprimées – apparaissent à l’occasion à divers endroits sur certaines pages.

 

Harmit Kaur Gill

 

[12]  Harmit Kaur Gill a témoigné en punjabi et les questions et les réponses ainsi que d’autres aspects de l’instance ont été interprétés et/ou traduits de l’anglais au punjabi et du punjabi à l’anglais par Russell Gill, interprète. Le recueil de documents de l’intimé qui concerne le présent appel – 2001‑2101(EI) – est la pièce R‑5.

 

[13]  Harmit Kaur Gill interjette appel de la décision par laquelle le ministre a conclu que l’emploi qu’elle avait exercé chez Gill Farms au cours des périodes comprises entre le 25 mai et le 26 septembre 1998, entre le 25 mai et le 27 septembre 1997 et entre le 2 juin et le 19 octobre 1996 n’était pas assurable parce que le ministre n’était pas convaincu, compte tenu de toutes les circonstances, qu’elle aurait conclu avec les frères Gill – Rajinder and Hakam, exerçant leurs activités sous le nom de Gill Farms – un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance. La thèse de l’appelante est que l’emploi qu’elle a exercé au cours des périodes en question était un emploi assurable et qu’elle a gagné l’argent qui lui avait été payé dans le cadre des fonctions qu’elle a exercées ces années‑là.

 

[14]  En plus des hypothèses de fait articulées aux alinéas 7a) à 7g) inclusivement de la réponse se rapportant à l’appel de Harmit Kaur Gill – hypothèses qui seraient les mêmes pour tous les appelants – le ministre se fonde sur les hypothèses suivantes, que l’on trouve aux alinéas 7h) à 7r) de la réponse en question :

 

[TRADUCTION]

h)  la société de personnes a engagé l’appelante comme superviseure sur la ferme au cours des périodes en question;

 

i)  la soeur de l’appelante, Manjit, travaillait aussi sur la ferme comme superviseure pour la société de personnes au cours des périodes en cause;

 

j)  le nombre d’heures travaillées par l’appelante selon les registres de la société de personnes ne correspond pas au nombre d’heures de travail que l’appelante a effectivement effectuées;

 

k)  il arrivait parfois que, selon les livres de paye, l’appelante était censée avoir travaillé comme superviseure alors qu’en fait, les autres employés n’avaient rien à faire;

 

l)  le nombre d’heures que les employés rémunérés à l’heure étaient censés avoir effectuées selon les feuilles de paye de l’appelante était trois fois plus élevé que le nombre habituel d’heures nécessité par une ferme de cette taille;

 

m)  les dépenses salariales de la société de personnes pour 1998 étaient supérieures aux recettes réalisées cette année‑là;

 

n)  la société de personnes n’avait pas besoin d’engager deux superviseurs à temps plein au cours des périodes en question;

 

o)  la société de personnes a remis des relevés d’emploi à l’appelante pour les périodes au cours desquelles elle avait l’habitude de toucher des prestations d’assurance‑emploi;

 

p)  l’appelante est liée à la société de personnes au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu;

 

q)  au moment des faits, l’appelante avait un lien de dépendance avec la société de personnes;

 

r)  compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, il n’est pas raisonnable de conclure que l’appelante et la société de personnes auraient conclu un contrat d’emploi à peu près semblable si elles n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[15]  Harmit Kaur Gill a déclaré à la barre qu’elle travaille dans une conserverie. Elle habite Abbotsford, en Colombie‑Britannique. Elle est mariée à Hakam Singh Gill, et sa soeur, Manjit Kaur Gill, est mariée à Rajinder Singh Gill, le frère de Hakam. L’appelante, qui a la citoyenneté canadienne, est née en Inde. Elle et son mari ont six enfants. Avant que son mari ne décide de commencer à cultiver des bleuets, elle ne connaissait pas bien cette culture, malgré le fait qu’elle avait déjà cueilli des fraises sur leur propre ferme au Canada et des framboises chez quelqu’un d’autre. La ferme actuelle a été achetée en 1978 et Hakam Singh Gill occupait un emploi à temps plein à l’extérieur de la ferme jusqu’en 1998. Il prenait deux semaines de vacances l’été pour travailler à la ferme, et il travaillait aussi pendant ses jours de congé de l’usine et après ses heures de travail. L’appelante a expliqué qu’elle n’avait pas fréquenté l’école au Canada et qu’elle avait appris sur le tas en travaillant sur la ferme de son mari et de son beau‑frère. Malgré le fait qu’elle était chargée d’accomplir diverses tâches liées à l’exploitation de la ferme, elle ne s’occupait pas de l’application de pesticides et/ou d’herbicides et elle ne participait à la fertilisation. Elle a expliqué qu’il était difficile de trouver des travailleurs agricoles pour cueillir les baies à la main parce que Gill Farms n’utilisait pas de machines à récolter les bleuets qui, outre le fait qu’elles coûtent cher, ne font pas la distinction entre les fruits verts et les fruits mûrs. Elle connaissait huit types de bleuets, mais Gill Farms n’en cultivait que quatre, à savoir les Northland, Blue Crop, Dixie et Duke. Suivant l’ordre de mûrissement, les bleuets Duke viennent en premier, suivis des Northland, puis des Blue Crop et, enfin, des Dixie. L’appelante a expliqué que, d’après son expérience, les dates de la récolte de chaque type de bleuet variaient d’une année à l’autre à trois semaines près. Habituellement, les bleuets Duke sont récoltés entre la dernière semaine de juin et la première semaine de juillet. Les bleuets Northland mûrissent environ une semaine plus tard et la récolte des deux variétés se poursuit jusqu’à ce que les autres variétés – Blue Crop et Dixie – soient prêtes à être récoltées. Au moment où les bleuets Dixie sont prêts à être récoltés à la mi‑août, la récolte des Northland tire à sa fin. Selon les conditions météorologiques, l’époque de la cueillette des bleuets Dixie s’étire jusqu’à la fin de septembre ou le début d’octobre. Harmit Kaur Gill a expliqué que Gill Farms avait engagé deux catégories de travailleurs au cours des périodes de 1996, 1997 et 1998 se rapportant à son appel. Certains étaient considérés comme des travailleurs à temps plein et étaient rémunérés à l’heure. L’appelante a expliqué que, même si Gill Farms n’obligeait pas ces travailleurs à utiliser des fiches de cueillette pour calculer le paiement du travail exécuté, les associés voulaient quand même disposer d’un moyen leur permettant de contrôler la production quotidienne moyenne de chaque cueilleur. D’autres travailleurs, qui étaient habituellement engagés pour des périodes plus courtes, étaient payés à la pièce et l’appelante a expliqué qu’il était évident que l’habileté variait considérablement d’un cueilleur à l’autre. Malgré le fait que les fiches de cueillette étaient établies en double exemplaire – lorsqu’elles étaient utilisées par les travailleurs à temps plein – aucun d’entre eux n’était tenu d’en conserver une copie pour calculer sa rémunération. En 1998, au cours de la haute saison, Gill Farms avait employé entre 25 et 30 travailleurs, dont une douzaine étaient payés à l’heure. Aucun travailleur n’avait été recruté par le truchement d’une agence de recrutement. L’appelante a expliqué que Gill Farms produisait des bleuets de haute qualité qui étaient vendus sur le marché du frais à un prix supérieur à celui payé par les conserveries. Il fallait toutefois s’assurer de séparer les fruits mûrs des fruits verts, car les clients de Gill Farms revendaient directement le produit au public. Gill Farms vendait à Greenfield Farms les baies dans de grands contenants (des caisses). D’autres clients achetaient des petits fruits emballés dans des boîtes ou des plateaux. L’appelante a raconté qu’elle travaillait souvent au nettoyage des baies et à la préparation des commandes devant être livrées aux clients. L’appelante a affirmé qu’elle avait été convoquée par lettre à une entrevue au bureau d’Abbotsford du ministère du Développement des ressources humaines du Canada (DRHC) le 28 novembre 1996. Elle se souvient qu’elle était accompagnée de son fils – Kulwant – pour qu’il l’aide à comprendre la procédure, étant donné qu’il parlait, écrivait et lisait l’anglais beaucoup mieux qu’elle. Harmit Kaur Gill soutient qu’on ne l’a pas informée de son droit à un avocat et qu’elle s’était cru forcée de répondre aux questions que lui posait Moira Emery (« Mme Emery ») – une agente d’enquêtes et de contrôle (« AEC ») employée par DRHC – et qu’elle n’avait pas l’impression qu’elle était libre de mettre fin à l’entrevue et de quitter quand bon lui semblait. Elle se souvient que la pièce était exiguë – d’une superficie d’à peine huit pieds sur huit pieds – qu’il n’y avait pas de fenêtres et qu’il faisait chaud. Elle a été interrogée par Mme Emery, qui était assise en face d’elle et qui s’est levée à l’occasion pour lui poser des questions. L’appelante se souvient d’avoir expliqué à Mme Emery qu’elle parlait, écrivait et lisait « un peu » l’anglais, mais qu’il était parfois nécessaire que son fils Kulwant  interprète les questions de Mme Emery en punjabi et traduise ses réponses en anglais pour Mme Emery. Elle a raconté que Kulwant avait cinq ans lorsqu’il était arrivé au Canada et qu’à l’instar de beaucoup d’Indo‑Canadiens nés au Canada, il ne parlait pas un punjabi pur mais qu’il utilisait un mélange de punjabi et d’anglais pour communiquer. Ronnie Gill, la représentante de l’appelant, a cité les notes de l’entrevue prises par Mme Emery (onglet 12). L’appelante a expliqué qu’elle n’avait pas lu ces notes. Elle se rappelle que, vers la fin de 1998, Mme Emery et Claire Turgeon (« Mme Turgeon ») une autre employée de DRHC – s’étaient présentées chez elle, sur les terrains de Gill Farms, sans s’être annoncées au préalable. Il n’y avait pas de travailleurs dans les champs à ce moment‑là. C’est Rajinder Singh Gill qui leur a répondu en présence de son épouse – Manjit. Harmit Kaur Gill se rappelle que Mmes Emery et Turgeon ont posé des questions et que Mme Turgeon lui a fait savoir qu’elle était tenue de répondre et ce, même si elle avait de la difficulté à se souvenir de certains faits. Au bout de quelques minutes, la fille de l’appelante est descendue dans le salon et a insisté pour que Mmes Emery et Turgeon expliquent l’objet de leur visite. Selon l’appelante, Mme Turgeon aurait demandé à sa fille de ne pas s’en mêler. L’entrevue s’est terminée peu de temps après et Harmit Kaur Gill se rappelle qu’on lui a dit que DRHC communiquerait avec elle de nouveau. Jusqu’alors, elle ne s’était pas rendu compte qu’un problème se posait relativement à son admissibilité à des prestations d’assurance‑chômage (AC) en ce qui concerne l’emploi qu’elle avait exercé chez Gill Farms au cours des saisons agricoles précédentes de 1996 et 1997 ou en 1998, d’autant plus qu’elle était une fois de plus devenue admissible à des prestations relativement à sa rémunération assurable à la suite du travail qu’elle avait effectué pour Gill Farms au cours de la saison de végétation 1998. Elle a tout d’abord estimé que la visite des représentantes de DRHC était motivée par le désir de vérifier si sa soeur, Manjit Kaur Gill, était admissible. Pour ce qui est de ses propres antécédents de travail auprès de Gill Farms, Harmit Kaur Gill a expliqué qu’elle avait commencé à travailler pour son mari et son beau‑frère en 1996. À l’époque, les bleuetiers étaient parvenus à maturité et son travail consistait à peser les baies, à conduire les travailleurs à la ferme et à les en ramener, à exécuter les commandes, à nettoyer les baies, a s’occuper des employés au cours de la journée et à consigner leurs heures de travail. Elle était rémunérée neuf dollars l’heure pour ses services en 1998. Elle recevait ses directives de son mari et/ou de son beau‑frère et elle travaillait dans les champs la plupart du temps. Elle travaillait aussi à l’extérieur de la ferme à une conserverie de fraises exploitée par Canada Safeway Limited (« Safeway ») sous la marque de fabrique Lucerne Foods (« Lucerne »). Lorsqu’elle était appelée à travailler pour Lucerne, elle acceptait de faire le nombre d’heures qu’on lui offrait – même durant la saison de la cueillette des bleuets – parce qu’elle touchait entre deux et trois dollars de plus l’heure que chez Gill Farms. Présentement, son travail à la conserverie lui permet de toucher 15 $ l’heure, mais ce travail est saisonnier et les employés sont appelés au travail par ordre d’ancienneté de sorte que les heures qu’elle effectue – chaque saison – sont quelque peu limitées. La récolte des fraises se termine à la fin de juin. Parce que la conserverie de Lucerne fonctionne par quarts de travail, l’appelante devait accepter de commencer à travailler à 23 h 30 et travailler jusqu’au lendemain matin, parce qu’elle a moins d’ancienneté que les autres. L’appelante a précisé que les fonctions qu’elle exerçait chez Gill Farms et à la conserverie avaient été les mêmes en 1996, 1997 et 1998 étant donné que, pour l’essentiel, les saisons étaient plus ou moins identiques. Au cours des années en question, alors qu’elle travaillait à la conserverie, elle avait continué à accomplir ses tâches chez Gill Farms, de sorte qu’il lui arrivait souvent d’effectuer l’équivalent de deux quarts de travail complets en un seul jour de travail. Elle accomplissait à l’occasion des tâches comme la tenue de livres en rentrant chez elle après son quart de travail à la conserverie. D’autres personnes employées par Gill Farms travaillaient aussi pour Lucerne ou à une conserverie de poisson, à une pépinière ou à des serres, étant donné qu’il n’était pas rare que des gens cumulent deux emplois. Ronnie Gill a renvoyé l’appelante aux notes de l’entrevue – pièce R‑1, onglet 24 – menée aux bureaux de DRHC à Langley (C.‑B.) le 20 mai 1999. L’appelante a dit qu’elle se souvenait des circonstances entourant cette rencontre et notamment du fait que Mme Turgeon l’avait prévenue qu’elle s’exposait à des poursuites en cas de fausse déclaration. Elle a expliqué qu’à l’époque, elle avait eu l’impression qu’elle était tenue de répondre à toutes les questions que lui posait Mme Turgeon. Plusieurs personnes étaient présentes, dont Paul Wadhawan, le comptable de Gill Farms, de même que Manjit Kaur Gill, Hakam Singh Gill et Rajinder Singh Gill. Une AEC – Nav Chohan parlait punjabi et anglais et Mmes Emery et Turgeon étaient accompagnées d’un expert comptable, James Blatchford, et d’une autre comptable, Mary Anne Hamilton, qui représentait DRHC. L’appelante se rappelle que la rencontre a eu lieu dans une grande pièce et qu’elle a duré entre quatre et cinq heures, sans pauses considérables. Elle a expliqué que Paul Wadhawan avait répondu à certaines des questions et qu’elle avait à l’occasion fourni elle‑même des renseignements en anglais. L’appelante se rappelle que Harby Rai une employée de DRHC – avait visité Gill Farms le 12 août 1999 et on l’a référée à des notes dactylographiées – pièce R‑5, onglet 4 – préparées par Mme Rai relativement à la visite en question. Mme Rai était accompagnée de Mme Turgeon, de Nav Chohan et d’un représentant de la direction provinciale des normes d’emploi (« DNE »). À l’époque, l’appelante se trouvait dans la maison en train de préparer du thé pour les travailleurs car il faisait froid et il pleuvait. Elle estimait que servir les boissons faisait partie de ses tâches car les travailleurs doivent boire de l’eau ou du jus régulièrement, surtout par temps chaud. Pour ce qui est des autres fonctions, l’appelante a expliqué qu’il fallait épandre de la sciure autour des bleuetiers pour inhiber la croissance des mauvaises herbes. Un autre problème qui préoccupait les travailleurs était la hauteur de l’herbe. Ils craignaient que des serpents venimeux comme ceux qu’ils avaient rencontrés alors qu’ils vivaient en Inde s’y cachent. Il fallait donc appliquer un traitement herbicide, mais on ne pouvait pas utiliser le tracteur pour circuler dans les rangs, de sorte qu’il fallait recourir à de la main‑d’oeuvre supplémentaire pour exécuter cette tâche. L’appelante a été renvoyée à un questionnaire onglet 5. Elle se souvient d’avoir fourni les réponses en question à Ronnie Gill, qui a rempli le formulaire en son nom avant d’y inscrire son nom, son adresse et son numéro de téléphone à la dernière page et après avoir précisé – à l’endroit prévu à cette fin – qu’elle avait agi comme interprète. L’appelante a expliqué qu’elle était payée par chèque et qu’elle ne touchait que des sommes peu élevées au début de la saison mais qu’elle recevait tout ce qui lui était dû peu de temps après la fin de la saison. Elle a ajouté qu’elle n’avait pas été traitée différemment de tout autre employé non lié étant donné que cette pratique est courante dans l’industrie agricole et que les travailleurs savent qu’ils peuvent demander et obtenir des avances de salaire au cours de la saison. L’appelante a expliqué qu’elle inscrivait les heures effectuées par les travailleurs sur un bout de papier pour ensuite transcrire les données sur une fiche de temps. Elle a été renvoyée à plusieurs fiches déposées sous la pièce R‑1, onglet 32, et dont le titre figurant sur la page couverture est [traduction] « Registre quotidien des travailleurs et des produits » (« registre quotidien »). L’appelante a expliqué que ce document était de sa main et qu’elle l’avait créé à l’aide des fiches de temps pour satisfaire Mme Turgeon, qui avait demandé la production de ce registre. L’appelante a donc établi le registre quotidien pour satisfaire à la demande d’information relative aux heures de travail – en respectant l’échéance fixée par Mme Turgeon. Elle a expliqué que le temps était calculé à partir du moment où les travailleurs arrivaient aux champs et commençaient à travailler. Elle a consigné les heures de travail des employés payés à l’heure afin de pouvoir calculer leurs heures assurables avant de leur remettre leur relevé d’emploi (« RE »). Elle ne consignait cependant pas les heures de travail des travailleurs occasionnels rémunérés à la pièce. Certaines personnes ne travaillaient que quelques jours et lorsqu’elles partaient, un RE ne leur était remis que sur demande. L’appelante a expliqué que l’objectif visé par Gill Farms était de cueillir chaque fruit de chaque bleuetier et qu’il fallait cinq ou six cueillettes séparées pour récolter les fruits sur toute la superficie de la ferme, compte tenu surtout du marché quelque peu spécialisé des petits fruits frais. Elle savait que d’autres producteurs de bleuets de la région ne faisaient que deux ou trois cueillettes par saison. L’appelante a expliqué que, selon le nombre de travailleurs, sa sœur – Manjit – et/ou Hakam conduisaient les travailleurs au travail et les ramenaient dans un camion et une voiture et qu’à l’occasion, il fallait que l’un d’entre eux fasse deux voyages lorsqu’un seul véhicule était disponible. Elle a souligné qu’à cause du temps écoulé depuis les saisons susmentionnées de 1996 à 1998, il lui était difficile de se souvenir de la séquence des événements, étant donné que les fonctions qu’elle exerçait étaient plus ou moins les mêmes chaque année.

 

[16]  Harmit Kaur Gill a été contre‑interrogée par Me Amy Francis. L’appelante a confirmé qu’au cours de leur visite à la ferme, Mmes Emery et Turgeon lui ont dit qu’elles souhaitaient qu’elle se présente à une entrevue aux bureaux de DRHC. Lors de cette entrevue, elle n’a refusé de répondre à aucune des questions posées par Mme Emery, et elle a confirmé que son fils – Kulwant – étaient demeuré dans la pièce en tout temps. Elle a expliqué que Kulwant comprenait mieux le punjabi qu’il ne le parlait, mais qu’elle était en mesure de communiquer avec lui dans cette langue. L’appelante a confirmé qu’elle avait répondu aux questions franchement et de son mieux. Au sujet de la visite de Mmes Emery et Turgeon à la ferme, ainsi qu’il est précisé dans les notes prises par l’un et l’autre – pièce R‑8, onglets 13 et 14 respectivement – l’appelante a convenu qu’on l’avait mise en demeure de produire certains documents à l’époque. Harmit Kaur Gill s’est dite d’avis que Mmes Emery et Turgeon étaient en colère lors de leur visite, d’après le ton de leur voix lorsqu’elles s’étaient adressées à elle et aux autres membres de la famille Gill. L’avocate a cité la lettre que Ronnie Gill a adressée à Revenu Canada le 30 septembre 1999 et à laquelle étaient jointes des fiches dactylographiées, pièce R‑5, onglet 6, ainsi que le questionnaire que l’on trouve à l’onglet 5, et qui avaient tous été signés par l’appelante à la suite des préparatifs effectués par Ronnie Gill pour son compte. Harmit Kaur Gill a répété que les réponses qu’elle avait données dans les deux documents étaient exactes et véridiques pour autant qu’elle le sache. Pour ce qui est de ses compétences linguistiques en anglais, l’appelante a fréquenté l’école jusqu’en 10e année en Inde et elle peut lire et écrire le punjabi. Elle a expliqué que, bien que sa capacité de lire et d’écrire l’anglais soit limitée, elle est le seul membre adulte de la famille qui ait cette capacité à Gill Farms et que son mari, sa soeur et son beau‑frère s’en remettent aux enfants Gill de chaque famille pour les aider à cet égard. L’appelante s’occupe des formalités administratives et son mari – Hakam – s’occupe de toutes les opérations commerciales qui peuvent être traitées verbalement. Au cours de l’été 1998, une des filles – Satnam – qui était alors âgée de 19 ans, fréquentait le collège mais travaillait à la ferme au besoin, étant donné qu’elle était le seul membre de cette famille qui était titulaire d’un permis qui lui permettait d’utiliser des pesticides et de mélanger des engrais. Pour obtenir un permis d’une durée de cinq ans, Satnam devait suivre un cours et réussir un examen. Satnam cueillait des petits fruits à l’occasion, mais l’appelante a expliqué qu’elle ne le faisait [traduction] « que pour le plaisir » et non par obligation, ce qui était également le cas lorsque Satnam avait donné un coup de main pour la pesée des petits fruits ou le transport des cuves ou d’autres contenants. Harmit Kaur Gill a expliqué que Satnam transportait rarement des travailleurs et qu’elle n’aidait pas à l’exécution d’autres tâches comme l’installation ou l’enlèvement de filets pour couvrir les bleuetiers. Une autre des filles – Daljit – alors âgée de 17 ans, avait accompli à l’occasion certaines tâches au cours de la saison 1998, notamment en conduisant des travailleurs au travail et en les ramenant à la maison à trois ou quatre reprises. Son fils – Kulwant – donnait aussi un coup de main en chargeant les baies dans le camion sans toutefois conduire celui‑ci. L’appelante a expliqué que les enfants en question avaient fourni certains services à la ferme en 1996 et 1997 mais qu’elle ne pouvait en préciser la nature et l’ampleur. Elle a expliqué que les deux fils de sa soeur Manjit, Baljit et Gurdev, avaient pu à l’occasion donner un coup de main à la ferme en 1998. Les enfants les plus jeunes n’ont exécuté aucun travail agricole en 1998 ou avant. L’avocate a renvoyé l’appelante à une série d’états de comptes – pièce R‑2, onglet 41 – p. 504 à 605, inclusivement, établis par la Fraser Valley Credit Union (« Fraser Valley ») d’Abbotsford, relativement au compte ouvert au nom de Rajinder Gill et de Hakam Gill. On trouve à l’onglet 41, aux pages 606 à 716 inclusivement, des états de comptes établis par la succursale de la Khalsa Credit Union (« Khalsa ») du chemin Clearbrook, à Abbotsford, relativement au compte ouvert au nom de Rajinder S. Gill et de Manjit K. Gill. Pour ce qui est de la photocopie du chèque que l’on trouve à la page 517, sous le même onglet, l’appelante a confirmé qu’elle avait fait le chèque no 0388 – daté du 1er mai 1998 – à l’ordre de Kulwant S. Gill au montant de 200 $ et qu’elle avait noté [traduction] « main‑d’œuvre » sur le chèque. Elle a identifié le chèque no 0414 à la page 533 – daté du 3 juillet 1998 – en précisant qu’il était établi à l’ordre de Kulwant Singh Gill – au montant de 300 $ – mais elle a précisé que ce n’était pas elle qui l’avait libellé. Elle a confirmé qu’elle avait inscrit en toutes lettres la somme de 300 $ à l’ordre de Kulwant Singh Gill sur le chèque no 0455 daté du 3 septembre 1998 (page 554). L’appelante a expliqué qu’elle ne faisait pas partie des signataires autorisés de ce compte et que, même si elle libellait des chèques conformément aux instructions de Hakam Singh Gill et/ou de Rajinder Singh Gill, elle n’en signait aucun. L’avocate a renvoyé l’appelante au chèque no 0467 – à la page 560 – qui est daté du 26 septembre 1998 et qui est établi à l’ordre de Baljit Singh Gill au montant de 6 500 $. L’appelante a confirmé qu’elle avait libellé ce chèque et qu’elle avait cru comprendre qu’il visait à rembourser un prêt consenti par Baljit relativement à certains coûts de construction engagés pour bâtir une nouvelle maison. Elle a expliqué que ce compte servait à l’occasion aux besoins personnels de la famille mais a précisé qu’elle ne savait pas s’il y avait un autre compte dans lequel on aurait déposé des revenus agricoles. En ce qui concerne la pièce R‑1, onglet 32 – les fiches manuscrites qui composent le registre quotidien – Harmit Kaur Gill a expliqué qu’elle n’avait pas informé les fonctionnaires de DRHC de l’existence d’un tel registre. Elle a plutôt dit à DRHC que les heures effectuées par les travailleurs étaient, dans un premier temps, inscrites sur un bout de papier pour être ensuite transcrites sur une fiche de temps officielle au moment opportun. L’avocate a renvoyé l’appelante à la page 233 des notes prises par Mme Turgeon – pièce R‑1, onglet 24 – au sujet de l’entrevue du 20 mai 1999 aux bureaux de DRHC à Langley. Mme Turgeon a demandé à l’appelante de lui préciser lequel, de la feuille de paye ou du registre quotidien, avait été produit en premier. L’appelante a répondu – selon ce qui est rapporté dans les notes – que c’était le registre quotidien qui était produit en premier. Quant à la fréquence à laquelle le registre était rempli, l’appelante a répondu : [traduction] « Chaque jour. Rajinder nous rappelait qu’il fallait consigner l’information ». Deux questions plus loin, l’appelante a répondu – ainsi qu’il est précisé dans les notes – que le registre était habituellement tenu chaque jour mais qu’il arrivait que les heures effectuées par les travailleurs soient inscrites un autre jour. L’appelante a expliqué que ses réponses étaient un peu confuses parce qu’elle avait créé le registre quotidien pour répondre à ce qu’elle croyait être une exigence formulée par Mme Turgeon. Elle a ajouté que le registre en question avait été remis aux bureaux de DRHC le 30 novembre 1998. L’appelante a expliqué qu’elle ne conservait pas les notes qu’elle avait prises dans un calepin ou sur un bout de papier après avoir transcrit les heures de travail de chaque travailleur sur la fiche de temps. Harmit Kaur Gill se rappelle que les effectifs de Gill Farms oscillaient entre 15 et 20 travailleurs en 1996 et que certains étaient rémunérés à la pièce. Elle a expliqué que certaines personnes avaient travaillé pendant plusieurs saisons pour Gill Farms. L’avocate a renvoyé l’appelante aux notes prises par Mme Emery lors de son entrevue du 26 novembre 1998 aux bureaux de DRHC – pièce R‑5, onglet 12, page 60. Mme Emery écrit – vers le milieu de la page – que l’appelante avait affirmé que, même si, à l’origine, Gill Farms recrutait des travailleurs en faisant du bouche à oreille, [traduction] « après la première année, elle a pu compter pendant cinq ans sur une équipe composée essentiellement des 17 mêmes travailleurs; lorsque la récolte est abondante, les cueilleurs appellent en renfort des travailleurs supplémentaires. » L’avocate a signalé à l’appelante que, suivant les registres, aucune des personnes ayant travaillé pour Gill Farms – en 1998 – n’y avait déjà travaillé. L’appelante a expliqué qu’elle avait rappelé les faits relatifs à l’évolution de la ferme entre 1982 et 1988 – ainsi que Mme Emery l’a fait remarquer au milieu de la page 58 – et qu’au cours de cette période, la superficie cultivée était passée de un ou deux acres à plus de huit acres, ce qui nécessitait alors une vingtaine de travailleurs. L’avocate a renvoyé l’appelante à certaines feuilles de paye des travailleurs en commençant par celle de Gurdev Singh Gill (pièce R‑3, onglet 13). L’appelante a confirmé que 1998 était la première saison où Gurdev Singh Gill avait travaillé pour Gill Farms. Elle a fait des inscriptions sur ces feuilles de paye et en a par ailleurs fait la tenue. En ce qui concerne la feuille de paye de Harbans K. Khatra – pièce R‑4, onglet 15 – l’appelante a expliqué qu’elle ne croyait pas que Mme Khatra avait déjà travaillé pour Gill Farms auparavant, malgré le fait qu’elle est revenue pour la saison 1999. Surinder Kaur Gill – mariée à Gurdev Singh Gill – a travaillé pour Gill Farms en 1998 et ses heures ont été consignées sur la feuille de paye que l’on trouve à la pièce R‑6, onglet 12. Une autre travailleuse portant le même nom que nous appellerons ci‑après Surinder K. Gill – a également travaillé en 1998 pour Gill Farms. C’était toutefois la première fois qu’elle y travaillait et l’appelante a aussi préparé sa feuille de paye (pièce R‑7, onglet 14). Ronnie Gill – la représentante des appelants – a informé la Cour que, même si la feuille en question avait été faite au nom de Surinder Kaur Gill, il ne s’agissait pas de la même personne que Surinder Kaur Gill – l’épouse de Gurdev Singh Gill – et que leur identité respective avait été confirmée à la satisfaction de tous les intéressés grâce à leur numéro d’assurance sociale. Manjit Kaur Gill – la soeur de l’appelante – travaillait pour Gill Farms en 1996, 1997 et 1998 et sa feuille de paye pour 1998 – pièce R‑8, onglet 23 – a été établie par Harmit Kaur Gill. Elle a désigné une feuille de paye – pièce R‑8, onglet 21 – qu’elle avait établie pour une travailleuse – Manjit Kaur Sidhu – et a reconnu que Mme Sidhu n’avait pas travaillé pour Gill Farms avant 1998. L’appelante a reconnu que Himmat Singh Makkar n’avait pas travaillé pour Gill Farms avant 1998, pas plus que Santosh K. Makkar, Gyan K. Jawanda, Gurdip K. Grewal, Sukhwinder Gill ou Pawandeep Kaur Gill, qui sont toutes des personnes pour lesquelles l’appelante a établi des feuilles de paye. Elle croyait que Jarnail K. Sidhu avait travaillé à la ferme pendant une saison avant 1998 et elle se rappelle que le mari de Mme Sidhu avait lui aussi déjà travaillé pour Gill Farms dans le passé. Compte tenu de ces éléments d’information, l’avocate a demandé à Harmit Kaur Gill de lui expliquer pourquoi elle avait dit à DRHC que Gill Farms recrutait la même équipe chaque année. Harmit a répondu que certains des cueilleurs rémunérés à la pièce se présentaient chaque année pour offrir leurs services pour quelques jours mais qu’elle ne pouvait se rappeler leur nom. L’appelante a admis qu’en ce qui concerne les travailleurs engagés en 1998, elle pouvait confirmer que seules Manjit et elle‑même avaient travaillé pour Gill Farms au cours de saisons antérieures. Pour ce qui est du transport des travailleurs, l’avocate a demandé comment on s’y prenait concrètement pour amener entre 12 et 15 travailleurs à la ferme chaque matin et pour les raccompagner chez eux chaque soir. L’appelante a expliqué qu’on utilisait parfois deux véhicules et qu’à d’autres occasions un véhicule devait effectuer deux voyages, auquel cas le premier groupe qui arrivait à la ferme commençait à travailler peu de temps après. L’avocate a fait remarquer que les heures effectuées semblaient être les mêmes pour tous les travailleurs, y compris pour ceux qui devaient être arrivés plus tard s’ils faisaient partie du second groupe transporté à la ferme le matin. L’appelante a expliqué qu’elle ne pouvait se rappeler l’ordre précis dans lequel on passait prendre les travailleurs le matin. L’avocate a avancé que les feuilles de paye auraient dû faire état des différentes heures de travail effectuées, étant donné que les gens n’arrivaient pas tous en même temps. L’appelante a expliqué qu’elle ne se souvenait pas si le groupe de travailleurs qui arrivait en premier était également le premier à partir le soir. Elle a expliqué que l’heure de départ était fixée par son mari – Hakam – à son retour de l’usine, après 16 h. L’appelante a expliqué que certains travailleurs restaient tard le soir pour préparer les grosses commandes, alors que d’autres pouvaient avoir quitté plus tôt s’ils travaillaient aussi dans une conserverie ou pour un autre employeur pendant la même plage horaire. Elle a souscrit à l’observation de l’avocate suivant laquelle, si l’on utilisait deux véhicules pour transporter les travailleurs jusqu’à la ferme, l’heure à laquelle les travailleurs commençaient à travailler aurait été la même, alors que si l’on effectuait deux déplacements avec un seul véhicule, les travailleurs du second groupe commenceraient à travailler entre 30 et 45 minutes plus tard. Harmit Kaur Gill a expliqué que c’est elle qui tenait toutes les feuilles de paye et qu’elle y notait l’heure d’arrivée et de départ de tous les travailleurs. Elle s’occupait de conduire les travailleurs à tour de rôle avec Hakam, Rajinder et Satnam, mais a réfuté l’argument de l’avocate suivant lequel c’était elle qui était la principale conductrice, malgré le fait que, dans son interrogatoire principal, elle avait déjà expliqué qu’elle conduisait [traduction] « principalement » les travailleurs à la ferme et que, le plus souvent, on n’utilisait pour ce faire qu’une seule voiture. L’appelante a reconnu avoir tenu ces propos, mais elle a ajouté que c’était la personne qui en avait le temps, y compris Manjit, qui se chargeait de conduire le véhicule. L’appelante a expliqué qu’elle empruntait autant que possible le même trajet chaque fois qu’elle allait chercher les travailleurs chez eux, mais que, lorsqu’un d’entre eux ne l’attendait pas à l’extérieur de son domicile, elle se servait de son téléphone cellulaire pour l’appeler et lui faire savoir qu’elle allait entre‑temps passer prendre d’autres personnes et qu’elle reviendrait le chercher plus tard. L’avocate a souligné que les travailleurs de Gill Farms étaient répartis sur un vaste territoire et qu’il fallait jusqu’à une heure pour aller les chercher et les conduire à la ferme. L’appelante a admis que certains travailleurs habitaient Abbotsford et que les Makkar vivaient à une quinzaine de minutes à peine au sud‑est de la ferme, tout comme Gurdev Singh Gill et son épouse. Elle essayait de passer prendre au cours d’un même déplacement les travailleurs qui vivaient dans le même secteur par rapport à la ferme, notamment Gyan K. Jawanda, Pawandeep Gill et un ou deux autres travailleurs. Elle ne souvient pas si l’on commençait par eux lorsqu’on ne se servait que d’un seul véhicule pour transporter les travailleurs. Il arrivait parfois que l’on conduise aussi à la ferme des travailleurs rétribués à la pièce. L’appelante se rappelle que les Makkar se servaient le plus souvent de leur propre véhicule ou qu’un des membres de leur famille les conduisait au travail et les en ramenait. Après réflexion, l’appelante a affirmé qu’elle était certaine que la famille Gill n’avait jamais utilisé trois véhicules pour amener des gens au travail et elle a estimé qu’on n’avait utilisé un seul véhicule qu’à deux ou trois reprises au cours de la saison et que, le plus souvent, on utilisait deux véhicules. L’appelante a expliqué que Santosh K. Makkar, Jarnail K. Sidhu, Gurdev S. Gill, Surinder Kaur Gill et Harbans K. Khatra voyageaient ensemble lorsqu’on utilisait une voiture et que Gurpal S. Grewal s’ajoutait au groupe lorsqu’il ne se faisait pas conduire au travail par un des membres de sa famille. On passait prendre séparément les travailleurs qui habitaient le secteur d’Aldergrove. L’avocate a renvoyé l’appelante à la feuille de paye – pièce R‑3, onglet 13 – de Gurdev Singh Gill où, suivant les inscriptions qui y figurent, il aurait travaillé précisément neuf heures par jour, six jours par semaine entre le 2 août et le 12 septembre 1998. Suivant la feuille de paye de son épouse, Surinder Kaur Gill – pièce R‑6, onglet 12 –, celle‑ci aurait également travaillé précisément neuf heures par jour, six jours par semaine pendant toute la durée de son emploi. L’avocate a montré à l’appelante la feuille de paye – pièce R‑11, onglet 15, à la page 2 – de Jarnail Kaur Sidhu, suivant laquelle cette travailleuse était payée pour huit heures – la plupart des jours – mais qu’elle semblait n’avoir travaillé que sept heures par jour pendant 26 jours distincts au cours de son emploi chez Gill Farms. Suivant le registre, Mme Sidhu aurait travaillé sept jours par semaine à compter du 8 juin 1998. L’avocate a demandé à l’appelante d’expliquer l’écart constaté entre les heures travaillées par Jarnail Kaur Sidhu et celles effectuées par Gurdev Singh Gill compte tenu du fait qu’ils se rendaient au travail ensemble dans le même véhicule. L’appelante a répliqué que les hommes effectuaient plus d’heures de travail que les femmes et qu’il se pouvait que Mme Sidhu ait quitté le travail plus tôt chaque jour et/ou qu’elle était peut‑être rentrée chez elle à bord d’un autre véhicule. Selon l’avocate, l’examen des livres de paye confirmait l’observation du ministre suivant laquelle, parmi les travailleurs qui faisaient du covoiturage pour se rendre au travail, certains se sont vu inscrire plus ou moins d’heures de travail par jour que les autres travailleurs et que certains ont été payés deux heures de plus par jour sur une longue période. L’appelante a expliqué qu’il arrivait que certains travailleurs prolongent leurs pauses‑café tandis que d’autres se faisaient ramener tôt chez eux par un parent ou un ami ou trouvaient quelqu’un parmi les autres travailleurs qui acceptait de les conduire à la maison. Harmit Kaur Gill a été renvoyée à des notes d’entrevue – pièce R‑5, onglet 12, à la page 60 – selon lesquelles elle aurait dit à Mme Emery que [traduction] « les meilleurs travailleurs sont rémunérés à l’heure (7,50 $, 8 $) parce qu’ils sont soigneux et qu’ils ne mélangent pas les fruits de mauvaise qualité avec les bons fruits dans le seul but d’augmenter le poids pour le travail à la pièce ». Elle signale par ailleurs dans ses notes qu’une douzaine de personnes étaient payées à l’heure. L’avocate a demandé comment les dirigeants de Gill Farms s’y prenaient pour savoir que quelqu’un était un bon cueilleur s’il n’avait pas travaillé à cet endroit antérieurement. L’appelante a convenu que ce n’était pas évident au départ, mais que les décisions en matière de recrutement et de taux de rémunération étaient prises par Hakam Singh Gill ou par Rajinder Singh Gill ou une fois peut‑être – par les deux. L’avocate a fait remarquer à l’appelante qu’il ressortait de l’examen des divers RE établis par Gill Farms que les travailleurs avaient été mis en disponibilité à des dates différentes. Certains avaient été mis à pied dès le 12 septembre 1998, d’autres le 20 septembre. L’appelante a expliqué qu’elle ne prenait part à aucune des décisions en ce qui concerne la mise en disponibilité des travailleurs. Pour ce qui est de la destination des bleuets cultivés sur la ferme, l’appelante a convenu que la plus grande partie de la production était vendue à trois clients qui exploitaient des conserveries, à savoir Khalon Farms (« Kahlon »), Universal Farms (« Universal ») et Greenfield Farms (« Greenfield »). Gill Farms écoulait effectivement des baies sur le marché du frais et tenait aussi un kiosque de vente au comptant destiné aux clients qui venaient acheter des baies à la ferme. Suivant l’appelante, un travailleur à la pièce pouvait cueillir entre 200 et 300 livres de baies chaque jour durant la haute saison, à la mi‑juillet, à condition de travailler toute la journée. Elle ne pouvait se rappeler la production horaire moyenne des travailleurs payés à l’heure malgré le fait qu’on tenait des fiches de cueillette pour contrôler la production. Elle a toutefois estimé, d’après son expérience personnelle, qu’un bon cueilleur pouvait cueillir facilement 200 livres par jour lorsque les baies étaient abondantes. L’appelante a expliqué qu’un cueilleur payé à la pièce pouvait se voir remettre une nouvelle fiche de cueillette chaque jour parce que c’était le moyen utilisé pour calculer sa rémunération, tandis que le travailleur payé à l’heure était invité – à un moment donné – à utiliser une fiche de cueillette, mais pas chaque jour, étant donné que la fiche ne servait pas à calculer son salaire. L’appelante s’est rappelée s’être présentée à son interrogatoire préalable le 7 novembre 2002. L’avocate a versé aux débats certaines des réponses de l’appelante suivant lesquelles on ne remettait des fiches de cueillette qu’aux travailleurs qui semblaient lents à cueillir les fruits. Toujours au cours de cet interrogatoire préalable, l’avocate a versé aux débats les réponses de l’appelante suivant lesquelles Jarnail K. Sidhu, Pawandeep K. Gill et Sukhwinder K. Gill avaient utilisé une seule fiche entre eux et qu’aucune autre fiche de cueillette ne leur avait été remise. Plus tard au cours de l’interrogatoire préalable, l’appelante a confirmé qu’en tout, seulement cinq travailleurs payés à l’heure s’étaient vu remettre une fiche de cueillette. L’appelante a admis que les réponses ainsi données à l’interrogatoire préalable pouvaient être exactes, étant donné qu’elle se souvenait mieux de ces événements à ce moment‑là qu’en 2005. Elle a également confirmé les réponses qu’elle avait données à l’interrogatoire préalable lorsqu’elle avait admis que l’on avait demandé à cinq travailleurs d’utiliser des fiches de cueillette parce qu’ils semblaient être lents au travail et qu’elle voulait vérifier la quantité que chacun d’entre eux récoltait chaque jour. L’appelante a expliqué qu’elle avait été convaincue de la production des membres de ce groupe et qu’elle ne se souvenait pas s’ils avaient dû utiliser des fiches de cueillette à d’autres reprises. En tout état de cause, elle a fait remarquer que les travailleurs avaient des aptitudes différentes et que Gill Farms n’avait pas pour politique d’exiger un niveau de production minimal. Elle ou un autre membre de la famille Gill parlait au travailleur dont le rendement était constamment trop bas. Elle a expliqué que Hakam Singh Gill décidait, habituellement pendant ses journées de congé de son emploi à l’usine, s’il y avait lieu de remettre une fiche de cueillette à un travailleur payé à l’heure. L’avocate a signalé à l’appelante que, dans sa réponse à la question 535 qui lui avait été posée à l’interrogatoire préalable, elle avait expliqué que tous les petits fruits cueillis par les travailleurs rémunérés à l’heure étaient pesés et que la quantité récoltée était inscrite pour vérifier la production de chaque travailleur. L’appelante a confirmé l’exactitude de cette réponse et – plus tard au cours de l’interrogatoire préalable – a expliqué que, si un travailleur n’avait pas de fiche de cueillette (parfois appelée carte de pointage), elle consignait le poids des fruits remis par le travailleur en inscrivant la quantité sur un bout de papier qu’elle montrait à Hakam – à un moment donné – et qu’elle jetait ensuite. L’appelante a expliqué que les fiches de cueillette (cartes de pointage) remplissaient bien leur fonction, qui consistait à faire comprendre aux travailleurs que leur production était contrôlée. L’appelante a identifié des photocopies de fiches de cueillettes – pièce R‑1, onglet 33 – qui avaient été remises aux cueilleurs rémunérés à la pièce au cours de la saison 1998. Elle a confirmé que les mêmes fiches – en duplicata – étaient utilisées par les cueilleurs à l’heure mais elle n’arrivait pas à se rappeler si les cueilleurs de cette catégorie en conservaient une copie ou s’ils se contentaient de remettre la fiche dans sa forme originale. Lorsqu’on lui a fait remarquer qu’elle avait expliqué – à deux reprises – à l’interrogatoire préalable que les fiches de cueillette ne comportaient qu’une seule feuille, l’appelante a admis que ces réponses étaient inexactes, car les fiches étaient toujours composées de deux feuilles. L’avocate a demandé à l’appelante de lui expliquer pourquoi Gill Farms conservait toutes les copies des fiches de cueillette utilisées par les travailleurs rémunérés à la pièce mais qu’elle n’avait en mains aucune des fiches qui auraient été utilisées par les travailleurs rémunérés à l’heure. L’appelante a expliqué qu’il n’était pas nécessaire de conserver ces cartes, étant donné que ces travailleurs étaient rémunérés à l’heure. Elle s’est également dite en désaccord avec l’argument du ministre qui, selon ce que l’avocate lui avait dit, s’était fié à un renseignement voulant que tous les travailleurs de Gill Farms – sauf un – avaient dit aux fonctionnaires de DRHC qui les avaient reçus en entrevue qu’ils utilisaient une fiche de cueillette chaque jour. Le nom de ces travailleurs a été lu à l’appelante, qui a affirmé que ces personnes avaient été rémunérées pour leurs services à l’heure et non à la livre, comme l’avocate le prétendait. Harmit Kaur Gill a décrit le travail qu’il fallait faire à la ferme avant l’ouverture de la saison de la cueillette. Elle a expliqué que les travailleurs épandaient de la sciure à la base des bleuetiers pour ralentir la croissance des mauvaises herbes et qu’en mai, ils coupaient les branches desséchées des bleuetiers et désherbaient à la main ou à l’aide d’un petit outil en forme de houe. Elle a expliqué qu’il fallait distinguer entre, d’une part, ce qu’on appelle la taille d’entretien et, d’autre part, la taille sévère, qui a eu lieu l’hiver. Parmi les autres préparatifs, il y a lieu de mentionner le nettoyage des seaux et des cuves appartenant à Gill Farms pour empêcher le développement de moisissures. Il fallait transplanter certains nouveaux plants et épandre de l’engrais et de la sciure autour. Il fallait se débarrasser des débris constitués principalement de branches cassées, mais la tâche qui exigeait le plus de temps était l’installation des filets sur les bleuetiers pour empêcher les oiseaux sauvages de manger les baies. On entreprend l’installation en juin et il faut effectuer certaines réparations chaque saison pour resserrer les fils métalliques et renforcer les perches. L’appelante affirme ne pas pouvoir se souvenir quels travailleurs taillaient les branches à part elle‑même, sa soeur – Manjit – et une autre travailleuse, Manjit K. Sidhu. Gyan K. Jawanda, une travailleuse, aidait à l’installation des filets, ainsi que d’autres travailleurs dont l’appelante a oublié le nom. Le travail est à peu près le même chaque année et, à titre d’exemple, l’appelante a expliqué qu’en 2005, l’installation des filets à la ferme avait nécessité la présence de six ou sept personnes qui avaient travaillé ensemble pendant plus d’une semaine. Le démontage des filets à la fin de la saison exige moins de temps et est surtout effectué par des travailleuses. L’appelante a expliqué que beaucoup de petites tâches doivent être effectuées en mai et en juin. Comme aucun travailleur n’est engagé entre janvier et la fin d’avril, c’est son mari – Hakam – qui se charge de tous les travaux à faire au cours de cette période parce que Rajinder ne s’occupe pas des aspects pratiques de l’exploitation agricole. L’appelante a expliqué qu’elle n’avait pas rendu de services à la société de personnes des frères Gill, hormis le fait qu’elle avait travaillé pour eux de la fin de mai à la fin de septembre ou au début d’octobre en 1996, 1997 et 1998. En 1997, Rajinder Singh Gill a été licencié de son travail à l’usine de sorte qu’il était davantage présent à la ferme en 1998. Hakam travaillait toujours à temps plein et il travaillait à la ferme pendant ses deux semaines de vacances annuelles, durant la haute saison. Harmit Kaur Gill a expliqué que, lorsque Hakam était à la ferme, il effectuait de nombreuses tâches, dont la cueillette des baies et le transport de chargements jusqu’à la conserverie et l’application d’herbicides. Il ne supervisait cependant pas les travailleurs. L’avocate a renvoyé l’appelante aux notes – pièce R‑8, onglet 14 – prises par Mme Emery à la suite de sa visite de Gill Farms – le 3 novembre 1998 – en compagnie de Mme Turgeon et au passage de ses notes où Mme Emery écrit ce qui suit : [traduction] « L’épouse de Hakam, Harmit, et l’épouse de Rajinder, Manjit (la cliente), travaillent toutes les deux à la ferme de mars à septembre à titre de superviseures. Elles ne font pas de cueillette ou de désherbage. Elles supervisent les travailleurs, dont le nombre varie de trois ou quatre en mars, en avril et en mai à une trentaine au maximum, lors de la saison de la cueillette ». L’appelante ne se souvient pas d’avoir fait cette déclaration. Elle a expliqué qu’il lui était arrivé de cueillir des baies et qu’elle n’avait aucune raison d’affirmer le contraire. Rajinder, Manjit et Hakam étaient également présents et elle ne se souvient pas que l’un ou l’autre ait tenu de tels propos. Dans ses notes, Mme Emery écrit également ce qui suit : [traduction] « On ne consigne pas les heures effectuées par Harmit et par Manjit parce qu’elles sont aux champs avec les travailleurs dès leur arrivée et jusqu’à leur départ ». L’appelante affirme que c’est inexact. Pour ce qui est de l’usage consistant à délivrer des RE aux travailleurs, l’appelante a expliqué qu’à la fin de la saison, on calculait le salaire dû et qu’elle faisait alors le chèque final et le comptable de Gill Farms établissait le RE de l’intéressé sur la foi des renseignements examinés par Hakam. Sur réception du RE dûment rempli, Hakam le signait et le remettait au travailleur lors de la rencontre où l’on réglait tous les comptes. Dans le cas d’un travailleur rémunéré à l’heure, on ne mentionnait aucune fiche de cueillette. L’appelante a expliqué qu’elle ne pouvait se rappeler qu’un travailleur ait remis une fiche de cueillette, mais que, si certains avaient encore en mains une copie de leur fiche de cueillette, on ne s’en servait pas pour calculer leur salaire, étant donné que le seul mode de calcul était le taux horaire applicable multiplié par le nombre d’heures travaillées, auquel on ajoutait le taux applicable de vacances annuelles payées. L’appelante a reconnu la demande de prestations d’AC – pièce R‑5, onglet 14 – qu’elle avait signée le 2 octobre 1998 et qu’elle avait remise aux bureaux de DRHC à Abbotsford. Harmit Kaur Gill a expliqué qu’elle ne remettait pas de formulaire de demande de prestations d’AC aux travailleurs lors de la rencontre où l’on réglait les comptes, mais que sa fille Satnam accompagnait certains travailleurs aux bureaux de DRHC pour les aider à présenter leur demande de prestations. Elle ignore toutefois jusqu’à quel point Satnam les aidait par la suite. L’appelante a expliqué qu’elle n’avait jamais donné pour directives aux travailleurs de lui rembourser de l’argent ou de rembourser qui que ce soit chez Gill Farms, qu’il s’agisse de prestations ou d’autres sommes d’argent. L’avocate a souligné que bon nombre de travailleurs attendaient jusqu’à un mois avant d’encaisser leur chèque de paye final. L’appelante a expliqué qu’elle n’avait jamais dit à quelque travailleur que ce soit de retarder l’encaissement d’un chèque de paye final, mais elle a ajouté qu’elle se fiait à la politique actuelle de la ferme et que les choses étaient peut‑être différentes en 1998. L’avocate a signalé à l’appelante que Manjit avait dit à un fonctionnaire de DRHC que l’on n’épandait de la sciure qu’au printemps et non à l’automne. L’appelante a répliqué qu’elle ne se souvenait pas avec précision de la procédure qui avait été suivie en 1998, si ce n’est qu’en mai ou en juin, on épandait de la sciure autour des bleuetiers. On coupait les branches desséchées en mai et/ou en juin et de nouveau en septembre. L’avocate a renvoyé l’appelante à la réponse écrite au questionnaire – pièce R‑5, onglet 6 – que sa représentante Ronnie Gill a rempli pour elle. Lorsqu’elle avait expliqué les fonctions qu’elle avait exercées entre le 1er et le 30 juin 1998, l’appelante n’avait pas mentionné la taille des branches. L’appelante a reconnu cette omission et a ajouté que beaucoup de branches desséchées jonchaient le sol ou qu’on les avait coupées avec un petit outil ou détachées à la main. Dans sa réponse aux questions nos 9 et 15 concernant les tâches exécutées, l’appelante ne mentionne pas la cueillette de baies et la plantation de nouveaux bleuetiers. Pour ce qui est des fonctions de supervision, l’appelante a confirmé qu’elle faisait la pesée des baies, qu’elle conduisait les travailleurs au travail et les ramenait à la maison, qu’elle inscrivait la quantité de baies en livres, qu’elle nettoyait les baies, consignait les heures de travail, tenait les feuilles de paye et s’acquittait d’autres tâches connexes, y compris l’établissement de chèques à soumettre à Hakam et à Rajinder pour signature. L’appelante a expliqué qu’elle jetait les petits fruits qui n’étaient pas mûrs ou qui étaient pourris ou autrement impropres à la consommation et que ces fruits étaient jetés dans les grandes cuves. Le tri était effectué au moyen d’un convoyeur à bande. L’avocate a fait observer à l’appelante qu’elle n’avait mentionné cette tâche à aucun moment du déroulement de l’instance, y compris lors des entrevues menées avec des fonctionnaires de DRHC, ou lorsqu’elle avait communiqué avec l’agent des appels. En réponse à l’argument de l’avocate suivant lequel elle cherchait à élargir la portée de ses fonctions pour pouvoir justifier les heures effectuées, l’appelante a répondu qu’il y avait suffisamment de travail pour la tenir occupée en tout temps. L’appelante avait préparé la feuille de paye pièce R‑8, onglet 21 de Manjit K. Sidhu en précisant que Mme Sidhu avait travaillé entre 8 heures et 8,5 heures par jour entre le 18 mai et le 26 septembre 1998. L’avocate a renvoyé l’appelante au registre quotidien – pièce R‑1, onglet 32 – établi par elle et a souligné que le nom de Manjit Kaur Sidhu ne faisait pas partie des travailleurs nommément désignés sur les nombreuses feuilles. L’appelante a expliqué qu’elle avait fini par se rendre compte que le nom de Mme Sidhu avait été omis et elle a convenu qu’elle aurait dû se rappeler de l’inclure, mais qu’elle faisait alors l’objet de pressions en vue de créer ce document pour satisfaire à ce qu’elle croyait être une exigence que lui imposait Mme Turgeon. Elle se rappelle avoir reçu les fiches de temps concernant Mme Sidhu – du comptable mais ne se souvient pas qu’un RE ait été délivré. Harmit Kaur Gill a préparé sa propre feuille de paye – pièce R‑5, onglet 19 – qui indique qu’elle n’a travaillé que 34 et 36 heures au cours des semaines du 5 au 11 juillet et du 12 au 18 juillet respectivement. Entre le 8 juin et le 19 juillet, il y a eu un bon nombre de jours où elle n’a travaillé que quatre heures et, certaines semaines, elle ne travaillait que 20 heures, voire même 16 heures au cours de la saison des fraises, alors qu’elle travaillait pour Lucerne. L’appelante a expliqué que, même après la fin de la saison des fraises, elle avait continué à travailler à la conserverie si on réclamait ses services pour transformer d’autres produits que des fraises. Elle a rempli son propre RE – onglet 18 – relativement à l’emploi qu’elle avait exercé pour Gill Farms en 1996 et elle y avait précisé qu’elle avait accumulé 20 semaines d’emploi assurable. Le RE que l’on trouve à l’onglet 15 a été délivré relativement à l’emploi qu’elle a occupé en 1997. L’appelante a affirmé ignorer le nombre d’heures d’emploi assurable qu’elle devait avoir accumulées pour pouvoir être admissible à des prestations d’AC en 1998.

 

[17]  Harmit Kaur Gill a été réinterrogée par sa représentante, Ronnie Gill. Elle a identifié une fiche de cueillette – pièce A‑1 – utilisée par Gill Farms en 1998 et elle a expliqué que ces fiches étaient remises à chacun des travailleurs considérés comme « occasionnels » par opposition aux travailleurs rémunérés à l’heure. À chaque pesée, on consignait le poids des baies sur la fiche. Gill Farms conservait la copie portant la mention [traduction] « producteur » et le cueilleur conservait l’autre copie, qui portait la mention [traduction] « cueilleur » car les mêmes renseignements figuraient sur les deux copies. Lorsque le travail de la journée est terminé, on inscrit la production totale sur la fiche. L’appelante a expliqué que les cueilleurs rémunérés à l’heure n’utilisaient qu’une partie de la fiche et qu’ils pouvaient soit la confier à un des membres de la famille Gill à la balance ou la ramener chez eux, parce que leur seule utilité était le contrôle de la production. Tous les cueilleurs occasionnels apportaient leurs propres contenants de baies à la balance pour la pesée, tandis que Manjit Kaur Gill passait prendre les baies des travailleurs rémunérés à l’heure. Les cueilleurs qui étaient considérés comme des travailleurs occasionnels occupaient souvent d’autres emplois et ne travaillaient que quelques heures à leur guise, de sorte qu’il était plus efficace de les rémunérer au poids. D’après l’expérience de l’appelante, les travailleurs occasionnels ont tendance à cueillir davantage de fruits verts ou impropres à la consommation en comparaison des travailleurs habituels, qui savent comment choisir les meilleurs fruits. Durant la journée, un employé de Gill Farms effectuait plusieurs livraisons auprès d’une ou de plusieurs conserveries. Même si Gill Farms envoyait des baies de grande qualité à la conserverie, le personnel de la conserverie inspectait chaque chargement et déterminait la catégorie des baies, et le paiement à la livre était calculé d’après cette évaluation. L’appelante a expliqué que Gill Farms voulait obtenir le prix le plus élevé possible et qu’à cette fin, elle s’efforçait de retirer les fruits verts ou impropres à la consommation avant d’expédier un chargement à une conserverie. Les fruits destinés au marché du frais étaient vendus un dollar la livre. Le prix des baies vendues aux conserveries oscillait entre 60 et 65 cents la livre et les fruits considérés comme appartenant à la catégorie la moins élevée de fruits destinés à la transformation se vendaient au prix d’à peine 20 cents la livre. L’appelante a expliqué que Gill Farms avait pour principe de prendre tout le temps voulu pour s’assurer que les baies livrées à Kahlon – une conserverie – étaient d’aussi bonne qualité que si elles étaient destinées à un supermarché. Harmit Kaur Gill a expliqué que certaines personnes téléphonaient à la ferme pour savoir si l’on avait besoin de cueilleurs alors que d’autres se présentaient tout simplement au champ. Ces cueilleurs, qui étaient considérés comme des travailleurs occasionnels, n’accomplissaient aucune autre tâche à la ferme. L’appelante a expliqué que la politique de Gill Farms était de continuer à payer le taux horaire applicable aux travailleurs même en cas de fortes pluies, à condition que la décision d’interrompre la cueillette provienne de la direction. Les travailleurs occasionnels n’étaient pour leur part rémunérés qu’à la pièce, ce qui les incitait à refuser de faire de la cueillette dans des bleuetiers improductifs, de sorte que cette tâche était refilée aux travailleurs rémunérés à l’heure. Au sujet du transport des cueilleurs occasionnels, l’appelante a expliqué que les personnes qui avaient besoin qu’on aille les chercher prévenaient Gill Farms la veille. Il y avait trois pauses prévues chaque jour, une pause‑café de 15 minutes le matin et l’après‑midi et une pause de 30 minutes pour le repas du midi; aucun travailleur n’était payé pendant ces périodes. Si un travailleur choisissait de prolonger son temps de pause, il n’était pas rémunéré tant qu’il ne retournait pas aux champs. Dans le même ordre d’idées, si un travailleur obtenait la permission de quitter le travail plus tôt, le temps ainsi perdu n’était pas calculé dans les heures qu’il travaillait. L’appelante a expliqué qu’avec un autre travailleur, elle était chargée du fonctionnement du convoyeur à bande électrique utilisé pour trier les baies et que l’intention – constante – de ne livrer que d’excellentes baies avait culminé lorsque Kahlon – en 2004 – avait cité en exemple les baies de Gill Farms pour expliquer qu’elles respectaient la norme élevée de qualité à laquelle on s’attendait de la part des autres producteurs de la région. Harmit Kaur Gill a expliqué que tous les travailleurs étaient payés par chèque, même pour les avances consenties au cours de la saison et que tous les renseignements relatifs à ces paiements ainsi que le relevé détaillé des heures travaillées avaient été envoyés au comptable de la ferme. L’appelante a admis qu’en 1998, il y avait peut‑être eu un problème de liquidités lors des rencontres visant à régler les comptes avec les travailleurs parce que une ou deux conserveries tardaient à payer Gill Farms et qu’on avait peut‑être demandé aux travailleurs d’attendre, pour encaisser leur chèque final, qu’on les avise que le compte était suffisamment approvisionné. La situation financière de Gill Farms s’était cependant améliorée – au cours des trois ou quatre années précédant 2004 – au point où cette mesure n’était plus nécessaire. Suivant l’appelante, Hakam se fiait à l’exactitude des RE établis par le comptable et se contentait d’apposer sa signature à l’endroit approprié du formulaire – devant elle. L’appelante a identifié le RE – pièce A‑2 – que Safeway lui avait remis au sujet de son emploi chez Lucerne. Suivant ce relevé, elle aurait travaillé 221,5 heures et aurait touché 2 466,49 $ à titre de rémunération assurable pour la période allant du 8 juin jusqu’à la période de paye se terminant le 25 juillet 1998, malgré le fait que le dernier jour où elle avait travaillé était le 18 juillet. L’appelante a convenu qu’il était difficile pour Manjit Kaur Gill d’exploiter la ferme en son absence alors qu’elle travaillait à la conserverie. Il convient toutefois de signaler que la fille de l’appelante – Baljit – donnait un coup de main à Manjit à ce moment‑là. L’appelante a été renvoyée à la pièce R‑1, onglet 20, où l’on trouve une liste des employés de Gill Farms, et aux pages 112 à 119, inclusivement, où sont exposées en détail les fonctions qu’elle exerçait pour Gill Farms au cours des années 1996, 1997 et 1998. En 1996, elle était payée huit dollars l’heure et, en 1997, son salaire a été porté à neuf dollars. Chaque fois que l’appelante avait présenté une demande de prestations d’AC en 1996, 1997 et 1998, elle avait révélé dans sa demande que son mari était propriétaire à 50 pour 100 de l’entreprise de son employeur. L’appelante a expliqué qu’elle n’avait pas cherché du travail chez Gill Farms dans le seul but d’acquérir le droit de recevoir des prestations d’AC, car elle avait travaillé à la conserverie Lucerne 221,5 heures, sans compter les 868 heures qu’elle avait effectuées à la ferme, pour un total de 1 084,5 heures assurables en 1998, ce qui excède de beaucoup le seuil d’admissibilité qui, selon le tableau – pièce A‑3 – imprimé à partir du site Internet de DRHC, s’établissait à 595 heures dans la région où elle habitait. En 1997, selon le RE applicable – pièce A‑4 – l’appelante avait travaillé 179,47 heures pour Safeway, en plus des 882 heures qu’elle avait effectuées pour Gill Farms. Suivant le tableau – pièce A‑5 – du taux de chômage rajusté sur trois mois qui existait dans sa région – mis en surbrillance en jaune par Ronnie Gill – il fallait avoir accumulé 595 heures pour avoir droit à des prestations d’AC. L’appelante a confirmé qu’elle et/ou Hakam se fiaient aux RE établis par le comptable de la ferme et qu’ils ne croyaient pas avoir commis d’erreur dans le calcul des heures de travail des travailleurs ou dans la tenue des livres de paye. À la différence de la politique actuelle, les inscriptions – en 1998 – n’étaient pas toujours faites chaque jour, bien qu’elles étaient transcrites – à partir de bouts de papier – le lendemain ou le surlendemain. En ce qui concerne les notes prises par Mmes Turgeon et Emery – pièce R‑8, onglets 13 et 14, respectivement – l’appelante a expliqué qu’elle en ignorait la teneur, étant donné qu’elles n’ont pas été portées à sa connaissance. Elle a répété qu’elle recevait ses instructions de Hakam en ce qui concerne les tâches qu’elle devait effectuer le lendemain et que celui‑ci ne se réjouissait pas de la voir quitter la ferme pour aller travailler à la conserverie pour pouvoir toucher un taux horaire plus élevé. Elle a expliqué que, compte tenu de l’ensemble de ses attributions et du fait que son salaire horaire, au moment des faits, n’était que d’un ou deux dollars de plus que le salaire minimum, sa rémunération était juste et raisonnable eu égard aux circonstances. L’appelante a produit deux photographies – pièce A‑6 – prises récemment qui illustrent comment les filets étaient installés sur les bleuetiers. Elle a attiré l’attention sur les perches les plus élevées et a expliqué que certaines d’entre elles devaient être stabilisées au début de la saison en tassant le sol autour de la base ou en tassant des cailloux dans la cavité. Certaines perches mesurent 18 pieds de hauteur et on creuse les trous de remplacement à l’aide d’un outil à main.

 

[18]  Compte tenu du réinterrogatoire fouillé auquel l’appelante a été soumise, la Cour a permis la tenue d’un autre contre‑interrogatoire, qui a été mené par Me Shawna Cruz en l’absence de sa collègue, Me Amy Francis. L’avocate a souligné que l’appelante avait donné à divers moments différentes versions en ce qui concerne l’utilisation et la forme des fiches de cueillette. L’appelante a expliqué que la politique actuelle de Gill Farms est d’utiliser une seule fiche pour consigner la production de deux employés. Elle a dit ne pas se rappeler si c’est la procédure qui était suivie en 1998. Elle a expliqué que, même lorsque la question portait expressément sur une année précise, il était difficile d’établir une distinction entre la procédure actuelle ou récente et celle qui avait été suivie au cours des années précédentes. Harmit Kaur Gill a convenu que, dans l’industrie, l’usage veut que, lorsqu’il a terminé la cueillette dans un rang, le travailleur laisse sur place un plateau bien rempli dans lequel il dépose aussi sa fiche de cueillette. Toutefois, chez Gill Farms, la fiche était déposée dans un seau. Lors de la pesée, on passait la fiche dans la pointeuse ou on y inscrivait un chiffre. La plupart du temps, on passait la fiche dans la pointeuse. Manjit conservait la plupart des fiches lors de la pesée, mais certains travailleurs conservaient leur fiche sur eux et la remettaient à Manjit en même temps que leur seau de fruits. Les fruits étaient déposés dans des plateaux seulement après avoir été pesés. L’appelante a expliqué qu’il arrivait souvent que les travailleurs à la pièce laissent leurs fiches dans la balance parce qu’ils estimaient que Gill Farms consignait avec exactitude leur production quotidienne et qu’ils ne voulaient pas égarer leur fiche dans les champs. Gill Farms ne suivait pas l’usage consistant à donner pour instruction aux travailleurs d’épingler leur fiche de cueillette sur leurs vêtements durant la journée. L’appelante a affirmé que lorsqu’elle avait estimé entre 20 et 25 ou entre 25 et 30 le nombre de travailleurs en 1998, c’était la meilleure estimation qu’elle avait pu faire. Elle a admis que Surinder Kaur Gill exerçait un autre emploi durant la saison mais qu’elle était quand même considérée comme une travailleuse rémunérée à l’heure. L’appelante a affirmé que ce scénario était plus courant chez les cueilleurs occasionnels. L’avocate a laissé entendre qu’à 32 cents la livre le tarif payé en 1998 – aucun travailleur à la pièce ne pouvait gagner plus que l’équivalent du montant calculé d’après le salaire horaire minimum. L’appelante a affirmé qu’elle ne pouvait se rappeler le nombre maximal de livres de fruits recueillis en un jour, mais elle se souvient que certains travailleurs préféraient être payés à la livre pendant la haute saison parce qu’ils considéraient cette méthode plus avantageuse. Au sujet des contradictions entourant l’utilisation des véhicules, en l’occurrence la question de savoir si on en utilisait un ou deux, ainsi que la procédure suivie pour transporter les travailleurs, l’appelante a déclaré qu’au fur et à mesure que la saison des baies avançait, on avait besoin de véhicules supplémentaires pour transporter à la ferme des travailleurs appelés en renfort et pour les ramener chez eux. Elle a admis que ses déclarations renfermaient quelques divergences sur ce point, mais elle a ajouté que la composition des passagers variait à l’occasion et qu’elle n’inventait pas l’histoire de l’utilisation d’un autre véhicule pour essayer d’expliquer les délais ou les contradictions quant au nombre d’employés pour répondre à l’essentiel des questions posées par Me Francis au cours du contre‑interrogatoire. L’avocate a souligné que les livres de paye ne révélaient aucun écart de temps attribuable au prolongement des pauses du midi. L’appelante a d’ailleurs convenu que cet état de fait s’expliquait probablement par le fait que cette situation se présentait rarement. L’appelante se souvient d’avoir transporté le fils de 12 ou 13 ans de Gurdev Singh Gill et de son épouse à bord d’un véhicule de Gill Farms, même si cet enfant ne cueillait pas de baies et demeurait à l’intérieur de la résidence des Gill ou jouait pendant que ses parents travaillaient.

 

Surinder K. Gill

 

[19]  Surinder K. Gill a témoigné en punjabi et les questions et réponses et autres aspects de l’instance ont été interprétés et/ou traduits de l’anglais au punjabi et du punjabi à l’anglais par Russell Gill, interprète. Le recueil de documents de l’intimé qui concerne le présent appel – 2001‑2116(EI) – a été déposé sous la cote R‑7.

 

[20]  Le ministre a estimé que l’appelante n’avait pas exercé d’emploi assurable auprès de Gill Farms au cours de la période du 26 juillet au 12 septembre 1998 parce qu’elle avait un lien de dépendance avec son employeur et ce, même si elle n’était pas liée par le sang ou par le mariage à Rajinder Singh Gill ou à Hakam Singh Gill, les associés qui exploitaient Gill Farms. À titre subsidiaire, le ministre a estimé à 114 le nombre d’heures assurables travaillées par l’appelante et il a conclu que sa rémunération assurable s’élevait à 919,98 $. La thèse de l’appelante est que son RE – onglet 12 – indique – avec raison – que ses heures assurables se chiffrent à 260 et que sa rémunération assurable est de 2 098,20 $.

 

[21]  Voici les hypothèses de fait particulières à l’appelante qui sont articulées aux alinéas 8h) à 8t) inclusivement :

 

[TRADUCTION]

h)  la société de personnes a, au cours de la période en cause, engagé l’appelante comme employée rémunérée à l’heure pour cueillir des bleuets;

 

i)  le relevé des heures établi par la société de personnes ne correspond pas aux heures effectivement travaillées par l’appelante;

 

j)  il arrivait parfois, que, selon les livres de paye, l’appelante était censée travailler et être payée alors qu’en fait elle n’avait aucun travail à faire;

 

k)  l’appelante travaillait aussi dans une conserverie au moment des faits;

 

l)  les registres de la conserverie indiquent qu’à diverses reprises, l’appelante travaillait à la conserverie le même jour que celui où, selon les registres de la société de personnes, elle travaillait à la ferme;

 

m)  le nombre d’heures que les employés rémunérés à l’heure étaient censés avoir effectuées selon les livres de paye de l’appelante était trois fois plus élevé que celui prévu par la norme en vigueur dans l’industrie pour une ferme de cette taille;

 

n)  les dépenses salariales de la société de personnes pour 1998 excédaient les recettes réalisées cette année‑là;

 

o)  la société de personnes a délivré à l’appelante vers le 9 octobre 1998 un RE indiquant que le premier jour de travail était le 26 juillet 1998 et que le dernier jour de travail était le 12 septembre 1998 et que l’appelante avait accumulé 260 heures assurables au cours de cette période, pour une rémunération assurable de 2 098,20 $;

 

p)  au moment des faits, l’appelante avait un lien de dépendance avec la société de personnes;

 

q)  compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, il n’est pas raisonnable de conclure que l’appelante et la société de personnes auraient conclu un contrat d’emploi à peu près semblable si elles n’avaient pas eu de lien de dépendance;

 

r)  l’appelante n’a en fait pas travaillé plus de 114 heures au cours de cette période;

 

s)  l’appelante était rémunérée au taux de 7,50 $ l’heure majoré d’une indemnité de congés payés de 7,6 %;

 

t)  les gains réalisés par l’appelante au cours de cette période étaient de 919,98 $.

 

[22]  L’appelante a déclaré qu’elle était née en Inde en 1952 et qu’elle était arrivée au Canada en 1975 accompagnée de ses quatre enfants (trois garçons et une fille). Elle n’a aucun lien de parenté avec les membres de la famille Gill qui exploitent Gill Farms. Son mari est décédé il y a neuf ans et elle fait la cueillette de divers types de baies et effectue d’autres travaux agricoles depuis 1975. Elle travaille actuellement à la conserverie Lucerne, où elle a commencé à travailler à temps partiel en 1980. Elle travaillait aussi la nuit dans une conserverie de Haney tout en occupant en même temps un emploi dans une autre conserverie. Elle a expliqué qu’elle devait gagner le plus d’argent possible pour pouvoir subvenir aux besoins de sa famille, étant donné que son mari ne faisait pas assez d’argent. Chez Lucerne, elle s’occupait des bleuets, des fraises, des framboises puis des légumes vers la fin de la saison de végétation. Elle était mise en disponibilité à la fin de la saison des choux de Bruxelles. Chaque année, elle percevait des prestations d’assurance‑chômage calculées d’après son travail saisonnier. L’appelante a affirmé que sa santé s’était récemment détériorée et qu’elle éprouvait des difficultés depuis les neuf dernières années mais qu’elle avait continué à travailler malgré son mauvais état de santé. Elle se souvient d’avoir participé à une entrevue – aux bureaux de DRHC à Abbotsford – en dépit du fait qu’elle avait mal à la tête et souffrait d’étourdissements parce qu’elle croyait que ses prestations d’assurance‑chômage lui seraient retirées si elle ne se présentait pas à cette entrevue. L’appelante a expliqué que Mme Turgeon l’avait interrogée dans une petite pièce – sans fenêtres –, qu’elle l’avait photographiée et qu’elle lui avait donné pour directives de répondre à certaines questions. Ronnie Gill a cité les notes prises par Mme Turgeon lors de l’entrevue en question à l’onglet 9 qui a eu lieu le 19 janvier 1999. L’appelante a déclaré qu’elle n’avait jamais été informée de son droit de mettre fin à l’entrevue si c’était ce qu’elle souhaitait, ni du fait qu’une enregistreuse avait été placée sur le bureau qui la séparait de Mme Turgeon. Elle a pu communiquer par le truchement de Jugender, une interprète parlant le punjabi. Elle a expliqué qu’elle comprenait un peu l’anglais mais qu’elle avait peu d’occasions de l’apprendre et qu’elle ne pouvait ni lire ni écrire l’anglais, bien qu’elle puisse lire et écrire en punjabi. L’appelante a admis qu’il était possible que Mme Turgeon lui ait relu les notes prises lors de cette entrevue, mais elle ne s’en souvient pas. Pour ce qui est de ses antécédents professionnels, l’appelante a déclaré qu’elle avait travaillé surtout avec des Indo‑Canadiens dans des conserveries et qu’elle avait eu du mal à se trouver du travail hors saison étant donné que les employeurs des pépinières et des serres préféraient engager de jeunes travailleurs. L’appelante a identifié un RE – onglet 3, page 34 – se rapportant à l’emploi qu’elle avait exercé chez Townline Grangers (1999) Ltd. (Townline) du 12 au 30 mai 1998 et elle a admis l’existence d’un RE – onglet 3, page 34 – établi par Safeway relativement à ses états de service chez Lucerne du 6 juin au 3 août 1998. Ces deux emplois lui ont permis d’accumuler 475,75 heures assurables avant de commencer à travailler pour Gill Farms. L’appelante a expliqué que les travaux de binage chez Townline – après la fin de la saison des choux de Bruxelles – étaient trop ardus pour elle et qu’elle était restée chez elle à attendre pendant une semaine avant de commencer à travailler à la conserverie. L’appelante a expliqué qu’elle avait travaillé à la conserverie avec Harmit Kaur Gill, qui l’avait informée que Gill Farms avait besoin de cueilleurs de bleuets. Le 26 juillet 1998, l’appelante a commencé à travailler comme cueilleuse chez Gill Farms. Elle a expliqué que son travail à la conserverie la payait 15 $ l’heure – le double de son salaire comme ouvrière agricole – et qu’elle préférait travailler pour Lucerne autant que possible, habituellement la nuit. Comme la conserverie avait besoin d’être approvisionnée en petits fruits pour pouvoir fonctionner, on affichait chaque jour une liste si l’on avait besoin de travailleurs le lendemain. Si son nom ne figurait pas sur la liste, elle téléphonait au bureau pour savoir si l’on avait besoin de ses services. Surinder K. Gill a affirmé que, si elle n’avait pas travaillé pour Gill Farms – en 1998 – elle se serait trouvé du travail ailleurs. Ainsi qu’il ressort de trois relevés d’emploi distincts – onglet 3, aux pages 26 à 28, inclusivement – elle a exercé trois emplois en 1999, deux chez Lucerne et un chez Townline. Elle a expliqué qu’elle cherchait à travailler le plus possible durant la saison des petits fruits car cette période représentait la seule occasion qui lui était offerte de gagner un revenu puisqu’elle ne pouvait pas se trouver de travail l’hiver. Après sa mise en disponibilité par Gill Farms, elle a présenté une demande de prestations d’assurance‑chômage – onglet 13 – le 18 septembre 1998. L’appelante a affirmé qu’elle ne se souvenait pas avoir exécuté chez Gill Farms d’autre travail que la cueillette de petits fruits. Elle a affirmé qu’elle avait bel et bien effectué le travail indiqué sur son RE et qu’elle avait été payée en conséquence. En ce qui a trait à la divulgation des relevés bancaires, l’appelante a expliqué qu’on l’avait renvoyée à deux comptes de deux succursales différentes de la Banque de Nouvelle‑Écosse (Banque Scotia) mais elle n’a pu produire que les relevés onglet 16 – de la succursale Clearbrook Station d’Abbotsford. Elle a déclaré qu’un autre compte – de la succursale Townline Road d’Abbotsford – avait été fermé deux ans plus tôt et qu’une employée de la banque originaire de l’est de l’Inde lui avait dit que la banque ne pouvait pas lui fournir de copies des relevés d’opérations effectuées en 1998. L’appelante se souvenait que le compte était un compte d’épargne qui lui permettait de faire des chèques.

 

[23]  L’appelante – Surinder K. Gill – a été contre‑interrogée par Me Shawna Cruz. Elle a admis qu’elle s’était engagée – lors de l’interrogatoire préalable – à fournir des relevés de la succursale de Townline de la Banque Scotia et elle a reconnu qu’elle ne les avait pas produits. Au sujet de l’entrevue de l’appelante avec Mme Turgeon, l’avocate a renvoyé à des notes – pièce R‑7, onglet 9, page 53 – dans lesquelles Mme Turgeon avait écrit : [traduction] « La prestataire a demandé que l’entrevue soit suspendue – elle souffre d’hypertension ». L’appelante a admis que ces notes pouvaient être exactes mais elle ne se souvient pas de ces faits. L’appelante a cherché à répondre de son mieux aux questions, mais elle a reconnu qu’elle s’était peut‑être méprise sur certains détails mineurs tels que le nombre de travailleurs à la ferme. Elle a expliqué qu’elle était nerveuse et mal à l’aise lors de son entrevue avec Mme Turgeon et qu’elle avait peut‑être passé sous silence certains aspects de son emploi. L’appelante a reconnu sa signature sur le questionnaire – onglet 6 – du 23 février 2000 qui avait été rempli en son nom par Ronnie Gill et qui avait été retourné à Revenu Canada. Elle estime que les réponses qu’elle a données dans ce questionnaire étaient véridiques. En Inde, elle a fréquenté l’école jusqu’en quatrième année et elle n’a pas eu l’occasion de poursuivre ses études une fois arrivée au Canada, hormis les cours d’anglais, langue seconde (ALS) qu’elle a suivis pendant quatre semaines. En Inde, elle faisait des travaux ménagers, car il n’est pas habituel pour les femmes de travailler dans les champs. L’appelante a expliqué que, comme elle avait été régulièrement engagée comme travailleuse saisonnière pendant une trentaine d’années, elle comptait sur les prestations d’assurance‑chômage chaque fois qu’elle était mise en disponibilité. Au sujet de son embauche chez Gill Farms, l’appelante a affirmé qu’elle avait parlé d’un travail de cueillette à Harmit Kaur Gill à la conserverie étant donné qu’elles effectuaient souvent le même quart de travail, mais qu’aucune date n’avait été fixée pour le début de ce travail. Elle se rendait plutôt directement à la ferme après son quart de nuit à la conserverie Lucerne, même si ce ne pouvait – probablement – être avant 10 h du matin, parce qu’elle savait que la ferme avait besoin de cueilleurs et qu’on serait heureux de pouvoir ainsi compter sur un autre travailleur, même pour une partie de la journée. Parfois, elle téléphonait à la ferme depuis chez elle pour savoir si on avait besoin de ses services. L’appelante a affirmé que, bien qu’elle n’occupe présentement qu’un seul emploi, deux à quatre heures de sommeil lui suffisaient – en 1998 – parce qu’elle était plus jeune à l’époque et que la situation ne durait que pendant une courte période durant l’été. L’appelante a ajouté que, malgré le fait qu’elle n’avait pas d’horaire de travail fixe à Gill Farms, elle était convaincue qu’elle pouvait y demeurer jusqu’à la fin de la saison. Pour ce qui est de sa production quotidienne, l’appelante a affirmé qu’elle pouvait cueillir entre 200 et 300 livres de baies chaque jour, selon l’abondance de la récolte. Elle s’était toutefois aperçue que certaines personnes ne cueillaient qu’une centaine de livres de petits fruits par jour. Lorsqu’elle travaillait chez Gill Farms, elle se rendait au travail avec sa propre voiture. Elle ne se souvient pas du mode de locomotion utilisé par les autres travailleurs, sans doute parce que leurs heures de travail ne coïncidaient pas toujours. Elle a affirmé qu’elle n’était jamais seule pour cueillir les fruits et qu’elle ne se souvenait pas d’avoir commencé à travailler avant d’autres cueilleurs. Elle ne se souvient pas s’il y avait une heure fixe pour quitter le travail, mais elle ne partait plus tôt que si elle devait se présenter à la conserverie pour commencer le quart de travail qui lui avait été assigné la veille. L’appelante a expliqué que la haute saison durait normalement deux ou trois semaines. L’avocate a renvoyé l’appelante à sa fiche de temps – onglet 14 – établie par Harmit Kaur Gill et aux photocopies des fiches de temps – onglet 15 – établies par Lucerne, de même qu’à la dernière fiche – à la page 66 – établie pour le 6 août 1998. D’après les chiffres inscrits sur ces relevés, ce jour‑là, l’appelante aurait travaillé au total 7,5 heures à la conserverie, de 23 h 30 à 7 h 25 et il semble qu’elle ait également effectué huit heures de travail le même jour pour Gill Farms si les chiffres inscrits sur la fiche de temps – onglet 14 – sont exacts. L’appelante a affirmé que ces chiffres étaient exacts et qu’elle était capable d’effectuer toutes ces heures. Elle était rentrée chez elle après son quart de travail à la conserverie, avait pris le petit déjeuner, s’était reposée un peu et s’était présentée chez Gill Farms où elle avait cueilli des fruits jusqu’à 18 h, pour ensuite rentrer à la maison en voiture. Selon la fiche du 13 août 1998 établie par Lucerne – onglet 15, au bas de la page 67 – l’appelante avait travaillé au total cinq heures entre 3 h et 8 h du matin, pour ensuite effectuer huit heures de travail chez Gill Farms, selon l’inscription correspondant à cette date sur sa feuille de paye. L’appelante a affirmé qu’elle avait tenu pour acquis que les renseignements figurant dans les registres étaient exacts et bien qu’elle ne se souvienne pas – avec précision – de cet événement, elle a expliqué qu’il était possible qu’elle se soit rendue directement à Gill Farms après avoir terminé son travail à la conserverie étant donné que les deux endroits ne sont qu’à 20 minutes de voiture l’un de l’autre. Le trajet en voiture de Gill Farms à chez elle lui prenait habituellement de 15 à 20 minutes. L’avocate a renvoyé l’appelante à la page 68 – onglet 15 – au sujet de son travail à la conserverie – le 14 août 1998 – pour un total de 6,25 heures, de 19 h à 1 h 20 du matin, ainsi qu’aux inscriptions relatives au 14 et au 15 août effectuées par Gill Farms et selon lesquelles elle aurait travaillé huit heures chacun de ces jours. On a montré à l’appelante sa fiche de temps établie par Lucerne pour le 15 août – onglet 15, au milieu de la page 68 – suivant laquelle elle avait effectué le quart de travail de jour, de 9 h 30 à 17 h, ainsi que l’inscription pour le même jour que l’on trouvait dans les livres de paye de Gill Farms et suivant laquelle elle aurait effectué huit heures à cet endroit ce jour‑là. L’appelante soutient que le relevé de Gill Farms est inexact en ce qui concerne les heures effectuées ce jour‑là. Elle avait l’habitude de noter les heures de travail qu’elle effectuait à la ferme sur un calendrier et elle reconnaît qu’une erreur peut se produire lorsqu’on établit une fiche de temps. Elle se souvient d’un cas où une fiche de temps indiquait à tort qu’elle avait travaillé à Gill Farms un certain jour alors qu’en réalité, elle se trouvait encore en Angleterre. Elle a affirmé qu’elle tenait son propre registre des heures travaillées jusqu’à la rencontre où l’on réglait les comptes – pour s’assurer qu’on lui verse le montant exact – et elle a précisé qu’elle soumettait ce document à l’un ou plusieurs des membres de la famille Gill pour examen. L’avocate a laissé entendre que l’appelante remettait aux membres de la famille Gill le calendrier sur lequel elle indiquait les dates où elle avait travaillé à la conserverie pour qu’ils lui assignent sur une fiche de temps les heures libres qui n’entreraient pas en conflit avec les heures travaillées chez Lucerne. L’appelante a réfuté cette hypothèse, affirmant qu’elle avait confiance dans le système de contrôle des présences utilisé à la conserverie, où sa fiche de temps – utilisée pour pointer son arrivée et son départ – était vérifiée par un contremaître. Elle a fait observer que les méthodes employées par les petites fermes pour consigner les heures de travail n’étaient pas toujours fiables – ainsi, on arrêtait de compter les heures de travail pendant les pannes mécaniques – et que c’était la raison pour laquelle elle avait pris l’habitude de tenir ses propres registres. Revenant sur la fiche de temps établie par Lucerne – onglet 15, page 68, en bas – pour le 20 août 1998, et sur le registre établi par Gill Farms – onglet 14 – pour le même jour, l’avocate a souligné que l’appelante avait travaillé 4,75 heures chez Lucerne, de 19 h à 23 h 39, après avoir vraisemblablement effectué un quart de travail de huit heures chez Gill Farms. L’avocate a avancé que quelqu’un ne pouvait pas raisonnablement travailler autant d’heures puisqu’il ne restait ainsi que peu de temps pour dormir ou se reposer. L’appelante a répliqué qu’elle avait pu maintenir ce rythme – en 1998 – étant donné qu’elle était habituée à travailler de longues heures au cours de la saison agricole. Suivant le tampon de l’immigration figurant sur la photocopie de son passeport – onglet 17 – l’appelante serait arrivée à Stansted, en Angleterre, le 1er septembre 1998. L’appelante a expliqué qu’elle s’y était rendue pour assister aux noces d’un proche parent mais qu’elle n’y était restée qu’une semaine, étant donné qu’elle devait reprendre le travail. L’avocate a souligné que l’appelante avait été mise en disponibilité environ une semaine plus tard, le 12 septembre. Ainsi que l’appelante l’avait déjà mentionné lors de son interrogatoire principal, suivant le relevé établi par Gill Farms, elle avait travaillé huit heures le 1er septembre, et huit heures le 2 septembre. L’appelante a répondu en citant des inscriptions ultérieures figurant sur la même fiche de temps, qui indiquaient qu’elle s’était absentée de son travail pendant sept jours consécutifs. Elle a affirmé avoir travaillé huit heures chaque jour les 10, 11 et 12 septembre inclusivement et avoir ensuite été mise en disponibilité. Elle ne se souvient pas de la nature du travail effectué pendant les trois derniers jours en question et, même lorsqu’elle cueillait des baies durant l’été, elle ignorait le nom de ses compagnons de travail, qu’elle appelait « mon oncle » ou « ma tante » – s’ils étaient plus âgés – ou « ma soeur » s’ils étaient de son âge. Elle se souvient qu’un mari et sa femme travaillaient ensemble et qu’un travailleur avait son propre rang de baies à cueillir. Elle a admis – à l’interrogatoire préalable – qu’elle avait cité le nom de Gurdev Singh Gill comme compagnon de travail. Suivant son estimation, le nombre de personnes avec qui elle avait travaillé se situait chaque jour entre 25 et 30 personnes et elle a admis qu’elle avait dit à Mme Turgeon qu’il y avait une vingtaine de travailleurs sur place et qu’en répondant au questionnaire – onglet 6, question 39 – elle avait estimé entre 25 et 30 le nombre de travailleurs employés par Gill Farms. L’appelante a affirmé qu’elle croyait que cette réponse était exacte malgré le fait qu’elle avait donné – plus tôt – une estimation différente à Mme Turgeon. Elle a expliqué que diverses personnes agissaient comme superviseurs chez Gill Farms et qu’un membre de la famille Gill servait du thé et des sucreries aux travailleurs. Surinder K. Gill a expliqué que, comme certains membres de la famille Gill travaillaient à l’extérieur de la ferme, ceux‑ci donnaient un coup de main lorsqu’ils rentraient à la maison où pendant leurs jours de congé. Elle se souvient d’avoir souvent vu Harmit Kaur Gill et Manjit Kaur Gill, de même que Rajinder Singh Gill, qui – contrairement à son frère, Hakam – ne travaillait pas à l’extérieur de la ferme en 1998. Elle a fait observer qu’il arrivait à l’occasion aux frères Gill et à leurs femmes de cueillir des baies. Au sujet de la pause du midi, l’appelante a expliqué que certains travailleurs plus âgés prenaient une pause un peu plus longue – jusqu’à 45 minutes – tandis que les plus jeunes s’en tenaient à la période de 30 minutes prévue. Lorsqu’elle était debout pour faire la cueillette, elle déposait les fruits dans un petit seau fixé à sa taille. Lorsqu’elle s’accroupissait ou se penchait pour récolter les baies à la base des bleuetiers, elle les mettait dans des seaux ou des plateaux. Cette façon de procéder était acceptée étant donné que – contrairement aux framboises – les bleuets ne risquent pas de s’écraser. On empilait ensuite les plateaux à un endroit déterminé où elle se rendait pour obtenir un plateau vide. Sinon, un des membres de la famille Gill déposait des plateaux le long d’un rang. Elle transférait les baies de son seau à un plateau et ne partageait ce contenant avec aucun autre travailleur. Lorsqu’un plateau était plein, on mettait un autre plateau plein par‑dessus et une des femmes de la famille Gill transportait les plateaux jusqu’à la balance. Les hommes – dont Hakam – transportaient quatre plateaux à la fois. L’appelante a expliqué qu’elle transférait aussi les baies qu’elle avait recueillies dans son petit seau dans un récipient plus grand qu’elle transportait – souvent – jusqu’à la balance où Harmit Kaur Gill ou l’un des ses enfants procédait à la pesée et enregistrait le poids. L’appelante a expliqué que, malgré le fait qu’elle était payée à l’heure, on lui remettait une fiche de cueillette qu’elle ramenait parfois chez elle si elle était pressée et qu’aucun membre de la famille Gill ne se trouvait à la balance. On lui remettait chaque matin une fiche. Elle a reconnu que la fiche déposée sous la cote A‑1 illustrait le type de fiche qu’elle utilisait et elle a précisé que différentes fermes utilisent des fiches de couleur différente. Le jour, elle conservait sur elle la fiche dont seulement une partie – le duplicata – était passée à la pointeuse pour indiquer la production de fruits. L’appelante se souvient de l’entrevue téléphonique qu’elle a eue avec Mme Rai et elle a été renvoyée aux notes dactylographiées de Mme Rai (onglet 5). L’avocate a souligné qu’on n’avait mentionné une fiche de cueillette que lorsque Mme Rai avait rappelé à l’appelante qu’elle avait déjà discuté – avec des fonctionnaires de DRHC – de l’utilisation des fiches en question. L’appelante a répondu qu’elle s’était interrogée sur la raison d’être de cette entrevue et elle a admis qu’elle avait eu du mal à se souvenir de certains détails au sujet de son emploi. Elle était payée par chèque et elle a identifié ceux que l’on trouve aux onglets 10 et 11 respectivement. Le premier chèque – daté du 30 septembre 1998 – était de 1 363,51 $; elle l’a endossé et l’a déposé dans son compte à la Banque Scotia le 5 octobre 1998. L’autre – daté du 14 septembre 1998 – était de 570,50 $ et il a été encaissé – le 15 septembre – lorsque l’appelante l’a endossé et l’a encaissé, ainsi que la caissière de la banque l’a noté au verso. L’appelante a expliqué qu’il n’était pas inusité d’obtenir de l’argent comptant en échange des chèques de paye, y compris ceux émis par la conserverie. Le RE – onglet 12 – remis à l’appelante portait la date du 24 septembre 1998, soit six jours avant la date où elle a reçu son chèque de paye final. Surinder K. Gill a expliqué qu’il était courant dans l’industrie de la culture des baies de délivrer un RE à un travailleur avant de lui remettre son chèque de paye final. L’avocate a renvoyé l’appelante à sa demande de prestations d’assurance‑chômage – onglet 13 – et a signalé qu’elle était datée du 18 septembre 1998, soit deux jours avant la date à laquelle elle avait reçu son RE. La question 31 qui était cochée sur la demande en question indiquait toutefois que l’appelante n’annexait pas de RE de son employeur malgré le fait qu’en réponse à la question 32, elle avait révélé l’identité de Gill Farms ainsi que la date du début et de la fin de son emploi. L’appelante ne pouvait se rappeler la raison du temps qui s’était écoulé entre sa mise en disponibilité, le 12 septembre et le 30 septembre, date à laquelle elle avait reçu son chèque de paye final. Elle était rémunérée au taux de 7,50 $ l’heure majoré d’une indemnité de congés payés de 7,6 %. L’appelante a affirmé que son premier jour de travail chez Gill Farms était le 28 juillet 1998 et ce, même si, suivant son RE, cette date était le 26 juillet. L’avocate a affirmé que le nombre d’heures assurables – 260 – indiqué sur son RE était gonflé. L’appelante a répondu qu’elle n’avait plus son propre relevé d’heures pour le comparer avec la fiche de temps établie par Gill Farms. Au cours de la rencontre où l’on a réglé les comptes à la résidence des Gill, elle a soumis le calendrier sur lequel elle avait consigné ses heures et Harmit Kaur Gill l’a informée qu’on allait préparer son chèque final. Manjit Kaur Gill était également présente lors de cette rencontre. L’appelante a expliqué que Gill Farms était un bon employeur – en 1998 – et qu’elle avait accumulé suffisamment d’heures assurables grâce aux deux autres emplois qu’elle occupait pour être admissible à des prestations d’assurance‑chômage. En 1999, ses emplois chez Lucerne et chez Townline lui avaient permis de travailler un nombre suffisant d’heures assurables pour devenir admissible à des prestations d’assurance‑chômage à la suite de sa mise en disponibilité, bien que, pour son emploi chez Townline, elle était payée à peine un peu plus que le salaire minimum.

 

[24]  Surinder K. Gill a été réinterrogée par sa représentante, Ronnie Gill. L’appelante a déclaré qu’elle était consciente du fait que son salaire comprenait une indemnité de congés payés, ainsi qu’une indemnité pour avoir travaillé un jour férié. Elle se rappelle avoir travaillé sur une ferme de culture des champignons pour Safeway en 1998. Suivant le RE – onglet 3, page 36 – son dernier jour de travail était le 3 août, alors qu’elle avait déjà affirmé dans son témoignage qu’elle avait travaillé pour cet employeur jusqu’au 28 août. L’appelante a déclaré qu’elle ne remarquait pas les erreurs de dates ou de montants que pouvaient contenir des documents comme les RE mais qu’elle supposait que ce document était exact étant donné qu’elle avait été payée en entier pour son travail. Ronnie Gill a renvoyé l’appelante à ses fiches de temps – onglet 15 – de Lucerne et lui a signalé que, suivant ses calculs, Safeway aurait dû ajouter 52 heures dans son RE. L’appelante a répondu qu’elle avait toujours eu l’intention de travailler autant d’heures que possible durant la saison de végétation même si elle devait, pour ce faire, cumuler trois emplois.

 

Harbans Kaur Khatra

 

[25]  Harbans Kaur Khatra a témoigné en punjabi et les questions et les réponses ainsi que d’autres aspects de l’instance ont été interprétés et/ou traduits de l’anglais au punjabi et du punjabi à l’anglais par Russell Gill, interprète. Le recueil de documents de l’intimé qui concerne le présent appel – 2001‑2120(EI) – est la pièce R‑4. Le ministre a estimé que l’appelante n’avait pas exercé pas d’emploi assurable auprès de Gill Farms au cours de la période du 12 juillet au 26 septembre 1998 parce qu’elle avait un lien de dépendance avec ce payeur. À titre subsidiaire, le ministre a estimé que, si l’emploi en question devait être considéré comme assurable, l’appelante avait effectué 254 heures assurables et que sa rémunération assurable s’élevait à 1 981,20 $. La thèse de l’appelante est que son RE onglet 14 – indique avec raison que ses heures assurables se chiffrent à 652 et que sa rémunération assurable est de 5 085,60 $.

 

[26]  Voici les hypothèses de fait particulières à l’appelante qui sont articulées aux alinéas 8h) à 8r) inclusivement :

 

[TRADUCTION]

h)  la société de personnes a, au cours de la période en cause, engagé l’appelante comme employée rémunérée à l’heure pour cueillir des bleuets et pour fournir à la ferme divers autres services connexes tels que le ramassage de branches mortes, l’installation et le démontage des filets, le binage, le sarclage, la pulvérisation, le lavage des seaux, etc.;

 

i)  le relevé des heures établi par la société de personnes ne correspond pas aux heures effectivement travaillées par l’appelante;

 

j)  il arrivait parfois, que, selon les livres de paye, l’appelante était censée travailler et être payée alors qu’en fait elle n’avait aucun travail à faire;

 

k)  le nombre d’heures que les employés rémunérés à l’heure étaient censés avoir effectuées selon les feuilles de paye de l’appelante était trois fois plus élevé que celui prévu par la norme en vigueur dans l’industrie pour une ferme de cette taille;

 

l)  les dépenses salariales de la société de personnes pour 1998 excédaient les recettes réalisées cette année‑là;

 

m)  la société de personnes a délivré à l’appelante le 7 octobre 1998 ou vers cette date un relevé d’emploi indiquant que son premier jour de travail avait été le 12 juillet 1998 et que son dernier jour de travail avait été le 26 septembre 1998 et que l’appelante avait accumulé 652 heures assurables au cours de cette période, pour une rémunération assurable de 5 085,60 $;

 

n)  au moment des faits, l’appelante avait un lien de dépendance avec la société de personnes;

 

o)  compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, il n’est pas raisonnable de conclure que l’appelante et la société de personnes auraient conclu un contrat d’emploi à peu près semblable si elles n’avaient pas eu de lien de dépendance;

 

p)  l’appelante n’a en fait pas travaillé plus de 254 heures au cours de cette période;

 

q)  l’appelante était rémunérée au taux de 7,50 $ l’heure majoré d’une indemnité de congés payés de 4 %;

 

r)  les gains réalisés par l’appelante au cours de cette période étaient de 1 981,20 $.

