Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2002‑4796(IT)G

ENTRE :

CROWN FOREST INDUSTRIES LIMITED,

à l'égard de FLETCHER CHALLENGE HOLDINGS (CANADA) LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appels entendus sur preuve commune avec l'appel de Crown Forest Industries Limited (2003‑364(IT)G), à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 21 septembre 2005.

 

Devant : l'honorable juge J. E. Hershfield

 

Comparutions :

 

 

Avocats de l'appelante :

Mes Neil H. Harris et Glenn Ernst

Avocate de l'intimée :

Me Margaret Clare

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1983, 1984, 1985, 1986 et 1987 sont accueillis avec dépens et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de février 2006.

 

 

« J. E. Hershfield »

Le juge Hershfield

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de juin 2008.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Dossier : 2003‑364(IT)G

ENTRE :

CROWN FOREST INDUSTRIES LIMITED,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Crown Forest Industries Limited, à l'égard de Fletcher Challenge Holdings (Canada) Ltd. (2002‑4796(IT)G), à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 21 septembre 2005.

 

Devant : l'honorable juge J. E. Hershfield

 

Comparutions :

 

 

Avocats de l'appelante :

Mes Neil H. Harris et Glenn Ernst

Avocate de l'intimée :

Me Margaret Clare

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1988 est accueilli avec dépens et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de février 2006.

 

 

« J. E. Hershfield »

Le juge Hershfield

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de juin 2008.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2006CCI47

Date : 20060208

Dossiers : 2002‑4796(IT)G

2003‑364(IT)G

ENTRE :

CROWN FOREST INDUSTRIES LIMITED,

à l'égard de FLETCHER CHALLENGE HOLDINGS (CANADA) LTD.,

et CROWN FOREST INDUSTRIES LIMITED,

appelantes,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hershfield

 

[1]     L'appelante interjette appel de certaines déterminations et d'une nouvelle détermination des pertes effectuées par le ministre du Revenu national (le « ministre ») à l'égard des années d'imposition de Fletcher Challenge Holdings (Canada) Ltd. (« Holdings ») ayant pris fin les 30 juin 1983, 1984, 1985 et 1986 et le 9 juin 1987. Au cours de ces années, Holdings appartenait à l'appelante, mais elle a été fusionnée avec l'appelante le 9 juin 1987. L'appelante interjette également appel d'une nouvelle cotisation établie par le ministre à l'égard de son année d'imposition qui a pris fin le 31 octobre 1988.

 

[2]     Holdings a été constituée en société au mois de décembre 1982, en Colombie‑Britannique, dans le seul but d'acquérir des actions de l'appelante. Au mois de mars 1983, elle a acquis d'une société du Delaware sans lien de dépendance environ 83 p. 100 des actions émises de l'appelante, une société également de la Colombie‑Britannique, puis, quelques mois plus tard, elle a porté à 96 p. 100 le pourcentage d'actions détenues. L'acquisition initiale a été financée en partie au moyen d'un emprunt contracté auprès d'une société des Pays‑Bas. Holdings et la société des Pays‑Bas appartenaient toutes deux indirectement à une importante société publique de la Nouvelle‑Zélande. L'emprunt portait intérêt; Holdings déduisait le montant y afférent selon la comptabilité de caisse. D'autres emprunts portant intérêt avaient été contractés auprès de parties non liées et les frais d'intérêt s'y rapportant étaient également déduits selon la même méthode. Les déductions relatives à l'ensemble des emprunts ont contribué aux pertes en question. Ces déductions ont été refusées. Les pertes ont fait l'objet de nouvelles déterminations et la déduction des frais d'intérêt a été admise selon la comptabilité d'exercice. La seule question en litige dans ces appels porte sur la déductibilité des frais d'intérêt.

 

[3]     Les parties ont soumis un exposé conjoint des faits, dont une copie est jointe aux présents motifs. Il n'est pas nécessaire d'examiner ces faits, qui sont énoncés d'une façon fort détaillée. Il suffit de reconnaître ce que les parties ont reconnu au début de l'audience. Dès que les emprunts ont été contractés et pendant toute la période pertinente, Holdings et l'appelante, que je désignerai toutes deux comme étant simplement l'appelante, ont toujours tenu compte des intérêts sur l'ensemble des emprunts, aux fins de l'impôt sur le revenu, selon la comptabilité de caisse. Toutefois, dans les états financiers, elles en ont toujours tenu compte selon la comptabilité d'exercice. Les conséquences fiscales découlant de l'emploi de la comptabilité de caisse étaient plus favorables à l'appelante[1]. Le ministre a pris la position selon laquelle l'appelante était tenue de déduire les intérêts, aux fins de l'impôt, selon la comptabilité d'exercice.

 

[4]     La question en litige se rapporte à l'interprétation de l'alinéa 20(1)c) de la Loi, qui prévoit ce qui suit :

 

20(1) Nonobstant les dispositions des alinéas 18(1)a), b) et h), lors du calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition, peuvent être déduites celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qui peut raisonnablement être considéree comme s'y rapportant :

 

[...]