 

[27]  Harbans Kaur Khatra a témoigné qu’elle était née au Punjab, en Inde, et qu’elle avait émigré au Canada en 1997. Elle a obtenu le statut de résidente permanente. Après son arrivée au Canada, elle a travaillé pour la famille Virk comme ouvrière agricole. Elle a effectué diverses tâches, dont des travaux de taille et la cueillette de framboises et de bleuets. En 1997, elle a fait la cueillette de bleuets chez Gill Farms et y est revenue pour la saison 1998. Elle affirme que Gill Farms la payait à l’heure au même taux que celui auquel elle était antérieurement rémunérée à la ferme des Virk. Elle se souvient de l’entrevue menée le 19 janvier 1999 aux bureaux de DRHC par Mme Emery, qui avait, avec son consentement, pris sa photo. L’appelante se souvient que Paula Bassi, une employée de DRHC qui parle couramment le punjabi – était également présente. L’appelante a expliqué que la salle d’entrevue était petite. Elle était accompagnée de son beau‑frère, qui n’a cependant pas participé à la discussion avec Mme Emery. Les notes d’entrevue de Mme Emery se trouvent à l’onglet 8. L’appelante a expliqué qu’elle était effrayée durant l’entrevue mais qu’elle n’avait pas réclamé de pause et qu’elle ne s’était pas opposée à la façon dont Mme Emery l’interrogeait. Au sujet de son emploi chez Gill Farms, l’appelante a déclaré qu’elle avait aussi fait le tri des baies – un travail plus facile que la cueillette – ce dont elle se réjouissait parce qu’elle avait subi des blessures au dos lors d’un accident de scooter alors qu’elle vivait en Inde. Dans le cadre de son travail à la ferme des Virk – en 1997 – elle avait travaillé presque chaque jour pendant toute la saison et elle tenait son propre registre des heures effectuées. Chez Gill Farms, elle a reçu trois ou quatre chèques et a été payée en entier pour tout salaire qui lui était encore dû après la fin de la saison. Suivant les livres de paye – onglet 15 – l’appelante avait travaillé le 3 août 1998, un jour férié en Colombie‑Britannique, de même que le 7 septembre 1998, fête du Travail. Harbans Kaur Khatra a affirmé qu’elle ignorait quel était le taux auquel les employeurs sont tenus de payer les employés à l’occasion de ces congés, mais elle a estimé qu’il devait correspondre à son taux de salaire normal de 7,50 $ majoré de 50 %. Elle a affirmé qu’elle était une excellente cueilleuse – elle pouvait cueillir entre 400 et 450 livres par jour – et que, rémunérée au taux habituel payé pour le travail à la pièce, elle pouvait gagner jusqu’à 150 $ par jour – même durant les périodes moins productives de la saison – de sorte qu’il était dans l’intérêt de l’employeur de la payer à l’heure. Elle préférait récolter des baies sur les nouvelles variétés de bleuetiers étant donné que la cueillette y est plus facile. Suivant sa fiche de temps, l’appelante avait travaillé chaque jour au cours de son emploi pour Gill Farms et elle était convaincue qu’elle avait été payée en entier pour son travail. Présentement, elle s’occupe de sa petite‑fille, qui est bébé, et elle ne cueille des baies que la fin de semaine et est rémunérée à la pièce.

 

[28]  Harbans Kaur Khatra a été contre‑interrogée par Me Shawna Cruz, qui l’a renvoyée à l’onglet 5, les deux pages dactylographiées contenant les réponses au questionnaire que l’agent des appels Bernie Keays lui avait envoyé. L’appelante a affirmé qu’elle n’arrivait pas à se souvenir des circonstances dans lesquelles elle avait donné ces réponses, qui ont été consignées par Luckie Gill, la soeur de Ronnie Gill, sa représentante dans la présente instance. L’appelante a expliqué qu’elle avait essayé de répondre avec sincérité aux questions. En Inde, elle travaillait à la maison et le seul travail agricole qu’elle effectuait consistait à s’occuper des vaches et nourrir celles‑ci. Elle a fréquenté l’école jusqu’en quatrième ou cinquième année en Inde et elle ne peut pas lire ou écrire l’anglais, mais elle peut signer son nom. En ce qui a trait au nombre d’heures qu’il lui fallait accumuler pour être admissible à des prestations d’assurance‑chômage, l’appelante a déclaré qu’elle avait déjà su le chiffre exact, mais qu’elle l’estimait à environ 700. Elle se souvient d’avoir témoigné à l’interrogatoire préalable le 15 novembre 2002, où elle avait déclaré qu’elle croyait qu’il lui fallait avoir accumulé 900 heures assurables pour être admissible à des prestations d’assurance‑chômage. L’appelante a expliqué que la famille Virk avait décidé d’utiliser une machine à récolter les bleuets en 1998. Un ami – Jarnail Singh Sidhu – qui avait travaillé pour Gill Farms lui a appris qu’on y trouvait de bons petits fruits. L’avocate a renvoyé l’appelante à la réponse no 3 – onglet 5 – [traduction] « Un des membres de ma famille a trouvé cet emploi et m’a conduite à la ferme ». L’appelante a répondu qu’elle n’avait aucun lien de parenté avec Jarnail Sidhu. Elle a expliqué qu’elle avait parlé à Hakam Singh Gill et qu’elle avait été engagée pour cueillir des baies à la condition d’être rémunérée à l’heure. En 1998, l’appelante habitait Aldergrove, à une dizaine ou une quinzaine de minutes de la propriété des Gill. Elle a expliqué qu’un des Gill – la plupart du temps Manjit, mais parfois aussi Harmit ou Hakam, si celui‑ci était en congé – passait la prendre le matin dans une voiture verte ou une « sorte de camion » qui pouvait loger entre sept et dix passagers, c’est‑à‑dire trois ou quatre personnes de plus que la voiture. Elle voyageait en compagnie de Jarnail Singh Gill et de Gurdev Singh Gill et son épouse mais ne se souvient pas du nom des autres passagers. Habituellement, on passait la prendre à 8 h, mais si on passait plus tôt, elle était prête parce qu’un membre de la famille Gill lui avait téléphoné pour l’informer du changement. Lorsqu’on passait la prendre, il y avait d’autres travailleurs dans le véhicule et le trajet entre sa résidence et Gill Farms prenait entre 10 et 15 minutes. Elle rentrait habituellement chez elle à bord d’un des véhicules de la famille Gill mais il arrivait que son fils vienne la chercher. Elle a expliqué que tous les travailleurs ne quittaient pas le travail au même moment étant donné qu’ils se répartissaient essentiellement en deux groupes composés respectivement de résidents d’Aldergrove et d’Abbotsford. Comme elle habitait tout près, il arrivait que Harmit ou Manjit lui dise : [traduction] « Ma soeur, continue à travailler et on te ramènera chez toi plus tard ». L’appelante a expliqué qu’elle avait travaillé chaque jour pendant toute la durée de son emploi auprès de Gill Farms mais qu’elle ne travaillait pas la nuit tombée et qu’elle rentrait chez elle pour le repas du soir. Même lorsqu’il pleuvait fort, elle continuait la cueillette, car elle avait des vêtements et des chaussures appropriés pour la pluie alors que les autres travailleurs s’arrêtaient habituellement jusqu’à ce que la pluie cesse ou diminue. Elle ne portait pas de montre, mais se souvient qu’il y avait de courtes pauses le matin et l’après‑midi et une pause plus longue le midi. L’une de ses fonctions consistait à trier les baies à l’aide d’un convoyeur à bande situé près de la maison. Elle jetait les débris et les baies impropres à la consommation et s’assurait de ne conserver que les fruits de la meilleure qualité. Le tri et le nettoyage n’occupaient pas toute sa journée et elle ne se livrait à ces activités que lorsqu’une quantité suffisante de baies avait été accumulée. Hormis la cueillette, elle effectuait des tâches telles que le démontage des filets à la fin de la saison et le lavage des cuves et des caisses et l’épandage de qu’elle croyait être de la sciure (du paillis d’écorce) autour des bleuetiers. Elle se servait également d’une faucille pour couper de l’herbe et effectuait des travaux de taille d’entretien. Lorsqu’elle a été embauchée, la première tâche qui lui a été confiée était la cueillette des baies étant donné que les filets étaient déjà installés. L’appelante a expliqué qu’elle travaillait habituellement avec une dizaine ou une quinzaine de personnes, mais qu’il y avait parfois plus de personnes. Elle se souvient d’avoir travaillé avec Santosh Kaur Makkar et Gurdev Singh Gill et son épouse mais ne se souvient pas s’ils avaient commencé avant ou après elle. Elle affirme que les arbrisseaux étaient assez hauts et qu’il était difficile de voir les gens à moins qu’ils ne soient tout près. Manjit était sa superviseure et elle cueillait des baies – à l’occasion – à divers endroits et les déposait dans le récipient du travailleur situé le plus près d’elle. À son avis, Manjit inspectait les bleuetiers pour voir si les cueilleurs y avaient laissé des baies mûres. L’appelante a expliqué que Harmit circulait aussi dans la zone de cueillette et apportait parfois du thé aux cueilleurs. Hakam – qui, selon ce qu’elle savait, avait un emploi à l’extérieur de la ferme – circulait aussi dans les rangs de bleuets – tout comme Rajinder. Elle se souvient que, pendant les quelques jours – peut‑être une semaine – qu’il fallait pour démonter les filets, elle avait travaillé avec les deux Makkar, et avec deux femmes, Jaswinder et Pawandeep, ainsi qu’avec Manjit Kaur Gill. Il fallait rouler les filets pour les entreposer durant la saison morte. L’appelante ne se souvient pas du temps que nécessitait la taille et elle a expliqué qu’elle avait épandu de la sciure à l’aide d’un seau qu’elle transportait. Elle était incapable de donner une estimation du temps requis pour nettoyer les récipients mais elle a expliqué que c’était probablement la dernière tâche qu’elle avait effectuée avant sa mise en disponibilité. L’appelante a admis qu’elle avait donné antérieurement des réponses différentes sur les mêmes sujets, mais elle a expliqué qu’elle avait du mal à se souvenir des petits détails. En ce qui concerne les méthodes de cueillette, elle a confirmé qu’elle se servait d’un petit seau fixé à sa taille dans lequel elle déposait les baies, pour ensuite les verser dans un contenant en plastique plus grand situé tout près. Lorsque ce contenant était plein, un des membres de la famille Gill le transportait jusqu’à la balance. L’appelante affirme n’avoir jamais utilisé de fiche de cueillette et explique qu’elle calculait sa production quotidienne en comptant le nombre de seaux pleins qui contenaient chacun 25 livres de baies. Le petit seau qu’elle portait à la taille a une capacité de cinq livres. Elle consignait aussi le nombre de fois qu’elle le remplissait au cours de la journée en notant les chiffres sur le revers de la main, un bleuet faisant office de stylo et le jus, d’encre. Pour cueillir les bleuets, elle se servait de ses deux mains simultanément et durant la haute saison, elle arrivait à remplir son petit seau avec les baies provenant de seulement quatre ou cinq branches. La réponse écrite à la question 41 du questionnaire – onglet 5 – était « Oui », et il était indiqué que l’appelante avait utilisé [traduction] « une fiche de cueillette pour chaque jour de travail ». L’appelante a affirmé que cette réponse n’était pas exacte en soulignant que la réponse – à la question 40 – ([traduction] « Je n’en avais pas ») visait la question [traduction] « À quoi servait la fiche de cueillette? » L’avocate a renvoyé l’appelante aux notes manuscrites – onglet 4 – prises par Harby Rai lors de leur conversation téléphonique du 16 août 1999, et suivant lesquelles [traduction] « on ne lui a pas remis de fiche de cueillette et elle ignore si d’autres personnes avaient des fiches de cueillette ». Rai avait par ailleurs noté que l’appelante avait déclaré [traduction] « qu’elle n’a pas vu de balance sur les lieux ». Or, l’appelante affirme qu’il y avait une balance et elle ne se souvient pas d’avoir dit le contraire lors de sa conversation avec Mme Rai. Elle se souvient aussi d’avoir dit – à un moment donné – qu’elle avait vu des fiches de cueillette à l’endroit où se trouvait le convoyeur à bande servant au nettoyage et au tri. L’appelante a identifié la photocopie du chèque no 0505 – deuxième à partir du haut, page 47, onglet 9 – daté du 26 octobre 1998 – au montant de 1 828,04 $ – qu’elle avait déposé dans son compte à l’Aldergrove Credit Union le 14 novembre 1998. Elle a également reçu le chèque no 0501 – bas de la page 49, onglet 10 – daté du 24 octobre 1998 – au montant de 1 600 $ – qu’elle a déposé dans son compte de la Credit Union le 2 novembre 1998. Elle affirme qu’elle n’avait pas de véhicule, ce qui avait pu retarder l’encaissement du chèque no 0505 même si l’on pouvait raisonnablement présumer que le chèque no 0501 avait été libellé en premier. Elle a affirmé ne pouvoir se souvenir pourquoi les chèques avaient été émis presque un mois après sa mise en disponibilité. Elle a identifié le chèque no 0492 – deuxième à partir du bas, page 51, onglet 11 – portant la date du 22 octobre 1998 – au montant de 734 $ – qu’elle a déposé dans son compte le 23 octobre 1998. Elle a expliqué qu’il lui arrivait d’encaisser un chèque rapidement si son fils avait besoin d’argent. Elle a reçu le chèque no 0426 – deuxième à partir du bas, page 53, onglet 12 – daté du 9 août 1998, au montant de 200 $, qui n’a été déposé que le 29 août. L’avocate a renvoyé l’appelante aux relevés – onglet 1 – se rapportant au compte qu’elle détenait conjointement avec son fils – Satwinder Singh Khatra – à l’Aldergrove Credit Union et plus précisément à l’inscription du 12 novembre 1998 (numéro 981112) – à la page 8 – faisant état d’un retrait de 2 000 $. L’avocate a souligné que, le 14 novembre 1998, la somme de 2 024,04 $ avait été déposée dans le compte en question, ce qui comprenait probablement le chèque de 1 828,04 $ de Gill Farms. L’avocate a avancé l’hypothèse que l’appelante avait retiré 2 000 $ pour pouvoir payer cette somme à un des membres de la famille Gill avant de recevoir son chèque de paye final. L’appelante a nié cette hypothèse et a affirmé qu’elle avait eu besoin de cet argent pour acheter des meubles et pour ses frais de subsistance habituels. L’avocate a renvoyé l’appelante à l’inscription 981023 du 23 octobre 1998, faisant état du dépôt de la somme de 1 533,07 $, et à l’inscription 981029 du 29 octobre 1998, indiquant un retrait de 2 000 $ en espèces. L’avocate a cité d’autres retraits d’argent comptant totalisant 4 500 $ au cours de la période de deux semaines comprise entre la fin d’octobre et la mi‑novembre. L’appelante a soutenu qu’elle payait son loyer en espèces et qu’elle avait déménagé dans une nouvelle résidence le 31 octobre et qu’elle avait eu besoin d’acheter des meubles. Lors de l’entrevue de DRHC – onglet 8 – à la page 45 des notes prises par Mme Emery, la question posée était celle de savoir si l’appelante avait remis de l’argent en espèces aux Gill en échange de son relevé d’emploi. Elle a répondu ce qui suit : [traduction] « Autant que je sache, je n’ai pas payé pour l’obtenir; en fait, c’est mon beau‑frère qui s’occupe de ces choses; je ne sais pas lire ». L’appelante a affirmé qu’elle voulait dire à Mme Emery que, même si elle n’avait pas remis d’argent, son beau‑frère l’aidait pour beaucoup de questions d’argent. Harbans Kaur Khatra a identifié sa demande de prestations d’assurance‑chômage du 22 octobre 1998 – onglet 14. Elle se souvient que quelqu’un l’a aidée à remplir le formulaire et qu’elle a indiqué l’adresse de Gill Farms comme endroit où l’on pouvait communiquer avec elle – par la poste – étant donné qu’elle était sur le point de déménager. L’appelante maintient que la fiche de temps – onglet 15 – est exacte et qu’elle travaillait huit ou neuf heures par jour. Lorsque son fils venait la chercher, il arrivait à la ferme entre 16 h 30 et 17 h. Parfois, elle commençait à travailler un peu plus tard le matin et travaillait une heure ou deux de plus l’après‑midi. Comme elle habitait à seulement quelques minutes de la ferme, Harmit ou Manjit pouvaient facilement passer la prendre en voiture. L’appelante a affirmé qu’elle pouvait se contenter de deux à quatre heures de sommeil par nuit. Elle se souvient d’avoir reçu un appel d’un des membres de la famille Gill l’informant qu’ils étaient prêts à régler les comptes et à lui remettre son chèque de paye final. Elle a confirmé le témoignage qu’elle avait donné à l’interrogatoire préalable suivant lequel son fils l’avait reconduite en voiture à la ferme et était revenu la chercher plus tard pour la ramener à la maison et que Manjit Kaur Gill s’était occupée personnellement de régler les comptes. Elle a reçu son relevé d’emploi – peut‑être après avoir reçu son chèque final – et a été informée par Manjit ou par Harmit qu’elle avait accumulé suffisamment d’heures assurables pour être admissible à des prestations d’assurance‑chômage. Son fils l’a conduite en voiture au bureau pour qu’elle puisse déposer sa demande.

 

[29]  L’appelante – Harbans Kaur Khatra – a été réinterrogée par sa représentante, Ronnie Gill. L’appelante a expliqué qu’elle avait l’habitude de payer ses achats avec de l’argent comptant et qu’elle ne signait pas de chèques. Elle payait son loyer – 450 $ par mois – en espèces et avait acheté des meubles pour son nouveau logement à Surrey. L’appelante a été renvoyée à l’inscription 980429 (29 avril 1998), à la page 6, onglet 1, faisant état d’un retrait de 700 $ en espèces, et à l’inscription 980529 (29 mai 1998), à la page 7, indiquant un retrait en espèces de 500 $. L’appelante a expliqué que ce montant est [traduction] « peu élevé et est dépensé en quelques jours à peine ». L’appelante a confirmé que le solde de son compte excédait 4 000 $ en date du 7 octobre 1998 et qu’elle n’avait rien remboursé à aucun des membres de la famille Gill relativement à son emploi chez Gill Farms. Elle affirme qu’elle travaillait très fort pour gagner son argent. L’appelante soutient qu’elle n’a pas reporté l’encaissement des chèques qu’elle avait reçus de Gill Farms durant cette période relativement courte.

 

Gyan Kaur Jawanda

 

[30]  Gyan Kaur Jawanda a témoigné en punjabi et les questions et les réponses ainsi que d’autres aspects de l’instance ont été interprétés et/ou traduits de l’anglais au punjabi et du punjabi à l’anglais par Russell Gill, interprète. Le recueil de documents de l’intimé qui concerne le présent appel – 2001‑2125(EI) – est la pièce R‑12.

 

[31]  Le ministre a estimé que l’appelante n’avait pas exercé d’emploi assurable auprès de Gill Farms au cours de la période du 25 mai au 26 septembre 1998 parce qu’elle avait un lien de dépendance avec la société de personnes payeuse. Le ministre a toutefois estimé que, si l’emploi en question était jugé assurable, l’appelante avait effectué 333 heures assurables et que sa rémunération assurable s’élevait à 2 597,40 $. La thèse de l’appelante est qu’elle a accumulé 942 heures assurables et que sa rémunération assurable se chiffre à 7 347,60 $, ainsi qu’il est indiqué dans son relevé d’emploi, que l’on trouve à l’onglet 12.

 

[32]  Voici les hypothèses de fait particulières à l’appelante qui sont articulées aux alinéas 8h) à 8r) inclusivement :

 

h)  la société de personnes a, au cours de la période en cause, engagé l’appelante comme employée rémunérée à l’heure pour cueillir des bleuets et pour fournir à la ferme divers autres services connexes tels que le ramassage de branches mortes, l’installation et le démontage des filets, le binage, le sarclage, la pulvérisation, le lavage des seaux, etc.;

 

i)  le relevé des heures établi par la société de personnes ne correspond pas aux heures effectivement travaillées par l’appelante;

 

j)  il arrivait parfois, que, selon les livres de paye, l’appelante était censée travailler et être payée alors qu’en fait elle n’avait aucun travail à faire;

 

k)  le nombre d’heures que les employés rémunérés à l’heure étaient censés avoir effectuées selon les livres de paye de l’appelante était trois fois plus élevé que celui prévu par la norme en vigueur dans l’industrie pour une ferme de cette taille;

 

l)  les dépenses salariales de la société de personnes pour 1998 excédaient les recettes réalisées cette année‑là;

 

m)  la société de personnes a délivré à l’appelante le 7 octobre 1998 ou vers cette date un RE indiquant que le premier jour de travail était le 25 mai 1998 et que le dernier jour de travail était le 26 septembre 1998 et que l’appelante avait accumulé 942 heures assurables au cours de cette période, pour une rémunération assurable de 7 347,60 $;

 

n)  au moment des faits, l’appelante avait un lien de dépendance avec la société de personnes;

 

o)  compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, il n’est pas raisonnable de conclure que l’appelante et la société de personnes auraient conclu un contrat d’emploi à peu près semblable si elles n’avaient pas eu de lien de dépendance;

 

p)  l’appelante n’a en fait pas travaillé plus de 333 heures au cours de cette période;

 

q)  l’appelante était rémunérée au taux de 7,50 $ l’heure majoré d’une indemnité de congés payés de 4 %;

 

r)  les gains réalisés par l’appelante au cours de cette période étaient de 2 597,40 $.

 

[33]  Gyan Kaur Jawanda a témoigné qu’elle était née en Inde et qu’elle était arrivée au Canada en 1998. Son premier emploi a été chez Gill Farms. Au début, elle a aidé à l’installation des filets, a fait un peu de binage et de désherbage et a taillé des branches mortes. Plus tard, elle a cueilli des baies presque chaque jour. Elle se souvient de l’entrevue qu’elle a eue avec Mme Emery le 19 janvier 1999 aux bureaux de DRHC à Abbotsford. Paula Bassi était l’interprète parlant le punjabi. Elle affirme qu’autant qu’elle le sache, les renseignements contenus dans les notes – onglet 7 – sont exacts. Elle se souvient aussi du contexte dans lequel a eu lieu – le 30 juillet 1999, chez elle – sa discussion avec Harby Rai. La fille de l’appelante – Baljit Kaur Jawanda – était présente du début à la fin. Dans ses notes dactylographiées – onglet 3, Mme Rai a consigné certaines des réponses données par l’appelante, notamment celle dans laquelle elle affirmait n’avoir vu personne d’autre faire du sarclage ou du désherbage, ajoutant que c’était une petite ferme et que, si d’autres travailleurs avaient fait ce travail, elle les aurait vus. Mme Rai a également noté l’observation de l’appelante suivant laquelle elle avait cueilli des bleuets seule les vingt premiers jours et que, durant la haute saison, il y avait une trentaine de travailleurs chez Gill Farms. L’appelante a nié avoir fait ces déclarations. Elle ne se souvient pas de la quantité de baies qu’elle cueillait chaque jour mais affirme qu’elle était payée à l’heure. Suivant les notes de Mme Rai – onglet 3, page 29 – l’appelante aurait affirmé qu’elle était payée 7,15 $ l’heure pour des tâches comme le sarclage, le nettoyage, l’installation et le démontage des filets et le nettoyage des seaux, mais qu’elle était rémunérée à la pièce pour cueillir des baies, bien qu’elle ignore à quel tarif elle était payée pour ce travail. Ronnie Gill a renvoyé l’appelante aux notes prises par Mme Emery – onglet 7, page 43 – lors de l’entrevue du 19 janvier 1999 et à sa réponse : [traduction] « J’étais payée au taux horaire de 7,50 $ ». L’appelante a identifié le chèque no 0511 – onglet 8, haut de la page 47 – daté du 26 octobre 1998 – au montant de 2 000 $ – qu’elle a déposé le 19 novembre dans son compte à la Khalsa Credit Union. Elle se souvient aussi d’avoir reçu le chèque no 0504 – haut de la page 49, onglet 9 – daté du 24 octobre 1998 – au montant de 582,21 $ – et de l’avoir déposé dans son compte de Khalsa le 16 novembre 1998. L’appelante a été renvoyée aux bordereaux de dépôt – onglet 11, page 53 – se rapportant au dépôt de trois sommes fait dans son compte le 23 novembre 1998 pour un total de 2 863,99 $ et à une photocopie d’un chèque tiré sur le compte commercial de la ferme des frères Gill. Ce chèque de 3 657,33 $ – page 56 –, qui porte la date du 30 octobre 1998 a été encaissé par l’appelante à Khalsa le 23 décembre 1998, lorsqu’elle a déposé en tout 4 145,33 $ et a retiré 3 500 $ en espèces. L’appelante affirme qu’elle s’est servie de cet argent pour des dépenses courantes du ménage et qu’elle a acheté un ordinateur à l’un de ses enfants. En 1998, elle habitait chez sa fille, qui avait parrainé sa demande d’immigration au Canada. Au sujet du temps qu’elle avait laissé s’écouler avant d’encaisser son chèque de paye, l’appelante a expliqué qu’elle l’avait sans doute peut‑être oublié pendant un certain temps ou – peut‑être – qu’elle avait attendu qu’un de ses enfants fasse l’opération à la banque. Elle détenait à Khalsa un compte conjoint avec sa fille – Gyan Kaur Jawanda – et il ressort du relevé que l’on trouve à l’onglet 15, page 66 – que des retraits en espèces de 1 600 $ et 2 800 $ ont été effectués les 2 et 4 décembre 1998 respectivement. L’appelante a déclaré qu’elle était veuve depuis de nombreuses années et qu’elle était arrivée au Canada en janvier 1998 avec trois enfants âgés entre 14 et 17 ans. Elle a trois autres filles et un fils. En Inde, son mari était propriétaire d’une entreprise de fabrication de briques, mais elle ne travaillait alors qu’à la maison.

 

[34]  L’appelante – Gyan Kaur Jawanda – a été contre‑interrogée par Me Shawna Cruz, qui l’a renvoyée aux réponses qu’elle avait données lors de l’interrogatoire préalable, le 12 février 2003, lorsqu’elle avait déclaré qu’elle avait été engagée par Harmit Kaur Gill. L’appelante a par ailleurs été informée que, dans les notes – onglet 7, page 42 – prises lors de l’entrevue du 19 janvier 1999 aux bureaux de DRHC à Abbotsford, Mme Emery avait consigné la réponse de l’appelante suivant laquelle c’était Manjit K. Gill qui l’avait engagée. À la question no 3 du questionnaire onglet 4 sur la personne qui l’avait engagée, elle avait répondu : « Hakam ». L’appelante a affirmé qu’elle savait que c’était un des membres de la famille Gill qui l’avait engagée. L’avocate lui a lu à haute voix la réponse qu’elle avait donnée à l’interrogatoire préalable et suivant laquelle elle était payée à l’heure pour installer les filets mais qu’elle ignorait de quelle manière elle était rémunérée pour la cueillette des petits fruits et qu’elle acceptait le mode de paiement appliqué par Gill Farms. L’appelante a déclaré qu’elle croyait qu’elle était payée à l’heure pour cueillir des baies mais elle a admis qu’il était possible que son salaire ait été calculé à la livre. L’appelante a ajouté que, malgré le fait qu’elle avait été engagée le 25 mai 1998, sa première semaine de travail avait été consacrée à la cueillette de fraises sur une autre ferme et qu’elle avait supposé que la famille Gill avait accepté de prêter ses services à la ferme en question. Elle se souvient que c’était un des membres de la famille Gill, habituellement Harmit ou Rajinder, qui la conduisait au travail. Renvoyée aux diverses réponses qu’elle avait données dans le questionnaire – onglet 4 – au sujet du mode de transport au travail et confrontée à certaines autres contradictions, l’appelante a expliqué qu’elle n’avait pas vraiment remarqué lequel des membres de la famille conduisait le véhicule ni le nombre de passagers. L’avocate a fait remarquer à l’appelante qu’il ressortait des notes prises par Mme Rai – onglet 3, page 28 – qu’elle avait dit à cette dernière que c’était [traduction] « Rajinder, dans la grosse camionnette, celle qui sert au transport des fruits » qui passait la prendre et qu’elle était la seule passagère. Selon sa fiche de temps (onglet 14), l’appelante n’avait jamais travaillé le dimanche, du moins pas avant le 28 juin, date à laquelle elle a commencé à travailler sept ou huit heures par jour, sept jours par semaine jusqu’à sa mise en disponibilité, le 26 septembre 1998. L’appelante a expliqué qu’il était difficile de travailler aussi dur sans prendre de répit, mais qu’elle avait réussi à le faire malgré son âge – elle avait 51 ans en 1998 – et le fait qu’elle ne travaillait nulle part avant de commencer à travailler pour Gill Farms. L’avocate a renvoyé l’appelante à la réponse qu’elle avait donnée à l’interrogatoire préalable et suivant laquelle elle était titulaire d’un compte conjoint avec sa fille parce que son mauvais état de santé ne lui permettait pas d’aller à la banque de façon régulière. L’avocate lui a demandé comment, vu cet état de fait, elle avait réussi à travailler chaque jour pendant près de trois mois. L’appelante a répondu qu’il fallait bien travailler pour gagner sa vie, mais qu’il fallait que quelqu’un d’autre fasse les courses pour elle. L’avocate a signalé à l’appelante que Harby Rai avait pris note de la réponse qu’elle avait donnée – onglet 3, page 28 – et suivant laquelle elle travaillait quatre ou cinq jours, pour ensuite prendre un jour de repos, alors que, suivant la fiche de temps, elle avait travaillé six jours par semaine jusqu’à ce que la saison des petits fruits commence, après quoi elle avait travaillé chaque jour. L’appelante a affirmé qu’elle ne se souvenait pas des détails concernant le transfert des baies devant être pesées, mais qu’elle savait que les propriétaires de la ferme voulaient savoir quelle quantité chaque travailleur avait cueillie au cours de la journée. Elle a reconnu qu’elle ne tenait pas de compte personnel de ses heures et qu’à partir de la fin de mai et jusqu’en août, elle n’avait touché que 200 $. L’appelante a nié avoir remboursé de l’argent à la famille Gill en ce qui concerne son emploi chez Gill Farms. Lors de l’entrevue menée aux bureaux de DRHC, on a demandé à l’appelante si elle avait remis de l’argent aux Gill pour qu’ils inscrivent un nombre de semaines plus élevé sur son relevé d’emploi. Mme Emery a noté ce qui suit – onglet 7, page 46  : [traduction] « Elle ne le sait pas; sa fille le saurait. Elle ne sait pas vraiment c’est qu’est un relevé d’emploi ou à quoi ça sert ». L’appelante affirme que son cerveau ne fonctionnait pas très bien au cours de cette entrevue mais elle a insisté pour dire que [traduction] « personne ne travaille pour ensuite remettre son salaire ».

 

[35]  L’appelante – Gyan Kaur Jawanda – a été réinterrogée par sa représentante, Ronnie Gill. L’appelante a déclaré que, lorsqu’on l’avait interrogée au sujet de sa santé – à l’interrogatoire préalable – elle parlait de son état de santé en 2003 parce qu’elle n’avait pas travaillé depuis 2000 et que sa santé était bien meilleure en 1998 et en 1999. Elle se rappelle que l’entrevue menée par Mme Rai le 30 juillet 1999 avait eu lieu jusqu’après qu’elle soit rentrée de sa journée de travail, qui avait commencé à 6 h 30 et qu’elle était de ce fait fatiguée.

 

Himmat Singh Makkar

 

[36]  Himmat Singh Makkar a témoigné en punjabi et les questions et les réponses ainsi que d’autres aspects de l’instance ont été interprétés et/ou traduits de l’anglais au punjabi et du punjabi à l’anglais par Russell Gill, interprète. Le recueil de documents de l’intimé qui concerne le présent appel – 2001‑2121(EI) – est la pièce R‑9.

 

[37]  Le ministre a estimé que l’appelant n’avait pas exercé d’emploi assurable auprès de Gill Farms entre le 2 et le 28 août 1998 parce qu’il avait un lien de dépendance avec ce payeur. À titre subsidiaire, le ministre a estimé que, si l’emploi en question était jugé assurable, l’appelant avait effectué 72 heures assurables et que sa rémunération assurable s’élevait à 599,04 $. La thèse de l’appelant est que, comme il est indiqué dans son RE, à l’onglet 12, il a travaillé pendant 160 heures et sa rémunération assurable s’élève à 1 381,20 $.

 

[38]  Voici les hypothèses de fait particulières à l’appelant qui sont articulées aux alinéas 8h) à 8r) inclusivement :

 

[TRADUCTION]

h)  la société de personnes a, au cours de la période en cause, engagé l’appelant comme employé rémunéré à l’heure pour cueillir des bleuets et pour fournir à la ferme divers autres services connexes tels que le ramassage de branches mortes, l’installation et le démontage des filets, le binage, le sarclage, la pulvérisation, le lavage des seaux, etc.;

 

i)  le relevé des heures établi par la société de personnes ne correspond pas aux heures effectivement travaillées par l’appelant;

 

j)  il arrivait parfois, que, selon les livres de paye, l’appelant était censé travailler et être payé alors qu’en fait il n’avait aucun travail à faire;

 

k)  le nombre d’heures que les employés rémunérés à l’heure étaient censés avoir effectuées selon les feuilles de paye de l’appelant était trois fois plus élevé que celui prévu par la norme en vigueur dans l’industrie pour une ferme de cette taille;

 

l)  les dépenses salariales de la société de personnes pour 1998 excédaient les recettes réalisées cette année‑là;

 

m)  la société de personnes a délivré à l’appelant le 14 septembre 1998 ou vers cette date un RE indiquant que son premier jour de travail était le 3 août 1998 et que son dernier jour de travail était le 28 août 1998 et que l’appelant avait accumulé 160 heures assurables au cours de cette période, pour une rémunération assurable de 1 331,20 $;

 

n)  au moment des faits, l’appelant avait un lien de dépendance avec la société de personnes;

 

o)  compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, il n’est pas raisonnable de conclure que l’appelant et la société de personnes auraient conclu un contrat d’emploi à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance;

 

p)  l’appelant n’a en fait pas travaillé plus de 72 heures au cours de cette période;

 

q)  l’appelant était rémunéré au taux de 8 $ l’heure majoré d’une indemnité de congés payés de 4 %;

 

r)  les gains réalisés par l’appelant au cours de cette période étaient de 599,04 $.

 

[39]  Himmat Singh Makkar a témoigné qu’il était né en Inde – en 1947 – et qu’il était arrivé au Canada en 1997. Il a travaillé au cours des mois d’octobre et de novembre pour un entrepreneur en main‑d’oeuvre. Il habitait avec sa fille et la famille de celle‑ci. En 1998, de mars à mai, il a travaillé pour Lakeland Nursery (« Lakeland »). Il a aussi travaillé pour la ferme Berry Haven (« Berry Haven »), également connue sous le nom de Penny’s Farm, à Abbotsford et il se rendait au travail avec sa propre voiture. Il a raconté qu’avant de commencer à travailler pour Gill Farms le 3 août 1998, il avait accumulé près de 1 000 heures d’emploi assurable grâce à l’emploi qu’il avait occupé auparavant ce qui, selon lui, constituait plus que le minimum requis pour être admissible à des prestations d’assurance‑chômage, bien qu’il ignore le chiffre exact exigé. Chez Berry Haven, il était rémunéré à la pièce en fonction de la quantité de baies qu’il cueillait et il recevait l’équivalent d’un taux horaire de 9 $ ou 10 $. Après avoir été mis à pied chez Berry Haven, il a entendu parler de Gill Farms par son gendre et il a présenté une demande de travail à cet endroit. Il n’avait jamais cueilli des bleuets auparavant et se souvient d’avoir reçu – à l’occasion – une partie d’une fiche de cueillette semblable à celle déposée en preuve sous la cote A‑1. Il se rendait chez Gill Farms avec sa propre voiture et y conduisait aussi – à l’occasion – son épouse, qu’un membre de la famille Gill passait parfois prendre chez elle et ramenait à la maison après le travail. Il se rappelle avoir participé à une entrevue avec Mme Emery (ses notes se trouvent à l’onglet 9) au cours de laquelle Paula Bassi avait agi comme interprète punjabi. On a pris sa photo et il a ensuite répondu aux questions que lui a posées Mme Emery parce qu’il se croyait obligé de le faire. L’appelant a été renvoyé à une photocopie du chèque no 0507 – onglet 10, haut de la page 48 – daté du 26 octobre 1998 au montant de 742,09 $ qu’il a déposé dans son compte à la First Heritage Savings Credit Union (« Heritage ») le 17 novembre 1998. Il ne se souvient pas de la raison précise pour laquelle il a attendu avant d’encaisser ce chèque mais il explique qu’il ne dépose pas toujours ses chèques rapidement, même maintenant. Il a également reçu le chèque no 0430 – onglet 11, deuxième à partir du haut de la page 50 – daté du 9 août 1998 au montant de 200 $ – qui a été déposé au crédit de son compte le 15 septembre 1998. Alors qu’il travaillait chez Lakeland à 8,50 $ ou 9 $ l’heure, il était régulièrement payé par chèque. Il était le seul membre de sa famille qui possédait un compte dans un établissement financier. Les dépôts qu’il effectuait dans ce compte provenaient souvent de diverses sources (notamment les chèques de paye de son épouse, Santosh Kaur Makkar, qui travaillait aussi chez Gill Farms). On trouve un exemple de ce type de dépôt – pour la somme de 5 292,68 $ le 25 avril 1998 – dans le relevé des opérations effectuées dans ce compte à l’onglet 15, page 58. L’appelant ne se souvient pas de la raison du retrait en espèces de 1 000 $ du 21 mars 1998. Alors qu’il travaillait chez Berry Haven – à compter de juin 1998 – il était payé chaque mois par chèque. Le 4 août 1998, il a fait un dépôt totalisant 3 285,21 $ qui – à ce qu’il croyait – comprenait des chèques de paye pour lui‑même et pour son épouse. Le 31 octobre 1998, l’inscription figurant sur le relevé – onglet 15, page 60 – indiquait un retrait en espèces de 2 200 $. L’appelant ne peut se rappeler ce que visait cette opération, si ce n’est qu’il s’est servi de cet argent pour acheter de la nourriture ou pour payer des achats – de façon régulière – étant donné que ni lui ni son épouse n’avait de carte de crédit en 1998. Il se servait du guichet automatique bancaire pour effectuer des retraits qui semblaient respecter la limite quotidienne fixée à 300 $. Himmat Singh Makkar a déclaré qu’il avait cueilli des bleuets chez Gill Farms jusqu’à ce que Harmit Kaur Gill le mette en disponibilité le 28 août 1998. Il a expliqué que le travail commençait à manquer à l’approche de la fin de la saison et qu’il n’était pas parmi les cueilleurs les plus rapides, étant donné qu’en 1998, c’était la première fois qu’il cueillait des bleuets. Il a affirmé que, parce qu’il travaille dans une industrie saisonnière, l’emploi qu’il exerce chez Lakeland et chez Berry Haven chaque année lui permet d’accumuler suffisamment d’heures assurables pour avoir droit à des prestations d’assurance‑chômage après sa mise en disponibilité.

 

[40]  Himmat Singh Makkar a été contre‑interrogé par Me Shawna Cruz. Il a expliqué qu’il avait fréquenté l’école jusqu’en dixième année en Inde et qu’il avait suivi des cours d’anglais, langue seconde à Vancouver pendant deux ou trois semaines après son arrivée au Canada. Il a convenu que la réponse qu’il avait donnée – à l’interrogatoire préalable – le 18 novembre 2003, et suivant laquelle les cours qu’il avait suivis avaient duré quatre ou cinq semaines était exacte. Il a affirmé qu’il peut parler et écrire un peu l’anglais et qu’il emprunte des livres à la bibliothèque pour améliorer son aptitude à lire. Il sait lire et écrire le punjabi et il a travaillé pour une société de chemins de fer en Inde. Avant d’émigrer au Canada, il n’avait jamais effectué de travail agricole. L’appelant a reconnu sa signature sur la dernière page du questionnaire – onglet 5 – que Ronnie Gill a rempli en son nom – le 23 février 2000 – à partir de ses réponses, qu’il estimait véridiques. Il se souvient d’avoir participé avec Mme Emery le 18 janvier 1999 à une entrevue à laquelle assistait aussi une interprète punjabie, Paula Bassi. Il se souvient aussi d’avoir parlé au téléphone avec Harby Rai. Il n’a pas eu l’occasion de lire les notes – onglet 4 – prises par Mme Rai au sujet de cette conversation du 18 janvier 1999 ni de réfléchir avant de répondre aux questions que lui a posées Mme Rai au cours de cette entrevue téléphonique, mais il estime que ses réponses étaient véridiques. Sur la façon dont il a été mis au courant de l’emploi offert chez Gill Farms, il a répondu à la question no 2 du questionnaire onglet 5  que c’est un ami qui lui en a parlé. L’appelant a reconnu que certaines de ses réponses avaient changé – en raison de l’écoulement du temps – mais il a précisé que son gendre avait fait la connaissance de Hakam Singh Gill à l’usine. Lorsqu’il avait commencé à travailler pour Gill Farms, il ignorait combien de temps ce travail allait durer et il croyait qu’il serait payé environ 8 $ l’heure, ce qui comprenait une indemnité de congés payés. L’avocate a souligné que le salaire payé à son épouse Santosh Kaur Makkar – selon la fiche de temps déposée sous la cote R‑10, onglet 13 – n’était que de 7,50 $ l’heure. L’appelant a expliqué que lui et son épouse avait accepté le salaire qu’on leur offrait car ils étaient heureux de s’être trouvé du travail chez Gill Farms. Au cours de son entrevue avec Mme Emery le 18 janvier 1999, il aurait dit, selon les notes prises par cette dernière – onglet 9, page 46 – qu’il avait donné à titre d’exemple un taux de rémunération à la pièce de 30 $ pour 100 livres, le taux de rémunération étant obtenu en multipliant le nombre de livres de fruits cueillis par 30 cents. L’appelant a expliqué qu’il était rémunéré à la pièce lorsqu’il travaillait pour Lakeland et qu’il s’était peut‑être trompé en donnant cette réponse. Il a admis qu’il savait qu’il devait dire la vérité à Mme Emery et que, dès les premières questions, il s’est rendu compte que l’entrevue portait sur son emploi chez Gill Farms. Sur la question des fiches de cueillette, il a expliqué qu’il s’en servait parfois, alors qu’à l’entrevue, il a répondu, selon les notes prises par Mme Emery – p. 46  : [traduction] « Oui, chaque jour. C’était un des membres de la famille qui s’en occupait ». Mme Emery a noté la réponse de l’appelant à la question suivante, en l’occurrence celle de savoir si d’autres travailleurs utilisaient des fiches de cueillette : [traduction] « Tous les autres travailleurs avaient des fiches de cueillette; aucun travailleur n’était payé à l’heure ». L’appelant n’a pas pu expliquer pourquoi il avait rajouté cette précision à la fin de sa réponse, alors que cela n’était pas nécessaire pour répondre à la question de Mme Emery. Il a expliqué que l’on procédait à la pesée des baies quatre fois par jour parce que la famille Gill – en tant que propriétaire de la ferme – voulait calculer la production des cueilleurs. Comme les petits fruits ne pouvaient être exposés à la lumière directe du soleil trop longtemps, on procédait à leur pesée quatre fois par jour et ce, le jour même de leur cueillette. Harmit Kaur Gill conservait les fiches de cueillette à la balance. L’appelant a expliqué qu’il n’apportait pas les baies à la balance. L’avocate a cité les notes onglet 4 prises par Harby Rai au sujet de la conversation téléphonique au cours de laquelle l’appelant aurait dit que lui et son épouse étaient payés 7,50 $ l’heure et qu’on ne leur avait pas remis de fiche de cueillette. Après qu’on lui eut montré une photocopie de la fiche de cueillette de Gill Farms – pièce A‑1 – l’appelant a répondu qu’il ne pouvait pas affirmer avec certitude s’il avait utilisé cette fiche ou une fiche semblable, mais qu’il se souvenait qu’on ne lui remettait – le matin – qu’une partie d’une fiche de cueillette sur laquelle la production de son épouse était également consignée. Un relevé – onglet 1 – a été produit par sa représentante, Ronnie Gill, en réponse à l’engagement qu’il avait pris lors de l’interrogatoire préalable de produire les fiches de cueillette qu’il avait utilisées chez Gill Farms. Dans ce relevé, il déclarait que lui et son épouse s’étaient vu remettre des fiches de cueillette alors qu’ils travaillaient chez Gill Farms, qu’il s’occupait des fiches et qu’il consultait celles‑ci pour calculer le nombre d’heures qu’il effectuait chaque jour et qu’il inscrivait le nombre d’heures sur un calendrier. Il a expliqué son incapacité à produire les fiches en question par le fait que lui et son épouse avaient déménagé deux ou trois fois depuis la fin de leur emploi chez Gill Farms ainsi que par le fait qu’il supposait qu’il s’était depuis débarrassé de ce calendrier puisqu’il n’avait aucune valeur, étant donné que lui et son épouse avaient reçu la totalité de leur salaire. L’appelant a réitéré la réponse qu’il avait donnée à l’interrogatoire préalable, en l’occurrence qu’il pouvait cueillir environ 200 livres de bleuets par jour. Il estimait que la production quotidienne de sa femme était à peu près la même. En 1998, il vivait avec son épouse dans le sous‑sol d’une maison située à une dizaine de kilomètres de Gill Farms et – selon l’itinéraire emprunté – il ne leur fallait qu’une dizaine ou une quinzaine de minutes pour se rendre au travail. Son épouse avait commencé à travailler chez Gill Farms un jour avant lui, mais il la conduisait chaque jour au travail en voiture, à part les fois où ils s’étaient rendus au travail à bord d’un des véhicules de la famille Gill, c’est‑à‑dire une ou deux fois. Il se souvient d’être monté à bord d’une camionnette avec d’autres personnes, mais ne se rappelle pas qui la conduisait. Il a été mis en disponibilité le 28 août 1998, mais son épouse a continué à travailler et – occasionnellement – il la conduisait à la ferme en voiture et l’en ramenait, mais la plupart du temps, sa femme voyageait avec un des Gill. L’appelant a expliqué que, bien que sa fiche de temps – onglet 14 – indique qu’il a travaillé huit heures chaque jour pendant son emploi, les heures de début et de fin n’étaient pas aussi strictes que dans une usine et il se souvient que les heures de travail variaient quelque peu, mais de seulement une quinzaine de minutes en plus ou en moins. Il a affirmé que sa réponse – à l’interrogatoire préalable – suivant laquelle tous les travailleurs commençaient à la même heure était erronée. Il a expliqué que, lorsque l’heure de départ était annoncée, les travailleurs qui se trouvaient à l’autre bout du champ étaient susceptibles de finir plus tard que les autres. Il croyait cependant que l’heure de départ qui était enregistrée dans leur cas était la même que celle des travailleurs qui avaient quitté peu de temps après l’annonce. Il a admis qu’il s’était trompé en répondant à Mme Rai que lui et son épouse avaient commencé à travailler le même jour et qu’il avait travaillé cinq jours par semaine – et non sept – ainsi que Mme Rai l’avait noté. En cas de pluie, il se rendait à la ferme avec son épouse et ils attendaient tous deux qu’un des membres de la famille Gill décide si la cueillette devait avoir lieu. L’avocate a souligne que la fiche de temps de son épouse Santosh Kaur Makkar – indiquait, pour la période correspondante à celle de l’appelant, qu’elle avait travaillé sept ou huit heures par jour, sept jours par semaine sans manquer un seul jour. L’appelant a affirmé que c’était exact et a confirmé sa réponse à la question 26 du questionnaire – onglet 5 – et la réponse qu’il avait donnée – à l’interrogatoire préalable – suivant laquelle il n’avait jamais manqué de travail à cause du mauvais temps. L’avocate a souligné qu’il avait répondu « Non » à la question 29 du même questionnaire lorsqu’on lui avait demandé s’il consignait ses propres heures de travail. L’appelant a répondu qu’il avait – dans un premier temps – fait inscrire ses heures de travail sur un calendrier par sa fille et plus tard – lorsque cette dernière n’avait plus voulu continuer, avait inscrit lui‑même les heures effectuées. Au sujet des tâches qu’il accomplissait chez Gill Farms, l’appelant a expliqué qu’à part la cueillette de petits fruits, il réparait les trous dans les filets à l’aide d’une aiguille et d’un fil épais. Il fallait entre 20 et 25 minutes pour réparer un petit trou, mais il fallait beaucoup de temps pour repérer le trou. Il exécutait ce travail à l’occasion, au besoin. Il se chargeait habituellement seul de ces travaux de réparation, mais il arrivait que Gurdev Singh Gill lui donne un coup de main. Il a affirmé qu’il ne participait pas au démontage des filets et que la réponse – onglet 9, page 45 – qu’il avait donnée lors de son entrevue était inexacte, sauf que, lorsqu’il passait prendre sa femme à la ferme, il se portait volontaire pour aider sa femme à rouler les filets pour qu’elle puisse terminer un peu plus tôt. Il se souvient d’avoir utilisé un tracteur pour faire l’application d’herbicides et a admis qu’il n’avait pas parlé de cette tâche lorsqu’il avait discuté avec Mme Emery. Il a expliqué que l’appareil consistait en un système par lequel jusqu’à six tuyaux étaient fixés à une cuve, bien que seulement quatre avaient été utilisés sur la ferme en 1998. La buse de chacun des tuyaux était manoeuvrée par une personne pour que la pulvérisation s’effectue avec précision. Il a expliqué qu’il nettoyait les seaux et les grands récipients au besoin et qu’après avoir été mis en disponibilité, il allait chercher son épouse à la ferme, où il observait les travailleurs en train de laver et de désinfecter les seaux et les cuves. Lors de la cueillette des baies, bien que lui et sa femme utilisaient le même contenant, qui était ensuite apporté à la balance pour que Manjit procède à la pesée, il nie qu’ils étaient rémunérés en partant du principe qu’en tant que couple, le travail qu’ils fournissaient équivalait à celui d’une seule personne. Il a affirmé que, s’il avait dit – à l’interrogatoire préalable – que sa fiche de cueillette était passée à la pointeuse, cette réponse était inexacte. L’avocate a renvoyé l’appelant aux notes – onglet 9, page 44 – que Mme Emery a prises de son entrevue au cours de laquelle il aurait dit que ses superviseurs étaient Rajinder Singh Gill ou un cueilleur expérimenté, qui avait travaillé pour Gill Farms les années précédentes. L’appelant a confirmé l’exactitude de cette réponse et a ajouté qu’il ignorait le nom des autres membres de la famille Gill. Il ne se souvient pas d’avoir travaillé avec le coappelant Gurdev Singh Gill, bien qu’il ait mentionné lors de son entrevue avec Mme Emery que c’était un de ses compagnons de travail. Il avait expliqué à Mme Emery qu’il avait travaillé avec un autre homme, qui s’appelait aussi Gurdev Singh Gill et qui était le père de Ronnie Gill. Il se souvient que Manjit Kaur Gill pesait les baies mais il ne l’a pas vue faire de la cueillette. Il savait toutefois que Harmit Kaur Gill faisait habituellement fonctionner la balance et il a vu Rajinder Singh Gill à la ferme, ainsi que Hakam Singh Gill – à l’occasion – surtout lorsqu’un ou l’autre ou les deux transportaient des travailleurs. En ce qui concerne ses compagnons de travail, l’appelant a expliqué qu’il ne pouvait voir que ceux qui travaillaient dans le même rang. À l’interrogatoire préalable, l’appelant a dit qu’il avait vu Manjit et Harmit cueillir des baies au cours de la haute saison, ainsi que Hakam, s’il était à la ferme. L’appelant a expliqué qu’il n’avait pas fait exprès pour donner des réponses contradictoires, mais qu’il était facile d’oublier certains petits détails. À titre d’exemple, il a fait remarquer qu’il aurait été capable de se souvenir du numéro du rang où il cueillait un jour donné – si on le lui demandait un jour ou deux plus tard – mais qu’il ne pourrait s’en rappeler au fur et à mesure que le temps s’écoulerait. Le travail était répétitif et il a expliqué qu’on pouvait raisonnablement s’attendre à de petites variantes dans les réponses données aux questions – même en cas de questions semblables ou identiques. Il a admis que la première entrevue de DRHC avait eu lieu à peine quelques mois après sa mise en disponibilité alors qu’il était plus facile de se souvenir de détails concernant son emploi chez Gill Farms. Plus tard, au cours de l’été 1999, il a été reçu en entrevue par Harby Rai et a par la suite rempli un questionnaire qui a été retourné à l’agent des appels Bernie Keays. Au procès, il a témoigné tant à l’interrogatoire préalable qu’au cours de l’instance. L’appelant a admis qu’on pouvait à juste titre considérer comme étant les plus exactes les réponses qu’il avait données lors de son entrevue du 19 janvier 1999 avec DRHC, à cette réserve près qu’il aurait pu donner des précisions complémentaires dans certaines de ses réponses subséquentes. Pour ce qui est du délai de six semaines qu’il a laissé s’écouler avant d’encaisser le chèque du 9 août 1998 – au montant de 200 $ – l’appelant a expliqué qu’il y avait alors plus de 13 000 $ dans le compte que la famille possédait – chez Heritage – et qu’il n’y avait pas d’urgence pour encaisser un chèque aussi modeste. Il n’avait pas réclamé d’argent et il se souvient d’avoir reçu le chèque d’un des membres de la famille Gill, probablement Harmit. Le relevé d’emploi de l’appelant – onglet 12 – porte la date du 14 septembre 1998 et sa demande – onglet 13 – de prestations d’assurance‑chômage est datée du 4 septembre 1998 alors que la réponse cochée à la question 31 du formulaire en question indique qu’aucun RE n’était alors annexé et ce, même si Gill Farms était nommé que employeur. Le chèque no 0507 onglet 10 au montant de 742,09 $, est daté du 26 octobre 1998, mais il n’a été déposé dans le compte de l’appelant que le 16 novembre. Appelé par l’avocate à expliquer ce retard, l’appelant a déclaré qu’il avait déposé tous ses chèques de paye au même moment, parce que Harmit Kaur Gill lui avait demandé d’attendre que la situation financière de Gill Farms s’améliore avant d’encaisser ses chèques. Aucun autre employeur ne lui avait formulé pareille demande. L’avocate a demandé à l’appelant s’il avait retiré la somme de 2 000 $ de son compte le 31 octobre 1998 pour rembourser de l’argent à la famille Gill dans le cadre d’une entente aux termes de laquelle lui et épouse se verraient remettre un RE qui les rendrait admissibles à des prestations d’assurance‑chômage. Il a affirmé qu’il n’y avait aucun lien entre ce retrait et l’emploi que lui et/ou son épouse avaient exercé auprès de Gill Farms et qu’ils n’avaient remboursé aucune partie de leur salaire à l’un ou l’autre des membres de la famille Gill. Au sujet du moment où il avait reçu son RE et le second chèque, l’appelant a expliqué qu’il ne savait pas s’il avait obtenu les deux au même moment ou à deux occasions distinctes, mais il a précisé qu’il y avait eu une autre rencontre pour déterminer la somme due à son épouse pour son travail. L’avocate l’a renvoyé aux réponses qu’il avait données à l’interrogatoire préalable et suivant lesquelles il avait rencontré Harmit Kaur Gill environ un mois après sa mise en disponibilité pour régler le montant de sa paye finale et s’était – par la suite – rendu en voiture chez Gill Farms pour prendre le chèque final de son épouse, qui ne l’accompagnait pas à ce moment‑là. L’appelant a affirmé qu’aucune rencontre formelle n’avait eu lieu, mais qu’il était allé à la résidence de la famille Gill à deux occasions distinctes pour recevoir le montant intégral de son salaire et – par la suite – celui de son épouse. L’appelant a été renvoyé à une inscription du 21 août 1998 – onglet 15, page 58 – faisant état d’une opération de débit de 78,52 $ pour l’achat d’aliments. Il a admis avoir utilisé sa carte de débit à l’occasion, mais a précisé que de nombreux retraits en espèces de ce compte servaient à diverses fins pour subvenir aux besoins de sa famille car le compte était à son nom et aucun autre membre de sa famille membre n’avait de carte de crédit. L’appelant a précisé qu’en dépit de toute déclaration antérieure – qu’il avait pu faire à des fonctionnaires de DRHC et suivant laquelle il était rémunéré à la pièce selon le nombre de livres de fruits cueillis –, il affirmait maintenant qu’il était payé à l’heure. En ce qui concerne la demande – onglet 13 – de prestations d’assurance‑chômage qu’il a remplie, l’appelant a confirmé qu’il en avait rempli la première partie, mais que c’était une autre personne qui avait rempli la seconde. Il a apposé sa signature au bas de la dernière page. Des modifications ont été apportées dans les cases appropriées, à la question 17 du formulaire – en griffonnant quelques mots par‑dessus l’inscription initiale – de manière à indiquer que l’appelant gagnait 8 $ l’heure, à raison de 40 heures de travail par semaine réparties sur cinq jours de travail. Lorsqu’il a présenté sa demande de prestations, l’appelant a déclaré qu’il n’avait pas reçu de RE de Gill Farms et il a supposé que DRHC l’avait obtenu et que les renseignements contenus dans sa demande au sujet de son taux horaire avaient été modifiés pour les rendre conformes aux renseignements contenus dans le RE en question.

 

[41]  Himmat Singh Makkar a été réinterrogé par sa représentante, Ronnie Gill. Il a déclaré qu’en 1998, sa famille comptait cinq personnes âgées de plus de 18 ans et que le compte dont il était titulaire chez Heritage était utilisé au profit de tous. Il se servait parfois de sa carte de débit pour acheter certains aliments, mais payait la plupart du temps en argent comptant, surtout lorsqu’il s’agissait d’aliments et d’articles ménagers achetés dans des magasins spécialisés exploités par des Indo‑Canadiens. Il a affirmé que sa capacité à comprendre et à parler l’anglais s’était sensiblement améliorée depuis 1998 et qu’il n’était pas rare d’émailler d’expressions et de mots anglais une conversation qui se déroulait par ailleurs en punjabi.

 

Jarnail Kaur Sidhu

 

[42]  Jarnail Kaur Sidhu a témoigné en punjabi et les questions et les réponses ainsi que d’autres aspects de l’instance ont été interprétés et/ou traduits de l’anglais au punjabi et du punjabi à l’anglais par Russell Gill, interprète. Le recueil de documents de l’intimé qui concerne le présent appel – 2001‑2118(EI) – est la pièce R‑11.

 

[43]  Le ministre a estimé que l’appelante n’exerçait pas d’emploi assurable auprès de Gill Farms au cours de la période du 25 mai au 26 septembre 1998 parce qu’elle avait un lien de dépendance avec le payeur. À titre subsidiaire, le ministre a estimé que, si l’emploi en question était jugé assurable, l’appelante avait effectué 325 heures assurables et que sa rémunération assurable s’élevait à 2 535 $. La thèse de l’appelante est que son RE – onglet 13 – indique avec raison que ses heures assurables se chiffrent à 942 et que sa rémunération assurable est de 7 347,60 $.

 

[44]  Voici les hypothèses de fait particulières à l’appelante qui sont articulées aux alinéas 8h) à 8r) inclusivement :

 

[TRADUCTION]

h)  la société de personnes a engagé l’appelante pendant la période en question comme employée rémunérée à l’heure pour cueillir des bleuets et pour fournir à la ferme divers autres services connexes tels que le ramassage de branches mortes, l’installation et le démontage des filets, le binage, le sarclage, la pulvérisation, le lavage des seaux, etc.;

 

i)  le nombre d’heures travaillées par l’appelante selon les registres de la société de personnes ne correspond pas au nombre d’heures de travail qu’elle a effectivement effectuées;

 

j)  il arrivait parfois que, selon les livres de paye, l’appelante était censée avoir travaillé et avoir été payée alors qu’en fait, elle n’avait rien à faire;

 

k)  le nombre d’heures que les employés rémunérés à l’heure étaient censés avoir effectuées selon les feuilles de paye de l’appelante était trois fois plus élevé que le nombre habituel d’heures nécessité par une ferme de cette taille;

 

l)  les dépenses salariales de la société de personnes pour 1998 étaient supérieures aux recettes réalisées cette année‑là;

 

m)  la société de personnes a délivré à l’appelante le 7 octobre 1998 ou vers cette date un RE indiquant que son premier jour de travail avait été le 25 mai 1998 et que son dernier jour de travail avait été le 26 septembre 1998 et que l’appelante avait accumulé 942 heures assurables au cours de cette période, pour une rémunération assurable de 7 347,60 $;

 

n)  au moment des faits, l’appelante avait un lien de dépendance avec la société de personnes;

 

o)  compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, il n’est pas raisonnable de conclure que l’appelante et la société de personnes auraient conclu un contrat d’emploi à peu près semblable si elles n’avaient pas eu de lien de dépendance;

 

p)  l’appelante n’a en fait pas travaillé plus de 325 heures au cours de cette période;

 

q)  l’appelante était rémunérée au taux de 7,50 $ l’heure majoré d’une indemnité de congés payés de 4 %;

 

r)  les gains de l’appelante au cours de cette période se chiffrent à 2 535 $.

 

[45]  L’appelante a témoigné qu’elle était née en Inde en 1941 et qu’elle était arrivée au Canada en 1996. Après son arrivée au Canada, elle a travaillé pendant une semaine jusqu’au moment où elle a été blessée dans un accident d’automobile qui s’est soldé par la perte totale de la camionnette dans laquelle elle était passagère. Par suite des blessures qu’elle a subies lors de la collision, elle n’a plus travaillé pour le reste de l’année 1996 et elle n’a pas du tout travaillé en 1997. Elle a travaillé pour Gill Farms en 1998 et est demeurée chez elle les années subséquentes pour s’occuper de sa première petite‑fille, née en octobre 1998, permettant ainsi à sa bru de travailler à l’extérieur. L’appelante explique qu’elle ne sait ni lire ni écrire le punjabi ou l’anglais. L’appelante a expliqué que, comme elle n’avait pas elle‑même de fille, elle donnait à la femme de son fils des cadeaux traditionnels – dont de l’or – ainsi que plusieurs costumes et autres vêtements. Elle se souvient d’avoir dépensé en tout et partout [traduction] « pas mal d’argent ». Chez Gill Farms, elle a commencé par creuser des trous dans lesquels devaient être plantées des perches en bois qui étaient ensuite solidifiées à l’aide de ciment et de gravier. Elle faisait du désherbage, épandait de la sciure, coupait les branches mortes des bleuetiers et réparait les fils servant à tenir les filets. Elle avait travaillé avec deux ou trois autres femmes et avec Harmit Kaur Gill et Manjit Kaur Gill pour monter le réseau de filets. Les filets étaient installés sur les fils métalliques par des ouvriers montés sur des échelles qui déroulaient les filets jusqu’à ce qu’ils recouvrent les perches. L’appelante a expliqué qu’il arrivait que les crochets s’emmêlent et qu’il fallait du temps et de l’énergie pour les démêler. En raison de son état de santé à la suite de son accident de voiture de 1996, elle ne montait pas dans l’échelle mais aidait les travailleurs à installer les filets. L’appelante se rappelle s’être présentée – le 19 janvier 1999 – aux bureaux de DRHC où elle a été reçue en entrevue par Mme Turgeon, dont les notes se trouvent à la pièce R‑7, onglet 7. Jugender – une employée de DRHC qui parlait le punjabi – servait d’interprète, mais l’appelante a affirmé qu’elle n’avait pas compris certaines choses même lorsque Jugender cherchait à interpréter les questions posées par Mme Turgeon. Elle a expliqué qu’elle avait été reçue en entrevue dans une petite pièce et que, même si elle était nerveuse et perturbée, elle avait l’impression qu’elle n’était pas libre de partir et ce, même après que Mme Turgeon eut – pour une raison ou pour une autre – asséné un coup sur la table. Lors de l’entrevue, l’appelante a déclaré qu’elle touchait 8 $ ou 8,50 $ l’heure pour toutes les tâches qu’elle effectuait, y compris la cueillette de petits fruits et qu’elle recevait – parfois – une partie de la fiche de cueillette qu’elle devait rendre à la fin de la journée pour une raison qui ne lui a pas été expliquée. Lors de la saison des petits fruits, elle donnait un coup de main pour une opération consistant à pulvériser une substance sur l’herbe à l’aide d’un long tuyau que deux femmes tenaient pour éviter qu’il ne touche les bleuetiers et dont la buse était dirigée par un homme. L’appelante a expliqué qu’elle coupait les branches mortes et enlevait les épines des arbrisseaux, qu’elle se servait d’une faucille pour couper les mauvaises herbes, qu’elle nettoyait les débris, empilait les récipients, nettoyait les seaux et les cuves, le tout une fois la saison des baies terminée. Elle participait aussi au démontage des filets, ce qui prenait environ le même temps que leur installation au début de la saison. Bien qu’elle ne se souvienne pas du nombre exact de jours requis pour exécuter ces travaux, elle se souvient que les deux exigeaient un temps considérable. Pour ce qui est du mode de transport pour se rendre au travail, elle se souvient d’avoir voyagé avec Harmit et Manjit et – à l’occasion – d’être montée à bord de véhicules conduits par Hakam ou par Rajinder. Au début, elle était la seule passagère, mais par la suite elle s’est rendue au travail en compagnie de Harbans Kaur Khatra. Elle habitait Aldergrove – près des Khatra – mais ignore le nom de la rue. Elle savait que la plupart des autres travailleurs provenaient de la région d’Abbotsford. Elle habitait plus près de Gill Farms que ses compagnons de travail. À la fin de la saison, l’appelante avait vérifié les chiffres avec sa locatrice – qui vivait à l’étage – pour s’assurer qu’elle avait été rémunérée en entier par Gill Farms. Elle n’a pas signé sa demande – onglet 14 – de prestations d’assurance‑chômage et ignore qui l’a remplie à sa place. L’adresse qui y figure est celle de Gill Farms, sur le chemin Lefeuvre à Abbotsford et ce, malgré le fait qu’elle vivait dans la région de Langley. Elle se souvient que le commis à la réception de DRHC lui a dit qu’elle devrait inscrire une adresse d’Abbotsford sur sa demande parce que cette municipalité se trouve dans une région qui lui permettrait d’obtenir un nombre plus élevé de semaines de prestations d’assurance‑chômage. L’appelante a expliqué qu’elle avait reçu le chèque no 0469 onglet 11, deuxième à partir du bas, page 49 – daté du 27 septembre 1998 – au montant de 1 310,25 $ – qu’elle avait déposé à son compte à l’Aldergrove Credit Union deux jours plus tard, le 29 septembre. Elle a également reçu le chèque no 0499, daté du 24 octobre 1998 – onglet 9, haut de la page 45 – au montant de 1 580 $, qu’elle a déposé le 26 octobre. Le chèque no 0493 – onglet 9, également à la page 45 – daté du 23 octobre 1998 – au montant de 1 349 $ – a été déposé dans son compte le 23 octobre (la photocopie des chèques se trouvant à l’onglet 8 est la même que celle de l’onglet 9). Elle a également reçu le chèque no 0498 – onglet 10, au bas de la page 47 – daté du 15 octobre 1998 – au montant de 2 000 $ – qu’elle a déposé dans son compte le 26 octobre 1998. Elle avait déjà reçu le chèque no 0425 onglet 12, haut de la page 51 – daté du 9 août 1998 – au montant de 200 $ – qu’elle avait déposé le 17 août. Le compte était au nom de l’appelante et de son mari et le relevé des opérations se trouve à l’onglet 16. Son fils pouvait effectuer des retraits dans ce compte. L’appelante a expliqué qu’elle avait l’habitude de payer ses achats en espèces même si le rabais habituellement consenti par la plupart des vendeurs pour cette forme de paiement ne dépasse pas 10 $. Elle ne signait pas de chèques et elle n’avait pas de cartes de crédit. Elle gardait à la maison des sommes assez élevées en argent comptant que les membres de la famille pouvaient utiliser. L’appelante a expliqué qu’au sein de la communauté indo‑canadienne, l’étiquette veut que l’on offre en cadeau de l’argent dans une enveloppe lors des célébrations – anniversaires de naissance ou mariages – lorsque le bénéficiaire n’a pas de liens étroits avec le donateur. L’appelante a expliqué qu’elle était la seule passagère lorsqu’on passait la prendre en voiture mais qu’il y avait d’autres passagers – dont Harbans Kaur Khatra – lorsqu’on venait la chercher en camion. Elle estime que, durant la haute saison, entre 25 et 30 personnes travaillaient chez Gill Farms, mais elle ignore le nom de ses compagnons de travail, à l’exception de Gurdev Singh Gill et de son épouse, et d’une fille, Manjit Kaur Sidhu.

 

[46]  L’appelante – Jarnail Kaur Sidhu – a été contre‑interrogée par Me Amy Francis. Elle a relaté les blessures physiques que lui avait causées la ceinture de sécurité lors de l’accident de voiture à l’épaule droite et au dos et qui lui avait occasionné des douleurs constantes pendant une longue période par la suite. En 1998, elle ne souffrait pas trop la plupart du temps, mais elle préférait prendre à l’occasion une pause d’une heure le midi. Elle a travaillé chaque jour pendant trois mois parce qu’il y avait suffisamment de travail à la ferme pour l’occuper. Elle a reconnu sa propre signature à la dernière page du questionnaire – onglet 4 – qui a été rempli chez elle, mais elle n’arrive pas à se rappeler des circonstances entourant cette signature. En Inde, elle vivait avec son mari sur une ferme familiale où l’on cultivait le coton, qui était récolté par des cueilleurs engagés à cette fin. Avant son mariage, elle travaillait sur une ferme de coton appartenant à ses parents et elle trayait entre 15 et 20 vaches. Son mari n’avait pas travaillé pour Gill Farms en 1998 mais il y avait travaillé en 1996 ou en 1997. En 1998, comme la famille n’avait qu’une voiture, son mari restait à la maison et transportait les autres membres de la famille au travail et à l’école. L’appelante a expliqué qu’elle avait cherché à obtenir du travail chez Gill Farms parce que sa famille avait besoin de ce revenu. Elle était accompagnée de sa nièce – Amarjit – lorsqu’elle avait discuté d’emploi avec Manjit, Harmit et Hakam. On lui a dit qu’elle serait payée à l’heure. Aux dires de l’appelante, Amarjit était au courant de la durée d’une saison normale des petits fruits et Amarjit l’a assurée que des membres de la famille Gill iraient la chercher et la ramèneraient chez elle. Elle avait cru comprendre qu’il y aurait du travail pour toute la saison mais aucun des Gill ne lui avait promis de nombre précis d’heures ou fait de garantie quant à la durée de son emploi. Elle explique qu’il n’a pas été question, lors de sa rencontre avec les Gill, du nombre d’heures assurables dont elle avait besoin pour être admissible à des prestations d’assurance‑chômage. Après avoir commencé à travailler pour Gill Farms, elle avait suivi le même train‑train chaque matin : elle attendait à la fenêtre l’arrivée du véhicule des Gill qui venait la chercher pour l’amener au travail à peu près à la même heure chaque jour, bien qu’il pouvait y avoir une différence de cinq à quinze minutes en raison de l’état de la circulation. Elle ne portait pas de montre, mais elle croit qu’on passait la prendre entre 7 h et 8 h chaque matin et on la ramenait chez elle après le travail. L’avocate a renvoyé l’appelante à une note – onglet 3, page 27 – prise par Harby Rai au sujet de leur conversation téléphonique du 27 juillet 1999 au cours de laquelle l’appelante aurait affirmé avoir travaillé jusqu’à 20 h ou 21 h le soir. L’appelante ne se souvient pas de cette déclaration et ajoute que cette information est inexacte parce qu’elle ne travaillait jamais la nuit tombée. Bien que les notes de Mme Rai mentionnent les fonctions exercées par l’appelante chez Gill Farms, l’appelante ne se souvient pas de cette conversation mais convient qu’elle a dû avoir lieu. L’appelante a expliqué que les travailleurs d’Abbotsford voyageaient à bord de la camionnette et qu’elle et Harbans Kaur Khatra étaient habituellement les seules à se rendre au travail dans la voiture. Parfois, le fils de Mme Khatra se présentait à la ferme à la fin de la journée et les ramenait à la maison. Elle et Harbans Kaur Khatra avaient commencé à travailler pour Gill Farms le même jour et avaient travaillé ensemble pendant les 77 jours suivants. L’avocate a renvoyé l’appelante à la fiche de temps – pièce R‑4, onglet 15 – de Harbans Kaur Khatra et a souligné que, sur 44 des 77 jours en question, elle avait travaillé une ou deux heures de moins que Mme Khatra et ce, malgré le fait qu’elles voyageaient à bord du même véhicule pour se rendre au travail. L’appelante a affirmé qu’elle ne pouvait pas expliquer cette différence relevée dans les fiches de temps. Elle a soutenu qu’elle était supervisée par Manjit et par Harmit et qu’elle voyait Manjit travailler à la ferme chaque jour. À l’occasion, elle avait vu Rajinder se promener sur la ferme et elle a précisé qu’elle avait aussi vu Hakam après que celui‑ci était rentré chez lui après le travail. Hakam et certains des enfants Gill cueillaient des baies à l’occasion – pendant quelques minutes – et Harmit cueillait parfois des baies pendant cinq minutes et les déposait dans le seau qui se trouvait à portée de sa main. Manjit transportait les grands récipients de baies jusqu’à la balance. Autant que l’appelante s’en souvienne, il n’y avait pas plus de cinq, six ou sept personnes qui travaillaient à la ferme le premier jour où elle avait travaillé, dont Gyan Kaur Jawanda, une femme nommée Sukhwinder, Manjit Kaur Sidhu et Harmit et Manjit Gill. L’avocate a informé l’appelante que, lors de son entrevue aux bureaux de DRHC, Mme Turgeon avait noté – onglet 7, page 40 – que l’appelante estimait entre 12 et 15 le nombre de personnes qui travaillaient avec elle lorsqu’elle avait commencé son travail. Mme Turgeon a également noté, à la page 41, que l’appelante avait redonné la même réponse à cette question. L’appelante a répété qu’elle était très perturbée et nerveuse lors de cette entrevue. L’avocate a laissé entendre que cette affirmation était probablement véridique, parce que lorsqu’elle avait commencé à travailler pour Gill Farms, c’était déjà la saison des petits fruits et elle n’avait pas encore commencé à travailler à la fin de mai, contrairement à ce qu’elle prétendait. L’appelante a affirmé que, même si elle ne comprenait pas à quoi servait la fiche de cueillette puisqu’elle était payée à l’heure, elle avait conservé la fiche et la déposait sur les baies une fois son seau rempli. Dans l’intervalle, elle la conservait dans un seau vide. Elle estimait que la fiche permettait à la famille Gill de savoir si la production moyenne d’un cueilleur justifiait le paiement d’un salaire horaire. Manjit transportait les grands récipients de baies jusqu’à la balance mais ne se souvient pas comment la fiche lui revenait. Elle a déclaré qui, si elle avait su que des détails aussi mineurs seraient aussi importants un moment donné, elle aurait peut‑être été plus attentive à des questions par ailleurs secondaires. L’avocate a renvoyé l’appelante à une question portant sur la question de savoir si elle tenait un registre des heures et des jours où elle avait travaillé. Ainsi que Mme Turgeon l’a noté – onglet 7, page 41 –, elle a répondu : [traduction] « On me remettait une fiche chaque jour où je travaillais ». Plus tôt sur la même page, en réponse à la question directe de savoir si on lui remettait des fiches de cueillette, Mme Turgeon a signalé que l’appelante avait déclaré ce qui suit : [traduction] « Oui, une fiche pour chaque jour avec mon nom dessus ». Au sujet de la réponse que l’appelante a donné à la question suivante, celle de savoir si d’autres travailleurs avaient reçu des fiches de cueillette, Mme Turgeon a écrit : [traduction] « Oui, chacun recevait une fiche de cueillette ». L’appelante affirme que ces réponses ne sont pas exactes et qu’elle était tellement bouleversée au cours de l’entrevue qu’elle [traduction] « ne sai[t] pas ce qui a pu sortir de [sa] bouche ». Mme Turgeon a également noté les paroles suivantes de l’appelante : [traduction] « Il fallait rendre les fiches lorsqu’on nous payait ». L’appelante nie avoir tenu ces propos, mais convient que certains des renseignements qui sont censés correspondre aux réponses qu’elle a données lors de l’entrevue sont exacts. L’avocate a abordé les questions soulevées par les notes prises par Harby Rai – onglet 3 – au sujet de la conversation téléphonique – en punjabi – que celle‑ci a eue avec l’appelante le 27 juillet 1999 au cours de laquelle l’appelante aurait dit à Mme Rai qu’elle n’avait pas reçu de fiche de cueillette parce qu’elle était payée à l’heure. L’appelante affirme qu’elle avait repensé à cette conversation le soir suivant le premier jour où elle avait témoigné au présent procès, mais qu’elle se souvenait seulement que cet appel avait été fait et que Mme Rai lui avait posé certaines questions. Le questionnaire – onglet 4 – a été rempli par Ronnie Gill en présence de Amarjit Sivia, nièce et locatrice de l’appelante. L’appelante a admis qu’elle devait avoir donné les réponses qui ont été transcrites, dont celle – à la question 40 – dans laquelle elle avait déclaré qu’elle ne se servait pas de fiche de cueillette parce qu’elle n’en avait pas besoin. Elle a toutefois répondu ce qui suit à la question suivante, celle de savoir si elle avait utilisé une fiche de cueillette pour chaque jour de travail : [traduction] « Non. Harmit m’en remettait une chaque jour ». L’appelante a expliqué que la confusion était peut‑être attribuable au fait qu’on lui remettait une fiche de cueillette seulement certains jours pour permettre à la famille Gill de contrôler la production. Elle se souvient des propos qu’elle a tenus – lors de l’interrogatoire préalable – en novembre 2002, lorsqu’elle a affirmé que la fiche de cueillette servait à consigner les quantités de fruits qu’elle cueillait et ce, même si elle ne [traduction] « gardai[t] pas – personnellement – la fiche ». Plus tard, au cours de l’interrogatoire préalable, elle a affirmé qu’à la fin de la journée, Harmit lui disait souvent : [traduction] « Ma tante, vous avez cueilli beaucoup de baies. Bon travail! » mais qu’on ne lui précisait pas la quantité exacte de livres cueillies, même si on lui montrait la fiche. L’avocate a demandé à l’appelante quelle version était la bonne. L’appelante a répondu qu’il lui arrivait d’avoir la fiche avec elle lorsqu’elle travaillait aux champs. Elle ne se rappelle pas quelle était sa production quotidienne mais croyait comprendre que les propriétaires voulaient que les cueilleurs travaillent rapidement – dans des limites raisonnables – pour cueillir les baies et pour ne retenir que celles qui étaient mûres. Elle déposait habituellement les baies dans un grand récipient de plastique, mais il lui arrivait de les mettre dans un plateau que Manjit emportait ensuite. L’appelante affirme qu’une fois la saison des petits fruits terminée, elle coupait des branches mortes – à l’aide de ciseaux – ce qu’elle considérait comme une forme de taille. Elle ne participait pas à la plantation des nouveaux bleuetiers au début de la saison, mais elle remarquait la présence de nouveaux bleuetiers à certains endroits dans les rangs. Elle ne se souvient pas à quel moment elle avait épandu de la sciure autour des bleuetiers et elle croit que Harbans Kaur Khatra lui avait donné un coup de main pour cette tâche et ce, même si Mme Khatra n’avait commencé à travailler pour Gill Farms qu’en juillet. L’appelante a expliqué qu’il était très difficile, surtout après plusieurs années, de se souvenir dans quel ordre elle avait effectué ces travaux, qui étaient fastidieux et répétitifs. Elle s’était rendue chez les Gill en compagnie de Amarjit Sivia pour régler les comptes et elle avait parlé avec Harmit et Manjit, mais elle n’est pas certaine d’avoir reçu son chèque final à ce moment‑là ou si le RE lui a également été remis. En ce qui concerne la demande – onglet 14 – de prestations d’assurance‑chômage, l’appelante a expliqué qu’aucun membre de la famille Gill ne l’avait accompagnée aux bureaux de DRHC ou ne l’avait aidée à remplir le formulaire. Elle a parlé à certaines personnes alors qu’elle se trouvait dans les bureaux en question et quelqu’un lui a signalé que les prestations d’assurance‑chômage étaient plus généreuses si le travailleur vivait dans la région d’Abbotsford plutôt que dans celle d’Aldergrove, dont le taux de chômage était plus bas. L’avocate a signalé à la Cour que l’on trouvait trois relevés différents à l’onglet 16, mais que celui qui commençait à la page 77 concernait un autre compte détenu par d’autres membres de la famille de l’appelante et qu’il ne concernait pas l’appel de cette dernière. L’appelante a été renvoyée à un relevé – onglet 16, page 75 – et à l’inscription du 23 octobre 1998 faisant état d’un retrait en espèces de 2 300 $ et à une entrée en date du 26 octobre 1998 faisant état du dépôt du chèque de 2 000 $ que l’appelante avait reçu de Gill Farms et qui portait la date du 15 octobre 1998. L’appelante a affirmé qu’elle ne pouvait pas expliquer pourquoi les trois chèques de paye de Gill Farms n’avaient été déposés que le 26 octobre si elle – ou un membre de sa famille autorisé à faire des opérations dans ce compte – s’était présentée à la banque trois jours plus tôt pour retirer la somme de 2 000 $. L’avocate a dirigé l’appelante vers une inscription figurant sur le relevé – onglet 16, page 67 – en date du 23 octobre 1998, faisant état d’un retrait en espèces de 1 450 $ d’un autre compte de la même institution financière. L’appelante a expliqué qu’il pouvait y avoir une certaine confusion au sujet de l’ordre dans lequel les chèques avaient été émis et/ou encaissés.

 

[47]  L’appelante – Jarnail Kaur Sidhu – a été réinterrogée par sa représentante, Ronnie Gill. L’appelante a été renvoyée au chèque no 0499 – onglet 9 – daté du 24 octobre 1998 au montant de 1 580 $ qui avait été déposé dans le compte de l’appelante deux jours plus tard, au chèque no 0493 – onglet 9 – daté du 23 octobre 1998 au montant de 1 349 $, qui avait été déposé le même jour, ainsi qu’au chèque no 0498 – onglet 10 – daté du 15 octobre 1998 au montant de 2 000 $, qui avait été déposé le 26 octobre 1998. L’appelante a expliqué que les trois chèques avaient probablement été libellés au même moment et que le chèque no 0498 était – probablement – antidaté du 15 octobre 1998. Le 23 octobre 1998, deux retraits en espèces totalisant 3 750 $ ont été effectués dans deux comptes distincts de la même institution financière, le premier à 12 h 22 et l’autre à 16 h 13, le même jour. L’appelante a expliqué qu’elle, son mari et leur fils avaient accès à ces comptes et que les retraits en question avaient pu être effectués par des personnes différentes pour diverses raisons. On a renvoyé l’appelante à plusieurs entrées des relevés de l’onglet 16 faisant état des retraits en espèces suivants : 4 000 $ le 12 janvier 1998 – page 60; 800 $ le 9 janvier 1998 – page 60; 600 $ le 2 février 1998 – page 61; 4 000 $ le 21 mai 1998 – page 63, qui étaient tous antérieurs aux deux retraits du 23 octobre 1998 qui ont fait l’objet de questions de la part de l’avocate de l’intimé. L’appelante a affirmé qu’il n’était pas inusité que d’importantes sommes d’argent comptant soient retirées pour les besoins de la famille et que la somme de 4 000 $ retirée le 21 mai 1998 pouvait viser un prêt consenti à un membre de la famille ou de la communauté indo‑canadienne. L’appelante a expliqué, qu’autant qu’elle s’en souvienne, sa conversation téléphonique avec Harby Rai avait été brève et qu’elle avait mis fin à cette conversation après avoir répondu à certaines des questions de Mme Rai. Elle a expliqué que la réponse à la question 40 du questionnaire – onglet 4 – suivant laquelle elle n’avait pas utilisé de fiche de cueillette était fondée sur le fait qu’elle avait tenu pour acquis qu’aucune fiche de cueillette ne lui avait jamais été remise pour son usage personnel, mais que ces fiches servaient à permettre à la famille Gill de connaître l’ampleur de sa production quotidienne. En ce sens, elle estimait qu’elle n’avait pas utilisé de fiche de cueillette à ses propres fins parce qu’elle n’avait pas besoin de le faire. L’appelante a répété qu’on ne lui avait pas donné de garantie au sujet de la durée du travail, mais qu’elle s’attendait à travailler jusqu’à la fin de la saison parce que sa nièce – Amarjit – connaissait assez bien l’industrie des petits fruits et qu’elle l’avait informée qu’une période d’emploi complète était normale si les agriculteurs avaient besoin de cueilleurs. L’appelante a expliqué qu’elle comptait sur Harmit pour consigner – fidèlement – ses heures de travail.

 

Manjit Kaur Gill

 

[48]  Manjit Kaur Gill a témoigné en punjabi et les questions et les réponses ainsi que d’autres aspects de l’instance ont été interprétés et/ou traduits de l’anglais au punjabi et du punjabi à l’anglais par Russell Gill, interprète. Le recueil de documents de l’intimé relatif au présent appel – 2001‑2100(EI) – est la pièce R‑8.

 

[49]  Le ministre a estimé que l’appelante n’avait pas exercé d’emploi assurable auprès de Gill Farms au cours de la période du 25 mai au 26 septembre 1998, du 25 mai au 27 septembre 1997 et du 2 juin au 19 octobre 1996 parce qu’elle était liée aux personnes qui exploitaient la société de personnes payeuse. Le ministre n’était par ailleurs pas convaincu, au sens de l’alinéa 5(2)i) de la LAE, que l’appelante aurait conclu avec le payeur un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[50]  La thèse de l’appelante est que l’emploi qu’elle a exercé au cours des périodes en question était assorti de conditions raisonnables et qu’elle a été payée de façon raisonnable pour son travail de superviseure dans une industrie saisonnière et que le détail de son emploi au cours des périodes en cause est relaté avec exactitude dans les RE pertinents établis par Gill Farms.

 

[51]  Voici les hypothèses de fait particulières à l’appelante qui sont articulées aux alinéas 7h) à 7r) inclusivement :

 

[TRADUCTION]

h)  la société de personnes a engagé l’appelante comme superviseure sur la ferme au cours des périodes en question;

 

i)  la soeur de l’appelante, Harmit, travaillait aussi sur la ferme comme superviseure pour la société de personnes au cours des périodes en cause;

 

j)  le nombre d’heures travaillées par l’appelante selon les registres de la société de personnes ne correspond pas au nombre d’heures de travail que l’appelante a effectivement effectuées;

 

k)  il arrivait parfois que, selon les livres de paye, l’appelante était censée avoir travaillé comme superviseure alors qu’en fait, les autres employés n’avaient rien à faire;

 

l)  le nombre d’heures que les employés rémunérés à l’heure étaient censés avoir effectuées selon les feuilles de paye relatives à l’appelante était trois fois plus élevé que le nombre habituel d’heures nécessité par une ferme de cette taille;

 

m)  les dépenses salariales de la société de personnes pour 1998 étaient supérieures aux recettes réalisées cette année‑là;

 

n)  la société de personnes n’avait pas besoin d’engager deux superviseurs à temps plein au cours des périodes en question;

 

o)  la société de personnes a remis des relevés d’emploi à l’appelante pour les périodes en question, et l’appelante s’est servie de ces relevés pour toucher des prestations d’assurance‑emploi;

 

p)  l’appelante est liée à la société de personnes au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu;

 

q)  au moment des faits, l’appelante avait un lien de dépendance avec la société de personnes;

 

r)  compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, il n’est pas raisonnable de conclure que l’appelante et la société de personnes auraient conclu un contrat d’emploi à peu près semblable si elles n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[52]  Manjit Kaur Gill a témoigné qu’elle est mariée à Rajinder Singh Gill. Née en Inde en 1950, elle est arrivée au Canada en 1972. Elle travaille présentement comme superviseure chez Gill Farms, après être entrée en fonctions le 15 juin 2005 au salaire de 9 $ l’heure. La cueillette des bleuets a commencé le 25 juin 2005 et entre 15 et 20 employés accomplissent présentement ce travail. L’appelante a expliqué que le travail est à peu près le même chaque saison. Au cours des années 1996, 1997 et 1998 – les années en litige dans son appel – et des années subséquentes, elle a commencé à travailler vers la fin de mai ou le début de juin. Elle a énuméré les tâches requises pour préparer la ferme pour la saison à venir, telles que la fertilisation, la suppression des branches mortes, l’épandage de sciure, le nettoyage des tuyaux, le désherbage, que l’on effectue à l’aide d’une binette ou d’une houe à main, la réparation et l’installation des filets, le remplacement des perches vieilles ou endommagées et le remplacement des goutteurs sur les tuyaux d’irrigation, ainsi que toute autre opération visant à s’assurer que le système d’arrosage – provenant d’un puits – est en bon état de marche. L’appelante a produit une photographie pour montrer le tuyau posé en surface qui alimente les goutteurs – chargés de l’alimentation en eau – qui sont placés près des racines des bleuetiers. Elle a expliqué que, pour pouvoir inspecter les goutteurs, un ouvrier doit soulever les racines pour voir si le mécanisme a été endommagé, après avoir par exemple été piétiné par les cueilleurs au cours de la saison précédente. S’il s’avère nécessaire de remplacer un goutteur, il faut retirer la sciure. Il arrive que les goutteurs soient obturés, auquel cas il faut les nettoyer pour rétablir le débit d’eau. L’approvisionnement en eau est coupé chaque année avant l’hiver, qui marque le début de la saison des pluies. L’appelante a expliqué qu’un rang moyen contient 65 bleuetiers et que chaque bleuetier est desservi par un goutteur. Au total, l’appelante a estimé que ce processus s’échelonne sur cinq ou six jours. En ce qui concerne l’installation des filets, l’appelante a expliqué qu’il avait fallu cinq ou six personnes – en 2005 – pour exécuter ce travail en huit jours. Après que les filets sont déroulés, deux personnes – montées sur des échelles – tiennent le filet d’un côté tandis que deux autres – également montées sur des échelles – tiennent le filet par l’autre côté jusqu’à ce que le filet soit posé correctement sur les perches et qu’il ait été solidement fixé par des fils métalliques. L’appelante a estimé qu’une nappe du filet couvrirait une superficie équivalant à la grande salle d’audience peut‑être 2 000 pieds carrés – où l’instruction des appels se déroule. Au cours de la saison, il est parfois nécessaire de réparer les filets qui se sont déchirés ou ont été percés. À la fin de chaque saison, les filets sont enlevés et sont roulés et les fils métalliques sont séparés. Parmi les autres tâches, il y a lieu de mentionner la suppression des branches mortes, le nettoyage et le lavage de 200 grands récipients et de 100 petits seaux. On plante de nouveaux bleuetiers selon les besoins de l’année en cours; ainsi, on a transplanté 100 bleuetiers en 2003. L’appelante a expliqué que la cueillette avait commencé le 25 juin 2005, ce qui était précoce, et que la seule autre date précoce dont elle pouvait se rappeler était le 21 juin. D’après son expérience, un début tardif se situerait autour du 17 juillet. L’appelante a expliqué qu’au cours des périodes visées par le présent appel et par la suite, elle avait travaillé dans les champs, où elle exécutait plusieurs tâches dont le transport – à partir du lieu de cueillette – de seaux de petits fruits jusqu’à la balance pour la pesée. Après la pesée, elle retournait le seau là où elle l’avait pris ou elle déposait un autre seau à cet endroit. Elle apportait de l’eau et d’autres boissons aux travailleurs et – si elle en avait le temps – elle cueillait aussi des baies. Le petit seau contenait entre cinq et sept livres de baies que les cueilleurs vidaient dans un récipient ou un seau de plus grandes dimensions d’une capacité de 25 à 30 livres. Il fallait donc cinq petits seaux pour en remplir un grand. Selon l’appelante, un bon travailleur peut cueillir 35 livres à l’heure, de sorte qu’il peut remplir presque trois grands seaux toutes les deux heures. Pour démontrer le type de baie qui est présentement en haute saison, l’appelante a – le 7 juillet 2005 – pris une photographie – pièce A‑7 – d’un bleuetier Northland avec des baies. Elle a affirmé que la variété Northland est prolifique et a souligné la présence de plusieurs petits fruits verts parmi les fruits mûrs. La variété qui mûrit ensuite est la Blue Crop. L’appelante a renvoyé à deux autres photographies – pièce A‑8 – sur lesquelles on aperçoit à la fois des petits fruits mûrs et des petits fruits verts, alors que, sur la photographie – pièce A‑9 – également prise le 7 juillet, les baies Dixie sont complètement vertes. Après deux récoltes de la variété Blue Crop, les bleuets Dixie sont les suivants mais ils n’étaient pas prêts à être cueillis le 14 juillet 2005, jour où l’interrogatoire principal de l’appelante a eu lieu. L’appelante a affirmé que les neuf rangs de bleuetiers Dixie situés au fond de la propriété sont physiquement séparés des bleuetiers Northland et des autres variétés, même s’ils sont mêlés avec certains bleuetiers Blue Crop. On trouve un mélange d’autres variétés dans les rangs et les bleuetiers Blue Crop sont marqués d’un ruban bleu pour permettre aux cueilleurs de les distinguer des autres variétés. L’appelante a expliqué que les diverses variétés sont cueillies séparément et que le prix que Gill Farms obtient de la vente de baies Northland est inférieur à celui qu’elle reçoit pour d’autres variétés. Il s’ensuit que le travailleur qui cueille des baies Blue Crop passe devant des baies Northland sans y toucher parce que celles‑ci sont cueillies par un travailleur chargé de récolter des baies Northland. L’appelante explique qu’elle a quatre enfants qui étaient tous à la maison en 1998. Trois d’entre eux se sont depuis mariés et sont partis vivre à Surrey ou à Abbotsford. Lorsqu’il habitait chez elle, son fils Baljit travaillait comme machiniste dans l’industrie aéronautique et sa fille Harpreet travaillait pour le même employeur, tandis que les deux plus jeunes fréquentaient encore l’école secondaire et ne cueillaient des baies qu’à l’occasion durant leur temps libre. Pour ce qui est de l’évolution de la ferme, Manjit Kaur Gill a expliqué que la propriété avait été achetée en 1979 et qu’elle avait alors été entièrement ensemencée en herbe. On a d’abord cultivé des fraises sur une parcelle de 8,25 acres. Les fraisiers ont une durée de vie de trois ans, après quoi la famille a commencé à les remplacer par des bleuetiers jusqu’à ce que – en 1983 – toute la superficie soit consacrée à la culture du bleuet. Certains bleuetiers ont produit une récolte dans les deux ans, tandis que d’autres n’ont atteint leur pleine maturité que six ans plus tard. L’appelante a expliqué qu’elle travaillait dans une conserverie depuis 1984 et qu’elle avait aussi travaillé pendant sept ans – à temps plein – sur une ferme de champignons. Elle effectuait également un quart de nuit à la conserverie de Haney lorsqu’elle était appelée lors de la saison des petits fruits et elle avait continué à travailler pour cette entreprise lorsque celle‑ci avait déménagé à Chilliwack et jusqu’à ce qu’elle ferme ses portes. En 1994 et 1995, elle travaillait trois mois par année à la conserverie tout en occupant un autre emploi ailleurs. La ferme de champignons n’avait pas de haute saison de la même façon que les fermes produisant d’autres récoltes, de sorte que, certains jours, elle travaillait quatre heures alors que, durant d’autres périodes d’activité plus intense de l’année, elle travaillait régulièrement davantage d’heures. L’appelante a raconté que son mari – Rajinder Singh Gill – avait commencé à travailler – en 1971 – dans une usine du nord de la Colombie‑Britannique et qu’il avait continué à travailler dans le même domaine après être déménagé dans le Lower Mainland, jusqu’à ce qu’il soit mis en disponibilité en 1999. En raison de douleurs au dos, il ne faisait pas beaucoup de travail à la ferme et même la pulvérisation – effectuée avec le tracteur – était exécutée par Hakam. Manjit Kaur Gill affirme que, lorsqu’elle travaillait – en 1996 – à la conserverie de Haney, elle touchait 13 $ l’heure et qu’elle était en mesure de faire beaucoup d’heures supplémentaires. Elle travaillait également à la conserverie de Lucerne, où elle été payée 8,35 $ l’heure, mais ce n’est qu’après avoir accumulé 150 jours de travail – un niveau qu’elle n’a pas atteint entre 1996 et 2005 – que le taux horaire est porté à 13 $ l’heure. Elle gagne présentement 8,90 $ l’heure. L’appelante a expliqué qu’elle n’avait suivi aucun cours commercial ou agricole et qu’elle avait appris sur le tas en travaillant dans des fermes de culture de la fraise et de la framboise ou dans la ferme de culture du champignon et dans les conserveries. Elle explique que Rajinder Singh Gill et Hakam Singh Gill avaient tous les deux exercé des emplois à temps plein avant 1998 et qu’ils avaient investi leur salaire dans le développement de l’entreprise agricole. Elle a également utilisé son salaire pour soutenir la ferme entre 1999 et 2003 et a engagé des dépenses considérables pour le mariage de ses trois enfants. Lors de la saison agricole de 1998, l’appelante se souvient d’avoir travaillé avec chacun des appelants nommément désignés dans la présente instance, de même qu’avec Manjit Kaur Sidhu, Pawandeep Kaur Gill et Gurdial Kaur Grewal, qui ne sont pas parties à la présente instance. Elle installait les filets avec Harmit, Sukwinder Kaur Gill, Gyan Kaur Jawanda et Manjit K. Sidhu. L’appelante affirme que, comme Jarnail Kaur Sidhu, Harbans Kaur Khatra et Pawandeep Kaur Gill souffraient de maux de dos, c’est elle qui transportait leurs seaux de 25 livres de baies jusqu’à la balance. Elle transportait également les seaux pleins des autres travailleuses, mais les hommes apportaient leurs propres récipients à la balance. Pendant la haute saison, on remplissait un seau à l’heure et l’appelante circulait dans les rangs pour voir s’il y avait lieu de vider les seaux et elle les apportait à Harmit – deux à la fois. La même méthode est utilisée au cours de la saison 2005 actuelle. L’appelante a expliqué qu’en 1998, avec 15 travailleurs cueillant 35 livres à l’heure, il fallait beaucoup de temps seulement pour apporter les seaux à la balance. On déplaçait parfois la balance pour la rapprocher des cueilleurs et pour éviter à l’appelante de marcher plus longtemps que nécessaire avec 50 livres de baies dans deux seaux. La balance était montée sur un chariot à quatre roues sur lequel se trouvaient aussi des seaux. Harmit faisait fonctionner la balance et consignait la production moyenne des cueilleurs. L’appelante a reconnu la fiche de cueillette – pièce A‑1 – comme étant celle qui est utilisée pour la saison 2005 actuellement en cours. Si le cueilleur est payé à la pièce, il conserve la partie portant la mention « cueilleur » et Gill Farms garde celle réservée au « producteur ». L’appelante a expliqué que la plupart des travailleurs préfèrent – en 2005 – être payés à la pièce. En 1998, des fiches de cueillette étaient remises aux travailleurs et, lorsque l’appelante prenait un seau de baies d’un travailleur, elle notait au stylo le nom de cette personne sur le côté du récipient et écrivait également son nom sur un bout de papier. Lorsqu’elle lui remettait le seau à la balance, l’appelante informait Harmit de l’identité du cueilleur qui avait rempli le seau. Harmit pesait les baies et en contrôlait la qualité pour éviter que la conserverie paye un prix moins élevé parce que celle‑ci aurait jugé que la cargaison était de catégorie inférieure. L’appelante a expliqué que, même si l’on emploie le mot « conserverie » dans l’industrie, ce type d’installation utilise également des baies pour faire de la confiture, du vin, des muffins, des tartes, du jus et d’autres produits. L’appelante se souvient que la récolte de petits fruits était un peu moins abondante en 1998 – même au cours de la haute saison – et qu’il avait fallu plus de temps pour tout cueillir. La variété Blue Crop est la plus facile à cueillir parce qu’elle produit de grande quantité de baies. Pendant la partie la plus active de la saison de la cueillette, un des membres de la famille Gill transporte des baies à la conserverie trois ou quatre fois par jour. Sur la question du transport des travailleurs – en 1998 – l’appelante a affirmé qu’elle transportait des travailleurs à la ferme et les en ramenait avec Harmit. À Aldergrove, elle ou un autre membre de sa famille allait chercher Harbans Kaur Khatra et Jarnail Kaur Sidhu, qui habitaient toutes les deux à environ sept minutes en voiture de Gill Farms. D’autres travailleurs vivaient plus loin et il fallait 15 minutes – dans un sens ou dans l’autre – pour passer les prendre et pour les amener à la ferme. À l’occasion, certains travailleurs étaient ramenés à la maison par un des membres de leur famille qui était passé par la ferme. L’appelante a expliqué que Gurdev Singh Gill et son épouse avaient toujours besoin de transport et que c’était un des membres de la famille Gill qui allait les chercher en premier – et les ramenait à la maison en premier – à bord d’une petite voiture verte. Toutefois, même si ces travailleurs étaient à la ferme dès 7 h 30 le matin – avant les autres travailleurs – ils devaient attendre que la rosée se dissipe avant de pouvoir commencer à cueillir des fruits. L’appelante conduisait un camion qui pouvait transporter cinq passagers et il était parfois nécessaire de faire deux voyages à Abbotsford pour passer prendre les travailleurs mais tous les travailleurs étaient sur place pour 9 h. L’appelante a été renvoyée à la pièce A‑10, une photographie d’un tuyau d’irrigation noir de faible diamètre muni d’un orifice de sortie ou d’un goutteur en saillie. Elle a produit un goutteur qu’elle a déposé en preuve sous la cote A‑11. Elle a expliqué que le goutteur est vissé dans le tuyau et que, lors des préparatifs en vue de la saison suivante, les membres de l’équipe transportent des goutteurs avec eux lorsqu’ils dégagent la zone appropriée, examinent l’état du goutteur et le remplacent au besoin. La taille des rangs varie entre 120 et 400 bleuetiers et certains d’entre eux s’étendent jusqu’aux confins de la propriété de la famille Gill. Les bleuetiers ont environ cinq pieds de hauteur et il est difficile de voir les autres travailleurs à moins qu’ils ne soient en train de faire de la cueillette tout près dans le même rang. L’appelante a affirmé que l’on suivant la même procédure chaque année – y compris en 1998 – lorsqu’on épand de la sciure autour des bleuetiers au début de la saison et de nouveau à l’automne. On fait également du binage au moins deux fois par saison pour débarrasser le terrain des mauvaises herbes. L’appelante a affirmé qu’elle avait toujours travaillé – même en 1984 lorsque son fils n’avait que dix jours – parce qu’elle ne voulait pas perdre son ancienneté à la conserverie. À son avis, si elle n’avait pas travaillé pour Gill Farms en 1996, 1997 et 1998, les frères Gill auraient eu à engager quelqu’un pour remplir ses fonctions. À son avis, le taux horaire de 9 $ était raisonnable compte tenu de la nature de son travail. De son point de vue, elle était contente d’accepter ce salaire parce que si elle exerçait un autre emploi à l’extérieur de la ferme, sa rémunération serait près du salaire minimum, qui oscillait entre 7,15 $ et 7,50 $ pendant les périodes en litige dans le présent appel. Pour ce qui est de ses fonctions de superviseure, l’appelante a expliqué que les cueilleurs rémunérés à la pièce étaient réprimandés – parfois – si le pourcentage de fruits verts était trop élevé parce que les conserveries refusaient de payer Gill Farms pour ces baies. Elle donnait pour instructions aux travailleurs payés à l’heure de cueillir des bleuets de variété Blue Crop. L’appelante a expliqué que, l’avant‑midi, on comptait souvent une dizaine de cueilleurs à la ferme, mais qu’après 15 h, lorsque les serres fermaient pour la journée – à cause de la chaleur intense – une autre dizaine de cueilleurs s’ajoutaient aux effectifs. En 1998, certaines ventes de petits fruits visaient à répondre à des commandes particulières de magasins qui réclamaient des petits fruits propres. On utilisait donc le convoyeur à bande pour faire le tri et s’assurer de livrer à ces acheteurs un produit de grande qualité. L’appelante a expliqué qu’après avoir reçu un appel téléphonique de quelqu’un qui passait une commande, Harmit exécutait la demande en se faisant aider par Harbans Kaur Khatra – et par un autre travailleur, à l’occasion – pour trier et nettoyer la quantité requise de petits fruits. Cependant, les baies cultivées par Gill Farms ne sont – pour le moment – vendues qu’à des conserveries, qui se chargent de tout travail de tri. En 1998, la cueillette commençait – la plupart du temps – vers 8 h du matin, alors que maintenant, on commence 30 minutes plus tôt et on continue jusqu’à 21 h pour accommoder les cueilleurs qui sont rémunérés à la pièce. L’appelante a expliqué que, pendant toute la saison, elle est constamment occupée à exécuter diverses tâches, dont l’inspection des bleuetiers pour s’assurer que la cueillette a été exécutée correctement, car si un fruit mûr a été laissé sur la plante, il moisit et risque de nuire à la qualité des autres baies qui sont encore vertes. En cas de pluie suffisamment forte pour arrêter la cueillette, les travailleurs payés à l’heure se réfugiaient dans un garage et étaient payés pendant leur période d’attente, tandis que les travailleurs à la pièce n’étaient pas payés et voulaient souvent rentrer à la maison. L’appelante a expliqué qu’elle n’était pas chargée de consigner les heures effectuées par les employés et elle a ajouté que si elle se rendait compte qu’un travailleur prolongeait indûment sa pause ou son temps de repas – parfois en raison d’un malaise – elle en informait Harmit, qui s’occupait de la situation. Pour ce qui est du règlement des comptes à la fin de la saison, l’appelante a expliqué qu’elle y assistait parfois, que cette tâche incombait à Harmit et que cette dernière utilisait une pièce spéciale de la résidence de la famille Gill à cette fin. Elle se souvient que cette rencontre pouvait durer jusqu’à une heure, surtout si le travailleur exigeait des explications au sujet d’un aspect de l’opération. Elle a affirmé que Harmit s’occupait des formalités administratives en cas de départ d’un employé pour une raison ou pour une autre. Revenant sur la question du transport des travailleurs, l’appelante a expliqué que Gill Farms n’avait pas de téléphones cellulaires en 1998 mais qu’elle et Harmit apportaient un téléphone résidentiel sans fil dans les champs et que les travailleurs – y compris ceux qui étaient payés à la pièce – composaient ce numéro pour que quelqu’un vienne les chercher pour les amener au travail. L’appelante a expliqué que Hakam Singh Gill décidait quand ses services étaient requis chaque saison et elle a précisé que la date à laquelle elle entrait en fonctions dépendait des conditions météorologiques mais qu’il lui donnait normalement un préavis d’une semaine. À titre d’exemple, en raison des températures plus élevées, les travaux préparatoires ont commencé dès le 15 mai, en 2005, et certains petits fruits étaient déjà mûrs le 25 juin. En avril, les bleuetiers produisent une mousse blanche, à la suite de quoi les fleurs éclosent et les abeilles pollinisent les plantes, et les petits fruits commencent à se former en mai. On communique avec un entrepreneur indépendant pour qu’il amène des abeilles dans le champ en vue de la pollinisation. La durée du processus, qui peut varier d’une année à l’autre, est normalement entre une et deux semaines. Une fois que les abeilles ont été retirées, les travaux de la ferme peuvent commencer. L’appelante a expliqué que son mari – Rajinder – bien qu’enthousiaste à l’idée de faire de l’agriculture lorsqu’il avait acquis la terre en 1979 et au cours des années qui ont suivi, s’était par la suite désintéressé de la ferme et n’avait pas participé activement à son exploitation. Hakam assumait le rôle de gestionnaire et, lorsqu’il rentrait du travail, il se rendait dans les champs pour saluer les travailleurs et pour observer le déroulement des travaux. La politique actuellement observée chez Gill Farms consiste à laisser les filets en place à la fin de la saison mais, en 1998, on les enlevait, les roulait, les attachait autour des perches et les recouvrait de plastique noir. Dans les années antérieures, on roulait les filets et on les entreposait dans le garage. Les filets ont maintenant 15 ans et ont été réparés à de nombreuses reprises après avoir été déchirés par divers animaux. Hakam patrouillait également dans le secteur de la cueillette; il signalait aux travailleurs les trous qu’il découvrait dans les filets et donnait pour instructions aux travailleurs d’effectuer les réparations nécessaires. L’appelante a expliqué qu’il était important de détecter les trous et de les réparer pour éviter que les oiseaux ne puissent pénétrer et ne mangent une partie appréciable de la récolte de petits fruits. Elle se souvient qu’au cours de l’été 1998, on avait dû faire face à une prolifération d’herbes près des racines des bleuetiers et qu’il avait fallu enlever ces herbes qui poussaient à la base des bleuetiers et appliquer un traitement herbicide par pulvérisation avec un long tuyau soutenu par plusieurs travailleurs pour l’empêcher de reposer sur d’autres bleuetiers et d’endommager ceux‑ci. Hakam conduisait le tracteur et supervisait les opérations de pulvérisation. L’appelante a décrit les mécanismes utilisés, y compris les tuyaux – de diverses longueurs – qui avaient à peu près le même diamètre qu’un boyau d’arrosage de jardin typique. Chaque tuyau était relié à l’une des quatre sorties distinctes de la cuve. Certains tuyaux n’étaient composés que d’une seule section, alors que d’autres étaient constitués de plusieurs sections raccordées les unes aux autres que les travailleurs devaient soutenir pour procéder à la pulvérisation sans endommager les bleuetiers voisins. Hakam utilisait également un réservoir à dos pour appliquer le liquide à un petit secteur de mauvaises herbes. On désherbait à la main les secteurs secs plus larges. L’appelante a expliqué que le problème récurrent causé par les mauvaises herbes s’expliquait par le fait qu’en 1979, la ferme était ensemencée exclusivement avec de l’herbe et qu’on l’avait convertie graduellement en bleuetière au cours des années suivantes. D’autres mauvaises herbes étaient également présentes et il fallait les supprimer en appliquant des herbicides mais la mauvaise herbe repoussait chaque année et elle devait être enlevée par un moyen ou un autre, notamment par le binage et la pulvérisation, parfois au beau milieu de la saison de végétation. On a réussi jusqu’à un certain point à stopper la prolifération des mauvaises herbes en épandant de la sciure là où l’on avait déjà procédé à du désherbage. L’appelante se souvient d’une visite effectuée à Gill Farms le 12 août 1999 par Harby Rai et quelques autres membres d’une équipe d’inspection. Le comptable de la ferme a envoyé le RE – onglet 15 – daté du 10 octobre 1998 quelques jours plus tard. Dans la demande – onglet 18 – de prestations d’assurance‑chômage que l’appelante a présentée à la suite de sa mise en disponibilité en 1997, l’appelante a déclaré que son mari était propriétaire à 50 % de l’entreprise du payeur. À la suite de l’examen – par DRHC – de ses relations de travail avec la société de personnes payeuse de son mari et de son beau‑frère, l’appelante a reçu des prestations calculées d’après son admissibilité, sur la foi des renseignements contenus dans son RE et/ou sa demande subséquente. En 1998, l’appelante était convaincue d’avoir été payée en entier pour son travail conformément au relevé établi par Harmit. L’appelante a répété qu’elle avait toujours travaillé plus d’heures que nécessaire pour un ou plusieurs employeurs au cours d’une saison ou l’autre pour être admissible à des prestations d’assurance‑chômage à la suite de sa mise en disponibilité et ce, indépendamment de la nature du travail effectué. Cependant, malgré le fait qu’elle et sa soeur – Manjit – avaient toutes les deux présenté une demande de prestations d’assurance‑chômage par suite de leur travail chez Gill Farms en 1998, Manjit a reçu des prestations d’assurance‑chômage, mais pas l’appelante. De 1999 à 2004 inclusivement, l’appelante a présenté chaque année une demande de prestations d’assurance‑chômage sur le fondement de l’emploi saisonnier qu’elle avait exercé chez Gill Farms, et chaque fois, le paiement de ces prestations lui a été refusé. L’appelante travaille présentement comme concierge dans une banque – de 21 h 30 à 23 h 30 – six soirs par semaine et elle gagne 1 500 $ par mois. Son lieu de travail n’est qu’à 15 minutes de chez elle et sa fille l’aide parfois à exécuter son travail. Lorsqu’il y avait du travail à la conserverie, l’appelante – après avoir terminé son travail à la banque – se rendait chez Lucerne, où elle effectuait quatre heures de travail. Elle travaillait également pour Gill Farms et ne travaillait à la conserverie que la nuit. Si elle rentrait chez elle à 4 h du matin après son quart de travail, elle dormait environ deux heures avant de commencer sa journée de travail à la ferme. L’appelante se souvient de la visite que Mmes Emery et Turgeon lui ont rendue chez elle le 3 novembre 1998 et affirme qu’elle croyait comprendre que l’objet de la discussion reposait sur la conviction – des fonctionnaires de DRHC – qu’elle avait tenté d’augmenter son nombre d’heures assurables en tenant compte du gardiennage d’enfants plutôt que du travail dans les champs. L’appelante affirme qu’elle n’a pas compris pourquoi on lui parlait de gardiennage, puisqu’il n’y avait pas d’enfants à la maison et que le benjamin – Hardeep – était âgé de 14 ans et n’avait pas besoin d’être gardé. L’appelante a participé le 26 novembre 1998 à une entrevue au cours de laquelle elle a répondu aux questions posées par Mme Turgeon, dont les notes se trouvent à l’onglet 12. Jugender Dhaliwal était présente et servait d’interprète. L’appelante se souvient que l’entrevue s’est déroulée dans une petite pièce, qu’elle a duré environ deux heures et qu’elle avait eu le sentiment que Mme Turgeon pensait qu’elle n’avait pas travaillé – du tout – sur la ferme et qu’elle réclamait juste assez de semaines d’emploi pour être admissible à des prestations d’assurance‑chômage. L’appelante a expliqué que son travail à la ferme est essentiellement le même d’année en année et que les fonctions qu’elle exécutait avant l’ouverture de la saison de végétation et après la récolte des petits fruits nécessitent le même temps, à quelques jours près. Chaque année où elle a travaillé pour Gill Farms, elle a reçu un feuillet T4 et a produit une déclaration de revenus faisant état des revenus qui y figuraient. L’appelante a été renvoyée à la première de deux feuilles – onglet 22 – où l’on trouve une photocopie de deux chèques. Le premier chèque – no 0445 – daté du 18 août 1998 – au montant de 1 400 $ – a été déposé le même jour dans le compte personnel de l’appelante à la Banque Royale d’Aldergrove. Le chèque suivant – no 0446 – daté du 21 août 1998 – au montant de 500 $ – a été déposé dans le compte de l’appelante le même jour. La seconde feuille de l’onglet 22, sur laquelle deux chèques ont été photocopiés, indique que le 8 septembre 1998, l’appelante a reçu le chèque no 0457 – au montant de 1 362,68 $ – qui a été déposé dans son compte le lendemain. Le 25 septembre 1998, elle a reçu le chèque no 0468 – au montant de 700 $ – qu’elle a endossé pour que son neveu, Kulwant Singh Gill, puisse le déposer en son nom. L’appelante se souvient d’avoir affecté la totalité du chèque de 1 400 $ – daté du 18 août 1998 – au règlement du solde d’une carte de crédit Visa délivrée uniquement à son nom.