 

c) une somme payée dans l'année ou payable pour l'année (suivant la méthode habituellement utilisée par le contribuable dans le calcul de son revenu), en exécution d'une obligation légale de verser des intérêts sur [...]

 

En particulier, il s'agit de savoir si ce texte légal permet au contribuable de choisir d'utiliser habituellement une méthode (la comptabilité de caisse) aux fins de l'impôt, alors que, dans les états financiers, il en utilise habituellement une autre (la comptabilité d'exercice). L'intimée répond par la négative, alors que l'appelante affirme le contraire.

 

Résumé des arguments de l'intimée

 

[5]     Selon l'intimée, aux fins de l'impôt sur le revenu, le revenu (le bénéfice dont il est question à l'article 9) est déterminé conformément aux pratiques commerciales normales; en l'espèce, le revenu a été déterminé d'une façon appropriée au moyen de la méthode que l'appelante utilisait habituellement dans ses états financiers, où il était rendu compte des frais d'intérêt selon la comptabilité d'exercice.

 

[6]     L'intimée s'est fortement appuyée sur la décision R. c. Terra Mining & Exploration Limited (N.P.L.)[2], de la Section de première instance de la Cour fédérale, dans laquelle le juge Reed a interprété les mots « méthode habituellement utilisée » comme n'étant pas facultatifs. Le juge a statué que la disposition en question prévoyait que les contribuables utilisant la comptabilité de caisse doivent déduire les intérêts au moment où ceux‑ci sont payés, alors que ceux qui utilisent la comptabilité d'exercice doivent les déduire lors de l'année au cours de laquelle ils ont couru. Selon les pratiques commerciales normales et selon les principes comptables généralement reconnus, le juge Reed a conclu que Terra Mining devait calculer le revenu conformément à ses états financiers, selon la comptabilité d'exercice, même si elle avait toujours utilisé la comptabilité de caisse aux fins de l'impôt sur le revenu.

 

[7]     En appliquant la décision Terra à la présente espèce, le ministre a fait valoir qu'étant donné que l'appelante avait toujours préparé ses états financiers selon la comptabilité d'exercice, les intérêts devaient également être déduits selon la comptabilité d'exercice. L'avocate de l'intimée affirme qu'il n'y a pas lieu de s'écarter de ce précédent. Les appels devraient donc être rejetés.

 

Résumé des arguments de l'appelante

 

[8]     Le principal argument de l'appelante est que les termes clairs et non équivoques de la disposition en question permettent aux contribuables de choisir soit la comptabilité de caisse, soit la comptabilité d'exercice, pour déduire les frais d'intérêt aux fins de l'impôt, dans la mesure où ils suivent habituellement cette méthode. L'appelante a toujours utilisé la comptabilité de caisse, et ce, depuis le début, pendant toutes les années d'imposition visées par les présents appels. La disposition ne prévoit pas qu'il doit y avoir conformité entre la méthode que le contribuable utilise afin de déduire les intérêts pour l'application de la Loi et la méthode qu'il utilise afin de déduire les intérêts dans les états financiers. Selon les termes clairs et non équivoques de la disposition en question, les appels devraient donc être accueillis.

 

[9]     L'appelante affirme que la position de l'intimée est intrinsèquement fondée sur l'application inappropriée d'une intention non explicite du législateur d'exiger la conformité entre la déclaration du revenu aux fins de l'impôt et le calcul du revenu dans les états financiers. Interpréter la disposition en question comme comportant cette exigence va à l'encontre des règles prescrites en matière d'interprétation de la loi. L'appelante cite l'arrêt Shell Canada ltée c. La Reine[3], de la Cour suprême du Canada, dans lequel le juge McLachlin (tel était alors son titre) a dit ce qui suit : « Lorsque la disposition en cause est claire et non équivoque, elle doit simplement être appliquée [...] les tribunaux doivent par conséquent faire preuve de prudence lorsqu'il s'agit d'attribuer au législateur, à l'égard d'une disposition claire de la Loi, une intention non explicite. » Il a été soutenu qu'en « appliquant simplement » les termes de la disposition en question, on permet aux contribuables de choisir la méthode qu'ils préfèrent utiliser afin de déduire les intérêts. Il n'est pas nécessaire de procéder à une autre enquête sur le sens de la disposition. Les termes employés se passent de commentaires et n'admettent aucun sens autre que la possibilité de choisir la méthode à utiliser en comptabilisant les frais d'intérêt, à condition que cette méthode soit toujours utilisée. En exigeant la conformité entre la déclaration du revenu aux fins de l'impôt et le calcul du revenu dans les états financiers, on se fonderait d'une façon inappropriée sur une intention non explicite du législateur.

 

[10]    L'appelante a ensuite invoqué la règle moderne en matière d'interprétation législative, telle que l'a énoncée E. A. Driedger dans l'ouvrage Construction of Statutes et que la Cour suprême du Canada l'a acceptée dans l'arrêt Entreprises Ludco ltée c. Canada[4] :

 

[36]      La règle moderne en matière d'interprétation législative a été énoncée de manière succincte par E. A. Driedger dans l'ouvrage Construction of Statutes (2e éd. 1983), p. 87 :

 

[TRADUCTION] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur...