 

[53]  L’appelante – Manjit Kaur Gill – a été contre‑interrogée par Me Amy Francis. L’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas discuté de son témoignage avec sa sœur – Harmit Kaur Gill – et qu’elles n’avaient pas parlé ensemble de questions comme le moment où l’on allait chercher les travailleurs ou de tout autre détail faisant l’objet des apparentes contradictions relevées par l’avocate lors du contre‑interrogatoire de Harmit. En ce qui concerne l’usage suivi actuellement chez Gill Farms, Manjit Kaur Gill a expliqué qu’au 2 août 2005, il y avait huit travailleurs payés à l’heure et, selon les jours, entre sept et vingt travailleurs rémunérés à la pièce. Six des travailleurs payés à l’heure avaient commencé le même jour et la saison des bleuets s’était ouverte le 25 juin. L’appelante affirme avoir commencé à travailler vers le 15 mai 1998, bien qu’elle admette avoir affirmé antérieurement – à plusieurs reprises – qu’elle avait commencé en juin. Elle a expliqué que la mention du mois de juin était une erreur qui s’expliquait par le fait qu’elle préfère désigner les mois par un chiffre – le cinquième mois, le sixième mois, par exemple – plutôt que par leur nom anglais. L’appelante a reconnu qu’elle vit au Canada depuis 33 ans. En 1998, elle a commencé à travailler le 25 mai, environ six semaines avant la cueillette des premières baies. Pour ce qui est du transport des travailleurs, l’appelante a affirmé que Harmit et elle‑même se partageaient – plus ou moins également – la tâche. Harbans Kaur Khatra et Jarnail Kaur Sidhu habitaient Aldergrove. On passait les prendre, on les amenait à la ferme et l’appelante ou sa soeur se rendait ensuite à Abbotsford pour aller chercher les travailleurs qui habitent cette municipalité. L’avocate a rappelé à l’appelante qu’au cours de son interrogatoire principal, elle avait témoigné qu’elle n’allait chercher Mmes Khatra et Sidhu qu’après avoir déposé Gurdev Singh Gill et son épouse à la ferme. L’appelante a répondu qu’il était difficile de se souvenir de l’ordre dans lequel les travailleurs étaient transportés – en 1998 – mais elle a précisé que, la plupart du temps, Mmes Sidhu et Khatra rentraient à la maison ensemble en voiture. Certaines personnes continuaient à travailler tandis que d’autres étaient raccompagnées à la maison. L’avocate a demandé à l’appelante d’expliquer pourquoi les gens qui voyageaient à bord du même véhicule pour se rendre au travail et pour en revenir avaient vraisemblablement travaillé un nombre d’heures différent si l’on se fiait à leur fiche de temps. L’appelante a répliqué que certains travailleurs avaient peut‑être pris des pauses plus longues le midi. L’avocate a renvoyé l’appelante à la fiche de temps – pièce R‑1, onglet 28 – de Kuldip Kaur Sekhon, à la fiche de temps – pièce R‑12, onglet 14 – de Gyan Kaur Jawanda et à la fiche de temps – pièce R‑8, onglet 21 – de Manjit Kaur Sidhu. L’avocate a signalé à l’appelante qu’il ressortait des témoignages antérieurs que ces trois résidentes d’Abbotsford avaient voyagé à bord du même véhicule. L’avocate a signalé que, d’après les inscriptions relatives à la semaine du 6 au 12 septembre sur chaque fiche de temps, Kuldip Kaur Sekhon avait vraisemblablement travaillé neuf ou dix heures par jour au cours de la même période, Gyan Kaur Jawanda n’avait travaillé que sept ou huit heures par jour et Manjit Kaur Sidhu avait travaillé exactement huit heures chaque jour cette semaine‑là. L’appelante a expliqué qu’elle ne s’occupait pas d’inscrire les heures, puisque cette tâche incombait à Harmit ou à quiconque remplaçait cette dernière lorsqu’elle s’absentait pour travailler à la conserverie. L’avocate a fait savoir à l’appelante que Harmit avait témoigné que c’était Manjit qui s’acquittait – personnellement – de cette tâche en son absence. L’appelante a répondu que ce n’était pas exact, car elle ne s’occupait pas du tout de la tenue de livres. Pour ce qui est de l’heure à laquelle les travailleurs arrivaient à la ferme, l’appelante a convenu que les travailleurs qu’on allait chercher dans la région d’Abbotsford ne pouvaient commencer à travailler qu’entre 8 h 15 et 8 h 30 chaque matin. Lorsqu’elle était partie chercher des travailleurs à Abbotsford, les gens qui avaient déjà été déposés – Gurdev Singh Gill et sa femme et Harbans Kaur Khatra – recevaient des instructions sur le lieu de cueillette et avaient reçu pour directives de placer les seaux de petits fruits pleins à l’ombre en attendant qu’elle revienne. Habituellement, elle et/ou Harmit étaient sur les lieux, mais les travailleurs savaient quel travail ils devaient faire. L’appelante a expliqué que le temps consacré à aller chercher et à reconduire les travailleurs comptait comme du temps de travail et que Harmit calculait le total de ses heures. L’avocate a renvoyé l’appelante à sa fiche de temps – pièce R‑8, onglet 23 – suivant laquelle elle avait travaillé chez Gill Farms 8 heures, 8 ½ heures ou 9 heures par jour en 1998 alors qu’il y avait des périodes – comme celle du 6 septembre, dont nous avons déjà traité – où d’autres travailleurs, dont Kuldip Kaur Sekhon et Gurdev Singh Gill et son épouse, avaient travaillé un plus grand nombre d’heures certains jours. L’appelante a répété qu’elle n’était pas en mesure d’expliquer ces présumées contradictions parce qu’elle ne s’occupait pas de la consignation des heures. Elle a déclaré qu’elle sait lire et écrire le punjabi et qu’elle avait fréquenté l’école jusqu’en dixième année en Inde. Elle parle un peu l’anglais et arrive à le lire un peu. L’appelante ne se souvient pas de l’année où elle a commencé à travailler pour Gill Farms, mais elle affirme qu’elle coïncide avec l’embauche de travailleurs de l’extérieur dont elle avait été le superviseure. Elle affirme ne pouvoir se souvenir de la première année où les filets avaient été utilisés; elle affirme que cela remonte à 1996, point auquel tous les bleuetiers étaient parvenus à maturité. Elle affirme que le réseau d’irrigation a été installé en 1997. Au sujet de la visite que Mmes Turgeon et Emery ont effectuée à la ferme le 3 novembre 1998, l’appelante soutient qu’elle a tenté de répondre – franchement – aux questions qui lui avaient été posées. L’avocate lui a signalé que la question du gardiennage d’enfants n’était pas mentionnée, mais que Mme Emery avait écrit – onglet 14, page 66 – que [traduction] « Harmit et ... Manjit travaillent toutes les deux à la ferme de mars à septembre comme superviseures. Elles ne font pas de cueillette ou de désherbage. » L’appelante a expliqué que les travailleurs à la pièce ne récoltent pas de bleuets de la variété Blue Crop et que la variété Northland est la première récolte terminée. À titre d’exemple, la récolte des bleuets Northland a été achevée le 2 juillet 2005. Les bleuets de la variété Dixie sont les derniers récoltés et – en 1998 – ils étaient cueillis tant par les travailleurs payés à l’heure que par ceux qui étaient rémunérés à la pièce. La ferme compte une quinzaine de bleuetiers de la variété Duke, dont les fruits mûrissent au même moment que les Northland. L’appelante a été renvoyée à la pièce R‑1, onglet 20 – une lettre de Lucky Gill‑Chatta, de LRS Solutions – datée du 30 septembre 1999 et adressée à Revenu Canada en réponse à une demande de renseignements – onglet 21 du même recueil – formulée par Harby Rai au sujet des travailleurs employés par Gill Farms au cours de la saison 1998. La réponse 10 – onglet 20, p. 110 – a été donnée en réponse à la question de l’identité des personnes qui supervisaient les travailleurs : [traduction] « C’est Manjit K. Gill qui s’occupait en tout temps de la supervision directe des employés ». Il était également précisé dans cette réponse que Hakam Singh Gill – à la suite de discussions tenues avec Harmit – avait indiqué à l’appelante quels travailleurs devaient être appelés au travail. L’avocate a demandé à l’appelante pourquoi cette façon de procéder était nécessaire si les travailleurs payés à l’heure travaillaient chaque jour. L’appelante a répondu qu’elle n’était pas en mesure de fournir des explications à ce sujet. Dans le cadre de ses autres attributions, l’appelante se souvient d’avoir transporté jusqu’à une trentaine de seaux de baies à l’heure en haute saison. L’avocate a renvoyé l’appelante aux notes prises par Mme Turgeon – pièce R‑8, onglet 12 – lors de l’entrevue qui s’est déroulée dans les bureaux de DRHC le 26 novembre 1998 et notamment à la page 58 des notes en question, où Mme Turgeon a consigné la réponse de l’appelante à une question portant sur ses fonctions de superviseure. Ainsi que Mme Turgeon l’a noté, l’appelante aurait répondu qu’elle téléphonait aux employés pour les informer de l’heure à laquelle ils devaient commencer à travailler, de l’endroit où ils devaient se rendre, du moment où ils pouvaient prendre une pause et de l’endroit où ils pouvaient se procurer leurs seaux et elle leur servait des boissons et vérifiait la qualité de leur travail. L’avocate a informé l’appelante qu’il n’avait jamais été question de transporter les seaux de baies jusqu’à la balance pour que Harmit les pèse. En réponse aux questions posées au sujet des fonctions de l’appelante – pièce R‑1, onglet 20, page 120 – l’avocate a souligné qu’il n’avait jamais été question de transporter les seaux de baies jusqu’à la balance bien que de nombreuses autres tâches étaient énumérées. L’avocate a renvoyé l’appelante à une lettre – pièce R‑8, onglet 6 – datée du 30 septembre 1999 que la représentante de l’appelante – Ronnie Gill – avait adressée à Revenu Canada au sujet des fonctions exercées. Elle a par ailleurs signalé – au numéro 9 – que le transport des baies jusqu’à la balance ne faisait pas partie des fonctions énumérées et ce, malgré le fait que cette tâche aurait occupé une grande partie de son temps. L’appelante a convenu que cet aspect de son travail n’avait pas été mentionné plus tôt et elle a déclaré qu’elle ne pouvait expliquer pourquoi il avait été omis. Elle a affirmé qu’elle pouvait comprendre les préoccupations des fonctionnaires de DRHC mais elle a nié avoir inventé cette tâche pour augmenter le nombre d’heures qu’elle avait effectuées pour pouvoir être admissible à des prestations d’assurance‑chômage. L’appelante affirme qu’elle continue – en 2005 – à transporter des seaux de baies jusqu’à la balance et qu’elle a effectué ce travail au cours des années précédentes. Conformément à l’engagement pris antérieurement, l’appelante a produit une lettre – pièce R‑13 – dans laquelle Lucerne indiquait les heures qu’elle avait effectuées en 1996, 1997 et 1998, à savoir 16 ¼, 81 ¼ et 74 ¾ respectivement. L’appelante a affirmé que le nombre d’heures travaillées – en 1998 – était plus élevé uniquement durant la saison des fraises, en juin, et qu’elles étaient constituées de 17 ou 18 quarts de travail de nuit d’environ quatre heures chacun. Suivant le registre des feuilles de paye – pièce R‑8, onglet 23 – l’appelante a travaillé six jours par semaine en juin à raison de huit ou neuf heures chaque jour. L’avocate a souligné que, si l’on tient compte de son travail chez Lucerne, l’appelante aurait travaillé au moins 12 heures par jour pendant 20 jours en juin. L’appelante a affirmé qu’elle pouvait se contenter de quelques heures de sommeil et qu’il lui arrivait de faire quatre heures de travail chez Lucerne, suivies de huit heures chez Gill Farms et d’un autre quart de travail de quatre heures à la conserverie. Elle dormait et/ou se reposait quelques heures après avoir terminé son travail à la ferme ou après son quart de travail chez Lucerne avant de retourner travailler chez Gill Farms. L’appelante a expliqué que l’on taille les bleuetiers au début de la saison et après la fin de la récolte. Certaines années, la récolte se poursuit jusqu’au début d’octobre, mais pas en 1998. L’avocate a lu à haute voix certaines des réponses données par l’appelante – à l’interrogatoire préalable – en novembre 2002 et dans lesquelles elle affirmait qu’aucune taille n’avait été faite après l’installation des filets et, plus loin, qu’aucune taille n’était effectuée après le démontage des filets. L’appelante a reconnu avoir donné ces réponses et a admis qu’elle avait négligé de mentionner la taille faite à l’automne. L’appelante a expliqué que seuls les travailleurs payés à l’heure participaient au démontage des filets et que toute déclaration antérieure suivant laquelle les travailleurs payés à la pièce auraient donné un coup de main pour cette tâche était inexacte. L’appelante se souvient que 500 nouveaux bleuetiers ont été plantés en 1998. Elle a admis qu’à l’interrogatoire préalable, elle avait estimé entre 200 et 250 la quantité de nouveaux plants et qu’elle avait déclaré que l’on épandait de la sciure et du paillis d’écorce à la fin de mai. Pour exécuter les commandes de ventes directes provenant de Greenfield Farms, à Richmond, les petits fruits étaient transportés jusqu’à la balance dans des récipients d’une capacité de 25 livres où ils étaient pesés puis versés dans de grands récipients connus sous le nom de caisses. L’appelante a affirmé que l’on utilisait que des plateaux pour livrer les petits fruits aux conserveries et que ces plateaux ont habituellement une capacité de 16,5 livres mais qu’on peut ajouter un peu de baies à condition de ne pas les écraser. On se servait aussi de cuves bleues d’une capacité de 20 livres – pour le transport des baies jusqu’à la balance. L’appelante a expliqué qu’elle souhaitait contrôler la production et vérifier la qualité des baies étant donné que des feuilles, des brindilles et d’autres débris se retrouvent parfois dans le petit seau dont on se sert pour la cueillette et ce, même si le cueilleur est expérimenté. Le transfert des baies aux plateaux ou aux cuves se faisait près des maisons – sur la propriété – à proximité du chemin ou à l’endroit où la cueillette était effectuée. On trouvait à chaque endroit des piles de plateaux ou de cuves vides destinés au transport des baies jusqu’à la balance par l’appelante ou Gurdev Singh Gill. La ferme compte une superficie de dix acres et l’appelante a produit un croquis – pièce R‑1, onglet 4, page 20 – en indiquant les zones portant la mention « nouvelle maison » et « ancienne maison » qui, comme elle l’a confirmé, étaient les deux endroits où les baies étaient déposées dans les plateaux. On se servait aussi à l’occasion d’un autre lieu situé près de l’ancienne maison, mais l’appelante n’a pas réussi à l’indiquer sur le croquis. L’appelante a affirmé qu’elle transportait à la balance jusqu’à 30 seaux de baies à l’heure durant la haute saison où après la pesée – les baies étaient transportées jusqu’à un autre endroit où elles étaient déposées dans d’autres récipients, à savoir des cuves ou des plateaux. S’il fallait nettoyer et trier les baies, on exécutait ce travail près de l’endroit portant la mention « ancienne maison » sur le croquis. Même si on rapprochait les balances des cueilleurs, au besoin, les trois endroits où les baies étaient transvasées dans d’autres récipients demeuraient les mêmes. La distance la plus éloignée entre les cueilleurs et la balance ne dépassait pas 100 pieds. L’appelante transférait ensuite les baies de la balance à un lieu de transfert dont la distance pouvait varier. Cependant, chaque transport entre les rangs et la balance impliquait également un autre voyage pour transporter les baies jusqu’au point de transfert. Les travailleurs payés à la pièce apportaient leurs propres baies jusqu’à la balance, puis à l’endroit où elles étaient déposées dans des récipients. L’appelante a confirmé qu’elle ne transportait que des baies cueillies par des travailleurs payés à l’heure et que chaque travailleur s’était vu remettre, au cours de son emploi, une fiche de cueillette qu’il devait utiliser pendant un ou plusieurs jours à moins qu’il n’ait la réputation d’être un cueilleur rapide. L’avocate a renvoyé l’appelante à la partie des notes de Mme Turgeon pièce R‑8, onglet 13, page 65 – portant sur la visite que Mmes Turgeon et Emery ont effectuée à la ferme le 3 novembre 1998 lors de laquelle l’appelante a déclaré : [traduction] « Tous les employés qui font la cueillette des petits fruits reçoivent chaque jour une fiche de cueillette ». L’appelante nie avoir fait cette déclaration et elle ajoute qu’elle n’aurait pas pu transmettre ces renseignements – en anglais – sous cette forme parce qu’elle ne maîtrise pas suffisamment la langue anglaise et qu’aucun interprète punjabi n’était présent. L’appelante a expliqué qu’elle ne pesait pas les baies et qu’en cas d’absence de Harmit, une de ses filles la remplaçait. Manjit Kaur Gill a affirmé qu’elle ne savait pas si l’on passait les fiches de cueillette dans la pointeuse ou si l’on inscrivait dessus le poids des petits fruits. Au sujet de la durée des pauses, l’appelante a affirmé que Harmit se chargeait de la question si certains travailleurs avaient l’habitude de prolonger leurs pauses. L’appelante a expliqué qu’elle croyait comprendre que les travailleurs rémunérés à l’heure n’étaient pas payés – en 1998 – en cas de pluie, mais elle a accepté la version de Harmit suivant laquelle ils étaient payés s’ils devaient attendre à l’intérieur du garage que le temps s’améliore. L’appelante a été renvoyée à un tableau – pièce R‑14 – préparé par l’avocate pour montrer les renseignements relatifs aux divers chèques remis à l’appelante par Gill Farms. L’appelante a produit une carte de crédit Visa délivrée au nom de Manjit K. Gill qui, a‑t‑elle précisé, avait fait l’objet d’un paiement par application de la totalité de son chèque de paye de 1 400 $ du 18 août 1998. L’avocate a montré à l’appelante la partie inférieure d’une feuille – pièce R‑2, onglet 41, page 529 – illustrant la photocopie du chèque no 0409 – daté du 22 juin 1998 – au montant de 284,12 $ dont le bénéficiaire était un numéro de carte de crédit Visa avec la mention [traduction] « Banque Royale - Manjit » soulignée à la ligne des renseignements indiqués pour mémoire. L’appelante a expliqué que ce numéro de compte Visa était différent de celui auquel elle avait appliqué le chèque de 1 400 $. Alors que sa fille était encore célibataire, l’appelante était titulaire d’une carte Visa conjointement avec sa fille, mais après le mariage de cette dernière, une nouvelle carte avait été délivrée au nom de l’appelante seulement. À l’interrogatoire préalable, l’appelante a expliqué qu’elle avait endossé le chèque de 500 $ – daté du 21 août 1998 – pour qu’il puisse être encaissé par son neveu – Kulwant parce qu’elle lui devait cette somme. Toutefois, avant qu’on ne lui rappelle ce qu’elle avait déclaré dans son témoignage à ce sujet, l’appelante a expliqué que Kulwant s’était rendu à la banque pour lui rendre service – pour encaisser le chèque pour elle. L’avocate lui a rappelé que ces versions différentes ne pouvaient toutes les deux être exactes, ce que l’appelante a convenu en s’en tenant à la réponse qu’elle avait donnée à l’interrogatoire préalable et qu’elle considérait comme exacte. L’appelante ne se souvient pas pourquoi elle devait cette somme précise à Kulwant, qui habitait sur la même ferme – en 1998 – et qui travaillait également pour Gill Farms. Le chèque no 0457 – pièce R‑8, onglet 22, page 87 – daté du 8 septembre 1998 – au montant de 1 362,68 $ – a été déposé au crédit d’un compte Visa de la Banque Royale portant le même numéro que celui auquel le chèque antérieur de 1 400 $ avait été appliqué. L’appelante se souvient qu’en 1998, elle avait également une carte de crédit Visa délivrée par la Banque Canadienne Impériale de Commerce (« CIBC »). L’avocate a renvoyé l’appelante à la photocopie – pièce R‑2, onglet 41, page 510 – d’un chèque daté du 20 février 1998 – au montant de 705,39 $ – payable à un numéro de compte Visa de la CIBC, ainsi qu’à la ligne où il était indiqué que ce chèque visait la [traduction] « facture de Manjit ». L’avocate a renvoyé l’appelante à son état de compte de la Banque Royale – pièce R‑15 – indiquant que le chèque du 24 octobre 1998 tiré sur le compte de Gill Farms – au montant de 2 223,28 $ – avait été encaissé le 9 novembre 1998 et que, de ce montant, seulement 723,28 $ avaient été déposés dans son compte, ce qui permet de penser qu’elle a probablement reçu la différence de 1 500 $ en espèces. L’appelante a affirmé qu’elle ne se souvenait pas de cette opération mais qu’il était possible qu’elle ait donné de l’argent à son fils, qui en avait besoin. À l’époque, l’appelante savait que Gill Farms attendait d’être payée par une conserverie mais elle tenait quand même à recevoir son salaire final.

 

[54]  L’appelante – Manjit Kaur Gill – a été réinterrogée par sa représentante, Ronnie Gill. L’appelante elle a déclaré que son fils – Baljit – s’était marié en mai 1998. L’usine avait mis son mari – Rajinder – en disponibilité et elle s’était servie de sa carte Visa pour acheter des cadeaux de noces à la mariée et pour payer un grand banquet. Elle a également emprunté de l’argent de sa soeur et de sa fille. En ce qui a trait à la politique en vigueur à la ferme en ce qui concerne le transport des petits fruits, l’appelante a expliqué qu’elle est toujours la même qu’en 1998 et qu’elle apporte les seaux jusqu’à la balance mais qu’aux pauses café, à la pause du midi et à la fin de la journée, les travailleurs apportent leurs propres seaux à la balance. Au moment où ils quittent pour la journée, certains travailleurs attendent parfois que l’on ait pesé leurs baies alors que d’autres sont déjà en route pour rentrer à la maison. L’appelante affirme que, pour aller chercher les travailleurs, elle quittait la maison à 7 h 15 et les déposait à 17 h 30, après quoi elle rentrait chez elle. Ronnie Gill a souligné que – même en tenant compte du déjeuner – cet horaire constituait une journée de dix heures mais que, sur sa fiche de temps, le maximum d’heures inscrit pour une journée donné était de neuf heures. L’appelante a expliqué qu’elle se fiait à Harmit pour la consignation de ses heures, comme pour celles de tous les autres employés. L’appelante a expliqué que lorsque Greenfield Farms commandait des petits fruits, les seaux étaient apportés près de l’ancienne maison, où se trouvait le convoyeur à bande et que Harbans Kaur Khatra ou Kuldip Kaur Sekhon donnait alors un coup de main pour laver la quantité de baies requises pour que la commande puisse être livrée le lendemain.

 

Gurdev Singh Gill

 

[55]  Gurdev Singh Gill a témoigné en punjabi et les questions et les réponses ainsi que d’autres aspects de l’instance ont été interprétés et/ou traduits de l’anglais au punjabi et du punjabi à l’anglais par Russell Gill, interprète. Le recueil de documents de l’intimé qui concerne le présent appel – 2001‑2098(EI) – est la pièce R‑3.

 

[56]  Le ministre a estimé que l’appelant n’avait pas exercé d’emploi assurable auprès du payeur au cours de la période du 3 août au 12 septembre 1998 parce qu’en fait, il avait un lien de dépendance avec ce payeur. À titre subsidiaire, le ministre a estimé que l’appelant avait accumulé 108 heures assurables, pour une rémunération assurable de 810,56 $. La thèse de l’appelant est que le nombre exact de ses heures assurables est de 210 et que sa rémunération assurable est de 1 694,10 $, ainsi que l’agent des décisions l’a conclu. Le RE – onglet 11 – établi par Gill Farms indiquait que le nombre d’heures assurables s’élevait à 324 et que la rémunération assurable s’établissait à 2 614,68 $.

 

[57]  Voici les hypothèses de fait particulières à l’appelant qui sont articulées aux alinéas 8h) à 8r) inclusivement :

 

[TRADUCTION]

h)  la société de personnes a, au cours de la période en cause, engagé l’appelant comme employé rémunéré à l’heure pour cueillir des bleuets et pour fournir à la ferme divers autres services connexes tels que le ramassage de branches mortes, l’installation et le démontage des filets, le binage, le sarclage, la pulvérisation, le lavage des seaux, etc.;

 

i)  le relevé des heures établi par la société de personnes ne correspond pas aux heures effectivement travaillées par l’appelant;

 

j)  il arrivait parfois, que, selon les livres de paye, l’appelant était censé travailler et être payé alors qu’en fait il n’avait aucun travail à faire;

 

k)  le nombre d’heures que les employés rémunérés à l’heure étaient censés avoir effectuées selon les feuilles de paye de l’appelant était trois fois plus élevé que celui prévu par la norme en vigueur dans l’industrie pour une ferme de cette taille;

 

l)  les dépenses salariales de la société de personnes pour 1998 excédaient les recettes réalisées cette année‑là;

 

m)  la société de personnes a délivré à l’appelant le 9 octobre 1998 ou vers cette date un RE indiquant que son premier jour de travail était le 2 août 1998 et que son dernier jour de travail était le 12 septembre 1998 et que l’appelant avait accumulé 324 heures assurables au cours de cette période, pour une rémunération assurable de 2 614,68 $;

 

n)  au moment des faits, l’appelant avait un lien de dépendance avec la société de personnes;

 

o)  compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, il n’est pas raisonnable de conclure que l’appelant et la société de personnes auraient conclu un contrat d’emploi à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance;

 

p)  l’appelant n’a en fait pas travaillé plus de 108 heures au cours de cette période;

 

q)  l’appelant était rémunéré au taux de 7,50 $ l’heure majoré d’une indemnité de congés payés de 7,6 %;

 

r)  les gains réalisés par l’appelant au cours de cette période étaient de 810,56 $.

 

[58]  Gurdev Singh Gill a témoigné qu’il est né en Inde – en 1940 – et qu’il est arrivé au Canada en compagnie de son épouse et de ses trois enfants – en 1996 – et qu’ils habitaient avec une de ses filles plus âgées qui les avait parrainés. Il s’est rapidement trouvé du travail chez Narang Farms, à Abbotsford, et il a ensuite emménagé dans un logement qu’il louait sur cette propriété. La ferme cultivait des légumes et des bleuets et il y avait également une conserverie sur la propriété. Après la fin de la saison 1996, lui et sa famille ont continué à vivre à cet endroit et il a de nouveau travaillé pour Narang Farms en 1997. En 1998, il a travaillé pour Sidhu Farms et logeait, moyennant le paiement d’un loyer, dans une remorque meublée située sur la propriété. En 1998, son fils – Gurpreet – était jeune et deux de ses filles – Malkit Kaur Gill et Jasbir Kaur Gill – travaillaient à Squamish, en Colombie‑Britannique. L’appelant a expliqué qu’il ne sait ni lire ni compter et qu’il ignore l’âge exact de ses enfants. En 1998, il a été mis en disponibilité par la famille Sidhu à la fin de la saison des framboises. Cette ferme ne cultivait pas de bleuets. Il savait que Gill Farms cultivait des bleuets et, même s’il n’avait jamais cueilli de bleuets auparavant, il a appris qu’on avait besoin de cueilleurs. Il a été engagé par Gill Farms et il a commencé par cueillir des baies. Il a par la suite effectué les autres tâches que Manjit Kaur Gill lui confiait à l’occasion. Il se souvient qu’il apportait les seaux remplis de baies à la balance à sa pause café ou sa pause du midi. Sinon, un autre membre de la famille Gill s’occupait de cette tâche. L’appelant a expliqué qu’au cours de son emploi, lui et son épouse étaient conduits au travail en voiture par Manjit, Harmit, Rajinder ou Hakam et que le trajet entre leur résidence, située à Sidhu Farms, et Gill Farms, prenait une dizaine ou une douzaine de minutes. Il se souvient que lui et son épouse prenaient chacun une journée de congé par semaine, mais pas le même jour. En cas de pluie, on continuait quand même la cueillette, sauf s’il pleuvait au point de forcer l’interruption du travail, auquel cas les travailleurs rentraient à la maison pour le reste de la journée. L’appelant se souvient d’avoir participé à une entrevue – avec Mme Turgeon – aux bureaux de DRHC à Abbotsford le 18 janvier 1999. Jugender Dhaliwal agissait comme interprète et les notes de Mme Turgeon se trouvent à l’onglet 7. L’appelant a expliqué qu’il ne comprend pas l’anglais, de sorte qu’il ne peut pas donner une appréciation de la qualité de l’interprétation des questions de Mme Turgeon en punjabi. Après avoir travaillé en 1996 et en 1997, il était admissible à des prestations d’assurance‑chômage mais ignorait le nombre d’heures assurables qu’il fallait avoir accumulées en 1998. Il voulait toutefois travailler aussi longtemps que possible et, lorsque le travail a manqué à la ferme, il a présenté une demande de prestations. Dans le cadre de son emploi actuel, l’appelant est payé aux deux semaines – par chèque – mais il se souvient qu’en 1998, il était payé de façon irrégulière et il semble que les Gill ne le payaient qu’après avoir reçu de l’argent de la conserverie. Il a expliqué qu’il avait coutume de consigner ses propres heures de travail jusqu’à ce que le règlement des comptes ait eu lieu de façon satisfaisante à la fin de la saison. En 1998, Gill Farms le payait 7,50 $ l’heure, ce qui correspondait selon lui au taux payé aussi à son épouse, Surinder Kaur Gill, une coappelante (2002‑2115(EI)) dans la présente instance. Quelqu’un venait les chercher lui et son épouse dans une voiture verte ou dans une camionnette rouge et blanche et – à l’occasion – un des enfants de Rajinder utilisait un autre véhicule. À l’exception d’une autre travailleuse d’Aldergrove, on ne passait prendre personne d’autre au cours du trajet vers la ferme. Parfois, leur fils les accompagnait jusqu’à la ferme et y passait la journée – à jouer avec les enfants de Hakam – alors que lui et son épouse travaillaient dans les champs. Son fils ne cueillait pas de baies. L’appelant a été renvoyé à une feuille – onglet 8 – et à une photocopie d’un chèque (no 0513 – daté du 26 octobre 1998 – au montant de 1 166,85 $) qui a été déposé le 19 novembre 1998 dans le compte de Khalsa détenu conjointement par lui, son épouse, Jasbir et Gurpreet. Il détenait aussi avec les membres de sa famille un autre compte chez Canada Trust et Jasbir et Malkiat avaient un compte à la Banque Royale auquel il n’avait pas accès. L’appelant a expliqué qu’il n’écrit pas de chèques même si ce compte lui permet d’en faire. Comme ni lui ni son épouse ne pouvait conduire de véhicule pour aller à la banque régulièrement, il retirait de l’argent comptant, habituellement en montants élevés, comme 1 000 $ ou 2 000 $, s’il avait besoin d’argent pour acheter des meubles ou pour une autre fin précise. L’appelant a expliqué que, même si Jasbir avait un permis de conduire – en 1998 – il prenait parfois l’autobus pour se rendre à la coopérative d’épargne et de crédit. Après sa mise en disponibilité à la fin de cette saison, on a acheté une voiture pour les besoins de la famille. On avait déjà acheté des meubles à la suite d’un déménagement à Abbotsford. L’appelant a identifié son RE – pièce A‑13 – établi le 17 septembre 1998 par Sidhu Farms et indiquant qu’il avait travaillé 378 heures assurables et qu’il avait accumulé une rémunération assurable de 3 024 $. Gill Farms a établi un RE – pièce R‑3, onglet 11 – indiquant que l’appelant avait travaillé 324 heures et avait une rémunération assurable de 2 614,68 $. L’appelant a expliqué qu’alors qu’il travaillait avec sa femme chez Gill Farms, ils étaient supervisés par Manjit, qui leur indiquait où faire la cueillette. Il se souvient que Harmit s’occupait de peser les baies et que Hakam travaillait à la ferme lorsqu’il rentrait du travail qu’il exerçait à l’extérieur. L’appelant se souvient que les filets étaient toujours en place lorsqu’il a été mis en disponibilité. Il croyait que sa mise en disponibilité était probablement attribuable à une sorte de politique d’ancienneté, car lui et son épouse avaient travaillé chez Sidhu Farms plus tôt au cours de la saison 1998 et qu’ils n’avaient commencé à travailler pour Gill Farms qu’en août. Au total, il a reçu trois chèques de paye, dont on trouve des copies aux onglets 8, 9 et 10 et dont les montants s’élèvent respectivement à 1 166,85 $, 956,07 $ et 200 $.

 

[59]  L’appelant – Gurdev Singh Gill – a été contre‑interrogé par Me Amy Francis. L’appelant a déclaré que sa fille – Malkiat – travaillait à Whistler – en 1998 – et qu’elle s’était mariée la même année avant que lui et son épouse ne commencent à travailler pour Gill Farms. Après le mariage, Malkiat et son mari avaient une résidence à Surrey, mais elle continuait à travailler à Whistler et à résider dans une autre ville Squamish – la semaine. Le nom de femme mariée de la fille de l’appelant est Malkiat Kaur Sidhu, mais ce n’est pas elle qui a reçu les fiches de cueillette pour la période du 23 au 30 juillet 1998 qui sont indiquées sur la photocopie que l’on trouve à la pièce R‑1, onglet 33, page 371. En Inde, l’appelant était propriétaire – avec son frère et ses neveux – d’une ferme d’une superficie de 30 acres, et louait avec eux une autre superficie de 50 acres qu’ils cultivaient avec trois employés permanents et quelque 25 à 30 autres travailleurs qu’ils engageaient durant la saison de végétation. Ils cultivaient du coton, du blé et de la canne à sucre. Après avoir émigré au Canada, il a confié la gestion de la ferme à son frère mais il a continué à recevoir des revenus dont il se sert lorsqu’il se rend en Inde avec sa famille, surtout pour des événements spéciaux tels que les noces de sa fille. Au cours de son entrevue – pièce R‑3, onglet 7 avec Mme Turgeon le 18 janvier 1999, Mme Turgeon a noté que l’appelant avait déclaré que Rajinder Gill l’avait engagé pour travailler chez Gill Farms. L’appelant a raconté qu’un des membres de la famille Sidhu – leur employeur précédent – les avait conduit en voiture jusqu’à Gill Farms parce que les Sidhu savait que les Gill avaient besoin de cueilleurs, étant donné que les baies risquaient de se gâter si elles n’étaient pas récoltées rapidement. L’avocate a souligné qu’en réponse à la question de Revenu Canada sur l’identité de la personne qui l’avait embauché, l’appelant a répondu – onglet 4, no 3 – : « Hakam Singh ». L’appelant a confirmé que cette réponse était exacte, mais il a précisé que sa femme et lui avaient déjà commencé à travailler avant de rencontrer Hakam et qu’ils supposaient que leur emploi avait été arrangé par la famille Sidhu. Lors de leur rencontre avec Hakam Singh Gill, aucune promesse ne leur a été faite au sujet de la durée précise de leur emploi et l’appelant n’a pas travaillé pour Gill Farms après 1998. Il a estimé que sa femme et lui voyageaient avec Harmit ou Manjit au moins 50 % du temps et que le reste du temps, ils voyageaient avec Rajinder, Hakam ou l’un des enfants Gill. L’appelant a expliqué qu’il ne se souvenait pas avec précision de l’identité des chauffeurs et qu’il était content qu’un des membres de la famille Gill vienne les chercher son épouse et lui pour les amener au travail. Il se souvient qu’on venait rarement les chercher plus tard que 7 h 30, à plus ou moins 5 ou 10 minutes près, et que si le délai était – à l’occasion – plus long, un des membres de la famille Gill leur téléphonait pour les informer de l’heure à laquelle on passerait les prendre. Lorsqu’il a parlé à Mme Turgeon, il aurait dit, selon les notes de celle‑ci – onglet 7, page 35  : [traduction] « Rajinder ou Manjit conduisait le camion (une quinzaine de passagers) ». L’avocate a souligné que, dans son témoignage antérieur, l’appelant avait dit que son épouse et lui étaient habituellement les seuls passagers avec parfois – une autre travailleuse résidant à Aldergrove. À l’onglet 4, où figure la réponse de l’appelant à la question 10 du questionnaire – également à l’onglet 4 – sur le nombre de personnes qui prenaient place à bord de la fourgonnette ou du bus, on lit : [traduction] « Entre cinq et sept personnes ». L’appelant affirme que cette réponse n’est pas exacte parce qu’il n’est jamais aller travailler à bord d’une fourgonnette; seulement à bord d’une voiture ou d’une camionnette, où lui et son épouse prenaient place sur la banquette arrière et étaient – habituellement – les seuls passagers. Il se souvient qu’au moment de quitter le travail, certaines personnes continuaient à travailler et qu’il avait supposé qu’elles avaient commencé plus tard que son épouse et lui le matin. La fin de la journée de travail était annoncée par Hakam ou par Manjit et elle ne variait pas de plus de 20 minutes selon l’heure à laquelle ils avaient commencé le matin. L’appelant a affirmé que les travailleurs recevaient une fiche de cueillette parfois et que les baies qu’il cueillait étaient pesées à la balance et que Harmit inscrivait le poids sur une fiche. Son épouse et lui vidaient le contenu de leur petit seau dans leur propre récipient plus grand et ils ne partageaient pas le même récipient – ou le même plateau –, sauf à la fin de la journée, lorsque l’un ou l’autre versait quelques baies provenant du petit seau pour compléter le contenu du récipient. Son épouse et lui avaient chacun leur propre fiche de cueillette. L’avocate a lu à l’appelant certaines des réponses qu’il avait données – à l’interrogatoire préalable – dans lesquelles il affirmait que, lorsque Harmit pesait les baies, elle inscrivait le poids sous le nom de famille de l’appelant pour connaître la quantité cueillie par sa famille, de sorte qu’on peut en conclure que son épouse et lui travaillaient ensemble. En réponse à la question 210 qui lui a été posée à l’interrogatoire préalable, l’appelant a expliqué que son épouse et lui avaient une fiche conjointe et, en réponse à la question de suivi : [traduction] « Donc, vous et votre femme aviez la même fiche? », l’appelant a répondu [traduction] : « Oui, oui ». L’appelant a affirmé qu’il avait probablement mal compris ces questions parce que son épouse et lui avaient des fiches distinctes, malgré le fait qu’ils faisaient toujours de la cueillette dans le même rang. L’avocate a rappelé à l’appelant qu’il avait répondu par l’affirmative – voir les notes de Mme Turgeon, onglet 7, page 37 – lorsqu’on lui avait demandé s’il recevait une fiche de cueillette chaque jour. [traduction] « Oui. Mon nom est inscrit sur chaque fiche. C’est aussi comme une fiche de présence où ils inscrivaient mon heure d’arrivée et mon heure de départ ». L’appelant a répondu que, ce qu’il avait voulu dire, c’était que l’heure à laquelle il arrivait et celle à laquelle il partait étaient inscrites chaque jour mais pas nécessairement sur une fiche de cueillette. L’avocate a signalé à l’appelant que, selon les notes – onglet 3, page 28 – prises par Harby Rai au sujet de leur conversation téléphonique du 19 août 1999, il avait dit qu’aucune fiche de cueillette ne leur était remise lorsqu’ils travaillaient pour Gill Farms parce qu’ils étaient payés à l’heure, mais que les propriétaires pesaient pour leurs propres fins les petits fruits que lui et sa femme récoltaient. L’appelant a expliqué qu’il n’était pas nécessaire de se référer aux fiches étant donné qu’on ne s’en était pas servi pour régler les comptes après sa mise en disponibilité. L’avocate a renvoyé l’appelant aux réponses 40 et 41, respectivement  onglet 4 – données en son nom en réponse aux questions correspondantes du questionnaire au sujet de l’utilisation des fiches de cueillette. À la réponse 40, il a déclaré que les fiches servaient à [traduction] « calculer mes heures » et la réponse 41 à la question de savoir s’il se servait d’une fiche de cueillette chaque jour de travail était affirmative. L’appelant a affirmé que cette dernière réponse était inexacte. L’avocate a signalé à l’appelant qu’à cinq reprises, et notamment lors de son entrevue aux bureaux de DRHC, de sa conversation téléphonique avec Mme Rai, de sa réponse au questionnaire donnée par sa représentante – Ronnie Gill – ainsi qu’à l’interrogatoire préalable et lors de son témoignage dans le cadre de la présente instance, il avait donné des versions différentes au sujet de l’utilisation des fiches de cueillette. L’appelant a affirmé que le témoignage qu’il avait donné sous affirmation solennelle devant la Cour devait être considéré comme véridique et qu’il fallait écarter toute déclaration contradictoire antérieure. L’avocate lui a signalé que sa mémoire aurait dû être meilleure – le 18 janvier 1999 – lorsqu’il a parlé avec Mme Turgeon – quatre mois à peine après sa mise en disponibilité en 1998 – qu’en août 2005. Il a convenu qu’il aurait dû en être ainsi, mais a expliqué qu’il était nerveux lors de l’entrevue de DRHC. À l’interrogatoire préalable, l’appelant a expliqué que Manjit demeurait à la ferme toute la journée mais que Harmit n’y était pas toujours et qu’il ne savait pas où elle allait et qu’il n’avait pas cherché à le savoir. Il a expliqué qu’il cherchait à établir une distinction entre leurs tâches, en ce sens que Harmit ne travaillait pas près des cueilleurs. À l’occasion, Manjit et Harmit cueillaient des baies, tout comme Hakam, lorsqu’il en avait le temps après être rentré du travail. Les enfants Gill faisaient parfois aussi de la cueillette, mais seulement pour une brève période. L’appelant a confirmé qu’il avait donné un coup de main pour le démontage des filets, mais il a ajouté qu’il n’avait pas participé à leur installation étant donné que cette opération avait eu lieu au début de la saison, alors que son épouse et lui travaillaient encore pour la famille Sidhu. L’avocate lui a signalé le contenu des notes de Mme Rai – onglet 3, page 27 – où cette dernière écrit qu’elle avait cru comprendre des réponses de l’appelant que [traduction] « premièrement, on installe les filets, on devait parfois remplacer les vieilles perches; il fallait monter dans une échelle pour dérouler les filets. Il a expliqué qu’ils avaient d’abord déroulé les filets avant de cueillir des bleuets. Il a expliqué qu’ils devaient installer les filets pour empêcher les oiseaux de manger les baies. Il a ajouté qu’il ne se souvenait pas quand ils avaient installé les filets, mais a affirmé que c’était avant le début de la cueillette des baies. Il a déclaré qu’après avoir installé les filets, ils cueillaient des baies, qu’ils faisaient ensuite du désherbage et qu’ils démontaient les filets et les enroulaient. Je l’ai interrogé à trois reprises au sujet de l’installation des filets. Les trois fois, il a affirmé qu’ils commençaient par installer les filets avant de cueillir des baies ». L’appelant affirme que Mme Rai a mal cité cette partie de leur conversation ce qui s’explique peut‑être par l’emploi d’un verbe punjabi qui peut vouloir dire à la fois « installer » et « démonter ». Il a ajouté que la compétence de Mme Rai en punjabi était inférieure à celle de Russell Gill, l’interprète judiciaire. L’appelant a affirmé qu’il n’avait commencé à travailler pour Gill Farms que le 3 août et qu’il n’avait certainement pas participé à l’installation des filets. Au cours de son emploi, il a cueilli des bleuets Blue Crop ainsi que toute autre variété qui était mûre, mais il ajoute que la cueillette de la variété Dixie n’était pas terminée lorsqu’il a été mis en disponibilité. Pour ce qui est de sa rémunération, l’appelant affirme qu’il avait prévenu les Sidhu de dire à la famille Gill que son épouse et lui voulaient être payés à l’heure, comme c’était le cas chez Sidhu Farms. Il a ajouté qu’il croyait comprendre que les cueilleurs à la pièce qui travaillaient vite gagnaient probablement plus que l’équivalent du salaire minimum et que d’autres travailleurs qui étaient plus lents étaient quand même contents d’être payés à la pièce parce qu’ils pouvaient ainsi éviter les reproches de l’employeur puisque leur salaire était calculé en fonction de leur production réelle plutôt que du nombre d’heures effectuées. D’après son expérience, à un moment donné au cours de la saison, les producteurs recherchent désespérément des travailleurs et ils sont prêts à accorder à certaines personnes un salaire – horaire – plus élevé que celui qu’ils payent à d’autres qui sont à leur service depuis plus longtemps. Ils recourent aussi parfois à un entrepreneur en main‑d’oeuvre agricole pour recruter des cueilleurs. Toutefois, à son avis, indépendamment du mécanisme utilisé pour mettre les propriétaires en contact avec des cueilleurs, les producteurs veulent payer moins cher et les travailleurs veulent gagner plus cher. Il n’a pas remarqué s’il y avait des bleuets Duke chez Gill Farms mais il savait que cette variété de bleuetier produisait une telle abondance de petits fruits qu’un cueilleur pouvait en cueillir jusqu’à 400 livres par jour, par opposition à 200 ou 300 livres dans le cas des bleuets Blue Crop. Il a admis que, lorsqu’il avait commencé à travailler pour Gill Farms, personne n’avait d’idée de son aptitude comme cueilleur de bleuets. L’appelant a affirmé qu’il ignorait pourquoi ses feuilles de paye onglet 13 – indiquaient que son indemnité de congés payés était calculée au taux de 7,6 % alors que d’autres travailleurs n’avaient reçu que 4 %. L’appelant a expliqué qu’au cours des deux ou trois dernières années, le salaire qu’il avait touché pour le travail agricole était de 8,32 $ l’heure, ce qui comprend une indemnité de congés payés de 4 %. L’appelant a admis qu’il avait attendu au 12 septembre avant de déposer son chèque de 200 $ – daté du 15 août 1998 – et qu’il ne se rappelait pas pourquoi il avait attendu, sinon que, dans l’intervalle, sa fille avait fait l’épicerie pour la famille. Le chèque que l’on trouve au bas de la feuille – onglet 9 – au montant de 956,07 $ daté du 24 octobre 1998 – semble porter la mention [traduction] « oct. » sur la ligne réservée à la date après le chiffre « 24 », mais le mot [traduction] « août » a été griffonné par-dessus et a été effacé et les initiales « H.S.G. » ont été ajoutées à côté. Le chèque a été déposé dans le compte de l’appelant à Khalsa le 3 novembre 1998. L’appelant a admis qu’il avait été mis en disponibilité le 12 septembre mais qu’il avait probablement attendu pour encaisser le chèque que les Gill aient été payés par la conserverie. Le chèque – onglet 8 – de 1 166,85 $ daté du 26 octobre 1998 – a été déposé dans le compte de l’appelant le 19 novembre. Il ne se souvient pas s’il a reçu les deux chèques le même jour ni pourquoi l’un a été déposé le 3 novembre et l’autre le 19 novembre et il ne se rappelle pas qu’un des membres de la famille Gill lui ait demandé d’attendre avant d’encaisser des chèques. Il se souvient que Harmit Kaur Gill lui avait téléphoné pour l’informer que Gill Farms était prête à procéder au règlement des comptes et que Harmit était venue chez lui – à Abbotsford – à cette fin. L’appelant a affirmé qu’il ne connaît pas les deux jeunes femmes qui accompagnaient Harmit mais il se rappelle les avoir vues à la ferme. Sa femme et sa fille étaient présentes lors de cette rencontre. L’avocate a signalé qu’à l’interrogatoire préalable, l’appelant n’avait pas mentionné la présence de ces deux jeunes femmes. L’appelant a répliqué qu’il n’avait répondu qu’aux questions qui lui étaient posées. En ce qui concerne l’achat d’une voiture, l’appelant a expliqué qu’il s’agissait d’une Dodge quatre portes 1989 qui avait coûté 2 500 $ ou 3 000 $. Elle avait été achetée et assurée au nom de quelqu’un d’autre mais c’était sa fille qui la conduisait. Suivant le relevé – onglet 14 – du compte pertinent de Khalsa, l’appelant ou une personne autorisée à cette fin, avait retiré 2 500 $ en espèces – page 58 – le 19 novembre 1998, le même jour que les deux dépôts de 2 707,02 $ et de 564,62 $ respectivement. À la page 57, on trouve une inscription indiquant que Khalsa avait certifié une traite d’un montant de 15 000 $ le 9 septembre 1998. L’avocate a laissé entendre qu’exception faite du retrait de 2 500 $ effectué le 19 novembre 1998, le seul autre retrait important indiqué sur le relevé d’opérations bancaires était un retrait de 800 $. L’appelant a réfuté ce que l’avocate avait laissé entendre à savoir qu’il avait remboursé à la famille Gill la somme de 2 500 $ – ou toute autre somme – relativement à son emploi ou à celui de son épouse. Il a expliqué que cet argent avait pu servir à l’achat de roupies dans un commerce appelé A‑1 Money Exchange pour une de ses filles qui s’apprêtait à partir pour l’Inde. L’appelant a reconnu sa signature sur la demande onglet 12 – de prestations d’assurance‑chômage datée du 18 septembre 1998 et a affirmé que sa fille et une autre jeune fille l’avaient aidé à remplir cette demande à l’ordinateur.

 

[60]  L’appelant – Gurdev Singh Gill – a été réinterrogé par sa représentante, Ronnie Gill, qui l’a renvoyé à la pièce R‑3, onglet 14, page 57, et à l’inscription indiquant le retrait de la somme de 15 000 $ de son compte – le 16 septembre 1998 – au moyen d’une traite certifiée. À la page 53 du même onglet, on trouve un relevé d’opérations du compte que l’appelant avait ouvert chez Canada Trust et qui fait état d’un dépôt de 15 000 $ le 16 septembre 1998, date d’ouverture de ce compte. Lorsqu’on lui a rappelé ces faits, l’appelant s’est souvenu que sa famille avait décidé d’ouvrir un compte chez Canada Trust parce qu’ils estimaient qu’une banque était plus sûre qu’une coopérative d’épargne et de crédit. Le dépôt effectué le même jour – au montant de 4 011,42 $ – représentait une partie du salaire payé – par Sidhu Farms – à son épouse et à lui‑même. Le retrait subséquent de 4 000 $ a servi à l’achat de meubles et au projet de la famille de déménager à Abbotsford. L’appelant a déclaré qu’il avait travaillé pour quatre employeurs différents en 2004 et qu’il travaille présentement comme travailleur agricole pour un entrepreneur en main‑d’oeuvre agricole.

 

[61]  Pour ce qui est des questions soulevées par le relevé établi par Canada Trust – onglet 14, page 53 – l’avocate de l’intimé – Me Amy Francis – a signalé que la somme de 108,38 $ avait été retirée de ce compte le 20 octobre 1998 et qu’il s’agissait d’un retrait pour lequel il était précisé « Autoplan », ce qui donne à penser que ce montant correspondait à la prime d’assurance automobile mensuelle. L’appelant a admis que c’était exact mais a affirmé que la voiture avait – initialement – été achetée par un de ses gendres.

 

Santosh Kaur Makkar

 

[62]  Santosh Kaur Makkar a témoigné en punjabi et les questions et les réponses ainsi que d’autres aspects de l’instance ont été interprétés et/ou traduits de l’anglais au punjabi et du punjabi à l’anglais par Russell Gill, interprète. Le recueil de documents de l’intimé qui concerne le présent appel – 2001‑2117(EI) – est la pièce R‑10.

 

[63]  Le ministre a estimé que l’appelante n’avait pas exercé pas d’emploi assurable auprès du payeur au cours de la période du 2 août au 26 septembre 1998 parce qu’elle avait un lien de dépendance avec les associés qui exploitaient Gill Farms. À titre subsidiaire, le ministre a estimé que le nombre réel d’heures assurables effectuées par l’appelante était de 117 heures et que sa rémunération assurable s’élevait à 912,60 $. L’avocate a par ailleurs précisé que, dans ses moyens subsidiaires, le ministre avait accepté la période d’emploi – du 3 août au 12 septembre 1998 – retenue par l’agent des décisions. La thèse de l’appelante est que son relevé d’emploi – onglet 11 – indique avec raison que ses heures assurables se chiffrent à 421 et que sa rémunération assurable pour la période du 2 août au 26 septembre 1998 est de 3 283,80 $.

 

[64]  Voici les hypothèses de fait particulières à l’appelante qui sont articulées aux alinéas 8h) à 8r) inclusivement :

 

h)  la société de personnes a, au cours de la période en cause, engagé l’appelante comme employée rémunérée à l’heure pour cueillir des bleuets et pour fournir à la ferme divers autres services connexes tels que le ramassage de branches mortes, l’installation et le démontage des filets, le binage, le sarclage, l’application de traitements par pulvérisation, le lavage des seaux, etc.;

 

i)  le relevé des heures établi par la société de personnes ne correspond pas aux heures effectivement travaillées par l’appelante;

 

j)  il arrivait parfois, que, selon les livres de paye, l’appelante était censée travailler et être payée alors qu’en fait elle n’avait aucun travail à faire;

 

k)  le nombre d’heures que les employés rémunérés à l’heure étaient censés avoir effectuées selon les livres de paye de l’appelante était trois fois plus élevé que celui prévu par la norme en vigueur dans l’industrie pour une ferme de cette taille;

 

l)  les dépenses salariales de la société de personnes pour 1998 excédaient les recettes réalisées cette année‑là;

 

m)  la société de personnes a délivré à l’appelante le 7 octobre 1998 ou vers cette date un relevé d’emploi indiquant que son premier jour de travail avait été le 2 août 1998 et que son dernier jour de travail avait été le 12 septembre 1998 et que l’appelante avait accumulé 421 heures assurables au cours de cette période, pour une rémunération assurable de 3 283,80 $;

 

n)  au moment des faits, l’appelante avait un lien de dépendance avec la société de personnes;

 

o)  compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, il n’est pas raisonnable de conclure que l’appelante et la société de personnes auraient conclu un contrat d’emploi à peu près semblable si elles n’avaient pas eu de lien de dépendance;

 

p)  l’appelante n’a en fait pas travaillé plus de 117 heures au cours de cette période;

 

q)  l’appelante était rémunérée au taux de 7,50 $ l’heure, majoré d’une indemnité de congés payés de 4 %;

 

r)  les gains réalisés par l’appelante au cours de cette période étaient de 912,60 $.

 

[65]  Santosh Kaur Makkar a expliqué qu’elle est née en Inde en 1948 et qu’elle est arrivée au Canada en septembre 1997 en compagnie de son mari, d’un fils et de deux filles. Ils ont habité chez leur fille, qui avait parrainé leur demande d’immigration. En 1998, elle a commencé à travailler pour Lakeland/Flora – son premier emploi – après avoir répondu à une annonce publiée dans le journal. Elle y travaille toujours à chaque saison, au cours des mois de mars et d’avril. Après sa mise en disponibilité, elle se trouve du travail comme cueilleuse de petits fruits. En 1998, elle a cueilli des fruits pour Berry Haven/Penny’s Farm. En 2005, elle a commencé à cueillir des framboises le 6 juin et elle a ensuite fait la récolte des mûres et des framboises à maturation tardive. Elle a expliqué que la saison de végétation varie d’une année à l’autre, mais que 2005 avait été une année ordinaire. Lorsqu’elle travaillait pour Penny’s Farm, elle recevait une fiche de cueillette et utilisait aussi une fiche lorsqu’elle faisait la cueillette et l’emballage de fleurs pour Lakeland. L’appelante a expliqué que Penny’s Farm réembauche les mêmes personnes à chaque saison et que les travailleurs qui sont ainsi réembauchés sont habituellement engagés plus tôt et mis en disponibilité plus tard que les nouveaux travailleurs qui ne font que de la cueillette. En 1998, Penny’s Farm l’a mise en disponibilité dès que la cueillette a été terminée, mais d’autres travailleurs ont continué à y travailler. Elle a découvert par l’entremise de son gendre, qui travaillait à l’usine avec Hakam Singh Gill, que Gill Farms était à la recherche de cueilleurs. Gill Farms les a embauchés, elle et son mari. Elle a expliqué qu’elle avait toujours travaillé avec son mari à divers endroits et qu’elle se rendait au travail et en revenait avec lui. En 1998, elle et son mari quittaient leur maison d’Abbotsford entre 7 h 15 et 7 h 30 le matin et son mari conduisait leur voiture personnelle jusqu’à la ferme, où Harmit Kaur Gill ou Manjit Kaur Gill leur donnait les instructions relativement au travail à effectuer ce jour‑là. L’appelante n’avait jamais travaillé dans une ferme en Inde, sauf pour y faire des travaux ménagers. Son mari avait travaillé dans le secteur des services pour une société de chemins de fer. Toutefois, depuis son arrivée au Canada, l’appelante travaille dans des fermes chaque année et essaie d’effectuer le plus grand nombre d’heures possibles durant la saison. Son mari – Himmat Singh Makkar – s’occupe de toutes les questions financières. L’appelante a affirmé que les filets étaient déjà installés lorsqu’elle avait commencé à travailler pour Gill Farms et qu’elle avait par la suite – remarqué qu’ils étaient parfois déchirés. Lorsqu’ils faisaient de la cueillette, elle et son mari avaient l’habitude de travailler l’un en face de l’autre de chaque côté du même bleuetier et de déposer les fruits dans un petit seau dont ils transféraient ensuite le contenu dans un récipient plus grand. L’appelante se souvient qu’à la fin de la saison 1998, elle nettoyait les seaux, coupait les branches mortes, épandait de la sciure et enlevait les herbes sèches. On épandait de la sciure – dont on prenait des poignées dans un seau – en la déposant près des racines des bleuetiers. Il arrivait souvent qu’on effectue plusieurs tâches différentes au cours de la même journée. Elle se souvient d’avoir travaillé avec Harmit, Manjit et Hakam – des membres de la famille Gill – mais ne se rappelle pas le nom des autres personnes qui effectuaient aussi ces tâches, en partie parce qu’elle n’avait travaillé à cet endroit que peu de temps et qu’elle n’a pas créé de liens d’amitié avec ses compagnons de travail. Bien qu’elle ne se souvienne pas du temps qu’il avait fait dans l’ensemble – au cours de l’été 1998, la politique de Gill Farms était de demander aux travailleurs de continuer la cueillette à moins qu’il ne pleuve très fort. Sinon, les cueilleurs portaient des vêtements de pluie appropriés et le travail continuait. L’appelante a expliqué que, lorsqu’on cueille d’autres petits fruits que des bleuets, l’usage veut dans l’industrie que l’on interrompe la cueillette pendant qu’il pleut si les petits fruits sont destinés au marché de frais et que l’on ne continue la cueillette que si le produit est utilisé pour faire de la confiture. L’appelante a expliqué que son expérience avec les bleuets remontait à 1998, lorsqu’elle avait travaillé pour Gill Farms et qu’elle n’avait pas cherché de travail là en 1999 parce qu’elle n’aimait pas cueillir les bleuets. Son mari – Himmat – avait été mis en disponibilité plus tôt qu’elle, mais il continuait à la conduire au travail chaque jour en voiture. Les deux ou trois fois où son mari n’a pas pu la conduire au travail ou l’en ramener, elle a demandé à un des membres de la famille Gill de la conduire. En 1998, une de ses filles travaillait, l’autre suivait des cours du soir et son fils fréquentait l’école secondaire. L’appelante a expliqué que son mari discutait avec Hakam Singh Gill de tous les aspects de leur emploi, y compris le règlement des comptes à la fin de la saison. Son mari s’occupait de toutes les questions financières et, comme elle n’avait pas de compte de banque à son nom, elle remettait à son mari tous ses chèques de paye pour qu’il les dépose. Elle lui demandait de l’argent comptant pour ses petites dépenses et pour celles du ménage et l’on gardait de l’argent comptant à la maison à cette fin et pour les enfants. Pendant la récolte, son mari transportait le seau de fruits de l’appelante jusqu’à la balance, où Harmit procédait à la pesée. Malgré le fait que l’un des Gill l’avait avertie que la quantité de baies cueillies était insuffisante, elle estime que sa production – et celle de son mari – se situait dans la moyenne par rapport à celle des autres cueilleurs. L’appelante a expliqué qu’elle était rémunérée à l’heure lorsqu’elle travaillait pour Gill Farms et que lorsqu’elle cueillait des fleurs chez Lakeland, elle était payée à la pièce – 20 cents par bouquet de dix jonquilles – mais qu’elle était rémunérée à l’heure lorsqu’elle effectuait d’autres tâches pour le même employeur. Présentement, elle gagne 10 $ l’heure comme travailleuse agricole et elle estime qu’elle est davantage au courant des conditions de travail et des questions connexes qu’en 1998. L’appelante a reconnu le relevé d’emploi – pièce A‑14 – que Lakeland Flowers Ltd. lui a remis et qui couvre son emploi du 12 mars au 22 avril 1998. Au cours de cette période, elle a effectué 210,25 heures assurables et sa rémunération assurable se chiffrait à 1 632,10 $. L’appelante a également reçu un relevé d’emploi – pièce A‑15 – de Berry Haven Farm Ltd. qui indiquait qu’elle avait travaillé 360 heures assurables entre le 21 juin et le 1er août 1998 et que sa rémunération assurable s’élevait à 2 709,11 $. Un autre relevé d’emploi – pièce R‑10, onglet 11 – établi par Gill Farms pour la période du 2 août au 26 septembre 1998 faisait état de 421 heures assurables et d’une rémunération assurable de 3 283,30 $. Dans une lettre – pièce A‑16 – datée du 8 février 2000 et adressée à l’appelante, un agent d’assurance‑chômage employé par DRHC affirmait que, depuis le 28 septembre 1997, l’appelante n’avait effectué que 851 heures et qu’il fallait avoir accumulé 910 heures assurables pour être admissible à des prestations d’assurance‑chômage. L’appelante a abondé dans le sens de sa représentante – Ronnie Gill – en ce sens que, si l’on additionnait les heures assurables indiquées dans les trois relevés d’emploi en question, on obtenait un total de 991,25 heures, ce qui est plus que suffisant pour être admissible à des prestations d’assurance‑chômage L’appelante se souvient d’avoir commencé à travailler chez Lakeland dès le 25 février une certaine année, mais elle a expliqué que la durée totale de la saison ne varie pas de plus de trois semaines en tout et qu’on ne peut donc pas être certain du nombre d’heures de travail qui peuvent être offertes pour une saison. Elle se souvient de s’être présentée à une entrevue aux bureaux de DRHC le 18 janvier 1999 et que, comme elle ne parlait et ne comprenait pas l’anglais, Jugender Dhaliwal a servi d’interprète anglais‑punjabi. Son mari – Himmat – a été reçu en entrevue séparément dans une autre pièce. L’appelante a expliqué qu’il arrivait parfois que l’on demande à son mari de laisser temporairement la cueillette pour réparer les filets. Elle a également vu Hakam Singh Gill conduire le tracteur pour appliquer un traitement sur les bleuetiers dans les secteurs où il n’y avait pas de cueillette. Bien qu’elle ne se souvienne pas de la tâche précise qu’elle avait effectuée le dernier jour où elle avait travaillé, c’était l’une de celles qu’elle avait déjà mentionnées dans son témoignage.

 

[66]  L’appelante – Santosh Kaur Makkar – a été contre‑interrogée par Me Shawna Cruz, qui l’a renvoyée à une déclaration – onglet 1 – datée du 28 avril 2005 qui avait été produite conformément à un engagement pris lors de l’interrogatoire préalable, au cours duquel on avait demandé à l’appelante de retrouver les fiches de cueillette qui lui avaient été remises au cours de son emploi chez Gill Farms. Dans sa déclaration, l’appelante avait précisé que l’employeur leur avait remis, à elle et à son mari, des fiches de cueillette, que c’était son mari qui s’en occupait, mais qu’ils n’avaient pas réussi à les retrouver parce qu’ils avaient déménagé deux ou trois fois et avaient probablement jeté les fiches en question parce qu’elles n’avaient plus de valeur pour eux. Dans cette déclaration, l’appelante a par ailleurs confirmé qu’elle n’avait pas de compte bancaire – ni compte à elle seule ni compte conjoint – en 1998 et que tous ses chèques étaient endossés et déposés dans le compte bancaire de son mari. Vu la teneur de cette déclaration, l’avocate a demandé à l’appelante de lui expliquer pourquoi elle aurait dit – lors de son interrogatoire principal – qu’elle ne savait pas si des fiches de cueillette leur étaient remises. L’avocate a renvoyé l’appelante à la page 2 de l’onglet 1 – attestation de l’interprète – où Gurdev Singh Gill – père de Ronnie Gill, la représentante des appelants et des intervenants, et non l’appelant du même nom qui est partie à la présente instance – atteste qu’il a interprété fidèlement la déclaration de l’anglais au punjabi et que l’appelante semblait en comprendre parfaitement la teneur. L’appelante a expliqué que la famille Gill leur remettait des fiches de cueillette pour savoir combien de baies une personne pouvait cueillir au cours d’une période déterminée. Elle ne se souvient pas avec précision de la conversation téléphonique qu’elle a eue avec Harby Rai le 16 août 1999, mais elle a convenu qu’elle aurait tenté de communiquer des renseignements exacts à Mme Rai. Pour ce qui est des réponses données dans le questionnaire – onglet 4 – elle estime qu’autant qu’elle le sache, elles sont véridiques et elle ajoute qu’elle comprenait bien, lorsqu’elle témoignait à l’interrogatoire préalable – en novembre 2002 – qu’elle avait l’obligation de dire la vérité. Comme elle a fréquenté l’école jusqu’en dixième année en Inde, l’appelante peut lire et écrire le punjabi. Elle a expliqué qu’elle peut signer son nom en anglais et qu’elle comprend un peu l’anglais, surtout lorsqu’il est question du nom des plantes, des petits fruits et d’autres objets ou actions liés à son travail. L’appelante a expliqué qu’au moment de son embauche, elle et son mari ignoraient combien de temps leur emploi durerait. L’appelante a dit qu’elle ne se souvenait pas personnellement comment elle s’était rendue au travail le premier jour, mais elle a ajouté que lorsqu’elle travaillait avec son mari, ils rentraient tous les deux à la maison avec leur propre voiture, sauf lorsque son mari quittait le travail plus tôt, lorsqu’il était incommodé par la chaleur. L’avocate a renvoyé l’appelante à sa feuille de temps – onglet 13 – et à celle de son mari – pièce R‑9, onglet 14 – pour signaler que ce dernier avait pris deux jours de congé par semaine, alors qu’elle avait travaillé chaque jour. Suivant les feuilles de temps, lorsqu’ils travaillaient ensemble, l’appelante et son mari travaillaient chacun huit heures par jour. Elle ne se souvient pas si elle et son mari se rendaient au travail à bord d’un véhicule de Gill Farms, mais lorsque Himmat ne la conduisait pas au travail, elle voyageait avec un des membres de la famille Gill. L’avocate a rappelé à l’appelante que son mari – Himmat Singh Makkar – avait témoigné qu’il la conduisait au travail en voiture le matin et que l’un des Gill la ramenait à la maison le soir. L’appelante a expliqué qu’elle ne se rappelait pas avec précision des faits de sorte qu’elle ne pouvait se faire d’opinion au sujet de l’exactitude des souvenirs de son mari relativement au mode de transport utilisé entre leur domicile et leur lieu de travail. Elle se souvient de s’être rendue au travail à bord d’une camionnette appartenant à Gill Farms et elle se souvient qu’il y avait deux ou trois places à l’arrière. Elle a souligné qu’évidemment, elle se rendait au travail et rentrait chez elle par un moyen quelconque et qu’elle ne s’était pas arrêtée à des détails comme l’identité des autres passagers, en supposant qu’il y en ait eu, car la plupart des gens qui travaillaient pour Gill Farms habitaient dans la direction opposée de la ferme. Elle a expliqué qu’elle n’a jamais jugé important de consigner – d’une façon ou d’une autre – ce genre de renseignements et elle a ajouté qu’il n’y avait pas de documents ou quoi que ce soit d’autre pour l’aider à se rafraîchir la mémoire sur ces points. En ce qui concerne l’heure à laquelle elle commençait à travailler le matin, l’appelante a expliqué qu’il suffisait d’observer les fruits pour constater s’il y avait trop de rosée pour commencer la cueillette et qu’en pareil cas, il fallait attendre que la rosée s’évapore. Elle se souvient qu’à l’occasion, quelqu’un de chez Gill Farms lui téléphonait à la maison pour l’informer que la cueillette commencerait plus tard ce jour‑là. L’appelante a convenu avec l’avocate qu’elle avait indiqué des heures de commencement et de fin différentes lors de ses entrevues avec Mme Turgeon, à l’interrogatoire préalable, et lors de son témoignage principal, mais elle a expliqué qu’elle ne portait pas de montre et qu’elle n’avait donné que des estimations qui avaient pu varier pour une raison ou pour une autre. Suivant l’une des réponses qu’elle a données (voir le questionnaire onglet 4), l’appelante avait appris qu’elle pouvait travailler pour Gill Farms par l’intermédiaire de l’Indo‑Canadian Society (PICS), avait obtenu un numéro de téléphone et avait appelé aux bureaux de Gill Farms. L’appelante a confirmé que cette réponse pouvait être exacte mais a ajouté qu’elle se souvenait aussi qu’elle s’était rendue chez Gill Farms, qu’elle avait parlé à Hakam Singh Gill et à Rajinder Singh Gill et qu’elle avait commencé à travailler le jour même. Elle a toutefois reconnu qu’il était possible que cette rencontre ait eu lieu un autre jour, avant son entrée en fonctions. L’appelante a estimé qu’elle cueillait chaque jour entre 250 et 300 livres de bleuets et elle a confirmé l’estimation de son mari, qui avait affirmé, lors de son témoignage, qu’il cueillait environ 200 livres de bleuets par jour. Elle a affirmé qu’elle ne pouvait expliquer la différence entre le taux horaire – 7,50 $ – qu’elle touchait et celui – 8 $ – que son mari recevait, ni la raison pour laquelle il avait été mis en disponibilité plus tôt. Elle ne se souvient pas si son mari avait l’habitude de prendre une ou deux journées de congé par semaine. L’avocate a fait savoir à l’appelante que, selon sa feuille de temps – onglet 13 – elle avait travaillé chaque jour mais qu’au cours de son entrevue – onglet 8, page 44 – avec Mme Turgeon, elle avait expliqué que [traduction] « [...] Hakam Gill nous appelait pour nous dire de rester chez nous lorsqu’il pleuvait ». L’avocate a demandé à l’appelante pourquoi elle avait donné cette réponse si elle avait en fait travaillé chaque jour au cours de sa période d’emploi. L’appelante avait répondu, à la question 26 du questionnaire – onglet 4 – qu’elle n’avait jamais manqué de travail en raison du mauvais temps parce que, même lorsqu’on les appelait pour les prévenir qu’il pleuvait, ils se rendaient quand même à la ferme dès que le temps se dégageait ou, s’ils s’y trouvaient déjà, ils attendaient dans le garage jusqu’à ce que la cueillette puisse reprendre. L’appelante a expliqué que, lorsqu’elle travaillait, elle n’avait pas appris le nom des autres travailleurs, à l’exception d’un ou deux d’entre eux, parce qu’elle avait l’habitude de se contenter de les saluer et qu’elle ne prenait pas le temps de socialiser et qu’elle ne connaissait personne avec qui elle aurait pu créer des liens. Elle a estimé que les effectifs se chiffraient à entre 25 et 30 personnes lorsque la saison battait son plein. Elle a admis qu’elle avait déjà estimé les effectifs à entre 50 et 60 – onglet 8, page 45 – lorsqu’elle avait été reçue en entrevue par Mme Turgeon. L’avocate lui a fait remarquer qu’il était plutôt étrange qu’elle donne ces deux réponses si elle avait effectivement travaillé pour Gill Farms. L’appelante a expliqué qu’elle n’avait pas prêté vraiment attention à cette estimation lorsqu’elle avait répondu à la question de Mme Turgeon au sujet du nombre de personnes qui avaient travaillé à la ferme. Elle a confirmé que Manjit Kaur Gill donnait des instructions sur les lieux de cueillette et qu’elle voyait cette dernière chaque jour et que Harmit Kaur Gill et Hakam Singh Gill donnaient aussi des directives aux travailleurs. L’avocate a renvoyé l’appelante à la question posée par Mme Turgeon au sujet de l’identité de son superviseur – onglet 8, page 44 – et à sa réponse, en l’occurrence que c’était Hakam Gill ou sa femme, Harmit Gill et que [traduction] « la plupart du temps les deux s’y trouvaient ». Le nom de Manjit Kaur Gill n’a jamais été mentionné. Pour ce qui est de la question des tâches autres que la cueillette des baies, l’appelante a expliqué qu’elle avait fait du désherbage à la main – avec des gants – lorsque le sol était meuble et que sinon, il fallait utiliser un petit instrument pour creuser dans le sol et extirper l’herbe pour l’empêcher de nuire à la croissance des bleuetiers. La sciure était transportée dans une brouette et on utilisait un seau pour transporter la sciure jusqu’aux plantes, où on procédait à son épandage. L’appelante a expliqué que, pour elle, [traduction] « le travail, c’est le travail » et qu’elle ne se souvient pas du temps que nécessitait l’exécution de ces menus travaux. Elle a expliqué qu’elle avait vu Hakam appliquer un traitement herbicide même si elle ne se souvenait pas d’avoir déjà dit – à son interrogatoire préalable – qu’elle n’avait vu personne appliquer de traitement herbicide. Elle a estimé que le lavage des seaux avait occupé une ou deux journées et qu’il fallait une journée entière pour démonter une seule nappe du filet et pour la rouler. Sur la question des fiches de cueillette, l’appelante a convenu que l’employeur lui remettait sa propre fiche de cueillette mais que c’était son mari qui la conservait. Elle se souvient que les fiches étaient passées à la pointeuse et que l’on inscrivait quelque chose dessus pour permettre à Gill Farms d’avoir une idée de la production quotidienne moyenne. Lorsqu’on lui a montré la fiche de cueillette – pièce A‑1 – l’appelante a répondu qu’elle n’était pas certaine que les fiches qu’elle avait utilisées étaient identiques et elle n’a pas été en mesure d’affirmer avec certitude si on lui remettait seulement une partie de la fiche de cueillette ou si ses fiches étaient établies en double exemplaire. L’avocate a signalé à l’appelante que – à son interrogatoire préalable – elle avait déjà expliqué que la fiche était composée de deux parties et que la famille Gill remettait plus tard à son mari la partie qu’elle avait conservée au cours de la journée. L’appelante a répondu que son mari était informé de la production moyenne et du nombre d’heures travaillées au cours d’une journée déterminée. Si la fiche de cueillette lui était remise, elle la rapportait à la maison, mais parfois on leur indiquait simplement la quantité de baies qu’ils avaient cueillies. Lors de son entrevue onglet 8, page 46 – l’appelante a informé Mme Turgeon qu’elle était payée [traduction] « aux deux semaines ». L’appelante a convenu que cette réponse n’était pas exacte et qu’elle ne savait pas pourquoi elle avait dit ça. Elle se souvient que son mari avait perçu les deux chèques de paye de 1 316,25 $ et de 1 601,23 $ respectivement qui avaient été établis à l’ordre de l’appelante et qu’ils avaient tous les deux été déposés dans le compte de son mari à la coopérative d’épargne et de crédit. L’appelante a expliqué qu’elle et son mari n’avaient jamais remboursé d’argent aux Gill au sujet de leur emploi chez Gill Farms. L’avocate a cité l’entrevue onglet 8, page 47 – au cours de laquelle l’appelante avait expliqué à Mme Turgeon que, lorsqu’elle travaillait chez Berry Haven/Penny’s Farm, [traduction] « parfois mon fils travaillait et les heures m’étaient créditées ». Plus tard, en réponse aux questions que Mme Turgeon lui a posées dans le même sens, l’appelante a répondu qu’elle n’était pas certaine que les heures travaillées par son fils avaient été portées au crédit de l’appelante sur son relevé d’emploi mais qu’à l’époque, son fils était aux études et venait lui donner un coup de main au travail, sans pouvoir donner plus de détails à ce sujet. L’appelante affirme ne pas se souvenir d’avoir tenu ces propos au sujet de son fils.

 

[67]  L’appelante – Santosh Kaur Makkar – a été réinterrogée par Ronnie Gill. L’appelante a convenu que, lors de son entrevue avec Mme Turgeon, elle ne s’était pas souvenue avoir travaillé pour Lakeland jusqu’à ce que Mme Turgeon lui demande expressément si elle avait déjà travaillé à la cueillette de fleurs. Elle a expliqué qu’elle avait travaillé pour Penny’s Farm et Lakeland en 1999 et qu’elle était devenue admissible à des prestations d’assurance‑chômage en raison du nombre d’heures assurables accumulées dans le cadre de ces deux emplois.

 

Surinder Kaur Gill

 

[68]  Surinder Kaur Gill a témoigné en punjabi et les questions et les réponses ainsi que d’autres aspects de l’instance ont été interprétés et/ou traduits de l’anglais au punjabi et du punjabi à l’anglais par Russell Gill, interprète. Le recueil de documents de l’intimé qui concerne le présent appel – 2001‑2115(EI) – est la pièce R‑6. Elle est l’épouse de Gurdev Singh Gill – l’appelant dans l’appel 2001‑2098(EI) – qui a déjà témoigné dans le cadre de la présente instance. Le ministre a estimé que l’appelante n’avait pas exercé d’emploi assurable auprès de Gill Farms au cours de la période du 3 août au 12 septembre 1998 parce qu’elle avait un lien de dépendance avec le payeur. À titre subsidiaire, le ministre a estimé que, si l’emploi en question devait être considéré comme assurable, l’appelante avait effectué 108 heures assurables et que sa rémunération assurable s’élevait à 810,56 $. La thèse de l’appelante est que, comme l’indique son relevé d’emploi, à l’onglet 10, elle a effectué 324 heures assurables pour une rémunération assurable de 2 614,68 $.

 

[69]  Voici les hypothèses de fait particulières à l’appelante qui sont articulées aux alinéas 8h) à 8r) inclusivement :

 

h)  la société de personnes a, au cours de la période en cause, engagé l’appelante comme employée rémunérée à l’heure pour cueillir des bleuets et pour fournir à la ferme divers autres services connexes tels que le ramassage de branches mortes, l’installation et le démontage des filets, le binage, le sarclage, l’application de traitements par pulvérisation, le lavage des seaux, etc.;

 

i)  le relevé des heures établi par la société de personnes ne correspond pas aux heures effectivement travaillées par l’appelante;

 

j)  il arrivait parfois, que, selon les livres de paye, l’appelante était censée travailler et être payée alors qu’en fait elle n’avait aucun travail à faire;

 

k)  le nombre d’heures que les employés rémunérés à l’heure étaient censés avoir effectuées selon les feuilles de paye de l’appelante était trois fois plus élevé que celui prévu par la norme en vigueur dans l’industrie pour une ferme de cette taille;

 

l)  les dépenses salariales de la société de personnes pour 1998 excédaient les recettes réalisées cette année‑là;

 

m)  la société de personnes a délivré à l’appelante le 24 septembre 1998 ou vers cette date un relevé d’emploi indiquant que son premier jour de travail avait été le 2 août 1998 et que son dernier jour de travail avait été le 12 septembre 1998 et que l’appelante avait accumulé 324 heures assurables au cours de cette période, pour une rémunération assurable de 2 614,68 $;

 

n)  au moment des faits, l’appelante avait un lien de dépendance avec la société de personnes;

 

o)  compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, il n’est pas raisonnable de conclure que l’appelante et la société de personnes auraient conclu un contrat d’emploi à peu près semblable si elles n’avaient pas eu de lien de dépendance;

 

p)  l’appelante n’a en fait pas travaillé plus de 108 heures au cours de cette période;

 

q)  l’appelante était rémunérée au taux de 7,50 $ l’heure, majoré d’une indemnité de congés payés de 7,6 %;

 

r)  les gains réalisés par l’appelante au cours de cette période étaient de 810,56 $.

 

[70]  Surinder Kaur Gill a témoigné qu’elle est née en Inde en 1949 et qu’elle est arrivée au Canada en compagnie de son mari et de leurs quatre enfants en 1996. Ils ont habité chez leur fille jusqu’à ce qu’ils déménagent à Narang Farms, où elle et son mari travaillaient tous les deux à la cueillette des fraises, laquelle s’effectuait en position assise au milieu du rang. Elle a aussi cueilli des framboises, qu’elle déposait dans un seau qu’elle portait fixé à la taille. Elle cueillait des bleuets chaque année et, en 2005, elle a cueilli des framboises et des bleuets dans une ferme où elle était payée à l’heure pour la vingtaine de plateaux – 200 livres – de framboises qu’elle cueillait chaque jour. Elle travaille présentement comme ouvrière agricole par l’entremise d’un entrepreneur en main‑d’oeuvre agricole et elle est payée à l’heure – 8,32 $ – pour cueillir des bleuets, un travail qui l’occupe pendant neuf à onze heures par jour. On lui remet une seule fiche de cueillette sur laquelle on inscrit ses heures de travail et qui est passée à la pointeuse une fois que les baies sont pesées à la balance. En 1998, l’appelante et son mari ont commencé à travailler pour Gill Farms le 3 août, après avoir été mis en disponibilité par Sidhu Farms, où ils avaient cueilli des framboises. À son avis, un des membres de la famille Sidhu s’est entendu avec un des membres de la famille Gill pour qu’elle et son mari soient recrutés par Gill Farms. Elle ne se souvient pas de son salaire horaire, mais elle a travaillé avec son mari à la cueillette des bleuets conformément aux instructions que leur donnait Manjit Kaur Gill. Elle commençait à travailler vers 8 h et finissait vers 17 h 30, et l’heure du début et de la fin du travail ne variait pas de plus de 15 minutes dans un sens ou dans l’autre. En cas de début tardif, on finissait plus tard. Elle se rendait au travail dans le même véhicule que son mari et – à l’occasion – avec des femmes d’Aldergrove. Elle se souvient que le premier jour, elle était montée à bord d’un véhicule conduit par Harmit Kaur Gill, qui était venue la chercher et la reconduire la plupart du temps par la suite sauf lorsqu’à l’occasion Manjit ou l’un des enfants Gill servait de chauffeur. Elle habitait avec son mari à Sidhu Farms, à une douzaine de minutes de Gill Farms. Comme aucun autre travailleur de Gill Farms n’habitait sur la propriété des Sidhu, elle et son mari étaient les seuls travailleurs passagers à bord du véhicule le matin et le soir. À l’occasion, leur fils les accompagnait jusqu’au travail. Il jouait avec les enfants Gill les plus jeunes; sinon, il passait la journée chez un membre de la famille à Surrey. À la fin de 1998, avec les autres membres de sa famille, elle a quitté Sidhu Farms pour aller habiter dans une résidence non meublée d’Abbotsford. Ils ont dû acheter des meubles. Elle se souvient qu’elle avait un compte conjoint – avec son mari et Jasbir – à la Khalsa Credit Union, mais après s’être rendu compte que la succursale de Canada Trust demeurait ouverte plus tard, ils ont décidé d’ouvrir aussi un compte dans une succursale d’Abbotsford. À son emploi actuel, elle est payée aux deux semaines mais à la fin de la saison de 1998, son mari – et coappelant – Gurdev Singh Gill s’est occupé du règlement des comptes. En Inde, son mari s’était occupé de la gestion de la ferme tandis qu’elle restait au foyer familial et se chargeait de nourrir les employés et de leur fournir de l’eau. Au Canada, elle se présente rarement dans les établissements financiers, mais elle savait que ses chèques de paye de Gill Farms étaient déposés et que l’on gardait de l’argent comptant à la maison pour la famille. Elle a expliqué que les membres de sa famille avaient l’habitude d’utiliser de l’argent comptant, car c’est ce qu’ils avaient coutume de faire en Inde et qu’il était plus commode d’avoir en main une bonne somme en argent comptant au lieu d’avoir à demander à quelqu’un de les amener en voiture jusqu’à la coopérative d’épargne et de crédit ou à la banque, étant donné que ni elle ni son mari n’avait de permis de conduire. Même lorsqu’ils travaillaient pour Sidhu Farms, elle et son mari n’étaient pas payés toutes les deux semaines et leur fille de Surrey faisait l’épicerie pour eux. L’appelante se souvient de l’entrevue qu’elle a eue avec Mme Emery aux bureaux de DRHC le 18 janvier 1999 – où Paula Bassi était l’interprète punjabie – et elle a expliqué que, même si elle ne se sentait pas bien, elle avait tenté de répondre aux questions qui lui étaient posées. Lorsqu’elle travaillait pour Gill Farms, on lui remettait une fiche de cueillette et/ou on remettait une telle fiche à son mari et elle croit que la famille Gill s’en servait pour contrôler la production quotidienne moyenne. On versait les fruits du petit seau dans un récipient plus grand que son mari ou Manjit Kaur Gill transportait jusqu’à la balance, sauf lorsqu’elle et son mari étaient en route pour se rendre à leur pause‑café ou à la pause du midi, auquel cas ils apportaient les fruits avec eux pour les faire peser si l’un ou plusieurs de leurs récipients étaient pleins ou presque pleins. L’appelante a expliqué qu’elle peut cueillir 300 livres de petits fruits Blue Crop chaque jour mais qu’en 1998, elle ne pouvait en moyenne en cueillir que 200 livres par jour. Elle a expliqué cette différence surtout par le fait que la nouvelle version de cette variété produit une plus grande quantité de baies et qu’il est donc plus facile d’en cueillir plus dans la même journée. Suivant son expérience de travailleuse agricole, elle avait reçu une fiche de cueillette à divers moments au cours des emplois qu’elle avait exercés, mais pas chaque jour, étant donné que la fréquence semblait dépendre de la politique de l’employeur en cause. Dans le cadre de son emploi actuel, on lui remet chaque matin une fiche de cueillette qu’elle remet le soir au préposé à la balance. Elle et son mari reçoivent maintenant un chèque de paye toutes les deux semaines avec un talon indiquant le détail des heures travaillées, le taux de rémunération et le total des retenues. Elle a expliqué que son mari tient aussi un registre de leurs heures et qu’il vérifie les chèques pour s’assurer de leur exactitude. L’appelante se souvient que – chez Gill Farms – l’heure du départ était annoncée par Harmit ou par Manjit ou par Hakam Singh Gill après son retour du travail. Elle se souvient aussi d’avoir vu Rajinder Singh Gill sur la ferme à divers moments, le plus souvent à la fin de la journée de travail. L’appelante a expliqué que, même si elle avait donné un coup de main pour le démontage des filets qui protégeaient un ou plusieurs types de bleuetiers avant sa mise en disponibilité, la cueillette d’une variété de bleuets se poursuivait encore. L’appelante a expliqué qu’en 1998 et par la suite, elle avait eu l’intention de travailler autant que possible chaque saison, soit comme travailleuse agricole directement engagée par un agriculteur, soit par l’entremise d’un entrepreneur en main‑d’oeuvre agricole. Elle a ajouté que lorsqu’elle est mise en disponibilité par une ferme, elle essaie d’obtenir un autre emploi aussitôt que possible. Elle a estimé à plus de 900 le nombre d’heures qu’elle a effectuées en 2004.