 

[37]      C'est cet extrait qui « résume le mieux » la méthode privilégiée aux fins d'interprétation d'une disposition législative : Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, par. 21 et 23. Il en est ainsi pour l'interprétation de tout texte de loi et il convient de signaler que notre Cour a maintes fois cité et approuvé cet extrait célèbre, tant en matière fiscale que dans d'autres domaines.[5]

 

[11]    Aux dires de l'appelante, l'interprétation de la disposition en question dans le contexte et selon l'économie de la Loi exige que l'on conclue que la déduction des intérêts ne peut pas être régie par les principes comptables généralement reconnus (les « PCGR ») qu'il faut appliquer dans les états financiers.

 

[12]    L'économie de la Loi, en ce qui concerne le calcul du revenu, est en premier lieu indiquée au paragraphe 9(1), qui définit le revenu qu'un contribuable tire d'une entreprise ou d'un bien comme étant le bénéfice qu'il en tire (c'est‑à‑dire une notion de revenu « net » qui comprend le revenu ou les recettes, une fois déduites les dépenses engagées aux fins de la réalisation de ce revenu). L'appelante fait valoir qu'en vertu de la Loi on ne peut déduire, pour arriver au revenu ou au bénéfice net, que les dépenses admises en vertu de la Loi (peu importe qu'elles soient admises selon les PCGR ou non). La Loi interdit la déduction de certaines dépenses, comme le montre l'article 18, et plus particulièrement l'alinéa 18(1)b), selon lequel les paiements à titre de capital ne sont pas déductibles[6]. L'article 20, qui l'emporte sur cette disposition, autorise ce que la Loi interdit par ailleurs expressément, à savoir la déduction des intérêts, comme le prévoit l'alinéa 20(1)c). Cette structure indique que le revenu calculé conformément à ces dispositions est un revenu déterminé « pour l'application de la Loi ». Les calculs effectués « pour l'application de la Loi » à l'égard de la déduction des intérêts sont strictement prévus par la Loi et doivent être effectués conformément à ces dispositions – c'est‑à‑dire indépendamment des PCGR. Si les déductions d'intérêts effectuées en vertu de la Loi ne sont pas régies ou dictées par les PCGR, il ne conviendrait pas d'interpréter l'alinéa 20(1)c) comme renfermant une exigence selon laquelle la méthode de passation en charges des intérêts devrait être la même aux fins de l'impôt et dans les états financiers. Une telle interprétation du texte de la disposition n'est pas conforme au libellé clairement facultatif de la disposition; de plus, elle n'est pas conforme à la structure de la Loi.

 

[13]    Dans ses observations écrites, l'appelante accorde beaucoup d'importance à l'argument selon lequel il faut interpréter la disposition en question, et en particulier le préambule de l'article 20, comme se rapportant uniquement au revenu du contribuable « aux fins de l'impôt ». Cette idée indique la distinction qui est faite entre le revenu aux fins de l'impôt et le revenu selon les états financiers. L'appelante cite l'arrêt Ludco dans lequel le juge Iacobucci a conclu, au paragraphe 61, que « "revenu" [au sous‑al. 20(1)c)(i)] s'entend du revenu en général, savoir de toute somme qui entre dans le revenu imposable et non seulement du revenu net ». Elle invoque également un long passage de l'arrêt Canderel ltée c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 147, 98 D.T.C. 6100, de la Cour suprême du Canada. Dans cet arrêt, le juge Iacobucci a clairement dit que le bénéfice visé à l'article 9 est un concept qui a été établi aux fins de l'impôt sur le revenu – et dont la détermination est fondée sur les dispositions de la Loi. Le juge a conclu que les PCGR constituaient simplement un « critère d'interprétation, sans plus », pour le calcul du bénéfice :

 

[...] dans l'arrêt Symes, précité, aux pp. 722 et 723, la majorité a fait les observations suivantes au sujet du calcul du bénéfice :

 

[...] le concept de « bénéfice » au par. 9(1) est en soi un résultat net qui présuppose des déductions de dépenses d'entreprise. Il est maintenant généralement reconnu que c'est le par. 9(1) qui autorise la déduction des dépenses d'entreprise; le par. 18(1) est limitatif seulement. [...]

 

En conséquence, dans l'analyse des déductions, il faut commencer par le par. 9(1), disposition qui englobe, comme l'a précisé le juge de première instance, un « critère des affaires » aux fins du calcul du bénéfice imposable.