 

[71]  L’appelante – Surinder Kaur Gill – a été contre‑interrogée par Me Amy Francis. L’appelante a expliqué qu’elle avait fréquenté l’école jusqu’en cinquième année en Inde et qu’elle peut lire et écrire le punjabi et qu’elle comprend les chiffres. Pour ce qui est du mode de transport qu’elle utilisait pour se rendre au travail et pour en revenir, elle a expliqué qu’autant qu’elle le sache, certains travailleurs de la région d’Aldergrove faisaient parfois du covoiturage avec elle et son mari. Autant qu’elle s’en souvienne, elle et son mari commençaient à travailler environ 10 ou 15 minutes après leur arrivée à Gill Farms – vers 8 h chaque matin – après avoir effectué un trajet de 12 à 15 minutes depuis leur résidence de Sidhu Farms. Elle ne se souvient pas si elle et son mari étaient les premiers travailleurs à arriver sur les lieux. L’avocate a rappelé à l’appelante que – à l’interrogatoire préalable – elle avait affirmé qu’ils avaient [traduction] « tous l’habitude de commencer ensemble » pour confirmer plus tard – en réponse à une autre question – qu’elle et son mari attendaient que les autres arrivent et qu’alors [traduction] « nous commencions tous à travailler ensemble ». L’appelante affirme que cette réponse est inexacte, sauf en ce qui concerne l’affirmation qu’elle et son mari commençaient à travailler ensemble. Elle a laissé entendre qu’elle s’était peut‑être trompée en raison de l’usage suivi dans les autres fermes où elle avait travaillé. Elle a convenu avec l’avocate que ses souvenirs devaient être meilleurs en 2002 qu’en août 2005 en ce qui concerne les particularités de l’emploi qu’elle exerçait en 1998. L’appelante a expliqué que, si le chauffeur allait être en retard, un des membres de la famille Gill lui téléphonait pour lui préciser à quelle heure il passerait probablement les prendre. L’appelante a reconnu sa signature à la dernière page du questionnaire, à l’onglet 3. L’avocate l’a renvoyée à la question 6 en ce qui concerne l’heure à laquelle on venait la chercher chaque matin et à sa réponse écrite : [traduction] « Pas d’heure fixe. On nous demandait d’être prêts pour 7 h 30 – 8 h, mais ils étaient rarement à l’heure ». L’appelante a expliqué que cette réponse n’était pas exacte même après que l’avocate lui eut signalé qu’elle avait donné une réponse semblable en employant les mots [traduction] « rarement à l’heure » en réponse à la question 13 à savoir si on passait la chercher à la même heure chaque matin. En réponse à la question 19 qui portait sur l’heure du départ à la fin de la journée, la seule personne mentionnée était Manjit : c’est elle qui disait aux travailleurs quand s’arrêter. L’appelante se souvient qu’on les ramenait chez eux – elle et son mari – peu après la fin de la journée de travail et qu’ils arrivaient habituellement à la maison vers 17 h 45 mais que – parfois – ils devaient attendre si les véhicules de la ferme étaient utilisés à d’autres fins à ce moment‑là. À l’interrogatoire préalable, elle avait expliqué qu’on les déposait à la maison chaque soir vers 18 h ou 18 h 15, en précisant que ces heures étaient inflexibles parce qu’« ils » – les membres de la famille Gill – avaient fixé les heures en question. Pour ce qui est de la question 10 portant sur le nombre de personnes qui voyageaient avec elle à bord de la fourgonnette ou du minibus, elle a répondu ce qui suit : [traduction] « Entre deux et six personnes ». En réponse à la question suivante, elle a parlé d’un [traduction] « camion blanc » et d’une [traduction] « voiture bleue ». L’appelante a expliqué qu’elle ne se souvenait pas – clairement – d’avoir fait du covoiturage avec jusqu’à quatre autres personnes, mais elle a admis que cette situation avait pu se produire, bien que rarement, parce qu’il n’était pas nécessaire qu’ils voyagent à bord du même véhicule que les travailleurs qui habitaient Abbotsford. Elle a répété qu’elle et son mari voyageaient habituellement seuls à l’aller comme au retour du travail. Elle a expliqué que leurs heures de travail étaient inscrites sur un calendrier. L’avocate a rappelé à l’appelante que la réponse qu’elle avait vraisemblablement donnée à Mme Emery (onglet 7, page 42), lorsque cette dernière lui avait demandé si elle consignait personnellement les jours et les heures qu’elle travaillait, était que, comme elle ne savait ni lire, ni écrire, elle n’avait rien consigné. En réponse à la question de savoir qui consignait les jours et les heures travaillés, l’appelante a répondu : [traduction] « La soeur de Manjit consignait les heures, etc. ». L’appelante a répliqué qu’elle consignait toujours par écrit le nombre d’heures qu’elle travaillait chaque jour et qu’elle ne savait pas pourquoi elle aurait dit qu’elle ne consignait rien personnellement. On l’a renvoyée aux notes – onglet 4 – de Harby Rai concernant la conversation téléphonique que cette dernière avait eue avec l’appelante et son mari le 19 août 1999. Renvoyée au paragraphe de ses notes – page 35 – où Mme Rai relate la déclaration – de l’appelante – suivant laquelle [traduction] « On installe les filets avant de commencer la cueillette des petits fruits. Une fois les petits fruits cueillis, on roule les filets », l’appelante a expliqué qu’il devait y avoir eu un malentendu au sujet des mots employés, parce que la cueillette était déjà commencée lorsqu’elle et son mari avaient commencé à travailler pour Gill Farms. Elle a nié avoir dit à Mme Rai qu’elle avait déjà installé des filets avant de commencer à cueillir des baies. En ce qui concerne l’usage consistant à transférer les baies d’un petit seau à un autre récipient chez Gill Farms, l’appelante ne se souvient pas d’avoir déposé les petits fruits qu’elle cueillait dans des plateaux, bien qu’elle ait vu ces récipients à la ferme et qu’il se peut qu’elle ait versé le contenu de son petit seau dans des plateaux pendant une ou deux journées au cours de son emploi. L’appelante a expliqué qu’elle croyait que tous les petits fruits étaient pesés parce que la famille Gill voulait savoir quelle quantité chaque travailleur cueillait. L’appelante a expliqué que les jours où elle et son mari travaillaient tous les deux, ils ne se séparaient pas de la journée et que chacun transportait son propre grand seau jusqu’à la balance s’ils étaient en route pour se rendre à leur pause‑café ou à la pause du midi. Son mari attendait que la pesée de leurs petits fruits soit terminée. On passait ensuite leurs fiches à la pointeuse et il allait la rejoindre à l’endroit où les travailleurs prenaient leur pause. L’avocate a renvoyé l’appelante à la réponse qu’elle a donnée – à l’interrogatoire préalable – lorsqu’on lui a montré une copie d’une fiche de cueillette identique à celle versée en preuve sous la cote R‑1 (onglet 33) et qui provenait de Gill Farms. L’appelante a répondu qu’elle faisait de la cueillette avec son mari et elle a poursuivi en expliquant qu’ils avaient travaillé ensemble dans le même rang, chacun avec son propre seau. L’appelante a expliqué qu’elle n’avait pas voulu donner l’impression – à l’interrogatoire préalable – qu’elle et son mari utilisaient la même fiche de cueillette et le même seau et elle a confirmé que chacun avait sa propre fiche de cueillette et ce, malgré le fait qu’elle avait parlé – à l’époque – d’une « fiche » que son mari conservait jusqu’au moment où il la remettait à un des membres de la famille Gill à la balance. L’appelante a expliqué qu’une fiche de cueillette lui était remise presque chaque jour et qu’elle ne pouvait dire avec certitude si ce souvenir était plus exact que ce qu’elle avait dit à l’interrogatoire préalable lorsqu’elle avait expliqué qu’on lui remettait une fiche de cueillette [traduction] « à l’occasion ». Lors de son entrevue – onglet 3 – Mme Emery lui a posé la question suivante – question 40, page 31 – : [traduction] « Que faisiez‑vous avec la fiche de cueillette? » Ce à quoi elle a répondu : [traduction] « Je la remettais à ma fille ». À la question de savoir si elle se servait d’une fiche de cueillette pour chaque jour de travail, l’appelante a répondu par l’affirmative. L’appelante a affirmé qu’elle ne pouvait expliquer pourquoi elle avait donné ces réponses et elle a ajouté qu’elle n’avait pas l’habitude de signer un document sans en connaître la teneur. Bien que sa représentante – Ronnie Gill – ait interprété les questions et ait rempli le questionnaire en son nom, l’appelante doute qu’elle ait déclaré avoir remis une fiche de cueillette à sa fille parce qu’il n’était pas nécessaire d’utiliser les fiches pour calculer le salaire gagné. L’avocate a souligné que Ronnie Gill avait noté à la première page du questionnaire – onglet 3, page 26 – que l’appelante avait consulté un registre pour y trouver des renseignements – au sujet de dates – mais qu’elle avait été informée que Ronnie Gill préférait que l’appelante réponde aux questions du questionnaire en se fiant à ses propres souvenirs. L’appelante ne se souvient pas de l’existence d’un registre ou d’un calepin et elle ajoute qu’on se serait débarrassé de toute pièce – comme un calendrier – une fois les comptes réglés et qu’aucune pièce n’aurait encore existé en date du 23 février 2000, date figurant sur le questionnaire. L’appelante se souvient que la balance était déplacée à divers endroits sur la ferme des Gill pour raccourcir la distance à parcourir pour transporter les baies à partir du lieu de cueillette où se trouvaient les cueilleurs. Si les fruits étaient cueillis dans des rangs situés plus près d’un garage, on transportait la balance à côté du garage. À l’interrogatoire préalable, l’appelante a expliqué que Harmit pesait les fruits dans le garage – surtout – et elle ne se souvient pas que l’on ait utilisé une balance dans les champs. L’appelante a répondu que son cerveau ne fonctionnait pas très bien lors de l’interrogatoire préalable parce qu’elle était très perturbée, mais qu’elle était moins nerveuse lorsqu’elle avait témoigné dans le cadre de la présente instance. Elle a expliqué qu’aucun argent n’avait été remboursé à la famille Gill au sujet de son emploi ou de celui de son mari. Au cours de son entrevue, on a demandé à l’appelante – onglet 7, page 43 – si elle avait remboursé de l’argent aux Gill en échange de semaines (à calculer lors de l’établissement du relevé d’emploi). Mme Emery a consigné ainsi la réponse de l’appelante : [traduction] « Son mari s’en occupait; elle ne le sait pas. Les hommes s’occupent de ces questions ». Elle se souvient de la raison pour laquelle le chèque daté du 26 octobre 1998 – onglet 9 – n’avait été déposé que le 19 novembre 1998 était que la conserverie n’avait pas encore payé Gill Farms. Elle a présenté une demande de prestations d’assurance‑chômage – onglet 11 – et a reconnu sa signature. Elle a expliqué que personne de chez Gill Farms ne l’avait aidée à remplir le formulaire.

 

[72]  L’appelante – Surinder Kaur Gill – a été réinterrogée par sa représentante. L’appelante a reconnu que certaines de ses réponses renfermaient des contradictions au sujet du début et de la fin de son travail mais elle a précisé qu’elle ne portait pas de montre. Elle a démontré qu’elle était capable de dire l’heure en lisant l’heure correctement sur l’horloge de la salle d’audience. Elle a expliqué que ce qu’elle voulait dire – dans les réponses qu’elle avait données au fil du temps – c’est qu’elle avait bien remarqué l’heure à laquelle elle rentrait du travail. Au cours de son entrevue avec Mme Emery – onglet 7 – l’appelante a été invitée à relater l’ordre dans lequel elle avait effectuait son travail, ce à quoi elle a répondu – à la page 41 – [traduction] « cueillir des bleuets, rouler les filets », sans faire allusion à l’installation des filets.

 

Hakam Singh Gill

 

[73]  Hakam Singh Gill (Hakam) a témoigné en punjabi. L’interprétation et/ou la traduction – de l’anglais au punjabi et vice versa – des questions et des réponses ainsi que d’autres aspects de l’instance ont été assurées par l’interprète Kashmir Gill. Hakam et son frère Rajinder Singh Gill sont associés dans une entreprise exploitant la ferme Gill Farms. Ils sont intervenants dans la présente instance. Hakam a déclaré qu’il est arrivé au Canada à l’âge de 18 ans, venant de l’Inde, où il avait terminé sa 8e année, avant de travailler sur la ferme de 13 acres de son grand‑père, consacrée à l’arboriculture et à l’élevage de buffles. Son grand‑père l’avait autorisé à participer à la gestion de la ferme en sus de sa responsabilité de nourrir les animaux et d’en prendre soin, ce qui lui prenait environ trois heures par jour. Au Canada, il a fréquenté l’école pendant six mois, à Mackenzie, en Colombie‑Britannique, puis il a abandonné ses études en 9e année pour travailler pour Canadien Pacifique Limitée, à l’entretien des voies, sous la surveillance d’un contremaître. Plus tard, il a travaillé à Prince George (C.‑B.), au chargement et au tri du fret. En 1975, il est déménagé dans la région d’Abbotsford et, après son mariage à Harmit Kaur Gill, le couple a vécu chez le frère Rajinder, à Langley. L’appelant a travaillé dans une usine de rabotage pendant trois ans, puis pour Fraser Pulp Chips Ltd., où il travaille actuellement. À Langley, la maison était enregistrée au nom de Rajinder, mais elle appartenait conjointement à Hakam, et ils s’en sont servis comme monnaie d’échange dans l’acquisition, en septembre 1979, de la propriété utilisée ensuite par la société de personnes créée pour exploiter Gill Farms. Hakam a expliqué que c’était son idée d’acheter la ferme, et Rajinder a souscrit à son plan de mettre la terre en valeur pour permettre l’exploitation d’une entreprise agricole. Avant de concrétiser l’achat, Hakam a discuté d’agriculture avec des amis qui possédaient de l’expérience dans le domaine. Il en a conclu que cette activité pourrait procurer un revenu convenable. Au moment de l’acquisition, la terre était ensemencée en herbe sur toute sa superficie, puisque le propriétaire précédent y avait élevé des bovins. À la mi‑novembre, avant le temps des pluies, on a enlevé l’herbe en cinq ou six opérations menées au moyen de charrues et de pulvériseurs. Les frères Gill ont planté des fraisiers et effectué une récolte en 1981. Cependant, après la deuxième année, ils ont enfoui une partie de ces plantes par labour pour en faire de l’engrais vert et ont planté des framboisiers, des brocolis, des choux‑fleurs et des choux de Bruxelles. Les résultats ont été quelque peu mitigés, parce que le sol de la ferme, très argileux, ne se prêtait pas à ces cultures. En tout, on avait consacré six acres aux fraises mais la longévité des fraisiers n’était que de trois ans. Alors que la terre appartenant à ses amis d’Abbotsford était capable de porter des fraises, des framboises et des légumes, Hakam découvrit, en faisant des recherches, qu’il devrait convertir la terre en bleuetière. Il entreprit de réaliser ce plan par étapes. Pendant cette période, son frère et lui occupaient un emploi à plein temps et investissaient dans la ferme. En 1982, Hakam et son frère ont planté une acre en bleuetiers de deux ans. Comme la croissance était satisfaisante, ils ont décidé d’augmenter la superficie en bleuets et y ont ajouté quatre acres en 1984. En 1986, la surface plantée en bleuets a encore augmenté. Les premiers bleuetiers plantés sur la parcelle d’une acre avaient alors entre six et sept ans. Cependant, il s’agissait de plantes obtenues bon marché, qui appartenaient à différentes variétés. Certains bleuetiers étaient morts, et on avait dû les remplacer. Comme le terrain était inégal, les plantes se trouvant en zone très argileuse n’ont pas survécu, en partie faute d’un réseau d’irrigation. Bien que toutes les plantes eussent produit des fruits après cinq ans, les oiseaux mangeaient la récolte, et la réussite financière était entravée par l’absence d’un plan efficace de commercialisation pour Gill Farms. En 1994‑1995, les propriétaires ont commencé à utiliser des filets pour protéger la récolte et obtenir un niveau rentable de production. Avant d’appliquer les conseils de confrères du secteur et de se procurer des filets, les intervenants ont tenté d’effaroucher les oiseaux par des moyens acoustiques (battement du tambour et canon au propane qui tonnait à intervalles réguliers). La volée d’oiseaux – constituée de cinq ou six espèces de bruants – vivait à proximité et avait comme commensaux de nombreuses corneilles. Les filets ont permis une amélioration sensible, et Hakam a déclaré qu’il avait également appris de meilleures techniques de culture des bleuets. Il demandait régulièrement conseil sur les questions telles que la pulvérisation, l’arrosage et, souvent, il acquérait de l’expérience de façon empirique. En 1992, il a installé un réseau d’irrigation raccordé à un puits et un petit moteur pour apporter l’eau à la culture. Quelqu’un lui a donné l’idée de stocker un volume important d’eau dans une dépression pendant la période des pluies. Donnant suite à cette recommandation, il a loué une excavatrice pour creuser un réservoir d’où, ensuite, l’eau pourrait être pompée directement vers la culture en utilisant cette source conjointement avec l’eau du puits. En 1998, le réseau d’irrigation fonctionnait de manière satisfaisante, mais, dès 1993, une conduite, d’un diamètre de 1 à 1,5 pouce de diamètre transportait l’eau directement vers les racines des plantes, lesquelles étaient irriguées au goutte‑à‑goutte par une série de goutteurs. Grâce à cette irrigation appropriée, les plantes ont mieux crû et augmenté leur production annuelle de fruits, en partie grâce à l’adoption de plusieurs mesures, techniques et améliorations par les intervenants au fil de plusieurs années. Hakam a déclaré avoir appris que l’épandage d’une ou deux pelletées de sciure autour des racines favorisait les plantes en préservant l’humidité et en protégeant les racines contre les effets de l’éclairage direct et intense du soleil pendant l’été et contre le froid de l’hiver. Pendant la partie chaude de l’été, la température à la ferme peut approcher les 40 degrés Celsius (oC) pendant une semaine ou plus. Il avait été étonné de découvrir une telle différence dans la qualité des sols, particulièrement en ce qui concerne la teneur en argile, entre leur terre d’Aldergrove et la propriété de ses amis d’Abbotsford, même si la distance entre les deux localités n’était que de cinq à dix kilomètres. Il a déclaré que, dans la culture indienne, on s’attache fortement à la terre et à la maison d’origine et que l’on s’efforce d’en conserver la propriété même si on ne les habite plus ou si on ne les utilise plus personnellement. Afin d’améliorer les conditions de croissance, il a pulvérisé une substance pour inhiber la croissance de l’herbe et il a appliqué, deux fois, la substance convenable en avril, pour tuer un champignon et, de temps à autre, soit un fongicide soit un pesticide pour résoudre le problème qui se posait. Il a effectué deux ou trois pulvérisations, dès la floraison des bleuetiers. Toujours, il a tenu compte de l’avis des détaillants de ces produits chimiques. Pendant la saison de végétation, aucune substance n’est pulvérisée directement sur les plantes, mais, en été, ces produits servaient à tuer l’herbe, qui atteint souvent une hauteur de 12 à 18 pouces et utilise les éléments nutritifs dont les bleuetiers ont besoin pour fructifier. Hakam a déclaré qu’il veillait particulièrement à s’assurer qu’aucun produit pulvérisé ne se déposait sur les bleuetiers. Un autre problème est causé par les limaces (petit mollusque sans coquille, de la classe des gastéropodes) qui se cachent dans l’herbe et passent des hautes tiges d’herbe aux bleuetiers dont elles mangent les feuilles et les fruits. Une autre technique employée consistait à tailler les branches des plantes de façon à réduire la possibilité de contact avec l’herbe. Hakam a expliqué qu’il devait effectuer des pulvérisations parce que les cueilleurs se plaignaient des hautes herbes, lesquelles, croyaient‑ils, cachaient des serpents venimeux comme en Inde. Le dispositif de pulvérisation consiste en un tracteur et en une cuve à laquelle sont fixés de longs tuyaux souples que les travailleurs doivent tenir pour éviter le contact avec les bleuetiers, car le poids des tuyaux endommagerait les bleuetiers. En plus de la pulvérisation, Harmit et Manjit piétinent l’herbe pour la coucher au sol afin de montrer aux travailleurs qu’il ne s’y cache pas de serpent. Après la mort de l’herbe traitée, on n’effectuait pas d’autres travaux à moins que la matière morte n’eût été près des racines des bleuetiers, auquel cas on l’enlevait à la main, au moyen de petits outils. Vers la fin d’octobre, après la récolte, on effectuait des pulvérisations pour tuer certains insectes qui pondaient à cette époque. Hakam a déclaré que l’on binait après le 15 mai, opération qui prenait entre deux et deux semaines et demie. À la fin de la récolte, le démontage, la réparation et l’enroulement convenable des filets pour les ranger jusqu’à la saison suivante prennent énormément de temps. Hakam a énuméré d’autres tâches exécutées à la fin de la saison par les travailleurs, notamment le binage, l’épandage de sciure, au besoin, et la suppression des branches sèches et brisées, pour empêcher les insectes de s’en servir pour la ponte. La sciure est transportée par camion de la scierie à la ferme et versée sur une aire dégagée. On la transporte de ce tas jusqu’aux plantes qui en ont besoin avec des brouettes et des seaux et on en étend jusqu’à 1,5 pouce d’épaisseur à l’intérieur d’un périmètre de 1,5 pied de circonférence. Selon l’expérience de Hakam, la plupart des plantes avaient besoin de sciure parce que les cueilleurs, pendant leur travail, déplaçaient une partie de ce matériau protecteur. Une taille sévère est effectuée pendant l’hiver et c’est Hakam qui s’en charge personnellement pour s’assurer de la suppression des branches brisées par la neige, la glace ou les fortes pluies. Plus tard, des travailleurs peuvent effectuer une taille moins sévère. Il a expliqué que de nouveaux travailleurs sont embauchés à chaque saison et qu’il faut les former aux diverses tâches à accomplir. Il a décrit l’installation des filets, qu’il faut délier, dérouler, puis transporter – ce qui prend trois personnes – jusqu’aux rangs de perches fichées dans le sol. Ensuite, deux travailleurs ou plus grimpent dans des échelles et doivent veiller à ce que les filets ne touchent pas les plantes pendant qu’ils les suspendent à des fils métalliques. Parfois, si les crochets sont mal placés, le filet se coince, et il faut du temps pour résoudre ce problème. Les perches – elles ont huit pieds de hauteur – sont distantes d’environ 30 pieds. Au bout des perches, on enfonce des clous, et un fil métallique principal sert à attacher d’autres fils. Entre les perches, le filet s’affaisse jusqu’à une hauteur d’environ six pieds. Pendant qu’ils manipulent une nappe de filet, des travailleurs la soulèvent au‑dessus de leur tête, pendant que des collègues grimpent dans des échelles en tenant le filet d’une main et, de l’autre, accrochent les fils au fil principal tendu entre les perches. L’ensemble de filets est constitué de deux nappes longues, chacune, de 300 pieds. Auparavant, Gill Farms utilisait un filet de 600 pieds de longueur, d’un seul tenant, mais son installation était plus difficile. Hakam a déclaré que l’installation des filets est principalement effectuée par des femmes de 40 à 45 ans et que, même si on embauche de nouveaux travailleurs chaque année, la plupart se trouvent dans cette tranche approximative d’âge. Il a déclaré qu’il préférait revoir des personnes expérimentées la saison suivante, particulièrement pour l’installation des filets, car cette tâche prend du temps, les nouveaux travailleurs doivent y être formés et on doit leur montrer comment exécuter les tâches nécessaires. Beaucoup de travailleurs sont des immigrants qui viennent d’arriver, mais, chez Gill Farms, la règle de conduite consiste à ne pas obtenir d’autres renseignements que le nom, l’adresse et le numéro d’assurance sociale des travailleurs. Il a ajouté qu’aucune autre forme d’identification – y compris l’identification par une photo – n’était demandée. Hakam a expliqué que c’est toujours un problème que d’embaucher des cueilleurs, de sorte qu’il est avantageux d’offrir un salaire horaire aux travailleurs, qui seront assidus au travail tant qu’on aura besoin d’eux. D’autres travailleurs, des occasionnels, sont rémunérés à la pièce. En 2005, cette rémunération était de 0,45 $ la livre, dans le cas des travailleurs en poste depuis le début de la saison, quand les fruits n’étaient pas aussi abondants, tandis que les travailleurs arrivés plus tard étaient payés 0,40 $ la livre, ou 0,42 $ la livre s’ils pouvaient se déplacer par leurs propres moyens pour se venir au travail et en partir et s’ils promettaient de rester jusqu’à la fin de la saison. Hakam a déclaré que, pour ce qui concerne la récolte de 2005, des variétés avaient subi de lourds dégâts en raison d’un gel hâtif, et, parce que la récolte serait probablement inférieure à celle des années antérieures, il prévoyait que les travailleurs payés à l’heure pourraient s’occuper tout seuls de la cueillette. En 2004, la récolte a été plus abondante, et l’appelant a évalué que chaque travailleur cueillait entre 30 et 35 livres de fruits à l’heure. Bien qu’il préférait payer les travailleurs à l’heure, il consentait à rémunérer un cueilleur à la pièce si ce dernier insistait. Grâce à la bonne récolte de 2004, le prix des terres cultivées de la région a augmenté parce que les éventuels acheteurs escomptaient un profit. Hakam a déclaré que bien que Gill Farms soit actuellement une entreprise rentable, cela avait exigé de nombreuses années d’effort, d’investissement et d’apprentissage, et tout cela faisait partie du processus visant à accroître le rendement de la récolte. Il a reconnu que son frère Rajinder n’était pas très intéressé par l’agriculture, mais que la femme de Ranjinder, Manjit, participait beaucoup à l’entreprise. Chaque année, les frères consultaient le comptable de la ferme et demandaient conseil pour ce qui concerne l’exploitation agricole. Au fil des nombreuses années, celle‑ci avait perdu de l’argent, mais Hakam a expliqué que le comptable lui avait dit que cela n’était pas inhabituel dans le secteur agricole. Plus tard, un autre comptable a été embauché, et la situation financière a également commencé à s’améliorer. Toujours, Hakam a cherché conseil sur les salaires et d’autres pratiques applicables aux travailleurs et il a discuté, avec la famille et des amis qui s’y connaissaient, de méthodes permettant d’accroître les revenus. Sa fille Satnam a obtenu un permis l’autorisant à mélanger la substance à pulvériser sur la culture. Elle lisait les consignes d’utilisation du produit sur les emballages et elle s’assurait de comprendre la notice du fabricant et de s’y conformer. Les produits étaient achetés d’un détaillant local dont le commis parlait punjabi. Satnam supervisait le mélange. Ce dernier effectué, Hakam conduisait le tracteur tirant la remorque portant la cuve à laquelle des rampes, des tuyaux flexibles et des buses étaient fixés. Actuellement, on utilise un nouveau système de pulvérisation, mais la vieille méthode était toujours employée en 1998. Hakam a déclaré qu’il avait tenté d’obtenir un permis l’autorisant à utiliser pesticides et herbicides, mais que sa capacité de lire et d’écrire l’anglais était trop limitée, et qu’il avait abandonné le cours. Gill Farms rétribuait Satnam pour le temps, une ou deux journées par saison, pendant lequel on faisait appel à ses compétences. Tandis que Hakam s’occupait du fonctionnement quotidien de la ferme, Rajinder se chargeait des opérations bancaires et, en 1998, la société de personnes devait verser des mensualités de remboursement de l’hypothèque sur la terre. En 1997‑1998, on a construit une nouvelle maison dans laquelle Hakam et sa famille, Rajinder et sa famille et leur mère ont emménagé. L’ancienne maison, acquise avec la terre, a servi de domicile familial jusqu’à ce que la nouvelle maison soit prête. On l’a ensuite louée. Hakam a déclaré qu’il a fallu emprunter à des amis de temps à autre, particulièrement avant 1998 et probablement au cours de cette année‑là également. Il remboursait les emprunts grâce à son revenu d’emploi et au revenu de la vente des fruits. Lorsque ses enfants les plus vieux ont commencé à travailler à l’extérieur, ils ont pu aider à payer les dépenses du ménage. Il s’est reporté au croquis – pièce R‑1, onglet 4, p. 20 – et à la surface portant la légende [traduction] « nouvelle maison » sur le devant de la propriété, près de la route Lefeuvre. L’ancienne maison est derrière, et l’on voit également une remorque à environ 25 pieds de la clôture du voisin. Des bleuetiers se trouvent sur trois côtés de l’ancienne maison, près d’une surface légendée [traduction] « filtre à sable » à côté de l’allée. Tous les trois ou quatre ans, on transporte depuis l’usine huit ou dix camions de sciure que l’on dépose en un gros tas que l’on n’a pas besoin de couvrir en hiver parce que la sciure ne craint pas la pluie. Hakam et sa femme ont trois fils et trois filles. Un fils a travaillé une ou deux saisons à la ferme contre salaire. Occasionnellement, au besoin, un ou plusieurs des enfants effectuait des tâches, et les trois fils et la fille de Rajinder travaillaient aussi de temps à autre, en cas de besoin. En 1998, Gill Farms possédait plusieurs véhicules qui servaient à diverses fins, notamment à la livraison des fruits aux conserveries ou à d’autres acheteurs et au transport des travailleurs : une camionnette quatre portes, pouvant transporter sept passagers outre le conducteur, et deux voitures. Tous les véhicules étaient partagés par les membres des deux familles. Hakam a déclaré qu’il utilisait la camionnette pour livrer les fruits à une conserverie, au retour de son travail à l’usine, à 16 h. Rajinder et ses fils faisaient également des livraisons aux conserveries. Les grosses réparations étaient confiées à un atelier commercial, mais l’entretien ordinaire relevait du fils de Hakam et de celui de Rajinder. L’été, Hakam prenait ses vacances pendant la dernière semaine de juillet et la première d’août, afin de travailler à la ferme. De retour à la ferme à 16 h, il restait seulement une heure, à peu près, de travail avant la fin de la journée. Il vidait les seaux de fruits dans des plateaux, triait les fruits et les transférait dans des caisses de 40 livres qui, en 1998, devaient être chargées à la main dans le camion parce que Gill Farms n’avait pas encore acquis le tracteur Bobcat muni d’une chargeuse. En 1999, Gill Farms a essayé une machine à récolter les bleuets, tirée par un tracteur, mais cette machine s’est révélée décevante, parce que, lorsqu’elle secouait les bleuetiers, les fruits tombaient sur le sol et que, également, elle faisait tomber les fruits encore verts. Un autre problème découlait de l’inégalité du terrain, ce qui imposait beaucoup de réglages à la machine. Pendant les essais de la machine, des plantes ont été endommagées, et la famille a tenu une discussion et décidé de retourner la machine qui avait été conduite par le vendeur‑démonstrateur. À cette époque, Harby Rai et d’autres ont visité la ferme, le 12 août 1999, et Hakam s’est rappelé avoir parlé à Mme Rai, lui avoir montré la machine qui se trouvait dans la bleuetière et lui avoir fait remarquer qu’il était à la recherche de cueilleurs. Après que la machine eut effectué la récolte de deux rangs de bleuets, Hakam a décidé que le système ne fonctionnait pas et il a mis fin à l’expérience. Il se rappelle que Mme Rai lui a demandé pourquoi seulement la moitié des filets étaient installés et il avait répondu qu’on en avait démonté une nappe pour permettre le passage du tracteur et de la machine au‑dessus des bleuets. Après être revenu à la cueillette manuelle, il a fallu réinstaller la nappe de filet parce que les oiseaux mangeaient les fruits. L’année précédente, en 1998, Gill Farms avait éprouvé des difficultés à trouver des cueilleurs, et des membres de la famille demandaient souvent à d’autres producteurs de la région de leur faire savoir si des travailleurs étaient libres après la fin de leurs travaux, habituellement après le temps des framboises. Hakam a déclaré qu’il faisait du covoiturage avec trois personnes jusqu’à son travail, à l’usine, et qu’il leur avait demandé si elles connaissaient d’éventuels cueilleurs de bleuets. Un gendre de Himmat Singh Makkar et de Santosh Kaur Makkar travaillait à l’usine, et c’est par ce truchement que ces appelants sont venus travailler pour Gill Farms. Hakam a également fait savoir dans les environs d’Abbotsford que Gill Farms avait besoin de cueilleurs. À son avis, les fruits cueillis à la main sont préférables aux fruits récoltés mécaniquement, parce que ces derniers ne peuvent pas être vendus sur le marché du frais, où le prix est d’environ 0,15 $ la livre de plus que le produit de seconde catégorie vendu aux conserveries. Bien que la machine soit plus rapide qu’une équipe de cueilleurs, la qualité de la récolte est inférieure et, avant la livraison à la conserverie, il faut débarrasser la récolte des fruits verts et des débris. Gill Farms a livré des caisses de 30 livres à la ferme Greenfield Farms pour la revente à des détaillants alimentaires. On nettoyait les bleuets au moyen d’un convoyeur à bande mû par un moteur électrique qui avait été acheté en 1997. Parce que Greenfield voulait des fruits de catégorie A, Gill Farms préférait disposer d’un préavis de deux jours avant la livraison pour préparer une commande spéciale, puisque, ordinairement, on ne nettoyait les fruits qu’au cours du transfert des seaux aux caisses ou aux plateaux, si les fruits étaient vendus à des conserveries ou directement à des clients qui visitaient la ferme. Hakam transigeait avec les conserveries, mais il relevait de Rajinder de répondre aux appels téléphoniques de Greenfield et d’autres et de donner des directives aux travailleurs pour préparer ces commandes. On a renvoyé Hakam à la pièce R‑1, onglet 34, ainsi qu’aux photocopies des reçus de la vente de bleuets à des revendeurs, qui avaient également demandé que les fruits soient nettoyés par les travailleurs au moyen du convoyeur à bande. Il savait que ces reçus avaient été remis en vertu d’un engagement pris lors de l’interrogatoire préalable et il a ajouté que certains reçus pour ces types de ventes pouvaient avoir été égarés ou perdus entre‑temps. Les clients venant à la ferme pour acheter des fruits contre argent comptant allaient dans le garage, où on apportait une balance pour faire la transaction. À un moment donné, Gill Farms possédait deux balances : quand la première avait fait défaut, on avait acheté la seconde et, après la réparation de la première, on a continué de s’en servir pour éviter des pas entre les lieux de la cueillette et le lieu de la pesée des fruits. En 1998, parce que Gill Farms n’avait pas encore acquis de chariot élévateur à fourche, tous les fruits étaient transportés et entreposés dans le garage jusqu’à leur livraison à la conserverie. Une fois par jour, on chargeait à la main les fruits se trouvant dans des plateaux, sur des palettes et/ou dans de gros récipients dans la camionnette et on livrait le chargement à une conserverie. Hakam a déclaré que, en 1998, Gill Farms accordait un salaire horaire de 8 $ aux travailleurs payés à l’heure, tandis qu’il payait les ouvriers à la pièce 0,30 $ la livre. Gill Farms payait par chèque, mais pas à toutes les deux semaines, parce que l’entreprise éprouvait des problèmes de liquidités et que, souvent, elle devait attendre d’être payée par une ou plusieurs conserveries. Parfois, Hakam utilisait l’argent de son salaire à l’usine pour payer les ouvriers. Les chèques, préparés par Harmit, devaient être signés par Hakam et Rajinder. Les retenues à la source étaient prélevées conformément aux conseils d’un employé de leur comptable, que l’on informait du nombre d’heures travaillées par chaque employé. Quand il le fallait, le bureau du comptable préparait également les relevés d’emploi et les feuillets T4. Hakam a reconnu que le livre de paye – pièce R‑8, onglet 23 – était préparé par sa femme, Harmit, et régulièrement communiqué au comptable. Dans la même pièce – onglet 17 – il a reconnu sa signature sur un relevé d’emploi délivré à Manjit K. Gill et il a déclaré qu’il avait l’habitude de se faire expliquer par Harmit ou l’un de ses enfants les plus vieux le contenu de ce relevé d’emploi avant de le signer. Il supposait que les renseignements qui s’y trouvaient, remplis par l’employé du comptable, étaient exacts. Il s’est rappelé avoir assisté à une réunion aux bureaux de DRHC, à Langley, le 20 mai 1999, avec quatre membres de sa famille et leur comptable et quatre fonctionnaires, un autre comptable et Nav Chohan, qui agissait à titre d’interprète du punjabi. Il a cru comprendre que l’objet de cette réunion était de discuter de certaines contradictions et de donner des explications sur des questions particulières qui préoccupaient les fonctionnaires de DRHC. Hakam Singh Gill a déclaré avoir alors remarqué, sur la table, un magnétophone qui y est resté durant les longues discussions. Aux questions qu’on lui a posées, il a donné des réponses et des explications qu’il a considérées comme justes. Dans sa déclaration de revenus de 1995 – pièce R‑2, onglet 48 –, Hakam a déclaré un revenu d’emploi de plus de 40 000 $ et, selon la déclaration des revenus et des dépenses agricoles – page 803 – tous les revenus agricoles provenaient de la vente de bleuets, dont le montant totalisait 35 701,98 $, tandis que les salaires totalisaient 52 806,15 $ et que les dépenses totalisaient 69 736,05 $. Hakam a déclaré qu’on tenait une rencontre où l’on réglait les comptes avec les travailleurs mis en disponibilité et que, parfois, il se trouvait à la maison quand sa femme Harmit discutait de questions comme des heures travaillées et de la rémunération déjà versée avec un travailleur à la remise du dernier chèque. Il a déclaré qu’aucun travailleur de Gill Farms n’a jamais payé en retour une partie de sa rémunération à un membre de la famille Gill. En ce qui concerne les ventes au comptant, Hakam a été d’avis qu’un certain livre avait été perdu dans lequel d’autres ventes avaient été notées. Occasionnellement, ses fils Gurdeep et Baljit peuvent avoir vendu un peu de bleuets et s’ils ont été payés comptant plutôt que par chèque, ils peuvent avoir conservé la somme reçue pour leur propre usage. À la réunion du 20 mai 1999 aux bureaux de DRHC à Langley, les notes – pièce R‑1, onglet 24, p. 247 – prises par Mme Turgeon indiquent que Hakam a dit que les ventes de fruits de Gill Farms sur le bord de la route totalisaient environ 2 000 $ annuellement, que 4 000 livres de fruits avaient été vendues à Hamilton Farms en 1998 et que ces ventes figuraient dans l’état financier de l’exploitation agricole. Pour ce qui concerne les ventes sur le bord de la route, Hakam a estimé que le prix moyen était 1,30 $ la livre en 1998. Pendant la réunion, quelqu’un de DRHC a demandé comment Gill Farms pouvait survivre d’année en année lorsque les pertes d’exploitation accumulées semblaient excéder 150 000 $, et Mme Turgeon avait noté une réponse – celle de Harmit – selon laquelle, en 1998, la famille Gill avait contracté auprès de trois personnes un emprunt totalisant 30 000 $. On a renvoyé Hakam à sa déclaration de revenus – pièce R‑2, onglet 50 – pour l’année d’imposition 1998 dans laquelle il a déclaré un revenu d’emploi de près de 48 000 $ et a demandé que soit appliquée – en réduction d’autres revenus – une déduction correspondant à sa part de 50 % de la perte agricole totale, qui s’élevait à 44 170,23 $, et qui s’établissait ainsi parce que la ferme avait généré des revenus de seulement 85 712 $, mais avait engagé des dépenses totalisant 129 882,23 $, y compris 89 348 $ en salaires et traitements. Le ministre a accepté la totalité des pertes agricoles à l’égard desquelles Hakam et Rajinder avaient demandé des déductions, mais, avant 1998, chaque associé semble n’avoir eu droit qu’à une déduction pour perte agricole restreinte, conformément à la disposition pertinente de la Loi de l’impôt sur le revenu. En 1997, d’après la déclaration de revenus de Hakam – pièce R‑2, onglet 49, à compter de la page 825 –, son revenu d’emploi était 47 608 $, mais le revenu agricole brut n’était que de 45 656 $, y compris 43 500 $ provenant de la vente de fruits. En 1998, le revenu de Rajinder n’était que de 8 399 $. Revenant à la question des pratiques agricoles ayant cours à Gill Farms en 1998, Hakam a déclaré que les fruits étaient parfois gardés la nuit et ne subissaient pas de dégradation du fait de ce court entreposage. La récolte se poursuivait pendant une légère averse et ne s’arrêtait que s’il pleuvait fort. Souvent, les prévisions météorologiques indiquaient un temps dégagé et chaud vers la fin de la journée, ce qui permettait aux fruits de sécher. Si on arrêtait la récolte pendant une pluie, les travailleurs effectuaient d’autres tâches telles que le lavage des seaux. Pendant la réunion aux bureaux de DRHC, Mme Turgeon a noté – pièce R‑1, onglet 24, page 243 – les réponses de Hakam selon lesquelles seulement une journée de cueillette avait été perdue à cause de la pluie en 1998 parce qu’il faisait très chaud cette année‑là. Hakam a reconnu que sa réponse était juste et il a ajouté que même s’il pouvait pleuvoir sur la ferme, il pouvait ne rien tomber trois ou quatre kilomètres plus loin et que c’était parfois l’inverse qui se produisait.

 

[74]  Hakam Singh Gill a été contre‑interrogé par Me Amy Francis. Il a confirmé qu’en 1998, il était propriétaire de la ferme depuis 19 ans avec son frère et qu’au fur et à mesure que l’entreprise agricole avait pris de l’essor, il était devenu nécessaire d’embaucher des travailleurs de l’extérieur. Vers 1995, Harmit et Manjit ont commencé à travailler à temps plein durant la saison pour la société de personnes des frères Gill. Harmit a commencé un peu plus tard parce qu’elle travaillait déjà dans une conserverie. Hakam a expliqué qu’autant qu’il s’en souvienne, sept ou huit travailleurs payés à l’heure avaient été engagés en 1996 et qu’on engageait au besoin des cueilleurs occasionnels. Au cours de la saison 1997, Gill Farms a engagé huit ou neuf travailleurs payés à l’heure en plus de recruter des cueilleurs occasionnels. Le nombre de travailleurs payés à l’heure a été porté à 15 en 1998. L’avocate a souligné que le nombre de travailleurs avait doublé en seulement deux ans. Hakam a répondu en soulignant que les ventes de petits fruits avaient doublé au cours de la même période mais que le prix payé par les conserveries n’avait augmenté que de cinq à dix cents la livre. La récolte varie d’une année à l’autre; ainsi, à titre d’exemple, 2004 a été une récolte exceptionnelle : les branches étaient tellement chargées de baies qu’elles se rompaient presque sous leur poids. Hakam a expliqué qu’il préférait avoir des ouvriers stables et, pour garantir une offre de main‑d’oeuvre constante, Gill Farms les payait à l’heure. Les travailleurs qui étaient payés à la pièce étaient ceux qui ne travaillaient qu’occasionnellement et qui occupaient habituellement un autre emploi ailleurs. Hakam a expliqué que les travailleurs payés à la pièce faisaient uniquement la cueillette de petits fruits et n’exécutaient pas d’autres tâches, ce qui était une autre raison pour laquelle Gill Farms tenait à avoir une équipe de base constituée de travailleurs rémunérés à l’heure. Suivant l’avocate, la norme dans l’industrie des petits fruits est de payer les travailleurs à la pièce, sinon les producteurs perdraient de l’argent s’ils payaient les cueilleurs à l’heure, sauf – peut‑être – durant deux semaines en haute saison. Hakam n’était pas de cet avis. Gill Farms cultivait trois types de bleuets de sorte que la haute saison n’avait pas une incidence aussi grande que dans le cas d’autres fermes. Il a estimé que le taux maximum de 8 $ l’heure était juste et que le salaire de 9 $ l’heure payé à Harmit et à Manjit était raisonnable, compte tenu des leurs fonctions et attributions supplémentaires. Lors de l’entrevue qu’il accordait aux candidats, il fixait un taux horaire approprié d’après leurs aptitudes probables, en se fondant sur leurs antécédents professionnels et sur ce qu’il avait observé au cours de leurs échanges. Himmat Singh Makkar était payé 8 $ l’heure parce qu’il semblait en bonne santé et qu’il avait déjà travaillé sur une ferme. Surinder Kaur Gill – une travailleuse possédant une expérience considérable – était payée 7,50 $ l’heure. Hakam a expliqué que la différence tenait simplement au fait que Himmat Singh Makkar est un homme et Surinder Kaur Gill est une femme. Gurdev Singh Gill, qui avait de l’expérience comme cueilleur, n’était payé que 7,50 $ l’heure, parce que – aux yeux de Hakam – il n’avait pas l’air aussi fort que Makkar Hakam a expliqué que le salaire versé à un travailleur était susceptible d’augmenter si l’on avait besoin de renforts pour un temps déterminé. L’avocate a renvoyé Hakam à une lettre – pièce R‑1, onglet 20 – datée du 30 septembre 1999, qui avait été envoyée à Revenu Canada – par Lucky Gill, de LRS Solutions – pour le compte de Gill Farms. À la page 109 de l’onglet en question, voici la réponse que Lucky Gill a donnée à une question concernant la méthode utilisée pour calculer le taux de rémunération des travailleurs : [traduction] « Le taux de rémunération était calculé en fonction du salaire minimum et les employés qui avaient plus de responsabilités étaient rémunérés en fonction de leur niveau de responsabilité et de l’échelle des salaires en vigueur dans l’industrie. De plus, les employés qui produisaient à un rythme plus élevé étaient payés plus cher pour s’assurer que l’on tienne compte de leur vitesse dans le calcul de leur salaire ». L’avocate a lu à haute voix certaines des questions posées à Hakam – à l’interrogatoire préalable – qui nécessitaient des éclaircissements pour comprendre pourquoi des travailleurs exerçant le même emploi recevaient un salaire différent, suivant les livres de paye de Gill Farms. Hakam a répondu qu’il se souvenait avoir participé à cet interrogatoire préalable et d’avoir essayé de donner des réponses véridiques. L’avocate l’a renvoyé à une autre réponse dans laquelle il avait confirmé qu’une personne ayant une plus grande expérience de travail serait mieux payée. L’avocate lui a demandé quel facteur était déterminant – la vitesse, l’expérience ou l’idée subjective qu’il se faisait du candidat lors de l’entrevue. Hakam a répondu – à titre d’exemple – que lorsqu’il l’avait engagé, Himmat Singh Makkar lui avait fait une forte impression parce qu’il était instruit, avait de l’expérience en agriculture, avait l’air fort et avait demandé du travail à un moment très occupé de la saison. Hakam a convenu que Gill Farms payait une indemnité de congés payés de 7,6 % à certains ouvriers et de 4 % à d’autres. Il a expliqué que cette différence s’expliquait par les conseils que lui donnait le comptable. L’avocate a souligné que le taux le plus élevé était payé à Manjit et à Harmit ainsi qu’à Gurdev Singh Gill, Surinder Kaur Gill et Surinder K. Gill, et que ces trois derniers avaient travaillé moins que certains autres, de sorte que la différence ne semblait pas logique. L’avocate a demandé à Hakam s’il avait déjà accepté d’embaucher un travailleur pour une période déterminée. Hakam a expliqué qu’il faisait savoir aux candidats que Gill Farms souhaitait que les travailleurs demeurent pour toute la durée de la saison sans toutefois garantir de période d’emploi précise à qui que ce soit. L’avocate a demandé à Hakam d’expliquer pourquoi Himmat Singh Makkar – un des travailleurs les mieux payés – avait été mis en disponibilité avant plusieurs autres ouvriers. Il a expliqué que M. Makkar s’est avéré un travailleur lent et que, dès que le travail avait ralenti, il avait été mis en disponibilité. Hakam a expliqué que Gill Farms n’employait des travailleurs que dans la mesure où l’on avait du travail à leur confier et que certains travailleurs n’avaient été engagés qu’en août. À son avis, Gill Farms avait deux principales catégories de tâches : celles ne portant que sur la cueillette de petits fruits et celles englobant les préparatifs en vue de la prochaine saison de végétation et les travaux de clôture de la saison. Hakam a convenu que son intention – lorsqu’il engageait la plupart des travailleurs payés à l’heure – était de leur faire comprendre que Gill Farms ne voulait pas que les travailleurs quittent au beau milieu de la saison et que, même si la durée de la saison était variable, il voulait s’assurer de garder les employés aussi longtemps qu’il y avait du travail pour eux, y compris les tâches qui était effectuées en fin de saison. Hakam a convenu que Himmat Singh Makkar avait été mis en disponibilité avant la fin de la saison. L’avocate a renvoyé Hakam à une lettre – pièce R‑1, onglet 5 datée du 10 novembre 2000, adressée par Ronnie Gill à Bernie Keays, de Revenu Canada. Il s’agissait de la transcription d’une discussion – sous forme d’entrevue – entre Ronnie Gill et Hakam au sujet de l’embauche de travailleurs par Gill Farms. Hakam a reconnu sa signature – page 27 – sous le mot [traduction] « Approuvé » écrit à la main. Il a été renvoyé à la réponse qu’il avait donnée à la page 25 au sujet des méthodes d’embauche, en l’occurrence : [traduction] « Les gens se présentent et nous demandent s’il y a du travail pour eux. Ils nous précisent qu’ils ne sont prêts à travailler que si l’on peut les engager pour toute la saison. Ce sont souvent les personnes plus âgées. Les plus jeunes, on s’assure de les faire travailler pendant toute la saison. Nous craignons qu’ils partent au beau milieu de la saison pour aller travailler dans une pépinière, une serre ou pour un entrepreneur en main‑d’oeuvre agricole qui peut leur offrir une saison d’emploi plus longue ». En réponse à la question suivante – page 26 – portant sur la question de savoir si les travailleurs seraient mis en disponibilité sur‑le‑champ s’il y avait une pénurie de travail, Hakam a expliqué que [traduction] « Si je faisais cela et ne respectais pas notre engagement, nous n’aurions pas de travailleurs la saison suivante. Tout le travail que j’ai accompli avec acharnement au fil des ans perdrait ainsi toute valeur ». Par ailleurs, pour ce qui est de la période où la récolte des petits fruits tire à sa fin, Ronnie Gill lui demandé lors de cette même entrevue : [traduction] « Pourquoi est‑ce que vous ne les renvoyez pas à la maison puisqu’il n’y a pas suffisamment de travail pour tout le monde? » Hakam a tenté d’expliquer qu’au cours de la haute saison, Gill Farms [traduction] « a du mal à recruter des cueilleurs. Personne n’aime faire de la cueillette à la livre lorsqu’il y a moins de petits fruits. Nous engageons des employés occasionnels lorsque la saison bat son plein. Le reste des employés travaillent jusqu’à la fin. On ne peut pas en renvoyer la moitié chez eux. Si on leur disait qu’on n’a pas de travail pour eux, nous n’aurions pas de travailleurs la saison suivante ». En réponse à la question suivante posée par Mme Gill, Hakam a confirmé que la période d’emploi d’un travailleur était basée sur la longueur de la saison mais il a ajouté que l’on ne garantissait pas un nombre d’heures précis parce que, si la saison est plus courte ou plus longue, [traduction] « nous ne voulons pas être forcés de payer des personnes [...] » Il a évoqué une coutume qui a cours au sein de la communauté agricole et suivant laquelle un autre producteur peut téléphoner chez Gill Farms pour savoir si elle a besoin de travailleurs parce que ce producteur a des travailleurs qui veulent travailler pour toute la saison et veulent qu’on leur donne la même garantie. Hakam a expliqué – page 26, dernier paragraphe – que s’il acceptait d’engager des travailleurs pour le reste de la saison, ce producteur lui enverrait des travailleurs, à défaut de quoi le producteur en question en appellerait un autre jusqu’à ce qu’il atteigne son objectif. Hakam a conclu en expliquant : [traduction] « C’est une communauté très unie. Chaque producteur est au courant des règles lorsqu’il engage un ouvrier saisonnier ». L’avocate lui a demandé ce qu’il entendait par là, ce à quoi il a répondu que les gens savent qu’ils auront du travail pour la saison et un agriculteur ne voudra pas envoyer ses anciens travailleurs à un autre agriculteur s’il sait que ce dernier ne pourrait les engager que pour quelques jours. Cet engagement ne tient pas en cas de pénurie de travail, auquel cas le producteur n’a pas à payer les travailleurs. L’avocate a renvoyé Hakam à une note – pièce R‑1, onglet 6, page 29 – prise par Bernie Keays au cours de l’entrevue du 2 novembre 2000 au cours de laquelle Ronnie Gill aurait déclaré que les travailleurs savent au début de la saison qu’ils auront du travail jusqu’à la fin et qu’ils n’ont donc pas à chercher ailleurs. À la page suivante, M. Keays note qu’il a demandé à Ronnie Gill : [traduction] « Qu’arrive‑t‑il s’il n’y a pas de travail? » et qu’elle a répondu : [traduction] « Ils attendent les bras croisés. L’employeur a donné sa parole ». M. Keays signale les propos suivants de Ronnie Gill : [traduction] « S’ils se trouvent sur vos terres, vous devez les payer mais s’ils ne font rien. C’est la mentalité des producteurs. » Hakam a affirmé qu’il avait accepté de payer les travailleurs rémunérés à l’heure même si le travail est interrompu à cause de la pluie, auquel cas on leur confie d’autres tâches – comme le lavage des seaux. Il a convenu qu’il arrive qu’un candidat lui indique le nombre d’heures nécessaires pour être admissible à des prestations d’assurance‑chômage et qu’avant de commencer à travailler pour Gill Farms, il veut être certain qu’il ne sera pas mis en disponibilité ou congédié. Hakam a expliqué qu’en pareil cas, il accepte d’engager le travailleur pour une certaine période, à la condition toutefois qu’il y ait du travail à faire. En contrepartie de cet engagement, il tenait toutefois à signaler aux travailleurs que Gill Farms s’attendait à ce qu’ils continuent à travailler jusqu’à la fin de la saison même s’ils avaient déjà accumulé suffisamment d’heures assurables pour être admissibles à des prestations d’assurance‑chômage. Il a souligné que son principal souci était d’exploiter Gill Farms comme une entreprise commerciale et il a ajouté que s’assurer que les travailleurs accumulent suffisamment d’heures assurables pour être admissibles à des prestations d’assurance‑chômage était secondaire. Pour ce qui est du transport des travailleurs, Hakam se souvient que Manjit s’en chargeait la plupart du temps, bien qu’à l’occasion Rajinder s’en occupait aussi. L’avocate a renvoyé Hakam à la réponse – pièce R‑1, onglet 20, page 111 – donnée par Lucky Gill de LRS à la question 13 du questionnaire où il était précisé que c’était Rajinder qui allait chercher les employés [traduction] « la plupart du temps ». Hakam a expliqué qu’il quittait la maison à 6 h pour aller travailler à l’usine et qu’il était au courant que Manjit avait coutume d’amener les travailleurs à la ferme et de les reconduire à la maison. Il a supposé qu’elle assumait la plus grande part du transport. Il a donné pour instructions à Harmit et à Manjit de tenir un registre de leur temps en précisant que la société de personnes leur paierait chaque heure qu’elles effectueraient y compris le temps consacré au transport des travailleurs. Hakam a raconté que lorsqu’il rentrait chez lui vers 16 h 15 après sa journée de travail à l’usine, il se lavait, mangeait une bouchée, prenait quelques minutes pour parler avec sa mère et se reposait un moment. Puis, entre 17 h et 17 h 15, il se rendait dans les champs, alors que la plupart des travailleurs étaient sur le point de terminer leur journée et que certains étaient déjà rentrés à la maison. À l’occasion, quelques travailleurs restaient plus tard pour nettoyer les fruits afin de préparer une commande de fruits frais. Lorsque Manjit participait aussi à ces travaux, un autre membre de la famille allait déposer les travailleurs chez eux. Parfois, le camion était chargé de petits fruits destinés à la conserverie – qui était ouverte jusqu’à minuit – mais si l’on faisait une livraison en début de soirée, on en profitait pour ramener quelques travailleurs à la maison. Hakam a expliqué qu’autant qu’il s’en souvienne, les travailleurs commençaient vers 7 h 30 et terminaient vers 17 h 30, bien que certains aient pu travailler jusqu’à dix heures par jour lorsque la saison battait son plein. Les fins de semaine et les jours de congé, il était porté à rester au lit plus tard qu’à l’accoutumée et il comptait sur Harmit et sur Manjit pour la bonne marche du travail. Il a expliqué que – dans l’ensemble – la plupart des journées de travail étaient des journées de huit heures. L’avocate l’a informé que les livres de paye de Gill Farms étaient uniformes et qu’ils ne faisaient pas état de beaucoup d’écarts au cours de la même saison. Il a répondu que les conditions atmosphériques – surtout lorsqu’il fait chaud – jouent un rôle et qu’il faut parfois s’arrêter durant la journée pour se reposer. Il a ajouté qu’il comptait sur Harmit pour qu’elle consigne avec exactitude les heures travaillées par les employés de Gill Farms. L’avocate a appelé l’attention de Hakam sur les réponses – pièce R‑1, onglet 20, pages 109 et 110 – données par LRS – au nom de Gill Farms – à Revenu Canada et dans lesquelles étaient énumérés plusieurs facteurs ayant une incidence sur le nombre d’heures travaillées par les employés, à savoir, la nature du travail, la quantité de baies qui se trouvent sur le bleuetier, la somme de travail exigée selon leur description de travail, les conditions climatiques, le nombre d’heures déjà effectuées dans la semaine et le nombre d’heures d’ensoleillement. À la page 110, on a répondu que l’horaire de travail normal s’échelonnait de 6 h 30 à 20 h 30 pendant l’emploi saisonnier mais que les employés travaillaient habituellement – de 9 h à 20 h et que Manjit décidait quels travailleurs devaient rester plus longtemps pour préparer une commande de fruits frais. Hakam a admis que ces réponses avaient été données par LRS le 30 septembre 1999, soit un an seulement après l’année en cause dans la présente instance et que ces réponses auraient dû s’appuyer sur un souvenir plus précis des faits que les réponses données sept ans plus tard. Il a toutefois nié que les travailleurs commençaient habituellement à travailler seulement à 9 h, étant donné qu’il avait cru comprendre que, si le temps le permettait, ils devaient commencer plus tôt chaque matin. Il a reconnu qu’il avait demandé à Manjit de téléphoner à certains ouvriers, de temps à autre, relativement à certaines questions telles que le moment où on passerait les prendre ou, par courtoisie, pour réveiller quelqu’un à sa demande. Quand une abondante rosée nocturne était prévue, Manjit appelait les travailleurs pour les prévenir que les travaux débuteraient plus tard le lendemain. L’avocate a renvoyé Hakam à sa réponse page 110  dans laquelle il explique que sa supervision des employés se bornait à conseiller Manjit sur certaines questions, notamment les employés à appeler, la variété de bleuet à cueillir, les commandes à préparer le cas échéant et le nombre de livres nécessaires ainsi que le stade de maturité des fruits dans la bleuetière. L’avocate a demandé à Hakam pourquoi il s’occuperait de déterminer quels travailleurs appeler, à moins que Gill Farms n’eût eu un système selon lequel certains travailleurs n’avaient pas à travailler chaque jour. Il a répondu que les travailleurs payés à l’heure travaillaient constamment, mais que les ouvriers à la pièce étaient avertis de se présenter s’il y avait du travail pour eux, selon la quantité de fruits à cueillir. Comme certains ouvriers à la pièce ne travaillaient que quelques jours ou, peut‑être, une partie de journée pendant laquelle ils gagnaient seulement une vingtaine de dollars, on ne conservait pas les fiches de cueillette de ces personnes une fois qu’elles avaient été payées. Pour ce qui concerne la taille, en 1998, Hakam a déclaré que ce travail était effectué l’hiver, mais que les ouvriers supprimaient plus tard les branches desséchées ou brisées. La taille d’hiver, sévère, était faite par Hakam. Elle est considérée comme une tâche pénible, qui ne le cède qu’à la cueillette pour ce qui concerne le temps requis. D’habitude, on l’entreprend entre Noël et le jour de l’an et on la poursuit, principalement, les fins de semaine, tant qu’elle n’est pas terminée. La taille légère effectuée à la fin de la saison par les travailleurs prend environ une semaine. L’avocate a renvoyé Hakam aux notes  pièce R‑1, onglet 24, page 237  prises par Mme Turgeon pendant la réunion entre les membres de sa famille et plusieurs fonctionnaires de DRHC et consultants qui a eu lieu au bureau de Langley, le 20 mai 1999. D’après ces notes, Hakam avait localisé la taille entre le début de septembre et la mi‑octobre et il avait déclaré : « Je travaille à l’usine et je suis en congé le samedi et le dimanche, de sorte que je consacre ces journées‑là à la taille. » D’après les notes de Mme Turgeon, lorsqu’on lui a demandé avec qui il faisait la taille, il avait nommé M. et Mme Sidhu, de même que Himmat Singh Makkar, Mme Grewal, Manjit Sidhu et Mme Khatra. L’avocate a signalé que M. Makkar avait été mis en disponibilité le 29 août 1998. Hakam Singh Gill a convenu que cela était vrai mais qu’il s’était rappelé, pendant une suspension de l’audience, que M. Makkar s’était trouvé sur place, plus tôt dans la saison, quand il avait montré des techniques de taille à un groupe de travailleurs et qu’il devait avoir confondu ce fait avec le travail effectif de taille effectué à la fin de la saison. Hakam a déclaré qu’il aurait dû clarifier le fait qu’il effectuait lui‑même la taille sévère les fins de semaine, lorsqu’il ne travaillait pas à l’usine. Il a demandé de confirmer les observations faites pendant la réunion à DRHC en écoutant l’enregistrement de la rencontre, qu’il supposait avoir été fait. L’avocate a répondu que la tentative d’enregistrement avait échoué et qu’aucun enregistrement utile n’avait été produit pendant la réunion. L’avocate a informé Hakam que, en réponse à la question 497, posée lors de son interrogatoire préalable, sur la taille effectuée en 1998, il avait dit que des travailleurs étaient embauchés à cette fin et que le travail avait été effectué deux fois pendant cette saison‑là : avant l’installation du filet, puis après le démontage. Hakam a déclaré que la taille d’hiver a commencé à la fin de décembre 1997 et s’est poursuivie jusqu’au début de 1998. Hakam a confirmé qu’il était celui qui effectuait toujours cette taille pendant la dormance hivernale et que les autres travaux de taille légère portaient sur les branches desséchées et brisées. L’avocate a laissé entendre que Gill Farms voulait donner l’impression qu’il fallait que ses travailleurs aient travaillé un certain nombre d’heures et donner l’impression que certains d’entre eux avaient fait du travail supplémentaire tel que la taille. Hakam Singh Gill a répondu en faisant remarquer que, peu importe ce que l’on lit dans les manuels au sujet des tâches à effectuer dans un verger de petits fruits, il était la personne qui avait fait le travail et il savait ce qu’il faut faire pendant une pleine saison. Il travaillait à l’épandage de la sciure et il a vu des travailleurs en étendre autour des plantes à l’aide de brouettes et de seaux. La sciure est légère. Un seau ne pèse que de cinq à sept livres et on peut l’épandre à la main. L’avocate a dit à Hakam que, selon les registres de Gill Farms relatifs à la récolte qu’elle avait compulsés, on trouvait des journées où les salariés payés à l’heure, collectivement, semblaient n’avoir cueilli presque aucun fruit. Hakam a répondu que l’on s’attendait à ce que les travailleurs cueillent une vingtaine de livres de fruits à l’heure ou de 180 à 200 livres par jour et que leur rythme de travail était contrôlé par Manjit, à sa discrétion. L’avocate s’est référée au rapport de James Blatchford, juricomptable, pièce R‑1, onglet 23  pour lequel celui‑ci a examiné de nombreux documents, notamment des reçus délivrés à Gill Farms par des conserveries pour des livraisons de fruits ainsi que des fiches de cueillette remises par Gill Farms aux ouvriers payés à la pièce. En soustrayant la quantité de fruits cueillis par les ouvriers payés à la pièce, l’avocate a fait remarquer que le solde doit avoir été cueilli par l’équipe de travailleurs payés à l’heure. Elle a renvoyé Hakam à l’inscription du 10 juillet 1998 page 212 du rapport  d’une livraison de 227 livres de bleuets à la conserverie, mais de 237 livres cueillies par les ouvriers payés à la pièce. À la page 209 du même rapport, à la date du 24 juillet 1998, est inscrit un total de 1 025 livres de fruits livrés 410 cueillies par les ouvriers à la pièce; 615 par le groupe d’employés payés à l’heure, soit une moyenne de 77 livres par travailleur de cette catégorie. Hakam a déclaré qu’il était raisonnable de supposer que certains travailleurs payés à l’heure peuvent avoir été appelés par Manjit à effectuer d’autres tâches, ce jour‑là, et que, également, certains fruits peuvent avoir été cueillis tel jour et livrés le lendemain. L’avocate a attiré son attention sur une inscription page 205  du 18 août 1998, selon laquelle les travailleurs payés à l’heure n’avaient récolté que 3 livres de fruits à l’heure, ce jour‑là, pour un total de 399 livres, tandis que les ouvriers à la pièce avaient cueilli le reste pour porter la production totale à 684 livres. L’avocate s’est également référée aux inscriptions du reste de la semaine du 18 août où la production journalière moyenne de chaque travailleur payé à l’heure a varié de 48 à 95 livres. Hakam a répété que ces travailleurs pourraient avoir effectué d’autres travaux que la cueillette. Il a confirmé que toutes les ventes de fruits, y compris les ventes faites sur place, directement aux clients, avaient été signalées au comptable de la ferme et figuraient dans l’état des revenus en vue de la préparation d’un état financier de la société de personnes que lui‑même et Rajinder incluaient dans leurs déclarations de revenus. Il a ajouté qu’il ne savait pas dans quelle mesure les ventes du kiosque à fruits étaient consignées. L’avocate a précisé à Hakam que, d’après l’état des résultats de 1998, les ventes de Gill Farms aux conserveries se chiffraient à 66 108,09 $ contre un revenu total de 73 712 $. Hakam a confirmé qu’il a supposait que les reçus d’expéditions et les autres documents remis par Universal pièce R‑2, onglet 35  étaient justes, de même que les documents délivrés par Kahlon à l’onglet suivant. En 1998, les ventes de Gill Farms à Universal se sont chiffrées à 11 552,40 $, et concernaient 16 100 livres de fruits. Kahlon a acheté 58 541,5 livres de Gill Farms et les a payées 42 124,48 $. D’après les reçus de vente au comptant pièce R‑1, onglet 34  des revenus supplémentaires de 4 205,21 $ proviennent de cette source. L’avocate a signalé que le total des trois chèques émis par Kahlon pièce R‑2, onglet 36, p. 410  est 42 124,48 $, le même montant que celui qui figure sur le sommaire antérieur des reçus de vente. Un sommaire onglet 37  fourni par Greenfield, révèle des achats de 9 650 livres de fruits de Gill Farms pour lesquels le montant payé totalise 8 226 $. Le total de toutes les ventes de 1998, confirmé par les documents susmentionnés, est de 77 660,49 $. L’avocate a renvoyé Hakam à l’état des résultats pièce R‑2, onglet 50, page 835  selon lequel le revenu total de la ferme en 1998 était de 73 712 $. Hakam a confirmé que ce chiffre était juste, comme la somme de 89 438 $ page 840  représentant le montant payé par Gill Farms en salaires et le total des dépenses, de 110 725 $. Il a confirmé que les montants des revenus et dépenses déclarés pour les années d’imposition 1995, 1996 et 1997 dans les déclarations classées dans la pièce R‑2, aux onglets 48 et 49, respectivement, étaient justes. Au cours de chacune de ces années, le total des salaires et traitements versés avait excédé le revenu total de la ferme avant prise en considération du reste de charges d’exploitation. Hakam a déclaré que, lorsque la société de personnes avait besoin d’argent pour fonctionner, les montants étaient avancés au moyen de chèques tirés sur des comptes conjoints que son épouse Harmit et lui détenaient dans des succursales des coopératives d’épargne et de crédit Khalsa et Fraser Valley. Les chèques de paye pour son travail à l’usine étaient endossés et déposés dans un compte conjoint, tandis que Harmit déposait également ses propres chèques de paye dans l’un de leurs comptes conjoints. L’avocate a renvoyé Hakam à deux chèques pièce R‑2, onglet 41, page 714  au montant de 400 $ et de 2 520 $, datés du 31 octobre 1998 et du 7 novembre 1998, respectivement, tirés sur le compte conjoint détenu à Khalsa, qui ont été déposés dans le compte de Gill Farms à la coopérative d’épargne et de crédit Fraser Valley. Elle a attiré l’attention de Hakam sur un chèque page 585  daté du 26 octobre 1998, au montant de 4 407,78 $, tiré sur le compte courant de Gill Farms à Fraser Valley, à l’ordre de Harmit Kaur Gill. Le chèque a été versé au crédit du compte conjoint, à Khalsa, le 19 novembre 1998. L’avocate a laissé entendre à Hakam que cela semblait être une habitude d’utiliser les fonds de la sorte et que si la ferme avait besoin d’argent, la société de personnes l’emprunterait de Harmit et la rémunérerait plus tard. Hakam a répondu que Gill Farms avait une ligne de crédit de 20 000 $ à Khalsa et que si l’entreprise avait besoin d’argent, elle pouvait retirer des fonds du ou des comptes conjoints. L’avocate a renvoyé Hakam à la pièce R‑1, onglet 19, une lettre datée du 30 septembre 1999, de Lucky Gill, de LRS Solutions, à Harby Rai, de Revenu Canada, dans laquelle on explique la nature de certaines tâches effectuées et le temps nécessaire à leur exécution. Hakam a reconnu sa signature sur cette lettre. Il a confirmé que les renseignements fournis dans les paragraphes 1, 2 et 3 étaient justes : certains employés avaient effectivement commencé à installer des filets le 16 juin ou vers cette date et ils avaient terminé le travail vers le 30 juin. Outre Harmit Kaur Gill et Manjit Kaur Gill, les autres employées mentionnées étaient Sukhminder Kaur Gill, Jarnail Kaur Sidhu, Pawandeep Kaur Gill et Manjit Kaur Sidhu. L’avocate a déclaré à Hakam que le Ministre se fiait à l’avis d’un spécialiste selon lequel le temps nécessaire à l’installation des filets à Gill Farms était le double du temps qu’il fallait selon les normes internes de l’industrie, selon lesquelles on prévoit 36 heures par acre pour l’installation, le démontage et la réparation des filets à chaque saison sur une exploitation typique de culture de petits fruits. Ainsi, le temps total nécessaire pour manipuler les filets devrait avoir été de 306 heures‑personnes pour les 8,5 acres de Gill Farms. Hakam a répondu en faisant remarquer que les plus grandes fermes étaient plus efficaces parce qu’elles disposaient d’équipement récent, par exemple des fils dotés de poignées et des chariots à roues pour se déplacer le long des rangs, de sorte que les travailleurs n’ont pas à déplacer d’escabeaux d’un endroit à l’autre, puis à y grimper pour fixer les fils et installer les nappes de filets. L’avocate a fait remarquer que les moyennes dans l’industrie englobent les petites exploitations et que Gill Farms, apparemment, a pris cinq fois plus de temps que la normale, en 1998, pour arriver à installer, démonter et à réparer les filets. Hakam a répondu que peu importe ce que disaient les manuels et les spécialistes, c’est le temps que cela a pris pour effectuer le travail nécessaire et que Gill Farms acceptait que ses travailleurs aient pris plus de temps pour terminer la tâche, car la plupart ne possédaient pas d’expérience et que lui ne voulait pas exercer trop de pression sur eux, compte tenu, particulièrement, du fait qu’il était toujours difficile de recruter des ouvriers agricoles. D’après la réponse no 6 exposée dans la lettre de LRS Solutions, la pulvérisation et la fertilisation ont eu lieu entre le 17 et le 24 mai, et Hakam avait été aidé par Sukhminder Kaur Gill et Manjit Kaur Sidhu. L’avocate a informé Hakam que, à l’interrogatoire préalable, il avait déclaré qu’il était le seul conducteur du tracteur et que Rajinder avait aidé à remplir la cuve d’eau. Hakam a déclaré que, autant qu’il s’en souvenait, il avait également bénéficié de l’aide d’un autre travailleur pour certains aspects de la pulvérisation et de la fertilisation, mais qu’il avait omis d’en parler dans sa réponse à l’interrogatoire préalable. L’engrais, en granulés, a été répandu à la main, à même un sac de 25 livres sur une surface de 1,5 à 2 pieds de diamètre autour de chaque plante. Il y avait environ 16 000 plantes en 1998. Ce travail a été effectué par Sukhminder Kaur Gill et Manjit Kaur Sidhu. D’après la réponse no 10 de la lettre de LRS Solutions, neuf employés en tout ont travaillé entre six et huit jours, après le démontage des filets, y compris une journée consacrée au nettoyage des seaux. L’avocate a informé Hakam que le ministre se fiait aux renseignements et à l’avis d’un spécialiste selon lesquels ce temps excédait la norme de l’industrie. À cela, Hakam a répondu que les tâches avaient pris ce temps, précisé dans la lettre. Habituellement, les fruits étaient livrés aux conserveries dans des caisses et, bien que les conserveries aient fourni ces récipients aux producteurs, Gill Farms en avait acheté pendant un solde dans une coopérative fruitière en faillite et, grâce à cela, les caisses appartenant à Gill Farms étaient interchangeables avec les caisses fournies par les conserveries. Après une livraison, Gill Farms recevrait donc une caisse propre. Universal préférait recevoir les fruits dans des plateaux, tandis que Kahlon souhaitait que le produit soit livré dans des caisses. Tous les seaux de tailles, de formes et de capacités différentes, dont certains pouvaient contenir jusqu’à une trentaine de livres de fruits  appartenaient à Gill Farms. Hakam a déclaré que, même si la plupart des producteurs pouvaient laisser à la conserverie le soin du nettoyage des fruits, Gill Farms avait pour règle de conduite de débarrasser ces derniers des débris tels que les saletés ou les feuilles, et d’écarter les fruits verts ou les fruits blets, de façon à obtenir un bon prix pour des fruits de qualité et conserver une réputation de bon fournisseur d’excellents petits fruits auprès des conserveries. Les fruits livrés à Kahlon et/ou à Universal n’étaient pas nettoyés au moyen du dispositif à convoyeur à bande, méthode uniquement employée pour les fruits vendus à Greenfield. Les fruits transportés à Kelowna ainsi que les fruits vendus aux magasins locaux et/ou directement aux clients dans le kiosque de Gill Farms étaient également nettoyés sur le convoyeur à bande. Pour ce qui concerne la question des fiches de cueillette, Hakam a déclaré qu’il était décidé en cours de route s’il y avait lieu de remettre une fiche à un travailleur, de façon à contrôler la production. C’est à son gré qu’il décidait quels travailleurs se verraient remettre une fiche et à quelles dates pendant la saison. Harmit recevait des instructions en conséquence. Une fois que l’information consignée sur les fiches avait été analysée, ces dernières n’étaient plus nécessaires et on les mettait au rebut, soit plus tard au cours de la saison, soit à la fin de la saison. Il considérait ces fiches comme une excellente façon de mesurer la production moyenne des cueilleurs et de les motiver à travailler plus fort. Il a déclaré ne pas se rappeler précisément des consignes données à Harmit au sujet de la distribution de fiches de cueillette aux travailleurs. Comme, le jour, pendant qu’il travaillait à l’usine, il ne se trouvait pas à la ferme, il n’était pas au courant des méthodes de pesée, mais on avait demandé à Harmit de peser tous les fruits cueillis. Il a ajouté que Gill Farms se contentait de se fier au poids des fruits livrés, qui était enregistré par les conserveries, puisque ces établissements utilisent des balances fiables, de qualité, et que les quantités exactes de chaque expédition étaient connues immédiatement après la livraison. Il a déclaré que Harmit consignait également le poids des fruits sur une feuille séparée, principalement pour son propre usage. À l’interrogatoire préalable, Hakam a affirmé que les fruits cueillis par les ouvriers à la pièce étaient pesés, mais que ceux qui avaient été récoltés par les travailleurs payés à l’heure ne l’étaient pas, sauf s’il fallait exécuter une commande spéciale pour un client. Hakam a déclaré qu’il considère maintenant sa réponse, à l’interrogatoire préalable, comme erronée bien qu’elle fût conforme à ses impressions d’alors. Comme il l’avait déjà déclaré, Hakam a répété que l’emploi de fiches de cueillette par les travailleurs payés à l’heure visait à contrôler la production de temps à autre, en cas de besoin, et que les fruits étaient pesés à cette fin. En 1998, on a loué la vieille maison se trouvant sur la propriété pour 1 000 $ par mois, et ce revenu s’est ajouté à l’état financier de la société de personnes en tant que revenu agricole. Parce qu’il était responsable de 50 % des dépenses de l’exploitation agricole, des fonds provenant du salaire gagné à l’usine étaient injectés dans l’entreprise, en cas de besoin. Le compte ouvert à la coopérative d’épargne et de crédit Fraser Valley – conjoint, au nom de Hakam Singh Gill et de Rajinder Singh Gill  servait principalement à la société de personnes, sauf que les paiements des conserveries à Gill Farms étaient déposés dans un compte, à Khalsa, et, comme le montrent les états pièce R‑2, onglet 41, à compter de la page 606 , l’argent a ultérieurement été viré dans le compte de Fraser Valley. Hakam a déclaré que Rajinder et Harmit étaient chargés de toutes les opérations bancaires et que le compte chez Fraser Valley servait à payer les travailleurs. Les chèques tirés sur ce compte étaient signés par lui et Rajinder, leurs deux signatures étant exigées. Il a admis qu’il a pu avoir demandé à un travailleur de retarder l’encaissement d’un chèque de paye final en attendant que Gill Farms soit payée par une ou plusieurs conserveries, parce que ces paiements n’étaient souvent pas effectués avant la fin octobre ou le début novembre. Cependant, il a récusé vigoureusement l’insinuation de l’avocate selon laquelle, personnellement ou par l’entremise d’un membre de la famille, un travailleur devait remettre de l’argent à lui ou à un membre de sa famille, comme condition de paiement du travail qu’il avait fait pendant la saison. Il a posé la question rhétorique : « Comment puis‑je faire cela? Ces personnes avaient travaillé! »

 

[75]  Hakam Singh Gill a été réinterrogé par sa représentante Ronnie Gill. Elle a attiré son attention sur une réponse qu’il avait donnée à l’interrogatoire préalable, aux questions 399 et suivantes, dans laquelle il a expliqué que Harmit était chargée de la pesée journalière, mais que, si elle avait besoin d’aide, elle pouvait demander un coup de main à Manjit ou à d’autres travailleurs. À la question : [traduction] « Alors, les fruits cueillis par les travailleurs payés à l’heure n’étaient jamais pesés? », il avait répondu : [traduction] « Les fruits cueillis par les travailleurs payés à l’heure peuvent avoir été pesés également ». En réponse à la question 406 : [traduction] « Avez‑vous alors donné comme consigne de peser les fruits cueillis par les travailleurs payés à l’heure? », il avait expliqué qu’il avait laissé des instructions selon lesquelles tel ouvrier devrait se faire remettre une fiche de cueillette et que les fruits qu’il avait cueillis devaient être pesés. Il a confirmé que les questions telles que le paiement d’un certain taux d’indemnité de congés payés et les questions connexes concernant la paye étaient laissées aux soins de Rajinder, de Harmit et du comptable. Il a expliqué que Himmat Singh Makkar avait été mis en disponibilité parce que son rendement n’avait pas été à la mesure de l’impression qu’il avait faite à l’entrevue d’embauche. Hakam a ajouté qu’il avait tenté de se conformer à une règle de conduite officieuse de Gill Farms selon laquelle les mises en disponibilité étaient reliées à l’ancienneté pendant la saison 1998. On a attiré l’attention de Hakam sur la pièce R‑2, onglet 36, page 408, consistant en des registres fournis par Kahlon, pour ce qui concerne les achats de fruits de Gill Farms. Sur la page en question, on trouve cinq prix différents, allant de 0,30 $ la livre, pour les baies à jus, à 0,80 $ la livre pour les fruits frais. Les fruits de catégorie A étaient payés soit 0,60 $ la livre, soit 0,75 $ la livre, selon la période de la saison pendant laquelle ils avaient été livrés. Les fruits de catégorie B étaient payés 0,65 $ la livre pendant la saison. Hakam a déclaré que le prix à la livre fluctuait selon le marché et que – surtout dans le cas des fruits de catégorie A  il subit l’influence de l’importation de fruits des États‑Unis. Hakam a déclaré que, actuellement, le réseau d’irrigation de Gill Farms était efficace et qu’il ne fallait qu’une demi‑journée pour le remettre en état de fonctionner. En 1998, il a fallu trois jours pour cela, parce que l’eau provenant d’un fossé n’était pas propre et qu’elle avait nui au fonctionnement de la pompe, qui avait aspiré des particules de saleté, qui avaient obturé conduites et goutteurs. Il avait découvert des conduites fissurées par le froid de l’hiver et constaté que certains raccords avaient besoin d’être serrés. On lui a présenté une photographie pièce A‑10  d’un goutteur. Il a expliqué que les anciens goutteurs n’étaient pas pourvus d’un filetage qui aurait permis de les fixer au tuyau, de sorte que, s’ils étaient endommagés, il fallait les enlever à la main, pour les nettoyer, parce que, lorsque le réseau était mis en marche, l’eau souillée en était expulsée, mais, également, elle obturait certains goutteurs. Quand cela survenait, il fallait les bricoler pour faire couler l’eau et, dans certains cas, il fallait les nettoyer avec un fil métallique ou les remplacer, ce qui n’était pas commode, en 1998, parce qu’il fallait percer un nouveau trou dans la conduite et y insérer un nouveau goutteur. Hakam a déclaré qu’il était préférable de posséder le meilleur équipement disponible, mais, qu’en contrepartie, il fallait surveiller ses dépenses, particulièrement en 1998, lorsque Gill Farms a éprouvé des problèmes de liquidités. Si, à l’usine, une machine nouvelle peut faire le travail auparavant confié à 50 personnes, l’entreprise agricole de la société de personnes, était restée à forte intensité de main‑d’œuvre, et il n’existait pas de machines viables permettant d’adoucir cette contrainte. Hakam a déclaré que Gill Farms cherchait actuellement à comprimer les frais de main‑d’œuvre parce que, une fois cette dépense faite, elle ne procure aucun élément d’actif durable comme le font la machinerie et l’équipement que l’on achète. À l’usine où il travaille, il est chef scieur et la machine qu’il opère lui fait découvrir des méthodes pour améliorer la production. Cependant, à la ferme, les occasions d’utiliser ce niveau de technologie pour améliorer les rendements ou abaisser les coûts sont peu nombreuses. Si les perches soutenant les filets se mettent à vaciller, il faut les raffermir en versant du gravier dans les trous où elles sont fichées. Cette tâche et beaucoup d’autres ont occupé le temps des travailleurs avant et pendant l’installation des filets. Aucun mécanisme ne permettait de relever les filets comme on hisserait les voiles d’un bateau. À la place, il fallait trois ou quatre personnes pour maintenir chaque nappe de filet pour éviter d’endommager les plantes. En 2005, au début de la saison, Gill Farms vendait les bleuets 1,50 $ la livre et, quand la production a augmenté dans l’industrie, le prix est descendu à 1,15 $, pour rebondir ensuite à 1,35 $. On prévoyait que le prix augmenterait encore de 0,20 $ la livre avant la fin de la saison. Ces prix, si on les compare à ceux de 1998, représentaient une augmentation sensible des revenus. En 11998, Gill Farms a vendu des bleuets frais à des clients pour 1,35 $ la livre, mais les conserveries ne payaient que 0,80 $ pour la même qualité. Hakam a expliqué que la différence de prix était suffisante pour rentabiliser à Gill Farms l’emploi d’un convoyeur à bande pour le nettoyage des fruits avant leur livraison au client. Le coût de la tâche de nettoyage n’a pas été calculé précisément, mais il estimait néanmoins qu’il s’élevait à moins de 0,05 $ la livre. Gill Farms a livré des fruits à six ou sept magasins situés à North Vancouver, à Vancouver, à Surrey, à Burnaby et dans des municipalités voisines. Un camion servait au transport de 1 200 à 1 500 livres de fruits par expédition. Le fils de Rajinder livrait une commande à un client au milieu de la semaine. Hakam pensait qu’il avait fait des livraisons pendant la fin de semaine, pendant qu’il ne travaillait pas à l’usine. La plupart des clients payaient comptant, et l’argent était remis à Harmit ou à Rajinder. Hakam ignore quelles inscriptions ont été faites ou à quoi celles‑ci ont servi ultérieurement. Pour ce qui concerne la production, Hakam a reconnu que certains travailleurs d’autres fermes pouvaient cueillir jusqu’à 400 livres de fruits par jour, quand la saison battait son plein, parce que les fruits mûrissent en grappes. Le problème est que, à Gill Farms, il y avait une période de chevauchement où trois variétés mûrissaient à la fois et que des fruits verts subsistaient après la cueillette. Pendant la rencontre à DRHC, le 20 mai 1999, Mme Turgeon a enregistré une réponse pièce R‑1, onglet 24, p. 251  selon laquelle Hakam, en 1998, avait été mis en disponibilité à l’usine et que son revenu, cette année‑là, était constitué d’une indemnité de cessation d’emploi, de 13 000 $ ainsi que de 12 388 $ de prestations d’assurance‑chômage. Hakam a déclaré que cette information est fausse, puisque c’est Rajinder qui avait été mis en disponibilité, et en 1997 plutôt qu’en 1998. En 1998, Hakam a travaillé à plein temps à l’usine. Pour ce qui concerne la visite à la ferme, le 12 août 1999, par Mmes Rai et Turgeon, il se rappelle les avoir rencontrées et qu’elles lui ont dit vouloir parler à Manjit. Il les a menées dans la bleuetière, où elles ont parlé à cette dernière. Il a expliqué pourquoi le filet n’était pas installé : la machine à récolter les bleuets était à l’essai. Il a déclaré que Harmit et non Manjit  faisait le thé et que les notes pièce R‑5, onglet 4  sont erronées sur ce détail ainsi que sur le fait qu’il savait qu’il ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance‑chômage parce qu’il travaillait à temps plein à la ferme. Il a déclaré qu’il n’avait pas été mis en disponibilité à l’usine, de sorte qu’elles doivent avoir voulu faire référence à la demande de Rajinder. Il a reconnu deux chèques sur une feuille pièce R‑2, onglet 41, page 620 , le premier au montant de 1 175 $ et le second au montant de 2 000 $, tirés sur le compte conjoint de Hakam et de Harmit à Khalsa à l’ordre du compte de Fraser Valley utilisé par Gill Farms pour faire fonctionner l’entreprise. Le 4 mars 1998, un chèque page 690 de 2 000 $ a été tiré sur le compte conjoint de Khalsa, à l’ordre du compte de Fraser Valley. Il était signé par Harmit, et même quand elle n’était pas employée par Gill Farms, elle libellait des chèques devant être tirés sur le compte de la ferme pour qu’ils puissent être signés par Hakam et Rajinder. Il a déclaré que, pour effectuer le traitement de pulvérisation, il conduisait le tracteur et que deux ouvriers marchaient derrière, portant les pistolets pulvérisateurs ou les buses qui sont fixées, par l’entremise d’un tuyau flexible, à un raccord de refoulement de la cuve. Si on cesse d’appuyer sur la poignée de la buse, cela interrompt la pulvérisation. Lorsque l’on traite l’herbe au milieu de la saison, il faut veiller à ce que la substance n’atteigne pas les bleuetiers. Hakam a reconnu que, dans la réponse au questionnaire pièce R‑1, onglet 19  l’information fournie le 30 septembre 1999 ne mentionnait pas le repiquage de nouveaux plants ni la pulvérisation au milieu de la saison.

 

[76]  Rajinder Singh Gill (« Rajinder ») a accepté de témoigner en anglais à la condition que Russell Gill puisse servir d’interprète au besoin. Né en Inde en 1950, Rajinder a fréquenté l’école jusqu’en quatrième année avant d’immigrer au Canada en 1964. Il a commencé à travailler en 1965 et, en 1966, il s’est trouvé du travail dans une scierie. On l’a renvoyé aux reçus de ventes au comptant que l’on trouve à la pièce R‑1, onglet 34. Le premier – page 379 – se rapporte à une vente de petits fruits à Paynters, de Kelowna. D’autres clients de la région de Kelowna ont également acheté des fruits, ainsi qu’en font foi les reçus délivrés à Little Acres et à Granny’s Fruit Stand. Rajinder a estimé que Gill Farms avait effectué entre six et huit voyages à Kelowna – en 1998 – pour vendre des baies. Les baies étaient transportées dans une benne de camion – recouverte d’une bâche – qui contenait 55 caisses ayant chacune une capacité de 40 livres. Ronnie Gill a appelé l’attention de Rajinder sur un tableau – pièce A‑17 – qu’elle avait établi à l’aide des reçus pour illustrer les ventes au comptant réalisées dans la région de Kelowna et la vallée de l’Okanagan. Rajinder a remarqué qu’il était indiqué que les ventes du 27 juillet 1998 correspondaient à 253 livres de petits fruits et il a expliqué qu’il ne se serait pas rendu à Kelowna pour vendre une quantité aussi minime. On ne faisait pas de reçu à l’acheteur qui n’en voulait pas. L’argent reçu était mis dans un sac qui était rapporté à la ferme. Son neveu Kulwant l’accompagnait toujours et observait les opérations au comptant. Il a expliqué qu’on comptait l’argent avec Hakam et qu’on le partageait également et que les ventes en question étaient signalées au comptable de la ferme. Rajinder a expliqué qu’il travaillait à la scierie InterFor depuis 1986 mais qu’il avait été mis en disponibilité en 1997. Lorsque le moment de préparer sa déclaration de revenus approchait, il indiquait à son comptable la somme à inclure dans les revenus qui était imputable aux ventes effectuées dans la région de Kelowna et au kiosque de fruits situé sur la ferme. Hamilton Farms – cliente depuis 1994 – payait les baies nettoyées en argent comptant au tarif des conserveries. Même si le tarif était le même, Hamilton Farms payait sur‑le‑champ et les conserveries lui remettaient un chèque à la fin de juillet – à titre d’avance – et n’acquittait le solde qu’une fois la saison terminée. Rajinder se souvient d’une saison où une conserverie avait attendu jusqu’en février de l’année suivante pour acquitter le solde. Au cours de la saison des petits fruits, qui s’étendait sur une dizaine de semaines, on a effectué entre une douzaine et une quinzaine de livraisons à des clients de la région métropolitaine de Vancouver, pour une moyenne de 1 200 livres par voyage. Un client pouvait avoir commandé 300 livres mais décidait de n’en accepter que 150 si ses ventes avaient été médiocres. Les fruits qui restaient après les livraisons étaient apportés à la conserverie. Rajinder a expliqué qu’en 1998, il avait emprunté 10 000 $ à un ami – M. Brar – avec qui il avait travaillé à Prince George dans les années soixante‑dix. Il avait emprunté de l’argent à un autre ami et à son fils, qui avait 26 ans en 1998, et à sa fille, qui était âgée de 25 ans à l’époque. Son fils travaillait comme machiniste dans une usine de construction aéronautique où sa fille travaillait aussi. Après avoir travaillé pendant 31 ans à l’usine, il avait été mis en disponibilité mais s’était trouvé par la suite un emploi qu’il avait occupé pendant deux ans, jusqu’à ce que cette usine ferme ses portes en 2002. Rajinder a expliqué qu’il souffrait d’asthme depuis 1975 et il a bien précisé à Hakam qu’il ne pouvait faire de travaux physiques à la ferme. Hakam a accepté la situation et a promis qu’il se chargerait de tout le travail avec Harmit. Rajinder a expliqué qu’en tant qu’associé à 50 % de Gill Farms pendant toute l’époque en cause, il s’occupait des questions financières et qu’il lui arrivait – en 1998 – d’aller chercher des employés le matin ou de les raccompagner chez eux le soir mais seulement en dernier recours, si les autres membres de la famille étaient occupés. Il donnait un coup de main d’autres manières à l’occasion à condition qu’aucun effort physique ne soit exigé de lui. Les démarches entreprises pour cultiver des fraises n’avaient pas donné de résultats satisfaisants, de sorte qu’on a décidé – en 1984 – de ne cultiver que des bleuets. Il travaillait avec Hakam à l’usine et tous les deux investissaient une partie de leur salaire dans l’entreprise agricole. Rajinder a expliqué qu’il ne se réjouissait pas des pertes constantes que la ferme subissait mais qu’il voulait que leurs familles restent ensemble et que – de toute façon – il leur fallait bien vivre quelque part. La décision de tenir bon s’est avérée sage, car le prix des baies a augmenté, ainsi que le volume de récoltes annuelles et la ferme est devenue rentable au cours des dernières années, ce qui a eu pour effet de faire augmenter la valeur des terres agricoles de la région. On a renvoyé Rajinder à un relevé de décembre 1998 établi par Fraser Valley – pièce R‑2, onglet 41, page 584 – et faisant état d’un dépôt de 13 000 $ le 19 novembre 1998. Il a affirmé ne pas pouvoir se rappeler la provenance de cette somme. Harmit s’occupait de la plupart des questions financières, notamment du règlement des comptes avec les travailleurs et de la préparation des chèques que lui et Hakam devaient signer. Il se souvient de la visite que Mmes Turgeon et Emery ont effectuée à la ferme et il était présent lors des discussions qui ont eu lieu avec Harmit et Manjit. Il est toutefois sorti pour répondre au téléphone et, lorsqu’il est revenu, Baljit était dans la pièce et elle avait l’air en colère. Il ne se souvient pas d’avoir répondu aux questions posées par Mme Turgeon ou par Mme Emery, sauf qu’il se souvient d’avoir expliqué que la ferme comportait une bleuetière d’une superficie de huit acres, ainsi que Mme Emery l’a noté à la pièce R‑8, onglet 14, page 66. Il avait présenté une demande de prestations d’assurance‑chômage au début de 1998 et il a retiré des prestations jusqu’à ce que la ferme commence à vendre des fruits. Il se souvient que, lors de la rencontre du 20 mai 1999 aux bureaux de DRHC, il a parlé des ventes effectuées au bord de la route et de la quantité de baies vendues à Hamilton Farms et à d’autres clients. En ce qui concerne les prêts consentis à la société de personnes par des amis, ses enfants ou Harmit, il a expliqué que tous les fonds étaient déposés dans le compte bancaire de la ferme et qu’ils étaient – par la suite – remboursés à partir de cette source.

 

[77]  Rajinder Singh Gill a été contre‑interrogé par Me Amy Francis. Russell Gill a interprété de l’anglais au punjabi les questions posées par Me Francis et a interprété du punjabi à l’anglais les réponses de Rajinder. L’avocate a fait remarquer à Rajinder que les revenus déclarés dans les déclarations de revenus – d’après l’état financier de 1998 de la société de personnes qui exploitait Gill Farms – ne semblaient pas comprendre toutes les ventes. Il a expliqué que toutes les ventes au comptant avaient été signalées au comptable, qui n’avait pas semblé accorder beaucoup d’importance à ces renseignements. Il a admis qu’il était possible que certains revenus n’aient pas été déclarés malgré le fait qu’il avait mentionné au comptable qu’il manquait un carnet de reçus. Il a confirmé que toutes les ventes étaient déclarées même si l’acheteur de petits fruits ne réclamait pas de reçu. Lorsqu’il a signé sa déclaration de revenus de 1998, il n’a pas vérifié l’exactitude des chiffres qui y figuraient en ce qui concerne les revenus. Il a reconnu sa signature sur sa déclaration de revenus de 1998 – pièce R‑2, onglet 47, page 775 – qui faisait état de revenus agricoles de 73 712 $. L’avocate a indiqué les sources de revenus suivantes – pièce R‑1, onglets 35‑36‑37 – : Kahlon – 42 124,48 $; Universal – 11 552,40 $; Greenfield – 8 226 $; ventes au comptant selon le carnet de reçus – 4 150 $, pour un total de 66 052,88 $. L’avocate a informé Rajinder qu’il ressortait de l’examen des livres que Gill Farms avait produit 88 450 livres de baies en 1998, ce qui équivaut à 11 056 livres l’acre et se situe au‑dessus de la production moyenne de 9 000 à 10 000 livres dans cette industrie. Rajinder a souligné que les registres en question ne tenaient pas compte des fruits nettoyés vendus à Hamilton Farms et il a expliqué que la production de baies à Gill Farms en 2004 tournait autour de 20 000 livres l’acre. L’avocate lui a rappelé que – lors de son interrogatoire préalable – il s’était engagé à fournir des renseignements au sujet des revenus des membres de la famille qui habitaient dans la même maison et elle lui a signalé qu’il n’avait pas respecté son engagement. Rajinder a admis qu’à l’interrogatoire préalable, il avait décidé de faire siennes les réponses fournies par Hakam et il a également confirmé qu’à plusieurs moments, au cours de l’interrogatoire de Hakam, on avait suspendu l’audience pour lui permettre de transmettre à Hakam des renseignements au sujet de certains aspects de l’entreprise agricole. À l’interrogatoire préalable, une série de questions ont été posées à Hakam au sujet de la somme de 110 000 $ qui, selon ce que croyait l’avocate, correspondait à la différence entre les dépôts identifiables effectués dans le compte de Gill Farms et les sources de revenus que l’on pouvait retracer. Me Francis a précisé que ces chiffres sont inexacts car la somme en litige pour ce qui est de ce présumé écart est de 87 000 $. Rajinder a expliqué que le produit d’un prêt domiciliaire avait été déposé dans ce compte. L’avocate l’a renvoyé à un document – pièce R‑1, onglet 1 – daté du 29 avril 2005 – produit conformément à un engagement – dans lequel il expliquait que les travaux de construction de la maison s’étaient achevés en juin 1997. L’avocate l’a également renvoyé à un relevé – pièce R‑2, onglet 40 – produit par Ronnie Gill – conformément à un engagement – dans lequel les détails de la disposition du produit du prêt hypothécaire de 350 000 $ étaient fournis. Suivant ce relevé – pièce R‑2, onglet 41, page 652 – le compte de Rajinder S. Gill et de son épouse Manjit K. Gill à Khalsa était à découvert de plus de 13 000 $ au 31 octobre 1998. L’avocate a renvoyé Rajinder aux notes – pièce R‑1, onglet 24, page 239 – prises au cours de la rencontre aux bureaux de DRHC à Langley le 20 mai 1999, selon lesquelles il avait expliqué qu’il transportait des ouvriers et exécutait d’autres tâches telles que la réparation des conduites d’eau, l’épandage de sciure, la réparation des perches brisées, le montage des filets et des crochets, la réparation des dommages causés aux filets, et qu’il lui arrivait de couper l’herbe, de superviser les travailleurs et d’expédier des baies. Il a confirmé qu’il avait fait ces déclarations mais qu’il avait toujours bien précisé qu’il ne pouvait pas faire de travail manuel à la ferme à cause de l’asthme dont il souffrait et que même l’exécution des fonctions qu’il avait décrites lors de cette rencontre ne prenait pas beaucoup de son temps. Il se souvient qu’il transportait des travailleurs entre une et trois fois par semaine vu que Hakam prenait ce travail en charge les samedis et les dimanches. Dans les réponses au questionnaire – pièce R‑1, onglet 20 – il est indiqué – à la page 111 – que [traduction] « c’était Rajinder S. Gill qui allait chercher les ouvriers la plupart du temps ». Rajinder a expliqué qu’il n’était pas d’accord avec l’expression « la plupart du temps », mais il a admis qu’il lui arrivait certaines semaines de faire le transport de travailleurs pour trois jours. On l’a renvoyé aux notes – pièce R‑8, onglet 14 – prises par Mme Emery au sujet de la visite effectuée par celle‑ci à la ferme en compagnie de Mme Turgeon. Dans les notes en question – page 68 – on trouve une description du travail – attribué à Rajinder – effectué à la ferme entre le mois de mars et le mois de juin. Parmi les tâches effectuées, il y a lieu de mentionner la préparation du sol, la taille des branches, la fertilisation à la main de chaque plante ainsi que d’autres tâches qui étaient effectuées par trois ou quatre travailleurs qui étaient « en attente » parce qu’ils travaillaient aussi dans d’autres fermes au même moment. Rajinder se souvient d’avoir fourni ces éclaircissements et a admis que ces faits devaient être frais à sa mémoire à l’époque – le 3 novembre 1998 – car la saison venait à peine de se terminer. Il a répété qu’il n’était pas parfaitement au courant des activités quotidiennes à la ferme. Il a confirmé que le produit de la vente des petits fruits vendus aux conserveries était déposé dans le compte de Khalsa et que l’on transférait au besoin des sommes dans le compte de Fraser Valley. Le compte de Fraser Valley servait à faire tous les paiements liés à l’exploitation de l’entreprise agricole. L’avocate a précisé qu’il ressortait d’un examen des documents comptables que Gill Farms avait été payée au complet – par chacune des conserveries – le 21 octobre 1998. Elle a demandé pourquoi l’on avait demandé à certains travailleurs d’attendre avant d’encaisser leur chèque de paye final s’il n’y avait plus de comptes impayés après cette date. Rajinder a répondu qu’il arrivait souvent que les conserveries attendent au moins jusqu’à la fin d’octobre pour payer leurs comptes et que, pour être certain que le compte contienne des fonds suffisants, on avait demandé à certaines personnes d’attendre après le 24 octobre 1998 avant d’encaisser leur chèque final. Il a toutefois admis qu’en 1998, on avait déjà reçu des fonds et qu’il n’aurait donc pas été nécessaire que les travailleurs attendent avant d’encaisser leur chèque final. L’avocate l’a renvoyé à une liste – pièce R‑2, onglet 39 – énumérant les dépôts effectués dans le compte de Fraser Valley – en 1998. Les dépôts totalisaient 172 282,64 $. En novembre, les dépôts se chiffraient à 25 822,16 $ et, en décembre, à 32 620,78 $. L’avocate a informé Rajinder que ces dépôts ne comprenaient pas d’argent payé par les conserveries ni de virements de fonds effectués dans ce compte à partir de Khalsa. Le relevé pertinent de Fraser Valley – pièce R‑2, onglet 41, page 584 – fait état d’un dépôt de 11 220,78 $ en date du 16 novembre 1998, suivi par un dépôt de 13 000 $ le 19 novembre, et d’un autre de 6 000 $ le 28 novembre. L’avocate a souligné que certains travailleurs de Gill Farms avaient retiré des sommes importantes de leur compte à peu près au même moment où ces dépôts importants avaient été effectués dans le compte de Fraser Valley. L’avocate a laissé entendre que l’on avait donné pour directives aux travailleurs de ne pas encaisser leur chèque de paye final tant qu’ils n’auraient pas payé certaines sommes à la famille Gill comme condition de leur emploi. Rajinder a nié que tel était le cas et il a expliqué que, contrairement à ce que prétendait le ministre, aucun des membres de la famille Gill n’avait jamais reçu d’argent de l’un quelconque des travailleurs.