 

C'est un critère qui a été formulé de bien des façons. Comme le juge de première instance l'a bien fait ressortir, la détermination du bénéfice en vertu du par. 9(1) est une question de droit : Neonex International Ltd. c. The Queen. [...] C'est peut‑être pour ce motif (comme le laisse entendre implicitement Neonex) que les tribunaux ont hésité à énoncer, relativement au par. 9(1), un critère fondé « sur les principes comptables généralement reconnus » (P.C.G.R.). [...] Toute mention des P.C.G.R. comporte l'idée d'un degré de contrôle exercé par des comptables professionnels, ce qui est incompatible avec un critère juridique du « bénéfice » en vertu du par. 9(1). [...]

 

La grande difficulté qui semble avoir affligé les tribunaux dans la détermination du bénéfice aux fins de l'impôt sur le revenu fait ressortir la nécessité de formuler le plus clairement possible le critère juridique applicable à cet égard. Le postulat de départ est évidemment que la détermination du bénéfice visé au par. 9(1) est une question de droit, non de fait. Les facteurs juridiques déterminants sont au nombre de deux : premièrement, l'existence d'une disposition expresse de la Loi de l'impôt sur le revenu commandant l'application d'un traitement précis à l'égard de certaines dépenses ou recettes, notamment la limite générale formulée à l'al. 18(1)a), et, deuxièmement, l'existence de règles de droit établies découlant de l'interprétation que les tribunaux ont donnée de ces diverses dispositions au fil des ans.

 

À part ces paramètres, tous les autres moyens d'analyse susceptibles d'aider à déterminer le bénéfice ne sont que ce que leur nom indique : des critères d'interprétation, sans plus. Entrent dans cette catégorie les « principes bien reconnus de la pratique courante des affaires (ou comptable) » mentionnés dans l'arrêt Symes, également appelés « principes commerciaux ordinaires » ou « principes ordinaires des affaires commerciales », entre autres. Ces principes ont été formellement codifiés dans les « principes comptables généralement reconnus » (« PCGR ») établis par la profession comptable pour la préparation des états financiers. La profession comptable reconnaît que ces principes produisent une information financière fidèle relativement à l'objet des états financiers, et ils deviennent « généralement reconnus » soit parce qu'ils sont effectivement suivis dans un certain nombre de cas, soit parce qu'ils trouvent appui dans les déclarations faites par des organismes professionnels ou dans les écrits d'universitaires et d'autres personnes, ou encore par une combinaison de ces facteurs : voir Peter W. Hogg et Joanne E. Magee, Principles of Canadian Income Tax Law (2e éd. 1997), aux pp. 180 et 181. Il ne faut toutefois pas oublier qu'il s'agit d'outils non juridiques et, de ce fait, extrinsèques à la détermination du bénéfice en droit, alors que les dispositions de la Loi et les autres règles de droit établies constituent la base même de cette notion.

 

En se fondant sur ce passage, l'appelante fait valoir que la détermination du revenu doit de la même façon être fondée sur les dispositions de la Loi et que, dans la décision Terra, le juge a commis une erreur en concluant que la disposition en question exigeait que l'on se conforme aux PCGR.

 

[14]    L'appelante a examiné plus d'une douzaine d'alinéas du paragraphe 20(1), où il était dans chaque cas fait mention d'une façon ou d'une autre du « calcul du revenu », ce qui pouvait uniquement s'entendre du « revenu aux fins de l'impôt sur le revenu ». Ainsi, l'alinéa 20(1)p), qui autorise la déduction des créances irrécouvrables qui ont été incluses dans le revenu, doit s'entendre du « revenu aux fins de l'impôt » étant donné qu'aucune déduction ne pourrait être effectuée si le montant de la créance irrécouvrable avait été inclus selon les PCGR, mais non en vertu de la Loi, aux fins de l'impôt.

 

[15]    L'appelante a également affirmé que l'interprétation de la disposition en question donnée par l'intimée a pour effet d'enlever tout sens à cette disposition lorsqu'un particulier emprunte de l'argent et qu'il n'a pas d'états financiers et n'est pas tenu d'en avoir. Cette interprétation de la Loi imposerait‑elle donc les PCGR uniquement aux sociétés? En outre, si les PCGR devaient s'appliquer, pourquoi ne pas le dire expressément, comme le législateur l'a fait dans d'autres alinéas du paragraphe 20(1)[7]?

 

[16]    L'appelante a invoqué deux décisions dans ses arguments, à savoir Plawiuk c. La Reine[8] et Dansereau c. La Reine[9]. Dans l'affaire Plawiuk, le contribuable avait contracté un emprunt afin d'acquérir des actions et il avait ensuite déduit les intérêts courus sur l'emprunt. Lorsque ces actions ont été rachetées, plusieurs années plus tard, le contribuable a remboursé l'emprunt et les intérêts impayés. Le ministre a refusé la déduction, insistant pour que le contribuable déduise plutôt les intérêts au moment où il les avait payés. En accueillant l'appel, le juge Sobier a fait remarquer « le langage clair utilisé à l'alinéa 20(1)c), lequel permet au contribuable de choisir une méthode dans la mesure où il l'utilise habituellement ». Le contribuable avait choisi la comptabilité d'exercice; il avait habituellement utilisé cette méthode dans le calcul du revenu et il était donc autorisé à déduire du revenu les intérêts courus sur l'argent qu'il avait emprunté en vue d'acquérir les actions.