 

[78]  Rajinder Singh Gill a été réinterrogé par sa représentante, Ronnie Gill. Il a été renvoyé à un relevé – pièce R‑2, onglet 41, page 570 – daté du 10 novembre 1998, qui concerne le compte de Fraser Valley. Il a convenu qu’à la suite du retrait effectué le 21 octobre 1998, le compte était à découvert de 5 051,01 $. Suivant le même relevé – page 657, même onglet – la somme de 12 000 $ avait été retirée du compte de Khalsa le 21 octobre 1998 et le même montant avait été déposé – page 570 – dans le compte de Fraser Valley le même jour. Le 23 octobre 1998, la somme de 5 700 $ – page 657 – a été retirée – par chèque – du compte de Khalsa et un dépôt pour le même montant a été porté au crédit – page 570 – du compte de Fraser Valley le même jour. Rajinder a convenu que le compte de la ferme à Fraser Valley avait été à découvert jusqu’à ce que ces virements – de Khalsa – soient faits. Le 7 novembre 1998, Hakam et Harmit Gill ont libellé un chèque – pour la somme de 2 520 $ – qu’ils ont établi à l’ordre de Gill Farms (compte de Fraser Valley), ainsi que l’indique le relevé (page 571). Même après que ces sommes eurent été portées à son crédit, ce compte est demeuré à découvert de 2 530,05 $ jusqu’au 4 novembre 1998. Plus tôt, un chèque daté du 15 octobre 1998 – au montant de 9 868,46 $ – qui avait été établi à l’ordre de Revenu Canada avait été débité du compte. Rajinder a expliqué qu’à son avis, si chaque travailleur avait encaissé son chèque le lendemain ou le surlendemain de sa réception, la banque aurait refusé de payer ce chèque parce que la ligne de crédit de ce compte n’était pas suffisante. Lui et son épouse – Manjit – avaient une ligne de crédit de 15 000 $ dans leur compte de Khalsa, mais suivant le relevé – onglet 41, page 613 –, il ne leur restait que 1 650 $ de marge de crédit le 31 octobre 1998 et ils ne pouvaient virer suffisamment de fonds dans le compte de Gill Farms pour l’aider à combler son manque de liquidités. Au 31 décembre, la limite de 15 000 $ de cette ligne de crédit avait été dépassée de 111 $. Suivant le relevé – onglet 41, page 709 – Hakam S. Gill et Manjit K. Gill avaient encore 2 220,70 $ dans une ligne de crédit, et une autre ligne de crédit – page 712 – fixée à 10 000 $ avait été utilisée en entier de sorte qu’il n’y avait plus de fonds disponibles de cette source. Rajinder a expliqué que la famille Gill avait de la difficulté à payer ses dépenses à l’époque et qu’elle avait recouru à diverses sources de crédit en plus d’emprunter de l’argent à des amis au cours de la saison 1998. Il a confirmé que c’était à tort qu’il avait, à l’interrogatoire préalable, déclaré que des fonds avaient été reçus par suite de la négociation d’un prêt hypothécaire sur une nouvelle maison, puisque les travaux de construction de cette maison étaient achevés depuis 1997.

 

[79]  Ronnie Gill a expliqué que ce qui précède constituait la totalité de la preuve et des arguments invoqués pour le compte des appelants et des deux intervenants, sous réserve de toute contre‑preuve autorisée par la Cour.

 

[80]  James Paul Blatchford (« M. Blatchford ») a été cité comme témoin par l’avocate de l’intimé, Me Shawna Cruz. Ronnie Gill – la représentante des appelants et des intervenants – a fait savoir à la Cour qu’elle reconnaissait la compétence et les titres et qualités de M. Blatchford comme juricomptable, ainsi qu’il est précisé à la pièce R‑16. M. Blatchford est titulaire d’une maîtrise en administration des affaires de l’Université de la Colombie‑Britannique (1986) et il est comptable en management accrédité (1992) et a été reconnu comme « Certified Fraud Examiner » (examinateur agréé en matière de fraudes) (1994) par l’Association of Certified Fraud Examiners d’Austin, au Texas. Entre 1974 et 1988, il a servi au sein de la Gendarmerie royale du Canada et en 1982, il a été affecté à la section des délits commerciaux de Vancouver, où il a mené de nombreuses enquêtes en matière de crimes économiques, tels que le vol, la fraude et autres délits commis par des employés. M. Blatchford a par conséquent été reconnu comme un expert dans le domaine de la juricomptabilité et la vérification des documents comptables des entreprises. M. Blatchford a reconnu le rapport – pièce R‑17 – qu’il avait lui‑même rédigé en tant que chargé de mission avec l’aide de son personnel du cabinet d’experts‑comptables Lindquist Avey Macdonald Baskerville (« Lindquist »). Il est actuellement le président de James P. Blatchford Consulting Limited et le rapport en question a été transmis à l’avocate avec une lettre de présentation – pièce R‑18 – sur laquelle figurait l’en‑tête de ce cabinet. M. Blatchford a expliqué que Mme Turgeon, de DRHC, avait communiqué avec lui au printemps 1999. Lui et une associée – Maryann Hamilton, comptable agréée – ont rencontré Mmes Turgeon et Emery, qui leur ont fourni des détails au sujet de l’enquête qu’elles avaient menée relativement aux activités commerciales de Gill Farms et lui ont expliqué l’aide dont elles avaient besoin pour interpréter certaines des activités commerciales consignées dans un grand nombre de documents et d’écritures de l’entreprise et des banques. M. Blatchford a expliqué que le bureau de DRHC lui avait fourni des copies des annexes, des dossiers fiscaux des dirigeants de Gill Farms, des fiches de cueillette, des livres de paye et des documents bancaires. Il a examiné ces documents et a commencé son analyse. Pour se faire une idée de la situation financière de l’entreprise agricole, il a examiné les déclarations de revenus de Hakam Singh Gill et de Rajinder Singh Gill pour les années d’imposition 1994 à 1998 inclusivement. Il a communiqué avec Mmes Turgeon et Emery pour leur réclamer des renseignements complémentaires. En compagnie de Mme Hamilton, il s’est présenté aux bureaux de DRHC à Langley le 20 mai 1999, pour assister à une rencontre à laquelle Mmes Turgeon et Emery avaient convié les frères Gill et leurs épouses, ainsi que le comptable Paul Wadhawan. Une interprète parlant le punjabi – Nav Chohan – était présente du début à la fin. La rencontre a eu lieu dans une salle de conférence et les participants étaient assis autour d’une longue table. Mme Turgeon présidait la séance et des questions étaient adressées aux divers membres de la famille Gill. Le rapport – pièce R‑17 – n’avait pas encore été rédigé, mais certains de ses éléments, tels que les annexes et les tableaux, étaient déjà faits. M. Blatchford se souvient que la réunion a duré environ deux heures. Son associée – Mme Hamilton – a noté les questions qui avaient été posées, ainsi que les réponses données par les membres de la famille Gill. M. Blatchford estime que Mme Turgeon a dirigé la réunion d’une manière professionnelle et cordiale. M. Blatchford a expliqué que le type de rapport était conforme à l’usage suivi chez Lindquist. Ainsi qu’il est expliqué à la page 2 de ce rapport, il a conclu que Gill Farms (désignée dans ce rapport sous les initiales « RH » ou sous le nom de [traduction] « la ferme ») s’était retrouvée avec des sorties nettes de fonds de 218 553 $ pour la période comprise entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1998 inclusivement. Il a établi – annexe 1A du rapport – un tableau comparatif des résultats annuels d’exploitation de l’entreprise agricole. Il a constaté que Gill Farms s’était retrouvée avec une « marge bénéficiaire brute négative » si l’on considérait que les charges salariales constituaient les seuls frais variables, ce qui l’a amené à conclure que la ferme n’avait pas réalisé un bénéfice brut mais qu’elle avait plutôt subi des pertes d’exploitation imputables aux salaires et ce, même avant de tenir compte des autres charges d’exploitation. Le montant affecté aux salaires et avantages sociaux est passé de 33 275,55 $, en 1994, à 89 438 $, en 1998. Au cours de ces mêmes années, les recettes tirées de la vente des petits fruits se chiffraient respectivement à 23 072,60 $ et 73 712 $. M. Blatchford a établi l’annexe 1B, un tableau comparatif des produits qui ne tient pas compte des charges salariales et notamment des salaires versés aux épouses. À l’annexe 1C, il a exclu ou « supprimé » le salaire versé aux épouses des associés – Harmit et Manjit – et a estimé que la ferme se retrouvait quand même avec une marge bénéficiaire brute négative de 8 739 $ pour la période à l’examen et ce, avant de tenir compte des autres frais d’exploitation. Toutefois, en utilisant cette méthode, le reste du salaire versé aux employés sans lien de dépendance n’excédait pas les produits générés par les ventes en 1994, 1996 et 1998. Il y avait quand même d’autres charges d’exploitation à payer. À son avis, cette entreprise agricole ne pouvait être rentable parce que la vente de bleuets ne pouvait lui assurer de rentrées nettes de fonds. Compte tenu des réalités économiques, il aurait été de façon générale moins coûteux pour Gill Farms de laisser les fruits dépérir sur les branches, car les coûts de récolte excédaient les produits générés par les ventes entre 1994 et 1998. À son avis, les autres charges d’exploitation étaient raisonnables. Grâce aux renseignements qu’il avait obtenus de la famille Gill, il savait que la ferme était déficitaire chaque année depuis 1981 et qu’avant de convertir toute la superficie de la ferme en bleuetière, on y avait cultivé des fraises, des framboises et des légumes. Il a expliqué qu’il était évident qu’il fallait injecter d’importants capitaux dans l’entreprise agricole pour la rendre économiquement viable. Il était évident que cet argent devait provenir de sources extérieures pour que l’entreprise agricole puisse se poursuivre d’année en année. À l’annexe 2 – onglet 2 du rapport – il énumère toutes les sources de revenus de Rajinder Singh Gill et de son épouse – Manjit Kaur Gill – et de Hakam Singh Gill et de son épouse, Harmit Kaur Gill. Au cours de la période comprise entre 1994 et 1998, les revenus totaux de ces quatre membres de la famille Gill se chiffraient à 461 437 $, à l’exclusion des revenus tirés de la ferme. Au cours de la même période, la ferme accusait un déficit de 207 564,93 $, ainsi qu’il est indiqué à l’annexe 1A. M. Blatchford a souligné que ce déficit était réel et qu’il n’était pas constitué de coûts périphériques tels que l’amortissement fiscal. Il a également examiné le registre quotidien – pièce R‑1, onglet 32 – établi par Harmit Kaur Gill pour la période du 18 mai au 26 septembre 1998 inclusivement. Il se souvient que Harmit lui avait expliqué – lors de la rencontre du 20 mai 1999 aux bureaux de DRHC – qu’elle inscrivait les heures travaillées le soir – de mémoire – et qu’elle transcrivait ces chiffres – périodiquement – sur les feuilles de paye étant donné que c’est elle qui était chargée de cette fonction. Dans le même ordre d’idées, M. Blatchford a expliqué qu’il s’attendait à ce que les données inscrites dans le registre correspondent à celles figurant sur les feuilles de paye individuelles et il a rappelé que Harmit avait convenu qu’il devait en être ainsi lorsque la question avait été abordée lors de la rencontre du 20 mai 1999. M. Blatchford a cité la feuille de paye – pièce R‑8, onglet 21 – de Manjit Kaur Sidhu, une ouvrière qui n’est pas au nombre des appelants dans la présente instance. Selon ce document, Mme Sidhu a travaillé huit heures ou huit heures et demie chaque jour entre le 18 mai et le 26 septembre 1998. Son nom ne figure toutefois pas dans le registre quotidien déposé en preuve (pièce R‑1, onglet 32). M. Blatchford a expliqué que cette omission lui avait paru étrange, car Harmit avait expliqué la procédure qu’elle suivait en transcrivant périodiquement les données du registre dans les livres de paye en question. Il a par conséquent commencé à avoir des doutes au sujet de la fiabilité de ces documents. Selon les renseignements qui lui avaient été communiqués, il avait été question de taille qu’aurait effectuée Himmat Singh Makkar à la fin de la saison, mais le relevé d’emploi indiquait que M. Makkar avait été mis en disponibilité le 29 août 1998. Lors de la rencontre aux bureaux de DRHC, Hakam Singh Gill a confirmé que cette date était exacte et il a convenu que M. Makkar ne pouvait avoir aidé aux travaux de taille. En examinant les feuilles de paye, M. Blatchford a constaté que neuf des quinze employés rémunérés à l’heure avaient travaillé huit heures, huit heures et demie ou neuf heures par jour, tandis que les six autres travailleurs de ce groupe avaient travaillé huit heures par jour. Il a considéré qu’il s’agissait d’une anomalie et a fait remarquer que, dans certains cas, l’abréviation [traduction] « h » était inscrite dans une case à côté du chiffre, tandis que les autres inscriptions ne faisaient état que du chiffre. Il a émis l’hypothèse que les feuilles de paye aient pu avoir été créées par la suite et non au fur et à mesure par la transcription des données du registre où les heures travaillées par chacun des employés étaient censées avoir été inscrites. À son avis, les écritures n’étaient pas effectuées de façon régulière dans les feuilles de paye des travailleurs parce que ces heures sont trop uniformes et qu’il semble qu’on ait utilisé le même instrument pour écrire pendant toute la durée de cette longue période. Aux annexes 3A et 3B – onglet 3 – M. Blatchford résume les heures travaillées chaque mois de mai à septembre par les travailleurs payés à l’heure, à l’exclusion de tout travail exécuté par les personnes qui ont été désignées, selon le cas, comme des cueilleurs occasionnels ou contractuels ou des travailleurs payés à la pièce. Il a conclu que les travailleurs payés à l’heure avaient effectué en tout 9 868 heures pendant toute la durée de la saison agricole, et que 5 623 de ces heures avaient été effectuées au cours de l’époque de la cueillette des petits fruits et 4 245 en dehors de cette période. Suivant ces chiffres, 43 % du total des heures avait été consacrées à l’exécution de tâches autres que celles afférentes à la cueillette des petits fruits. À l’annexe B, il a tenu compte des heures – 1 245 – effectuées par les cueilleurs contractuels pour en arriver au total d’heures – 6 868 – travaillées par tous les employés au cours de la saison de la récolte des petits fruits, ce qui a porté à 11 113 le chiffre total des heures effectuées pour toute la durée de la saison agricole. M. Blatchford a entrepris d’analyser les heures travaillées par les employés et a établi les annexes 4 à 8 inclusivement, dans lesquelles il précise le nombre total d’heures effectuées chaque mois – de mai à septembre inclusivement – par chacun des employés rémunérés à l’heure. Il a préparé un document de trois pages – annexe 9, onglet 9 – dans lequel il a utilisé la quantité de baies livrées aux fournisseurs pour pouvoir répartir les quantités cueillies par jour entre les travailleurs rémunérés à l’heure et ceux qui étaient payés à la pièce entre le 17 et le 31 mai 1998. Les quatre pages de l’annexe 10 – onglet 10 – portent sur la période comprise entre le 1er et le 30 juin. L’annexe 11 – quatre pages, onglet 11 – vise la période du 1er au 31 juillet et les quatre pages de l’annexe 12 – onglet 12 – concernent tout le mois d’août 1998. Ainsi qu’il est précisé à la page 4 de cette annexe, Gill Farms a livré 46 082 livres de baies aux conserveries et aux acheteurs qui l’avaient payée comptant. Pour établir les annexes 9 à 13 inclusivement, M. Blatchford et son personnel ont utilisé les fiches de cueillette qui avaient été remises aux divers travailleurs payés à la pièce. On a constaté que les travailleurs de cette catégorie avait cueilli au total 11 228 livres de petits fruits en août 1998, de sorte qu’il était permis de penser que les travailleurs rémunérés à l’heure devaient avoir cueilli les 34 854 livres restantes. M. Blatchford a expliqué qu’il avait examiné les feuilles de paye des travailleurs censés avoir été payés à l’heure et qu’il a constaté que en tant que groupe – ils avaient travaillé en tout 3 501 heures en août. Pour pouvoir calculer la quantité de baies cueillies à l’heure par les travailleurs payés à l’heure, il a éliminé les jours où on n’avait pas expédié de baies. D’après les renseignements que lui avaient communiqués les Gill, il croyait comprendre que ceux‑ci préféraient livrer les fruits chaque jour pour assurer la meilleure qualité possible. Comme les travailleurs payés à la pièce étaient rémunérés uniquement en fonction de leur production, il ne savait pas combien de livres ils cueillaient à l’heure, mais il avait appris des Gill, lors de la rencontre tenue aux bureaux de DRHC, que ces travailleurs cueillaient habituellement 17,5 livres l’heure en moyenne. À la page 20 de son rapport, M. Blatchford explique que les membres de la famille Gill l’avaient informé qu’ils s’attendaient à ce que chaque travailleur cueille entre 15 et 20 livres l’heure. Ainsi qu’il est précisé à l’annexe 11, la quantité moyenne de livres de fruits cueillis par les travailleurs payés à l’heure – en juillet – était de 14 livres l’heure. En août, cette production tombait à moins de dix livres l’heure, ainsi qu’il est précisé à l’annexe 12. M. Blatchford a expliqué qu’il semblait y avoir des jours où le total de livres cueillies aurait été négatif, ainsi qu’il est précisé aux annexes 11 et 12. Il a cité l’exemple du 17 juillet 1998, où 248 livres de baies ont été vendues. Or, suivant les documents comptables de Gill Farms, les travailleurs payés à la pièce avaient cueilli 530 livres ce jour‑là. Pourtant, les feuilles de paye indiquaient que huit employés rémunérés à l’heure avaient également travaillé le 17 juillet. Il a relevé des résultats semblables pour d’autres dates de juillet et d’août, notamment le 24 août, où la quantité moyenne de livres de baies cueillies était de moins 24 pour chacun des employés rémunérés à l’heure. Selon les livres de paye, 15 employés rémunérés à l’heure avaient travaillé ce jour‑là et, suivant les renseignements extraits des fiches de cueillette, les travailleurs payés à la pièce avaient cueilli 414 livres de petits fruits. Le 26 août, aucun petit fruit n’a été livré et les travailleurs payés à la pièce en ont cueilli 190 livres. Là encore, les livres de paye indiquent que 15 cueilleurs rémunérés à l’heure travaillaient ce jour‑là. M. Blatchford a expliqué qu’il n’était pas logique, sur le plan économique, pour Gill Farms d’engager 15 travailleurs à l’heure, alors que chacun d’entre eux n’avait cueilli que 27 livres de petits fruits le 18 août 1998. D’après l’annexe 12 – page 1 –, le 5 août 1998, les travailleurs rémunérés à l’heure ont chacun cueilli en moyenne cinq livres de petits fruits à l’heure. M. Blatchford a calculé que, seulement pour pouvoir payer le salaire des cueilleurs, il aurait fallu que Gill Farms établisse le prix des baies entre 1,50 $ et 1,80 $ la livre et ce, sans même tenir compte de toutes les autres charges d’exploitation. L’examen des documents comptables indique toutefois que le prix que Gill Farms touchait variait entre 75 cents et 95 cents la livre dans le cas des conserveries et entre 1,25 $ et 1,35 $ la livre dans le cas des acheteurs qui payaient comptant. Ces renseignements ont amené M. Blatchford à conclure que soit un nombre important de ventes de fruits n’avaient jamais été comptabilisées, soit les feuilles de paye n’étaient pas fiables. Les Gill lui avaient indiqué que des ventes totalisant environ 4 000 $ n’avaient jamais été comptabilisées. Lorsque l’avocate lui a demandé quelle incidence aurait sur ses calculs la preuve que 5 000 livres de baies de plus avaient été cueillies – 2 500 livres en juillet et la même quantité en août – M. Blatchford a répondu que les conséquences seraient négligeables, parce qu’il s’agissait de moins de 100 livres par jour. On lui avait également expliqué que les heures de travail effectuées par chaque employé rémunéré à l’heure avaient été consignées dans le registre. M. Blatchford a affirmé qu’il était absurde, sur le plan financier – à son avis – de verser un salaire horaire à 15 personnes qui cueilleraient cinq ou six livres l’heure pendant plusieurs jours en haute saison alors que, d’autres jours, un nombre moins élevé d’employés – peut‑être une dizaine – avaient pu cueillir entre 23 et 38 livres l’heure. Il considérait que la production de baies de Gill Farms se situait dans la moyenne de l’industrie, du moins selon le manuel du ministère de l’Agriculture. M. Blatchford a signalé que, suivant les feuilles de paye, trois employés rémunérés à l’heure avaient travaillé au moins sept heures chaque jour entre le 1er juin et le 26 septembre 1998, pour un total de 118 jours consécutifs. Or, suivant les reçus délivrés lors de ventes de bleuets et les bordereaux de livraison, la saison de cueillette des bleuets s’était étendue du 2 juillet au 4 septembre 1998, une période de 65 jours. Pour effectuer son analyse, M. Blatchford a formulé l’hypothèse que Manjit Kaur Gill et Harmit Kaur Gill avaient toutes les deux cueillies des baies de façon régulière. Il a convenu que, si cette hypothèse n’était pas fondée, le fait de ne pas tenir compte de ces deux personnes dans ses calculs aurait pour effet d’augmenter la quantité moyenne de baies cueillies chaque jour ou à l’heure par les travailleurs payés à l’heure. À titre d’exemple, la quantité moyenne de baies cueillies à l’heure le 18 août – annexe 12, page 3 – était de trois livres par travailleur. En éliminant Harmit et Manjit de ce groupe, la moyenne monte à 3,5 livres l’heure. M. Blatchford a convenu que, parce qu’il avait tenu pour acquis que Harmit et Manjit étaient des cueilleuses régulières, le fait de les exclure de cette catégorie ferait monter d’environ 15 % la production moyenne des autres cueilleurs. M. Blatchford a expliqué que, lorsqu’il avait élaboré son rapport, on ne lui avait pas communiqué de renseignements qui l’auraient porté à conclure que Harmit et Manjit s’étaient adonnées à d’autres tâches que la cueillette de petits fruits, parce qu’il était bel et bien mentionné dans les pièces que chacune d’entre elles avait effectué ce travail. On lui a cité les notes – pièce R‑19 – prises par son associée – Mme Hamilton – lors de la rencontre du 20 mai 1999 aux bureaux de DRHC. Mme Hamilton avait inscrit sous la rubrique « Manjit » la mention [traduction] « fait aussi de la cueillette » en notant les fonctions qu’elle exerçait. La mention [traduction] « cueille des petits fruits » faisait partie de l’énumération des tâches effectuées par Harmit. M. Blatchford se souvient que, lors de cette rencontre, Rajinder Singh Gill a parlé des tâches qu’il effectuait à la ferme et qu’il a estimé entre 120 et 160 livres la production moyenne normale d’un cueilleur. Lors de cette rencontre, Rajinder avait également raconté l’histoire de l’entreprise agricole et parlé des difficultés qu’ils avaient eues au fil des ans et qui s’étaient soldées par des pertes à l’égard desquelles lui et Hakam avaient demandé des déductions dans leurs déclarations de revenus. M. Blatchford a expliqué qu’il avait pris ses propres notes lors de cette rencontre et qu’il avait également pris connaissance des notes de Mme Hamilton qui, outre le fait qu’elles étaient beaucoup plus claires, confirmaient ses propres observations. À la page 24 du rapport – pièce R‑17 – se trouve une liste des chèques établis à l’ordre de Hardeep S. Gill et de Kulwant S. Gill qui avaient été tirés sur le compte de Fraser Valley dont Gill Farms se servait pour son entreprise. Aucun de ces paiements n’a été comptabilisé sur les feuilles de paye ou les relevés d’emploi. M. Blatchford a expliqué que le fait de verser un salaire à Harmit et à Manjit avait eu pour effet d’augmenter les pertes de l’entreprise agricole que Rajinder et Hakam avaient appliquées en réduction de leurs autres revenus. Il a convenu qu’au cours d’une année d’imposition, il n’aurait pas été utile pour Rajinder de demander la déduction d’une perte agricole parce que ses autres revenus étaient trop faibles. En tant qu’employées, Harmit et Manjit devenaient ainsi admissibles à des prestations d’assurance‑chômage ce qui, suivant M. Blatchford, était avantageux pour toute la famille Gill.

 

[81]  James Blatchford a été contre‑interrogé par Ronnie Gill. M. Blatchford a expliqué qu’il avait pu consulter les documents originaux, dont des copies ont été versées au dossier (pièce R‑2, onglet 36, pages 412 à 448). Il a tenu pour acquis que les renseignements – y compris le nombre de livres – inscrits sur les bordereaux de livraison étaient exacts. M. Blatchford a admis que les ventes supplémentaires d’environ 7 000 $ déclarées par Rajinder et Hakam dans leur déclaration de revenus de 1998 – par suite de l’incorporation des états financiers de Gill Farms pour la même année – permettait de penser que 6 000 livres de baies de plus avaient été cueillies et qu’elles avaient été vendues directement à de petits commerces ou à des kiosques de fruits. Il a expliqué que – se fiant aux renseignements dont il disposait – il avait tenu pour acquis que tous les employés rémunérés à l’heure se consacraient exclusivement à la cueillette des petits fruits à l’époque de la cueillette. Il a convenu que, si certains travailleurs avaient exécuté d’autres tâches telles que la réparation des filets ou le nettoyage des baies sur le convoyeur à bande, ses calculs auraient été différents. Pour établir l’annexe 1C – onglet 1 – de son rapport, M. Blatchford a exclu le salaire versé à Harmit et à Manjit pour comparer les recettes totales de la famille Gill sans tenir compte des dépenses afférentes à la ferme. Il a convenu qu’en tenant compte de ces chiffres dans ses calculs, la famille aurait disposé de 17 300 $ pour subvenir à ses besoins. M. Blatchford a convenu que la famille Gill aurait eu des revenus d’environ 50 000 $ après déduction des pertes subies par la ferme en 1998. On n’avait porté à sa connaissance aucun renseignement qui permettait de savoir si le fils et la fille de Hakam travaillaient ou s’ils contribuaient aux dépenses du ménage. M. Blatchford a convenu qu’en 1995 et en 1996, Hakam et Rajinder avaient été autorisés à demander seulement des déductions pour pertes agricoles restreintes en vertu des dispositions applicables de la Loi de l’impôt sur le revenu et que cette restriction les aurait empêché de retirer un avantage appréciable et ce, même en tenant compte du salaire versé à Harmit et à Manjit, qui totalisait environ 15 000 $. M. Blatchford a souligné qu’en 1997 et en 1998, le ministre avait autorisé la déduction de la totalité des pertes provenant de l’entreprise agricole et que le salaire payé aux épouses aurait eu pour effet d’augmenter le montant des pertes, permettant ainsi à Hakam et à Rajinder de déduire un montant plus élevé des autres revenus. Ronnie Gill a informé M. Blatchford que Harmit Kaur Gill avait produit le registre quotidien – pièce R‑1, onglet 32 – pour répondre à ce qu’elle croyait être une demande de DRHC. M. Blatchford a répondu qu’il croyait comprendre que les écritures avaient été faites régulièrement dans ce registre même si certains retards se produisaient lorsque la saison battait son plein.

 

[82]  James Blatchford a été réinterrogé par Me Shawna Cruz, avocate de l’intimé. S’agissant de la pièce R‑19, page 2 – les notes prises lors de la rencontre du 20 mai 1999 tenue aux bureaux de DRHC – Mme Hamilton avait noté que Harmit avait déclaré qu’elle faisait les écritures requises dans le registre [traduction] « chaque jour » et qu’elle les transcrivait en détail sur les feuilles de paye [traduction] « quand elle en avait le temps ». M. Blatchford se souvient qu’on disposait du registre quotidien – pièce R‑1, onglet 32 – lors de cette rencontre et que le fait qu’on le citait l’a amené à penser que, lorsque Harmit expliquait comment elle consignait les heures effectuées par les travailleurs, c’est à ce document qu’elle se reportait.

 

[83]  Mark Sweeney a été interrogé par l’avocate de l’intimé, Me Amy Francis. Il a expliqué qu’il travaille pour le ministère de l’Agriculture et des Terres de la Colombie‑Britannique (« le Ministère ») comme spécialiste de l’industrie des petits fruits. Il est titulaire d’un baccalauréat en sciences de l’Université de la Colombie‑Britannique et il est agrologue professionnel (P.Ag.). Pour obtenir ce titre, il faut être titulaire d’un diplôme dans un domaine spécialisé de l’agriculture et posséder au moins trois années d’expérience dans le domaine. Il faut également suivre des cours de perfectionnement chaque année. M. Sweeney a expliqué qu’il travaille pour le Ministère depuis 27 ans et qu’à ses débuts, en 1978, il était directeur des jardins collectifs ou communautaires et qu’il était technicien de serre. Il est devenu un spécialiste en légumes, poste qu’il a occupé pendant 17 ans avant de prendre ses fonctions actuelles, en 1998. Lorsqu’il travaillait comme spécialiste en légumes, il a rencontré plusieurs cas d’agriculteurs qui cultivaient aussi des petits fruits. Bien qu’il existe en Colombie‑Britannique plus d’un millier de fermes où l’on cultive les petits fruits, M. Sweeney est le seul spécialiste de l’industrie des petits fruits qui travaille pour le Ministère et il est chargé d’informer les producteurs de toute la province. Il s’occupe de tous les aspects de la production, à partir du choix et de l’évaluation des variétés jusqu’aux questions touchant à la gestion du sol, la nutrition, la fertilisation, la lutte contre les mauvaises herbes et les ennemis des cultures, la gestion des récoltes et d’autres questions relevant de l’industrie agricole et horticole.

 

[84]  Compte tenu des études, de l’expérience et des titres professionnels de M. Sweeney, l’avocate a demandé à la Cour de le reconnaître comme expert. La représentante des appelants et des intervenants, Ronnie Gill, n’a pas élevé d’objection. En conséquence, M. Sweeney a été reconnu comme expert du domaine de la culture et de la récolte des petits fruits ainsi que de questions connexes et, en conséquence, capable d’offrir une preuve sous forme d’opinion à cet égard. M. Sweeney a reconnu le rapport pièce R‑20 – qu’il a établi à la demande des avocates du défendeur. Dans ce rapport, il déclare que le gros de la récolte de bleuets a commencé le 5 juillet 1998 pour se terminer au plus tard le 9 septembre. Cependant, il s’est récolté un peu de bleuets de variétés hâtives à la fin juin et un peu de bleuets d’une variété tardive Elliot  début octobre. Afin d’établir ces dates, M. Sweeney a contacté des conditionneurs et des transformateurs, pour déterminer, à partir de leurs dossiers, les dates de première et de dernière livraisons des fruits dans une saison. D’après son expérience, lorsque débute la saison, les fruits vendus à de gros conditionneurs et à de grosses conserveries sont cueillis et expédiés la journée même, tandis que les fruits destinés aux petits marchés peuvent être récoltés en quantités limitées jusqu’à une semaine d’avance. M. Sweeney a déclaré que la variété la plus commune dans la vallée du Fraser est Blue Crop, suivie de Duke, mais en 1998, la variété Duke n’était pas si répandue. Bien que l’on ait cultivé de nombreuses variétés dans la vallée du Fraser, en 1998, environ 60 % des bleuets étaient des Blue Crop. M. Sweeney a déclaré que la Northland était une variété mineure, qui représentait probablement moins de 3 % de la production totale. Dixie était une variété encore plus ancienne, peu cultivée localement. Pour ce qui concerne la maturation des fruits, la variété Duke est la plus hâtive, suivie de Northland, de Blue Crop, puis de Dixie. Cependant le phénomène se superpose considérablement dans le temps parce les fruits ne mûrissent pas tous simultanément, de sorte qu’à un moment donné, dans la saison, on pourrait cueillir à la même date des fruits des quatre variétés susmentionnées. M. Sweeney a déclaré qu’on effectue également plus d’une cueillette de chaque variété parce que les fruits mûrissent sur une longue période. Il a précisé que le prix est décidé par le marché et qu’il oscille d’après les quantités récoltées et les aléas de l’industrie ailleurs en Amérique du Nord. Souvent, les variétés les plus hâtives commandent un bon prix, mais à mesure que les quantités récoltées augmentent, les prix réagissent en diminuant. À la fin de la saison, quand les quantités récoltées diminuent, les prix augmentent de nouveau. À son avis, le prix de la livre de bleuets dépend davantage du moment dans la saison que de différences entre les variétés. Pour ce qui concerne la question des rendements en 1998, M. Sweeney a déclaré qu’ils ont été supérieurs à la normale. À sa connaissance, il existe toujours un grand écart de rendement d’une bleuetière à l’autre, selon l’âge du peuplement, la variété, la méthode de récolte, les conditions météorologiques locales, le type de sol et le mode d’exploitation choisi par le producteur. Il s’ensuit que les rendements peuvent varier de deux à douze tonnes par acre. Une bleuetière de la variété Blue Crop bien exploitée, à maturité, devrait produire régulièrement cinq à huit tonnes par acre si la cueillette est manuelle. Les jeunes plantes ne produisent pas autant de fruits que les vieilles, mais, après sept à dix ans, leur rendement atteint un maximum, après quoi la production plafonne. Cependant, les rendements d’une bleuetière peuvent varier énormément en raison des conditions météorologiques et d’autres facteurs. M. Sweeney a déclaré que les bleuetiers peuvent durer presque indéfiniment si la culture est bien exploitée et il connaît une bleuetière de Richmond, en Colombie‑Britannique, qui est exploitée depuis les années 1930. Des variétés telles que Blue Crop sont considérées comme de haut rendement. De vieilles variétés, notamment Dixie, ne sont pas aussi productives et, en conséquence, elles sont boudées par les producteurs. Le rendement peut varier considérablement d’année en année et d’une exploitation à l’autre. La récolte manuelle est d’un rendement meilleur que la récolte mécanique. Les bleuets sont une culture résistante, qui s’accommode de différents types de sols, mais, dans les sols lourds, argileux, compacts ou extrêmement sableux ou rocheux, la croissance est difficile. M. Sweeney a déclaré qu’il considérait le mode d’exploitation de la culture comme le facteur à lui seul le plus important d’un bon rendement, parce que la production de bleuets ou toute autre culture est une tâche exigeante. Beaucoup de facteurs jouent, notamment la taille, la fertilisation et la lutte contre 15 types d’ennemis de la culture outre les mauvaises herbes. Le producteur idéal réalise une large gamme de travaux de la bonne façon, au bon moment, et il les modifie ou les adapte aux exigences de la culture. Une taille inopportune nuit au rendement tout comme un désherbage inefficace. L’avocate a renvoyé M. Sweeney à une des fiches d’information page 5  annexée à son rapport ainsi qu’au paragraphe intitulé [traduction] « 6e étape » sur l’augmentation des profits annuels grâce à l’augmentation des rendements par suite de l’installation de filets. Dans le paragraphe en question, on lit qu’une plantation bien conduite de la variété Blue Crop arrivée à maturité peut donner de 18 000 à 20 000 livres par acre si la récolte est manuelle, bien que le rendement moyen de l’ensemble des variétés dans l’ensemble de l’industrie soit d’environ 9 000 livres par acre. M. Sweeney a reconnu que, selon l’information communiquée aux producteurs, les rendements étaient très variables. Il a expliqué que le Ministère ne voulait pas induire les agriculteurs en erreur – particulièrement les producteurs potentiels  en faisant miroiter des résultats foncièrement utopiques, rarement obtenus, sauf par les bons producteurs pendant les bonnes années. À une question du juge, M. Sweeney a répondu que 5 % des producteurs feraient partie de l’élite qui a obtenu de hauts rendements. Il a déclaré qu’il fallait non seulement posséder de l’expérience, mais, également, pouvoir gérer une ferme de façon efficace et prendre toutes les mesures nécessaires à l’obtention d’une bonne récolte. Pour ce qui concerne la production journalière des cueilleurs, M. Sweeney a déclaré que, d’après son expérience de spécialiste et d’après les renseignements reçus des producteurs, un cueilleur d’expérience travaillant dans une bonne bleuetière pouvait cueillir 400 livres de bleuets par jour. Cependant, la capacité de cueillette varie énormément selon la personne et, ce qui est des plus importants, selon la bleuetière, parce que, pour cueillir beaucoup de fruits, ceux‑ci doivent être gros, uniformément mûrs, et la bleuetière doit se prêter à ce travail. Les quantités cueillies quotidiennement dépendent également du moment dans la saison. La plupart des cueilleurs préfèrent la variété Duke, plus ramassée, peu feuillue, au fruit gros et à la maturation mieux synchronisée, qui se cueille par grosses grappes : elle a un haut rendement pondéral journalier. M. Sweeney a répété que cette variété, commune aujourd’hui, n’était pas aussi répandue en 1998. Il a déclaré que, compte tenu de tous les facteurs, la plupart des cueilleurs auraient un rendement quotidien, sur huit ou neuf heures de travail, de 200 à 400 livres. La variété Blue Crop, de cueillette facile également, permettrait un haut rendement journalier de cueillette, tandis que la Northland, bien que de bon rendement, était plus feuillue, ce qui tendait à ralentir la cueillette. Dixie, variété tardive, n’avait pas particulièrement un haut rendement, et les cueilleurs n’en tireraient pas autant qu’avec les autres variétés. L’avocate a renvoyé M. Sweeney à l’annexe  page 15 de son rapport intitulée [traduction] « Hypothèses sur une production maximale de bleuets, avec cueillette manuelle, dans la vallée du Fraser » dans laquelle le rendement visé d’une production maximale est de 12 800 livres à l’acre. Sous la rubrique suivante, intitulée [traduction] « Analyse de sensibilité », un rendement de 8 000 livres à l’acre est qualifié de faible, 10 000 livres de moyen et 15 000 livres d’élevé. M. Sweeney a déclaré que ces hypothèses se fondaient sur la production de bleuetiers ayant atteint l’âge de la maturité, entre 7 et 10 ans. Sur la question de la rentabilité, la fiche d’information page 16 – intitulée [traduction] « Exemple de bilan d’exploitation et feuille de calcul » s’est fondée sur trois prix des bleuets à la livre, selon que le produit est vendu pour le marché du frais, est destiné à la transformation ou est vendu à la ferme, qui, multipliés par le rendement visé de 12 800 livres à l’acre, donnent un revenu de 9 752 $. Sur cette fiche, on trouve une énumération détaillée des dépenses projetées, qui totalisent 8 427 $ à l’acre. Le résultat final – dit [traduction] « marge sur coûts variables »  est de 1 335 $ à l’acre, mais il ne tient pas compte des dépenses en intérêt, de la dépréciation ni d’autres frais généraux qui réduiraient le bénéfice avant impôts à 1 000 $ à l’acre. Si quelqu’un cultive huit acres, son bénéfice net avant l’impôt serait de 8 000 $ sans tenir compte du travail fourni par l’exploitant. M. Sweeney a déclaré que la majoration des prix des bleuets frais qui les a propulsés à 1,20 $ ou plus la livre au cours des quelques dernières années était la cause de l’augmentation des revenus à l’acre et qu’elle aurait amélioré les profits. Cependant, la main‑d’œuvre est restée chère, et de plus en plus de producteurs mécanisaient la récolte afin de réduire les charges d’exploitation. À la page 2, paragraphe 3 de son rapport, M. Sweeney a traité de la question des besoins en main‑d’œuvre, qui varient énormément d’une bleuetière à l’autre en vertu de plusieurs facteurs. La cueillette manuelle est l’opération qui prend le plus de temps et, à son avis, elle se fait à la pièce. À son avis, l’opération agricole payée à l’heure la plus importante serait la taille d’hiver, qui, selon les estimations du Ministère, exigerait 65 heures à l’acre de bleuetière. D’après l’expérience de M. Sweeney, presque tous les producteurs payent les cueilleurs à la pièce. Il reconnaît cependant qu’il puisse se pratiquer une forme de récolte pour des marchés particuliers qui ne rétribue pas suffisamment le travailleur à la pièce, de sorte qu’un salaire horaire serait plus approprié. À son avis, cette situation se présenterait très rarement, et il n’a jamais observé ce scénario dans son travail au Ministère. Outre la taille, certaines autres tâches étaient rémunérées par un salaire horaire, notamment la pulvérisation, la tonte, la fertilisation, l’installation et le démontage des filets ainsi que d’autres travaux mineurs. La taille se fait généralement une fois par année, pendant la période de dormance, entre novembre et février, parce que si elle a lieu plus tard au printemps, après le débourrement, les bourgeons à fleur en train de se développer subissent des dommages considérables. Dans l’éventualité d’une taille faite en différentes périodes de l’année, M. Sweeney a considéré qu’elle se bornerait à la suppression des branches mortes ou malades, après la récolte, parce que ces branches seraient visibles et qu’on les couperait et on les emporterait pour s’en débarrasser ailleurs afin de prévenir la propagation de la maladie. Après la récolte, à la fin août ou en septembre, les feuilles des branches malades, désormais privées de sève, virent au rouge‑brun vif. Il a estimé que cette tâche pouvait être effectuée par une personne circulant dans la bleuetière, et que toute l’opération l’occuperait quelques heures par acre au maximum. Le gros de la taille pendant la dormance est soit confié à des travailleurs payés à l’heure, soit, dans certains cas, effectuée par le producteur lui‑même avec l’aide d’une petite équipe. M. Sweeney a déclaré que la fertilisation se fait au printemps et que la plupart des producteurs s’y prennent à deux reprises, d’abord au début de la croissance, en avril, puis après un mois ou plus. Certains effectuent une nouvelle pulvérisation en juin. En général, les nouvelles plantations sont fertilisées à la main, opération qui ne demanderait que quelques heures par acre. Les gros producteurs emploient un épandeur tiré par un tracteur, mais les petits confient la fertilisation à des travailleurs qui suivent les rangs en distribuant l’engrais à la main à même un seau. Comme il a été exposé au paragraphe 7 – page 2  le désherbage des bleuetières à la main n’est pas nécessaire, sauf dans les jeunes plantations ou lorsque se posent de problèmes particuliers dans les plantations à maturité, parce l’emploi de paillis de sciure et d’herbicides est une méthode efficace de maîtrise de la croissance des mauvaises herbes. Contrairement à d’autres cultures telles que les fraises, une large gamme d’herbicides est utilisable dans les bleuetières. Si le désherbage manuel est un travail qui exige une main‑d’œuvre abondante dans une fraisière, qui demande jusqu’à 50 heures à l’acre, dans une bleuetière typique il ne faudrait, a estimé M. Sweeney, que de trois ou quatre heures par acre pour circuler dans la bleuetière et faire les interventions nécessaires. D’après son expérience, la plupart des producteurs épandent de la sciure de bois tous les trois ans et non deux fois par an, cette fréquence n’étant pas nécessaire si on utilise convenablement des herbicides chimiques. La plupart des herbicides sont appliqués entre la fin février et la fin avril, et les producteurs peuvent élaborer leur propre programme de lutte, adapté à leurs besoins, mais presque tous les herbicides doivent être appliqués avant la floraison. Juillet et août ne sont pas des mois où, ordinairement, on effectue les pulvérisations, parce que, sur l’emballage de produits tels que le Gramoxone, on peut lire un avertissement selon lequel le produit ne doit pas être utilisé quand la floraison a débuté. Comme le Gramoxone est un herbicide générique de contact, il tue la plupart des mauvaises herbes quand elles sont vertes et, bien qu’on puisse l’employer contre les graminées, la méthode la plus répandue contre les graminées indésirables est l’application de Roundup. Même le Roundup n’est pas censé être appliqué moins de 30 jours avant la récolte. De l’avis de M. Sweeney, il serait difficile de pulvériser ce produit à la fin juin parce que les plantes sont chargées de fruits, et leurs branches retomberaient jusqu’au sol, ce qui rendrait difficile le traitement des mauvaises herbes tout en évitant le contact avec les bleuetiers. Une autre méthode de lutte contre les mauvaises herbes consiste à aménager un paillis de sciure de deux ou trois pouces d’épaisseur sur une surface de deux ou trois pieds de diamètre autour du pied. Après trois ans, la sciure se décompose et forme un humus bénéfique pour la rhizosphère. À ce point, il faut la remplacer, mais M. Sweeney n’a pas considéré comme nécessaire le remplacement de la sciure pendant la saison, si ce n’est qu’en des endroits bien localisés, parce qu’il serait difficile pour les cueilleurs de perturber suffisamment une couche de deux ou trois pouces d’épaisseur au point où il faudrait un nouvel apport de paillis. Pour ce qui concerne l’irrigation, M. Sweeney a déclaré qu’il serait normal, pour un producteur, de s’assurer que le réseau fonctionne convenablement, ce qui se ferait probablement en mai. À cette époque de l’année, il réparerait les fuites et il ferait l’entretien et les inspections. Le système au goutte‑à‑goutte n’a relativement pas besoin d’entretien bien que les conduites puissent être sectionnées par les morsures d’animaux tels que les campagnols et souris ainsi que les coyotes ou si un cueilleur marche par mégarde sur un goutteur. À son avis, même un vieux réseau d’irrigation n’aurait pas besoin qu’on lui consacre beaucoup de temps pour le remettre en marche au début de la saison. Il ne connaissait pas le système utilisé par Gill Farms, dans lequel l’émetteur ou le goutteur ne peuvent pas être vissés dans l’orifice de sortie du tuyau flexible mais doivent être réinstallés ailleurs après perçage d’un autre orifice. Il a reconnu que si l’eau alimentant le réseau n’a pas été convenablement filtrée – de préférence au moyen d’un filtre à sable  elle pourrait colmater tout le mécanisme et il a ajouté que de l’eau pure est indispensable à l’efficacité de l’irrigation au goutte‑à‑goutte, car les saletés ou autres matières pourraient obturer les conduites et bloquer les goutteurs. À la page 3, paragraphe 9 de son rapport, M. Sweeney traite de la question de l’installation des filets. On les installe avant la maturation des premiers fruits, en juin normalement. On les démonte après la récolte, normalement en septembre ou, encore, en octobre, selon la variété cultivée. Normalement, on effectue des réparations mineures des filets pendant l’installation et, si on constate des dommages importants, on remplace la nappe de filet en cause. Selon les estimations du Ministère, fondées sur des renseignements reçus de plusieurs producteurs, il fallait, dans la période englobant 1998, compter 36 heures annuellement par acre pour l’installation et le démontage des filets. En 2001, une estimation révisée faisait passer ce chiffre à 15 heures par acre. L’estimation initiale se fondait sur des renseignements rassemblés alors que peu de producteurs utilisaient des filets, et le Ministère a appris que c’était un travail long et souvent irritant, mais, en gagnant de l’expérience, les producteurs ont eu besoin de moins de temps réaliser cette tâche. M. Sweeney a expliqué qu’il considérait que 36 heures par acre pour la réalisation de toutes les tâches connexes à l’installation de filets seraient un chiffre généreux, même en tenant compte du temps attribuable à la consolidation des perches qui vacillaient. Comme il n’existait pas de système mécanisé pour l’installation et/ou le démontage des filets protégeant les bleuetiers, il fallait effectuer ce travail manuellement. Revenant sur la question des différents débouchés des fruits, M. Sweeney a signalé que, pour la plupart, les bleuets récoltés à la machine sont vendus pour la transformation et le marché du surgelé, et que le prix à la livre est inférieur à celui que commandent les bleuets vendus pour le marché du frais ou directement aux clients, à la ferme. Le travail consacré aux fruits destinés au marché du frais est supérieur au travail à consacrer aux bleuets destinés à la transformation ou à la conserverie. M. Sweeney a expliqué que la différence de prix entre les bleuets de conserverie ou de transformation et ceux du marché du frais peut varier en fonction du marché. La norme pour les bleuets surgelés individuellement est très rigoureuse, et ces fruits doivent être récoltés avec soin et ils ne peuvent pas être meurtris (ni autrement endommagés) ni renfermer de débris. À la fin ou près de la fin de la saison, on vend les fruits de qualité inférieure pour la fabrication de jus, et ces fruits commandent un prix inférieur. Le récolte manuelle coûte cher parce qu’il faut éviter de cueillir des fruits verts ou de meurtrir les fruits. M. Sweeney connaissait la société Universal, il savait que cette dernière était un transformateur et qu’elle et beaucoup d’autres transformateurs, Kahlon notamment, vendaient également des fruits frais à leurs clients. D’après l’expérience de M. Sweeney, les producteurs ne veulent pas envoyer des fruits pleins de débris tels que brindilles et feuilles ni des fruits verts aux conserveries, mais ils ne se donneraient pas la peine de passer les fruits sur un convoyeur à bande, parce que cette opération est effectuée à la conserverie. Le convoyeur à bande est utilisé par les producteurs pour nettoyer et trier les fruits vendus directement au consommateur ou à une épicerie locale. Généralement, les fruits sont livrés aux conserveries dans des caisses ou dans d’autres gros récipients, tandis que les seaux de moindre contenance sont utilisés par les cueilleurs pour conserver les fruits jusqu’à leur transfert dans un plus grand contenant. Certains contenants utilisés pour livrer les bleuets chez le transformateur peuvent avoir une contenance de 1 000 livres et, même si la couche inférieure de fruits est écrasée, cela importe peu si le produit est destiné à faire des confitures ou du jus. Cependant, si les bleuets sont destinés au marché du frais, ils seront expédiés dans des récipients plus plats, d’une capacité de seulement de 20 ou 25 livres. M. Sweeney a exposé que la règle générale observée par les producteurs de bleuets est livrer les bleuets à la conserverie aussitôt que possible, particulièrement par temps chaud, même si le bleuet est un petit fruit beaucoup moins périssable que les autres, considéré comme idéal pour ce qui concerne le transport.

 

 

[85]  M. Mark Sweeney a été contre‑interrogé par Ronnie Gill, représentante des appelants et des intervenants. Il a confirmé le fait que, dans le cadre de ses fonctions, il a observé des cueilleurs qui déposaient des bleuets dans des seaux de cinq livres de contenance qui sont transportés jusqu’à la balance, parfois plusieurs en même temps, pour être pesés. M. Sweeney a été renvoyé au bordereau de pesée pièce R‑2, onglet 35, haut de la page 394  délivré par Universal et sur lequel le mot [traduction] « plateaux » a été biffé et remplacé par l’inscription [traduction] « caisses », à sa gauche. Le poids brut de cette expédition de 9 caisses était de 317 livres, et le prix de ces fruits frais était de 0,90 $ la livre. M. Sweeney a convenu que cela semblait être la vérité, mais que la plupart des fruits sont expédiés en plateaux afin d’obtenir le prix commandé par le marché du frais. On a montré à M. Sweeney une liasse de bordereaux d’expédition de bleuets pièce R‑2, onglet 36, page 412 selon laquelle Kahlon a reçu des fruits de Gill Farms qui avait été expédiés dans des récipients qualifiés de [traduction] « petites caisses ». Selon le bordereau du haut de la page 412, 754 livres de bleuets ont été livrées dans 21 caisses, ce qui signifie 35,9 livres de fruits, en moyenne, par caisse. Le bordereau d’expédition – page 408  montre que Kahlon a acheté 24 453 livres de bleuets de Gill Farms, qu’il a payées au tarif des fruits frais de 0,80 $. Cette catégorie représentait 41 % des ventes totales de Gill Farms à Kahlon en 1998. M. Sweeney a convenu que la production totale de Gill Farms en 1998 était constituée de 88 450 livres vendues aux conserveries et conditionneurs, comme en font foi les reçus. En supposant qu’il y ait eu des ventes supplémentaires de 10 900 livres non étayées par des reçus ou d’autres documents et en ajoutant cette quantité aux ventes à Hamilton Farms et aux épiceries de la région du Lower Mainland, de même que les ventes du kiosque de fruits de la ferme, M. Sweeney a reconnu que la production pourrait avoir totalisé 125 200 livres, c’est‑à‑dire 15 650 livres par acre, ce qui aurait été un rendement élevé. Ronnie Gill a précisé à M. Sweeney que Gill Farms avait produit 10 tonnes (20 000 livres) de bleuets à l’acre en 2004. M. Sweeney a répondu que ce chiffre représenterait de fait le maximum de rendement et qu’il serait difficile de l’égaler constamment. Pour ce qui concerne la taille, M. Sweeney a déclaré qu’une brûlure bactérienne cause le noircissement des extrémités des branches et des pousses et provoque le dépérissement des branches, mais la maladie ne semble pas revenir chaque année. Elle se manifeste plus souvent dans les régions plus exposées aux gelées. L’intervention appropriée consiste à appliquer un fongicide à l’automne et à supprimer par la taille les branches noircies, parce qu’il n’est pas économique d’élaguer les petites extrémités noircies. M. Sweeney a déclaré que la densité normale de plantation des bleuetiers est de 1 452 à l’acre, en rangs de dix pieds de largeur avec un espacement de trois pieds entre les plantes. Si un producteur plantait les bleuetiers à deux pieds de distance dans le rang, la densité serait de 2 000 plantes à l’acre. Pour ce qui concerne la replantation, M. Sweeney a déclaré qu’un producteur devrait déterminer les causes de la mort de la plante, car une maladie pourrait être en cause. Il a estimé qu’il faudrait environ dix minutes pour arracher la vieille plante et deux autres minutes pour regarnir le rang. Il a reconnu que l’efficacité de la main‑d’œuvre varie dans l’industrie et que la plupart des producteurs ont accès au même bassin de travailleurs. Reconnaissant ce fait, le Ministère utilise un échantillonnage fondé sur une large gamme de renseignements. En raison du coût d’acquisition des filets et du temps nécessaire à l’installation et au démontage, il n’est pas toujours économiquement faisable, pour les producteurs, d’utiliser cette technique pour prévenir les pertes de récoltes. Le coût de la protection assurée par les filets est d’environ 3 000 $ l’acre, ce qui signifie que le producteur doit protéger beaucoup de fruits contre les oiseaux afin de justifier ce coût, non seulement pour ce qui concerne l’acquisition initiale, mais, également, pour ce qui concerne les dépenses annuelles ultérieures connexes. M. Sweeney a déclaré que certaines pertes dues aux oiseaux sont localisées à une bleuetière, de même qu’elles sont particulières à une saison. Si les oiseaux sont nombreux et si la récolte est abondante, les pertes peuvent atteindre 20 % des fruits, ce qui pourrait être substantiel si les rendements étaient 16 000 livres à l’acre et si les prix étaient de 0,80 $ la livre. En appliquant ces chiffres à une bleuetière de huit acres, M. Sweeney a reconnu que les pertes pourraient totaliser plus de 20 000 $ et que le tonnage de production de Gill Farms justifiait l’emploi de filets. Il a ajouté que les filets devaient être installés et démontés de la façon la plus efficace possible. Il a reconnu que l’herbe devrait être traitée par pulvérisation, sans quoi elle priverait les plantes d’éléments nutritifs essentiels se trouvant dans le sol. À son avis, le sarclage n’est pas habituellement nécessaire dans une bleuetière. Il a déclaré que la plupart des bleuetières à haut rendement ne peuvent pas atteindre des niveaux supérieurs de production sans utiliser un programme convenable de lutte contre les mauvaises herbes. Les bleuetières certifiées biologiques subissent souvent des pertes de 50 % de la récolte en raison des mauvaises herbes non maîtrisées. M. Sweeney a déclaré qu’il ne considérait pas comme nécessaire de consacrer beaucoup de temps à la consolidation des perches ou au resserrement des fils métalliques et il a admis que l’estimation de 36 heures par acre faite par le Ministère pour l’exécution de toutes les tâches reliées à la protection de la culture par des filets ne tenait probablement pas compte de ces questions accessoires.

 

[86]  Charanpal Singh Gill (« Charan Gill ») a été interrogé par l’avocate de l’intimé, MAmy Francis. Il est directeur administratif de la Progressive Intercultural Community Services Society (la « PICS »). Son curriculum vitae a été déposé sous la cote R‑21. Charan Gill a obtenu une maîtrise ès arts en Inde – en 1959 – avant d’immigrer au Canada. En 1970, il a été agréé comme travailleur social en Colombie‑Britannique. Il s’est inscrit à l’Université de la Colombie‑Britannique, qui lui a décerné un baccalauréat en travail social en 1982 et une maîtrise en travail social en 1983. Après une carrière de 32 ans au sein de la fonction publique au ministère des Ressources humaines, il a pris une retraite anticipée et a participé activement à la mise sur pied de la PICS. Charan Gill a décrit la PICS comme un organisme diversifié offrant des services destinés à la population multiculturelle. Il a expliqué qu’on trouve au sein de la PICS un volet destiné expressément aux travailleurs agricoles. La PICS organise des ateliers préparatoires à l’emploi au cours desquels on informe les travailleurs de leurs droits et de leurs obligations et on les aide à résoudre des problèmes liés à leur emploi. Des cours d’anglais langue seconde destinés aux adultes sont également dispensés par un personnel de six ou sept enseignants. La PICS a des bureaux à Surrey et à Vancouver et emploie plus d’une quarantaine de personnes qui travaillent sous la supervision de Charan Gill. La PICS offre du counselling d’emploi et des services de conseillers en intégration pour aider ses clients à résoudre leurs problèmes d’immigration et pour aider les travailleurs agricoles à percevoir le salaire qui leur est dû. La PICS a un intervenant judiciaire qui travaille exclusivement pour les travailleurs agricoles. Récemment, la PICS a fait construire 54 logements pour personnes âgées, ainsi qu’une résidence‑services pouvant accueillir 72 personnes. Elle organise des ateliers sur des sujets comme la prévention du crime, la toxicomanie et les programmes destinés aux jeunes. La PICS est un organisme de bienfaisance enregistré membre de Centraide. Elle dirige un projet de ferme collective (Colony Farm Project) sur un terrain d’une superficie de 167 acres où l’on cultive des produits frais tout en offrant une formation aux travailleurs agricoles et aux producteurs. La PICS offre par ailleurs à ses membres des services de traduction de l’anglais au punjabi, à l’hindi et à de nombreuses autres langues. La PICS dispose présentement d’un budget annuel de cinq millions de dollars et compte recruter 32 nouveaux employés pour répondre aux besoins des bénéficiaires de la résidence‑services. Charan Gill a expliqué que la PICS avait été fondée en 1987 et qu’à l’époque, il en était le président et directeur général et qu’à ce titre, il recevait un salaire d’un dollar par année. Après qu’on l’eut informé qu’il ne pouvait occuper les deux postes en même temps, il a démissionné de son poste de président. En 1978, il a commencé à travailler pour le Syndicat canadien des travailleurs agricoles (le « SCTA ») et pour d’autres groupes se consacrant à la lutte contre le racisme ou à d’autres programmes de sensibilisation dans le cadre d’une association informelle, jusqu’à ce que la PICS devienne une association (« society ») officiellement enregistrée en 1987 et qu’elle commence à servir d’organisme cadre. Charan Gill a expliqué qu’avec trois autres personnes, il avait formé le Syndicat en question après que lui et les membres de sa famille eurent recueilli des renseignements de première main au sujet des conditions de travail des ouvriers agricoles après avoir fait la cueillette des petits fruits pour obtenir un revenu d’appoint pour payer les vacances familiales. Un syndicaliste – feu Cesar Chavez – bien connu pour ses activités militantes en Californie en tant que fondateur de l’United Farm Workers et instigateur du boycottage des raisins, a été invité en Colombie‑Britannique pour aider à la formation du SCTA. Charan Gill occupe le poste de secrétaire‑trésorier depuis 1978. À l’origine, le SCTA participait aux négociations collectives avec les agriculteurs et les producteurs, mais la législation provinciale du travail a été modifiée pour faciliter la révocation de l’accréditation syndicale. Le SCTA a toujours cherché à améliorer les conditions de travail des ouvriers agricoles qui, trop souvent, n’avaient pas accès à de l’eau potable et à des toilettes et dont les logements étaient insalubres. Bien qu’en 1984, toutes les unités avaient cessé d’être accréditées, le SCTA comptait toujours 200 membres et était lui‑même membre de la British Columbia Federation of Labour. Il a décidé de consacrer ses énergies à faire pression sur les ordres de gouvernement en vue de l’adoption de mesures législatives visant l’amélioration de la protection offerte par les commissions des accidents du travail, en vue de la modification de la réglementation en matière de santé et de sécurité au travail et pour que les employeurs soient obligés d’accorder certains avantages sociaux aux travailleurs agricoles. À l’époque, le code du travail ne s’appliquait pas à la main‑d’oeuvre agricole. À un moment donné, Charan Gill a participé – par l’entremise de la PICS – à une expérience appelée Farm Labour Project (le « Projet »). La PICS a obtenu un permis d’entrepreneur en main‑d’oeuvre agricole et a embauché des travailleurs en vue de leur offrir un meilleur salaire et de meilleures conditions de travail. L’objectif visé était de démontrer que cette façon de procéder pouvait fonctionner et d’inciter ainsi d’autres employeurs de l’industrie agricole à emboîter le pas. L’expérience n’a cependant pas été concluante et s’est soldée par une perte de 10 000 $ la première année et de 12 000 $ l’année suivante, notamment à cause d’une mauvaise interprétation de la législation du travail provinciale qui exigeait que les ouvriers qui faisaient la cueillette du brocoli et du chou de Bruxelles soient rémunérés à l’heure et non à la pièce. Par suite de cette erreur d’application de la réglementation, la PICS a été condamnée à une amende et a dû rembourser des arriérés de salaire calculés d’après le salaire horaire auquel avaient droit les travailleurs qui avaient exécuté des tâches relatives à ces deux récoltes particulières. Charan Gill a expliqué que, dans le cadre du projet dirigé par la PICS, les travailleurs étaient rémunérés à la pièce pour cueillir des baies, conformément à l’usage ayant cours dans l’industrie. D’après l’expérience qu’il a accumulée au cours des 25 dernières années, il n’a jamais rencontré de situation d’emploi dans laquelle un producteur avait versé un salaire horaire à des cueilleurs de petits fruits. Charan Gill a expliqué que le Projet ne comptait que 35 ou 40 travailleurs au sein d’une industrie qui en employait jusqu’à 15 000, de sorte qu’on ne pouvait s’attendre à ce qu’il contribue à changer la mentalité des employeurs en raison des craintes des travailleurs et des entrepreneurs en main‑d’oeuvre agricole. Il a découvert que, si les travailleurs visés par le Projet se trouvaient sur une ferme, on les enverrait dans un secteur où la récolte était mauvaise. Charan Gill a expliqué que l’expérience qu’il avait ainsi acquise à la tête de cette entreprise en main‑d’oeuvre agricole lui avait donné l’occasion de découvrir « le fond de l’histoire », ce qui l’a amené à conclure que : [traduction] « on ne peut pas faire de l’argent si l’on ne magouille pas ». Charan Gill a expliqué qu’il s’était occupé de nombreux dossiers alors qu’il occupait le poste de secrétaire‑trésorier du SCTA, lequel avait lancé un programme dans le cadre duquel des feuillets d’information étaient distribués aux travailleurs. Cependant, certains agriculteurs interdisaient l’accès à leur propriété aux représentants du SCTA. Charan Gill a expliqué qu’il s’était réjoui de constater que ce volet éducatif faisait partie des fonctions exercées par l’Agricultural Compliance Team (ACT), (ci‑après l’« Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole »), qui était composée de membres de la direction provinciale des normes d’emploi (« DNE ») et d’employés de DRHC, ainsi que d’un ou de plusieurs autres organismes du gouvernement provincial ou fédéral. À son avis, cette équipe avait offert un excellent service et avait réussi en quatre ou cinq ans à amener les employeurs à se conformer aux normes d’emploi existantes et à se plier à la réglementation régissant l’emploi des travailleurs agricoles. À son grand regret, les activités de l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole ont été réduites – en 2001 – à tel point qu’il croyait que ce groupe avait été complètement démantelé. Charan Gill a expliqué qu’il s’occupe présentement activement des questions de main‑d’oeuvre agricole et que – deux ou trois fois par semaine l’hiver – il enseigne à des groupes de 35 à 40 personnes dans le cadre d’ateliers où l’on donne une formation linguistique aux participants et où on les informe des droits que leur reconnaît la législation provinciale et fédérale en tant que travailleurs. Des personnes‑ressources provenant de divers ministères ou organismes gouvernementaux participent à ces ateliers et expliquent la procédure que les travailleurs doivent suivre pour porter plainte s’ils s’estiment lésés. Au fil des ans, Charan Gill a écrit des articles sur divers aspects des pratiques du travail en milieu agricole, notamment sur les dangers associés aux services de garde d’enfants sur les fermes et le mauvais usage de pesticides, et il a participé à des recherches qui ont abouti à la publication d’un livre portant sur ces questions. Entre 1978 et 1980, il a participé au tournage d’un documentaire de l’Office national du film intitulé « A Time to Rise », qui brossait à son avis un tableau fidèle de la lutte des travailleurs agricoles en vue d’améliorer leurs conditions de travail. Charan Gill a été décoré de l’Order of British Columbia (1999) et a obtenu un prix des droits de la personne en 1983. L’avocate de l’intimé a proposé que Charan Gill soit reconnu par la Cour comme expert dans le domaine des pratiques du travail en milieu agricole en Colombie‑Britannique. Ronnie Gill, la représentante des appelants et des intervenants ne s’est pas opposée à cette proposition. Compte tenu des compétences et de l’expérience révélées par son témoignage, Charan Gill a par conséquent été reconnu comme expert et a été autorisé à donner son avis sur le sujet. Avec l’accord de Mmes Francis et Gill, le témoignage donné par Charan Gill avant d’être reconnu comme témoin expert a été intégré au reste de sa déposition. L’avocate a déposé – sous la cote R‑22 – un rapport – daté du 21 juin 2005 – dans lequel Charan Gill estime qu’environ 65 % des bénéficiaires du programme PICS sont originaires d’Asie du Sud et que, sur l’effectif total de 32 000 ouvriers agricoles que compte la Colombie‑Britannique, au moins 23 000 seraient originaires de l’Asie du Sud, surtout des régions agricoles du Pendjab, en Inde. Charan Gill a expliqué qu’il avait toujours eu pour objectif de supprimer le travail à la pièce parce que les travailleurs agricoles ne gagnaient pas plus que l’équivalent de cinq dollars l’heure pour une journée de dix heures. Il a constaté, au cours de ses recherches sur le sujet que, déjà en 1901, des ouvriers agricoles étaient rémunérés à la pièce et il s’est dit d’avis que ce mode de rémunération était presque universel dans les fermes où l’on cultive les petits fruits. D’après son expérience de cette industrie, il n’a jamais rencontré de producteur de bleuets qui payait ses cueilleurs à l’heure. Il est toutefois au courant de l’usage consistant pour les cueilleurs de bleuets à travailler dix ou douze heures et à être payés à la pièce 60 $ pour la journée. Suivant cette pratique, le producteur convertit la quantité de bleuets cueillis au salaire minimum de huit dollars l’heure pour sept heures ou sept heures et demie. Il s’ensuit que les travailleurs sont rémunérés selon une méthode mais que les documents comptables en reflètent une autre. Selon Charan Gill, les producteurs estiment qu’ils ne peuvent pas se permettre de payer le salaire horaire minimum parce qu’ils doivent faire face à la concurrence des producteurs californiens. Il a estimé qu’il était peut‑être possible pour quelques cueilleurs très rapides de faire plus d’argent en étant rémunérés à pièce plutôt qu’à l’heure, mais là encore, ils ne peuvent y parvenir qu’une ou deux semaines par année, lorsque la saison bat son plein. D’après son expérience, la plupart des entrepreneurs en main‑d’oeuvre agricole payent les cueilleurs 40 ou 45 cents la livre et, lorsque la saison bat son plein, si la récolte est bonne, un travailleur peut cueillir jusqu’à 150 ou 200 livres de bleuets par jour pour un salaire total maximal de 90 $. Cependant, lors de la première récolte, la production quotidienne n’est souvent que d’une centaine de livres et on peut s’attendre aux mêmes chiffres lors de la troisième récolte. Il s’ensuit que ce n’est qu’au milieu de la saison que les cueilleurs peuvent s’attendre à obtenir des volumes quotidiens élevés et que, sur les six semaines que compte l’ensemble de l’époque de la récolte, un cueilleur compétent ne pourrait s’attendre à obtenir près de l’équivalent du salaire horaire minimum que pour deux semaines. Charan Gill a affirmé n’avoir jamais vu de travailleur qui pouvait cueillir plus de 200 livres de bleuets par jour et qu’il n’en avait jamais entendu parler. À son avis, les cueilleurs de petits fruits de la vallée du Fraser qui sont rémunérés à la pièce, conformément à la norme suivie dans l’industrie, ne peuvent gagner plus de cinq dollars de l’heure à raison de dix heures par jour. M. Gill a expliqué qu’il existe plusieurs variétés de bleuets et que certains producteurs se contentent d’en cultiver une ou deux et que, même si un plus grand nombre de variétés venant à maturité à divers moments sont cultivées, aucun cueilleur ne pourrait, à son avis toucher plus de cinq dollars l’heure sur toute la durée de la saison de végétation. Charan Gill a expliqué que les cueilleurs payés à la pièce travaillent de longues heures – 10 à 12 heures par jour – et que les agriculteurs les payent – parfois – à l’heure pour effectuer certaines tâches telles que le binage, la taille ou des fonctions autres que la cueillette de baies. Il a expliqué que son expérience personnelle à la tête d’une entreprise de main‑d’oeuvre agricole – par l’intermédiaire de la PICS – ainsi que ses observations et ses recherches au sein de l’industrie au cours des 25 dernières années l’avaient amené à conclure qu’un nombre considérable de fraudes sont commises dans l’industrie en ce qui concerne l’assurance‑chômage. À son avis, les travailleurs agricoles se retrouvent coincés et perdent des prestations d’assurance‑chômage parce que les producteurs ne tiennent pas les livres comme ils le devraient ou parce que les entrepreneurs en main‑d’oeuvre agricole se livrent à des activités frauduleuses en changeant le nom de leur entreprise ou en faisant faillite et en recommençant leurs activités sous un autre nom l’année suivante. Charan Gill a expliqué que l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole défendait les droits et les intérêts des ouvriers agricoles en dénonçant les violations de la réglementation des normes du travail commises par les producteurs et en empêchant ou en dénonçant les violations de la réglementation en matière d’assurance‑chômage. À son avis, au cours des six années où elle avait été active, l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole avait contribué à diminuer le nombre de fraudes et de pratiques déloyales commises dans les fermes et avait procédé à l’inspection des moteurs et des freins de véhicules en vue d’améliorer la sécurité des travailleurs. En 2001, l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole ne visitait plus les fermes avec la fréquence requise pour remplir son mandat. À son avis, les entrepreneurs en main‑d’oeuvre agricole et les agriculteurs sont mieux placés pour acheter des tables complètes lors de dîners de financement en faveur des hommes et femmes politiques, et les travailleurs agricoles non syndiqués n’ont pas ce poids politique. On a modifié la législation et/ou la réglementation depuis 2001 pour permettre aux ouvriers agricoles de travailler jusqu’à 100 heures par semaine et rien n’est prévu en ce qui concerne la rémunération des heures supplémentaires. L’âge à partir duquel un enfant peut commencer à travailler sur une ferme a été ramené de 14 à 12 ans et les producteurs ont recouru de façon abusive à la disposition leur permettant de payer un salaire spécial de formation de six dollars l’heure – deux dollars de moins que le salaire minimum par ailleurs applicable. L’indemnité de congés payés a été conservée et est censée être versée aux deux semaines. Les taux applicables au travail à la pièce qui sont prévus par règlement sont censés comprendre la rémunération des jours fériés au cours de la saison. Dans l’ensemble, il a estimé que les fraudes commises en matière d’assurance‑chômage dans la vallée du Fraser se chiffrent à des millions de dollars par année. Par suite des modifications qui ont été apportées au cours des dernières années à la réglementation relative à l’assurance‑emploi, il est plus difficile d’accumuler suffisamment d’heures de travail pour devenir admissible à des prestations. Il est au courant de situations dans lesquelles des personnes qui n’avaient jamais mis les pieds sur une ferme de culture des petits fruits ont acheté des relevés d’emploi pour pouvoir être admissibles à des prestations d’assurance‑chômage. Charan Gill a expliqué que les cueilleurs de pommes de la région de l’Okanagan qui s’en donnent la peine réussissent à obtenir une rémunération supérieure au salaire minimum, mais il ne connaît pas de cueilleur de framboises, de fraises ou de bleuets qui aurait gagné l’équivalent du salaire horaire minimum pour une journée de huit à dix heures de travail.

 

[87]  Charan Gill a été contre‑interrogé par Ronnie Gill. Il a convenu qu’en 1998, un producteur pouvait verser à un travailleur payé à l’heure une indemnité de congés payés de 7,6 % au lieu de l’indemnité obligatoire de 4 % au motif que le taux plus élevé tenait compte du travail fait durant les jours fériés. Charan Gill a précisé qu’il n’avait jamais visité Gill Farms et qu’il n’en connaissait pas bien le mode de fonctionnement. Il a expliqué qu’il était au courant de l’usage généralement suivi dans l’industrie suivant lequel on payait les travailleurs pour sept ou huit heures au salaire minimum et ce même s’ils avaient effectué jusqu’à dix ou douze heures par jour. À la fin de la saison, le travailleur n’a pas accumulé suffisamment d’heures assurables pour être admissible à des prestations d’assurance‑chômage à la suite de sa mise en disponibilité et cette situation ouvre la porte à des abus parce que, comme le travailleur veut qu’on lui crédite un plus grand nombre d’heures, il paye le producteur pour qu’il lui délivre un relevé d’emploi qui atteint ou dépasse les exigences minimales à respecter pour avoir droit auxdites prestations. Charan Gill a expliqué que ce sont les travailleurs plus âgés – en particulier ceux qui sont arrivés depuis peu de l’Inde – qui sont le plus susceptibles de recourir à ce stratagème. Bien que la situation se soit quelque peu améliorée en raison d’une pénurie générale de main‑d’oeuvre, ce sont quand même les travailleurs plus âgés qui font la cueillette des petits fruits parce que les plus jeunes travaillent à des serres, où ils sont payés au salaire horaire minimum. Charan Gill a expliqué qu’on comptait environ 500 travailleurs mexicains dans les fermes de la vallée du Fraser en 2005 et que ces ouvriers touchaient entre 11 $ et 13 $ l’heure et ce, même si les travailleurs locaux étaient payés à la pièce, ce qui n’équivalait pas au salaire minimum. Charan Gill a raconté qu’il avait entendu parler d’un producteur qui payait les cueilleurs à l’heure en 2005 pour récolter des framboises et des bleuets mais qu’habituellement, lorsqu’il y a une pénurie de main‑d’oeuvre et que les petits fruits sont mûrs, on augmente le prix à la livre en le portant à 50 ou à 55 cents pour attirer les travailleurs. Invité par le Tribunal à préciser s’il avait déjà rencontré une situation de travail agricole à deux paliers où les cueilleurs du premier groupe étaient payés à l’heure et ceux du second groupe étaient payés à la pièce parce qu’ils tiennent à être libres de leurs allées et venues, surtout s’ils exercent un emploi ailleurs, Charan Gill a répondu qu’il n’avait jamais rencontré pareille situation. À son avis, seuls les travailleurs qui exécutent des tâches comme la conduite d’un tracteur ou le binage ou qui effectuent du gros travail sont payés à l’heure tandis que tous les cueilleurs – qui sont pour la plupart âgés et qui sont surtout des femmes – sont rémunérés à la pièce. Bien que les personnes qui font la récolte de légumes comme le brocoli et le chou de Bruxelles sont censées être payées à l’heure, Charan Gill a expliqué qu’il arrive souvent que les producteurs les rémunèrent à la pièce à défaut de contrôles de la part du gouvernement. Malgré les démarches insistantes effectuées par le SCTA pour mettre un terme à la rémunération à la pièce des travailleurs agricoles, cette pratique se perpétue et les cueilleurs de petits fruits sont payés au taux minimum la livre établi, sauf s’ils réussissent à obtenir plus. Charan Gill a expliqué qu’en 2005, une livre de bleuets se vendait 1,75 $, le prix le plus élevé dont il se souvienne. Il est au courant que 108 entrepreneurs en main‑d’oeuvre agricole exercent leurs activités dans le Lower Mainland, mais il n’en connaît aucun qui paye des travailleurs au salaire horaire minimum pour cueillir des petits fruits. Il convient qu’on assiste depuis deux ou trois ans à une augmentation du nombre d’agriculteurs ayant décidé de court‑circuiter les entrepreneurs en main‑d’oeuvre agricole et qui, non seulement embauchent directement des travailleurs, mais qui ont en plus acheté des véhicules en vue d’amener les travailleurs à la ferme et de les reconduire à la maison. Charan Gill a expliqué que le nombre d’ouvriers agricoles dans la vallée du Fraser était passé de presque 20 000 à 10 000 ou 12 000 par saison en raison d’une foule de facteurs dont la tendance à recourir à des machines pour faire la récolte. Toutefois, la demande mondiale de bleuets est en hausse rapide et une plus grande superficie de la vallée du Fraser est consacrée à la production du bleuet pour répondre à la demande. Il y a quelques bleuetières sur l’île de Vancouver, où les cueilleurs sont là aussi payés à la pièce parce que, si on vend les bleuets un dollar la livre et qu’il en coûte au moins 40 cents seulement pour les cueillir, il ne reste pas assez d’argent pour couvrir les autres frais. Charan Gill a expliqué que, d’après l’expérience qu’il avait accumulée en se fondant sur ses observations et les recherches effectuées dans l’industrie des petits fruits, le producteur qui payerait les cueilleurs au salaire horaire minimum ferait faillite. Il a expliqué qu’il est lui‑même producteur de bleuets et qu’il possède une bleuetière de 4,5 acres. S’il devait payer les cueilleurs au salaire minimum, il ne pourrait réaliser aucun profit. À son avis, il n’est pas réaliste sur le plan économique pour une ferme de moins de 20 acres de se procurer une machine à récolter, qui coûte approximativement 90 000 $. Fort de son expérience personnelle comme producteur, il soutient qu’il serait fort étonné qu’un gros producteur comme Gill Farms puisse verser un salaire horaire minimum à ses cueilleurs tout en faisant des bénéfices. Il a expliqué que le rendement à l’acre de sa ferme était de 10 000 livres et qu’il ne connaissait aucun producteur qui produit plus de 18 000 livres l’acre sauf – peut‑être – sur une petite superficie de deux ou trois acres. Il a précisé que 15 000 livres était un rendement élevé. Ronnie Gill a indiqué à Charan Gill que Gill Farms avait en 2004 – produit 20 000 livres l’acre selon le témoignage de Rajinder Singh Gill. Charan Gill a répondu qu’il n’avait jamais entendu parler d’un rendement aussi élevé, mais il a admis qu’en utilisant correctement les filets et avec des conditions optimales de croissance, quelques producteurs pouvaient peut‑être obtenir un tel rendement. Ronnie Gill a renvoyé Charan Gill à la deuxième phrase du deuxième paragraphe à la page 2 de son rapport – pièce R‑22 – où il explique que [traduction] « [C]ertains producteurs offrent au début un salaire horaire pour inciter les travailleurs à continuer à travailler pour eux, mais aucun ne verse de salaire horaire pendant toute la saison ». Ronnie Gill a ensuite demandé à Charan Gill s’il arrivait que certains producteurs continuent à verser un salaire horaire pour garder leurs employés. Charan Gill a répondu que certains travailleurs étaient payés à l’heure pour certaines tâches mais pas pour la cueillette, car – d’après son expérience – ce mode de rémunération n’avait jamais été utilisé pour rémunérer les cueilleurs de bleuets. À son avis, les personnes les plus jeunes au sein de la communauté indo‑canadienne n’ont pas l’intention de devenir des cueilleurs plus tard, parce qu’elles acceptent, au sein de l’industrie agricole, d’autres emplois pour lesquels elles sont payées à l’heure et ce, même si ce n’était qu’au salaire minimum. Le main‑d’oeuvre disponible est donc recrutée parmi les immigrants âgés qui ne veulent pas devenir un fardeau financier pour leurs enfants. Charan Gill a prédit que la mécanisation accrue entraînerait une baisse encore plus marquée du nombre de travailleurs et que les petits producteurs loueraient de la machinerie pour faire leurs récoltes.

 

[88]  Claire Turgeon a été interrogée par Me Amy Francis. Mme Turgeon a expliqué qu’elle travaillait au ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences du Canada (« RHDCC ») comme chef d’équipe au Service des enquêtes et du contrôle du bureau d’Abbotsford. Elle a commencé à travailler pour DRHC – qui s’appelle aujourd’hui RHDCC – en 1995 comme agente d’enquêtes et de contrôle (« AEC »). Elle était également chef de l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole, également connue sous le nom d’équipe mixte de l’observation. En cette qualité, elle était enquêteure principale au sein d’une équipe qui était composée de représentants du ministère provincial du Travail, de la direction provinciale des normes d’emploi (« DNE ») et d’enquêteurs de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (« ADRC »), un organisme fédéral. L’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole avait pour mission de détecter les abus découlant de la violation de la législation régissant les ouvriers agricoles et les droits conférés par leur emploi et de dissuader les personnes qui seraient tentées de commettre de tels abus. Selon les résultats de l’enquête, l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole recommandait soit l’imposition de sanctions administratives soit la poursuite de certaines infractions par le ministère public. Mme Turgeon a expliqué que l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole ne logeait plus dans les bureaux de DRHC à Abbotsford mais qu’elle s’était installée à Surrey, où elle poursuivait toujours ses activités. Mme Turgeon a expliqué qu’elle ne joue plus de rôle actif au sein de cette équipe mais qu’elle croit comprendre que les membres de cette équipe continuent de visiter des fermes. Mme Turgeon a expliqué qu’au cours de son emploi, elle s’était occupée de dossiers portant sur les travailleurs agricoles et que certaines enquêtes portaient sur plus d’une centaine de travailleurs et sur leurs employeurs. Avant de travailler pour DRHC, elle avait occupé le poste d’agente d’immigration affectée au groupe de l’exécution de la loi, après avoir été gendarme à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) pendant neuf ans. Dans le cadre de ces deux fonctions, elle avait l’habitude d’interroger des personnes, pour beaucoup desquelles l’anglais n’était pas la langue maternelle. Elle était donc habituée à recourir aux services d’interprètes pour faciliter le déroulement des entrevues. Mme Turgeon a expliqué que les dossiers lui sont soumis à l’issue de l’enquête menée par l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole, à la suite d’un renvoi effectué par un agent d’assurance‑emploi ou pour faire suite aux indices donnés par diverses personnes au sujet d’une situation d’emploi donnée sur une ferme. Mme Turgeon a expliqué qu’elle avait été saisie du dossier de Manjit Kaur Gill parce que l’agent d’assurance‑emploi s’inquiétait des répercussions de l’existence d’un lien de dépendance entre cette travailleuse et les associés à qui appartenait Gill Farms. Mme Turgeon a expliqué que Mme Emery lui avait demandé de l’accompagner lors de la visite du 3 novembre 1998 à Gill Farms. Les notes qu’elle et Mme Emery ont prises lors de cette visite se trouvent à la pièce R‑8, onglets 13 et 14, respectivement. À l’époque, Mme Turgeon considérait qu’il s’agissait d’une visite préliminaire visant à constater les faits et à recueillir des renseignements au sujet du fonctionnement de l’entreprise. Elles ne se sont pas annoncées, ce qui était conforme à la politique suivie dans le cas de ce genre d’enquête. Au cours de la discussion avec les membres de la famille Gill, Mme Turgeon a constaté que Harmit Kaur Gill et Manjit Kaur Gill avaient plus de difficulté à communiquer en anglais que Rajinder Singh Gill, qui maîtrisait mieux la langue. Mme Turgeon a expliqué qu’elle et/ou Mme Emery posaient la question plusieurs fois de différentes manières jusqu’à ce qu’elles soient satisfaites qu’elles étaient bien comprises. C’est Rajinder qui les a accueillies chez les Gill et, après que Mme Turgeon et Mme Emery se furent présentées et lui eurent remis leur carte professionnelle, on les a invitées à l’intérieur et on leur a offert quelque chose à boire. Mme Turgeon qualifie de cordiale la discussion s’en est suivie – à la table de la cuisine. Cependant, un moment donné, une adolescente de la famille Gill est arrivée et a semblé contrariée par les propos de Mme Emery et le ton de la conversation a changé. Mme Turgeon a expliqué qu’elle s’est adressée à la jeune fille en élevant la voix et qu’elle lui a fait savoir qu’elle ne devait pas se mêler de la conversation. Mme Turgeon a expliqué qu’il n’a jamais été question de la garde d’enfants – dont Manjit se serait occupée – dont Manjit avait par la suite parlé dans son témoignage. Au cours de la discussion, les questions étaient posées par Mme Turgeon ou par Mme Emery et les réponses étaient données par un ou plusieurs des membres de la famille Gill. Mme Turgeon a expliqué qu’elle avait pris ses notes plus tard le même jour à l’aide des notes manuscrites qu’elle avait prises en abrégé. Elle écrit page 64 – que [traduction] : « Manjit Gill ne fait pas de fertilisation ou de pulvérisation et elle ne participe pas à la cueillette des fruits. Son seul travail consiste à superviser les travailleurs pendant la cueillette des fruits et un peu de temps avant et après la cueillette de fruits ». Mme Turgeon a affirmé qu’elle ne se souvenait pas – de façon précise – de cette déclaration mais a expliqué qu’elle l’avait écrite à partir des notes manuscrites qu’elle avait prises en abrégé et elle s’est dite convaincue de son exactitude. Comme l’enquête portait sur l’emploi de Manjit Kaur Gill, il était important d’obtenir des renseignements au sujet de ses fonctions. Ainsi qu’elle l’a noté à la page 65 de ses notes, Mme Turgeon a exigé que Gill Farms produise – en vue de son examen par DRHC – tous les registres de présence quotidiens, toutes les fiches de cueillette et tous les chèques oblitérés. Mme Turgeon a expliqué que, suivant son expérience, toutes les fermes qui cultivent des petits fruits remettent des fiches de cueillette à leurs travailleurs. Elle a exigé la production d’un registre quotidien parce qu’un des membres de la famille Gill lui avait dit que l’on se servait d’un registre pour tenir la comptabilité des heures travaillées par les employés. Mme Turgeon a reconnu que le document intitulé « registre quotidien » – pièce R‑1, onglet 32 – était une photocopie de l’original qu’elle avait reçu – le 30 novembre 1998 – en précisant que les écritures avaient été faites dans un calepin ordinaire contenant des pages vierges non numérotées comme ceux qu’emploient couramment les étudiants. Mme Turgeon ne se souvient pas que Harmit Kaur Gill ait parlé, lors des échanges qu’ils ont eus chez les Gill, d’avoir consigné sur des bouts de papier les heures effectuées par les travailleurs. Mme Turgeon a reçu en entrevue Manjit Kaur Gill le 26 novembre 1998 et ses notes se trouvent à la pièce R‑8, sous l’onglet 12. Elle ne se souvient pas précisément de cette entrevue mais elle avait pris des notes à l’époque. Une interprète parlant le punjabi – Jugender Dhillon – était présente pendant toute la durée de l’entrevue. Mme Turgeon a expliqué que sa méthode consistait à écrire d’abord la question, à la poser et à consigner de son mieux la réponse telle qu’elle était donnée. Elle n’a pas l’habitude de noter les conversations accessoires qui ne sont pas pertinentes. L’entrevue visait à recueillir des renseignements complémentaires au sujet des présumées fonctions de supervision exécutées par Manjit Kaur Gill, qui avait réclamé des prestations d’assurance‑chômage par suite de l’emploi qu’elle avait exercé auprès de Gill Farms. Au bas de la page 58 de ses notes, Mme Turgeon demande à Manjit de lui décrire ses fonctions à titre de superviseure. Mme Turgeon note la réponse de Manjit, qui lui explique qu’elle téléphonait aux employés pour les informer à quelle heure ils devaient commencer à travailler et à quel endroit, et pour leur dire à quel moment ils pouvaient prendre la pause‑café et la pause du midi. Elle vérifiait leur travail et indiquait aux travailleurs où ils pouvaient se procurer leurs seaux et où ils devaient ensuite travailler et elle leur apportait des boissons durant la journée. Mme Turgeon a expliqué qu’elle voulait s’assurer que toutes les fonctions ou tâches exécutées par Manjit soient notées parce que c’était précisément ce sur quoi portait l’enquête de DRHC. À la page 61, Mme Turgeon interroge Manjit au sujet des fonctions exercées par Harmit Kaur Gill à Gill Farms. Manjit lui explique que Harmit passait les fiches de cueillette à la pointeuse, consignait le nombre de livres cueillies et vendues, consignait les heures effectuées par chaque employé et établissait les chèques des travailleurs. Mme Turgeon a qualifié l’entrevue de [traduction] « calme » et a expliqué qu’elle ne s’était jamais mise en colère au cours de l’entrevue sinon elle s’en souviendrait. Mme Turgeon a été renvoyée au rapport de M. Blatchford – pièce R‑17 – et elle a expliqué qu’elle avait demandé à M. Blatchford et à son cabinet d’entreprendre une vérification juricomptable des livres et documents comptables de l’entreprise et d’autres documents se rapportant à l’exploitation de Gill Farms. Mme Turgeon a fait le nécessaire pour qu’une rencontre ait lieu au bureau de Langley de DRHC le 20 mai 1999. Elle a adressé une lettre à Gill Farms – pièce R‑23 – dans laquelle elle précisait qu’elle tenait à ce que les quatre membres de la famille Gill soient présents avec leur comptable pour expliquer les contradictions relevées entre les renseignements qu’ils avaient fournis et les relevés d’emploi établis par Gill Farms pour la même période. Au paragraphe 3 de la lettre en question, Mme Turgeon formule – en caractères gras – un avertissement en précisant que les renseignements fournis faisaient l’objet de vérifications et que toute fausse déclaration rendait son auteur passible de sanctions en vertu de la LAE. Elle a pris des notes – pièce R‑1, onglet 24 – lors de la rencontre en question, à laquelle dix personnes ont participé. Les tentatives faites pour enregistrer la teneur des discussions ont été infructueuses car l’enregistrement était inaudible au point d’être tout à fait inutile et a donc été détruit. Le petit magnétophone avait été placé au centre d’une longue table autour de laquelle les participants étaient assis, mais il n’était pas assez perfectionné. Le seul microphone était celui qui était intégré au magnétophone. Mme Turgeon s’est dite déçue de l’échec de cet enregistrement parce qu’elle avait prévu s’en servir à diverses fins et notamment pour la présente instance. Il s’agit de la seule tentative qui a été faite en vue d’enregistrer une entrevue concernant l’un ou l’autre des appelants et/ou des intervenants à la présente instance. Mme Turgeon présidait la réunion et, au début de celle‑ci, elle a demandé à chacun des participants de ne répondre qu’aux questions qui leur étaient posées et d’être patients pendant qu’elle écrivait leurs réponses. Le 20 mai 1999, M. Blatchford n’avait pas encore terminé sa vérification. Mme Turgeon se souvient qu’à certaines occasions, l’un ou l’autre des membres de la famille Gill répondait – en anglais – à l’une des questions qu’elle posait mais que la plupart des questions et des réponses étaient interprétées par Nav Chohan, une employée de DRHC qui parlait couramment l’anglais et le punjabi. Ainsi qu’elle l’a noté – au bas de la page 30 – elle a informé les parties qu’elle poserait ses questions directement à la personne concernée et qu’elle voulait que celle‑ci lui réponde et non le conjoint de cette personne. Mme Turgeon a expliqué qu’elle n’est pas très habile en sténographie mais qu’elle avait essayé de noter tous les points importants abordés lors de cette longue rencontre. Elle n’a pas noté les échanges ou les répétitions qui ne visaient qu’à obtenir des éclaircissements notamment au sujet des dates ou des chiffres. Ainsi qu’elle l’a noté à la page 231, Mme Turgeon a demandé à Manjit Kaur Gill de lui expliquer quel rôle elle avait joué à la ferme. Manjit lui a répondu que, la veille au soir, elle discutait avec Hakam de l’endroit où les travailleurs iraient et de ce qu’ils feraient. Elle indiquait aux ouvriers où travailler, vérifiait leur travail, leur disait où commencer et dans quel rang, leur apportait des seaux d’eau, leur indiquait l’heure des pauses‑café et des pauses‑repas et si elle en avait le temps – elle cueillait des baies. Mme Turgeon a demandé à Manjit si elle remplissait d’autres fonctions, ce qui à quoi Manjit a répondu qu’elle montait les filets avant la saison des petits fruits, installait les crochets, faisait du sarclage tant avant qu’après la saison des petits fruits et a conclu en disant ce qui suit : [traduction] « Essentiellement, nous exécutons les ordres de Hakam ». Mme Turgeon a affirmé qu’il était peu probable qu’elle ait oublié de noter l’une des fonctions décrites par Manjit, car elle les écrivait au fur et à mesure que l’interprète les lui traduisait du punjabi à l’anglais. À la page 233 de ses notes, Mme Turgeon écrit au sujet de la discussion tenue au sujet du registre quotidien. Avant la rencontre, ce document avait été remis à Mme Turgeon à la fin de novembre 1998 et elle voulait en savoir plus sur la façon dont il était tenu. Elle a demandé quel document était produit en premier, à savoir les feuilles de paye ou le registre quotidien. On lui a répondu que le registre quotidien avait été produit en premier et était mis à jour chaque jour parce que Rajinder avait demandé à Harmit de tenir une comptabilité des heures travaillées. Mme Turgeon a noté la réponse – de Harmit – suivant laquelle le registre constituait le document officiel des heures effectivement travaillées et était habituellement tenu chaque jour bien que les heures effectuées un jour déterminé étaient parfois enregistrées un autre jour parce qu’elle transcrivait les heures dans le registre quand elle en avait le temps. Harmit a expliqué qu’elle n’apportait pas le registre avec elle aux champs. Lorsqu’on lui a demandé à quoi servait ce document si elle tenait aussi une feuille de temps, elle a expliqué : [traduction] « Je tenais le registre quotidien parce qu’il était distinct. Je remplissais le registre rapidement; il faut plus de temps pour remplir les feuilles des employés ». En réponse à une question de suivi, Harmit a confirmé que les détails qui figurent dans le registre sont les mêmes que ceux que l’on trouve dans les documents des employés et qu’il ne doit pas y avoir de différence entre les deux. Pressée de questions par Mme Turgeon lors de la même rencontre, Harmit a convenu qu’elle n’avait rien inscrit dans le registre au sujet de Manjit Kaur Sidhu même si cette dernière avait travaillé chaque jour pendant une certaine période et s’était vu remettre un relevé d’emploi. Harmit a expliqué qu’elle avait dû oublier de consigner les heures de Mme Sidhu pour une raison ou pour une autre, mais qu’elle croyait que le reste du document était exact. L’avocate a informé Mme Turgeon que Harmit Kaur Gill avait déclaré qu’elle avait créé le registre quotidien expressément pour répondre aux demandes formulées par Mme Turgeon en vue d’obtenir ce type de renseignements. Mme Turgeon a expliqué que cela n’était pas exact et qu’elle avait réclamé ce document parce que les membres de la famille Gill lui avaient dit qu’ils se servaient du registre comme document source pour consigner les heures travaillées par leurs employés. Mme Turgeon a expliqué qu’il n’y avait absolument aucun doute dans son esprit qu’au cours de la rencontre, les questions et les réponses visaient expressément la question d’un document intitulé « registre quotidien » qui avait par la suite été fourni à DRHC. Elle a expliqué que – lors de la visite effectuée à Gill Farms par Mmes Turgeon et Emery le 3 novembre 1998 – il avait été question de Harmit qui tenait tous les registres quotidiens et que c’était la raison pour laquelle elle avait exigé officiellement – le même jour – que les intervenants – en leur qualité d’associés exploitant Gill Farms – produisent ce document. L’avocate a renvoyé Mme Turgeon aux pages 241 et 242 de ses notes au sujet des propos échangés lors de cette rencontre relativement à l’utilisation des fiches de cueillette. Mme Turgeon a expliqué qu’elle et Mme Emery avaient à ce moment‑là déjà reçu en entrevue plusieurs travailleurs et qu’elles savaient qu’on leur avait remis des fiches de cueillette. D’après l’expérience de Mme Turgeon, à la suite notamment de toutes les visites qu’elle avait effectuées dans des fermes alors qu’elle faisait partie de l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole, l’usage normal consistait à remettre des fiches de cueillette aux cueilleurs parce que c’est le document dont on se sert pour calculer leur rémunération à la pièce. Habituellement, les cueilleurs portent leur fiche sur eux‑mêmes, notamment en l’épinglant à leur chemise. Elle estimait que l’utilisation de fiches de cueillette pour enregistrer le travail à la pièce était une pratique courante dans l’industrie parce que les petits fruits se vendent à la livre et que les producteurs ne peuvent pas réaliser de profit s’ils payent les travailleurs à l’heure alors que leur production au cours de la saison ne le justifie pas. Mme Turgeon a – ainsi qu’il est noté à la page 241 – demandé à Hakam Singh Gill de lui expliquer pourquoi Gill Farms engageait à la fois des travailleurs à la pièce et des travailleurs payés à l’heure. Elle a écrit sa réponse, en l’occurrence que tous les travailleurs payés à l’heure utilisent des fiches de cueillette pour permettre à Gill Farms de constater leur production. Mme Turgeon a expliqué que les membres de la famille Gill divergeaient d’opinion au sujet de l’utilisation des fiches de cueillette et que Harmit Kaur Gill affirmait que ce n’était pas tous les travailleurs qui se voyaient remettre une fiche de cueillette et qu’elle n’avait pas gardé les fiches en question. Mme Turgeon a cherché à obtenir des éclaircissements sur ce point et a noté la réponse de Harmit, qui lui a expliqué qu’on utilisait des fiches de cueillette [traduction] « parfois, pour voir ce que les gens cueillaient ». Harmit a poursuivi en précisant que Manjit était chargée – le matin – de remettre les fiches de cueillette aux travailleurs et que les travailleurs payés à la pièce ne travaillaient pas toute la journée parce qu’ils travaillaient ailleurs dans d’autres fermes. Mme Turgeon lui a posé la question suivante : [traduction] « Est‑ce que vous utilisez des fiches de cueillette pour des travailleurs payés à l’heure? ». Au bas de la page 242 de ses notes, elle a noté la réponse négative de Harmit. Mme Turgeon note – au haut de la page 246 – que Rajinder avait fait allusion au fait que l’on payait les ouvriers à la pièce plutôt qu’à l’heure, mais que le comptable – M. Wadhawan – avait rappelé à Rajinder que Gill Farms les payait à l’heure. Bien qu’elle ne l’ait pas signalé dans ses notes, Mme Turgeon se souvient que, lorsqu’il avait expliqué comment on calculait la rémunération à la pièce, Rajinder avait déclaré ce qui suit : [traduction] « Celui qui en ramasse plus fait plus d’argent », et qu’à ce moment‑là, M. Wadhawan avait donné un « coup de coude » à Rajinder et était intervenu pour rappeler à Rajinder que les travailleurs étaient payés à l’heure. Lors de la rencontre, Rajinder a produit des reçus de ventes au comptant, notamment celles faites à des acheteurs de la région de Kelowna. Il a également précisé qu’on avait vendu pour environ 2 000 $ – en 1998 – au kiosque situé le long de la route et que Hamilton Farms avait acheté environ 4 000 livres de baies cette année‑là. Il a confirmé que les états financiers de Gill Farms comprenaient toutes les ventes au comptant. Mme Turgeon a expliqué qu’elle avait montré aux Gill le tableau établi par M. Blatchford pour indiquer la quantité moyenne de petits fruits cueillis chaque jour par les travailleurs payés à l’heure ainsi que par les travailleurs payés à la pièce et que, certains jours, on arrivait à des valeurs négatives en appliquant les calculs censés valoir pour les travailleurs payés à l’heure. Mme Turgeon a expliqué que les reçus des ventes au comptant et les renseignements relatifs aux ventes additionnelles avaient été fournis par Rajinder immédiatement après. Sur la question des entrevues, Mme Turgeon a expliqué qu’elle et/ou Mme Emery menaient toutes les entrevues en personne et qu’elles posaient une série de questions imprimées sur un formulaire. Lorsque les travailleurs de Gill Farms étaient reçus en entrevue, on leur demandait au début s’ils consentaient à être photographiés par DRHC et, le cas échéant, la photo était versée au dossier. L’avocate a renvoyé Mme Turgeon au document – pièce R‑3, onglet 7 – produit lors de son entrevue avec l’appelant Gurdev Singh Gill. Mme Turgeon a expliqué qu’elle ne se souvenait pas personnellement de cette entrevue mais qu’elle avait relu ses notes avant de témoigner. Elle a répété qu’elle avait l’habitude de poser les questions figurant dans le formulaire et de noter les réponses de sa main. Jugender Dhillon servait d’interprète. Mme Turgeon a reconnu le document – pièce R‑7, onglet 9 – se rapportant à l’entrevue qu’elle a menée – le 19 janvier 1999 – avec Surinder K. Gill, l’appelante dans l’appel 2001‑2116(EI). Là encore, Mme Turgeon ne se souvient pas personnellement de cette entrevue. Jugender Dhillon servait d’interprète. L’entrevue n’a pas été enregistrée et Mme Turgeon ne se souvient pas que Surinder K. Gill ait demandé le report de l’entrevue parce qu’elle ne se sentait pas bien, mais elle a admis que ce fait aurait été consigné dans ses notes. L’avocate a renvoyé Mme Turgeon à une note entre parenthèses dans le quart inférieur de la page 53 – suivant laquelle [traduction] « la prestataire a demandé que l’entrevue soit suspendue. Elle souffre d’hypertension ». Mme Turgeon affirme qu’elle ne se souvient pas de ce fait mais précise qu’elle notait habituellement ce genre d’incident. Mme Turgeon n’a aucun souvenir de son entrevue avec Santosh Kaur Makkar le 18 janvier 1999 mais a reconnu le formulaire d’entrevue et les notes versées au dossier sous la cote R‑10, onglet 8, où il est indiqué que Jugender Dhillon était l’interprète anglais‑punjabi. Mme Turgeon a expliqué qu’elle avait examiné ces notes et qu’elle était convaincue qu’elles correspondent fidèlement à ce qui s’est passé lors de l’entrevue. Ainsi qu’il est noté au haut de la page 47, Mme Turgeon a demandé à Mme Makkar si elle avait remboursé les Gill en échange de semaines, c’est‑à‑dire pour un relevé d’emploi. Voici la réponse que Mme Makkar lui a faite, d’après ses notes : [traduction] « Non, mais lorsque je travaillais pour Penny’s, parfois mon fils travaillait et ses heures m’étaient créditées ». Mme Turgeon ne se souvient pas de l’ordre des questions qui ont ensuite été posées, mais elle a noté ses questions et les réponses de Mme Makkar dans l’espace situé juste sous la rubrique [traduction] « Questions et réponses supplémentaires » à la page 47 de ses notes. Mme Turgeon a reçu en entrevue l’appelante Jarnail Kaur Sidhu le 19 janvier 1999 et a reconnu les documents – pièce R‑11, onglet 7 – y afférents. Bien que Mme Turgeon ne se souvienne pas précisément de cette entrevue, elle a expliqué que, s’il y avait eu un incident où elle se serait mise en colère et aurait frappé la table de la main ou du poing, elle s’en souviendrait. Mme Turgeon a expliqué qu’au cours des centaines d’entrevues qu’elle mène chaque année, elle ne se conduit jamais ainsi. Elle a expliqué qu’elle ne pouvait se souvenir de la teneur des discussions qu’en consultant les notes qu’elle avait prises à ce moment‑là, conformément à sa pratique habituelle. Mme Turgeon a dressé un tableau intitulé [traduction] « Admissibilité aux prestations d’assurance‑chômage » – pièce R‑24 – dans lequel elle précise les taux de chômage régionaux et le nombre d’heures assurables requises correspondantes qu’il fallait avoir accumulées pour être admissible à des prestations d’assurance‑chômage en 1998. Mme Turgeon a expliqué que la période d’admissibilité aux prestations commence – en règle générale – l’année précédant le début de la période visée par la demande de l’intéressé ou la semaine suivant la période visée par sa dernière demande de prestations, selon la plus courte des deux. Le nombre d’heures assurables accumulées au cours de la période d’admissibilité sert à déterminer si le prestataire a suffisamment d’heures assurables pour avoir droit à des prestations et pour déterminer le nombre de semaines au cours desquelles il touchera des prestations. En 1998 abstraction faite des exceptions permises par le règlement – les personnes qui présentaient une demande de prestations pour la première fois devaient avoir accumulé 910 heures assurables d’emploi pour être admissibles à des prestations d’assurance‑chômage. Mme Turgeon a expliqué que les personnes qui présentent une demande ultérieure sont assujetties à des conditions d’admissibilité qui les obligent à accumuler entre 420 heures et 909 heures, selon le cas, en fonction du nombre d’heures de « participation à la vie active » accumulées au cours de l’année précédant la période d’admissibilité. La réglementation définit la notion de « participation ». En 1998, Vancouver, Surrey et Langley faisaient partie de la région 76, tandis que Abbotsford et Chilliwack relevaient de la région connue sous le nom de South Coastal B.C. à laquelle le code 78 était assigné. À la page 2 de la pièce R‑24, dans la colonne de gauche, Mme Turgeon énumère le nom de chacun des appelantes dans la présente instance et précise dans la colonne du milieu, le nombre d’heures dont chacun avait besoin pour être admissible à des prestations d’assurance‑chômage en 1998. Dans la troisième colonne, Mme Turgeon indique de façon détaillée – entre parenthèses – le nombre d’heures assurables accumulées le cas échéant par ces mêmes personnes dans le cadre d’autres emplois que Gill Farms. À titre d’exemple, Himmat Singh Makkar avait besoin de 910 heures assurables pour devenir admissible à des prestations d’assurance‑chômage mais avait travaillé 934,75 heures chez d’autres employeurs, outre les heures qu’il avait accumulées en travaillant pour Gill Farms. Pour sa part, Jarnail Kaur Sidhu avait besoin du même nombre d’heures assurables – 910 – mais, comme elle n’exerçait pas d’autre emploi, elle ne pouvait compter que sur l’emploi qu’elle exerçait pour Gill Farms pour accumuler suffisamment d’heures pour avoir droit à des prestations après sa mise en disponibilité. Mme Turgeon a préparé un tableau – pièce R‑25 – intitulé [traduction] « Nombre d’heures assurables requises pour permettre aux appelants n’ayant pas de lien de dépendance d’obtenir des prestations d’assurance‑chômage » – dans lequel elle indique le nom de chacun des appelants, à l’exception de Harmit Kaur Gill et de Manjit Kaur Gill, et, dans quatre colonnes distinctes, le nombre d’heures assurables dont chaque appelant avait besoin pour être admissible à des prestations d’assurance‑chômage, le nombre d’heures assurables accumulées dans le cadre d’autres emplois, le nombre d’heures effectuées selon le relevé d’emploi établi par Gill Farms et le nombre total d’heures assurables d’emploi. Voici ce tableau :

 

Nombre d’heures assurables requises pour permettre aux appelants n’ayant pas de lien de dépendance d’obtenir des prestations d’assurance‑chômage

 

Nom de l’appelant

Heures assurables requises pour être admissible à l’assurance-chômage

 

Heures assurables accumulées dans d’autres emplois

Heures assurables selon le RE remis par R&H Gill Farms

TOTAL

Gurdev Gill

 

560

378

324

702

Harbans Khatra

 

560

0

652

652

Surinder Kaur Gill

(appel 2115)

 

560

378

324

702

Surinder K. Gill

(appel 2116)

 

560

475,5

260

735,5

Himmat Makkar

 

910

934,75

160

1094,75

Santosh Makkar

 

910

571

421

992

Jarnail Sidhu

 

910

0

942

942

Gyan Jawanda

910

0

942

942

 

[89]  Mme Turgeon a expliqué qu’à l’exception de Himmat Singh Makkar, tous les appelants dont le nom figure sur cette liste devaient travailler pour Gill Farms pour pouvoir accumuler suffisamment d’heures afin d’être admissibles à des prestations d’assurance‑chômage. Mme Turgeon a établi un document intitulé [traduction] « Résumé - Ferme R&H Gill » – pièce R‑26 – qu’elle a soumis à l’ADRC, à qui elle a également demandé une décision sur l’assurabilité de certains travailleurs nommément désignés, dont les appelants. On trouve à l’avant‑dernière page de ce document une liste de neuf questions posées par Mme Turgeon et, à la dernière page, l’énumération des anomalies qu’elle a relevées. Mme Turgeon a expliqué qu’elle voulait porter à la connaissance de l’ADRC tous les éléments de preuve pertinents et lui faire part de son opinion au sujet de la situation d’emploi des travailleuses ayant un lien de dépendance Manjit Kaur Gill et Harmit Kaur Gill – et de celle du groupe des travailleurs sans lien de dépendance. Elle a exprimé ses doutes au sujet de l’exactitude des documents produits par Gill Farms et a signalé diverses contradictions en ce qui concerne l’argent que la vente de petits fruits avait procuré à la société de personnes, en insistant notamment sur l’écart considérable constaté entre cette somme et le montant total qui avait été déposé dans les comptes de l’entreprise que possédaient les intervenants en 1998. Elle a exprimé des réserves au sujet du fait que les deux épouses Harmit et Manjit – travaillaient comme superviseures à temps plein durant ces périodes de la saison alors que l’entreprise n’employait que six personnes. Il semble que la main‑d’oeuvre utilisée était trois fois supérieure à celle qui est nécessaire selon les normes de l’industrie, et il était par ailleurs illogique qu’un producteur paye 86 948 $ en salaires pour la cueillette de petits fruits dont la vente lui avait rapporté seulement 61 902 $. Mme Turgeon a précisé qu’elle avait indiqué de façon détaillée les éléments qui, à son avis, exigeaient un examen de la part de l’agent des décisions avant qu’il ne se prononce sur l’assurabilité.

 

[90]  Claire Turgeon a été contre‑interrogée par Ronnie Gill. Mme Turgeon a présenté sa demande de décisions sur l’assurabilité le 9 juillet 1998, date à laquelle elle n’avait pas encore reçu le rapport final de M. Blatchford suivant lequel les recettes tirées de la vente de bleuets s’élevaient à 73 712 $ et non à 61 902 $ comme elle l’avait supposé dans son résumé. Mme Turgeon a convenu que DRHC n’avait pas mené d’enquête sur l’emploi de Santosh Kaur Makkar pour Penny’s Farm et, même si Mme Makkar avait spontanément déclaré que – parfois – son fils travaillait à cet endroit et que les heures qu’il y effectuait lui étaient créditées pour l’établissement de son relevé d’emploi. Ronnie Gill a renvoyé Mme Turgeon aux notes – pièce R‑8, onglet 14 – prises par Mme Emery au sujet de la visite effectuée à Gill Farms le 3 novembre 1998. Gill a souligné que Mme Turgeon avait écrit dans ses notes – onglet 13 – que [traduction] « Harmit tient tous les registres quotidiens » mais que Mme Emery avait noté que les documents dont on avait officiellement exigé la production étaient [traduction] « les chèques oblitérés, les feuilles de paye, les feuilles de temps » et qu’on n’avait pas mentionné les registres. Mme Turgeon a dit qu’elle ne pouvait pas commenter ces notes. Ronnie Gill a signalé que les notes de Mme Turgeon contredisaient celles de Mme Emery en ce qui concerne le nombre de travailleurs requis pour certaines tâches entre mars et juin. Mme Turgeon avait noté que [traduction] « la fertilisation et le nettoyage étaient effectués par deux ou trois personnes », tandis que Mme Emery avait écrit que, suivant Rajinder Singh Gill, [traduction] « il fallait trois ou quatre travailleurs pour effectuer ce travail, mais pas à plein temps; ils étaient en attente ». Mme Turgeon a raconté que l’entrevue s’était déroulée dans un cadre informel et qu’à certains moments, plusieurs conversations avaient lieu en même temps. Il ressort des notes de Mme Turgeon qu’elle considérait que c’était surtout Rajinder qui avait pris la parole. Ronnie Gill a laissé entendre que Harmit Kaur Gill aurait été davantage au courant des activités de la ferme. Mme Turgeon a répondu que la conversation allait dans tous les sens parce que, pendant qu’elle parlait avec Rajinder, Mme Emery parlait avec Harmit et Manjit. Mme Turgeon se souvient que Rajinder est toutefois sorti de la cuisine pour aller répondre au téléphone et qu’à son retour, il a continué à participer à la conversation jusqu’à ce que l’on mette fin à la rencontre à la suite de l’intervention de Daljit Kaur Gill, qui s’opposait aux questions qui étaient posées. Mme Turgeon a estimé qu’elle et sa collègue, Mme Emery, avaient passé entre 20 et 30 minutes chez les Gill. Mme Turgeon a affirmé qu’elle avait cru entendre Manjit Kaur Gill affirmer qu’elle ne cueillait pas de petits fruits. Toutefois, d’autres travailleurs qu’elle a reçus en entrevue ont mentionné que Manjit avait cueilli des baies. Mme Turgeon a expliqué qu’elle n’avait pas clarifié – chaque fois – si le travailleur en question avait effectivement vu Manjit cueillir des baies seulement à l’occasion pour une brève période de temps ou si elle semblait avoir fait de la cueillette de façon plus régulière. Ronnie Gill a renvoyé Mme Turgeon à l’entrevue – pièce R‑11, onglet 7, page 40 – de Jarnail Kaur Sidhu, où l’on demandait à cette dernière d’énumérer, dans l’ordre, les différentes fonctions qu’elle avait exercées alors qu’elle travaillait pour Gill Farms. Mme Sidhu a expliqué qu’elle avait commencé par faire du binage, couper les parties épineuses des bleuetiers, solidifier les fils qui tenaient les filets en place, installer des crochets sur les fils, installer les filets – en montant dans des échelles – et qu’ensuite elle avait cueilli des baies, coupé ou cassé les branches mortes, démonté les filets et fait du désherbage jusqu’à sa mise en disponibilité le 26 septembre 1998. Mme Turgeon a confirmé qu’aucune des entrevues qu’elle avait réalisées avec les travailleurs de Gill Farms n’avait été enregistrée, notamment sur magnétophone, et que les seules traces écrites se trouvaient dans les formulaires imprimés et dans les notes manuscrites qu’elle avait prises au sujet des réponses données aux questions contenues dans les formulaires en question. Mme Turgeon a confirmé que la seule fois où elle avait tenté d’enregistrer des entrevues était lors de la rencontre du 20 mai 1999 aux bureaux de DRHC où dix personnes étaient présentes. Mme Turgeon a convenu que, dans son résumé – pièce R‑26 – elle avait trouvé étrange que Gill Farms demande à Manjit et Harmit de travailler comme superviseures alors qu’il n’y avait que six employés. Ronnie Gill a renvoyé Mme Turgeon aux notes prises par M. Blatchford – pièce R‑19 – lors de la rencontre du 20 mai, où il avait dressé la liste des diverses fonctions exécutées par Manjit à part la supervision des travailleurs et avait noté que Harmit s’était acquittée de tâches semblables. Suivant Ronnie Gill, il aurait été évident pour DRHC que ces deux personnes travaillaient ensemble avec d’autres employés tant avant qu’après la période de la saison consacrée à la cueillette des petits fruits. Mme Turgeon a expliqué qu’elle avait fait partie de l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole pendant six ans et qu’elle avait visité de nombreuses fermes de diverses régions de la Colombie‑Britannique, notamment des vergers de la vallée de l’Okanagan et des fermes de la région de Kamloops où l’on cultivait le ginseng. Elle a expliqué qu’il n’était pas courant que des personnes travaillent entre 10 et 14 heures par jour lorsque la saison battait son plein.

 

[91]  Moira Emery a été interrogée par Me Shawna Cruz. Elle a expliqué qu’elle travaille depuis huit ans comme agente d’enquêtes et de contrôle (AEC) à DRHC. Auparavant, elle avait travaillé dans d’autres secteurs, notamment comme conseillère en emploi et comme évaluatrice. En tant qu’AEC, elle s’occupe de divers aspects de l’assurance‑chômage ainsi que des dossiers de numéros d’assurance sociale qui lui sont confiés, notamment en matière de fraude. Elle reçoit souvent des renseignements privilégiés de la part de personnes de l’extérieur et elle travaille à des dossiers qui lui sont acheminés par des évaluateurs de première ligne ou des agents d’assurance‑emploi de DRHC qui se sont occupés d’une demande déterminée. Elle avait travaillé à une douzaine de dossiers relatifs à des fermes avant de se voir confier les dossiers de Gill Farms et de Manjit Kaur Gill. Elle ne parle pas punjabi et elle a l’habitude d’entrer en communication avec l’intéressé pour déterminer s’il est nécessaire de recourir aux services d’un interprète. Lorsqu’elle reçoit un dossier, elle en examine le contenu pour cerner le point litigieux et elle décide ensuite quelle mesure il convient de prendre et y donne suite. Bien que Mme Turgeon soit maintenant sa superviseure, elles étaient toutes les deux des AEC en 1998. Mme Emery se souvient de la visite qu’elle a effectuée avec Mme Turgeon à Gill Farms le 3 novembre 1998 et du fait qu’elles n’avaient pas donné de préavis à la famille Gill. Leur intention était de se renseigner au sujet de l’entreprise agricole en général et de recueillir des renseignements au sujet de la nature des fonctions accomplies par Manjit Kaur Gill. Mme Emery a rédigé ses notes – pièce R‑8, onglet 14 – à son retour au bureau en s’inspirant des notes qu’elle avait prises sur un bout de papier au cours de l’entrevue réalisée chez les Gill. Mme Emery a expliqué qu’elle transcrivait habituellement ses notes le jour même et que, lorsqu’elle les écrivait – onglet 14 – elle ne cherchait pas à noter [traduction] « absolument tout ce qui avait été dit » mais qu’elle s’efforçait plutôt de s’en tenir aux détails ayant rapport à la question de l’existence d’un lien de dépendance entre l’intéressé et l’employeur. Autant qu’elle s’en souvienne, la rencontre a duré entre 40 et 45 minutes et Rajinder a pris la parole plus souvent que Manjit et Harmit. Mme Emery a raconté qu’elle avait expliqué aux membres de la famille les principes régissant la question de l’assurabilité de l’emploi d’un membre de la famille et que les questions qui leur étaient posées portaient sur cette question. Mme Emery a raconté qu’une jeune femme était intervenue dans la discussion et que cette jeune femme était très contrariée. Par suite de cet incident, on a mis fin à la rencontre environ dix minutes plus tard. Mme Emery affirme qu’autant qu’elle s’en souvienne, elle n’avait eu aucun problème à communiquer – en anglais – avec l’un ou l’autre des Gill et qu’elle cherchait surtout à préciser la nature du travail effectué par Manjit pour la société de personnes des frères Gill. Il n’a jamais été question de garde d’enfants dans quelque contexte que ce soit. On a officiellement exigé au moyen d’un formulaire spécial Demande de renseignements – les chèques oblitérés, les feuilles de paye et les feuilles de temps. Aucun des membres de la famille Gill n’a fait mention d’un registre quotidien, un document que la loi oblige les entrepreneurs en main‑d’oeuvre agricole à tenir. À l’époque, DRHC ne savait pas si les Gill avait recruté des employés par l’intermédiaire d’un entrepreneur en main‑d’oeuvre agricole, de sorte que c’est par simple routine qu’on a demandé la production du registre quotidien. Mme Emery a expliqué qu’elle était convaincue que Harmit et Manjit comprenaient les questions qu’elle et Mme Turgeon leur posaient, même si elles laissaient le plus souvent à Rajinder le soin de répondre. Mme Emery a expliqué qu’elle avait découvert plus tard que Harmit avait également été employée par Gill Farms en 1998 ce qui l’avait amenée à s’interroger sur les raisons pour lesquelles il aurait été nécessaire d’engager deux superviseures. Mme Emery a reconnu les notes – pièce R‑5, onglet 12 – qu’elle avait rédigées au sujet de l’entrevue menée avec Harmit Kaur Gill le 26 novembre 1998. Le fils de Harmit – Kulwant – servait d’interprète. L’entrevue a eu lieu dans une petite pièce, dans les bureaux de DRHC à Abbotsford. Les notes dans leur forme actuelle ont été rédigées plus tard à partir des notes prises au moment où Harmit a donné ses réponses, avec des abréviations et des symboles selon son style personnel. La version intégrale – onglet 12 – est facile à lire et peut être comprise par toute personne qui examine les dossiers par la suite. Lors de l’entrevue, Mme Emery a tenté de parler directement à Harmit et d’obtenir des réponses d’elle. Elle a expliqué qu’elle ne recourait à l’interprète – Kulwant – que lorsque des difficultés de communication survenaient au cours de leur discussion. Mme Emery avait téléphoné à Harmit pour organiser l’entrevue. Mme Emery a noté – page 57 – qu’au cours de la discussion, Harmit avait expliqué que [traduction] « pendant ses temps libres, elle faisait la cueillette de petits fruits ». Mme Emery a expliqué que DRHC avait décidé d’examiner l’emploi de tous les prestataires ayant travaillé pour Gill Farms en 1998. Un tableau a été créé pour illustrer le premier et le dernier jour de travail de chacune des personnes à qui un relevé d’emploi avait été remis. DRHC a obtenu des conserveries/établissements d’emballage des récépissés d’expédition qui indiquaient les dates où Gill Farms avait livré les petits fruits. Mme Emery a expliqué qu’elle et Mme Turgeon ont reçu en entrevue chacun des travailleurs censés avoir été payés à l’heure et qu’elles avaient demandé à des employés de DRHC qui parlaient le punjabi de servir d’interprètes. Les questions étaient formulées à l’avance et on a averti dès le début de l’entrevue les personnes interrogées qu’elles s’exposaient à des pénalités en cas de fausses déclarations. Mme Emery a expliqué que la loi n’autorisait pas DRHC à obliger une personne à se présenter à une entrevue ou, si elle s’y présentait, à la contraindre d’y rester. Elle a confirmé qu’aucune entrevue n’avait été enregistrée et que la seule tentative d’enregistrement faite avec un magnétophone dans la salle de conférence de DRHC à Langley, le 20 mai 1999, avait échoué. Mme Emery a reconnu les notes – pièce R‑4, onglet 8 – qu’elle avait prises au sujet de l’entrevue qu’elle avait menée avec Harbans Kaur Khatra le 18 janvier 1999. Elle se souvient que la rencontre a duré environ 45 minutes mais a admis qu’elle aurait pu être plus longue si l’on avait eu besoin de l’interprète – Paula Bassi – pour chacune des questions et des réponses. Suivant son expérience, certaines des personnes interrogées sont nerveuses, confuses et/ou mal à l’aise. Elle cherche toujours à connaître la cause de ce malaise. Mme Emery a reçu en entrevue Himmat Singh Makkar le même jour et ses notes se trouvent à la pièce R‑9, sous l’onglet 9. Paula Bassi agissait comme interprète. Comme Mme Emery le note à la page 46, à sa question au sujet du mode de rémunération, M. Makkar lui a répondu : [traduction] « À la pièce – 100 lbs = 30 $ ». Mme Emery a expliqué que c’était M. Makkar qui avait donné l’exemple au sujet de la quantité de livres multipliée par le taux applicable qui donnait 30 $. Mme Emery a expliqué qu’elle a pour principe de reprendre les réponses de la personne interrogée en les paraphrasant et de lui demander de les confirmer pour s’assurer d’avoir bien compris. Elle se servait de l’espace laissé en blanc à la fin du formulaire pour inscrire toute question ou réponse complémentaire. Suivant les réponses qu’il lui a données, M. Makkar commençait le matin à 7 h et finissait de travailler le soir à 18 h. Suivant l’expérience de Mme Emery, les heures de début et de fin des travailleurs agricoles ne sont pas toujours les mêmes et elle a noté la réponse donnée dans chaque cas. Mme Emery a pris des notes – pièce R‑12, onglet 7 – lors de son entrevue avec Gyan Kaur Jawanda le 19 janvier 1999. Paula Bassi servait d’interprète et a expliqué à Mme Jawanda – en punjabi – l’objet de l’entrevue, en l’occurrence l’admissibilité de Mme Jawanda à des prestations d’assurance‑chômage. L’obligation de répondre avec franchise a été expliquée à Mme Jawanda. On lui a demandé page 46 – si elle avait remboursé de l’argent aux Gill en échange d’un relevé d’emploi. Mme Emery a noté la réponse de Mme Jawanda, qui a affirmé qu’elle ne savait pas ce qu’était un relevé d’emploi ni ce à quoi cela servait, mais que sa fille le saurait. Mme Emery a également reçu en entrevue Surinder Kaur Gill appel 2001‑2115(EI) – le 18 janvier 1999 et ses notes se trouvent à la pièce R‑6, onglet 7. Mme Emery a noté – page 43 – que Surinder Kaur Gill [traduction] « ne se sentait pas bien » mais qu’elle n’avait pas demandé qu’on mette fin à l’entrevue. Après que Mme Emery et/ou Mme Turgeon eurent terminé toutes les entrevues, les renseignements recueillis jusqu’à ce moment‑là ont été examinés et DRHC a décidé de retenir les services d’un cabinet de juricomptables. Mme Emery se souvient de la rencontre du 20 mai 1999 aux bureaux de DRHC à Langley; elle estime qu’elle a duré environ quatre heures. Mme Turgeon présidait la réunion et, suivant Mme Emery, la procédure suivie était formelle mais le climat était cordial.

 

[92]  Moira Emery a été contre‑interrogée par Ronnie Gill, qui l’a renvoyée à une lettre – pièce R‑23 – datée du 4 mai 1999 qui avait été adressée à DRHC sur du papier à en‑tête de Gill Farms. Il était précisé, à la dernière phrase de la page 1 de cette lettre qu’à défaut de se présenter à l’entrevue [traduction] « vous vous exposez à des pénalités ou à des poursuites sur la foi des renseignements qui se trouvent déjà au dossier ». Mme Emery a admis que cette lettre n’était pas typique et que les destinataires pouvaient en conclure que leur présence à l’entrevue était obligatoire. En ce qui concerne la visite chez les Gill le 3 novembre 1998, Mme Emery a admis qu’elle avait tenu pour acquis que Manjit et Harmit comprenaient toutes les deux suffisamment l’anglais pour saisir la nature des questions qui leur étaient posées par elle‑même ou par Mme Turgeon. Elle a expliqué qu’elle n’avait pas mentionné dans ses notes l’intervention de la jeune femme de la famille Gill parce qu’elle ne considérait pas qu’il s’agissait là d’un fait important. Mme Emery n’a pas été en mesure d’expliquer la contradiction entre ses notes et celles prises par Mme Turgeon au sujet de la même discussion, qui avait eu lieu au cours de cette visite, car les notes en question se rapportaient à des questions comme le nombre exact de travailleurs à un moment précis ou encore le temps requis pour installer les filets. Mme Emery a admis que, lorsqu’une demande officielle de production de documents est signifiée, un délai est prévu pour leur production mais que ce délai est souvent fixé après négociation avec les destinataires de cet avis.

 

[93]  Moira Emery a été réinterrogée par Me Shawna Cruz. Elle a convenu qu’elle avait noté – pièce R‑8, onglet 14, page 66 – que les compétences de Manjit en anglais étaient [traduction] « un peu limitées ».

 

[94]  Interrogée par le Tribunal à ce sujet, Mme Emery a expliqué qu’il n’est pas inusité que des personnes – qui ont été sommées de produire certains documents – répondent qu’elles ne tiennent pas de registre quotidien ou l’équivalent. Elle a ajouté qu’elle se serait attendue à ce que les Gill en fassent autant si le registre en question n’existait pas déjà. Elle a expliqué qu’à la demande de Mme Turgeon, elle avait expressément mentionné le registre quotidien dans la demande formelle de renseignements.

 

[95]  Harby Rai a été interrogée par Me Shawna Cruz. Mme Rai a expliqué qu’elle est agente des décisions en ce qui concerne le RPC et l’assurance‑emploi et qu’elle travaille pour l’Agence de revenu du Canada et ses prédécesseurs depuis mars 1997. Elle a commencé comme commis et est devenue agente des décisions en 1992. Née en Inde, elle est arrivée au Canada à l’âge de neuf ans et a fréquenté l’école jusqu’à ce qu’elle obtienne son diplôme d’études secondaires. Avant que le dossier Gill ne lui soit confié, Mme Rai s’était occupée d’une quinzaine de dossiers différents d’entreprises agricoles où elle avait été appelée à prendre des décisions au sujet de l’emploi de certaines personnes et à calculer le nombre d’heures qu’elles avaient effectuées, de même que leur rémunération assurable et la durée de leur emploi. Mme Rai a expliqué qu’elle parlait couramment le punjabi parce que c’était la langue parlée à la maison et qu’elle avait épousé un homme originaire de l’Inde qui parlait le punjabi. Elle a expliqué qu’elle parlait régulièrement en punjabi aux membres de sa famille et de sa belle‑famille et que, lorsqu’elle s’était rendue au Pendjab en 1993, en 1995 et en 2003 – pour des séjours de trois ou quatre semaines – elle n’avait pas rencontré d’obstacles importants lorsqu’il s’agissait de communiquer en punjabi avec des amis ou des parents ou pour circuler au Pendjab. Mme Rai a expliqué qu’elle était régulièrement appelée en parler en punjabi dans le cadre de son emploi depuis 1999 et qu’elle connaissait bien la façon respectueuse de s’exprimer et les formules de politesse que l’on emploie dans cette langue. Elle ne sait toutefois ni lire ni écrire le punjabi car elle a perdu ces aptitudes avec le temps et n’a pas suivi de cours pour les conserver depuis son arrivée au Canada. Du milieu de 1999 jusqu’en 2001, Mme Rai a fait partie de l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole et s’est occupée en qualité d’agente des décisions de plusieurs dossiers concernant des fermes. Les demandes de décisions lui sont soumises par des employeurs, des employés, DRHC ou encore par l’intermédiaire d’un mécanisme interne de l’ARC par lequel certains dossiers lui sont transmis par des examinateurs de fiducies ou par des vérificateurs. Habituellement, Mme Rai communique avec le travailleur et l’employeur et examine les documents qu’elle reçoit de DRHC. Dans le cas des présents dossiers, elle a examiné les feuilles de paye, les relevés d’emploi, les formulaires de demandes de décisions, les demandes de prestations d’assurance‑chômage, les chèques oblitérés, les relevés bancaires, un rapport de vérification juricomptable, ainsi que des copies des notes prises lors des entrevues menées aux bureaux de DRHC. Elle a reçu tous ces documents en juillet 1999. À ce moment‑là, la question qui la préoccupait était celle des circonstances de l’emploi des épouses des frères qui exploitaient Gill Farms et la question de savoir si les heures assurables des travailleurs qui n’avaient pas de lien de dépendance avaient été gonflées dans les divers relevés d’emploi. En août 1999, en tant que membre de l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole, elle avait visité Gill Farms et parlé avec Hakam Singh Gill. Dans l’exercice de ses fonctions d’agente des décisions, elle menait des entrevues au téléphone, sauf celle qu’elle a eue avec Gyan Kaur Jawanda et qui s’est déroulée chez l’appelante. Mme Rai a expliqué que, lorsqu’elle recevait des travailleurs en entrevue, elle se renseignait au sujet des périodes de rémunération, des tâches, de l’identité des compagnons de travail, de l’heure du début et de la fin du travail, des heures de travail et du moyen de transport utilisé pour se rendre au travail et pour en revenir. L’avocate a renvoyé Mme Rai à ses notes manuscrites – pièce R‑7, onglet 5 – au sujet de Surinder K. Gill (appel 2001‑2116 (EI)). Mme Rai a expliqué que, normalement, elle parle aux travailleurs – en punjabi – et qu’elle traduit leurs réponses du punjabi à l’anglais lorsqu’elle prend des notes au sujet de la conversation. Elle transcrit ensuite ses notes à l’ordinateur et les imprime. Au sujet de l’entrevue qu’elle a eue le 27 juillet 1999 avec Surinder K. Gill, Mme Rai estime qu’elle a duré entre 30 et 45 minutes. Au départ, Mme Gill a nié avoir utilisé des fiches de cueillette alors qu’elle était employée par Gill Farms, mais après que Mme Rai lui eut rappelé qu’elle avait dit à DRHC qu’on utilisait une fiche chaque jour, elle a admis qu’on lui avait remis des fiches de cueillette et que ses heures de début de et fin étaient inscrites sur la fiche en question, de même que le poids des fruits cueillis. Mme Rai a expliqué que Surinder K. Gill avait reçu une indemnité de congés payés de 7,6 % et ce, même si elle n’avait travaillé que du 26 juillet au 12 septembre 1998, une période relativement courte en comparaison des autres travailleurs qui n’avaient reçu qu’une indemnité de congés payés de 4 %. On a renvoyé Mme Rai à ses notes dactylographiées – pièce R‑4, onglet 4 – concernant son entrevue téléphonique avec Harbans Kaur Khatra. L’entrevue s’est déroulée en punjabi. Mme Rai a noté que Mme Khatra lui avait dit que Manjit Kaur Gill l’amenait au travail et qu’elle était payée à l’heure – huit dollars l’heure – et non à la pièce pour son travail. Mme Rai a également noté que Mme Khatra lui avait affirmé qu’elle n’avait pas utilisé de fiche de cueillette et qu’elle ignorait si d’autres travailleurs s’en servaient. Suivant Mme Rai, les questions étaient simples et ne portaient que sur les aspects essentiels du travail de Mme Khatra. Mme Rai a expliqué que, pour en arriver à une décision, elle était tenue d’appliquer les dispositions législatives et réglementaires pertinentes, qui limitent à 35 par semaine le nombre d’heures assurables dans le cas de Mme Khatra et des autres employés sans lien de dépendance de Gill Farms, et de multiplier le total des heures ainsi obtenu par le taux horaire de 7,50 $ pour déterminer la rémunération assurable. Le 30 juillet 1999, Mme Rai s’est présentée chez Gyan Kaur Jawanda, au retour de cette dernière du travail. Les notes dactylographiées prises par Mme Rai au sujet de cette entrevue se trouvent à la pièce R‑12, sous l’onglet 3. L’entrevue avait d’abord été fixée au 28 juillet, mais elle avait été annulée par la fille de Mme Jawanda. Mme Rai a expliqué que la fille de Mme Jawanda était présente pendant toute la durée de l’entrevue – le 30 juillet – et que l’entrevue avait duré environ une heure. Mme Rai a expliqué qu’on lui a offert du jus et que l’entrevue avait eu lieu dans la salle de séjour de l’appartement, qui était situé au sous‑sol et que le ton était calme. La fille de Mme Jawanda – Baljit – a dit à sa mère : [traduction] « Maman, il suffit d’être honnête ». Mme Rai a estimé que les réponses que l’appelante lui a données étaient crédibles, mais elle a oublié de lui faire signer les notes d’entrevue et a téléphoné à Baljit pour lui faire part de cet oubli. Le 12 août 1999, Mme Rai a appelé Baljit, qui lui a dit que Gyan Kaur Jawanda était au travail mais qu’elle l’avait chargée de dire que Gill Farms l’avait envoyée à Langley où elle avait cueilli des fraises pendant une semaine. Le 16 août, Mme Jawanda a apposé sa signature au bas des notes d’entrevue et Baljit Kaur Jawanda a servi d’interprète. Mme Rai a mené une entrevue au téléphone avec Himmat Singh Makkar le 16 août 1999. Ses notes dactylographiées se trouvent à la pièce R‑9, sous l’onglet 4. Elle lui a parlé en punjabi et a noté sa déclaration que lui et son épouse Santosh Kaur Makkar – étaient payés huit dollars l’heure et travaillaient sept jours par semaine sauf en cas de mauvais temps. Mme Rai ne se souvient pas si elle a signalé à Himmat Singh Makkar la contradiction qu’elle avait relevée entre cette déclaration et les feuilles de paye, qui indiquaient qu’il n’avait travaillé que cinq jours par semaine. Mme Rai a consulté ses notes dactylographiées – pièce R‑10, onglet 5 – au sujet de l’entrevue téléphonique qu’elle avait eue avec l’appelante Santosh Kaur Makkar après sa conversation avec Himmat Singh Makkar. Mme Rai a expliqué qu’elle avait parlé en punjabi – pendant une vingtaine de minutes avec Santosh Kaur Makkar, qui l’avait informée qu’elle et son mari avaient tous les deux travaillé comme cueilleurs dans une ferme où l’on cultivait les framboises et qu’ils étaient ensuite allés travailler pour Gill Farms après avoir été mis en disponibilité. Mme Rai a noté l’affirmation de Santosh Kaur Makkar suivant laquelle elle était payée 7,50 $ l’heure et n’utilisait pas de fiches de cueillette. Le 27 juillet 1999, Mme Rai a parlé – en punjabi – à Jarnail Kaur Sidhu au téléphone et les notes dactylographiées de cette conversation se trouvent à la pièce R‑11, sous l’onglet 3. Suivant les notes prises par Mme Rai, cette travailleuse affirmait ne pas pouvoir se souvenir quand elle avait effectué ses différentes activités pour Gill Farms, ni durant quel mois la plus grande partie du travail était fait. Mme Sidhu a également affirmé qu’elle n’utilisait pas de fiche de cueillette parce qu’elle était payée à l’heure, mais qu’elle ne se souvient pas à quel taux de rémunération. Mme Rai estime que la conversation a duré environ 45 minutes et que au départ – Mme Sidhu n’était disposée qu’à confirmer les renseignements qu’elle avait déjà communiqués à DRHC. Toutefois, lorsque Mme Rai lui a demandé de confirmer qu’elle avait utilisé des fiches de cueillette, Mme Sidhu a nié avoir fait une telle déclaration à DRHC parce qu’elle n’utilisait pas de fiches de cueillette. Mme Rai a interrogé – en punjabi, au téléphone – Gurdev Singh Gill le 19 août 1999. Il a expliqué à Mme Rai qu’il travaillait avec son épouse – Surinder Kaur Gill (appel 2002‑2115(EI)) – pour Gill Farms et qu’habituellement, c’était Manjit Kaur Gill qui venait les chercher. Mme Rai a noté la déclaration suivante de Gurdev Singh Gill : [traduction] « On commence par installer les filets [...] » et qu’il avait ensuite expliqué qu’il avait fallu remplacer certaines vieilles perches et que les travailleurs devaient monter dans une échelle pour dérouler les filets. Mme Rai a noté qu’à un autre moment, au cours de leur conversation, M. Gill lui a dit qu’il avait cueilli des fruits après que les filets avaient été montés et que ces filets visaient à empêcher les oiseaux de manger les baies. De façon générale, Mme Rai a raconté qu’elle avait posé trois fois la même question à M. Gill et que, chaque fois, il avait répondu en affirmant qu’on installait les filets avant de commencer à cueillir des baies. Mme Rai a expliqué que la raison pour laquelle elle avait répété la question au sujet du moment où l’installation des filets avait lieu était que M. Gill n’avait commencé à travailler pour Gill Farms que le 2 août 1998 et qu’à cette date, les filets étaient installés depuis au moins un mois. Il a également soutenu qu’il était payé à l’heure et qu’il n’utilisait pas de fiches de cueillette. Il a confirmé qu’il avait eu droit à la même indemnité de congés payés – 7,6 % – que son épouse. Mme Rai a fait un résumé – pièce R‑1, onglet 22 – pour chacun des travailleurs. On trouve à la page 159 le résumé de la situation de Manjit Kaur Gill et de Harmit Kaur Gill et de leur rôle respectif dans l’ensemble de l’exploitation de Gill Farms. Mme Rai a expliqué qu’elle avait conclu que les feuilles de paye de Gill Farms n’étaient pas fiables, compte tenu surtout des rapports de MM. Sweeney et Blatchford et des renseignements qu’elle avait obtenus au sujet des charges salariales normales prévues selon les normes de l’industrie. Elle a conclu que les heures d’emploi des travailleurs qui n’avaient pas de lien de dépendance avaient été gonflées, sauf dans le cas de Gyan Kaur Jawanda. De l’avis de Mme Rai, le pourcentage de 38 % du total des heures‑personnes attribué aux autres tâches que la cueillette au cours de la saison 1998 n’était pas raisonnable. Dans la décision relative à Manjit Kaur Gill – pièce R‑8, onglet 4 – et à Harmit Kaur Gill – pièce R‑5, onglet 4 – Mme Rai a conclu que l’emploi qu’elles avaient exercé auprès de Gill Farms n’était pas un emploi assurable au cours des périodes applicables à chacune. Au moment d’établir le rapport de décision relatif à Manjit Kaur Gill, Mme Rai a présumé que Rajinder Singh Gill avait travaillé à temps plein à la ferme en 1998. Mme Rai a relevé plusieurs contradictions au sujet des tâches qui auraient été exécutées, telles que la pesée des baies par Harmit. Vu l’ensemble des renseignements dont elle disposait, Mme Rai a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de travail pour justifier le recrutement de Manjit ou de Harmit au cours des périodes considérées et que ces personnes n’auraient pas été engagées si elles n’avaient pas eu de lien de dépendance avec les associés qui exploitaient Gill Farms. Mme Rai a expliqué qu’elle avait fait parvenir un questionnaire – pièce R‑1, onglet 21 – aux frères Gill en leur demandant de le remplir relativement à chacun des travailleurs. Les renseignements ont été fournis par Lucky Gill – LRS Solutions – sous forme de lettre – pièce R‑1, onglet 20 – datée du 30 septembre 1999.

 

[96]  Harby Rai a été contre‑interrogée par Ronnie Gill, qui l’a renvoyée à la lettre de LRS qui se trouve à l’onglet 20, et plus particulièrement aux fonctions exercées par Harmit Kaur Gill, à partir de la page 112. À la page 117, il est précisé, au sujet de la période de juillet 1998, qu’une de ses attributions consistait à [traduction] « peser tous les bleuets cueillis pour pouvoir suivre la production ». Mme Gill a signalé à Mme Rai que l’on trouvait la même description dans la liste des fonctions effectuées par Harmit au cours des mois suivants d’août et de septembre et que cette lettre avait été portée à son attention par son auteure, Lucky Gill. Ronnie Gill a renvoyé Mme Rai aux notes – pièce R‑8, onglet 12 – prises par Mme Turgeon au sujet de son entrevue avec Manjit Kaur Gill – le 26 novembre 1998 – où – à la page 59 – Manjit explique, en réponse à une question directe de Mme Turgeon sur l’identité de la personne qui pesait les baies : [traduction] « C’est ma soeur Harmit qui s’en occupe ». Mme Rai a reconnu que ces renseignements étaient exacts, mais a ajouté qu’ils n’avaient pas influé beaucoup sur sa décision de déclarer cet emploi non assurable. Ronnie Gill a avancé l’idée que, comme Hakam Singh Gill occupait un emploi à temps plein en 1998, il ne semblerait pas raisonnable d’accepter qu’il aurait supervisé chaque jour le travail de Gyan Kaur Jawanda. Mme Rai a expliqué qu’elle savait que Hakam exerçait un emploi régulier à l’extérieur de la ferme mais qu’elle avait malgré tout accepté – dans l’ensemble – la description que Mme Jawanda avait donnée de son emploi. Ronnie Gill a renvoyé Mme Rai aux notes – pièce R‑12, onglet 3, page 28 – prises lors de sa conversation en personne avec Mme Jawanda – le 30 juillet 1999 – et aux propos de Mme Jawanda, qui affirmait avoir cueilli des bleuets seule les vingt premiers jours. Ronnie Gill a renvoyé Mme Rai au rapport de M. Blatchford – pièce R‑1, onglet 23, page 211 – et notamment au tableau indiquant que le total de livres de bleuets cueillis le 7 juillet 1998 était de 1 686. Mme Rai a expliqué qu’elle se contenait de noter ce que Mme Jawanda lui avait dit lors de l’entrevue et qu’elle ne lui avait pas demandé de précisions quant à cette déclaration, qu’elle trouvait bizarre. Mme Rai a expliqué que, jusqu’à ce qu’elle termine sa onzième année, à l’école secondaire, elle cueillait des petits fruits dans la vallée du Fraser l’été et qu’elle se souvient qu’elle commençait dès cinq heures du matin et ne rentrait chez elle que vers 22 h. Même lorsqu’elle fréquentait l’école primaire, elle travaillait à la cueillette des baies et était toujours rémunérée à la pièce, tandis qu’elle était payée à l’heure pour les autres tâches, comme le sarclage. Lors de sa visite de Gill Farms – en août 1999 – Mme Rai n’avait pas vérifié si les travailleurs utilisaient des fiches de cueillette. Lors de cette visite, Mme Turgeon a parlé avec Hakam Singh Gill de sa demande de prestations d’assurance‑chômage, car l’usine où il travaillait venait de le mettre en disponibilité. Ronnie Gill a laissé entendre à Mme Rai qu’elle aurait pu profiter de cette visite pour recueillir des renseignements précieux au sujet de l’exploitation de Gill Farms lorsque la saison des petits fruits battait son plein. Mme Rai a répondu que, même si elle faisait partie de l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole depuis juin 1999, on ne lui avait pas encore confié d’inspection sur les lieux et qu’elle n’était allée qu’une seule fois auparavant chez Gill Farms pour déterminer la validité de l’emploi d’une personne âgée – de 84 ans. Mme Rai a expliqué que l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole s’occupait surtout des entrepreneurs en main‑d’oeuvre agricole et que, comme Gill Farms engageait sa propre main‑d’oeuvre, elle n’avait pas eu l’idée d’observer l’entreprise agricole ou de parler aux travailleurs. Mme Rai a expliqué que, comme agente des décisions depuis 1992, et même après avoir été affectée à l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole, elle avait continué à travailler à des décisions relatives aux appelants en cause dans la présente instance. Ronnie Gill a renvoyé Mme Rai aux notes – pièce R‑3, onglet 7 – prises par Mme Turgeon lors de son entrevue avec Gurdev Singh Gill – le 18 janvier 1999 – et notamment à la page 36, où Mme Turgeon a noté la déclaration suivante de M. Gill : [traduction] « Je cueillais des bleuets, roulais les bâches pour ensuite les descendre et je faisais du sarclage ». Mme Gill a laissé entendre qu’il avait donné cette description en réponse à une question qui lui avait été posée au sujet de l’« ordre chronologique » des divers emplois qu’il avait exercés auprès de Gill Farms en 1998 et elle a signalé que cette réponse était contraire à la conclusion que Mme Rai avait tirée à la suite de l’entrevue téléphonique du 19 août 1999. Mme Rai a expliqué qu’elle avait posé la même question au sujet des filets à plusieurs reprises parce que les dates suggérées par les réponses de Gurdev Singh Gill semblaient inexactes. M. Gill a donné la même réponse au moins trois fois. Mme Rai a expliqué qu’elle préférait se rendre à domicile chez les travailleurs Indo‑Canadiens plus âgés plutôt que de leur parler au téléphone. Suivant son expérience, ces personnes sont heureuses de la voir et d’avoir l’occasion de parler en punjabi. Mme Rai a convenu qu’il existe divers dialectes chez les personnes originaires du Pendjab, mais qu’elle n’avait pas rencontré de difficultés qu’elle n’avait pu surmonter en poursuivant la conversation. Elle a ajouté que le contexte de la conversation est très simple parce qu’il concerne du travail agricole répétitif. En ce qui concerne les deux taux de rémunération des congés payés – 4 % et 7,6 % –, Mme Rai a expliqué qu’elle n’était pas certaine de l’application des règles appliquées par la direction des normes d’emploi à cet égard, mais qu’elle trouvait étrange que certains travailleurs aient eu droit à un taux plus élevé. Mme Gill a rappelé à Mme Rai sa conclusion – pièce R‑1, onglet 22, page 63 – que [traduction] « le total des heures de travail déclarées par les Gill est trois fois plus élevé » que les normes habituelles de l’industrie, en l’occurrence entre 500 et 700 heures l’acre pour un total de 6 400 $ l’acre. Mme Gill a rappelé que Gill Farms exploitait une superficie de huit acres et que, même en appliquant les soi‑disant normes usuelles, le coût de la main‑d’oeuvre se serait quand même chiffré à 51 000 $ et le coût de la main‑d’oeuvre pour Gill Farms – abstraction faite du salaire versé aux épouses – s’élevait à 72 000 $ en 1998.

 

[97]  Amandeep Brar a été interrogée par Me Shawna Cruz. Mme Brar a expliqué qu’elle était représentante de service à la clientèle (« RSC ») à la succursale Townline de la Banque Scotia à Abbotsford. Conformément au subpoena qui lui avait été signifié, Mme Brar a produit des relevés concernant le compte de Surinder K. Gill (appel 2002‑2115(EI)). En tant que RSC, Mme Brar s’occupe chaque jour des dépôts et des retraits des clients et d’autres questions relativement aux mouvements sur les comptes. En 1998, Surinder K. Gill avait deux comptes à la Banque Scotia, un à la succursale Clearbrook and Central et l’autre à la succursale du chemin Townline. Mme Brar a été renvoyée à l’affidavit – pièce R‑27 – souscrit par un agent comptable à la Banque de Nouvelle‑Écosse et au relevé bancaire annexé. On a montré à Mme Brar une photocopie d’un chèque – pièce R‑7, onglet 10, page 56 – ainsi que le timbre du centre de données indiquant le numéro de compte. La date qui a été estampillée est le 5 octobre 1998. Mme Brar a expliqué que le dépôt a pu avoir été fait en réalité l’avant‑veille. Suivant ce relevé – troisième page à partir de la fin de la pièce jointe à l’affidavit susmentionné – la somme de 1 200,51 $ a été déposée dans ce compte le 3 octobre 1998. Le chèque établi à l’ordre de Surinder Kaur Gill – pièce R‑7, onglet 10, page 55 – était daté du 30 septembre 1998 et il était au montant de 1 363,51 $. Mme Brar a expliqué que l’écart s’expliquait peut‑être par le fait que la cliente avait reçu cette somme – en espèces – du caissier et par le fait que certains caissiers ne suivent pas l’usage consistant à indiquer les diverses coupures à l’endos des chèques. Mme Brar a expliqué que, si le bénéficiaire reçoit de l’argent comptant pour le plein montant du chèque, il n’y aura pas de trace écrite de cette opération sur le relevé de compte. Le relevé – pièce R‑27, quatrième page à partir de la fin – fait état d’un retrait de 800 $ le 30 septembre 1998.

 

[98]  Amandeep Brar a été contre‑interrogée par Ronnie Gill. Mme Brar a affirmé qu’elle connaissait Surinder K. Gill personnellement. Mme Brar a confirmé les inscriptions que l’on trouve à la page 1 de la pièce R‑27 et qui font état d’un retrait de 1 000 $ le 17 janvier 1998, suivi d’autres retraits de 120 $ et de 200 $ le 21 et le 24 janvier respectivement. Le relevé de mars, qui indique les opérations effectuées le mois précédent, faisait état d’un retrait de 700 $ le 5 février. Mme Brar a expliqué que le retrait de la somme de 281,31 $ avait pu être utilisé en espèces ou – plus probablement – pour régler une facture, étant donné qu’il n’existait aucune méthode en 1998 – pour indiquer l’objet de cette opération. Le relevé d’avril de ce compte fait état d’un retrait de 200 $ le 7 mars et d’un retrait de 250 $ le 13 mars. Le 30 mai, une écriture – NBW – fait état du retrait de la somme de 470 $. Plus tôt, le 27 mai, une annotation similaire – NBW – avait été faite à côté du retrait de la somme de 200 $. Mme Brar a confirmé que d’autres retraits avaient été effectués en juin – de même qu’un dépôt de 422,11 $ le 26 juin – et que le relevé de décembre indiquait que 1 000 $ avaient été retirés le 27 novembre et qu’une autre somme de 300 $ avait été retirée le 30 novembre.

 

[99]  Amandeep Brar a été réinterrogée par Me Shawna Cruz. Mme Brar a expliqué que l’inscription « NBW » signifie : « No Book Withdrawal », c’est‑à‑dire que l’opération a eu lieu en personne à la succursale au guichet d’un caissier. Le code 201 était assigné au guichet automatique bancaire à l’intérieur de la succursale mais ce guichet ne permettait pas de mettre le livret à jour en l’insérant dans une fente. Mme Brar a expliqué le l’inscription « W/D » pouvait indiquer « withdrawal of cash » (retrait d’espèces) ou que la somme correspondait au règlement d’une facture. Un virement effectué dans le compte d’une carte de crédit Visa pouvait être indiqué sur un relevé comme un virement plutôt que comme un retrait. Une opération Interac pouvait porter la mention « PSP » (« Point of Sale Purchase ») (achat au point de vente) et avoir été effectuée depuis un terminal de carte de débit. Mme Brar a expliqué que la mention NBW indique toujours que l’opération de retrait a été effectuée en succursale, soit par un caissier, soit au guichet automatique. Les codes des caissiers se terminent par 00 et le code attribué à la machine est 201. Mme Brar a confirmé que le relevé de compte faisait état de plusieurs retraits de petits montants – entre 20 $ et 150 $ – effectués en avril 1998 et que des sommes peu élevées avaient également été retirées de ce compte en juin et en juillet. Toutefois, le 6 août, il y a eu un retrait de 4 500 $, suivi d’un retrait (NBW) de 800 $ le 30 septembre. Mme Brar a expliqué que le retrait maximal autorisé au guichet automatique était de 200 $ et qu’à cause de la limite quotidienne fixée, il fallait effectuer quatre retraits distincts pour obtenir la somme de 800 $.

 

[100]  En ce qui concerne les questions soulevées lors du réinterrogatoire, Ronnie Gill a renvoyé Mme Brar à la page portant la mention « 1998‑08‑03 » à la pièce R‑27, et à l’écriture 0729NBD indiquant un dépôt de 6 796,13 $. Mme Brar a expliqué que, si une inscription NBW a un autre code que le code 201 – dans la troisième colonne de l’extrait du relevé, cela signifie que le client a fait affaire avec un caissier. Elle a confirmé qui si un retrait porte la mention NBW, cela signifie que l’opération a donné lieu à la remise d’argent en espèces par un caissier ou par une machine.

 

[101]  Jugender Dhillon a été interrogée par Me Amy Francis. Elle a expliqué qu’elle est agente de prestation des services à RHDCC – anciennement DRHC – et qu’elle occupe cet emploi depuis 12 ans. Dans le cadre de ses fonctions, elle agit comme interprète du punjabi à l’anglais et de l’anglais au punjabi. Elle est appelée à agir à ce titre quelques fois par année. Mme Dhillon a expliqué que le punjabi est sa langue maternelle même si elle née en Angleterre et qu’à la maison, on parlait le punjabi. Elle est partie de la maison à 21 ans. Elle a épousé un homme qui parle le punjabi et l’anglais. Mme Dhillon a expliqué qu’elle parlait le punjabi lorsqu’elle conversait avec les membres de sa belle‑famille qui avaient habité avec eux pendant plus de neuf ans. Lorsqu’elle habitait en Angleterre, Mme Dhillon s’est inscrite à des cours pour apprendre à lire et à écrire le punjabi; elle a continué à lire le punjabi mais elle ne l’écrit plus aussi bien. Elle parle toutefois le punjabi chaque jour et considère qu’elle le parle couramment. Elle n’a pas eu de mal à comprendre les locuteurs punjabis à l’audience et, si un problème survenait au cours de l’interprétation, elle formulait la question autrement jusqu’à ce qu’elle soit certaine que la personne comprenait l’objet de la question. Mme Dhillon a servi d’interprète au cours des entrevues de Surinder K. Gill – appel 2002‑2116(EI) – Manjit K. Gill, Jarnail K. Sidhu, Gurdev Singh Gill et Santosh K. Makkar.

 

[102]  Jugender Dhillon a été contre‑interrogée par Ronnie Gill. Mme Dhillon a expliqué que, lorsqu’elle vivait en Angleterre, elle travaillait environ 27 heures par semaine et qu’elle parlait anglais avec ses deux enfants, âgés respectivement de 16 ans et de 12 ans, et avec ses amis. Mme Dhillon ne se souvient pas précisément de l’entrevue qu’elle a eue avec Gurdev Singh Gill mais elle a expliqué qu’elle a pour principe d’interpréter le plus fidèlement possible et de reprendre mot pour mot ce qu’elle entend. Elle a expliqué que ses parents étaient nés au Pendjab et qu’elle n’avait eu aucun problème à comprendre les dialectes dans l’exercice de ses fonctions d’interprète, d’autant plus que les échanges se faisaient dans une langue simple et portaient sur les détails du travail et sur les modalités d’emploi.

 

[103]  Paula Bassi a été interrogée par Me Amy Francis. Elle travaille pour RHDCC comme agente de prestation des services. Elle a commencé à travailler comme commis à la saisie des données pour ensuite passer aux enquêtes, avant de prendre ses fonctions actuelles en 1998. Elle a agi comme interprète au cours de plusieurs des entrevues menées par Mme Turgeon ou par Mme Emery ou par les deux et elle a estimé qu’elle était appelée à faire de l’interprétation du punjabi à l’anglais deux ou trois fois par mois. Elle se souvient d’avoir servi d’interprète au cours d’entrevues menées avec des ouvriers agricoles et se rappelle que les questions étaient habituellement les mêmes et que les réponses données étaient semblables pour ce qui est des termes employés. Ses parents parlaient le punjabi à la maison et elle a épousé un homme dont la langue maternelle était le punjabi et dont le père et la mère, qui parlaient le punjabi, habitaient avec elle et son mari. Elle a expliqué qu’elle a un peu de difficulté à lire le punjabi et qu’elle peut l’écrire un peu, mais non sans difficulté. Elle parle toujours en punjabi à ses amis et à sa famille élargie et elle continue à utiliser cette langue dans le cadre de son emploi, bien que moins fréquemment qu’en 1998. Elle a servi d’interprète au cours des entrevues de Surinder Kaur Gill – appel 2002‑2115(EI) – Gyan K. Jawanda, Harbans K. Khatra et Himmat S. Makkar.

 

[104]  Paula Bassi a été contre‑interrogée par Ronnie Gill. Mme Bassi a expliqué qu’elle ne pouvait se rappeler d’une seule fois où l’un des intervieweurs de DRHC avait informé la personne qu’il recevait en entrevue qu’elle était libre de quitter la pièce à tout moment. Mme Bassi a expliqué que, lorsqu’elle s’était présentée pour assumer ses fonctions d’interprète, l’intervieweur et le prestataire se trouvaient déjà dans la pièce et qu’à l’occasion, un ami ou un parent était présent, mais elle ne se rappelle pas si la personne accompagnant le prestataire communiquait des renseignements au cours de l’entrevue.

 

[105]  Bernie Keays a été interrogé par Me Amy Francis. Il a expliqué qu’il travaille comme agent des litiges à l’ARC. Il travaille depuis 1981 pour l’ARC et les organismes que celle‑ci a remplacés. Il a commencé comme agent de recouvrement, un poste qu’il a occupé pendant 10 ans. En 1991, il est devenu agent des appels RPC/AC, jusqu’à ce qu’il accepte en 2002 le poste qu’il occupe maintenant. En tant qu’agent des appels, il est chargé de se prononcer sur l’assurabilité et le droit à pension des travailleurs. M. Keays a estimé que la moitié de sa charge de travail au cours des dernières années concernait les ouvriers agricoles. Il s’occupait notamment de la validité des relevés d’emploi et était chargé de vérifier l’exactitude des renseignements qu’ils contenaient en ce qui concerne les semaines d’emploi – et, plus tard, le nombre d’heures d’emploi – et la rémunération indiquée. M. Keays a expliqué que la plupart de ses décisions ne portaient que sur un ou deux travailleurs tout en précisant qu’il s’était aussi occupé de dossiers concernant 110 travailleurs et de divers autres dossiers visant 20 travailleurs ou plus. En 2002, on lui a confié douze dossiers concernant la société de personnes Gill Farms et ses travailleurs. En raison du traitement d’une demande de renseignements présentée en vertu de la loi applicable, la prise des décisions a été retardée. En l’espèce, M. Keays a suivi la procédure habituelle en examinant tous les documents transmis par DRHC dans le cadre du traitement d’une demande de décision sur l’assurabilité. Même avant que les dossiers ne soient confiés à M. Keays, le personnel de l’ADRC avait fait parvenir des lettres – auxquelles était joint un questionnaire – à Gill Farms – en tant qu’employeur – ainsi qu’à l’ensemble des employés. M. Keays a été renvoyé à la table des matières de la pièce R‑1, où 50 points sont énumérés et détaillés. Il a expliqué qu’il avait examiné toutes les pièces en question pour établir son rapport et formuler ses recommandations au sujet du sort de chaque appel. M. Keays a expliqué qu’il avait examiné les documents contenus à la pièce R‑3, onglets 1 à 13, inclusivement, concernant Gurdev Singh Gill et qu’il avait aussi passé en revue tous les documents relatifs à Harbans Kaur Khatra qui se trouvent à la pièce R‑4, à l’exception du document qui se trouve à l’onglet 14. Il a examiné tous les documents contenus dans le recueil – pièce R‑5 – se rapportant à l’appel de Harmit Kaur Gill. Il a examiné tous les documents contenus dans le recueil – pièce R‑6 – en ce qui concerne l’appel de Surinder Kaur Gill (2001‑2115(EI)) – à l’exception de celui que l’on trouve à l’onglet 13. Il a lu tous les documents concernant l’appel de Surinder K. Gill (2001‑2116(EI)) – pièce R‑7 – sauf ceux que l’on trouve aux onglets 16 et 17. Il a passé en revue tous les documents de la pièce R‑8 qui se rapportent à l’appel interjeté par Manjit Kaur Gill. En ce qui concerne le recueil – pièce R‑9 – concernant l’appel de Himmat Singh Makkar, M. Keays a lu toutes les pièces qui s’y trouvent, à l’exception des documents des onglets 1 et 15. Il a examiné les documents contenus à la pièce R‑10 – se rapportant à Santosh Kaur Makkar – à l’exception des documents des onglets 1 et 14. Il a lu tous les documents de la pièce R‑11 – concernant Jarnail Kaur Sidhu – à l’exception de celui que l’on trouve à l’onglet 16. Hormis le document que l’on trouve à l’onglet 15 de la pièce R‑12, M. Keays a examiné tous les documents se rapportant à Gyan Kaur Jawanda. M. Keays a reconnu son rapport sur la décision ou l’appel (le « rapport »), pièce R‑1, onglet 3 (le « rapport principal »). Le rapport principal est daté du 10 janvier 2001 et il a été transmis à M. John Morgan – chef d’équipe – qui a signé le lendemain les lettres de décision qu’il a fait parvenir à chacune des personnes visées par la décision. M. Keays a expliqué que M. Morgan avait été autorisé par Mme Loretta Bemister, directrice adjointe des Appels, à rédiger les lettres de décision en question au sujet de l’assurabilité. M. Keays a expliqué que le chef d’équipe accepte habituellement les recommandations formulées dans le rapport à moins qu’il n’ait une raison convaincante d’exprimer son désaccord. Habituellement, les lettres sont envoyées le même jour à toutes les personnes visées par la décision. M. Keays a expliqué que certaines parties de son rapport principal de 17 pages avaient été caviardées pour protéger certaines personnes qui avaient accepté de fournir des renseignements au sujet des conditions de travail et des pratiques d’emploi au sein de l’industrie agricole à condition que leur nom ne soit pas divulgué. Pour établir son rapport, M. Keays a expliqué qu’il avait examiné à fond tous les renseignements se trouvant au dossier et que, pour clarifier certaines des questions en découlant, qu’il avait lu tous les questionnaires et qu’il avait examiné d’autres renseignements provenant d’autres sources, notamment d’entrevues téléphoniques. À son avis, il est difficile de mener des entrevues au téléphone, parce qu’il ne parle pas le punjabi, et il n’est pas pratique non plus de mener des entrevues en personne parce que le bureau de l’ADRC situé rue West Pender, à Vancouver, se trouve à une distance considérable de la région d’Abbotsford. M. Keays a expliqué que, dans de nombreux cas, il parle avec l’avocat, le mandataire ou le représentant de l’appelant et qu’il est ainsi appelé – parfois – à parler à l’employeur et aux travailleurs. Pour formuler sa recommandation, il compte sur des experts de l’industrie agricole pour lui fournir certains renseignements. M. Keays a été renvoyé au questionnaire – pièce R‑3, onglet 4 – relatif à Gurdev Singh Gill. Ce questionnaire s’inspirait d’un modèle qui avait été utilisé dans une affaire antérieure portant sur une centaine de travailleurs engagés par un entrepreneur en main‑d’oeuvre. La réponse, qui comptait deux pages, a été envoyée à M. Keays par Ronnie Gill. M. Keays a expliqué que ce questionnaire pouvait sembler quelque peu redondant étant donné qu’il reprenait bon nombre des questions déjà posées par des intervieweurs de DRHC et/ou par l’agent des décisions. À son avis, le délai de 30 jours accordé aux intéressés pour remplir et retourner le questionnaire leur permet de réfléchir aux détails sans sentiment d’urgence et sans pression, ce qui permet d’obtenir des renseignements fiables au sujet de la situation d’emploi. M. Keays se souvient d’avoir parlé à Ronnie Gill à plusieurs reprises au sujet des dossiers des travailleurs qu’elle représentait et d’avoir obtenu d’elle des renseignements – au nom des intervenants – au sujet de l’exploitation de Gill Farms. M. Keays a affirmé qu’il était au courant de la lettre de 16 pages – pièce R‑1, onglet 16 – envoyée à J. Williams, de la Division des appels, rue West Pender, à Vancouver. M. Keays a expliqué qu’il avait supposé que la lettre – datée du 29 février 2000 – avait été écrite par Ronnie Gill, de LRS Solutions. LRS a également envoyé une lettre – datée du 14 mars 2000 – à J. Williams, dans laquelle Lucky Gill‑Chatta réagissait à certains aspects du rapport établi par Mme Rai au sujet de la décision, et ce, de façon générale en ce qui concerne Gyan Kaur Jawanda. M. Keays a reconnu ses notes dactylographiées – pièce R‑1, onglet 13 – dans lesquelles il avait consigné l’essentiel de la conversation qu’il avait eue avec Ronnie Gill le 23 juin 2000. Il a noté que la conversation avait été très longue et qu’il s’était assuré qu’elle n’avait aucun lien de parenté avec la famille exploitant Gill Farms malgré le fait qu’elle les connaissait depuis 20 ans. Il a tenté de clarifier sa situation car il ne savait pas si elle était avocate, comptable ou une autre sorte de représentante. M. Keays a été renvoyé à une série de notes – pièce R‑1, onglet 6 – concernant une conversation téléphonique avec Ronnie Gill le 2 novembre 2000. M. Keays a expliqué qu’il était à ce moment‑là sur le point de terminer son examen des pièces relatives aux appels interjetés à l’égard des décisions. M. Keays a expliqué qu’il avait parlé avec Ronnie Gill du chiffre d’affaires brut de Gill Farms – en 1998 et les années précédentes – parce qu’il ne semblait pas logique, sur le plan économique, de continuer à exploiter la bleuetière compte tenu des pertes subies chaque année. M. Keays a noté que Ronnie Gill avait parlé de la [traduction] « situation pénible des producteurs », qui ont du mal à recruter de la main‑d’œuvre et des démarches entreprises pour conserver leurs employés jusqu’à la fin de la saison. M. Keays a cité les propos de Ronnie Gill suivant lesquels les producteurs de petits fruits ne sont pas nécessairement des gens d’affaires avertis, en ce sens qu’ils se sentent souvent obligés de rémunérer les travailleurs pour les garder à leur service même pendant les courtes périodes où il n’y a pas de travail à faire. Ronnie Gill a informé M. Keays qu’à son avis, les travailleurs veulent savoir si le même employeur pourra leur garantir du travail pour toute la durée de la saison au lieu d’avoir à chercher du travail ailleurs après quelques semaines. M. Keays a expliqué qu’à la suite de sa conversation avec Ronnie Gill, il avait eu l’impression que la politique de Gill Farms était – en 1998 – d’engager des ouvriers et de les garder à son service assez longtemps pour qu’ils deviennent admissibles à des prestations d’assurance‑chômage après leur mise en disponibilité et que cette entente serait respectée même si elle n’était pas logique sur le plan économique en raison des coûts de main‑d’oeuvre disproportionnés qu’elle engendrait. M. Keays a expliqué qu’il avait examiné la lettre – pièce R‑1, onglet 5 – que Ronnie Gill lui avait envoyée le 10 novembre 2000 sur du papier à en‑tête de LRS. Cette lettre reprenait l’entrevue que Ronnie Gill avait menée avec Hakam Singh Gill et elle portait sur les pertes agricoles subies sur un grand nombre d’années ainsi que sur les pratiques commerciales suivies par Gill Farms pour recruter et conserver la main‑d’oeuvre. M. Keays a expliqué qu’il avait conclu que la nature des relations d’emploi entre les travailleurs qui n’étaient pas liés par le sang, le mariage ou l’adoption, etc. avec Hakam Singh Gill et Rajinder Singh Gill – les associés exploitant Gill Farms – était telle que ces relations constituaient en fait un lien de dépendance au sens des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu qui s’appliquent aux fins de déterminer l’assurabilité au sens des dispositions applicables de la LAE. Dans son rapport principal, M. Keays énumérait les personnes avec lesquelles il avait communiqué pour obtenir le plus de renseignements utiles possibles au sujet de l’exploitation d’une bleuetière. LRS lui avait fourni des détails au sujet des estimations de durée de diverses tâches dans sa communication – pièce R‑1, onglet 19 – du 30 septembre 1999. M. Keays a expliqué que les renseignements contenus dans la lettre de LRS avaient alimenté le plus clair de sa conversation du 2 novembre avec Ronnie Gill. M. Keays a pris des notes – onglet 8 de la même pièce – au sujet de sa conversation avec Jim Walton – un fonctionnaire de la direction provinciale des normes d’emploi (« DNE ») – qui était membre de l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole. M. Keays s’est informé au sujet du mode de rétribution des cueilleurs de petits fruits dans l’industrie. On lui a répondu qu’ils étaient normalement payés à la pièce. M. Walton a ajouté que les entrepreneurs en main‑d’oeuvre avaient l’habitude de soutenir que la rétribution était calculée à l’heure, ce qui, suivant M. Walton, n’était pas exact. M. Keays a expliqué que M. Walton lui avait appris que la journée de travail normal d’un cueilleur au cours de la récolte des petits fruits comptait entre dix et douze heures et que les journées de sept ou huit heures étaient rares. Suivant l’expérience de M. Walton, un agriculteur prudent ne promettrait pas du travail pour toute la durée de la saison. M. Keays a appris qu’en 1998, un employeur pouvait choisir de verser une indemnité de congés payés de 7,6 % au lieu d’une indemnité correspondant à 4 % du salaire total parce que le pourcentage plus élevé englobait le travail effectué les jours fériés. Les heures supplémentaires n’étaient rémunérées que si l’intéressé avait travaillé plus de 120 heures sur une période de deux semaines. M. Keays a expliqué qu’il avait parlé avec James Blatchford – juricomptable – et qu’il avait pris des notes – pièce R‑1, onglet 9 – de cette conversation. Il a constaté que M. Blatchford considérait que les feuilles de paye de Gill Farms n’étaient pas fiables. M. Keays a pris des notes – pièce R‑1, onglet 10 – de sa conversation avec Karen Gill, une des administratrices du British Columbia Blueberry Council (le « Conseil »). Il s’est informé au sujet de l’installation des filets qui, selon ce qu’il a appris, avait habituellement lieu en mai ou en juin. Il a appris qu’habituellement, on ne répare pas les filets une fois qu’ils sont installés et qu’aucun producteur ne procède aux travaux de taille en septembre parce que la dormance hivernale n’est pas encore commencée. Il a appris que certaines petites fermes faisaient du binage manuellement et qu’il fallait entre huit et dix travailleurs pour exécuter ce travail pendant une dizaine de jours. Karen Gill a informé M. Keays que l’année 1998 avait été précoce et qu’il n’aurait pas été raisonnable que dix travailleurs s’occupent des conduites d’eau et qu’il semblait inusité que deux personnes fassent de la pulvérisation pendant sept jours. M. Keays a appris que Karen Gill s’était occupée activement de l’exploitation d’une bleuetière de 25 acres et qu’elle connaissait bien cette industrie. Pour ce qui est du lavage des seaux à la fin de la saison, Karen Gill a indiqué à M. Keays que ce travail nécessiterait une personne pendant une journée. M. Keays a expliqué qu’il avait également parlé à Mark Sweeney – un expert en agriculture – et qu’il avait pris des notes – pièce R‑1, onglet 11 – de cette conversation. M. Keays a préparé à l’avance des questions dactylographiées et a écrit à la main, dans l’espace prévu, les réponses de M. Sweeney. M. Keays a noté l’avis de M. Sweeney suivant lequel, si l’on utilise du paillis d’écorce, le temps que nécessite le binage est minime et que ce travail ne nécessiterait jamais les 560 heures indiquées par Ronnie Gill dans la lettre du 29 février 2000, lettre que l’on trouve à l’onglet 16, page 94. M. Sweeney a également déclaré à M. Keays que les 128 heures consacrées à la replantation étaient excessives et qu’il n’était pas raisonnable pour un producteur de garder des travailleurs alors qu’il n’y avait que peu de fruits à cueillir. Il a ajouté que les producteurs ne garantissaient pas aux travailleurs qu’ils auraient du travail du début à la fin de la saison. En ce qui concerne les rendements, M. Sweeney a expliqué à M. Keays que 16 000 livres l’acre en 1998 représenterait [traduction] « l’hypothèse la plus optimiste » et ce, malgré le fait que les prévisions de rendement sont révisées régulièrement. M. Sweeney a expliqué à M. Keays que les filets sont installés à la mi‑juin et il lui a par la suite fourni des renseignements – pièce R‑1, onglet 12 – à ce sujet, y compris des estimations de main‑d’oeuvre. Selon M. Sweeney, l’installation des filets sur une ferme de huit acres n’aurait pas nécessité 1 520 heures de main‑d’oeuvre en juin. Il a également précisé à M. Keays qu’il n’était pas raisonnable que trois ou quatre travailleurs continuent à travailler après la fin de la saison des petits fruits et que l’on pouvait laver les seaux en quelques heures à peine. Quant aux mesures prises pour la lutte contre les ennemis des cultures et les maladies, M. Sweeney a estimé que ce travail nécessitait une personne pendant une journée. Pour ce qui est des méthodes auxquelles Gill Farms a vraisemblablement recouru à cet égard, M. Sweeney les a qualifiées d’antiéconomiques. Comme aucune pulvérisation n’est effectuée au cours de la récolte, M. Sweeney a estimé qu’entre 20 et 30 heures par saison serait le temps maximum requis, ce qui est loin des 178 heures indiquées par Ronnie Gill dans sa lettre que l’on trouve à l’onglet 16. M. Sweeney a informé M. Keays qu’il faudrait deux minutes pour planter chaque nouveau plant, ce qui ne saurait nécessiter les 128 heures indiquées par Ronnie Gill, d’autant plus que, suivant les états financiers de Gill Farms, seulement 610 $ avaient été consacrés à la plantation des 200 nouveaux plants, qui ne nécessiterait pas plus de 3,5 heures. M. Keays a pris des notes – pièce R‑28, pièce R‑29 et pièce R‑30 – des autres conversations, y compris de celles qu’il avait eues avec un représentant de Kahlon ainsi qu’avec d’autres producteurs. M. Keays a expliqué qu’il avait appris que la plupart des producteurs ne lavaient pas leurs propres caisses et qu’un de ces producteurs – qui exploitait une grande ferme – ne consacrait que deux ou trois jours au sarclage. Un autre producteur a informé M. Keays qu’une ferme de huit acres nécessiterait jusqu’à une cinquantaine de cueilleurs occasionnels ainsi qu’un employé à temps plein pour effectuer d’autres tâches pendant toute la durée de la saison. M. Keays a parlé à un exploitant d’une ferme de 20 acres qui lui a livré des renseignements sous le sceau du secret. Cette personne a informé M. Keays que les frais de main‑d’œuvre engagés par Gill Farms en juin étaient excessifs, tout comme les frais qu’elle avait engagés en septembre. Ce producteur a informé M. Keays que les cueilleurs sont payés à la livre et que les travaux de taille effectués l’automne étaient négligeables. Ce producteur s’est dit d’avis qu’il faudrait entre 70 et 80 cueilleurs sur une période de 20 jours pour effectuer la récolte. M. Keays a expliqué qu’il avait parlé avec Mme Turgeon du présumé enregistrement sur bande magnétique qui avait eu lieu aux bureaux de DRHC et du fait qu’on lui avait appris que l’enregistrement était brouillé et qu’on avait dû s’en débarrasser parce qu’il n’était d’aucune utilité. Il a également parlé avec Mme Rai du fait que Ronnie Gill avait signalé que Mme Rai ne maîtrisait pas suffisamment bien le punjabi pour interpréter correctement les renseignements communiqués par les travailleurs au cours des entrevues, que celles‑ci soient effectuées au téléphone ou en personne. M. Keays a expliqué qu’il ne communique en principe avec les agents des décisions que pour obtenir des éclaircissements sur des points précis, notamment pour déchiffrer un passage écrit à la main qui serait illisible, mais que sinon il ne discute pas des dossiers. Au bas de la page 7 du rapport, M. Keays énonce les questions en litige. Au bas de la page 10, il estime que les travailleurs qui n’étaient pas des personnes liées à l’employeur se sont fait complices avec celui‑ci pour ce qui est de l’entente selon laquelle l’employeur s’engageait à leur garantir suffisamment de travail pour les rendre admissibles à des prestations d’assurance‑chômage. À son avis, les arguments formulés par Ronnie Gill au nom de Gill Farms lui ont donné l’impression qu’on avait garanti aux travailleurs une certaine période de travail et ce, peu importe qu’on ait besoin d’eux ou non pour toute la durée de cette période. M. Keays a par conséquent décidé de recommander au ministre de ne pas considérer l’emploi de chacun des travailleurs qui n’étaient pas par ailleurs des personnes liées à l’employeur comme un emploi assurable parce que ceux‑ci avaient en fait un lien de dépendance avec l’employeur, étant donné qu’ils avaient accepté d’agir de concert avec Rajinder Singh Gill et Hakam Singh Gill en participant à une entente aux termes de laquelle on leur garantissait une certaine période de travail, que le travail soit nécessaire ou non et qu’il ait été effectué ou non. Toutefois, après avoir obtenu l’aval de ses supérieurs de l’ADRC, M. Keays a décidé d’explorer la possibilité de soutenir une thèse subsidiaire pour le cas où la thèse du ministre au sujet des travailleurs qui n’étaient pas par ailleurs des personnes liées à l’employeur ne serait pas confirmée en appel par la Cour canadienne de l’impôt. M. Keays a expliqué qu’il avait commencé à calculer les heures de travail et la rémunération assurable applicables à chacun des appelants en fonction du nombre d’heures normales correspondant aux diverses tâches exécutées par chacun des appelants au cours de son emploi. Tout en acceptant que la rétribution des appelants était calculée à la pièce lorsqu’ils cueillaient des fruits et qu’elle était calculée à l’heure pour les autres tâches, il a converti les revenus bruts de chaque appelant en un taux horaire pour déterminer leur rémunération assurable appropriée. M. Keays a expliqué qu’il s’était fié au tableau que M. Blatchford avait annexé à son rapport de vérification juricomptable – pièce R‑17 – et il a précisé que, si un travailleur déterminé était présent un jour donné, il avait tenté de préciser le travail effectué – en nombre d’heures – par ce travailleur selon la méthode précisée à la page 14 de son rapport (pièce R‑1, onglet 3). À titre d’exemple, M. Keays a jugé raisonnable d’attribuer en tout quatre jours – à raison de huit heures par jour – pour la pulvérisation et la fertilisation et il a fondé cette conclusion sur la recommandation de M. Sweeney. M. Keays a établi un tableau – pièce R‑31 – pour illustrer les diverses tâches, la période au cours de laquelle elles avaient été effectuées, le nombre d’heures attribué à chaque tâche selon le document de LRS, ainsi que le délai qu’il jugeait raisonnable pour exécuter les tâches en question. La thèse des appelants et des intervenants était qu’on avait consacré en tout 417 heures au ramassage des branches desséchées entre le 25 mai et le 1er juin 1998. Sur la foi des renseignements recueillis auprès de M. Sweeny et d’une des administratrices du Conseil, M. Keays a estimé que les chiffres avaient été sensiblement gonflés et il a estimé qu’en tout 48 heures‑personnes auraient été suffisantes pour effectuer ce travail. LRS avait laissé entendre que les 560 heures attribuées au binage étaient raisonnables. M. Keays a écarté ce chiffre, et, compte tenu de ses recherches, il a attribué un total de 96 heures à cette tâche en partant du principe qu’elle pouvait être effectuée par six travailleurs sur une période de deux journées de travail de huit heures. LRS a estimé qu’il avait fallu consacrer 135,5 heures aux conduites d’eau (réseau d’irrigation), ce qui représentait une journée et six travailleurs pour un total de 56 heures. Les intervenants faisaient valoir que l’installation des filets avait occupé en tout 770,5 heures. M. Keays a abondé dans le sens de M. Sweeney, qui soutenait que ce travail n’aurait pas dû nécessiter plus de 18 heures par acre et qu’il n’aurait pas fallu plus que 148,5 heures pour mener ce travail à bien. LRS a dit qu’il fallait entre 500 et 645 heures pour démonter les filets à la fin de la saison. Là encore, M. Keays a employé la même formule de 18 heures l’acre et a calculé que ce travail nécessitait 145,5 heures en tout. La thèse de Gill Farms était que les travailleurs avaient consacré entre 432 et 576 heures à des travaux de taille à la fin de l’automne. M. Keays a jugé cette estimation déraisonnable et a estimé que ce travail aurait pu être effectué en un seul jour par huit travailleurs pour un total de 64 heures‑personnes. Au lieu d’allouer 72 heures pour le lavage des seaux, M. Keays a estimé que quelques heures auraient suffi – en tout et partout – parce que les caisses étaient lavées par les conserveries/établissements d’emballage et qu’aucune main‑d’oeuvre ne devait être affectée à cette tâche. Comme le tableau annexé au rapport de M. Blatchford indiquait que cinq personnes avaient participé à l’installation des filets, il a alloué quatre jours de travail – à raison de huit heures par jour – à chacun des cinq appelants qui avaient exécuté cette tâche. Suivant ce tableau, il a estimé que sept des appelants avaient travaillé au démontage des filets et il a alloué à chacun trois jours de travail et a accepté les heures telles qu’elles figuraient sur leur feuille de paye. En conséquence, certains appelants se sont vu accorder sept heures pour avoir travaillé à cette tâche tandis que d’autres se sont vu attribuer les huit ou neuf heures indiquées sur leur feuille. Lors de sa vérification juricomptable, M. Blatchford a examiné la quantité de fruits cueillis chaque jour entre le 2 juillet et le 9 septembre 1998. La quantité cueillie a été divisée en deux catégories, celle des travailleurs occasionnels rémunérés à la pièce et celle des travailleurs – dont les appelants dans la présente instance – qui auraient été payés à l’heure. M. Keays a expliqué qu’il avait retenu le chiffre de dix livres l’heure au motif qu’il représentait la production minimale de chaque travailleur. En 1998, le prix moyen était de 71 cents la livre de bleuets, de sorte qu’il en coûtait 7,10 $ l’heure pour cueillir dix livres de bleuets. M. Keays a expliqué qu’il n’avait pas tenu compte des ventes de fruits additionnelles et ce, même si – dans la lettre de LRS – on avait fait allusion à des ventes effectuées à un kiosque et ailleurs. M. Keays a expliqué qu’on n’y trouvait aucun détail et que rien n’était indiqué au sujet de ventes réalisées dans la région de Kelowna. M. Keays a expliqué qu’il avait retenu le chiffre de 75 cents la livre comme prix moyen, de sorte qu’il avait estimé qu’il en coûterait à Gill Farms 7,50 $ l’heure en tenant compte des indemnités de congés payés – pour faire cueillir dix livres de fruits par chaque travailleur. M. Keays savait que, selon les renseignements fournis à DRHC par Gill Farms, chaque travailleur était censé cueillir 20 livres l’heure. Pour calculer la rémunération assurable de chaque travailleur, M. Keays a ventilé les heures sur un tableau en les répartissant selon les jours, chaque fois que c’était possible, et il a utilisé le taux de rémunération – majoré de l’indemnité de congés payés – indiqué dans les livres de paye de Gill Farms. Certains travailleurs gagnaient 7,50 $ l’heure tandis que d’autres gagnaient vraisemblablement 8 $ l’heure et d’autres, 10 $ l’heure. M. Keays a accepté les taux indiqués sur la feuille de paye de chaque travailleur en partant du principe que c’est la prérogative de l’employeur de verser divers salaires à ses employés. M. Keays a établi un calendrier sur lequel il a indiqué les jours et les heures de travail qu’il était disposé à considérer comme correspondant au travail effectivement exécuté par chacun des appelants dans les présents appels. M. Keays a expliqué qu’il avait de la difficulté à accepter la fiabilité des documents et qu’il était troublé par les diverses déclarations contradictoires faites par les travailleurs tant avant que les dossiers ne lui soient confiés qu’après, comme en témoignent les réponses données dans certains des questionnaires. M. Keays a expliqué qu’il était convaincu que du travail avait effectivement été fait mais qu’il n’était pas possible de conclure que chacun des travailleurs avait été engagé pour une période aussi longue que celle qui était indiquée sur son relevé d’emploi. À son avis, les travailleurs auraient dû être en mesure de fournir des renseignements détaillés au sujet des tâches exécutées au cours de chaque mois. Il s’est fié aux renseignements contenus dans les questionnaires préparés et soumis par Ronnie Gill au nom de certains des travailleurs. Suivant M. Keays, la vérification juricomptable de M. Blatchford donnait un aperçu fidèle de la situation financière de Gill Farms et de l’entreprise agricole exploitée en 1998. Après avoir analysé la question avec Mme Rai, il s’est dit satisfait des assurances données au sujet de sa capacité de s’exprimer en punjabi et de traduire fidèlement en anglais les entrevues qu’elle avait réalisées – en punjabi – avec certains des travailleurs. Il était également convaincu que les interprètes punjabi/anglais, anglais/punjabi auxquels on avait recouru au cours des entrevues de DRHC étaient suffisamment compétents dans les deux langues.

 

[106]  L’avocate a demandé à M. Keays de parler de la procédure qu’il a suivie pour formuler ses recommandations quant aux décisions à prendre en ce qui concerne chacun des appelants dans la présente instance, à commencer par Gurdev Singh Gill. M. Keays s’est référé à la pièce R‑3, onglet 1, une copie de son rapport principal, dont les 16 premières pages valent pour tous les appelants, et plus particulièrement à la page 17, où il entreprend son analyse propre à la situation d’emploi de Gurdev Singh Gill. M. Keays a expliqué qu’il avait structuré le rapport de chacun des appelants en insérant le rapport principal au début pour ensuite examiner les faits propres à l’intéressé. M. Keays a établi un calendrier – page 21 – où sont indiqués sous forme de tableau certains des jours de travail présumé ainsi qu’une description des tâches. Il a expliqué que les zones ombrées correspondent aux jours de présumé travail qui ne sont pas appuyés par son analyse des renseignements qu’il a examinés ou par les recherches qu’il a effectuées au sujet des pratiques courantes dans l’industrie des petits fruits. Aux fins de ses calculs, M. Keays a présumé que la saison des petits fruits s’était étendue du 17 mai au 26 septembre 1998 inclusivement et que cette période couvrait tous les aspects des activités de Gill Farms en 1998. Pour la période comprise entre le 17 et le 24 mai, M. Keays a alloué quatre jours de travail pour chaque travailleur qui était au service de Gill Farms au moment où les travaux de pulvérisation et de fertilisation ont été effectués, et il a retenu le nombre d’heures consigné dans les documents de paye pertinents pour ces dates. Gurdev Singh Gill n’a toutefois commencé à travailler que le 3 août, de sorte qu’aucun temps consacré aux travaux de pulvérisation et de fertilisation ne lui a pas été crédité. En ce qui concerne les périodes où la cueillette était en cours, M. Keays a retenu le chiffre de dix livres l’heure comme production minimale par travailleur et, lorsque le tableau joint au rapport de M. Blatchford indiquait une production inférieure – en moyenne – il supprimait la journée au complet. Une fois de plus, en ce qui concerne Gurdev Singh Gill, M. Keays s’est dit troublé par l’écart constaté entre son indemnité de congés payés – 7,6 % – et celle que la plupart des travailleurs avaient reçue et qui correspondait à seulement 4 % de leur salaire. Il a par ailleurs relevé un écart d’une heure par jour, six ou sept jours par semaine, en ce qui concerne le nombre d’heures figurant sur la feuille de paye des personnes qui se rendaient au travail et en revenaient dans le même véhicule. Sur la foi des renseignements obtenus de M. Sweeney et des producteurs de bleuets de la région, M. Keays a déclaré qu’il ne croyait pas que les travailleurs étaient payés à l’heure s’il n’y avait pas de travail à faire. Dans le but de se préparer au cas où, statuant sur l’appel des décisions prises au sujet des appelants et des intervenants, la Cour canadienne de l’impôt rejette la thèse du ministre au sujet du lien de dépendance existant par ailleurs entre les travailleurs et l’employeur, M. Keays a estimé que le nombre d’heures assurables – 108 – et la rémunération assurable – 871,56 $ – s’appliquaient à l’emploi de Gurdev Singh Gill. Dans le cas qui nous occupe – tout comme pour tous les autres appelants qui n’étaient par ailleurs pas des personnes liées – M. Keays a calculé la rémunération assurable en multipliant le nombre d’heures assurables par le taux horaire figurant sur les feuilles de paye et en ajoutant l’indemnité de congés payés indiquée sur la feuille en question (4 % ou 7,6 %, selon le cas).

 

[107]  M. Keays s’est référé à la pièce R‑4, onglet 2, qui concerne l’appel de Harbans Kaur Khatra (appel 2001‑2120(EI)). Son analyse spécifique du cas de Mme Khatra commence à la page 26. À son avis, cette travailleuse n’a pas exercé d’emploi assurable auprès de Gill Farms en raison de l’existence d’un lien de dépendance entre celle‑ci et l’employeur. Il a toutefois décidé, à titre subsidiaire, qu’il était raisonnable de conclure qu’elle avait accumulé 254 heures d’emploi assurable, ainsi qu’une rémunération assurable de 1 981,20 $. M. Keays a accepté que Mme Khatra avait commencé à travailler le 12 juillet 1998 alors que la récolte du bleuet était en cours depuis longtemps. Suivant sa feuille de paye, elle a travaillé chaque jour jusqu’à sa mise en disponibilité le 26 septembre. Le rapport de M. Blatchford indiquait toutefois que, certains jours, aucune récolte de fruits n’avait été effectuée chez Gill Farms mais que Mme Khatra s’était quand même vu créditer huit heures de travail. M. Keays a expliqué qu’il savait pertinemment qu’il arrive souvent que les travailleurs cueillent des fruits chaque jour pendant que la saison bat son plein. Ainsi qu’il l’a indiqué sur son calendrier – à compter de la page 29 – il a accepté que Mme Khatra avait travaillé les jours qui ne font pas partie de la zone ombrée où sont indiqués les jours qu’il a refusés au motif qu’ils n’étaient pas raisonnables en raison de l’absence de production de petits fruits à ces dates.

 

[108]  M. Keays s’est référé à la pièce R‑6, onglet 1, qui s’applique à l’appel de Surinder Kaur Gill (2001‑2115(EI)). Son analyse du cas précis de cette appelante commence à la page 17. La période d’emploi pertinente indiquée dans son relevé d’emploi est celle du 3 août au 12 septembre 1998. M. Keays a maintenu sa position initiale quant à la non‑assurabilité, mais il a calculé le nombre approprié d’heures et de gains assurables à titre subsidiaire. Après avoir examiné les faits, il a dressé la liste – à la page 18 – des points pour lesquels il existait selon lui des contradictions, notamment en ce qui concerne les propos tenus par l’appelante au sujet de l’installation des filets alors que ceux‑ci étaient installés depuis longtemps lorsqu’elle a commencé à travailler. M. Keays n’était pas convaincu par les réponses données par l’appelante au sujet de l’identité de ses compagnons de travail et il s’est dit étonné qu’elle touche une indemnité de congés payés de 7,6 %, vu la durée relativement courte de son emploi par rapport à celle des autres travailleurs. M. Keays a accepté les renseignements contenus dans le rapport de M. Blatchford suivant lequel le 6 septembre 1998 est le dernier jour où des fruits ont été récoltés à Gill Farms. M. Keays a toutefois expliqué que le 25 août était le dernier jour pour lequel il avait alloué des heures pour la cueillette parce que, lorsqu’on soustrayait les quantités cueillies par les travailleurs occasionnels, le reste de livres ne correspondait qu’à une fraction de livres l’heure lorsqu’on divisait ce chiffre par le nombre de soi‑disant travailleurs payés à l’heure pour les journées entières suivantes. Il a ajouté qu’il avait choisi d’ignorer cette production minime dans ses calculs. M. Keays a exclu tous les jours contenus dans les zones ombrées aux pages 23 et 24 du calendrier en ce qui concerne Surinder Kaur Gill. M. Keays a estimé qu’elle avait travaillé 108 heures assurables et que sa rémunération assurable se chiffrait à 871,56 $. Lorsqu’on lui a souligné que la lettre de décision – onglet 2 – indiquait que sa rémunération assurable était de 810,56 $, M. Keays a reconnu que c’était une erreur parce que l’indemnité de congés payés de 7,6 % n’avait pas été prise en compte et que le montant exact était de 871,56 $ et que cette somme correspondait aussi au montant exact de la rémunération assurable du mari de l’appelante – Gurdev Singh Gill – et non pas la somme de 810,56 $ qui figurait par erreur dans sa lettre de décision.

 

[109]  M. Keays s’est référé à la pièce R‑6, onglet 1, qui s’applique à l’appel de Surinder K. Gill (2001‑2116(EI)). Son analyse du cas précis de cette appelante commence à la page 17. La période d’emploi pertinente indiquée dans son relevé d’emploi est celle du 26 juillet au 12 septembre 1998. Après avoir d’abord affirmé que l’emploi de l’appelante n’était pas assurable, M. Keays a estimé, à titre subsidiaire que, si son emploi était assurable, l’appelante en question avait travaillé 114 heures et que sa rémunération assurable s’élevait à 919,98 $. À la page 18, M. Keays a tenu compte du fait que l’appelante avait travaillé pour Lucerne au cours de la période en question et qu’elle avait accordé la priorité à ce dernier emploi parce qu’il était mieux rémunéré que la cueillette de fruits. Parce que les feuilles de paye préparées par Gill Farms indiquaient que Surinder K. Gill avait travaillé huit heures le 15 août 1998 – alors qu’à cette même date, elle avait aussi travaillé pour Lucerne pendant la journée – il ne lui a pas crédité huit heures pour cette journée‑là. Ainsi qu’il l’a indiqué sur son calendrier, M. Keays n’a pas crédité d’heures à l’appelante pour les jours se trouvant dans les zones ombrées aux pages 23 et 24 parce que son examen des renseignements pertinents l’avait amené à conclure que la somme de travail accompli ce jour‑là était peu élevée. Il n’a donc pas tenu compte des écritures contraires figurant sur les feuilles de paye de l’appelante.

 

[110]  M. Keays s’est référé à la pièce R‑9, onglet 2, qui s’applique à l’appel de Himmat Singh Makkar (appel 2001‑2121(EI)). Son analyse du cas précis de cet appelant commence à la page 19 et porte sur la brève période d’emploi comprise entre le 2 et le 28 août 1998. Mme Rai – en sa qualité d’agente des décisions – avait reconnu que cet appelant avait exercé cet emploi durant la période en question et elle avait conclu qu’il avait effectué 140 heures assurables pour une rétribution de 1 164,40 $. M. Keays a expliqué qu’il avait conclu que l’emploi de M. Makkar n’était pas assurable mais qu’il avait estimé – à titre subsidiaire – que M. Makkar n’avait pas travaillé plus de 72 heures assurables et qu’il avait gagné une rémunération assurable de 599,04 $. À la page 21, M. Keays signale ce qu’il estime être de graves contradictions, et notamment les déclarations contradictoires que M. Makkar et son épouse – Santosh K. Makkar – ont faites à divers moment au sujet de l’utilisation des fiches de cueillette. M. Keays a fait observer que Himmat Singh Makkar avait déclaré à DRHC que Gill Farms le payait 30 cents la livre pour cueillir des bleuets à Gill Farms mais il a par la suite changé sa version des faits en prétextant la confusion et en expliquant qu’il avait – par erreur – indiqué le tarif à la pièce qu’il recevait à la pépinière. Ainsi qu’il est indiqué dans les zones ombrées et les zones non ombrées que l’on trouve aux pages 26 et 27 de son rapport, M. Keays n’a reconnu que 72 heures de travail au cours de la période applicable, heures pour lesquelles il a accepté que M. Makkar avait touché huit dollars l’heure et une indemnité de congés payés de 4 %.

 

[111]  M. Keays s’est référé à la pièce R‑10, onglet 2, qui s’applique à l’appel de Santosh Kaur Makkar (appel 2001‑2117(EI)). À partir de la page 19, M. Keays examine les circonstances entourant l’emploi de l’appelante entre le 2 août et le 26 septembre 1998. M. Keays a noté que la mention de Jarnail K. Sidhu – au milieu de la page – était une erreur de formatage, parce que l’analyse qui suit concerne bien Santosh K. Makkar. À la page 21, M. Keays a relevé certaines contradictions en ce qui concerne divers aspects de l’emploi de Mme Makkar, y compris des questions comme la fréquence de paiement, l’utilisation de fiches de cueillette, les heures de travail et la durée de l’emploi. M. Keays a expliqué qu’il avait trouvé quelque peu étrange que cette travailleuse et son mari – Himmat Singh Makkar – commencent à travailler le même jour mais que son mari soit mis en disponibilité le 28 août alors qu’elle aurait continué à travailler jusqu’au 26 septembre. Même s’ils se rendaient au travail à bord du même véhicule, Himmat Singh Makkar ne travaillait que cinq jours par semaine alors qu’elle avait travaillé – vraisemblablement – sept jours par semaine au cours de son emploi pour Gill Farms. M. Keays a expliqué qu’il était convaincu qu’il n’y avait aucun travail utile à faire après le 12 septembre 1998 et qu’il n’était pas raisonnable que Santosh K. Makkar travaille après cette date. M. Keays a conclu subsidiairement à la recommandation principale – qu’elle avait accumulé travaillé 117 heures assurables et que sa rémunération assurable se chiffrait à 912,60 $. Il n’a pas cru qu’elle avait travaillé les jours indiqués dans les zones ombrées aux pages 27 et 28 et il ne lui a crédité que les jours ne faisant pas partie des zones ombrées, en lui allouant le nombre d’heures par jour figurant sur les feuilles de paye de Gill Farms.

 

[112]  M. Keays s’est référé à la pièce R‑11, onglet 1, qui concerne l’appel de Jarnail Kaur Sidhu (appel 2001‑2118(EI)). Dans son rapport – à partir de la page 17 – M. Keays explique qu’il n’est pas convaincu que l’appelante a effectué un travail utile après le 12 septembre 1998. Il a accepté la date d’entrée en fonctions du 25 mai qu’elle avait indiquée mais, ainsi qu’il le précise aux pages 21 et 22 de son calendrier, il n’a pas reconnu qu’elle avait travaillé – par la suite – les jours faisant partie des zones ombrées pour les motifs déjà exposés au sujet des autres appelants. Il expose en détail, aux pages 17 et 18, les contradictions qu’il avait relevées, y compris celles relatives à la description des tâches effectuées, à la fréquence de paiement du salaire et aux modalités d’emploi, notamment en ce qui concerne l’utilisation de fiches de cueillette et le nombre d’heures et de jours effectués chaque semaine. Se fondant sur les renseignements qu’il avait recueillis auprès des experts de l’industrie agricole, M. Keays a décidé de diminuer le nombre d’heures que Mme Sidhu affirmait avoir effectuées en mai et en juin pour s’acquitter des tâches suivantes – selon le calendrier de M. Keays : pulvérisation et fertilisation, ramassage de branches sèches, binage manuel, travaux effectués sur les conduites d’eau et installation des filets. M. Keays a conclu que Mme Sidhu avait effectué 325 heures assurables pour une rémunération assurable de 2 535 $.

 

[113]  M. Keays s’est référé à la pièce R‑12, onglet 1, en ce qui concerne l’appel de Gyan Kaur Jawanda (appel 2001‑2125(EI)). Son analyse du cas précis de cette appelante commence à la page 17 et porte sur la période comprise entre le 25 mai et le 26 septembre 1998. M. Keays a noté – aux pages 18 et 19 – que la mémoire de Mme Jawanda semblait défaillante et qu’elle avait dit ne pas se rappeler la teneur de l’entrevue qu’elle avait eue avec Mme Rai dans sa propre maison en présence de sa fille. M. Keays s’est dit convaincu que l’entrevue avait été menée correctement et que Mme Jawanda en avait compris la teneur, d’autant plus qu’elle avait signé les notes rédigées par Mme Rai au sujet de cette entrevue quelques jours plus tard après les avoir examinées en compagnie de sa fille, Baljit, qui les lui avait expliquées. M. Keays a accordé les jours indiqués dans la zone non ombrée de son calendrier, ainsi qu’il est indiqué aux pages 21 à 24 inclusivement et il a décidé qu’elle avait travaillé 333 heures assurables et avait une rémunération assurable de 2 597,40 $ au lieu des 942 heures et de la rémunération de 7 347,60 $ indiquée sur le relevé d’emploi de Mme Jawanda établi par Gill Farms.