 

[17]    Dans la décision Dansereau, rendue par le juge Beaubier sous le régime de la procédure informelle, la décision Plawiuk a été citée avec approbation comme faisant autorité lorsqu'il s'agit de donner au contribuable le choix d'utiliser la comptabilité de caisse ou la comptabilité d'exercice en déduisant les intérêts. Il a été conclu que le libellé clair de la disposition permettait au contribuable de choisir une méthode ou l'autre, dans la mesure où il utilisait habituellement la même méthode. Malgré cette conclusion favorable, M. Dansereau avait demandé le contrôle judiciaire quant à un autre aspect de la décision qui avait été rendu à son encontre. Lors de l'examen, la Cour d'appel fédérale[10] n'a pas examiné l'interprétation de la disposition en question, ou la capacité du contribuable de choisir la méthode qu'il préfère pour déduire les frais d'intérêt du revenu. L'appelante déclare que le fait que la Cour d'appel fédérale n'a rien dit sur ce point donne à entendre qu'elle a accepté le raisonnement du juge de première instance.

 

[18]    Enfin, l'appelante a tenté d'écarter la décision Terra pour le motif qu'elle ne valait plus. Il a été soutenu que le juge Reed avait fondé son interprétation sur l'idée que l'économie de la Loi exige la conformité avec les PCGR, de sorte qu'elle a interprété la disposition en question comme si elle renfermait l'exigence que les déductions prévues à l'alinéa 20(1)c) soient faites conformément aux PCGR. Il a été soutenu que cet avis n'était pas conforme aux conclusions que la Cour suprême a par la suite tirées. Suivant l'arrêt Shell, il a été soutenu qu'il ne conviendrait pas qu'un tribunal judiciaire conclue à l'existence d'une intention non explicite du législateur selon laquelle il doit y avoir conformité avec les PCGR lorsque les ‑termes de la loi sont clairs et non équivoques. En outre, il a été soutenu que l'arrêt Canderel, qui affirme que le recours aux PCGR n'est qu'un critère d'interprétation, éliminait toute raison d'interpréter les dispositions de la Loi comme exigeant la conformité avec les PCGR, à moins que cette exigence ne soit expressément énoncée.

 

Analyse

 

[19]    Comme le juge St‑Onge, de la Cour canadienne de l'impôt, l'a dit dans la décision Terra, lorsqu'il était saisi de l'affaire[11] :

 

La Cour reconnaît la validité de l'argumentation de l'avocat de l'appelante. [...]

 

Comme l'appelante calculait habituellement ses dépenses en intérêts aux fins de l'impôt suivant la méthode de la comptabilité de caisse et comme aucune disposition de la Loi n'autorise le Ministre à modifier cette « méthode habituellement utilisée » par l'appelante pour le calcul de son revenu, la Cour ne voit aucune raison pour laquelle le Ministre aurait le droit de modifier cette méthode.

 

[20]    J'hésite à écarter un précédent qui existe depuis aussi longtemps que la décision rendue par la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire Terra[12], mais il faut maintenant examiner la question une vingtaine d'années plus tard, à la lumière de la jurisprudence plus récente. Je ne préconiserais pas qu'il y ait une nouvelle interprétation à l'égard d'une disposition légale lorsque la pensée judiciaire évolue, mais dans ce cas‑ci, la décision Terra ne donnait pas effet, à mon avis, au libellé exprès de la Loi. De plus, le fondement de cette décision et les prémisses sur lesquelles elle s'appuyait ne sont pas conformes à l'économie de la Loi. Cela étant, il convient d'appliquer les dispositions de la Loi telles qu'elles sont rédigées à la lumière de la jurisprudence récente.

 

[21]    La première étape consiste à examiner la décision Terra à la lumière du libellé exprès de la Loi. Le fait que le contribuable puisse déduire un montant au cours d'une année donnée selon la comptabilité de caisse ou selon la comptabilité d'exercice dépend de « la méthode habituellement utilisée par le contribuable dans le calcul de son revenu ». Selon l'analyse qui a été faite dans la décision Terra, le sens littéral de ces termes exige la conformité avec les principes comptables généralement reconnus lorsque, comme c'était le cas dans cette affaire‑là (tout comme en l'espèce), il est certain que ces principes exigent qu'il soit rendu compte des frais d'intérêt selon la comptabilité d'exercice. Cela donne à entendre que les PCGR sont « la » méthode à employer pour déterminer le revenu à toutes les fins, et notamment aux fins de l'impôt, ou du moins cela accorde beaucoup trop d'importance à la pertinence d'une méthode, telle que les PCGR, comme mesure du revenu aux fins de l'impôt. Si l'on ne peut pas dire que les PCGR, en tant que méthode complète aux fins du calcul du revenu, constituent « la » méthode utilisée habituellement dans le calcul du revenu en vertu de la Loi, comment peut‑on dire qu'ils constituent la méthode visée à l'alinéa 20(1)c)? Ce n'est qu'alors qu'il serait possible de dire que les mots en question exigent la conformité avec les PCGR. À mon avis, une telle approche contournerait le sens clair des termes employés dans la disposition en question. La seule exigence à laquelle il faut conclure, compte tenu du sens clair des termes de la disposition, est qu'il faut rendre compte des intérêts sur une base uniforme, que ce soit selon la comptabilité de caisse ou selon la comptabilité d'exercice. Il s'agit d'une exigence visant à assurer l'uniformité dans le traitement des frais d'intérêt pour l'application de la Loi. En outre, l'alinéa 18(1)b) de la Loi interdit des déductions au titre des intérêts, dans la détermination du revenu, qui sont autorisées en vertu des PCGR. La Loi autorise uniquement la déduction des intérêts en vertu de l'article 20, ce qui crée une distinction à l'égard du calcul des intérêts par rapport aux PCGR.