 

[114]  M. Keays s’est référé à la pièce R‑5, onglet 1, qui s’applique à l’appel de Harmit Kaur Gill (appel 2001‑2101(EI)). Son analyse du cas précis de cette appelante commence à la page 17. À la différence des travailleurs qui ne sont pas des personnes liées et dont la participation à la présente instance se limitait à leur emploi pour Gill Farms uniquement en 1998, les périodes d’emploi pertinentes de Harmit Kaur Gill étaient celles correspondant aux années 1996, 1997 et 1998. M. Keays savait que cette appelante était la femme de Hakam Singh Gill et la belle‑sœur de Rajinder Singh Gill, qui était marié à sa soeur, Manjit Kaur Gill. Comme l’appelante était réputée être une personne liée aux associés du payeur au sens de l’article 251 de la Loi de l’impôt sur le revenu, il a entrepris un examen des critères énumérés à l’alinéa 3(2)c) de la Loi sur l’assurance‑chômage. La lettre de décision – onglet 2 – renvoyait à cette dernière loi parce qu’il était allégué que la période d’emploi de 1996 de Harmit Kaur Gill avait commencé le 2 juin 1996, avant l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur l’assurance‑emploi qui régit les situations d’emploi à partir du 1er juillet 1996. À la page 19, M. Keays traite des critères exigés par les dispositions de cet alinéa. Il a jugé raisonnable la rétribution de neuf dollars l’heure pour du travail de supervision à la ferme, à condition qu’il y ait assez de travail à faire nécessitant une supervision. Pour ce qui est des modalités d’emploi, M. Keays a conclu que Harmit Kaur Gill s’était fait garantir par les associés qui exploitaient Gill Farms qu’elle aurait du travail pour toute la durée de la saison de végétation. Cette garantie reposait donc sur la nécessité pour cette travailleuse d’accumuler un nombre suffisant de semaines – et plus tard, d’heures – pour être admissible à des prestations d’assurance‑chômage et elle n’était pas fondée sur les besoins de la société de personnes payeuse ou sur des considérations économiques solides. Au sujet de la durée de l’emploi, M. Keays a estimé que les périodes d’emploi pour chacune des années en cause ne coïncidaient pas avec la saison du bleuet. À son avis, la société de personnes payeuse avait allongé la durée normale de la saison des petits fruits – tant au début qu’à la fin – pour donner l’apparence que l’emploi était nécessaire pour la durée indiquée sur les relevés d’emploi de 1996, 1997 et 1998. M. Keays a estimé que la durée de l’emploi ne cadrait pas avec les normes habituelles de l’industrie agricole locale. Lorsqu’il a examiné la nature et l’importance du travail exécuté, M. Keays a jugé inusité que Gill Farms engage Harmit Kaur Gill et sa sœur – Manjit Kaur Gill – pour superviser un personnel qui ne comptait parfois que cinq personnes. À son avis, un employeur sans lien de dépendance devant composer avec des ressources financière limitées et subissant chaque année des pertes d’exploitation n’engagerait pas deux superviseurs à temps plein, surtout lorsqu’il y avait de longues périodes, chaque saison, où il n’y avait pas de travail à faire ou si peu. M. Keays a conclu que la durée et l’importance des tâches effectuées par Harmit Kaur Gill au cours des périodes pertinentes de chacune des années en question avaient été grossièrement exagérées, et il a recommandé au ministre de considérer l’emploi en question comme un emploi exclu parce que l’appelante et Gill Farms n’auraient pas conclu un contrat de travail à peu près semblable si elles n’avaient pas eu de lien de dépendance. M. Keays a expliqué que lorsqu’il en est arrivé à cette conclusion, il ne savait pas si Harmit Kaur Gill avait effectué d’autres tâches et il n’a pas envisagé d’hypothèse subsidiaire comme il l’a fait dans le cas de l’emploi des travailleurs qui n’étaient pas des personnes liées en 1998. M. Keays a expliqué que les renseignements dont il disposait révélaient que Harmit Kaur Gill et sa sœur – Manjit – n’avaient travaillé que comme superviseures et qu’elles avaient eu amplement l’occasion de présenter des éléments de preuve contraires à DRHC et à Mme Rai avant l’instruction de l’appel des décisions. M. Keays a expliqué qu’il acceptait les renseignements fournis pour le compte de Harmit Kaur Gill au sujet de la saison 1998, de même que l’argument qu’ils pouvaient aussi s’appliquer aux périodes d’emploi de 1996 et 1997 étant donné que cette appelante soutenait que les tâches exécutées étaient à peu près les mêmes au cours de chacune des années en question.

 

[115]  M. Keays s’est référé à la pièce R‑8, onglet 1, qui s’applique à l’appel de Manjit Kaur Gill (appel 2001‑2100(EI)). Son analyse du cas précis de cette appelante commence à la page 17. Les périodes d’emploi pertinentes de Manjit Kaur Gill sont celles qui correspondent aux années 1996, 1997 et 1998. M. Keays savait que Manjit Kaur Gill était mariée à Rajinder Singh Gill et qu’elle était la soeur de Harmit Kaur Gill, elle‑même mariée à Hakam Singh Gill, un des associés – l’autre étant Rajinder – de Gill Farms. Pour examiner les faits, il est parti du principe que l’appelante avait confirmé – par l’entremise de sa(ses) représentant(es) – qu’elle avait exécuté les mêmes fonctions pendant les trois années à l’examen. Pour examiner les critères exigés par les dispositions législatives applicables, M. Keays a expliqué qu’il avait tenu compte des mêmes faits que ceux relatifs à la situation d’emploi de Harmit Kaur Gill et qu’il n’avait constaté aucune différence appréciable entre les deux. Il a expliqué qu’il avait trouvé curieux que les fonctions supplémentaires dont l’appelante affirmait s’être acquittée ne soient évoquées que devant lui alors que l’appelante avait eu auparavant amplement l’occasion d’en parler tant lors de son entrevue aux bureaux de DRHC que lors de la grande réunion de mai 1999 aux bureaux de DRHC de Langley ou à l’étape des décisions. Il a expliqué qu’il n’avait pas été question – plus tôt – des ventes supplémentaires de bleuets au comptant et que, même si les livres dans lesquels étaient comptabilisées certaines ventes au comptant étaient au nombre des pièces versées au dossier de l’appel, il ne croyait pas que ce facteur aurait influencé sensiblement son analyse. À tout prendre, il a estimé que l’importance du travail imputé à Manjit Kaur Gill était exagérée et que la durée et l’importance des tâches qu’elle prétendait avoir exécutées étaient gonflées, tout comme la durée de son emploi et ce, pour les raisons qu’il avait déjà exposées lorsqu’il a été question de l’appel de la décision concernant Harmit Kaur Gill. Il était convaincu que la rétribution avait été raisonnable pendant toute la durée des trois années à l’examen. M. Keays a conclu que l’emploi de Manjit Kaur Gill constituait un emploi exclu parce qu’il n’était pas convaincu que cette dernière et les associés exploitant Gill Farms auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[116]  Bernie Keays a été contre‑interrogé par Ronnie Gill. Au sujet des discussions qu’il a eues avec les intervenants de l’industrie du bleuet qui lui avaient communiqué des renseignements sous le sceau du secret, M. Keays a expliqué qu’il ne s’était pas interrogé sur les incidences de la culture de différentes variétés de bleuets par un producteur et il a convenu que, si l’on recourt à un entrepreneur en main‑d’oeuvre, celui‑ci fournit son propre superviseur et se charge du transport des travailleurs aux champs. M. Keays a expliqué que lorsqu’il avait pris ses notes – pièce R‑30 – de sa conversation avec un producteur, il avait cru comprendre que ce dernier avait une bleuetière de 20 acres qu’il exploitait avec ses deux enfants et des cueilleurs contractuels. M. Keays a expliqué qu’il avait appris que, si un employeur donnait une sorte de garantie au sujet de la durée d’un emploi rémunéré à la pièce, il était convenu que l’on conserverait cette entente tant qu’il y aurait des fruits à cueillir. M. Keays a expliqué qu’il savait que Lucky Gill‑Chatta – écrivant au nom de LRS – avait des réserves au sujet de l’entrevue menée par Mme Rai avec Gyan Kaur Jawanda. Toutefois, dans la première page de sa lettre – pièce R‑1, onglet 15, page 84 – Lucky Gill‑Chatta n’avait pas remis en question la capacité de Mme Rai de parler punjabi ou l’exactitude de la traduction anglaise de cette entrevue. M. Keays a convenu que LRS avait déjà mentionné que des bleuets avaient été vendus dans un kiosque et ailleurs et il a accepté que certains travailleurs devaient avoir cueilli ces fruits. M. Keays a été renvoyé aux notes prises par Mme Turgeon – onglet 24, pages 246 et 247 – lors de la grande rencontre du 20 mai 1999 aux bureaux de DRHC à Langley. Dans ses notes, Mme Turgeon écrit au sujet de sa discussion avec Rajinder Singh Gill au sujet de la livraison de fruits à Kelowna et de ventes effectuées dans un kiosque situé au bord de la route et à Hamilton Farms, pour un total d’environ 5 000 livres. M. Keays a expliqué qu’il avait fondé sa décision uniquement sur les renseignements contenus dans le rapport de vérification de M. Blatchford. M. Keays a admis que – lorsqu’il avait calculé la production des cueilleurs – M. Blatchford avait inclus Harmit et Manjit dans ce groupe comme si elles avaient consacré tout leur temps à la cueillette des fruits. Il a convenu que, si ces renseignements n’étaient pas exacts, leur inclusion dans ce groupe de cueilleurs aurait des incidences sur les calculs mais qu’il n’était pas certain de leur importance, à moins que l’on ne recalcule le tout en tenant compte de ces nouveaux renseignements. Ronnie Gill a renvoyé M. Keays à ses notes d’une conversation – pièce R‑29 – avec un informateur de l’industrie du bleuet où il avait noté qu’on avait besoin de 70 à 80 cueilleurs deux jours par semaine. Ronnie Gill a fait observer qu’on obtenait ainsi plus de 1 000 heures‑personnes par semaine, ce qui s’approche du temps total équivalent effectué par 18 cueilleurs à temps plein payés à l’heure et travaillant huit heures par jour, sept jours par semaine. M. Keays a expliqué qu’il n’avait pas établi de lien entre ces renseignements généraux et la situation particulière de Gill Farms, mais qu’il s’était fié au rapport de vérification établi par M. Blatchford sans aller au‑delà des chiffres de ce dernier pour examiner d’autres façons de calculer la quantité de bleuets cueillis par les travailleurs. M. Keays se souvient de diverses conversations qu’il a eues avec Ronnie Gill au sujet des appels interjetés à l’égard des décisions par les travailleurs et les propriétaires de Gill Farms et il a expliqué qu’il a pour principe de prendre des notes au sujet de toutes les conversations ayant un rapport quelconque avec les questions en litige et qu’il s’abstiendrait de prendre des notes seulement s’il s’agissait d’un bref appel portant sur un point très précis. On a montré à M. Keays un relevé de Telus – pièce A‑18 – indiquant un appel téléphonique de onze minutes de Ronnie Gill à M. Keays le 12 décembre 2000, ainsi qu’un autre appel qui, selon le relevé – pièce A‑19 – avait duré 25 minutes et remontait au 16 janvier 2001. M. Keays a convenu qu’il n’avait pas pris de notes au sujet de l’une ou l’autre conversation, contrairement à ce qu’il avait fait dans le cas des autres conversations, dont les notes se trouvent à l’onglet 6 de la pièce R‑1. Il a souligné que l’appel téléphonique du 16 janvier 2001 avait été fait après que les lettres de décision avaient été envoyées le 11 janvier et qu’il n’aurait pas été jugé important à ce moment‑là. Interrogé sur la question de l’enregistrement sur bande magnétique que Mme Turgeon aurait fait des entrevues, M. Keays a répondu qu’il ne se souvenait d’aucune conversation ayant porté sur le sujet et qu’il n’avait jamais mentionné – même à la blague – que ces enregistrements avaient été « brûlés ». M. Keays a convenu que Jarnail Kaur Sidhu avait communiqué des renseignements au sujet de sa participation à l’installation des filets et que d’autres détails figuraient dans le questionnaire rempli et soumis par Ronnie Gill en son nom. M. Keays a expliqué qu’il devait tenir compte de la totalité des renseignements dont il disposait, y compris ceux fournis par des experts de l’industrie agricole au sujet du temps requis pour exécuter certaines tâches. Il a admis que ces renseignements étaient généraux et qu’ils n’avaient pas été communiqués dans l’optique de la situation particulière de Gill Farms.

 

[117]  Les avocates de l’intimé ont informé la Cour que l’intimé avait terminé la présentation de sa preuve.

 

[118]  Ronnie Gill a informé la Cour qu’elle présentait une contre‑preuve. Hakam Singh Gill a témoigné en punjabi et l’interprétation et/ou la traduction – de l’anglais au punjabi et vice versa – des questions et des réponses ainsi que d’autres aspects de l’instance ont été assurées par l’interprète Russell Gill. Hakam Singh Gill a déclaré qu’il travaillait comme ouvrier d’usine à Abbostford et que lui et son frère Rajinder Singh Gill sont associés à parts égales de la société de personnes qui exploite Gill Farms. Il a été renvoyé à un relevé – la pièce A‑20 – qui, bien qu’extrait de la déclaration de revenus de Rajinder Singh Gill pour l’année d’imposition 1999, s’applique aussi à lui, étant donné qu’ils ont toujours été associés à parts égales. Le relevé faisait état de revenus agricoles bruts de 91 780 $ et Rajinder et Hakam avaient chacun demandé la déduction d’une perte de 5 136 $ de leurs autres revenus. Hakam a expliqué que les bleuetiers avaient souffert d’une maladie des racines en 1999 et que le même problème s’était présenté en 1997, en 1998 et, plus tard, en 2002. La maladie atteint la racine de la plante et dessèche les branches au point d’entraîner une réduction de la production de petits fruits pouvant atteindre 40 %, voire même de finir par tuer la plante. Hakam a été renvoyé au relevé – pièce A‑21 – joint à la déclaration de revenus de Rajinder pour l’année d’imposition 2000. Ce relevé faisait état de revenus agricoles bruts de 147 470 $ et indiquait que Rajinder avait déclaré que sa quote‑part de moitié des revenus agricoles totaux nets s’élevait à 3 787 $. Le relevé – pièce A‑22 – de l’année d’imposition 2001 faisait état de revenus agricoles bruts de 129 325 $, et de revenus nets de 530 $ pour chacun des associés. Pour ce qui est de l’année d’imposition 2002, le relevé – pièce A‑23 – indiquait des revenus agricoles bruts de 169 873 $ qui avaient fait réaliser à chacun des associés un profit net de 5 170 $. Le relevé – pièce A‑24 – relatif à l’année d’imposition 2003 faisait état de revenus agricoles bruts de 151 141 $ qui ne s’étaient pas soldés par un profit mais plutôt par une perte nette de 7 659 $ pour chacun des associés. Hakam Singh Gill a expliqué que la maladie des plantes s’était traduite par une diminution du rendement habituel en 2003. L’année d’imposition 2004 s’est soldée par des revenus bruts de 237 059 $ selon le relevé – pièce A‑25 – et chacun des associés a déclaré des revenus agricoles nets de 21 415 $. Hakam a expliqué que les revenus bruts tirés de l’agriculture étaient passés, pour Gill Farms, de 91 780 $ en 1999 à 237 059 $ en 2004 même si la superficie cultivée était demeurée la même. Il a expliqué que les bleuetiers matures étaient en meilleure santé en 2004 et que le prix de la livre des bleuets avait augmenté au cours des dernières années. À titre d’exemple, le prix du bleuet était de 1,50 $ la livre au début de la saison 2005, pour fléchir à 1,15 $ lorsque la saison battait son plein et pour rebondir à 1,80 $ la livre à la fin de la saison en raison des lois de l’offre et la demande. Hakam a expliqué qu’en 2005, Gill Farms avait vendu des fruits à 1,80 $ la livre pendant une dizaine de jours. Un autre facteur qui avait fait augmenter les revenus – et les profits nets – était l’ampleur de la production, qui avait augmenté jusqu’à au moins 16 000 livres l’acre. Hakam Singh Gill a été renvoyé à une liasse de bordereaux de dépôt – pièce A‑26 – se rapportant au compte de la coopérative d’épargne et de crédit Prospera – auparavant connue sous le nom de Fraser Valley. Hakam a expliqué qu’il y avait divers bordereaux de dépôt indiquant que c’étaient des membres de sa famille qui étaient à l’origine des sommes déposées dans ce compte. Hakam a expliqué qu’il croyait que le premier dépôt indiqué sur le bordereau – du 31 octobre 1998 – se rapportait probablement à un chèque de paye de l’usine. Il a expliqué que le chèque – figurant à la dernière page de la pièce A‑26 – daté du 2 novembre 1998, au montant de 2 400 $ et établi à l’ordre de Rajinder Gill avait été émis par Harpreet Gill à titre de prêt consenti à l’entreprise agricole. Il a expliqué que Gill Farms avait emprunté de l’argent à des amis et il s’est référé à la photocopie du chèque – avant-avant-dernière page de la pièce en question – daté du 11‑11‑1998 – au montant de 10 000 $ – tiré sur le compte de Gurbax Brar et de Kuljit Brar et établi à l’ordre de Rajinder S. Gill et de Hakam S. Gill. Hakam a renvoyé, à la quatrième page de la pièce en question, à une photocopie d’un chèque daté du 18 novembre 1998 – au montant de 10 000 $ – établi à l’ordre de Rajinder & Hakam Gill qui avait été signé par M. et Mme Sidhu comme prêt consenti à Gill Farms. Hakam a expliqué que lui et son frère avaient également emprunté la somme de 3 000 $ à Harmel S. Bhugra et à sa femme – Parminder K. Bugra – ainsi qu’en fait foi la photocopie du chèque daté du 18 novembre 1998. Le 15 novembre 1998, il a déposé un chèque de paye – de 1 220,76 $ – émis par son employeur, Fraser Pulp. Hakam a expliqué qu’il avait reçu un peu d’argent de la succession de son père et que cet argent avait été viré dans le compte de Fraser Valley – depuis un autre compte – après la fin de la récolte de 1998. Il ne se souvient pas du montant exact. Il a été renvoyé à un relevé de compte du 10 novembre 1998 établi par Fraser Valley – pièce R‑2, onglet 41, pages 570 et 571 – faisant état d’un dépôt de 4 000 $ le 4 novembre 1998 depuis un autre compte. Hakam a expliqué que cette écriture visait probablement l’argent reçu de la succession de son père. Hakam Singh Gill a expliqué qu’il voulait dissiper un malentendu au sujet du type de binage effectué à leur ferme. Il s’est dit d’accord avec M. Sweeney – l’expert en agriculture – qui avait affirmé dans son rapport que les racines du bleuetier sont peu profondes, tout en ajoutant que le type de binette utilisée n’a que sept ou huit pouces de long et est munie d’une courte poignée. L’extrémité de la binette est en forme de bêche qu’on insère doucement dans le sol sans pénétrer trop en profondeur – pour enlever l’herbe qu’on n’a pas réussi à éradiquer par pulvérisation durant la période de la saison où les fruits se forment.

 

[119]  Hakam Singh Gill a été contre‑interrogé par Me Amy Francis. Me Francis a souligné qu’au cours des années 1996, 1997 et 1998, les dépenses salariales de Gill Farms avaient été supérieures à ses recettes. Bien que les chiffres n’aient pas été mis en preuve, elle a avancé que la situation était probablement la même en 1999, ce à quoi Hakam a répondu que c’était peut‑être bien le cas. L’avocate a demandé pourquoi les revenus bruts étaient passés de 169 873 $ en 2002 à 151 141 $ en 2003. Hakam a expliqué que certaines branches avaient séché à cause de la maladie et qu’il avait fallu les couper et que certains bleuetiers étaient morts, de sorte qu’il avait fallu acheter de nouveaux plants. L’avocate a souligné que l’on n’avait jamais mentionné auparavant la maladie dont souffraient les bleuetiers en 1998 et elle a laissé entendre que cette explication avait été avancée à ce moment‑ci pour justifier la main‑d’oeuvre excessive engagée en 1998 pour procéder à la taille d’entretien. Hakam a expliqué qu’il avait déjà mentionné qu’on avait coupé les branches mortes, mais qu’il n’avait pas expliqué les travaux à faire par la maladie en question. L’avocate a informé Hakam Singh Gill que les chèques indiqués à la pièce A‑26 totalisaient 26 600 $ et que les ventes de petits fruits – en 1998 – s’étaient élevées à 73 712 $ et elle a ajouté que des revenus de location de 12 000 $ avaient été inclus dans les revenus tirés de l’agriculture. Elle a souligné qu’un montant total de 172 282,64 $ avait été déposé dans le compte de la ferme à Fraser Valley en 1998 et qu’il y avait un écart de plus de 60 000 $ qui n’avait pas encore été expliqué dans les éléments de preuve présentés jusqu’à maintenant. Hakam a répondu que d’autres membres de la famille qui travaillaient à l’extérieur de la ferme avaient contribué à l’entreprise agricole.

 

[120]  Ronnie Gill a déclaré close la preuve présentée pour le compte des appelants et des deux intervenants.

 

[121]  Les avocates de l’intimé et Ronnie Gill ont convenu qu’il serait plus efficace de formuler leurs observations par écrit et d’échanger leurs réponses à ces observations, et la date du 15 novembre 2005 a été retenue comme date limite pour ce faire.

 

[122]  En réponse à une question du tribunal, Me Francis a expliqué qu’elle demanderait au ministre s’il souhaitait maintenir sa position – exposée au paragraphe 10 de chacune des réponses déposées en réponse à chacun des appels des travailleurs qui ne faisaient pas partie de la famille Gill – en l’occurrence que chacun de ces travailleurs avait un lien de dépendance – en fait – avec la société de personnes payeuse qui exploitait Gill Farms.

 

[123]  Dans un délai d’une semaine, Me Francis a fait savoir à la Cour que le ministre avait abandonné sa prétention principale en ce qui concerne les travailleurs qui ne faisaient pas partie de la famille Gill et que les observations écrites qu’elle allait bientôt soumettre reposeraient sur les conclusions subsidiaires – exposées au paragraphe 11 de la réponse de chacun des appelants – en ce qui concerne les périodes d’emploi, les heures assurables et la rémunération assurable applicable à chacun d’entre eux, calculées par Bernie Keays conformément à la méthode que ce dernier avait exposée dans son rapport principal et qu’il avait expliquée dans son témoignage.

 

[124]  L’avocate a précisé que la thèse de l’intimé au sujet de Harmit Kaur Gill et de Manjit Kaur Gill demeurait inchangée et que chacune de leurs périodes d’emploi au cours des années 1996, 1997 et 1998 était considérée comme un emploi exclu au sens de l’alinéa 5(2)i) de la LAE.

 

[125]  Je vais maintenant rendre ma décision dans chacun des appels dont je suis saisi, en commençant par celui de Harmit Kaur Gill.

 

Harmit Kaur Gill

 

Recueil de documents applicable : pièce R‑5

 

Décision du ministre

 

[126]  Le ministre a estimé que l’appelante n’avait pas exercé d’emploi assurable auprès de Gill Farms au cours de chacune des périodes pertinentes en litige en 1996, en 1997 et en 1998.

 

Thèse de l’appelante

 

[127]  L’appelante maintient qu’elle exerçait un emploi au cours de chacune des périodes en cause et qu’elle a obtenu la rémunération assurable indiquée sur chacun des relevés d’emploi établis par Gill Farms pour chacune des périodes d’emploi.

 

Jurisprudence pertinente

 

[128]  La disposition applicable de la Loi est l’alinéa 5(3)b), qui dispose :

 

[...]

 

(3)  Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

 

[...]

 

b)   l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[129]  Dans l’affaire Birkland c. Canada (Ministre du Revenu national), [2005] A.C.I. no 195, 2005 CCI 291, le juge Bowie, de la Cour canadienne de l’impôt, s’est penché sur les conséquences d’une décision prise par le ministre sur le fondement des alinéas 5(2)i) et 5(3)b) de la LAE. Dans ses motifs, le juge Bowie a passé en revue la jurisprudence pertinente élaborée au fil des ans et il a formulé ses observations sur les règles de droit actuelles applicables au règlement de la question. Il est utile de citer de larges extraits de son jugement, à partir du paragraphe 2 :

 

[2]  Au cours de l’audience, il a été question du rôle de la Cour dans les cas visés à l’alinéa 5(3)b) de la Loi. Cette question a fait l’objet d’un certain nombre d’arrêts de la Cour d’appel fédérale au cours des dix dernières années. Dans les premiers arrêts [Tignish Auto Parts Inc. v. M.N.R. (1994), 25 Admin L.R. (2d) 1 (C.A.F.); Ferme Émile Richard et Fils Inc. v. Canada (1994), 178 N.R. 361 (C.A.F.); M.R.N. c. Jencan Ltd., [1998] 1 C.F. 187; Bayside Drive‑In Ltd c. Canada (Ministre du Revenu national), [1997] A.C.F. no 1019.] qui ont été rendus sous le régime des alinéas 3(1)a) et 3(2)c) de la Loi sur l’assurance‑chômage [L.R.C. 1985, ch. U‑1, et ses modifications. Il n’y a aucune différence importante entre ces dispositions et les alinéas 5(2)i) et 5(3)b) de la loi actuelle], la Cour d’appel fédérale a statué que l’opinion du ministre ne pouvait pas faire l’objet d’un appel à la Cour canadienne de l’impôt, sauf si l’on pouvait démontrer que le ministre avait commis ce qui pouvait être qualifié d’erreur de droit administratif en formant son opinion. Comme le libellé du sous‑alinéa 3(2)c)(ii) conférait un pouvoir discrétionnaire au ministre, la Cour canadienne de l’impôt ne pouvait pas substituer simplement son opinion à celle de ce dernier. Toutefois, si, au cours de l’audition d’un appel, l’appelant était en mesure de démontrer que le ministre avait commis une erreur de droit en formant son opinion, la Cour devait rendre une décision de novo, en application du sous‑alinéa 3(2)c)(ii) (maintenant l’alinéa 5(3)b)), sur la question de savoir si les modalités du contrat de travail pouvaient raisonnablement être considérées comme étant celles sur lesquelles des parties sans lien de dépendance se seraient entendues. En d’autres termes, ce n’est qu’après avoir conclu que la décision du ministre était viciée par une erreur de droit administratif que la Cour canadienne de l’impôt pouvait substituer son opinion à celle du ministre quant à la question relative à l’alinéa 3(2)c).

 

[3]  La Cour d’appel fédérale a réexaminé la question en 1999 dans Légaré c. Canada, [[1999] A.C.F. no 878]. Le juge Marceau, qui s’exprimait également au nom des juges Desjardins et Noël, a dit ce qui suit au paragraphe 4 :

 

4.  La Loi confie au ministre le soin de faire une détermination à partir de la conviction à laquelle son examen du dossier peut le conduire. L’expression utilisée introduit une sorte d’élément de subjectivité et on a pu parler de pouvoir discrétionnaire du ministre, mais la qualification ne devrait pas faire oublier qu’il s’agit sans doute d’un pouvoir dont l’exercice doit se fonder pleinement et exclusivement sur une appréciation objective des faits connus ou supposés. Et la détermination du ministre n’est pas sans appel. La Loi accorde, en effet, à la Cour canadienne de l’impôt le pouvoir de la réviser sur la base de ce que pourra révéler une enquête conduite, là, en présence de tous les intéressés. La Cour n’est pas chargée de faire la détermination au même titre que le ministre et, en ce sens, elle ne saurait substituer purement et simplement son appréciation à celle du ministre : c’est ce qui relève du pouvoir dit discrétionnaire du ministre. Mais la Cour doit vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus, et après cette vérification, elle doit décider si la conclusion dont le ministre était « convaincu » paraît toujours raisonnable.

 

À la suite de ce jugement, on a débattu de la question de savoir s’il représentait un changement d’orientation de la jurisprudence ou s’il s’agissait simplement d’une interprétation du droit qui avait été établi auparavant. Le premier point de vue a été adopté dans certains arrêts de la Cour d’appel fédérale [Pérusse c. Canada, [2000] A.C.F. no 310; Valente c. Canada, 2003 CAF 132; Massignani c. Canada (Ministre du Revenu national), 2003 CAF 172, et Denis c. Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CAF 26] et le dernier, dans d’autres [Candor Enterprises Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2000 IIJCan 16690 (C.A.F.); Quigley Electric Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2003 CAF 461, et Théberge c. Canada (Ministre du Revenu national), 2002 CAF 123]. D’autres arrêts encore sont compatibles avec l’un et l’autre des points de vue [Gagnon c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 292, et Staltari c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 448]. Mon collègue, le juge Archambault, a récemment analysé la question en profondeur dans la décision Bélanger c. M.R.N [[2005] A.C.I. no 16]. Je n’ai rien à ajouter au débat, mais je dois souligner que le juge Marceau lui‑même semblait être d’avis que l’arrêt Légaré avait infirmé les décisions rendues auparavant lorsque, dix mois plus tard, il a, dans l’arrêt Pérusse, écrit les deux paragraphes qui suivent, auxquels le juge Décary, qui avait rendu le jugement dans l’affaire Ferme Émile Richard, a souscrit :

13  Il est clair, en lisant les motifs de la décision, que pour le président du tribunal l’objet de son enquête était de savoir si le ministre avait « judicieusement », selon l’expression consacrée, exercé la discrétion que la Loi lui accorde de « reconnaître la non‑exclusion » d’un contrat entre personnes liées. Il lui fallait donc examiner si la décision avait été prise de bonne foi, sur la base de faits pertinents révélés par une enquête sérieuse, et non sous l’influence indue de considérations étrangères. Ainsi, dès le départ, à la page 3 de ses motifs, le juge écrit :

  La détermination dont fait l’objet le présent appel résulte du pouvoir discrétionnaire prévu par les dispositions de l’article 3(2)c) de la Loi qui se lit comme suit :

[...]

  L’appelante devait relever, par prépondérance de la preuve, le fardeau de preuve à l’effet que l’intimé n’avait pas, lors de l’évaluation du dossier, respecté les règles de l’art relatives à la discrétion ministérielle, une réponse négative ayant pour effet d’empêcher toute intervention de ce tribunal.

  Et finalement sa conclusion, à la page 16 :

Pour ce qui est de l’appel, je ne puis y faire droit étant donné que l’appelante n’a pas fait la preuve que l’intimé avait mal exercé sa discrétion.

14  En fait, le juge agissait dans le sens que plusieurs décisions antérieures pouvaient paraître prescrire. Mais cette Cour, dans une décision récente, s’est employée à rejeter cette approche, et je me permets de citer ce que j’écrivais alors à cet égard dans les motifs soumis au nom de la Cour [...]

Le juge Marceau a ensuite cité le paragraphe 4 des motifs qu’il a prononcés dans l’arrêt Légaré.

 

4    Il est suffisant, à cette étape‑ci, de décrire simplement ce qu’est, à mon avis, l’état actuel du droit. Je me fonde principalement à cet égard sur le paragraphe 4 de l’arrêt Légaré (reproduit ci‑dessus) et sur l’extrait suivant du jugement rendu par le juge en chef Richard, auquel ont souscrit les juges Létourneau et Noël, dans l’affaire Denis c. Canada :

 

5.  Le rôle du juge de la Cour canadienne de l’impôt dans un appel d’une détermination du ministre sur les dispositions d’exclusion contenues aux paragraphes 5(2) et (3) de la Loi est de s’enquérir de tous les faits auprès des parties et des témoins appelés pour la première fois à s’expliquer sous serment et de se demander si la conclusion du ministre paraît toujours raisonnable. Toutefois, le juge ne doit pas substituer sa propre opinion à celle du ministre lorsqu’il n’y a pas de faits nouveaux et que rien ne permet de penser que les faits connus ont été mal perçus (voir Pérusse c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), 2000 A.C.F. no 310, 10 mars 2000).

 

Si je comprends bien ces arrêts, le rôle de la Cour canadienne de l’impôt consiste à mener un procès au cours duquel les deux parties peuvent produire des éléments de preuve concernant les modalités aux termes desquelles l’appelant était employé, les modalités aux termes desquelles des personnes sans lien de dépendance, effectuant le même travail que l’appelant, étaient employées par le même employeur et les conditions d’emploi prévalant dans l’industrie pour le même genre de travail, au même moment et au même endroit. Des éléments de preuve relatifs à la relation existant entre l’appelant et l’employeur peuvent évidemment être produits également [Voir l’alinéa 5(3)a) de la Loi ainsi que les articles 251 et 252 de la Loi de l’impôt sur le revenu]. À la lumière de tous ces éléments de preuve et de l’opinion du juge sur la crédibilité des témoins, la Cour doit ensuite déterminer si le ministre aurait pu raisonnablement, en ayant connaissance de l’ensemble de cette preuve, ne pas conclure que l’employeur et une personne avec laquelle il n’avait pas de lien de dépendance auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable. [Certains appels concernent la décision du ministre selon laquelle l’emploi était régi par un contrat de travail semblable à celui qu’auraient conclu deux personnes sans lien de dépendance, afin que l’emploi soit jugé non assurable, parce que l’employeur et l’employé, ou l’un d’eux, ne souhaitent pas participer au régime d’assurance‑emploi. Je ne traiterai pas de ces cas, car des considérations différentes peuvent s’y appliquer : voir C & B Woodcraft Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CCI 477, aux paragraphes 9 à 13, et Actech Electrical Limited c. M.R.N., 2004 CCI 572, au paragraphe 17, où deux points de vue différents sur le régime prévu par la loi ont été exprimés de manière incidente.] Si je comprends bien, c’est là le degré de retenue judiciaire accordé à l’avis du ministre du fait de l’emploi, par le législateur, de l’expression « [...] si le ministre du Revenu national est convaincu [...] » à l’alinéa 5(3)b) [Cette formulation du critère ne tient pas compte de la possibilité que l’on conclue que le ministre a agi de mauvaise foi ou pour un motif illégitime. Cette question n’a pas été abordée dans les affaires postérieures à Jencan et à Bayside, et il ne fait aucun doute qu’il est préférable d’attendre qu’une telle affaire surgisse pour la trancher.]

 

Arguments

 

[130]  Ronnie Gill – la représentante de Harmit Kaur Gill – affirme que la preuve établit que l’appelante a travaillé à la ferme, où elle a effectué un travail utile et nécessaire au cours des périodes pertinentes de chacune des années en litige dans les présents appels. Elle souligne que l’agent des appels Bernie Keays a jugé raisonnable le salaire payé à l’appelante, compte tenu des circonstances de l’espèce et des normes de l’industrie. Ronnie Gill a expliqué que le mode de paiement du salaire et le moment choisi pour le faire étaient essentiellement les mêmes que dans le cas des travailleurs qui ne faisaient pas partie de la famille et elle a ajouté que, à l’instar de tous les autres travailleurs, Harmit effectuait son travail sous la direction et le contrôle de Hakam Singh Gill. Ronnie Gill a renvoyé au témoignage de Harmit Kaur Gill, qui a expliqué en détail les tâches nombreuses et exigeantes qu’elle avait effectuées au cours de son emploi chaque année et elle a renvoyé à des éléments de preuve plus généraux qui confirmaient la nature et l’importance de ces fonctions. Ronnie Gill a fait valoir que la Cour devrait accueillir l’appel de Harmit Kaur Gill parce que le ministre avait commis une erreur en décidant que l’emploi de Harmit Kaur Gill n’était pas un emploi assurable au sens du paragraphe 5(3) de la LAE.

 

[131]  Les avocates de l’intimé soutiennent pour leur part que rien ne justifierait que la Cour intervienne dans la décision du ministre parce que Harmit Kaur Gill n’a pas présenté d’éléments de preuve crédibles lui permettant de se décharger du fardeau qui lui incombait de démontrer que le ministre avait commis une erreur en exerçant le pouvoir discrétionnaire que lui confèrent l’alinéa 5(3)b) de la LAE et l’alinéa 3(2)c) de la LAC, qui s’appliquait à la partie de sa période d’emploi en 1996 qui précédait l’entrée en vigueur de la LAE. La thèse de l’intimé est que la preuve présentée au nom de cette appelante – ou qui s’applique autrement à elle – n’est pas crédible dans de nombreux cas et qu’elle est truffée d’incohérences et de contradictions, en particulier en ce qui a trait au mode de transport des travailleurs, aux modalités de remise des fiches de cueillette aux travailleurs et à de nombreuses autres questions. Les avocates ont cité des cas où le témoignage de l’appelante – à l’interrogatoire préalable – était différent de celui qu’elle a donné dans la présente instance. Les avocates ont évoqué le fait que Harmit Kaur Gill continuait à travailler pour Lucerne au cours de la période où elle était employée par Gill Farms et ont rappelé qu’en juin et plus tard en juillet – alors que la récolte du bleuet battait son plein – elle s’était absentée pour des journées complètes ou des demi‑journées et que, durant la semaine du 14 juin 1998, elle avait travaillé seulement deux jours sur sept. Les avocates avancent l’idée que cet exemple montre bien que les présumées fonctions de supervision de l’appelante n’étaient pas nécessaires parce que Hakam Singh Gill s’en chargeait (même s’il travaillait à temps plein à l’usine), quand ce n’était pas – à l’occasion – Manjit Kaur Gill, qui avait censément elle‑même des fonctions à exercer à temps plein. Pour ce qui est des éléments de preuve se rapportant aux chèques de paye établis à l’ordre de Harmit Kaur Gill par Gill Farms, les avocates renvoient à des éléments de preuve qui jettent le doute sur la nature des présumés versements de salaire qui lui ont été faits, étant donné que les chèques établis à son ordre étaient déposés dans le compte conjoint – qu’elle détenait avec Hakam Singh Gill – et que, peu de temps après, un virement de fonds était effectué de ce compte à celui dont Gill Farms se servait comme compte commercial. Les avocates soutiennent que les documents bancaires de la famille Gill démontrent qu’il y avait une circulation relativement libre de fonds entre les comptes commerciaux et les comptes personnels. Les avocates ont expliqué que le principal problème que pose le cas de l’appelante est le manque de crédibilité de l’ensemble de sa preuve – y compris son propre témoignage – et le fait que les documents – tels que les feuilles de paye – n’étaient pas fiables, étant donné qu’ils ne rendent pas compte des heures effectivement travaillées par l’appelante. Les avocates ont par ailleurs cité des cas où l’appelante aurait travaillé comme superviseure alors que les autres travailleurs n’avaient aucun travail à faire. Les avocates affirment que les éléments de preuve présentés par l’intimé établissent que le nombre d’heures qu’auraient effectuées les employés rémunérés à l’heure – selon les livres de paye de Gill Farms – était environ trois fois plus élevé que le nombre habituel d’heures nécessité pour une ferme de ce type, selon les normes de l’industrie. Les avocates ont également cité des éléments de preuve tendant à démontrer que les dépenses salariales de Gill Farms pour 1998 étaient supérieures aux recettes réalisées cette année‑là et elles ont fait valoir que la société de personnes payeure n’avait pas besoin d’engager deux superviseures à temps plein au cours des périodes en question. Les avocates soutiennent que la décision du ministre est bien fondée et que, lorsqu’on la situe dans le contexte des nouveaux faits révélés dans le cadre de la présente instance, elle est raisonnable et légitime et qu’elle mérite d’être confirmée par la Cour.

 

Analyse

 

[132]  Contrairement à ce qui est le cas dans la plupart des autres affaires, dans la présente instance, l’intimé ne se fonde pas uniquement sur les hypothèses de fait plaidées dans la réponse pertinente qui ont déjà été reproduites dans les présents motifs. L’intimé a plutôt choisi de faire longuement témoigner l’agent des appels Bernie Keays au sujet des faits et des circonstances dont il a tenu compte pour formuler sa recommandation au délégué du ministre en ce qui concerne l’assurabilité de l’emploi de Harmit Kaur Gill au cours des périodes pertinentes de 1996, 1997 et 1998. M. Keays a expliqué que, pour procéder à son examen, il s’était fondé sur les observations que lui avaient faites l’appelante et sa représentante, Ronnie Gill, à savoir que les modalités de l’emploi de l’appelante en 1998 étaient essentiellement les mêmes qu’en 1996 et en 1997. M. Keays a expliqué que, pour examiner les critères énumérés à l’alinéa 5(3)b) de la LAE, il avait tenu compte des faits relatés dans son rapport principal – pièce R‑1, onglet 3 – au sujet de l’exploitation générale de Gill Farms. Comme les 16 premières pages de ce rapport valent pour tous les appels en cause dans la présente instance, il les a insérées au début du rapport de chacun des appelants. Son rapport – pièce R‑5, onglet 1, pages 17 à 19 – portait expressément sur l’assurabilité de l’emploi de Harmit Kaur Gill au cours des périodes en cause. M. Keays a expliqué qu’il avait tenu compte des renseignements recueillis par DRHC et de la teneur de la décision prise par Harby Rai. Il a également tenu compte de l’avis d’expert donné par Mark Sweeney, agrologue, et a examiné le rapport de vérification juricomptable fouillé établi sous la direction de M. James Blatchford. M. Keays a expliqué qu’il avait formé l’opinion que – pour diverses raisons – les documents de paye n’étaient pas fiables et que les renseignements financiers recueillis par M. Blatchford établissaient que l’entreprise agricole n’était pas rentable et qu’elle ne justifiait pas des dépenses salariales aussi importantes. Les recettes n’étaient pas suffisantes pour couvrir le volet main‑d’oeuvre des frais d’exploitation avant même de tenir compte des autres dépenses usuelles de l’entreprise. Après avoir examiné les pièces et tenu compte des renseignements obtenus après avoir parlé avec certaines personnes et après avoir pris connaissance des questionnaires et des pièces soumises par Ronnie Gill et Lucky Gill‑Chatta, de LRS Solutions, M. Keays a conclu que les heures qui étaient censées avoir été consacrées à l’exploitation de l’entreprise agricole étaient grossièrement exagérées. Suivant son évaluation, il n’y avait pas suffisamment de travail après la fin de la récolte du bleuet, le 10 septembre 1998, pour justifier le maintien de Harmit Kaur Gill dans ses fonctions jusqu’au 26 septembre. M. Keays a estimé qu’à divers moments au cours de l’emploi de l’appelante, les tâches présumément exécutées par l’appelante et par d’autres travailleurs ainsi que celles comportant de la supervision – par elle – étaient exagérées et qu’elles s’écartaient considérablement du temps normalement nécessité par l’exécution de ces tâches selon les normes de l’industrie. En ce qui concerne le début de la saison 1998, M. Keays a conclu que les tâches que l’appelante prétendait avoir effectuées et l’importance de sa supervision des autres travailleurs ne correspondaient pas aux normes de l’industrie applicables à des travaux préparatoires comme la pulvérisation et la fertilisation, le ramassage des bleuetiers séchés, les travaux effectués sur les conduites d’eau et l’installation des filets.

 

[133]  M. Keays a déclaré qu’il considérait que la rétribution – de neuf dollars l’heure – versée à Harmit Kaur Gill était raisonnable dans les circonstances. Cette opinion reposait toutefois sur la prémisse qu’il y avait du travail à faire et il a expliqué qu’il n’était pas raisonnable – à son avis – de payer cette somme – ou toute autre somme – durant les périodes où il n’y avait pas suffisamment de travail pour justifier le maintien en poste d’un superviseur ou durant les premières semaines de la saison agricole où les services d’un superviseur n’étaient pas requis. Suivant M. Keays, l’employeur n’ayant aucun lien de dépendance avec son employé n’aurait pas négocié un contrat d’emploi à peu près semblable aux termes duquel il s’engageait à toutes fins utiles à garantir à cette personne qu’il la ferait travailler assez longtemps pour la rendre admissible à des prestations d’assurance‑chômage à la fin de la saison.

 

[134]  En ce qui concerne les modalités et la durée de l’emploi, M. Keays a estimé que la période d’emploi de chaque année ne cadrait pas avec les dates de récolte du bleuet. À son avis – sur la foi de tous les renseignements dont il disposait – le payeur avait prolongé la période d’emploi de Harmit Kaur Gill bien au‑delà des délais habituels en vigueur dans l’industrie pour lui assurer du travail pour toute la durée de la saison agricole. M. Keays a expliqué qu’il considérait qu’un employeur sans lien de dépendance engagerait et conserverait des employés en fonction d’un besoin démontrable de leurs services et qu’il ne leur donnerait pas ce qui constitue, à toutes fins utiles, une garantie d’emploi en faisant fi des exigences normales de l’industrie en ce qui concerne la main‑d’œuvre. Pour M. Keays, les relations d’emploi qui existaient entre Harmit Kaur Gill et les intervenants semblaient complètement incompatibles avec les normes habituellement en vigueur dans l’industrie agricole, surtout lorsqu’on les compare avec d’autres producteurs de bleuets du Lower Mainland. Il s’est dit d’avis que l’emploi en question était structuré en fonction des besoins de l’appelante et non en fonction de ceux de la société de personnes payeuse. M. Keays a estimé qu’il n’était pas raisonnable que l’appelante ait à superviser des travailleurs les jours où – suivant la vérification juricomptable de M. Blatchford – il y avait peu ou point de travail à faire.

 

[135]  S’agissant de la nature et de l’importance du travail effectué, M. Keays a tenu compte du fait que Harmit Kaur Gill et sa soeur – Manjit Kaur Gill – auraient été engagées pour superviser un personnel qui ne comptait que cinq personnes à certaines périodes de l’année. Les dates où l’appelante aurait commencé à travailler au cours des années en litige sont les suivantes : le 2 juin 1996, le 25 mai 1997 et le 25 mai 1998. Les pièces soumises à M. Keays l’ont amené à conclure qu’à ces périodes de l’année, il n’était pas nécessaire d’engager deux personnes comme superviseurs, d’autant plus qu’il y avait de longues périodes où il y avait peu ou point de travail à faire et que les tâches à exécuter pouvaient se faire sous la direction de Hakam Singh Gill ou de Rajinder Singh Gill. Dans le même ordre d’idées, les dates où Harmit Kaur Gill aurait été mise en disponibilité étaient le 19 octobre 1996, le 27 septembre 1997 et le 26 septembre 1998. Comme Gill Farms ne cultivait que des bleuets, M. Keays s’est fondé sur divers documents, dont les bordereaux d’achat établis par les conserveries, et il s’est fié aux renseignements obtenus de producteurs de l’industrie du bleuet ainsi qu’à l’avis de l’expert – Mark Sweeney – pour conclure que la récolte du bleuet s’était terminée le 9 septembre 1998 et que, dans les années précédentes, elle avait pris fin à plus un moins une semaine de cette date. Il n’était donc pas nécessaire d’engager Harmit Kaur Gill pour plus d’une journée ou deux après la fin de la récolte. Suivant M. Keays, la durée et l’importance des tâches confiées à l’appelante ont été grossièrement exagérées et compte tenu des problèmes financiers que connaissait l’exploitation de Gill Farms depuis sa création, il n’était pas logique sur le plan économique d’engager des gens alors qu’on n’en avait pas besoin. À son avis, constatant que les recettes totales provenant de la vente des fruits ne lui permettaient pas de couvrir les dépenses salariales associées à sa récolte, le producteur prudent n’aurait pas engagé l’appelante pour la totalité des périodes indiquées dans les relevés d’emploi établis par Gill Farms relativement à l’emploi exercé par l’appelante en 1996, 1997 et 1998. Après examen de la totalité des pièces qui lui avaient été soumises, M. Keays a recommandé au ministre de décider que l’emploi de Harmit Kaur Gill n’était pas assurable parce qu’il entrait dans la catégorie des emplois exclus au sens des dispositions de l’ancienne LAC et de la LAE actuelle.

 

[136]  Il est devenu évident, au cours de la présente instance, que l’appelante avait déclaré – à divers moments – que sa seule fonction consistait à superviser les travailleurs. Un moment donné – lorsque sa représentante a répondu au questionnaire – elle a maintenu qu’elle ne supervisait pas les travailleurs. L’appelante a expliqué qu’elle passait beaucoup de temps à peser les fruits à la balance et que, compte tenu du nombre de cueilleurs engagés et de la quantité de fruits récoltés lorsque la saison battait son plein, cette tâche occupait une grande partie de son temps. Pourtant, elle n’a pas mentionné cette tâche – qui, suivant le témoignage qu’elle a donné au procès, l’occupait plusieurs heures par jour – lors de son entrevue aux bureaux de DRHC et elle ne l’a pas signalée dans la liste des fonctions indiquées dans le questionnaire qu’elle a envoyé à M. Keays. Harmit Kaur Gill a expliqué qu’elle travaillait pour Lucerne chaque fois que c’était possible parce qu’elle y était payée 15 $ l’heure et qu’il n’était pas rare que des travailleurs qui ne faisaient pas partie de la famille Gill et qui étaient employés par Gill Farms exercent un autre emploi pour gagner plus d’argent tout en conservant leur emploi à Gill Farms. Elle a expliqué que, même si elle faisait des quarts de travail pour Lucerne, elle était capable d’exécuter ses fonctions pour Gill Farms le même jour. Elle a décrit – avec force détails – les travaux qu’il fallait exécuter à la fin de mai et au cours du mois de juin pour préparer la récolte du bleuet, une période très intense, surtout pendant les deux mois où la saison battait son plein. Elle a expliqué qu’elle ne faisait aucun travail à la ferme entre janvier et la date où elle commençait à travailler à la ferme chaque année, parce que Hakam Singh Gill s’en chargeait durant ses jours de congé de son emploi à temps plein. Elle a toutefois expliqué que, chaque année, une fois qu’elle était embauchée, il y avait suffisamment de travail pour lui assurer un emploi rémunéré jusqu’à sa mise en disponibilité à la fin de la saison. Harmit Kaur Gill établissait ses propres feuilles de paye et relevés d’emploi. Elle a expliqué qu’elle avait créé le registre quotidien pour répondre à ce qu’elle croyait être une demande expresse de Mme Turgeon, de DRHC. Elle a admis que, lors de la préparation de ce document, elle avait négligé de mentionner une travailleuse – Manjit Kaur Sidhu – qui avait travaillé huit heures ou huit heures et demie par jour entre le 18 mai et le 26 septembre 1998 et elle a expliqué qu’elle n’était pas en mesure d’offrir une explication pour justifier cet oubli.

 

[137]  Harmit Kaur Gill a dit qu’à son avis, elle s’était acquittée d’une foule de fonctions pour lesquelles elle avait reçu un salaire juste conformément aux normes de l’industrie et à la pratique courante consistant pour les producteurs à verser un salaire de façon irrégulière jusqu’à la fin de la saison, moment où l’on procédait au règlement des comptes. Elle a expliqué que Hakam Singh Gill n’était pas heureux de la voir quitter la ferme pour gagner un salaire horaire plus élevé en travaillant pour Lucerne, mais elle a ajouté qu’elle avait réussi à s’acquitter de ses fonctions en travaillant à la ferme avant ou après son quart de travail. L’appelante a souligné qu’elle avait toujours exercé un emploi à l’extérieur – pendant toutes les années où elle avait travaillé pour Gill Farms – et qu’elle avait continué à le faire pour gagner suffisamment d’argent pour subvenir aux besoins de sa famille. Elle a expliqué qu’elle n’avait pas besoin de travailler pour Gill Farms pour accumuler assez de travail dans l’industrie agricole pour être admissible à des prestations d’assurance‑chômage à la suite de sa mise en disponibilité à la fin de chaque saison.

 

[138]  Les renseignements dont le ministre disposait n’étaient pas aussi complets que les éléments de preuve qui m’ont été présentés au cours de ce long procès. J’ai entendu des détails au sujet des nombreuses fonctions qu’aurait exercées Harmit Kaur Gill, détails qui n’ont jamais été portés à la connaissance du ministre, notamment en ce qui concerne le transport des employés, la pesée des fruits, ainsi que des explications détaillées au sujet du temps nécessaire pour exécuter des tâches qui semblaient pourtant simples – comme la suppression des branches mortes – au début de la saison agricole, avant que les fruits ne soient mûrs. De plus, l’appelante n’avait informé ni DRHC, ni Mme Rai – l’agente des décisions – ni M. Keays – l’agent des appels – qu’elle avait consacré du temps à nettoyer les fruits à l’aide d’un convoyeur à bande pour être en mesure de préparer les commandes spéciales de fruits de haute qualité vendus directement sur le marché du frais. À mon avis, le problème de l’appelante n’est pas l’importance des fonctions qu’elle aurait exercées au cours de la récolte du bleuet. Je ne doute pas qu’elle ait été effectivement très occupée à certaines périodes. Il ressort toutefois de l’analyse de l’ensemble de la preuve que l’appelante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de justifier la durée de son emploi – pour chaque année. Gill Farms exploitait une bleuetière et n’avait pas besoin d’engager l’appelante dès la dernière semaine de mai – en 1998 et 1997 – ou dès le 2 juin – en 1996 – ni de la garder à son service jusqu’au 19 octobre ou au 27 ou 26 septembre en 1996, 1997 et 1998 respectivement. Il ressort à l’évidence de la preuve, et notamment du témoignage de l’expert – Mark Sweeney – que, même en tenant compte du rendement moins efficace de la main‑d’œuvre plus âgée et moins expérimentée, le temps attribué à l’exécution des diverses tâches était de trois à cinq fois supérieur à celui qui est normalement prévu dans l’industrie, d’après les renseignements recueillis sur une période de plusieurs années auprès d’un grand nombre de producteurs exploitant des fermes petites, moyennes et grandes. Il faut tenir compte des renseignements dont disposait le ministre ainsi que de l’ensemble de la preuve présentée au procès. Certes, la question de la crédibilité est cruciale, en raison des diverses versions des faits données plus tôt. Je suis conscient qu’il est extrêmement difficile pour l’appelante de se souvenir de détails précis et sans importance concernant des tâches répétitives qui remontent à sept, huit, voire neuf ans et je comprends qu’il est difficile d’établir des distinctions entre les diverses saisons agricoles. Il semble toutefois que l’appelante ait affiché une attitude cavalière depuis le début, comme l’illustre sa propension à ne communiquer que des bribes de renseignements à DRHC et à l’ADRC et seulement lorsqu’on les lui réclamait. Même au cours de la présente instance, l’appelante a révélé à l’occasion des détails des fonctions ou des tâches complémentaires en réponse aux questions posées par sa représentante, par l’avocate qui la contre‑interrogeait ou par la Cour. Dans plusieurs cas, la vaste portée des tâches qu’aurait effectuées l’appelante directement ou qui auraient été effectuées sous supervision, semblait être conforme à la loi de Parkinson, en ce sens que le temps requis pour exécuter les tâches en question semblait équivaloir à la période allouée – rétroactivement – pour leur exécution.

 

[139]  Le ministre a conclu que l’emploi que l’appelante – Harmit Kaur Gill – avait exercé auprès de Gill Farms au cours des périodes en cause en 1996, 1997 et 1998 n’était pas assurable parce que l’appelante et les intervenants, qui étaient les associés de la société de personnes qui exploitait Gill Farms, étaient liés entre eux au sens des dispositions législatives applicables et que le ministre n’était pas convaincu, après avoir tenu compte des critères énumérées dans les dispositions applicables de la LAE, qu’ils auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[140] Voici les propos que j’ai tenus dans le jugement Barbara Docherty c. M.R.N., [2000] A.C.I. no 690 – 2000‑1466 (EI) – rendu le 6 octobre 2000 :

 

  Le modèle à utiliser pour établir une comparaison avec les relations de travail entre parties sans lien de dépendance ne nécessite pas une concordance parfaite. Cette affirmation se trouve confirmée par le libellé de la loi, qui utilise les termes un « contrat de travail à peu près semblable ». Chaque fois que les parties sont liées entre elles au sens de la disposition législative pertinente, la relation de travail comportera nécessairement des particularités, surtout si le conjoint est le seul employé ou s’il fait partie d’un effectif restreint. Cependant, le but n’est pas d’empêcher les personnes qui satisfont aux critères établis de participer au régime national d’assurance‑emploi. Les en exclure sans raison valable est une mesure inéquitable, qui va à l’encontre de l’esprit de la loi.

 

[141]  La preuve présentée en l’espèce a eu pour effet de dépeindre une situation d’emploi qui ne cadre pas du tout avec celle à laquelle on s’attendrait de la part de personnes qui ne sont pas liées entre elles dans le cadre d’une relation de travail. Je ne voudrais pas, en tenant ces propos, minimiser l’importance du travail effectué par l’appelante ou la valeur des services qu’elle a rendus à Gill Farms à divers moments au cours des périodes en cause durant les années en litige. Il ne m’est toutefois pas loisible de statuer sur l’affaire dont je suis saisi comme si je reprenais tout depuis le début; d’ailleurs la façon dont la relation de travail en litige était structurée dans les présents appels ne me permet pas de créer, pour chaque année, de nouvelles périodes d’emploi qui seraient raisonnables si on les modifiait pour les rendre conformes à la preuve. La question à laquelle je dois répondre est celle de savoir si la période d’emploi, telle qu’elle a été constituée et telle qu’elle a été consignée dans chacun des relevés d’emploi remis à l’appelante chaque année, est assurable. Le présent appel – introduit sous forme de procès ne constitue pas un processus de médiation qui viserait à trouver un terrain d’entente pour résoudre le conflit opposant l’appelante et le ministre en déterminant une période d’emploi acceptable pour chaque année. Il s’agit plutôt de l’appel d’une décision du ministre au cours duquel la Cour a entendu le témoignage des appelants, des intervenants et de divers autres témoins et reçu des éléments de preuve documentaires considérables conformément à la procédure et aux règles de preuve applicables aux appels en matière d’assurance‑emploi. L’analyse à laquelle la Cour doit ensuite procéder au vu de l’ensemble de la preuve doit être conforme à la jurisprudence.

 

[142]  Nul ne prétend que la décision du ministre est entachée de mauvaise foi ou qu’elle repose sur des motifs injustifiés. Je ne mentionne ces facteurs que parce que, suivant la jurisprudence, ils entrent dans l’analyse de la nature du soi‑disant pouvoir discrétionnaire du ministre.

 

Conclusion

 

[143]  Compte tenu des éléments de preuve pertinents et en particulier des faits complémentaires présentés au procès, je conclus que la décision du ministre n’aurait pas été différente si ces faits avaient été connus à l’époque. J’estime que, même s’il avait disposé de tous les éléments de preuve qui m’ont été présentés, le ministre – agissant de façon raisonnable – ne serait pas arrivé à une autre conclusion, en tenant compte de la crédibilité de l’appelante en ce qui a trait à certaines des contradictions qui entachent des aspects importants de son témoignage et en appliquant à son cas les éléments de preuve qui sont communs à tous les appels. Il est évident que l’emploi que l’appelante a exercé au cours des périodes en cause selon ce qui est indiqué sur ses relevés d’emploi n’était pas un emploi assurable parce qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que les intervenants – en tant qu’associés de la société de personnes qui exploitait Gill Farms – et l’appelante auraient conclu un contrat d’emploi à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[144]  La décision du ministre est confirmée et l’appel est rejeté.

 

Manjit Kaur Gill

 

Recueil de documents applicable : pièce R‑8.

 

Décision du ministre

 

[145]  Le ministre a estimé que l’appelante n’avait pas exercé auprès de Gill Farms un emploi assurable pendant chacune des périodes pertinentes en 1996, 1997 et 1998.

 

Thèse de l’appelante

 

[146]  L’appelante maintient qu’elle exerçait un emploi au cours de chacune des périodes en cause et qu’elle a reçu la rémunération assurable indiquée sur chacun des relevés d’emploi établis par Gill Farms pour chacune des périodes d’emploi en cause.

 

Jurisprudence pertinente

 

[147]  Les principes déjà exposés lors de l’analyse de l’appel de Harmit Kaur Gill s’appliquent également à l’appel de Manjit Kaur Gill, étant donné qu’elle est aussi une personne liée aux associés de la société de personnes payeuse.

 

Arguments

 

[148]  Ronnie Gill affirme que Manjit Kaur Gill a été engagée selon des modalités comparables à celles qui existaient ailleurs dans l’industrie des petits fruits et qu’elle travaillait aussi fort et s’acquittait de ses fonctions de la même manière que toute personne non liée chargée d’exécuter des fonctions semblables au cours d’une saison agricole occupée. Ronnie Gill a rappelé que M. Keays avait jugé raisonnable le salaire de neuf dollars l’heure compte tenu des circonstances et elle a ajouté qu’il aurait dû être évident pour le ministre que le travail effectué par l’appelante était nécessaire pour l’exploitation efficace de la ferme. À son avis, la preuve révélait que l’appelante avait été rémunérée pour son travail et que la méthode suivie par le payeur pour la rémunérer était à peu près semblable à celle suivie pour les travailleurs qui ne faisaient pas partie de la famille.

 

[149]  Les avocates de l’intimé soutiennent que l’appel devrait être rejeté parce que l’appelante n’a pas présenté au procès des éléments de preuve crédibles pour démontrer que le ministre avait commis une erreur dans la façon dont il avait exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confèrent l’alinéa 5(3)b) de la LAE et l’alinéa 3(2)c) de la LAC. Les avocates citent le témoignage de l’appelante où cette dernière affirme – à trois reprises – qu’en 1998, elle avait commencé à travailler le 15 juin et que la cueillette des baies avait commencé le 25 juin. Bien que plus tard dans son interrogatoire principal, l’appelante ait corrigé cette date pour dire qu’elle avait commencé à travailler le 15 mai, elle a ajouté – lors de son contre‑interrogatoire – qu’elle et les travailleurs payés à l’heure avaient commencé à travailler à la fin de juin. Les avocates ont fait valoir que cette confusion au sujet des dates était un élément pertinent parce qu’elle démontrait que l’appelante n’avait aucune raison de commencer à travailler avant la mi‑juin au plus tôt, en 1998, étant donné que les tâches à exécuter avant le commencement de la récolte peuvent être accomplies dans un délai de deux semaines. Les avocates ont expliqué qu’il ressortait de l’ensemble de la preuve que l’appelante n’avait pas commencé à travailler le 24 mai 1998 – comme il était indiqué sur son relevé d’emploi – ni le 25 mai 1998, la date mentionnée dans la décision du ministre. Les avocates ont affirmé que la preuve révélait que les saisons précédentes de 1996 et 1997 étaient essentiellement semblables et qu’il n’y avait aucune raison pour que Manjit Kaur Gill commence à travailler le 2 juin 1996 ou le 25 mai 1997 parce qu’il n’était pas nécessaire de la faire travailler à ce moment‑là, surtout pas comme superviseure, car sa soeur – Harmit Kaur Gill – exerçait essentiellement les mêmes fonctions, selon ce qu’elle affirmait. Les avocates soutiennent que l’affirmation de l’appelante suivant laquelle elle s’était occupée de transporter des seaux de fruits jusqu’à la balance et, par la suite, à d’autres endroits, n’était pas crédible parce qu’elle n’avait mentionné cette tâche ni lors de sa première entrevue à la ferme le 3 novembre 1998 ni lorsqu’elle avait rempli le questionnaire à l’étape des décisions et que c’est seulement lorsqu’elle a communiqué des renseignements à M. Keays – l’agent des appels – que la représentante de l’appelante avait mentionné ce fait. Suivant les avocates, les éléments de preuve présentés par l’appelante n’étaient pas crédibles et l’appelante avait tenté, au cours de son témoignage, d’ajouter des tâches et des fonctions pour donner l’impression qu’il fallait 15 travailleurs et deux superviseurs pour assurer le bon fonctionnement de la ferme. En ce qui concerne le transport des travailleurs, les avocates ont relevé de nombreuses contradictions et ont fait valoir qu’il était curieux de constater que l’appelante avait travaillé huit ou neuf heures par jour, alors que bon nombre des travailleurs payés à l’heure qu’elle affirmait avoir transportés régulièrement travaillaient neuf ou dix heures par jour. Les avocates ont cité des éléments de preuve concernant certains chèques que Gill Farms avaient établis à l’ordre de l’appelante, y compris celui sur lequel il était précisé que l’objet du chèque était d’acquitter un compte Visa de la CIBC. Suivant les avocates, la preuve révélait d’autres exemples où la ligne de démarcation entre les comptes personnels et les comptes commerciaux et entre les dépenses personnelles de la famille Gill et les dépenses commerciales de Gill Farms était floue. Par ailleurs, en ce qui concerne les chèques de paye, l’appelante les avait reçus régulièrement pendant les mois d’août, de septembre et d’octobre et ces chèques étaient encaissés ou déposés peu de temps après, ce qui n’était pas le cas des travailleurs qui ne faisaient pas partie de la famille qui – exception faite de la petite avance qui leur était versée – ne recevaient aucun chèque avant la fin d’octobre et à qui l’on demandait même d’attendre encore deux ou trois semaines avant d’encaisser leur chèque. Les avocates soutiennent que le ministre a tenu compte de tous les renseignements et elles estiment que la preuve présentée au procès renforçait par ailleurs la conclusion que l’appelante n’avait pas exercé d’emploi assurable au cours des périodes en litige.

 

Analyse

 

[150]  Bernie Keays a expliqué qu’il avait établi un rapport – pièce R‑8, onglet 1 – sur la question de l’assurabilité de l’emploi exercé par Manjit Kaur Gill. Il a tenu compte des aspects des pièces applicables à tous les appelants – que l’on retrouve dans les 16 premières pages de son rapport principal – avant d’aborder la relation d’emploi spécifique existant entre l’appelante et les intervenants. Il s’est fié aux déclarations de la représentante de l’appelante suivant laquelle celle‑ci avait exécuté essentiellement les mêmes fonctions au cours des trois années à l’examen. M. Keays a expliqué que, lorsqu’il avait examiné les faits pertinents, il n’avait constaté aucune différence marquée entre les faits applicables à l’appelante et ceux relatifs à sa sœur – Harmit Kaur Gill – dont il a également analysé le dossier en vue de formuler une recommandation au ministre au sujet de l’assurabilité de cet emploi. Là encore, il a trouvé étrange que les détails des fonctions complémentaires ne soient divulgués qu’au moment où il était intervenu dans le dossier en tant qu’agent des appels plutôt qu’au cours des premières entrevues avec les fonctionnaires de DRHC ou de la rencontre tenue aux bureaux de DRHC à Langley, en mai 1999, où diverses questions avaient été discutées à fond – sur une période de plusieurs heures – avec les intervenants et leurs épouses ainsi que le comptable de la ferme. M. Keays a admis, en contre‑interrogatoire, qu’il ne s’était pas interrogé sur les conséquences du fait qu’un producteur cultive différentes variétés de bleuets et il a convenu que, comme Gill Farms n’avait pas recouru aux services d’un entrepreneur en main‑d’œuvre pour engager des travailleurs, les membres de la famille Gill devaient superviser les travailleurs et assurer leur transport au travail et leur retour à la maison, des fonctions dont l’entrepreneur se serait chargé.

 

[151]  M. Keays a expliqué qu’il avait jugé raisonnable le salaire de neuf dollars l’heure versé à l’appelante en 1998 de même que les taux horaires payés en 1997 et en 1996. Il a répété que son acceptation de ce facteur s’appliquait aux moments où il y avait du travail à faire, car il ne croyait pas qu’un employeur qui n’aurait pas de lien de dépendance verserait à quelqu’un un salaire de superviseur alors qu’il n’y avait qu’une poignée d’autres travailleurs et qu’il y avait peu ou point de travail à faire.

 

[152]  M. Keays a affirmé qu’il était convaincu que les intervenants avait garanti à l’appelante un emploi pour une durée suffisamment longue pour la rendre admissible à des prestations d’assurance‑chômage, indépendamment des contraintes financières présentes et de la réalité économique historique de leur entreprise agricole. En réponse à la remarque de la représentante de l’appelante qu’il était normal que les travailleurs payés à l’heure [traduction] « voulaient les heures que leur employeur leur promettait » et qu’ils refusaient de rentrer chez eux s’il n’y avait pas de travail à faire, M. Keays a expliqué qu’il n’acceptait pas l’idée qu’un employeur – qui n’aurait aucun lien de dépendance avec ses employés – permettrait cette pratique ou engagerait deux superviseurs pour surveiller des travailleurs ayant peu ou point de travail à faire, d’autant plus qu’on a constamment affirmé, au nom de tous les appelants qui étaient parties à l’instance, que ces derniers étaient payés à l’heure pour cueillir des fruits et non à la pièce, comme l’usage le voulait dans l’industrie.

 

[153]  Pour ce qui est de la durée de l’emploi et de la nature et de l’importance du travail, M. Keays a expliqué que son examen des pièces l’avait amené à conclure que la durée de l’emploi de l’appelante au cours des années en litige était incompatible avec la durée normale de la saison du bleuet. Aucun des renseignements dont il disposait ne lui permettait de penser qu’il serait raisonnable de la part d’un employeur prudent de prolonger la période applicable à une saison normale dans l’industrie des petits fruits, surtout lorsque les recettes générées par la vente des fruits n’étaient pas suffisantes pour permettre à cet employeur de payer la main‑d’oeuvre chargée de les récolter. Il a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’engager Manjit Kaur Gill comme superviseure au cours des périodes indiquées sur les relevés d’emploi établis par Gill Farms et que – dans l’ensemble – on avait exagéré l’importance des fonctions qu’elle était censée avoir exercées.

 

[154]  Après avoir examiné les pièces versées au dossier, M. Keays a conclu que la durée et l’importance des tâches exécutées par Harmit Kaur Gill au cours des périodes pertinentes de chacune des années en question avaient été grossièrement exagérées, et il a recommandé au ministre de considérer comme non assurable l’emploi que Manjit Kaur Gill avait exercé auprès de Gill Farms au cours de périodes pertinentes de 1996, 1997 et 1998.

 

[155]  Manjit Kaur Gill a expliqué qu’elle avait l’habitude de commencer à travailler pour Gill Farms chaque saison à la fin de mai ou en juin. Elle a expliqué qu’elle avait commencé à travailler pour Gill Farms le 15 juin 2005 et que la récolte du bleuet avait débuté dix jours plus tard, un peu plus tôt que les autres années. Elle se souvient qu’en 1996, en 1997 et en 1998, elle avait commencé à travailler à la fin de mai ou au début de juin. Elle a décrit les travaux préparatoires qui doivent être effectués au début de la saison, notamment la tâche d’installation des filets, qui nécessitait beaucoup de temps. Elle a expliqué qu’il avait fallu cinq ou six personnes et huit jours pour installer les filets en 2005. En ce qui concerne la saison 1998, l’appelante a décrit le processus de transport des seaux de fruits pour la pesée et elle a expliqué que lorsque la saison battait son plein, alors que les 15 travailleurs payés à l’heure cueillaient 35 livres de fruits à l’heure, le transport des fruits – dans des seaux d’une capacité de 25 livres – pour la pesée occupait une grande partie de son temps. La balance se trouvait sur un chariot à quatre roues pour en faciliter le déplacement. Manjit Kaur Gill a expliqué qu’elle avait travaillé très fort à de nombreuses tâches pendant toute la durée de chacune de ses période d’emploi et que, si elle ne s’était pas chargée de ces fonctions au cours des années en litige, Gill Farms aurait été forcée d’engager quelqu’un d’autre. Elle a souligné qu’elle ne recevait qu’environ un dollar de plus que le salaire minimum qui était payé aux autres travailleurs qui n’avaient pas de tâches de supervision à exécuter. Elle a expliqué que, de son point de vue, si elle avait exécuté plus ou moins les mêmes fonctions dans une autre ferme, son salaire n’aurait pas été plus élevé. Elle estime qu’elle a été traitée comme tout autre employé et qu’elle a été entièrement payée pour son travail et qu’elle l’a été au même rythme que tout autre employé de l’industrie du petit fruit. De plus, chaque fois qu’elle avait demandé des prestations d’assurance‑chômage, elle avait bien précisé que son mari était propriétaire à 50 % de Gill Farms. Lors de son contre‑interrogatoire, l’appelante a admis qu’à d’autres occasions, elle avait dit qu’elle avait commencé à travailler en juin 1998, mais qu’elle s’était trompée parce que, même si elle vit au Canada depuis 33 ans, elle continue à se servir de chiffres pour désigner les mois au lieu de les nommer par leur nom anglais. Elle a expliqué qu’elle était certaine d’avoir commencé à travailler le 25 mai 1998, environ six semaines avant le début de la récolte. L’appelante a admis – lors de son contre‑interrogatoire – qu’elle n’avait jamais mentionné à quelque fonctionnaire de DRHC ou de l’ADRC que ce soit – à quelque étape de l’instance que ce soit – qu’une de ses fonctions était de transporter les fruits pour la pesée. Elle a également reconnu qu’elle n’avait pas mentionné – lors de son interrogatoire préalable – que de la taille avait été faite à la fin de la saison après le démontage des filets. Pour ce qui est des incohérences et des contradictions constatées dans les feuilles de paye – les siennes ou celles des autres travailleurs – Manjit Kaur Gill a dit qu’elle n’avait aucune explication à fournir étant donné que Harmit – ou la personne qu’elle désignait pour la remplacer si elle était absente parce qu’elle travaillait pour Lucerne – s’occupait de la tenue de ces registres. Elle était toutefois convaincue que Harmit avait correctement consigné toutes ses heures de travail – y compris le temps consacré au transport des travailleurs. L’appelante a expliqué qu’elle avait eu l’impression, lors de son entrevue avec Mme Turgeon le 2 novembre 1998, que les fonctionnaires de DRHC croyaient qu’elle n’avait pas travaillé du tout à la ferme et qu’elle se contentait de réclamer des prestations d’assurance‑chômage sans pouvoir justifier d’un véritable emploi. Elle a expliqué qu’elle avait reçu des feuillets T4 et qu’elle avait payé de l’impôt sur ses revenus provenant de Gill Farms et qu’elle avait, pendant toute la durée de la relation d’emploi, agi comme si elle était une employée ordinaire qui n’était pas liée à l’employeur.

 

[156]  Le témoignage de Manjit Kaur Gill comportait un grand nombre d’incohérences et de contradictions; certaines étaient normales, vu le temps écoulé, mais d’autres n’étaient pas justifiées. Il m’apparaît fort inusité qu’une personne oublie – à plusieurs reprises et à différentes étapes du processus de révision – de parler du fait qu’elle était chargée de transporter des fruits, une tâche qui – selon toute vraisemblance – était une des plus lourdes et qui nécessitait le plus de temps. Ce n’est cependant pas la période où la récolte battait son plein qui jette un doute sur la validité de l’emploi de l’appelante pour l’application de la LAE. C’est plutôt la durée de son présumé emploi au cours de chaque année ainsi que la nature et l’importance du travail effectué pendant ces périodes qui posent problème. La preuve permet raisonnablement de conclure que l’appelante a commencé à travailler vers le 15 juin 1998 et qu’elle a terminé au plus tard le 12 septembre 1998. Cette période cadrerait avec les éléments de preuve se rapportant à la durée de la saison de travail normale dans une bleuetière. Pour ce qui est de 1996 et de 1997, la preuve n’appuie pas l’argument que l’on avait eu besoin de recourir aux services de l’appelante dès la fin de mai ou le 2 juin et qu’on a eu besoin de ses services jusqu’au 27 septembre 1997 et encore moins jusqu’au 19 octobre 1996, car rien ne permet de penser que Gill Farms avait cultivé des variétés tardives cette année‑là. D’ailleurs, Manjit Kaur Gill a confirmé qu’aucune variété de bleuet à mûrissement tardif n’avait été cultivée en 1998. J’accepte que, chaque année, lorsque la saison battait son plein, l’appelante travaillait fort à l’exécution de diverses tâches, mais qu’il y a eu d’autres périodes au cours de la saison où il était superflu de les engager elle et sa sœur comme superviseures alors qu’il y avait peu ou point de cueillette à faire. Les heures consignées sur les feuilles de paye ont été gonflées, en ce sens qu’elles sont déraisonnables vu les éléments de preuve se rapportant à l’exploitation d’une bleuetière. J’accepte que l’appelante était chargée de préparer les feuilles de paye, les relevés d’emploi et de nombreux chèques à faire signer par Hakam Singh Gill et Rajinder Singh Gill et qu’elle s’occupait des formalités administratives en ce qui concerne les employés, y compris elle‑même, et qu’elle assurait la liaison entre les intervenants et le comptable de la ferme.

 

Conclusion

 

[157]  Je n’ai décelé aucune erreur dans la méthodologie utilisée par M. Keays en sa qualité d’agent des appels pour examiner l’emploi de l’appelante et pour se prononcer sur la question de l’assurabilité de son emploi. Compte tenu de la preuve abondante – documentaire et autre – qui m’a été soumise, et notamment du long témoignage donné par Manjit Kaur Gill, je ne puis conclure que la décision du ministre aurait été – ou aurait dû être – différente s’il avait disposé, avant de prendre sa décision, de tous les éléments de preuve qui ont depuis été portés à ma connaissance. L’examen de tous les renseignements pertinents se rapportant à la question centrale ne permet pas de conclure, logiquement, que l’emploi que l’appelante a exercé auprès de Gill Farms aurait été à peu près semblable si elle et les intervenants n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[158]  La décision du ministre est confirmée et l’appel est rejeté.

 

Appelants qui ne sont pas des personnes liées

 

[159]  La première question à trancher en ce qui concerne ce groupe d’appelants est celle de savoir s’ils étaient rémunérés à la pièce plutôt qu’à l’heure pour cueillir des fruits.

 

[160]  Le ministre a tenu pour acquis, dans les diverses réponses aux avis d’appel, que les appelants en question étaient rémunérés à l’heure. Chacun de ces appelants a affirmé qu’il était payé à l’heure et non à la pièce pour cueillir des fruits; la rémunération à la pièce étant utilisée dans le cas des cueilleurs qualifiés de travailleurs occasionnels. Il existe toutefois de nombreux éléments de preuve tendant à démontrer que les appelants – à l’instar de l’ensemble des travailleurs de l’industrie du petit fruit dans le Lower Mainland – étaient payés à la pièce. Sur ce point, Ronnie Gill – la représentante des appelants et des intervenants – a soutenu qu’il y a une nette distinction entre les deux types de travailleurs et que, même si Gill Farms employait effectivement des cueilleurs pour faire du travail à la pièce, elle engageait aussi pour toute la saison un groupe de base constitué de travailleurs stables qu’elle rémunérait à l’heure peu importe les tâches exécutées, y compris la cueillette. La thèse de la représentante était qu’il existait deux catégories de cueilleurs en raison de la nécessité pour Gill Farms de produire et de commercialiser un produit de haute qualité lui permettant d’obtenir le prix le plus élevé et d’offrir à ses travailleurs la possibilité de travailler pendant toute la durée de la saison à un salaire raisonnable au lieu de les faire travailler de façon intermittente, ce qui les aurait obligés à se trouver un emploi d’appoint temporaire dans d’autres fermes ou auprès d’un entrepreneur en main‑d’oeuvre. Ronnie Gill a expliqué que, compte tenu de la croissance constante, au fil des ans, du chiffre d’affaires brut et des bénéfices nets de Gill Farms en raison d’une foule de facteurs, dont l’augmentation du prix des petits fruits, il était logique, sur le plan économique, pour Gill Farms d’avoir suivi cette pratique en vue de se tailler une réputation d’excellent producteur dans cette industrie. Elle a également cité le témoignage de Manjit Kaur Gill suivant lequel les cueilleurs rémunérés à l’heure récoltaient la variété Blue Crop parce que les bleuetiers contenaient moins de fruits mûrs et que les risques de gaspillage étaient plus élevés. Les travailleurs à la pièce n’étaient pas intéressés à cueillir ces fruits parce que leur production quotidienne aurait été moins élevée.

 

[161]  La thèse des avocates de l’intimé est que tous les cueilleurs étaient – et sont – rémunérés à la pièce dans l’industrie et qu’il serait illogique que Gill Farms les paye à l’heure alors que le témoignage des experts de l’industrie et les faits révélés par la vérification juricomptable montrent à l’évidence qu’aucun producteur ne pourrait se permettre de payer les cueilleurs autrement qu’à la livre.

 

[162]  Les éléments de preuve présentés par les appelants et les intervenants sur la question de la rémunération à la pièce plutôt qu’à l’heure ne sont pas crédibles. Les bleuets sont vendus aux conserveries à un prix variant entre 65 et 90 cents la livre et à 1,25 $ la livre sur le marché du frais et au kiosque situé le long de la route. La proposition que ces supposés travailleurs payés à l’heure devaient être rémunérés à l’heure ne tient absolument pas compte de la réalité. Je n’accepte pas les éléments de preuve présentés par les divers appelants suivant lesquels les exploitants de Gill Farms ne leur remettaient des fiches de cueillette qu’à l’occasion pour vérifier leur soi‑disant production moyenne. Les explications avancées par Hakam Singh Gill au sujet de la raison pour laquelle on remettait à l’occasion des fiches de cueillette à certains travailleurs ne tiennent pas debout. Harmit Kaur Gill a eu du mal à fournir des explications cohérentes au sujet de l’usage consistant à distribuer des fiches de cueillette et il n’était que trop évident que les tentatives faites pour étayer la proposition que les employés d’une des catégories étaient payés à l’heure pour cueillir des fruits s’appuyaient sur une prémisse erronée qui n’était nullement étayée par l’essentiel de la preuve pertinente. L’industrie au complet s’en remet aux forces du marché libre pour déterminer le prix de la livre. M. Sweeney, le témoin expert spécialiste de l’industrie des petits fruits, a expliqué que la cueillette manuelle est une opération agricole qui prend beaucoup de temps et qu’au cours de ses nombreuses années de service au Ministère, il n’avait jamais rencontré un seul cas où un producteur aurait payé des cueilleurs à la pièce, sauf dans le cas où la récolte serait destinée à des marchés particuliers où il ne serait pas avantageux pour un cueilleur d’être payé autrement qu’à l’heure. M. Sweeney a expliqué que les seules tâches agricoles rémunérées à l’heure dans l’industrie sont le sarclage, la pulvérisation, la tonte, la fertilisation et l’installation et le démontage des filets. Dans l’ensemble, la main‑d’œuvre coûte cher par rapport aux revenus et beaucoup de producteurs mécanisent la récolte afin de réduire leurs charges d’exploitation. Depuis 1997, le prix du bleuet a considérablement augmenté, de sorte que les producteurs ont pu réaliser de meilleurs bénéfices à condition de contrôler leurs coûts. Charan Gill est le directeur administratif de la Progressive Intercultural Community Services Society (« PICS »). Il a témoigné en tant qu’expert dans le domaine des pratiques du travail en milieu agricole en Colombie‑Britannique. Il a expliqué qu’en 25 ans, il n’avait jamais rencontré de cas où un producteur aurait payé ses cueilleurs de petits fruits autrement qu’à la pièce. Il a parlé d’un projet par lequel la PICS avait cherché à faire évoluer les mentalités dans l’industrie et il a parlé de démarches entreprises à l’époque par le Syndicat canadien des travailleurs agricoles (le « SCTA ») pour favoriser le recrutement de travailleurs agricoles syndiqués. À son avis, la plupart des cueilleurs de fruits de la vallée du Fraser gagnent environ cinq dollars l’heure lorsqu’on établit une moyenne sur toute la saison des petits fruits. Il a constaté, au cours de ses recherches au sujet des ouvriers agricoles que, déjà en 1901, les cueilleurs de petits fruits en Colombie‑Britannique étaient rémunérés à la pièce. D’après son expérience, le cueilleur rémunéré à la pièce qui travaille dix ou douze heures touche en moyenne 60 $ pour la journée. La plupart des producteurs convertissent le montant gagné par le travailleur en nombre d’heures travaillées en divisant le montant gagné par le salaire minimum en vigueur majoré de l’indemnité de congés payés. Ainsi, même s’il a fait de la cueillette pendant douze heures, le travailleur payé à la pièce qui reçoit 60 $ n’est en fait payé que comme s’il avait travaillé sept heures et demie ou huit heures, selon le salaire horaire minimum prévu par la loi provinciale en vigueur. Ce mode de rémunération ne tient donc pas compte du nombre réel d’heures de travail effectuées au cours d’une journée déterminée. Pour ce qui est de 1998, Charan Gill a estimé qu’il aurait été difficile pour quelque cueilleur que ce soit de récolter plus de 200 livres de bleuets par jour lorsque la saison battait son plein et il a ajouté qu’au début et à la fin de la saison, la quantité de fruits cueillie est souvent de 100 livres ou moins. À son avis, sur les six à huit semaines que compte l’ensemble de l’époque de la récolte, un cueilleur compétent ne peut réussir à obtenir l’équivalent du salaire minimum que pendant environ deux semaines par saison, selon la variété de fruits cultivée. Charan Gill a raconté l’expérience que lui et d’autres personnes de PICS avaient vécue lorsqu’ils avaient décidé d’exploiter en entreprise de main‑d’oeuvre agricole pour vérifier la justesse de la vieille théorie selon laquelle il est économiquement faisable de payer les travailleurs à l’heure plutôt qu’à la pièce. Cette expérience louable n’a cependant pas été concluante et s’est soldée par des pertes les deux années. Charan Gill a expliqué que, par suite des modifications apportées au cours des dernières années à la réglementation relative à l’assurance‑chômage, il est plus difficile d’accumuler suffisamment d’heures de travail pour devenir admissible à des prestations, de sorte que certaines personnes dans l’industrie des petits fruits vendent des relevés d’emploi à des travailleurs pour permettre à ces derniers de toucher des prestations d’assurance‑chômage. D’autres employeurs gonflent le nombre d’heures travaillées sur les relevés d’emploi pour permettre aux travailleurs – qui les payent pour obtenir ces faux documents – de toucher des prestations d’assurance‑chômage pendant l’hiver. Charan Gill a expliqué que seuls les cueilleurs de pommes de la région de l’Okanagan pouvaient obtenir une rémunération supérieure au salaire minimum pour une journée de huit à dix heures, mais il ne connaît pas de cueilleur de framboises, de fraises ou de bleuets qui aurait gagné l’équivalent du salaire horaire minimum pour une même journée de travail. Charan Gill a expliqué qu’en 2005, il y avait 108 entrepreneurs en main‑d’oeuvre agricole qui exerçaient leurs activités dans le Lower Mainland, mais il n’en connaît aucun qui paye des travailleurs à l’heure pour cueillir des petits fruits. Tous sont payés à la pièce. Charan Gill est lui‑même producteur de bleuets; il exploite une bleuetière de 4,5 acres. Il s’est dit d’avis que, s’il devait payer les cueilleurs à l’heure, il ne pourrait réaliser aucun profit et il a ajouté qu’il n’est pas réaliste sur le plan économique pour une ferme de moins de 20 acres de se procurer une machine à récolter. Si l’on vend les bleuets un dollar la livre et qu’il en coûte au moins 40 cents seulement pour les cueillir, il ne reste pas assez d’argent, la plupart du temps, pour couvrir les autres frais d’exploitation. Charan Gill a reconnu que certaines tâches agricoles sont rémunérées à l’heure et que certains producteurs engagent des travailleurs tôt dans la saison pour inciter ceux‑ci à rester jusqu’à la fin de la saison. Cependant, une fois les travaux préparatoires terminés, le salaire horaire disparaît et – par la suite – les cueilleurs sont payés à la pièce au taux fixé par le gouvernement provincial ou à un taux un peu plus élevé, selon les circonstances. Bernie Keays a expliqué qu’il avait consulté diverses personnes travaillant dans l’industrie de la culture du bleuet et qu’il avait conclu que la rémunération à la pièce à un taux fixe était la norme. Claire Turgeon a pour sa part déclaré que, suivant son expérience à DRHC, les cueilleurs de bleuets sont toujours payés à la pièce et non à l’heure. En 1998, le taux minimum prévu par la législation provinciale pour le travail à la pièce pour les bleuets était de 0,312 $ la livre et le salaire minimum était de 7,15 $ l’heure.

 

[163]  Je conclus que, dans la présente instance, tous les appelants étaient rémunérés à la pièce pour cueillir des bleuets pour Gill Farms en 1998. Dans l’affaire Kang c. Canada (Ministre du Revenu national), [2005] A.C.I. no 19, 2005 CCI 24, j’en suis arrivé à la même conclusion au sujet du mode de rémunération des cueilleurs de petits fruits en cause dans cette affaire, dans laquelle le témoignage des experts ainsi que celui de producteurs et de travailleurs m’avait convaincu que le seul moyen rationnel de payer les cueilleurs était de les rémunérer à la pièce conformément aux normes en vigueur dans cette industrie. L’affaire Kang concernait un entrepreneur qui fournissait les services de travailleurs et qui agissait comme intermédiaire entre le producteur et les travailleurs. Dans cette affaire, les producteurs payaient l’entrepreneur à l’unité et la vente subséquente de fruits aux clients était calculée d’après le nombre de plateaux de fraises et de framboises ou le nombre de livres de bleuets. En l’espèce, il y a certains éléments de preuve suivant lesquels Gill Farms payait 30 cents la livre mais, indépendamment du tarif effectivement payé, ce tarif a été utilisé pour calculer les gains bruts de manière à établir la feuille de paye de chaque travailleur en convertissant ce montant en un nombre d’heures par jour correspondant au taux minimum majoré de l’indemnité de congés payés applicable de 4 % ou, dans le cas de certains appelants, de 7,6 %. La conclusion que tous les appelants étaient rémunérés à la pièce fera partie de l’analyse que j’entreprendrai par la suite au sujet de chacun des appelants pour en arriver à une décision en ce qui concerne l’appel de chacun d’entre eux.

 

Conséquences de la vérification juricomptable

 

[164]  Ronnie Gill – représentante des appelantes et des intervenants – soutient que le rapport de vérification juricomptable de M. Blatchford ne tient pas compte des fruits supplémentaires qui ont été vendus mais qui ne sont pas justifiés par des reçus correspondants. Se fondant sur les dires de Hakam Singh Gill et d’autres personnes, Ronnie Gill affirme qu’il ressort de la preuve que Gill Farms a vendu des fruits supplémentaires dont M. Blatchford n’a pas tenu compte dans ses tableaux. Selon les totaux calculés par M. Blatchford, les soi‑disant travailleurs payés à l’heure – qualifiés d’employés à la pièce R‑17, annexe 11 – ont cueilli 30 611 livres de bleuets en juillet, tandis que les cueilleurs à la pièce – que M. Blatchford désigne sous le nom de cueilleurs contractuels – ont récolté 9 718 livres, pour un total de 40 329 livres. Suivant l’annexe 12, la quantité totale cueillie par tous les cueilleurs – en août – était de 46 082 livres, dont 34 854 avaient été cueillies par les présumés travailleurs payés à l’heure et – en septembre – ces travailleurs avaient cueilli 632 livres. Ronnie Gill a expliqué que les appelants et les intervenants considéraient que les calculs de M. Blatchford étaient exacts pour ce qui est des ventes faites à Greenfield, à Universal, à Kahlon et aux autres acheteurs dont le nom figure dans le carnet de reçus des ventes au comptant qui lui a été remis. Elle ajoute toutefois qu’on n’a pas tenu compte des ventes effectuées dans les magasins de la région de Vancouver ni au kiosque extérieur situé sur la propriété de Gill Farms, ni de celles faites à Hamilton Farms ou dans la région de Kelowna, dont bon nombre n’avaient pas été comptabilisées parce qu’il s’agissait de ventes au comptant et que les acheteurs n’avaient pas demandé de reçu. Elle a cité le témoignage de Rajinder Singh Gill, qui avait estimé que Gill Farms avait effectué entre 12 et 15 voyages pour livrer des fruits à divers points de vente au détail de l’agglomération de Vancouver au cours de la saison pour une livraison moyenne de 1 200 livres. Ranjinder Singh Gill a également parlé de la vente au comptant de fruits effectuée à Hamilton Farms. Après avoir analysé le rapport de M. Blatchford, Ronnie Gill a expliqué que, de son point de vue, il était raisonnable de conclure qu’une quantité supplémentaire de 36 750 livres de fruits avaient été produits – et vendus – pour un total de 102 846 livres pour la saison 1998. Il semble toutefois que Ronnie Gill n’ait pas tenu compte des 20 946 livres allouées aux cueilleurs contractuels en juillet et en août. En tout état de cause, la thèse de Ronnie Gill est que la quantité cueillie par les travailleurs payés à l’heure se situait dans la fourchette des quantités reconnues dans l’industrie du bleuet en ce qui concerne les livres cueillies à l’heure. Elle s’est également référée à des éléments de preuve concernant le temps consacré par Harbans Kaur Khatra au nettoyage des fruits sur le convoyeur à bande – en compagnie de Harmit Kaur Gill – pour s’assurer qu’on livre sur le marché du frais des fruits de haute qualité qui ne contiennent pas de fruits verts, de brindilles ou d’autres débris. Ronnie Gill a rappelé que, dans son témoignage, M. Blatchford avait reconnu avoir tenu pour acquis que Harmit et Manjit cueillaient toutes les deux des fruits chaque jour en compagnie des autres travailleurs payés à l’heure. M. Keays a retenu cette hypothèse pour formuler au ministre les recommandations sur lesquelles les décisions visant les appelants et les intervenants sont fondées. Ronnie Gill a soutenu qu’en raison de cette conclusion erronée, on se retrouvait avec une différence marquée et qu’il fallait considérer que les treize autres cueilleurs avaient chacun cueilli – au total – 15 % plus de fruits une fois qu’on excluait Harmit et Manjit de la méthodologie utilisée par M. Blatchford.

 

[165]  Les avocates de l’intimé estiment que l’analyse de M. Blatchford est raisonnablement exacte même si elle repose sur la prémisse que Harmit Kaur Gill et Manjit Kaur Gill ont toutes les deux fait de la cueillette à temps plein pendant toute la saison. Les avocates ont cité des chiffres extraits des bordereaux des ventes aux conserveries et ont mentionné le fait que M. Blatchford avait tenu compte des ventes au comptant – au montant de 5 190,95 $ – qui avaient été comptabilisées dans le carnet de reçus que la famille Gill lui a remis. En divisant cette somme par 1,25 $ – le prix moyen des fruits vendus par Gill Farms dans les kiosques de fruits – on arrive à 4 131 livres de plus, pour une production totale de 88 432,5 livres en 1998. Selon le témoignage de M. Sweeney, ce chiffre correspond à un rendement supérieur à la moyenne dans le cas d’une bleuetière de huit acres. Les avocates ont expliqué qu’il n’y avait aucun élément de preuve fiable permettant de conclure que d’autres ventes de fruits avaient eu lieu, compte tenu notamment des renseignements que les intervenants ont inclus dans leur déclaration de revenus de 1998 en faisant état de ventes totales de petits fruits de 73 712 $. Comme le total des ventes effectuées aux conserveries et des autres ventes au comptant se chiffre à 67 093,83 $, la différence est donc de 6 618,17 $ et les ventes supplémentaires non comptabilisées par M. Blatchford ne dépasseraient pas cette somme, parce que, suivant les éléments de preuve présentés par les intervenants, toutes les ventes – indépendamment de leur provenance – avaient été signalées au comptable de la ferme et avait été fidèlement déclarées dans les états financiers de la société de personnes. En supposant que les ventes au comptant supplémentaires aient été conclues avec des épiciers ou effectuées dans des kiosques et que le prix moyen ait été de 1,25 $ la livre, ces chiffres correspondraient à seulement 5 295 livres de fruits non comptabilisées par M. Blatchford dans ses calculs. Les avocates citent les propos de M. Blatchford qui a déclaré que l’ajout d’environ 5 000 livres au total se traduirait par un ajout de moins de 100 livres par jour au total des livres cueillies par les travailleurs entrant dans la catégorie des employés, ce qui ne représenterait que quelques livres par personne. Les avocates citent l’exemple du 18 août 1998 donné par M. Blatchford dans son témoignage. Ce jour‑là, en excluant Manjit et Harmit des calculs, la quantité de fruits cueillies par chacun des autres travailleurs passerait de 27 livres à 30,6 livres, une augmentation d’environ 15 %. Toutefois, pour ce qui est des jours où la production des fruits devait être exprimée par une valeur négative, l’augmentation par travailleur – en excluant Manjit et Harmit – se solderait encore par un chiffre négatif. Les avocates ont cité le témoignage de divers appelants suivant lesquels Manjit Kaur Gill avait fait un peu de cueillette de fruits à l’occasion au cours de la saison tout comme Hakam et certains des enfants Gill. M. Blatchford n’en a pas tenu compte lors de sa vérification étant donné qu’aucune feuille de paye n’était établie pour ces personnes. Les avocates soutiennent que, malgré l’absence de données quantitatives à l’égard de ces personnes, toute contribution apportée à la récolte globale par les membres de la famille Gill diminuerait la moyenne de livres cueillies par chaque travailleur payé à l’heure durant la saison. Suivant les avocates, la vérification juricomptable démontre que la quantité de fruits cueillis par les travailleurs payés à l’heure était extrêmement faible et qu’il était déraisonnable que, certains jours durant la saison de la récolte, des gens passent des journées complètes à effectuer peu ou point de travail. Les avocates ont affirmé que les éléments de preuve suivant lesquels plusieurs travailleurs s’étaient consacrés à d’autres tâches que la cueillette des fruits alors que la saison battait son plein ne sont tout simplement pas crédibles compte tenu du témoignage d’expert de M. Sweeney, qui a expliqué qu’il était très peu probable que des travaux de pulvérisation d’herbicides ou de réparation des filets soient entrepris au cours de la saison de végétation. Par ailleurs, le temps que le travailleur que l’on retire des champs pour l’envoyer nettoyer des fruits sur le convoyeur à bande serait insignifiant et aurait des conséquences négligeables sur les calculs établis par M. Blatchford sur l’ensemble de la saison.

 

Analyse

 

[166]  Il est évident que M. Blatchford a établi son rapport en partant du principe que 15 cueilleurs à temps plein – dont Harmit et Manjit – avaient cueilli 87 880 livres de fruits avec les travailleurs occasionnels. Ce chiffre est calculé d’après le total de livres de bleuets livrées à Kahlon, à Universal et à Greenfield en juillet, en août et en septembre, et il tient compte des ventes consignées dans le carnet de reçus que la famille Gill lui a remis. Ces chiffres sont respectivement de 40 329, de 46 082 et de 1 469 livres. Le total des livres cueillies retenu par les avocates de l’intimé dans leurs observations écrites est de 88 432,5 d’après les mêmes données, à ceci près qu’elles ont signalé qu’elles avaient dû estimer une partie des livres imputables aux ventes au comptant en tenant pour acquis que le prix de la livre était de 1,25 $. La différence est négligeable et je vais utiliser le total de 87 880 livres indiqué dans les tableaux de M. Blatchford. En soustrayant la quantité cueillie par les employés rémunérés à l’heure, on obtient celle que les cueilleurs occasionnels ou contractuels – payés à la pièce – ont récoltée, c’est‑à‑dire 20 946 livres, selon les chiffres indiqués dans les tableaux de M. Blatchford (pièce R‑17, onglets 11, 12 et 13). En conséquence, les employés rémunérés à l’heure ont cueilli 66 934 livres de fruits. Faisant abstraction pour le moment de la quantité inconnue de fruits cueillis par les membres de la famille Gill, on constate que treize travailleurs à temps plein ont récolté à eux seuls ce total. Ainsi, au lieu d’avoir cueilli 4 463 livres au cours de la saison, chacun des travailleurs payés à l’heure a cueilli 5 140 livres, une différence de 687 livres. Si la moyenne de fruits cueillis se situe entre 15 et 20 livres l’heure, on obtient de 45,8 à 34,3 heures de plus par travailleur pour la saison, selon les documents dont disposait M. Blatchford. Je suis convaincu, d’après la preuve, que Manjit Kaur Gill ne cueillait des fruits qu’à l’occasion et qu’elle le faisait surtout pour contrôler la qualité et pour s’assurer que l’on ne laisse pas de fruits pourrir et nuire au mûrissement des fruits encore verts. La quantité de fruits cueillis par Hakam Singh Gill n’était pas très importante et les enfants Gill – comme la plupart des enfants et des jeunes adultes – mangeaient probablement autant de fruits qu’ils en cueillaient. De toute façon, ils ne faisaient de la cueillette que sporadiquement et seulement pour de brèves périodes pour se changer les idées et pour s’amuser. Je ne vois pas l’utilité d’accorder une trop grande attention aux quelques jours où la quantité de fruits produits semblait être négative, car il faut avoir une vue d’ensemble en tenant compte de la production totale de la saison. Les jours où la production était négative sont toutefois susceptibles de jouer un certain rôle lorsqu’il s’agira de rendre une décision dans le cas de chacun des appelants pour le cas où il ne travaillait pas ce jour‑là.

 

[167]  Si l’on exclut Manjit Kaur Gill et Harmit Kaur Gill, les chiffres contenus dans le rapport de M. Blatchford montrent que les huit soi‑disant cueilleurs payés à l’heure (employés) ont cueilli en tout 30 611 livres de bleuets en juillet, pour une moyenne de 3 826 livres par personne. Même en utilisant le chiffre conservateur de 175 livres de bleuets cueillis par jour, par personne, on arrive à moins de 22 jours de travail par personne en utilisant la production quotidienne moyenne de 200 livres par cueilleur, ce qui donne 19 jours de travail par personne pour le mois, sur un total de 31 jours. En août, 13 travailleurs du groupe des employés ont cueilli 34 854 livres ou 2 681 livres par personne. En utilisant un taux de production de 175 livres par personne, par jour, chacun n’aurait eu à travailler que 15,3 jours. À raison de 200 livres par personne, par jour, on obtient moins de 13,5 jours de travail par cueilleur en août. En septembre, douze travailleurs du groupe des employés ont cueilli 632 livres de fruits, pour une moyenne de 52,6 livres par personne, ce qui correspond à une journée ou à une journée et demie de travail à ce moment de la saison où la cueillette est médiocre, puisqu’il reste très peu de fruits à cueillir. Il est évident que la quantité d’heures qu’auraient effectuées les travailleurs de cette catégorie a été considérablement gonflée et que les écritures des feuilles de paye relatives à chacun des travailleurs ayant cueilli des fruits ne sont aucunement fiables.

 

[168]  Je suis disposé à accepter les éléments de preuve présentés au nom des intervenants suivant lesquels Gill Farms a produit 5 295 livres de fruits de plus que ce dont M. Blatchford a tenu compte parce qu’il ne disposait d’aucuns renseignements à cet égard. Les intervenants affirment catégoriquement qu’ils ont déclaré à leur comptable tous les revenus tirés de la vente des fruits et que ces sommes ont été inscrites dans les états financiers joints à la déclaration de revenus de Hakam Singh Gill et de Ranjinder Singh Gill pour l’année d’imposition 1998. Il y a eu des cueilleurs occasionnels pendant toute la saison et – en tant que catégorie de travailleurs – ceux‑ci ont cueilli 24 % de tous les fruits récoltés selon les chiffres utilisés dans le rapport de M. Blatchford. Ainsi, 76 % de ces 5 295 livres de fruits, ou 4 024 livres, étaient imputables au travail effectué par un groupe de huit à treize travailleurs qualifiés dans le rapport en question d’employés rémunérés à l’heure. Il s’ensuit qu’outre les ventes comptabilisées dans la vérification de M. Blatchford, chacun des travailleurs payés à l’heure a cueilli entre 310 et 500 livres de fruits de plus (les chiffres étant arrondis) au cours de la saison s’il est tenu pour acquis – pour le moment – qu’ils ont travaillé pendant toute la durée des mois de juillet et d’août et en septembre jusqu’à la fin de la saison.

 

Conclusion

 

[169]  À mon avis, il est raisonnable de reconnaître que la quantité de fruits cueillis par chaque travailleur payé à l’heure devrait être augmentée de 687 livres – conformément à ce qui a été précisé au paragraphe précédent – et de 309,5 livres de plus, ce qui, après avoir arrondi les chiffres, équivaut à 1 000 livres de plus par travailleur pour toute la saison. L’appelant qui a cueilli des fruits toute la saison pourrait ainsi se voir attribuer entre 50 et 67 heures assurables supplémentaires – à raison de 15 à 20 livres l’heure. Toutefois, au lieu de procéder à des rajustements quotidiens relativement mineurs pour chaque travailleur, je suis convaincu qu’en augmentant de 15 % le nombre d’heures assurables effectuées ainsi que la rémunération assurable de chacun des appelants qui n’est pas une personne liée, j’obtiens des chiffres qui sont conformes à l’ensemble de la preuve et qui respectent l’évaluation des divers facteurs déjà analysés, à condition qu’il n’y ait pas d’autres facteurs applicables à l’appelant en cause qui exigent que l’on écarte l’application de cette formule. Il n’y a pas de mécanisme fiable permettant d’arriver à un chiffre précis dans chaque cas. Je suis toutefois convaincu qu’en augmentant de façon générale de 15 % le nombre d’heures de cueillette déjà reconnu par M. Keays lorsqu’il a exposé l’argument subsidiaire du ministre, on arrive à un chiffre qui tient compte de l’ampleur de l’écart commandé par l’ensemble de la preuve.

 

Temps alloué par le ministre pour certaines tâches effectuées à la ferme

 

[170]  Suivant Ronnie Gill, la preuve démontre que Gill Farms a dû faire face à une série de problèmes inhabituels en ce sens que le temps requis pour effectuer certaines tâches ne correspondait pas aux délais moyens calculés d’après les renseignements recueillis par le ministère de l’Agriculture et sur lesquels M. Sweeney s’était fié pour établir son rapport. Ronnie Gill a cité à cet égard divers témoins, dont Hakam Singh Gill, au sujet de la bleuetière qui, à l’origine, était ensemencée en herbe sur toute sa superficie, ce qui causait un problème récurrent et obligeait la ferme à procéder à des opérations supplémentaires de désherbage, qui étaient effectuées à l’aide de binettes par des travailleurs, et à pulvériser des produits chimiques, ce qui était fait par Hakam avant l’embauche des appelants. De plus, il avait fallu couper les branches noircies en raison d’une brûlure bactérienne. Le réseau d’irrigation – en 1998 – n’était pas très perfectionné et il nécessitait un entretien serré. Ronnie Gill a cité des éléments de preuve concernant le temps requis pour l’installation et le démontage des filets. Comme les filets n’étaient pas neufs, certaines nappes avaient besoin de réparation; il fallait resserrer les fils, remplacer des crochets et redresser, consolider ou remplacer les perches. Elle a souligné que, dans l’ensemble, les appelants avaient peu d’expérience en la matière et que la plupart se situaient dans une tranche d’âge qui faisait en sorte qu’il ne leur était pas facile de grimper dans des échelles pour monter ou démonter les filets, d’autant plus que le système était vieux et inefficace. Ronnie Gill a affirmé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer les moyennes utilisées dans l’industrie pour estimer le temps d’exécution de certaines tâches alors qu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve directs à ce sujet pour convaincre la Cour que l’exploitation de Gill Farms commandait un plus grand nombre d’heures de main‑d’œuvre pour l’exécution de ses activités agricoles en 1998, notamment pour l’aménagement de paillis de sciure afin de lutter contre les mauvaises herbes.

 

[171]  Suivant les avocates de l’intimé, le nombre d’heures indiqué sur le relevé d’emploi de chacun des appelants avait été gonflé. Par conséquent, tout en admettant le fait que les appelants qui n’étaient pas des personnes liées à Gill Farms exerçaient bel et bien un emploi assurable, le ministre a conclu que le nombre d’heures assurables qu’ils avaient travaillées – et la rémunération assurable qu’ils avaient gagnée – étaient beaucoup moins élevés que ce qui était indiqué sur leurs relevés d’emploi. Les avocates ont cité le témoignage de M. Keays – agent des appels – qui avait expliqué comment il avait examiné les observations formulées pour le compte des appelants et des intervenants au sujet du temps requis pour exécuter certaines tâches à la ferme en 1998. M. Keays a par la suite consulté des experts de l’industrie et des tiers travaillant dans l’industrie du petit fruit et il a analysé des éléments d’information pertinents pour déterminer si les estimations de temps fournies pour le compte des appelants étaient raisonnables. Se fondant sur cette analyse, M. Keays a conclu que ces estimations n’étaient pas fiables et il a établi un calendrier pour chaque travailleur. Pour chaque jour où un travailleur était censé avoir travaillé, il a alloué à ce travailleur le nombre d’heures que Harmit Kaur Gill avait inscrit sur sa feuille de temps, à condition qu’il y ait une raison de penser qu’il y avait du travail à effectuer ce jour‑là. Les avocates ont cité le témoignage dans lequel M. Keays – expliquant sa méthodologie – avait précisé que, chaque fois qu’il était en mesure de conclure qu’il était raisonnable qu’un certain nombre de travailleurs aient effectué du désherbage ou aient exécuté une autre tâche un jour donné, il allouait à chacun de ces travailleurs le nombre d’heures inscrit sur leur feuille de temps (sept, huit ou neuf heures). Suivant les avocates, dans ces conditions, on peut dire que cette méthode était raisonnable et qu’elle était équitable pour les travailleurs. Au sujet de tâches déterminées, la thèse de l’intimé est que le nombre d’heures qui aurait été consacré au ramassage de branches mortes ou de bleuetiers desséchés était exagéré et ne cadrait nullement avec le temps moyen requis pour ce travail selon les normes de l’industrie. Dans la lettre envoyée par LRS au nom des appelants, il était affirmé que huit travailleurs avaient consacré huit jours au ramassage des bleuetiers desséchés entre le 25 mai et le 1er juin 1998. Jugeant ces chiffres déraisonnables et estimant qu’ils n’étaient pas conformes aux normes de l’industrie, M. Keays a attribué une journée de travail à chacun des travailleurs et il a inscrit les chiffres correspondants dans le calendrier de chacun des appelants. Les appelants soutiennent pour leur part que les travaux de binage avaient nécessité sept travailleurs pendant onze jours. M. Keays a ramené ce temps à deux jours par travailleur en se fiant aux renseignements recueillis auprès de M. Sweeney, un des administrateurs du BC Blueberry Council, et de deux producteurs de bleuets de la région. Selon LRS, sept travailleurs avaient effectué diverses tâches pendant trois jours sur le réseau d’irrigation. Les avocates ont souligné que les éléments de preuve dont disposait M. Keays à l’étape de l’appel au sujet de la nature de ces tâches étaient limités et que – comme la plus grande partie des éléments de preuve offerts par les appelants et les intervenants – d’autres détails avaient été révélés pour la première fois au cours du procès. Dans l’ensemble, les avocates se sont dites sceptiques au sujet de la quantité de problèmes auxquels Gill Farms prétendait avoir été confrontée en 1998, en particulier compte tenu de l’argument que les rendements étaient de beaucoup supérieurs à la moyenne. La thèse de l’intimé est que le moment où ces complications seraient survenues est suspect, d’autant plus que les appelants n’ont cité aucune des difficultés exceptionnelles auxquelles la ferme aurait été confrontée pour expliquer le nombre d’heures faramineux consacrées par les employés, se contentant de révéler des bribes au cours du procès, notamment en ce qui concerne le piteux état du système d’arrosage relaté par Hakam Singh Gill lors de son réinterrogatoire principal au procès. Les avocates signalent qu’on n’a jamais expliqué de façon satisfaisante pourquoi Gill Farms avait jugé raisonnable de consacrer plus d’argent aux salaires que ce qu’elle était en mesure de retirer de la vente des petits fruits. Les avocates ont cité les explications de LRS suivant lesquelles sept travailleurs avaient pris deux semaines pour installer les filets et neuf travailleurs avaient consacré entre sept et neuf jours à les démonter. Le nombre d’heures attribué à cette tâche – par LRS – oscillait entre 1 270 et 1 415,5 heures. Pour faire ses calculs, M. Keays a utilisé le chiffre moyen de 36 heures l’acre indiqué dans les lignes directrices du Ministère – pour 1998 – et ce, même si ce chiffre a été par la suite ramené à 15 heures l’acre en 2001. Il n’a pas alloué d’heures aux deux superviseures – Harmit Kaur Gill et Manjit Kaur Gill – pour l’installation et le démontage des filets. Il a plutôt multiplié 36 (heures) par 8 (acres) pour un total de 288 heures, qu’il a estimé raisonnable d’attribuer à l’installation et au démontage des filets. Les avocates ont souligné – au procès – que M. Sweeney avait trouvé généreux le chiffre de 36 heures l’acre alloué à cette tâche et que cette estimation découlait de consultations auprès d’un grand nombre de producteurs – grands et petits – qui installaient tous le réseau de filets à la main puisqu’il n’y avait pas moyen de le faire mécaniquement. Les avocates ont affirmé que LRS n’avait soumis aucune estimation du temps consacré à la récolte des bleuets. M. Keays a donc mis au point une méthode lui permettant d’allouer des heures de travail aux appelants pour certains jours. Se fondant sur le rapport de M. Blatchford, M. Keays a retenu comme chiffre minimal dix livres de fruits l’heure, parce que toute quantité inférieure aurait signifié qu’il aurait coûté plus cher à Gill Farms pour cueillir les bleuets que ce que la vente aurait rapporté à la ferme, du moins si l’on se fie à l’argument de la société de personnes payeuse suivant lequel les travailleurs touchaient un salaire oscillant entre 7,50 $ et 8 $ l’heure, majoré de l’indemnité de congés payés. La méthode retenue par M. Keays consistait à n’allouer à chacun des appelants les heures indiquées sur sa feuille de paye que si la production moyenne ce jour‑là équivalait à au moins dix livres l’heure pour tous les membre du groupe des présumés travailleurs rémunérés à l’heure. Les avocates ont signalé qu’on ne disposait d’aucune fiche de cueillette ou d’autre moyen de calculer les heures travaillées par les appelants et que la méthode retenue par M. Keays était juste et raisonnable eu égard aux circonstances. Les avocates ont cité l’argument de LRS suivant lequel neuf travailleurs avaient passé huit jours à tailler les bleuetiers en septembre et elles ont fait référence au rejet de cette assertion par M. Keays au motif qu’elle était manifestement déraisonnable. M. Keays a conclu qu’il convenait d’allouer à chacun des appelants ayant effectué cette tâche une journée de travail selon les heures indiquées sur sa feuille de temps. La thèse avancée au nom de Gill Farms et des appelants était qu’il avait fallu neuf travailleurs et une journée pour laver les seaux et les caisses. M. Keays a écarté ce scénario comme grandement improbable et il n’a alloué aucun temps à l’exécution de cette tâche en raison de l’opinion de M. Sweeney suivant laquelle il aurait suffit d’une demi‑journée à un seul travailleur pour effectuer ce travail. M. Keays avait appris de Gill Farms que de nouveaux bleuetiers avaient été plantés en septembre 1998, ce qui avait exigé 128 heures de travail. M. Keays s’est fié aux renseignements communiqués par M. Sweeney suivant lesquels il ne fallait pas plus de deux minutes pour planter chaque bleuetier de remplacement et qu’il ne fallait pas plus de 5,6 heures pour planter 200 bleuetiers en tout et partout.

 

Analyse

 

[172]  M. Keays a expliqué qu’il avait jugé nécessaire de suivre la démarche prescrite par les dispositions suivantes du Règlement sur l’assurance‑emploi :

Heures d’emploi assurable Méthodes d’établissement

9.1 Lorsque la rémunération d’une personne est versée sur une base horaire, la personne est considérée comme ayant exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures qu’elle a effectivement travaillées et pour lesquelles elle a été rétribuée.

9.2 Sous réserve de l’article 10, lorsque la totalité ou une partie de la rémunération d’une personne pour une période d’emploi assurable n’a pas été versée pour les raisons visées au paragraphe 2(2) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations, la personne est réputée avoir exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures qu’elle a effectivement travaillées durant cette période, qu’elle ait été ou non rétribuée.

10. (1) Lorsque la rémunération d’une personne est versée sur une base autre que l’heure et que l’employeur fournit la preuve du nombre d’heures effectivement travaillées par elle au cours de la période d’emploi et pour lesquelles elle a été rétribuée, celle‑ci est réputée avoir travaillé ce nombre d’heures d’emploi assurable.

(2) Sauf dans les cas où le paragraphe (1) et l’article 9.1 s’appliquent, si l’employeur ne peut établir avec certitude le nombre d’heures de travail effectivement accomplies par un travailleur ou un groupe de travailleurs et pour lesquelles ils ont été rémunérés, l’employeur et le travailleur ou le groupe de travailleurs peuvent, sous réserve du paragraphe (3) et si cela est raisonnable dans les circonstances, décider de concert que ce nombre est égal au nombre correspondant normalement à la rémunération visée au paragraphe (1), auquel cas chaque travailleur est réputé avoir travaillé ce nombre d’heures d’emploi assurable.

(3) Lorsque le nombre d’heures convenu par l’employeur et le travailleur ou le groupe de travailleurs conformément au paragraphe (2) n’est pas raisonnable ou qu’ils ne parviennent pas à une entente, chaque travailleur est réputé avoir travaillé le nombre d’heures d’emploi assurable établi par le ministre du Revenu national d’après l’examen des conditions d’emploi et la comparaison avec le nombre d’heures de travail normalement accomplies par les travailleurs s’acquittant de tâches ou de fonctions analogues dans des professions ou des secteurs d’activité similaires.

(4) Sauf dans les cas où le paragraphe (1) et l’article 9.1 s’appliquent, lorsque l’employeur ne peut établir avec certitude ni ne connaît le nombre réel d’heures d’emploi assurable accumulées par une personne pendant sa période d’emploi, la personne est réputée, sous réserve du paragraphe (5), avoir travaillé au cours de la période d’emploi le nombre d’heures d’emploi assurable obtenu par division de la rémunération totale pour cette période par le salaire minimum, en vigueur au 1er janvier de l’année dans laquelle la rémunération était payable, dans la province où le travail a été accompli.

(5) En l’absence de preuve des heures travaillées en temps supplémentaire ou en surplus de l’horaire régulier, le nombre maximum d’heures d’emploi assurable qu’une personne est réputée avoir travaillées d’après le calcul prévu au paragraphe (4) est de 7 heures par jour sans dépasser 35 heures par semaine.

 

[173]  L’alinéa 2(1)a) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations est ainsi libellé :

  2.(1)  Pour l’application de la définition de « rémunération assurable » au paragraphe 2(1) de la Loi et pour l’application du présent règlement, le total de la rémunération d’un assuré provenant de tout emploi assurable correspond à l’ensemble des montants suivants :

a) le montant total, entièrement ou partiellement en espèces, que l’assuré reçoit ou dont il bénéficie et qui lui est versé par l’employeur à l’égard de cet emploi;  [Non souligné dans l’original]

 

[174]  Dans les cas où le travail exécuté aurait normalement été rémunéré à l’heure et que le nombre d’heures travaillées par l’appelant en cause était indiqué sur sa feuille de paye, M. Keays a accepté que du travail avait été effectué et qu’il était attribuable à une tâche déterminée. Lorsqu’il s’est agi toutefois de calculer les heures de travail exécutées par les appelants qui cueillaient des fruits, M. Keays n’avait pas accès aux fiches de cueillette qui avaient été établies au nom des appelants en question. Compte tenu des circonstances de l’emploi des appelants, M. Keays a estimé que les relevés de temps établis par Harmit Kaur Gill n’étaient ni fiables ni raisonnables dans les circonstances. Fidèle à l’esprit du Règlement et notamment aux paragraphes 10(3) et 10(4), il a calculé un nombre d’heures d’emploi assurable raisonnable après avoir examiné les conditions d’emploi et après avoir comparé ce nombre d’heures avec le nombre d’heures de travail normalement accomplies par les travailleurs s’acquittant de tâches ou de fonctions analogues dans l’industrie du petit fruit. M. Keays a ensuite divisé le nombre d’heures attribuées à chaque appelant par le salaire indiqué sur sa feuille de paye, en tenant compte du taux approprié d’indemnité de congés payés à laquelle ce travailleur avait droit. En cas de doute, M. Keays a utilisé le salaire horaire minimum en vigueur en 1998 majoré d’une indemnité de congés payés de 4 % pour calculer les gains totaux accumulés par chacun des appelants au cours de sa période d’emploi. Un des problèmes que comporte cette méthode est le fait que le paragraphe 10(5) limite à 35 par semaine le nombre maximum d’heures d’emploi assurable qu’une personne est réputée avoir travaillées – d’après le calcul prévu aux dispositions précédentes – en l’absence de preuve que des heures ont été travaillées en temps supplémentaire ou en surplus de l’horaire régulier. En 1998, cette limite était, pour les ouvriers agricoles, de 120 heures par période de deux semaines et rien, dans la preuve dont je dispose, ne permet de conclure que l’un ou l’autre des appelants a effectué des heures supplémentaires.

 

[175]  Le paragraphe 10(4) du Règlement sur lequel M. Keays se fonde en partie prescrit la méthode de calcul à suivre pour obtenir le nombre d’heures d’emploi assurable qu’une personne est réputée avoir travaillées « au cours de la période d’emploi ». On l’obtient en divisant la rémunération totale accumulée au cours de cette période par le salaire minimum applicable. Le paragraphe 10(5) a pour effet de limiter à sept heures par jour, sans dépasser 35 heures par semaine, le nombre maximum d’heures d’emploi assurable qu’une personne est réputée avoir travaillées, à moins que cette personne ne fasse la preuve des heures travaillées en temps supplémentaire ou en surplus de l’horaire régulier. Suivant les éléments de preuve portés à ma connaissance, la législation du travail en vigueur en Colombie‑Britannique – en 1998 – ne considérait pas que le travailleur avait travaillé des heures en temps supplémentaires tant qu’il n’avait pas dépassé la limite de 120 heures au cours d’une période de deux semaines. Je crois qu’on peut sans risque de se tromper tenir pour acquis que ces dispositions du Règlement sur l’assurance‑emploi ont été rédigées en vue de s’appliquer au type de travail effectué dans l’industrie du petit fruit. Il est raisonnable de conclure que les mots et expressions employés dans le Règlement tels que « au cours de la période d’emploi », « rémunération totale » et « sans dépasser », et la mention des heures travaillées en temps supplémentaire ou en surplus de l’horaire régulier – dans le contexte de l’établissement d’une limite de 35 heures par semaine – étaient censés valoir pour toute la période d’emploi. La limite de sept heures par jour ne permet peut‑être pas un report sur un autre jour, mais le libellé de ces dispositions – lorsqu’on les considère globalement et qu’on les interprète conformément à leur objet – permet de reconnaître jusqu’à 35 heures par semaine au cours d’une période d’emploi déterminée. Toutefois, pour n’importe quelle journée de la semaine de sept jours considérée, le travailleur ne peut pas accumuler plus de sept heures d’emploi assurable. En conséquence, dans le cas des appelants ayant cueilli des fruits en septembre, bien qu’en quantité limitée, et compte tenu du fait que M. Keays leur a alloué des heures pour les travaux de taille qu’ils auraient effectués, le moment précis où l’intéressé a effectivement cessé de travailler au cours de cette première semaine ou aux alentours de celle‑ci n’est critique que si la limite de 35 heures par semaine a été dépassée, lorsqu’on la multiplie par le nombre de semaines d’emploi. En conséquence, si une personne a travaillé au total dix semaines, le nombre maximum d’heures assurables qui peut lui être reconnu selon les paragraphes 10(4) et 10(5) du Règlement est de 350. À mon avis, ces dispositions n’empêchent pas d’accumuler au cours de la période d’emploi totale des heures à raison de 48 heures pour la première semaine – moins de sept heures par jour pendant sept jours – et de 22 heures la suivante, pour un total de 70 heures pour cette période de deux semaines et de continuer – plus ou moins – à ce rythme pendant toute la durée de la période d’emploi applicable. C’est la seule manière logique d’interpréter ces dispositions, parce que même si elles ont été rédigées par un fonctionnaire travaillant dans un bureau à Ottawa, elles sont censées s’appliquer dans un contexte comme l’industrie du petit fruit où les heures sont longues, imprévisibles et sujettes à des variations en raison des intempéries et de l’état de la récolte. Je ne vois donc pas de problème dans le fait que, dans le calendrier qu’il a établi, M. Keays a pu porter au‑delà de la limite de 35 heures par semaine le nombre d’heures assurables attribuées à la cueillette ou à d’autres tâches pour une semaine déterminée et ce, parce que les heures imputées à un appelant – d’après le nombre d’heures travaillées certains jours de la semaine – était arbitraire. Conformément à sa méthodologie, M. Keays souhaitait reconnaître qu’un appelant avait effectué un certain nombre d’heures de travail au cours d’une période déterminée. Il a utilisé – par souci de commodité – le registre de paye établi par Gill Farms pour attribuer aux appelants le travail effectué certains jours au cours de cette période conformément au paragraphe 10(3) du Règlement, qui oblige à examiner les conditions d’emploi et à établir des comparaisons avec le nombre d’heures de travail normalement accomplies par les travailleurs s’acquittant de tâches ou de fonctions analogues dans l’industrie du petit fruit. Ce faisant, M. Keays a attribué à chacun des appelants un nombre précis d’heures assurables imputable à l’exécution d’une tâche spécifique ou relevant d’une catégorie – comme la cueillette – pendant toute la durée de la récolte des petits fruits. M. Keays n’a cependant attribué des heures assurables à aucun des appelants pour les jours où la quantité totale de fruits récoltés par le groupe des employés qui étaient censés être payés à l’heure était inférieure à dix livres par personne et par heure, pour une journée de huit heures. Il ressort de la preuve qu’au cours de la dernière partie de la saison, les fruits sont rares et que, même si le volume est beaucoup moins élevé, on cueille les fruits qui restent, même si la production quotidienne est souvent inférieure au chiffre minimum retenu par M. Keays pour attribuer des heures assurables. Lorsque M. Keays agissait comme agent des appels, il partait du principe que les appelants étaient rétribués à l’heure pour la cueillette étant donné la constance des renseignements présentés aux fonctionnaires de DHRC, à Mme Rai – l’agente des décisions – et à lui‑même. En réalité, tous les travailleurs étaient payés à la pièce pour cueillir des fruits et même si – à titre d’exemple – certains ne cueillaient que 50 livres par jour pour gagner environ 15 $, ils travaillaient quand même. Suivant Charan Gill, l’usage suivi par les employeurs dans l’industrie consiste à convertir en heures le montant gagné – calculé à partir des fiches de cueillette – en divisant ce chiffre par le salaire horaire minimum applicable. À titre d’exemple, un travailleur se verrait attribuer deux heures de travail – à 7,50 $ l’heure – pour la production de 50 livres de cette journée‑là. Comme il ne disposait d’aucune fiche de cueillette, M. Keays a dû mettre au point un système fondé sur un amalgame des paragraphes 10(3) et 10(4) pour reconnaître que les appelants avaient fourni des services à Gill Farms à divers moments au cours de toute leur période d’emploi.

 

[176]  J’ai entrepris une analyse de ces dispositions parce que, lorsque je tranche individuellement chacun de ces appels, il est possible qu’un ou plusieurs des appelants soient touchés lorsque j’augmente – de 15 % – le nombre d’heures assurables attribuables à la cueillette et/ou lorsque j’accorde des heures de plus pour des tâches associées aux filets et au réseau d’irrigation. Bien que, pour le moment, je doute que cette situation se présente, il est possible que le chiffre ainsi obtenu dépasse le nombre total d’heures assurables permises par semaine pour la période d’emploi, en particulier si celle‑ci n’a duré que quelques semaines. Ainsi que je l’ai déjà expliqué, le nombre d’heures assurables accordées – en tout – ne peut en aucun cas dépasser 35 heures par semaine. Ainsi, le chiffre obtenu en combinant les heures accordées pour la cueillette des fruits – en appliquant le paragraphe 10(4) – avec les heures allouées pour les autres tâches conformément au paragraphe 10(3), risque d’être supérieur à la limite prévue.

 

[177]  Il ressort de l’ensemble de la preuve que les feuilles de temps, les feuilles de paye et le registre quotidien ne sont pas fiables. Dans de nombreux cas, un ou plusieurs de ces documents indiquent qu’une personne a travaillé huit ou neuf heures par jour – ou une semaine – alors qu’en fait, cette personne travaillait ailleurs ou était à l’étranger. Il ressort par ailleurs des documents que les appelants qui, pendant plusieurs semaines, ont fait du covoiturage pour se rendre au travail et pour rentrer chez eux ont en fait travaillé un nombre d’heures différent de nombreux jours. Les maris et femmes qui étaient censés travailler ensemble chaque jour avaient des documents individuels qui contredisaient cette assertion. Les travaux de ferme sont différents du travail de bureau, qui se déroule à l’abri des intempéries, du moins dans la plupart des immeubles. Il est rare que, dans les bureaux, les dossiers pourrissent, sauf au sens figuré et, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, il y a rarement une haute saison. Il est donc déraisonnable de s’attendre à ce qu’un travailleur agricole engagé par une ferme pour récolter des petits fruits travaille exactement huit heures par jour pendant une longue période. Il est raisonnable de s’attendre à ce que les heures passées dans les champs augmentent au fur et à mesure que les jours allongeaient et qu’un plus grand nombre de fruits arrivaient à maturité. L’écart constaté dans les heures que la plupart des appelants auraient travaillées est rarement – voire jamais – de plus d’une heure entre la toute première partie de la saison et la période la plus occupée où les conserveries fonctionnent vingt‑quatre sur vingt‑quatre. Suivant certaines des écritures faites en leur nom, des appelants avaient travaillé des journées complètes à des moments où la seule conclusion raisonnable que l’ensemble de la preuve permettait de tirer était qu’il n’y avait rien à faire ou si peu. Le registre quotidien ne fait pas état des heures qu’aurait effectuées une travailleuse qui était censément à la ferme presque chaque jour pendant des mois. Aux dires des membres de la famille Gill, ce registre avait été établi pour satisfaire aux exigences de Mme Turgeon, ce que cette dernière nie. À mon avis, ce registre a – pour l’essentiel – été forgé de toutes pièces pour donner l’illusion que l’on comptabilisait le temps de façon systématique, constante et sérieuse. On pourrait se demander comment il se fait que, dans le cadre de ses fonctions d’agent des appels, M. Keays a pu se fier aux feuilles de temps et au registre quotidien en question pour allouer un certain nombre d’heures assurables aux appelants. La réponse réside dans l’adage suivant : « Même une horloge arrêtée donne l’heure juste deux fois par jour » (en supposant, bien sûr, qu’il ne s’agisse pas d’une horloge à affichage numérique...) M. Keays a admis que la méthodologie qu’il a appliquée à chacun des appelants consistait en une formule « approximative » qu’il a mise au point pour s’acquitter de sa fonction de son mieux dans les circonstances.

 

[178]  À mon avis, la démarche suivie par M. Keays est tout à fait raisonnable. Ce n’est pas parce que la feuille de temps et les autres documents ne sont pas fiables qu’ils n’ont aucune valeur. Lorsqu’on les situe dans le contexte de l’ensemble de la preuve présentée en l’espèce – notamment par des experts – au sujet des pratiques agricoles ayant cours dans l’industrie des petits fruits, force est de reconnaître que ces documents se sont avérés – parfois – utiles, mais il n’en demeure pas moins que le nombre d’heures qui y est indiqué – dans l’ensemble – n’était pas raisonnable dans les circonstances et que M. Keays a dû observer la méthode d’établissement des heures d’emploi assurables et de rémunération assurable prescrite par le Règlement.

 

[179]  Lorsque j’évalue les méthodes appliquées par M. Keays dans le contexte de l’ensemble de la preuve, j’estime que les seules tâches des appelants qui valent la peine d’être réexaminées sont celles se rapportant à l’installation et au démontage des filets et au réseau d’irrigation. Pour ce qui est des autres tâches mentionnées lors des plaidoiries de Ronnie Gill et des avocates de l’intimé, je ne vois aucune raison de m’écarter de la méthodologie employée par M. Keays. Bien que M. Keays n’ait pas eu l’avantage d’entendre les témoins, les éléments de preuve portés à ma connaissance ne m’amènent pas à conclure que les estimations avancées pour le compte des appelants et des intervenants en ce qui a trait au temps requis pour exécuter certaines tâches sont crédibles. Le temps qu’ils sont censés avoir consacré à l’exécution de certaines tâches, dont le ramassage de branches mortes, le binage et le désherbage, la taille sévère et la taille d’entretien, le lavage des seaux, la réparation des filets et la plantation de nouveaux bleuetiers est totalement déraisonnable et ne cadre aucunement avec les éléments de preuve fiables concernant les pratiques agricoles raisonnables ayant cours au sein de l’industrie agricole.

 

[180]  Revenons à la question des filets. Rappelons que M. Keays n’a pas eu l’avantage d’observer les appelants et n’a pas eu l’occasion de les entendre décrire les tâches liées aux filets. Si je comprends bien, la moyenne de l’industrie de 36 heures l’acre a été établie à partir de renseignements recueillis auprès d’une foule d’entreprises agricoles mais, pour obtenir cette moyenne, il fallait que certaines fermes se situent au‑dessus de ce chiffre et d’autres, en dessous. Certaines se situaient peut‑être même bien au‑dessus de la moyenne et d’autres, bien en dessous. C’est la raison pour laquelle lorsqu’on présente des statistiques, il est plus fiable – et plus utile – d’établir une médiane pour déterminer combien de producteurs se situaient au‑dessus de la ligne de démarcation de 36 heures et de les comparer avec ceux qui ont accompli cette tâche en moins de temps que la moyenne, pour constater l’ampleur de l’écart. Les travailleurs n’étaient pas jeunes, la plupart avaient plus de 45 ans et l’installation et le démontage des filets était un travail long et pénible, d’autant plus que bon nombre des travailleurs avaient peu d’expérience non seulement en ce qui concerne cette tâche mais aussi en ce qui a trait au travail agricole en général, surtout dans le domaine de la cueillette des petits fruits. Les filets étaient vieux et nécessitaient des réparations, notamment aux perches et aux fils. Manjit Kaur Gill a expliqué qu’en 2005, il avait fallu cinq ou six personnes travaillant pendant huit jours juste pour installer les filets. En supposant que cinq personnes aient travaillé chacune huit heures par jour pendant huit jours, on obtient un total de 320 heures. Or, selon les normes actuelles du Ministère, il fallait prévoir en tout 15 heures pour chacun des huit acres de culture, pour un total de 120 heures – par saison – pour l’installation et le démontage des filets. En supposant que l’on doive répartir également le temps consacré à l’installation et au démontage, le temps consacré par Gill Farms – en 2005 – à l’installation des filets est plus de cinq fois supérieur à la moyenne actuellement en vigueur dans l’industrie et il n’y a aucune raison de croire que ses méthodes étaient plus efficaces en 1998.

 

[181]  Hakam Singh Gill a témoigné au sujet du réseau d’irrigation. Ce réseau, qui avait été créé par la famille Gill, était muni de vieux goutteurs qui ne pouvaient pas être vissés dans l’orifice de sortie du tuyau flexible mais qui devaient être réinstallés ailleurs après perçage d’un autre orifice. Suivant Hakam, il avait fallu trois jours pour remettre le réseau d’irrigation de Gill Farms en état de marche – en 1998 – parce que l’eau provenant d’un fossé n’était pas propre et avait nui au fonctionnement de la pompe, qui avait aspiré des particules de saleté qui avaient obturé les goutteurs. Le réseau avait été mis au point quelques années plus tôt et fonctionnait relativement bien en 1998, sauf pour ce problème particulier survenu au début de la saison. Ses souvenirs sont peut‑être exacts, mais compte tenu de la tendance constante des personnes chargées d’exploiter ou d’administrer Gill Farms ou de travailler pour celle‑ci à exagérer le temps requis pour exécuter diverses tâches, je répugne à accepter cette assertion que trois jours ont été consacrés à cette tâche. Compte tenu des renseignements limités dont il disposait sur ce point, je conviens qu’il était raisonnable de la part de M. Keays d’allouer une journée par travailleur pour cette tâche. Toutefois, compte tenu des éléments de preuve portés à ma connaissance et de toutes les connaissances que j’ai acquises au cours du procès au sujet du fonctionnement de Gill Farms, je suis convaincu qu’il a fallu plus d’une journée de travail pour chacun des sept travailleurs en question, vu les circonstances spéciales évoquées et l’état de quasi obsolescence du réseau.

 

Conclusion

 

[182]  La force probante de la preuve m’amène à conclure qu’il est raisonnable de doubler le temps alloué à l’exécution de toutes les tâches se rapportant aux filets. Toutefois, en raison du manque de fiabilité intrinsèque d’une grande partie des éléments de preuve et notamment du témoignage des appelants au sujet de ces tâches et d’autres tâches, il n’est pas possible d’accorder un plus grand écart. Il sera par conséquent tenu compte de ce calcul (octroi du double du temps) dans la décision applicable à chacun des appelants – le cas échéant – et le temps alloué par M. Keays à chacun des appelants pour l’installation et/ou le démontage des filets sera donc doublé (sans plus). M. Keays a inclus la taille effectuée à la fin de la saison dans le calcul du temps consacré au démontage des filets sans allouer de temps précis à l’exécution de cette tâche. Je ne vois aucune raison de me dissocier de sa démarche, mais je tiens à signaler qu’en doublant le nombre d’heures imputables à l’exécution des tâches relatives aux filets on englobe tous les travaux de taille, parce que la preuve ne justifie pas la nécessité d’ajouter des heures expressément pour cette tâche. À mon avis, M. Keays a fait preuve de générosité en allouant une journée de travail à chacun des appelants – le cas échéant – pour la taille. Pour démontrer une fois de plus que nulle bonne action ne reste impunie, le calcul généreux de M. Keays sera donc intégré du fait que le nombre d’heures assurables allouées aux tâches associées aux filets est doublé.

 

[183]  Pour ce qui est des travaux entrepris sur le réseau d’irrigation, j’estime raisonnable d’allouer deux jours de travail à chacun des sept travailleurs qui ont exécuté cette tâche.

 

[184]  Dans un cas comme dans l’autre, le jour de travail supplémentaire alloué à l’appelant concerné constituera huit heures assurables, indépendamment du chiffre indiqué sur la feuille de temps de ce travailleur pour la journée – ou les journées – faisant partie de la période où la tâche en question a été exécutée.

 

Surinder K. Gill : Appel 2002‑2116(EI)

 

Recueil de documents applicable : pièce R‑7

 

Thèse de l’intimé

 

[185]  Le ministre admet que l’appelante a exercé un emploi assurable auprès de Gill Farms en 1998, qu’elle a travaillé 114 heures assurables et qu’elle a accumulé une rémunération assurable de 919,98 $.

 

Thèse de l’appelante

 

[186]  L’appelante affirme qu’elle a travaillé du 26 juillet au 12 septembre 1998 et qu’au cours de cette période, elle a accumulé 260 heures assurables et une rémunération assurable de 2 098,20 $.

 

Analyse

 

[187]  L’appelante a expliqué qu’elle a gardé son emploi à la conserverie Lucerne après avoir commencé à travailler pour Gill Farms. Elle a expliqué qu’elle arrivait à faire un quart de travail à la conserverie et à travailler à la ferme le même jour parce qu’elle n’avait pas besoin de beaucoup de sommeil pendant la relativement brève saison des récoltes, car c’était la seule possibilité qu’elle avait de gagner de l’argent. M. Keays a découvert sur la feuille de temps de l’appelante une écriture en date du 15 août 1998 indiquant qu’elle avait travaillé de 9 h jusqu’à environ 17 h, ce qui correspond exactement aux heures indiquées sur sa feuille de temps de la conserverie Lucerne pour ce jour‑là. L’appelante a convenu que cette écriture de Gill Farms était erronée, de même que celles indiquant qu’elle avait travaillé à Gill Farms alors qu’elle se trouvait en Angleterre. M. Keays n’a pas accepté que l’appelante pouvait faire un quart de travail – ou l’équivalent – pour Gill Farms et un autre quart de travail pour Lucerne le même jour. Dans son calendrier déposé sous la cote R‑7, onglet 1, aux pages 21 à 24, il ne lui a par conséquent pas alloué d’heures assurables pour le travail effectué pour Gill Farms le 13 août et le 15 août 1998, même si sa feuille de temps faisait état de huit heures de travail pour chacune de ces dates.

 

[188]  L’appelante a expliqué qu’elle était payée à l’heure pour cueillir des fruits. J’ai déjà écarté cette hypothèse, qui a été formulée pour le compte de tous les appelants et intervenants. L’appelante a affirmé que le seul travail qu’elle a effectué pour Gill Farms était la cueillette de fruits. À de nombreuses reprises, il était évident que l’appelante ne disait pas la vérité, notamment en ce qui concerne l’utilisation de fiches de cueillette ou les détails de son horaire de travail pour Gill Farms. L’entrevue de l’appelante avec Mme Turgeon n’a pas été enregistrée, comme elle l’affirme. Certaines opérations bancaires n’ont pas été expliquées de façon satisfaisante et l’appelante n’a pas respecté son engagement de produire des documents au sujet d’un compte déterminé. Les excuses qu’elle a invoquées pour justifier ce non‑respect n’étaient pas plausibles. La feuille de paye de l’appelante n’est pas crédible et elle est de peu d’utilité pour quiconque chercherait à calculer les heures assurables travaillées en se fiant aux chiffres qui y sont indiqués. M. Keays a expliqué qu’il était bien conscient du fait que l’utilisation des feuilles de paye de Gill Farms était une méthode « approximative », mais il a ajouté qu’il n’avait pas le choix, étant donné qu’il ne disposait d’aucune fiche de cueillette ou autre relevé des heures travaillées. Vu les difficultés que comporte la preuve, la meilleure solution consiste à recourir à une hypothèse émise en connaissance de cause. Je crois l’appelante lorsqu’elle affirme qu’elle était capable – pour une courte période – de cumuler deux emplois le même jour. Je suis donc disposé à rétablir les huit heures travaillées le 13 et le 15 août, pour un total de 16 heures. Lorsqu’on ajoute ce chiffre au nombre d’heures assurables – 114 – déjà acceptées par M. Keays, on en arrive à 130 heures. Comme l’appelante n’a effectué aucun autre travail que la cueillette de bleuets, il n’est pas nécessaire de procéder à d’autres rajustements en ce qui a trait à certaines tâches. Je n’ai donc qu’à appliquer l’augmentation de 15 % à ses heures assurables et à sa rémunération assurable – laquelle comprend une indemnité de congés payés de 7,6 % – conformément à la méthodologie déjà expliquée pour en arriver aux chiffres voulus. L’appelante était en Angleterre pendant la première semaine de septembre 1998. À ce moment‑là, douze de ses compagnons de travail n’ont cueilli que 632 livres de fruits ou 52 livres chacun. Ce chiffre est tellement négligeable qu’il n’est pas nécessaire d’en tenir compte dans les calculs de manière à empêcher l’appelante de bénéficier de la totalité de l’augmentation de 15 % pour le temps consacré à la cueillette qui s’applique à l’ensemble des appelants qui ont exécuté la même tâche à un moment ou à un autre au cours de la saison.

 

Conclusion

 

[189]  Je conclus que l’appelante a exercé un emploi assurable auprès de Gill Farms entre le 26 juillet et le 12 septembre 1998 et qu’elle a travaillé 149,5 heures assurables et a accumulé une rémunération assurable de 1 206,46 $.

 

Harbans Kaur Khatra

 

Recueil de documents applicable : pièce R‑4

 

Thèse de l’intimé

 

[187]  Le ministre admet que l’appelante a exercé un emploi assurable auprès de Gill Farms en 1998, qu’elle a travaillé 254 heures assurables et qu’elle a accumulé une rémunération assurable de 1 981,20 $.

 

Thèse de l’appelante

 

[188]  L’appelante affirme qu’elle a travaillé du 12 juillet au 12 septembre 1998 et qu’au cours de cette période, elle a accumulé 652 heures assurables pour une rémunération assurable de 5 085,60 $, ainsi qu’il est indiqué sur son relevé d’emploi.

 

Analyse

 

[189]  L’appelante a expliqué qu’elle est arrivée au Canada – en provenance de l’Inde – en 1997 et qu’elle s’est trouvée du travail comme ouvrière agricole auprès de la famille Virk avant de commencer à faire la cueillette des petits fruits pour Gill Farms plus tard cette saison‑là. En 1998, elle est retournée travailler pour Gill Farms. En plus de cueillir des fruits, elle triait et nettoyait les fruits sur un convoyeur à bande. Elle a expliqué que Gill Farms la payait à l’heure pour toutes les tâches qu’elle effectuait et a ajouté que, comme elle était une excellente cueilleuse – elle pouvait cueillir entre 400 et 450 livres par jour – et que, rémunérée au taux habituel payé pour le travail à la pièce, elle pouvait gagner jusqu’à 150 $ par jour, ce qui explique probablement pourquoi Gill Farms la payait à l’heure au taux de 7,50 $ pour une journée de huit ou neuf heures. L’appelante a expliqué qu’elle avait donné un coup de main pour le démontage des filets à la fin de la saison et qu’elle avait aussi effectué des travaux de taille légers et épandu de la sciure à la base des bleuetiers et que la dernière tâche qui lui avait été confiée avant sa mise en disponibilité avait été le lavage des seaux. Il n’y a aucun autre élément de preuve qui corrobore l’affirmation de l’appelante suivant laquelle – en 1998 – elle pouvait cueillir entre 400 et 450 livres de fruits par jour, même durant la haute saison, alors qu’elle récoltait des fruits provenant de variétés qui étaient faciles à cueillir et qui étaient reconnues pour leur rendement élevé. Suivant la preuve, un cueilleur pouvait récolter environ 200 livres par jour en haute saison, c’est‑à‑dire, dans le cas des bleuets, pendant environ six semaines. À l’occasion, un cueilleur exceptionnellement habile pouvait récolter jusqu’à 300 livres par jour pendant quelques jours. Harbans Kaur Khatra a affirmé qu’elle n’utilisait pas de fiche de cueillette pour appuyer son argument qu’elle n’était pas rémunérée à la pièce. Elle a également insisté pour dire que son entrevue avec Mme Emery aux bureaux de DRHC avait été enregistrée et que ses droits avaient été violés de ce fait. Je rejette ces éléments de preuve et je signale qu’il ne pouvait y avoir de confusion dans son esprit à ce sujet. Elle a plutôt choisi de formuler cette allégation en croyant qu’un enregistrement pouvait constituer une violation de ses droits et lui permettre d’obtenir une réparation qui mettrait fin à ses problèmes avec DRHC et l’ADRC. Le 12 novembre 1998, deux jours avant de déposer son chèque de paye final de Gill Farms, l’appelante a retiré 2 000 $ en espèces de son compte bancaire. Elle a également attendu très longtemps avant d’encaisser son dernier chèque de paye avant de faire ce retrait. Je ne dispose pas de suffisamment d’éléments de preuve pour pouvoir conclure que l’appelante a versé de l’argent à l’un des membres de la famille Gill en contrepartie de son relevé d’emploi. Toutefois, à l’instar de l’appelante, plusieurs autres appelants ont procédé à une série de dépôts et de retraits pour lesquels aucune explication satisfaisante n’a été fournie, ce qui a amené les fonctionnaires de DRHC et de l’ADRC à soupçonner que des opérations avaient été conçues de manière à faciliter la délivrance d’un relevé d’emploi permettant au travailleur concerné d’être admissible à des prestations d’assurance‑chômage même s’il n’avait pas accumulé légitimement le nombre minimal d’heures assurables exigées dans le cadre de son emploi.

 

[190]  M. Keays a eu du mal à croire que l’appelante avait travaillé huit ou neuf heures par jour – sept jours par semaine – au cours de son emploi, d’autant plus qu’il n’y avait pas suffisamment de travail selon les renseignements qu’il avait obtenus de diverses sources. Il a donc accepté les heures indiquées sur la feuille de temps de l’appelante pour les jours où elle avait cueilli des fruits et où la production générale du groupe avait été suffisante pour qu’il accepte que du travail avait été effectué. Il a également alloué à l’appelante trois jours de travail – pour un total de 26 heures – pour le démontage des filets et les travaux de taille au motif que ces tâches avaient été effectuées les 10, 11 et 12 septembre. M. Keays a conclu que l’appelante avait travaillé au total 254 heures assurables, dont 228 étaient imputables à la cueillette de fruits selon les écritures du calendrier déposé sous la cote R‑4, onglet 2, aux pages 29 à 32. Conformément à la conclusion que j’ai déjà tirée au sujet des travaux d’installation et de démontage des filets, je constate que l’appelante n’a participé qu’au démontage des filets étant donné que ceux‑ci étaient déjà installés lorsqu’elle a commencé à travailler. Elle a toutefois droit au double du temps pour cette tâche conformément à la formule déjà élaborée. Elle se verra donc créditer 52 heures pour le démontage des filets et les travaux de taille. Conformément à cette formule, les heures de cueillette de l’appelante – 228 – sont augmentées de 15 % – et portées à 262 – et sa rémunération assurable – y compris une indemnité de congés payés de 4 % – sera haussée en conséquence.

 

Conclusion

 

[191]  L’appelante – Harbans Kaur Khatra – a exercé un emploi assurable auprès de Gill Farms du 12 juillet au 12 septembre 1998, et, au cours de cette période, elle a accumulé 314 heures assurables pour une rémunération assurable de 2 449,20 $.

 

Gyan Kaur Jawanda

 

Recueil de documents applicable : pièce R‑12

 

Thèse de l’intimé

 

[192]  Le ministre admet que l’appelante a exercé un emploi assurable auprès de Gill Farms en 1998 et qu’elle a accumulé 333 heures assurables, pour une rémunération assurable de 2 597,40 $.

 

Thèse de l’appelante

 

[193]  L’appelante maintient que les renseignements indiqués dans son relevé d’emploi sont exacts et qu’elle a travaillé du 25 mai au 26 septembre 1998 et qu’au cours de cette période, elle a accumulé 942 heures et une rémunération assurable de 7 347,60 $.

 

Analyse

 

[194]  L’appelante est arrivée au Canada en provenance de l’Inde en 1998. Le premier emploi qu’elle a exercé a été chez Gill Farms. En Inde, elle n’avait jamais travaillé ailleurs qu’à la ferme familiale. L’appelante ne se rappelle pas beaucoup du travail qu’elle a effectué pour Gill Farms et, lors de son entrevue avec Harby Rai – l’agente des décisions – elle a expliqué qu’elle avait travaillé seule – à cueillir des bleuets – les vingt premiers jours de son emploi. Elle a également raconté à Mme Rai que, durant la haute saison, une trentaine de travailleurs cueillaient des fruits et que seulement cinq à sept d’entre eux le faisaient à temps plein. Elle a aussi expliqué à Mme Rai que c’était Rajinder Singh Gill qui passait la prendre pour la conduire au travail et qu’elle était la seule passagère. L’appelante a par la suite nié avoir fait ces déclarations mais je suis convaincu qu’aucune confusion n’a pu être créée dans l’esprit de Mme Rai lorsqu’elle a noté les propos de l’appelante. Mme Rai parle couramment le punjabi et l’entrevue s’est déroulée entièrement dans cette langue à la résidence de l’appelante. Mme Rai a transcrit ses notes d’entrevue et les a laissées chez l’appelante pour permettre à Baljit – sa fille – de les traduire en punjabi avant que l’appelante ne signe la dernière page pour en reconnaître l’exactitude. Baljit a ensuite téléphoné à Mme Rai pour lui dire que l’appelante se rappelait avoir travaillé une semaine à la cueillette des fraises à Langley parce que Gill Farms l’avait envoyée là‑bas pour faire ce travail pour un autre producteur. L’appelante a expliqué à Mme Rai qu’elle était payée à la pièce pour cueillir des fruits et à l’heure pour les autres tâches. Lors de son contre‑interrogatoire, on a rappelé à l’appelante certaines déclarations qu’elle avait faites au cours de son interrogatoire préalable lorsqu’elle avait dit qu’elle n’était pas certaine si elle était payée à l’heure; elle a alors reconnu qu’il était possible que son salaire ait été calculé en fonction de la quantité de livres cueillies mais elle ne s’en était pas inquiétée, parce qu’elle supposait que Gill Farms avait bien calculé sa rémunération. L’appelante a donné plusieurs versions des faits au sujet de son transport de chez elle au travail et du travail à chez elle à divers moments, à commencer par son entrevue aux bureaux de DRHC et ensuite lors de son entrevue avec Mme Rai, dans le questionnaire remis à M. Keays et lors du présent procès. Elle n’a pas été en mesure de justifier ces différentes versions, sauf pour dire que parfois son cerveau ne fonctionnait pas bien. Harmit Kaur Gill et Manjit Kaur Gill ont toutes les deux témoigné que l’appelante faisait partie des travailleurs qui habitaient Abbotsford et qui faisaient du covoiturage avec les autres travailleurs de ce secteur. L’appelante soutenait avoir travaillé presque tous les jours pendant près de trois mois. Le 23 décembre 1998, l’appelante a déposé la somme de 4 153,33 $ dans son compte et elle a retiré 3 500 $ en espèces dont elle affirme s’être servie pour des dépenses courantes du ménage et pour acheter un ordinateur pour l’un de ses enfants. L’appelante nie avoir remboursé de l’argent à l’un ou l’autre des membres de la famille Gill en rapport avec son emploi à Gill Farms.

 

[195]  M. Keays a expliqué que, lorsqu’il a préparé son rapport en ce qui concerne l’emploi de Gyan Kaur Jawanda – onglet 1 – il a alloué un certain nombre d’heures pour certaines des tâches indiquées sur le calendrier – pages 21 à 24. Bien que l’appelante ait mentionné diverses tâches qu’elle affirmait avoir effectuées au cours de sa première semaine de travail, M. Keays n’était disposé à lui accorder que huit heures de travail pour une journée consacré au ramassage de branches mortes. Il lui a alloué les heures et les travaux suivants – en juin – binage et désherbage : huit heures; travaux effectués sur les conduites d’eau du réseau d’irrigation : huit heures; installation des filets : 32 heures, pour un total de 56 heures. S’inspirant du raisonnement suivi par M. Blatchford pour établir son rapport et se fondant sur d’autres renseignements pertinents M. Keays a, comme il l’avait déjà expliqué dans son témoignage, accepté que l’appelante avait consacré 146 heures en juillet – et 100 heures de plus en août – à la cueillette de petits fruits. Pour septembre, M. Keays a alloué trois jours de travail – pour un total de 24 heures – au démontage des filets et à la taille. M. Keays a estimé qu’il disposait d’éléments de preuve qui lui permettaient de conclure que l’appelante avait travaillé 333 heures assurables au cours de son emploi et qu’elle avait accumulé une rémunération assurable de 2 597,40 $, calculée au taux horaire de 7,50 $ majoré d’une indemnité de congés payés de 4 %.

 

[196]  Je ne puis accepter le témoignage de l’appelante suivant lequel elle a travaillé la première semaine à la cueillette des fraises dans une autre ferme où elle avait été détachée par Gill Farms. Il n’y a aucun élément de preuve solide qui appuie cette affirmation et, dans l’ensemble, le témoignage de l’appelante n’est pas digne de foi et ce, pour plusieurs raisons. Elle semble avoir une très mauvaise mémoire et elle change sa version des faits au gré des circonstances. Elle cherchait uniquement à obtenir un relevé d’emploi qui lui permettrait de réclamer des prestations d’assurance‑chômage après sa mise en disponibilité et elle a ensuite donné les réponses qui l’aideraient à son avis à conserver ces prestations. Pour ce qui est des autres tâches qu’elle a effectuées au cours de son emploi chez Gill Farms, j’utilise la formule applicable aux appelants admissibles qui font partie de la catégorie des travailleurs qui ne sont pas des personnes liées à l’employeur. J’alloue huit heures de travail de plus à l’appelante pour ce qui est des travaux liés au réseau d’irrigation. Comme elle a participé à l’installation et au démontage des filets, le nombre total d’heures – 55 – que M. Keays a alloué pour le travail fait en juin et en septembre sera doublé et sera donc porté à 110. M. Keays a décidé que l’appelante avait consacré à la cueillette des fruits un total de 246 heures en juin et en juillet. Conformément à la méthodologie précédemment établie, ce chiffre sera augmenté de 15 % pour être porté à 283 heures. Pour résumer, j’ai accordé à l’appelante huit heures de plus pour les travaux liés au réseau d’irrigation, 55 heures de plus pour l’installation et le démontage des filets et 37 heures de plus pour la cueillette des fruits, pour un total de 100 heures de plus que le nombre d’heures attribué par M. Keays dans le rapport qu’il a soumis au ministre. La rémunération assurable de l’appelante sera donc haussée en conséquence, sur la base d’un taux horaire de 7,50 $ l’heure et d’une indemnité de congés payés de 4 %.

 

Conclusion

 

[197]  L’appelante – Gyan Kaur Jawanda – a exercé un emploi assurable auprès de Gill Farms du 25 mai au 12 septembre 1998, accumulant au cours de cette période 433 heures assurables et une rémunération assurable de 3 377,40 $.

 

Himmat Singh Makkar :

 

Recueil de documents applicable : pièce R‑9

 

Thèse de l’intimé

 

[198]  Le ministre a admis que l’appelant exerçait un emploi assurable auprès de Gill Farms en 1998 et qu’il a accumulé 72 heures assurables et une rémunération assurable de 599,04 $.

 

Thèse de l’appelant

 

[199]  L’appelant affirme qu’il a travaillé du 3 au 28 août 1998 et qu’au cours de cette période, il a accumulé 160 heures assurables pour une rémunération assurable de 1 331,20 $.

 

Analyse

 

[200]  Au cours de son entrevue avec Mme Emery aux bureaux de DRHC, Himmat Singh Makkar a expliqué que Gill Farms le rémunérait à la pièce pour cueillir des fruits et il a donné comme exemple « 100 lb. = 30 $ ». De toute évidence, il était rémunéré 30 cents la livre, ce qui est inférieur au minimum de 31,2 cents prescrit par la réglementation provinciale. Au procès, l’appelant a expliqué qu’il était payé à l’heure pour cueillir des fruits et il a précisé qu’il avait mal compris la question lorsqu’il avait donné cette réponse lors de son entrevue. Il a expliqué que parfois des fiches de cueillette étaient remises aux travailleurs, alors qu’au cours de son entrevue aux bureaux de DRHC, il avait déclaré que des fiches étaient remises chaque jour à chacun des travailleurs et qu’aucun d’entre eux n’était payé à l’heure. Suivant la feuille de temps établie par Gill Farms, l’appelant aurait travaillé exactement huit heures par jour au cours de son emploi. Lors de son entrevue avec Harby Rai, l’appelant a expliqué que lui et son épouse travaillaient sept jours par semaine mais au procès, il a affirmé avoir travaillé cinq jours par semaine et que son épouse en avait travaillé sept. Les feuilles de paye indiquent qu’il a travaillé cinq jours par semaine. À diverses étapes du processus, l’appelant a donné au sujet de ses heures de travail des versions des faits différentes qui ne correspondaient pas aux chiffres inscrits sur sa feuille de paye par Harmit Kaur Gill dans le cadre de ses fonctions pour Gill Farms. Lors de son entrevue aux bureaux de DRHC, l’appelant a décrit ses fonctions, dont celle consistant à enlever des champs les filets enroulés. Comme on attendait à la fin de septembre pour enlever les filets et que la cueillette n’était pas encore terminée lorsqu’il a été mis à pied le 28 août, ces explications ne tiennent pas debout. Au procès, Himmat Singh Makkar a expliqué qu’il avait aidé son épouse – et d’autres travailleurs – à rouler les filets parce que son épouse se trouvait encore dans les champs lorsqu’il était passé la prendre plus tôt pour la ramener à la maison en voiture. Comme la plus grande partie de ce qu’il a dit dans son témoignage, ces affirmations de l’appelant ne sont pas crédibles. Il a affirmé avoir conduit un tracteur pour appliquer un traitement herbicide même s’il n’a jamais mentionné cette tâche à Mme Emery. Il a également soutenu avoir nettoyé les seaux et les grands récipients au besoin et avoir réparé à l’occasion les trous dans les filets à l’aide d’une aiguille et d’un fil. L’appelant a reçu deux chèques de paye de Gill Farms. Le premier – daté du 9 août 1998 – était de 200 $ et le second – daté du 26 octobre 1998 – qui était de 742,09 $ n’a été déposé que le 17 novembre. Il a expliqué que Harmit Kaur Gill lui avait demandé de ne pas encaisser le chèque tant qu’on ne lui dirait pas de le faire. Le 31 octobre 1998, il a retiré 2 200 $ de son compte bancaire. Son épouse – Santosh Kaur Makkar – n’a été mise en disponibilité par Gill Farms que le 26 septembre. Le chèque final de son épouse, daté du 26 octobre, a été déposé dans le compte de l’appelant le 14 novembre 1998, deux semaines après le retrait de 2 200 $ en espèces.

 

[201]  M. Keays a établi un calendrier – pièce R‑9, onglet 2, page 26 – pour le mois d’août et il a alloué un total de 72 heures de travail à l’appelant pour la cueillette de petits fruits. Comme la feuille de paye de l’appelant indiquait qu’il était payé huit dollars de l’heure, M. Keays s’est servi de ce chiffre – majoré d’une indemnité de congés payés de 4 % – pour calculer la rémunération assurable de 599,04 $. Le seul rajustement nécessité par les éléments de preuve se rapportant à cet appel consiste à augmenter de 15 % les heures admissibles imputables à la cueillette de petits fruits. Sa rémunération assurable – y compris l’indemnité de congés payés de 4 % – est modifiée en conséquence.

 

Conclusion

 

[202]  L’appelant – Himmat Singh Makkar – a exercé un emploi assurable auprès de Gill Farms du 3 au 28 août 1998 et il a accumulé au cours de cette période 83 heures assurables et une rémunération assurable de 690,56 $.

 

Jarnail Kaur Sidhu

 

Recueil de documents applicable : pièce R‑11

 

Thèse de l’intimé

 

[203]  Le ministre a admis que l’appelante exerçait un emploi assurable auprès de Gill Farms en 1998 et qu’elle avait accumulé 325 heures assurables et une rémunération assurable de 2 535 $.

 

Thèse de l’appelante

 

[204]  L’appelante affirme que son relevé d’emploi indique avec justesse qu’elle a travaillé du 25 mai au 26 septembre et qu’au cours de cette période, elle a accumulé 942 heures assurables, pour une rémunération assurable de 7 347,60 $.

 

Analyse

 

[205]  Après son arrivée au Canada en 1996, l’appelante n’a travaillé qu’une semaine avant d’être blessée dans un accident d’automobile qui l’a empêchée de travailler en 1997. Elle a commencé à travailler pour Gill Farms le 25 mai 1998. Elle a expliqué qu’elle avait commencé par creuser des trous dans lesquels devaient être fichées des perches de remplacement destinées à supporter les filets et qu’elle avait ensuite solidifié les perches en épandant du gravier à leur base. Elle a décrit d’autres tâches, telles que le désherbage et l’épandage de sciure et a expliqué qu’elle avait aussi coupé des branches mortes et réparé les fils métalliques servant à tenir les filets. Elle a expliqué qu’elle travaillait en compagnie de deux ou trois autres femmes pour installer le réseau de filets et a ajouté que tous les travailleurs étaient supervisés par Harmit Kaur Gill et Manjit Kaur Gill, qui travaillaient aussi avec elles. Elle participait aussi au démontage des filets à la fin de la saison et, bien qu’elle ne se souvienne pas du nombre exact de jours requis pour exécuter ces travaux, elle se souvient que l’installation et le démontage des filets exigeaient un temps considérable et que c’était un travail long et parfois pénible. L’appelante a affirmé qu’elle et Harbans Kaur Khatra prenaient place dans le même véhicule pour se rendre au travail et pour en revenir. Les feuilles de temps établies par Gill Farms indiquent qu’elles ont travaillé ensemble pendant 77 jours mais que, pour 49 des jours en question, l’appelante a travaillé une ou deux heures de moins que Mme Khatra. L’appelante n’a pas été en mesure d’expliquer cet écart, se contentant de dire que son fils passait « parfois » la prendre à la ferme pour la ramener à la maison et que les feuilles de paye de Gill Farms n’étaient probablement pas exactes. L’appelante a affirmé qu’on lui remettait une fiche de cueillette, mais pas chaque jour. Pourtant, lors de son entrevue aux bureaux de DRHC – avec Mme Turgeon, le 19 janvier 1999 – moins de quatre mois après sa mise en disponibilité, le 26 septembre 1998, elle a soutenu qu’on lui avait remis une fiche de cueillette chaque jour où elle avait travaillé et que les fiches étaient établies en double exemplaire, un pour elle et un pour l’employeur. L’appelante a affirmé ce qui suit à Mme Turgeon : [traduction] « Il fallait rendre les fiches lorsqu’on nous payait ». Au cours de son entrevue avec Mme Rai – agente des décisions – l’appelante a affirmé qu’elle était payée à l’heure, alors que lorsqu’elle avait rempli le questionnaire à l’intention de M. Keays, elle a expliqué qu’elle recevait une fiche de cueillette de Harmit chaque jour mais qu’elle ne s’en servait pas. Au procès, l’appelante a déclaré que les réponses qu’elle avait données à Mme Turgeon n’étaient pas exactes et qu’elle [traduction] « ne sa[vait] pas ce qui a[avait] pu sortir de [sa] bouche », prétextant qu’elle était bouleversée. Un retrait en espèces de 2 300 $ a été effectué peu de temps avant que son chèque de paye final ne soit déposé dans son compte. Il est évident que l’appelante n’est pas crédible sur beaucoup de points. De toute évidence, elle était rémunérée à la pièce pour cueillir des bleuets et elle se servait d’une fiche de cueillette pour comptabiliser sa production quotidienne. Elle est demeurée extrêmement vague sur les autres fonctions qu’elle prétend avoir exercées à la fin mai et en juin, sauf en ce qui concerne l’installation des filets.

 

[206]  M. Keays a expliqué qu’il avait alloué à l’appelante certaines heures, que l’on retrouve sur le calendrier – pièce R‑11, onglet 1, pages 21 à 24 – qu’il a établi lorsqu’il a élaboré sa thèse subsidiaire pour le cas où il serait par la suite jugé que l’appelante avait exercé un emploi assurable. Il a accepté qu’elle avait travaillé une journée de huit heures à ramasser des branches mortes le 25 mai et qu’elle avait consacré 16 heures à des travaux de binage et de désherbage les deux premiers jours de juin. Plus tard ce mois‑là, il lui a alloué huit heures pour les travaux liés aux conduites d’eau et il lui a accordé quatre jours – 32 heures – pour l’installation des filets. Il lui a alloué en tout 246 heures pour la cueillette de petits fruits en juillet et en août. Pour ce qui est du temps requis pour démonter les filets et pour la taille, il a estimé que l’appelante avait effectué 23 heures et qu’elle avait cessé de travailler le 12 septembre, étant donné qu’il était d’avis qu’elle n’avait plus aucun travail à effectuer après cette date.

 

[207]  Conformément à la formule précédemment élaborée, le Tribunal apportera les modifications suivantes aux conclusions de M. Keays. Le temps alloué (55 heures) pour l’installation et le démontage des filets est doublé – et porté à 110 heures – et huit heures sont ajoutées aux heures assurables de l’appelante pour les travaux qu’elle a effectués relativement au réseau d’irrigation. Le nombre d’heures alloué à la cueillette sera augmenté de 15 % et sera donc porté de 246 à 283 heures. La rémunération assurable sera augmentée en conséquence, sur la base d’un taux horaire de 7,50 $ majoré d’une indemnité de congés payés de 4 %.

 

Conclusion

 

[208]  L’appelante a exercé un emploi assurable auprès de Gill Farms du 25 mai au 12 septembre 1998 et au cours de cette période, elle a accumulé 425 heures pour une rémunération assurable de 3 315 $.

 

Gurdev Singh Gill

 

Recueil de documents applicable : pièce R‑3.

 

Thèse de l’intimé

 

[209]  Le ministre a admis que l’appelant exerçait un emploi assurable auprès de Gill Farms en 1998 et qu’il avait travaillé 108 heures assurables et avait accumulé une rémunération assurable de 871,56 $.

 

Thèse de l’appelant

 

[210]  L’appelant se fonde sur les renseignements indiqués sur son relevé d’emploi suivant lesquels il a été employé du 2 août au 12 septembre 1998, période au cours de laquelle il a travaillé 324 heures assurables et accumulé une rémunération assurable de 2 614,68 $.

 

Analyse

 

[211]  Le témoignage que l’appelant a donné au sujet de divers aspects de son emploi pour Gill Farms contredisait à plusieurs égards ses déclarations antérieures sur les mêmes questions. Il a donné plusieurs versions différentes des faits au sujet de la façon dont il se rendait au travail et sur le nombre de passagers à bord du véhicule, et ce, à son entrevue aux bureaux de DRHC, dans le questionnaire qu’il a fait parvenir à M. Keays et, enfin, au procès. Gurdev Singh Gill a affirmé qu’il était rémunéré à l’heure pour cueillir des petits fruits et qu’il avait préféré ce mode de rétribution à la rémunération à la pièce malgré le fait que Hakam Singh Gill lui avait donné le choix. Il a affirmé que des fiches de cueillette étaient remises aux employés, mais pas tous les jours, et que les fruits n’étaient pas pesés chaque jour. Lors de son interrogatoire préalable, l’appelant a expliqué que lui et son épouse – Surinder Kaur Gill – utilisaient la même fiche de cueillette et que lorsque le contenant plein était remis à Manjit Kaur Gill, cette dernière le pesait et inscrivait le chiffre approprié sous leur nom de famille. Au procès, l’appelant a soutenu que sa femme et lui avaient des fiches distinctes – lorsqu’on leur en remettait une – et qu’il avait probablement mal compris les questions posées lors de son interrogatoire préalable. Lors de son entrevue aux bureaux de DRHC, l’appelant avait dit à Mme Turgeon qu’il recevait une fiche de cueillette chaque jour et que son nom était inscrit sur chaque fiche. Il a expliqué : [traduction] « C’est comme une fiche de présence où ils inscrivaient mon heure d’arrivée et mon heure de départ ». Au procès, l’appelant a essayé d’expliquer que, ce qu’il avait voulu dire, c’était que l’heure à laquelle il arrivait et celle à laquelle il partait étaient inscrites chaque jour mais pas nécessairement sur une fiche de cueillette. Comme tous les autres appelants, il s’en est tenu jusqu’à la fin à son affirmation qu’il était payé à l’heure et non à la pièce pour cueillir des petits fruits. Dans son témoignage, l’appelant a expliqué qu’il avait donné un coup de main pour le démontage des filets, mais qu’il n’avait pas participé à leur installation étant donné qu’il n’avait commencé à travailler pour Gill Farms que le 2 août. Pourtant, lorsque Harby Rai l’a interrogé – en punjabi – le 19 août 1999, il a expliqué comment il avait aidé à l’installation des filets et comment lui et d’autres travailleurs avaient remplacé les vieilles perches et avaient grimpé dans une échelle pour dérouler les filets. Il a expliqué qu’avant de cueillir des bleuets, ils avaient « d’abord » dû installer les filets pour empêcher les oiseaux de manger les baies. Mme Rai a témoigné que les explications de l’appelant n’étaient pas logiques, étant donné que les filets avaient été installés en juin. Elle était donc revenue sur ce point à trois reprises, et l’appelant avait chaque fois soutenu qu’il avait participé à l’installation des filets. Au procès, l’appelant a offert les mêmes excuses boiteuses – bien qu’inventives – en affirmant que Mme Rai ne parlait pas couramment le punjabi et qu’elle avait mal saisi le sens du verbe punjabi qui peut vouloir dire à la fois « monter » et « démonter ». Il ressort à l’évidence des échanges survenus entre Mme Rai et l’appelant que ce dernier n’était pas dans la confusion et qu’il cherchait plutôt à donner l’impression qu’une partie de ses fonctions pour Gill Farms consistait à participer à l’installation des filets. Au cours de son entrevue aux bureaux de DRHC, l’appelant a affirmé qu’il travaillait sept jours par semaine.

 

[212]  M. Keays – pour élaborer le raisonnement à la base de la thèse subsidiaire du ministre – a examiné les données pertinentes applicables à Gurdev Singh Gill et il a établi un calendrier – pièce R‑3, onglet 1, pages 23 et 24 – sur lequel il a accordé à l’appelant certaines heures de travail conformément à la méthodologie qu’il avait mise au point comme modèle pour les travailleurs qui n’étaient pas des personnes liées à l’employeur. Il a alloué 81 heures pour la cueillette des petits fruits en août et il a accordé en tout 27 heures pour trois journées de neuf heures en septembre pour le démontage des filets et la taille. Pour le cas où il serait jugé que l’appelant exerçait un emploi assurable, M. Keays a estimé qu’il avait accumulé 108 heures assurables et une rémunération assurable de 871,56 $ sur la base d’un taux horaire de 7,50 $ et d’une indemnité de congés payés de 7,6 %.

 

[213]  Au vu des éléments de preuve se rapportant à l’appelant et conformément à la formule retenue, le nombre d’heures assurables accumulées pour la cueillette des petits fruits est augmenté de 15 % et est porté à 93. Ainsi qu’il a déjà été décidé au sujet des tâches associées au réseau de filets, les heures allouées à ce travail sont doublées, passant de 27 à 54. La rémunération assurable de l’appelant sera augmentée en conséquence.

 

Conclusion

 

[214]  L’appelant a exercé un emploi assurable auprès de Gill Farms du 3 août au 12 septembre 1998 et a accumulé au cours de cette période 147 heures assurables et une rémunération assurable de 1 186,29 $.

 

Santosh Kaur Makkar

 

Recueil de documents applicable : pièce R‑10.

 

Thèse de l’intimé

 

[215]  Le ministre a admis que l’appelante exerçait un emploi assurable auprès de Gill Farms en 1998 et qu’elle a accumulé 117 heures assurables et une rémunération assurable de 912,60 $.

 

Thèse de l’appelante

 

[216]  L’appelante affirme qu’elle a travaillé du 2 août au 26 septembre 1998 et qu’au cours de cette période, elle a accumulé 421 heures assurables pour une rémunération assurable de 3 283,80 $.

 

Analyse

 

[217]  Plus tôt au cours de l’année 1998, l’appelante avait été engagée par Berry Haven/Penny’s Farm. Elle a expliqué qu’après que Penny’s Farm l’eut mise en disponibilité, elle a appris que Gill Farms était à la recherche de cueilleurs. Gill Farms les a embauchés, elle et son mari – Himmat Singh Makkar –, le même jour et ils ont travaillé ensemble jusqu’à ce que son mari soit mis en disponibilité le 12 septembre. Conformément à un engagement pris à son interrogatoire préalable, l’appelante a signé une déclaration – pièce R‑10, onglet 1 – dans laquelle elle admettait qu’au cours de leur emploi, Gill Farms leur avait remis, à elle et à son mari, des fiches de cueillette, que c’était son mari qui s’en occupait, et que ces fiches avaient probablement été perdues au cours de leurs déménagements successifs. Dans son témoignage, l’appelante a maintenu qu’elle était payée à l’heure pour cueillir des petits fruits même si des fiches de cueillette leur étaient remises – chaque jour – à elle et à son mari. L’appelante a expliqué que parfois son mari finissait de travailler avant elle – entre 30 et 45 minutes plus tôt qu’elle – et qu’il s’assoyait pour l’attendre pour qu’ils puissent rentrer ensemble à la maison. Les feuilles de temps établies par Gill Farms indiquent que l’appelante et son mari se sont vu allouer exactement huit heures pour chacune des journées de leur période d’emploi respective. L’appelante a décrit les diverses tâches qu’elle avait effectuées une fois la récolte du bleuet terminée : elle a notamment coupé des branches mortes, épandu de la sciure, lavé les seaux, enlevé les herbes sèches et épandu de la sciure – à la main – en la déposant près de la racine des bleuetiers. Elle a expliqué qu’il arrivait souvent qu’on effectue plusieurs tâches différentes au cours de la même journée et qu’elle ne se rappelait pas le nom des autres personnes qui effectuaient aussi ces tâches, sauf Harmit Kaur Gill, Manjit Kaur Gill et Hakam Singh Gill. Elle a expliqué que, comme elle n’avait travaillé à cet endroit que peu de temps, elle n’avait pas créé de liens d’amitié avec ses compagnons de travail. L’appelante a estimé qu’elle cueillait entre 200 et 250 livres de fruits par jour et que son mari en cueillait environ 200 livres. Elle ne pouvait expliquer la différence entre le taux horaire – 7,50 $ – qu’elle touchait et celui – 8 $ – que son mari recevait, ni la raison pour laquelle son mari avait été mis en disponibilité deux semaines avant elle. La thèse des avocates de l’intimé était que les éléments de preuve relatifs à certaines des opérations relatives à l’appelante et à son mari permettaient d’inférer que la somme de 2 200 $ qui avait été retirée en espèces de leur compte avait servi à rembourser la famille Gill pour permettre à l’appelante d’obtenir son relevé d’emploi. Lors de son entrevue aux bureaux de DRHC, l’appelante a nié avoir remboursé de l’argent à la famille Gill au sujet de son emploi mais a ensuite ajouté – spontanément – que, lorsqu’elle avait travaillé pour Penny’s Farm, certaines des heures travaillées par son fils lui avaient été allouées à elle – sur son relevé d’emploi.

 

[218]  Le témoignage de l’appelante manque de crédibilité à de nombreux égards. De toute évidence, elle était rétribuée à la pièce et se servait de fiches de cueillette pour comptabiliser sa production. En revanche, sa description des diverses tâches exécutées le même jour après la fin de la récolte des petits fruits était probablement exacte et elle s’accorde certainement davantage avec l’opinion générale de M. Keays – formulée dans son rapport – au sujet de la nature du travail qui a été effectivement accompli à ce moment‑là de la saison.

 

[219]  Voici ce qu’a écrit M. Keays dans son rapport au sujet de l’appelante et de son mari : [traduction] « Les déclarations et les réponses de la travailleuse et de son mari sont dénuées de toute crédibilité. Il est impossible de connaître la vérité dans le cas présent ». Envisageant la possibilité que l’emploi de l’appelante puisse s’avérer assurable, M. Keays a établi un calendrier – pièce R‑10, onglet 2, pages 27 et 28 – dans lequel il a alloué 96 heures pour la cueillette des petits fruits en août et 21 heures en septembre pour le démontage des filets et la taille. Il a estimé que la rémunération assurable de l’appelante – y compris une indemnité de congés payés de 4 % – s’établissait à 912,60 $.

 

[220]  Suivant la formule établie, le temps que l’appelante a consacré à la cueillette sera augmenté – de 15 % – et ses heures seront donc portées de 96 à 110 et le temps qui lui a été alloué pour le démontage des filets sera doublé, passant de 21 à 42 heures. Il s’ensuit que le total des heures assurables est porté à 152 et que la rémunération assurable de l’appelante est augmentée en conséquence.

 

Conclusion

 

[221]  L’appelante a exercé un emploi assurable auprès de Gill Farms du 3 août au 12 septembre 1998 et elle a, au cours de cette période, accumulé 152 heures assurables et une rémunération assurable de 1 185,60 $.

 

Surinder Kaur Gill : (Appel 2002‑2115(EI))

 

Recueil de documents applicable : pièce R‑6

 

Thèse de l’intimé

 

[222]  Le ministre a admis que l’appelante avait exercé un emploi assurable auprès de Gill Farms en 1998 et qu’elle avait travaillé 108 heures assurables et accumulé une rémunération assurable de 871,56 $.

 

Thèse de l’appelante

 

[223]  Se fondant sur les renseignements contenus dans son relevé d’emploi, lappelante affirme qu’elle a travaillé du 2 août au 26 septembre 1998 et qu’au cours de cette période, elle a accumulé 324 heures assurables et une rémunération assurable de 2 614,68 $.

 

Analyse

 

[224]  Le témoignage que l’appelante a donné au sujet de son transport pour se rendre à la ferme et pour en revenir et des heures de début et de fin du travail et d’autres questions connexes serait utile s’il avait été conclu qu’à l’instar d’autres travailleurs, elle était rémunérée à l’heure et non à la pièce pour cueillir des petits fruits. Au cours de son entrevue avec Mme Rai – l’agente des décisions – l’appelante a affirmé – à plusieurs reprises – qu’elle et son mari avaient installé les filets avant de commencer à cueillir des bleuets. Mme Rai était au courant que les filets avaient été installés en juin et que l’appelante n’avait commencé à travailler pour Gill Farms que le 2 août, de sorte que cette affirmation ne tient pas debout. Au cours du processus qui a mené à sa décision, Mme Rai a relevé diverses contradictions – qu’elle a signalées dans son témoignage au procès – au sujet des heures et des jours que l’appelante prétendait avoir travaillés. Suivant la preuve, l’appelante et son mari – Gurdev Singh Gill – ont retiré une somme d’argent importante le jour même du dépôt de leur dernier chèque de paye. Interrogée à savoir si elle avait remboursé de l’argent en espèces aux membres de la famille Gill en échange de « semaines » (sur son relevé d’emploi), l’appelante a répondu qu’elle n’était pas au courant et que [traduction] « [son] mari s’occupait de tout » et que [traduction] « les hommes s’occupaient de toutes ces questions ». L’appelante a estimé qu’elle cueillait en moyenne 200 livres de bleuets par jour en 1998 mais qu’en 2005, en raison des rendements accrus et de l’introduction de nouvelles variétés, elle arrivait à cueillir 300 livres par jour en haute saison. Au procès, l’appelante a expliqué qu’elle n’avait pas participé à l’installation des filets, mais qu’elle avait donné un coup de main lors de leur démontage. À son interrogatoire préalable, il est ressorti de plusieurs de ses réponses qu’elle et son mari partageaient le même seau lorsqu’ils cueillaient des fruits et que leur production conjointe était comptabilisée sur la même fiche de cueillette. Au procès, elle a refusé de confirmer si ces réponses étaient exactes et elle a expliqué qu’elle n’avait pas voulu donner cette impression et qu’elle voulait dire qu’elle et son mari avaient chacun une fiche de cueillette et que son mari conservait sur lui la fiche de sa femme pendant toute la journée.

 

[225]  M. Keays a établi un calendrier – pièce R‑6, onglet 1, pages 23 et 24 – dans lequel il a alloué 81 heures pour la cueillette des petits fruits en août, auxquelles il a ajouté 27 heures assurables – sur trois jours – pour le démontage des filets et la taille effectués en septembre. M. Keays a estimé que, si l’emploi de l’appelante était assurable, elle avait accumulé 108 heures et avait une rémunération assurable de 871,56 $, y compris une indemnité de congés payés de 7,6 %.

 

[226]  Suivant ici aussi la formule relative au temps de cueillette, je conclus que l’appelante a droit à une augmentation du temps qu’elle a consacré à la cueillette – de 15 %. Les heures qu’elle a consacrées à la cueillette seront portées de 81 à 93 et le temps que M. Keays lui a alloué pour le démontage des filets sera doublé, passant de 27 à 54 heures. Il s’ensuit que le total des heures assurables est porté à 147 et que la rémunération assurable de l’appelante est augmentée en conséquence.

 

Conclusion

 

[227]  L’appelante a exercé un emploi assurable auprès de Gill Farms du 3 août au 12 septembre 1998 et elle a, au cours de cette période, travaillé 147 heures assurables et accumulé une rémunération assurable de 1 186,29 $.

 

[228]  Au sujet des appelants qui n’étaient pas des personnes liées à l’employeur, le ministre a décidé que l’emploi que chacun d’entre eux avait exercé auprès de Gill Farms n’était pas assurable parce qu’il s’agissait d’un emploi exclu au sens de la LAE. Dans l’exercice de ses fonctions d’agent des appels, M. Keays a consulté des hauts fonctionnaires de l’ADRC et a obtenu la permission d’agir de manière à élaborer une méthodologie d’après les éléments d’information dont il disposait et à formuler ainsi une thèse subsidiaire pour calculer le nombre d’heures assurables et la rémunération assurable. De toute sa carrière, M. Keays n’avait jamais rencontré une situation semblable. Dans chacune des décisions qu’il a prises au sujet des appelants qui n’étaient pas des personnes liées, le ministre a poursuivi en précisant – à titre subsidiaire – que, si l’emploi était considéré comme étant un emploi sans lien de dépendance, le ministre avait déterminé le nombre d’heures assurables pertinent ainsi que la rémunération assurable totale correspondante. Même si elle ne s’applique pas précisément à la question, la décision Minister of National Revenue v. Schnurer Estate, 208 N.R. 339 de la Cour d’appel fédérale portait sur ce qu’on appelait à l’époque le règlement d’une question par lequel le ministre avait conclu, tout d’abord, que M. Schnurer et son employeur avaient entre eux un lien de dépendance et que, par conséquent, l’emploi de M. Schnurer était un « emploi exclu » au sens de la Loi sur l’assurance‑chômage. Le ministre avait conclu en second lieu que M. Schnurer n’avait pas été embauché en vertu d’un contrat de louage de services au sens de l’alinéa 3(1)a) de la loi en question. Le ministre interjetait appel par voie de demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle j’avais déclaré – en tant que juge de première instance – que le ministre ne pouvait faire valoir que son règlement s’appuie sur deux dispositions de la Loi parce que, essentiellement, un tel règlement exige des conclusions de fait s’excluant mutuellement. J’avais également enjoint au ministre de réexaminer sa position et, avant de faire entendre sa preuve, de préciser celui des deux motifs énoncés dans le règlement sur lequel il entendait s’appuyer. Lorsqu’il a fait droit à la demande de contrôle judiciaire, le juge en chef Isaac – qui s’exprimait au nom de la Cour – a écrit ce qui suit, aux paragraphes 17 et 18 de son jugement :

[17] Dans une procédure d’appel, le juge suppléant de la Cour de l’impôt est tenu d’examiner la validité du règlement du ministre en s’appuyant sur toutes les observations formulées par les parties. Le règlement du ministre s’appuie sur les faits présumés tels qu’ils sont énoncés dans la réponse de la requérante à l’avis d’appel. Ces faits, s’ils ne sont pas réfutés, peuvent amener la Cour de l’impôt à conclure en appel que l’emploi de M. Schnurer n’était pas assurable soit parce que M. Schnurer n’était pas un employé visé par un contrat de louage de services (alinéa 3(1)a)) soit parce que la nature du lien entre M. Schnurer et la société payeuse, même dans le cadre d’un contrat de louage de services, était telle que ce contrat n’était pas à peu près semblable à un contrat conclu entre des parties non liées et que cet emploi devrait donc demeurer « un emploi exclu » (alinéa 3(2)c)). La décision du juge suppléant de la Cour de l’impôt sur la question préliminaire de droit, toutefois, empêcherait la Cour de l’impôt de se prononcer sur tous les points de fait et de droit nécessaires pour évaluer la validité du règlement de la question par le ministre lorsque l’appel fondé sur l’article 70 sera entendu. Pour ces motifs, je suis d’avis que le juge suppléant de la Cour de l’impôt a commis une erreur de droit en concluant que la requérante ne pouvait défendre la manière dont le ministre a réglé la question en s’appuyant sur ces deux motifs subsidiaires.

[18] En arrivant à cette conclusion, je suis bien conscient que, en raison de la décision de la présente Cour dans Tignish, précité, les deux motifs invoqués par le ministre en l’espèce doivent être évalués selon des normes de révision différentes. Dans l’arrêt Tignish, précité, la Cour a conclu que, lorsqu’un employeur et un employé sont des personnes liées, le règlement de la question par le ministre fondé sur le sous‑alinéa 3(2)c)(ii) selon lequel ils n’auraient pas conclu un contrat de louage de services semblable s’il n’y avait pas eu de lien entre eux, est une décision discrétionnaire assujettie à une norme de révision élevée dans une procédure d’appel devant la Cour de l’impôt. Essentiellement, si le ministre a accordé suffisamment de poids à tous les facteurs pertinents ayant trait au lien d’emploi, la Cour de l’impôt ne peut en toute liberté annuler la décision du ministre aux termes du sous‑alinéa 3(2)c)(ii) simplement parce qu’elle en serait venue à une conclusion différente. La décision du ministre en vertu de l’alinéa 3(1)a), par ailleurs, est une décision quasi judiciaire, et est donc assujettie à une révision de novo de la part de la Cour de l’impôt. Les normes de révision différentes qui s’appliquent à ces articles, toutefois, n’empêchent aucunement la requérante de s’appuyer, subsidiairement, sur ces deux motifs pour justifier le règlement du ministre. Dans une affaire de cette nature, le rôle de la Cour de l’impôt consiste à revoir l’ensemble de la preuve et à examiner toutes les observations formulées par les parties afin d’évaluer la validité du règlement du ministre, en tenant compte des normes de révision différentes qui s’appliquent aux motifs subsidiaires invoqués.

 

[229]  Dans l’affaire Schnurer, le ministre invoquait deux motifs différents pour justifier sa conclusion que l’emploi en question n’était pas assurable. Dans le cas qui nous occupe, chacune des décisions prises au sujet des travailleurs qui n’étaient pas des personnes liées est assortie d’une conclusion subsidiaire qui repose sur la possibilité que la Cour conclue par la suite (ou encore que le ministre reconnaisse) que l’emploi en cause était assurable. La thèse subsidiaire développée dans chacune de ces décisions était formulée d’une manière qui était compatible avec la pratique normalement suivie en matière de procédure et elle était englobée dans chacune des réponses à chacun des avis d’appel déposés par les travailleurs qui n’étaient pas des personnes liées.

 

[230]  Les présents appels interjetés des décisions du ministre sont fondés sur le paragraphe 103(1) de la LAE. La compétence de la Cour relativement à ce type d’appel est énoncée au paragraphe 103(3), qui dispose :

 

(3) Sur appel interjeté en vertu du présent article, la Cour canadienne de l’impôt peut annuler, confirmer ou modifier la décision rendue au titre de l’article 91 ou 92 ou, s’il s’agit d’une décision rendue au titre de l’article 92, renvoyer l’affaire au ministre pour qu’il l’étudie de nouveau et rende une nouvelle décision  [...]

 

[231]  Comme les présents appels visent des décisions prises par le ministre en vertu de l’article 91, il n’est pas loisible à la Cour de renvoyer l’affaire au ministre, contrairement à ce qui serait le cas s’il s’agissait de décisions rendues au titre de l’article 92. Ainsi, si M. Keays n’avait pas pris le parti d’élaborer une thèse subsidiaire relativement aux décisions visant chacun des appelants qui n’étaient pas des personnes liées, j’aurais été obligé de tout reprendre pratiquement depuis le début, en me fondant sur les éléments de preuve dont je dispose, et notamment sur le rapport et le témoignage de MM. Blatchford et Sweeney, pour mettre au point une méthode permettant de calculer le nombre d’heures d’emploi assurables et la rémunération assurable dans le cas des appelants dont l’emploi a été jugé assurable. Il s’est avéré que, dans la semaine qui a suivi la fin du présent procès, le ministre a abandonné la thèse principale sur laquelle il s’était jusqu’alors fondé au sujet de la question du lien de dépendance. Du coup, la méthodologie élaborée par M. Keays a gagné en importance et je m’en suis inspiré pour examiner l’ensemble des éléments de preuve se rapportant à la question des heures d’emploi assurables et de la rémunération assurable pour ce qui est de chacun des appelants qui n’étaient pas des personnes liées.

 

[232]  Je suis convaincu que la procédure suivie par le ministre dans le cas des appelants qui n’étaient pas des personnes liées était pratique et extrêmement utile en l’espèce. Ce n’est pas parce que le ministre a évoqué une thèse subsidiaire (entendue au sens de thèse contraire) dans le cadre de sa décision – au lieu de se contenter d’envisager cette possibilité plus tard lors de la rédaction d’actes de procédure ultérieurs – que sa thèse principale suivant laquelle l’emploi de chacun des appelants qui n’étaient pas des personnes liées n’était pas assurable s’en trouve nécessairement viciée. Le fait que le ministre a complété ainsi sa pensée en développant une thèse subsidiaire n’a eu aucune incidence sur le bien‑fondé de sa décision; cette thèse subsidiaire n’est entrée en jeu que lorsque le ministre a abandonné sa conclusion principale au terme d’un long procès au cours duquel tous les aspects de la preuve se rapportant à la question de l’existence ou de l’absence d’un lien de dépendance chez tous les appelants – tant ceux qui étaient membres de la famille que ceux qui n’en faisaient pas partie – ont été examinés à fond.

 

[233]  Le témoignage de l’expert – Charan Gill – a permis d’apprendre que le travail des ouvriers agricoles n’est pas facile. Les journées sont longues et, si l’on compte le temps de déplacement pour se rendre à la ferme et pour en revenir, elles peuvent compter jusqu’à douze heures. Suivant Charan Gill, ce n’est que pendant les quelques semaines où la saison bat son plein qu’un cueilleur de petits fruits peut s’attendre à gagner plus que le salaire horaire minimum. D’après son expérience, un travailleur agricole peut gagner en moyenne cinq dollars l’heure sur l’ensemble de la saison et ce, en tenant compte des heures de travail effectuées au début et à la fin de la saison, lorsque certaines tâches sont rémunérées à l’heure au salaire minimum prescrit par la législation provinciale. Par ailleurs, selon la méthode d’établissement des heures d’emploi assurable prévue au paragraphe 10(5) du Règlement, en l’absence de preuve des heures travaillées en temps supplémentaire ou en surplus de l’horaire régulier, le nombre maximum d’heures d’emploi assurable qu’une personne est réputée avoir travaillées est de sept heures par jour sans dépasser 35 heures par semaine. Il s’ensuit que le cueilleur rémunéré à la pièce peut gagner à peine 60 $ par jour, ou 420 $ par période de sept jours de travail, mais, pour ce faire il doit passer au moins 70 heures dans les champs. Ainsi que Charan Gill l’a expliqué, la pratique suivie par les producteurs dans l’industrie du petit fruit est de convertir le revenu brut en heures de travail en divisant ce chiffre par le salaire horaire minimum, de sorte que l’on n’inscrit pas les heures effectivement travaillées par le cueilleur dans les livres de paye mais des journées de sept ou de huit heures. En suivant cette méthode, les producteurs n’ont jamais besoin de payer leurs ouvriers au taux de rémunération des heures supplémentaires prévu par la législation provinciale, lequel taux – en 1998 – ne s’appliquait que si le nombre d’heures effectuées par le travailleur agricole dépassait 120 au cours de toute période de deux semaines. Par suite du nouveau règlement provincial qui est entré en vigueur en 2001, un travailleur agricole ne peut être rémunéré au taux des heures supplémentaires tant qu’il n’a pas accumulé 200 heures au cours d’une période de deux semaines. Charan Gill a expliqué que lorsqu’elle oeuvrait activement en tant que groupe de travail conjoint fédéral‑provincial, l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole avait eu un impact considérable sur l’industrie et que plusieurs producteurs avaient été accusés de diverses infractions pour avoir enfreint les lois ou règlements fédéraux ou provinciaux applicables. Par ailleurs, l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole sensibilisait et informait les producteurs et les travailleurs agricoles au sujet des bonnes méthodes à suivre et le représentant provincial désigné par la direction provinciale des normes d’emploi s’occupait aussi des questions de sécurité. Mme Turgeon croyait que l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole existait toujours, ce qui aurait surpris Charan Gill, qui a déclaré qu’il croyait que ce groupe avait été démantelé. Je suppose que l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole existe toujours, en théorie, et que des personnes travaillant pour certains ministères ou organismes sont peut‑être encore affectées à cette équipe – théoriquement – et que l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole a toujours son siège – et un numéro de téléphone – quelque part dans un petit local partagé, mais je n’ai pas entendu parler au cours des trois ou quatre dernières années de cas d’assurance‑emploi où l’Équipe de vérification de la conformité en milieu agricole aurait procédé à des inspections à l’improviste dans une ferme de la Colombie‑Britannique.

 

[234]  Dans le contexte, il est difficile pour un travailleur agricole d’accumuler suffisamment d’heures assurables au cours d’une saison relativement courte pour être admissible à des prestations d’assurance‑chômage à la suite de sa mise en disponibilité. Les montants accumulés au cours de la saison oscillent habituellement entre 3 000 $ et 8 000 $, même dans le cas des personnes qui cumulent plusieurs emplois, et c’est surtout dans l’espoir de retirer des prestations d’assurance‑chômage après leur mise en disponibilité que les gens font ce genre de travail. Les jeunes gens de la collectivité indo‑canadienne ne sont plus prêts à travailler à la pièce et, s’ils acceptent un travail agricole, c’est dans une conserverie, une pépinière ou une entreprise agricole qui non seulement les paye à l’heure – habituellement au salaire minimum – mais leur remet un chèque de paye aux deux semaines au lieu d’attendre que la saison soit terminée pour payer la plus grande partie des salaires dus aux travailleurs. Les producteurs maintiennent que les forces du marché libre et une concurrence féroce avec les producteurs des États‑Unis ont eu pour effet de réduire leur marge de profit comme une peau de chagrin. Dans l’ensemble, le marché du travail agricole est un milieu propice à l’exploitation. Dans l’industrie, dans le Lower Mainland, les travailleurs agricoles achètent carrément des relevés d’emploi ou remettent un certain montant en espèces à l’employeur en échange de relevés d’emploi dont les heures travaillées, la période d’emploi, le taux de rémunération horaire, le pourcentage de l’indemnité de congés payés et le montant total de la rémunération sont gonflés, exagérés, dénaturés et manipulés. On n’informe pas les travailleurs, qui se contentent de rester dans l’ignorance étant donné qu’ils peuvent alors prétendre que tout est de la faute de leur employeur, de DRHC, de l’ADRC ou de quelqu’un d’autre. Ils se bornent à répéter – comme s’il s’agissait d’un mantra – « Je ne suis pas au courant. Tout ce que je sais, c’est que j’ai travaillé très fort ». Il a été extrêmement difficile de faire comprendre aux appelants que c’est à eux qu’il incombe de démontrer – selon la prépondérance des probabilités – que l’emploi qu’ils ont exercé auprès de Gill Farms était un emploi assurable au sens des dispositions de la LAE. L’intimé n’était nullement tenu de prouver que l’un ou l’autre des appelants avait remboursé de l’argent à l’un des membres de la famille Gill au sujet de son emploi en 1998. L’ensemble de la preuve appuie indiscutablement la thèse du ministre qu’il y avait anguille sous roche du fait que certains retraits en espèces effectués par plusieurs des appelants à la fin de la saison coïncidaient – ou presque – avec la délivrance d’un relevé d’emploi au travailleur concerné ou à son conjoint. En 1998, le total déposé dans le compte commercial de Gill Farms tournait autour de 60 000 $, ce qui excède le total des montants dont il a été démontré qu’ils étaient imputables aux revenus agricoles, aux prêts consentis par des membres de la famille et des amis ou aux capitaux injectés par Hakam Singh Gill et Rajinder Singh Gill sur leurs chèques de paye ou leurs autres revenus provenant d’autres sources que l’agriculture.

 

[235]  Le montant des chèques de paye établis par Gill Farms à l’ordre de l’un ou l’autre des appelants ne remplit pas nécessairement les conditions requises pour être automatiquement considéré comme faisant partie de la rémunération assurable générale et ce, même si ces chèques étaient déposés directement dans le compte bancaire de l’intéressé. Ainsi que je l’ai fait observer dans le jugement Kang, précité, au paragraphe 429 :

 

  [TRADUCTION] Il est indéniable que la banque a compensé deux chèques totalisant 6 500 $ tirés sur le compte bancaire de SRC. Toutefois, la rémunération assurable ne se calcule pas uniquement en fonction de l’argent reçu d’une personne qui s’avère être un employeur pendant une certaine période; le paiement doit se rapporter à l’emploi en question [...]

 

 

[236]  Dans les présents appels, tout comme dans l’affaire Kang, la qualité de l’interprétation effectuée par le personnel de DRHC qui parlait le punjabi et par Mme Rai – l’agente des décisions – était appropriée dans les circonstances et je suis convaincu qu’il n’y a pas eu de grave problème de communication entre les appelants et les personnes chargées de faire enquête sur leurs demandes de prestations d’assurance‑chômage. Les appelants semblaient avoir l’impression d’avoir été sélectionnés et ciblés en vue d’être harcelés par DRHC et l’ADRC. Selon l’évaluation que je fais de la situation, les fonctionnaires de DRHC et de l’ADRC ont été patients et consciencieux et se sont montrés disposés à recevoir tout élément d’information pertinent susceptible d’étayer la thèse de l’un ou l’autre des appelants pour confirmer l’exactitude du relevé d’emploi établi par Gill Farms au sujet de leur emploi.

 

[237]  Chaque année au Canada, le nombre de relevés d’emploi délivrés par des employeurs à leurs employés dépasse le million. À tout moment, environ 800 000 personnes touchent des prestations d’assurance‑chômage et, en raison de la situation de notre pays et du rude climat qui existe dans de nombreuses régions, un pourcentage élevé de travailleurs occupent des emplois saisonniers. Les employeurs remettent systématiquement des relevés d’emploi aux travailleurs qui sont mis en disponibilité, et ces travailleurs peuvent se fier aux renseignements que ces relevés contiennent s’ils ont besoin de demander des prestations d’assurance‑chômage. Si tout est en règle, le montant approprié de prestations à verser est calculé conformément à la loi et à la politique en vertu de laquelle le régime de l’assurance‑chômage ou de l’assurance‑emploi est appliqué, et des chèques sont émis pour une période d’admissibilité déterminée. On frémit à la pensée des conséquences désastreuses qu’entraînerait pour le Trésor fédéral la nécessité d’entreprendre chaque fois le même processus laborieux que celui auquel il a fallu s’astreindre pour statuer sur le cas de chacun des appelants en l’espèce pour en arriver à une décision au sujet de la légitimité de l’emploi de chaque d’entre eux et pour calculer, le cas échéant, le nombre exact d’heures assurables travaillées ainsi que la rémunération assurable totale en se fondant sur des documents de l’employeur qui ne sont pas fiables et sur des renseignements contradictoires, incomplets, vagues ou – pis encore – carrément faux fournis par les travailleurs au sujet de leur emploi.

 

[238]  Je tiens à remercier les avocates de l’intimé pour la façon méthodique et compétente dont elles ont présenté leur preuve et organisé leurs pièces – y compris les recueils de documents qui ont été versés au dossier – facilitant ainsi grandement le déroulement du procès. Je suis persuadé que chacun des appelants a eu l’avantage de prendre connaissance de tous les renseignements pouvant avoir une incidence sur son appel. Dans leurs arguments écrits, les avocates ont cité expressément des extraits des témoignages, ainsi que des pièces et des résumés des éléments de preuve applicables à chacun des appelants. Les pièces versées au dossier renfermaient aussi des éléments d’information au sujet des dates pertinentes ainsi que des calculs des montants et des chiffres importants. Dans l’ensemble, la présentation des pièces pertinentes était bien structurée et elle m’a grandement facilité la rédaction des présents motifs.

 

[239]  La qualité de l’interprétation de l’anglais au punjabi et du punjabi à l’anglais et de la traduction effectuée par Russell Gill du début à la fin – et par Kasmir Gill à une occasion – était excellente et leurs services professionnels étaient essentiels.

 

[240]  Ronnie Gill – la représentante des appelants et des intervenants – est une comptable en management accréditée (CMA). Elle a représenté les parties à compter de l’étape des appels jusqu’à la fin du présent procès. À de nombreuses reprises, elle a, avant l’introduction du présent procès, comparu devant le juge Little en ce qui a trait à diverses requêtes, à des audiences sur l’état de l’instance, à la gestion de l’instance, aux dates du présent procès et à des questions connexes. Elle n’avait toutefois pas d’expérience en salle d’audience. Heureusement, elle a appris rapidement. Je suis convaincu que, grâce au travail qu’elle a effectué en leur nom, les intervenants et les appelants ont bien été représentés au cours de ce procès.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 16e jour de juin 2006.

 

 

 

« D.W. Rowe »

Le juge suppléant Rowe

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de février 2007.

 

Sara Tasset


RÉFÉRENCE :  2006CCI149

 

No DES DOSSIERS DE LA COUR :  2001‑2098(EI), 2001‑2100(EI), 2001‑2101(EI), 2001‑2115(EI), 2001‑2116(EI), 2001‑2117(EI), 2001‑2118(EI), 2001‑2120(EI), 2001‑2121(EI), 2001‑2125(EI)

 

 

INTITULÉ :  Gurdev S. Gill, Manjit K. Gill, Harmit K. Gill, Surinder Kaur Gill, Surinder K. Gill, Santosh K. Makkar, Jarnail K. Sidhu, Harbans K. Khatra, Himmat S. Makkar, Gyan K. Jawanda et M.R.N. et Rajinder Singh Gill et Hakam Singh Gill, faisant affaire sous le nom de R & H Gill Farms

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATES DE L’AUDIENCE :  durant 24 jours, entre le 4 juillet et le 19 septembre 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT :  L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT :  le 16 juin 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Représentante des appelants :

Ronnie Gill

 

Avocates de l’intimé :

Me Amy Francis

Me Shawna Cruz

 

Représentante des intervenants : Ronnie Gill

 

 

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

  Pour les appelants :

 

  Nom : 

 

  Cabinet :

 

  Pour l’intimé :  John H. Sims, c.r.

  Sous‑procureur général du Canada

  Ottawa (Ontario)

 

  Pour les intervenants :

 

 

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