 

[22]    Je remarque également que, dans la décision Terra, la cour a fait une distinction à l'égard de la décision Industrial Mortgage[13] pour le motif que, dans cette dernière affaire, il existait une raison commerciale valable fondée sur la pratique commerciale normale et sur les principes comptables généralement reconnus permettant d'avoir recours à la méthode utilisée aux fins des déclarations, et que dans l'affaire Terra, il n'existait aucune raison ni justification de ce genre. Cela semble être un critère fondé sur le but commercial – un critère qui a depuis lors été jugé non applicable à l'interprétation de la Loi en l'absence d'une disposition anti‑évitement expresse[14]. La présente espèce porte sur l'évitement d'une restriction relative aux déductions prévue au paragraphe 18(4), mais on ne peut pas dire que l'alinéa 20(1)c) est une disposition expresse anti‑évitement dans ce contexte.

 

[23]    Pour ces motifs, et puisque les arguments invoqués par l'appelante sont convaincants, les appels sont accueillis avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de février 2006.

 

 

« J. E. Hershfield »

Le juge Hershfield

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de juin 2008.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

RÉFÉRENCE :

2006CCI47

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2002‑4796((IT)G

 

INTITULÉ :

Crown Forest Industries Limited à l'égard de Fletcher Challenge Holdings (Canada) Ltd.

c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 21 septembre 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge J.E. Hershfield

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 8 février 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelante :

Mes Neil H. Harris et Glenn Ernst

 

Avocate de l'intimée :

Me Margaret Clare

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l'appelante :


Noms :

Neil H. Harris, David R. Poore

 

Cabinet :

Goodmans, Toronto (Ontario)

 

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 


 

 

RÉFÉRENCE :

2006CCI47

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003‑364(IT)G

 

INTITULÉ :

Crown Forest Industries Limited

c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 21 septembre 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge J.E. Hershfield

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 8 février 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelante :

Mes Neil H. Harris et David R. Poore

 

Avocate de l'intimée :

Me Margaret Clare

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l'appelante :

 

Noms :

Neil H. Harris, Glenn Ernst

 

Cabinet :

Goodmans, Toronto (Ontario)

 

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 


Appendice A

 

[TRADUCTION]

 

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

 

Aux fins de l'audition des présents appels seulement, l'appelante et l'intimée s'entendent sur les faits suivants, et les documents contenus dans le Recueil conjoint de documents peuvent être admis sans qu'une preuve formelle soit présentée à leur sujet. Sauf indication contraire, les montants indiqués dans le présent exposé sont exprimés en dollars canadiens.

 

1.         L'adresse de l'appelante est : 250, rue Howe, 16e étage, Vancouver (Colombie‑Britannique), V6C 3R8.

 

2.         L'appelante interjette appel des déterminations et nouvelles déterminations de perte faites par le ministre du Revenu national (le « ministre ») à l'égard des années d'imposition de Fletcher Challenge Holdings (Canada) Ltd. (« Holdings ») qui ont pris fin les 30 juin 1983, 1984, 1985 et 1986 ainsi que le 9 juin 1987 (collectivement les « années d'imposition »). En ce qui concerne les années d'imposition 1983, 1984, 1986 et 1987 de Holdings, l'appel se rapporte aux avis de détermination de perte datés du 25 juin 1995. En ce qui concerne l'année d'imposition 1985 de Holdings, le premier avis de détermination était daté du 25 juin 1995, mais le ministre a délivré un avis de nouvelle détermination de perte daté du 21 novembre 2002.

 

3.         L'appelante interjette également appel d'une nouvelle cotisation établie par le ministre à l'égard de son année d'imposition qui a pris fin le 31 octobre 1988 (l'« année d'imposition 1998 »), dont l'avis est daté du 31 octobre 2002 (la « seconde nouvelle cotisation relative à l'année d'imposition 1988 »).

 

4.         Holdings est une société qui a été constituée en vertu des lois de la Colombie‑Britannique le 13 décembre 1982 dans le seul but d'acheter d'un vendeur sans lien de dépendance des actions ordinaires et des actions de la catégorie A (collectivement appelées les « actions ») de Crown Zellerbach Canada Limited (maintenant Crown Forest Industries Limited, l'appelante).

 

5.         Toutes les actions ordinaires de Holdings étaient détenues par Fletcher Challenge Investments (Canada) Limited (« Investments Canada »), société constituée en vertu des lois de la Colombie‑Britannique. Investments Canada était une filiale appartenant indirectement à 100 p. 100 à Fletcher Challenge Limited (« FCL »).

 

6.         FCL était une importante société publique de la Nouvelle‑Zélande qui exploitait des entreprises du secteur primaire partout dans les pays de la région du Pacifique.

 

7.         Bardon Investments B.V. (« Bardon »), société des Pays‑Bas, était également une filiale appartenant indirectement à 100 p. 100 à FCL; elle agissait à titre d'entité financière internationale pour les sociétés du groupe FCL partout au monde.

 

8.         En 1983, l'appelante était une société publique de la Colombie‑Britannique qui exploitait dans cette province des papeteries produisant de la pâte de bois, du papier journal et du papier de pâte mécanique non couché.

 

9.         Le 30 mars 1983, Holdings a acheté à Crown Zellerbach International Inc., société du Delaware (la « venderesse »), 83,7 p. 100 des actions émises de l'appelante. Le 13 juillet 1983, Holdings a en outre acheté 12,3 p. 100 des actions émises de l'appelante sur le marché libre. Par conséquent, au 13 juillet 1983, Holdings possédait 96 p. 100 des actions émises de l'appelante.

 

10.       Le prix d'achat global des actions achetées par Holdings à la venderesse le 30 mars 1983 s'élevait à 229 343 770 dollars américains (soit environ 282 000 000 $). Le prix d'achat a été payé au moyen d'un montant en espèces de 154 343 770 dollars américains (183 826 081 $) et d'un billet de 75 000 000 dollars américains, d'une durée de cinq ans et portant intérêt, émis en faveur de la venderesse, les intérêts étant payables à terme échu chaque semestre au taux de 14 p. 100 l'an (le « billet »).

 

11.       Pour financer une partie du montant à verser en espèces sur le prix d'achat des actions, Holdings a emprunté à Bardon un montant de 128 585 058 $ (l'« emprunt de Bardon ») portant intérêt au taux de 12,5 p. 100 l'an et remboursable sur demande.

 

12.       Le montant de l'emprunt de Bardon a augmenté pendant les années d'imposition 1984 à 1986 de Holdings et il a été remboursé au cours de l'année d'imposition 1987 de Holdings. Cette augmentation était principalement attribuable à l'emprunt d'une somme additionnelle de 75 000 000 dollars américains au cours de l'année d'imposition 1984 de Holdings, laquelle a servi à rembourser le billet le 15 août 1985.

 

13.       Bardon était un « actionnaire non‑résident déterminé » à l'égard de Holdings et l'emprunt de Bardon était une « dette impayée envers un non‑résident déterminé » selon la définition figurant au paragraphe 18(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi »).

 

14.       Dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition, Holdings a inclus :

 

a)         des dividendes en actions :

 

36 637 actions de la catégorie A de l'appelante reçues au mois de décembre 1985

 

Holdings a également reçu des dividendes en actions de l'appelante au mois de décembre 1984, soit 590 442 actions ordinaires et 86 715 actions de la catégorie A; cependant, la Loi (telle qu'elle était alors rédigée) n'exigeait pas que ces dividendes soient inclus dans le revenu.

 

b)         des intérêts :

 

ANNÉE D'IMPOSITION

MONTANT

1983

          138 194 $

1984

       3 731 779 $

1985

     15 278 295 $

1986

       1 859 921 $

1987

            76 368 $

 

c)         des gains de change :

 

ANNÉE D'IMPOSITION

MONTANT

1983

          694 835 $

1987

     11 017 033 $

 

15.       Dans le calcul de son revenu à l'égard de chacune des années d'imposition, Holdings a toujours déduit tous les frais d'intérêt découlant de l'emprunt de Bardon et d'emprunts contractés auprès de tiers (collectivement appelés la « dette globale ») au cours de l'année d'imposition où ces intérêts ont été payés.

 

16.       Le montant des frais d'intérêt payé par Holdings et déduit par Holdings dans le calcul de son revenu pour chacune des années d'imposition était :

 

ANNÉE D'IMPOSITION

INTÉRÊTS DÉDUITS

1983

Néant

1984

            6 888 206 $

1985

          10 097 768 $

1986

          12 006 044 $

1987

          41 188 080 $

 

17.       Les états financiers (les « états financiers ») de Holdings pour tous ses exercices ayant pris fin le 30 juin 1983, 1984, 1985 et 1986, ainsi que le 9 juin 1987 (collectivement appelés les « exercices »), ont été préparés selon la comptabilité d'exercice.

 

18.       Le montant des intérêts courus sur la dette globale que Holdings a déduit dans le calcul de son revenu pour son exercice 1983 était de 6 888 206 $, dont 3 666 544 $ se rapportant à l'emprunt de Bardon.

 

19.       Holdings a conclu qu'elle avait subi une perte autre qu'en capital au cours de chacune des années d'imposition autres que 1983. Le montant de la perte autre qu'en capital déterminé par Holdings pour chacune des années d'imposition était :

 

ANNÉE D'IMPOSITION

PERTE AUTRE QU'EN CAPITAL

1983

Néant

1984

          24 806 294 $

1985

          28 642 130 $

1986

            3 518 194 $

1987

          71 513 021 $

Total

        128 479 639 $

 

20.       Dans le calcul de son revenu imposable pour son année d'imposition 1983, Holdings a reporté rétrospectivement de son année d'imposition 1984 et déduit une perte autre qu'en capital de 337 176 $.

 

21.       Le 9 juin 1987, après une réorganisation interne dans laquelle l'appelante et Holdings étaient en cause, les actions de Holdings ont été transférées à l'appelante et, par la suite, Holdings a été fusionnée avec l'appelante.

 

22.       Par suite de la fusion de Holdings avec l'appelante, conformément au paragraphe 88(1.1) de la Loi, les pertes autres qu'en capital de Holdings étaient réputées être des pertes autres qu'en capital de l'appelante.

 

23.       Le 25 juin 1995, à la suite de la demande faite par Holdings conformément au paragraphe 152(1.1) de la Loi, le ministre a délivré des avis de détermination de perte à l'égard de chacune des années d'imposition 1983 à 1987 de Holdings (les « déterminations »).

 

24.       En établissant les déterminations, le ministre a pris la position selon laquelle, aux fins du calcul du revenu de Holdings pour chacune des années d'imposition, Holdings était tenue de déduire les frais d'intérêt sur la dette globale selon la comptabilité d'exercice plutôt que selon la comptabilité de caisse. Par conséquent, le ministre a rajusté le revenu imposable ou les pertes autres qu'en capital déclarés par Holdings au cours des années d'imposition en calculant la déduction des frais d'intérêt de Holdings selon la comptabilité d'exercice. Le ministre a permis la déduction du montant des frais relatifs aux intérêts courus sur la dette globale au cours de chacune des années d'imposition et il a refusé la déduction des frais d'intérêt réellement payés par Holdings sur la dette globale au cours de chacune des années d'imposition.

 

25.       Le ministre a également pris la position selon laquelle Holdings ne pouvait pas déduire des frais d'intérêt d'un montant de 3 666 544 $, courus sur l'emprunt de Bardon au cours de l'année d'imposition 1983 de Holdings, dans le calcul de son revenu pour cette année d'imposition conformément au paragraphe 18(4) de la Loi. Par conséquent, dans le calcul du revenu de Holdings pour l'année d'imposition 1983, le ministre a refusé, conformément au paragraphe 18(4) de la Loi, la déduction d'un montant de 3 666 544 $ au titre des frais d'intérêt globaux d'un montant de 6 888 206 $ représentant les intérêts courus sur la dette globale au cours de l'année d'imposition en question.

 

26.       Le ministre n'a pas refusé la déduction des frais d'intérêt conformément au paragraphe 18(4) de la Loi, si ce n'est à l'égard de l'année d'imposition 1983 de Holdings.

 

27.       Le montant des frais d'intérêt que Holdings avait déduit dans le calcul de son revenu et le montant de la déduction des frais d'intérêt autorisée par le ministre pour chacune des années d'imposition figurent dans le tableau suivant :

 

Année d'imposition

Intérêts déduits par Holdings

Déductions autorisées par le ministre au titre des intérêts

1983

              3 221 662 $

1984

          6 888 206 $

            10 097 768 $

1985

        10 097 768 $

            12 006 044 $

1986

        12 006 044 $

            41 188 080 $

1987

        41 188 080 $

 

28.       Par conséquent, par suite de la déduction des frais d'intérêt selon la comptabilité d'exercice et du refus d'une partie des frais d'intérêt payables sur la dette globale à l'égard de l'année d'imposition 1983, le ministre a déterminé que les pertes autres qu'en capital de Holdings s'élevaient aux montants suivants :

 

ANNÉE D'IMPOSITION

PERTES AUTRES QU'EN CAPITAL

1983

                 2 884 486 $

1984

               28 015 856 $

1985

               30 490 494 $

1986

               32 700 230 $

1987

               30 324 941 $

Total

             124 416 007 $

 

29.       Holdings s'est opposée aux déterminations au moyen d'avis d'opposition datés du 21 décembre 1995.

 

30.       Le ministre a ratifié les déterminations pour chacune des années d'imposition de Holdings autres que l'année d'imposition 1985, par des avis de ratification datés du 18 septembre 2002 (les « ratifications »).

 

31.       En ce qui concerne l'année d'imposition 1985 de Holdings, le ministre a fait une nouvelle détermination de perte (la « nouvelle détermination ») le 21 novembre 2002. En faisant la nouvelle détermination, il a augmenté le montant de la perte autre qu'en capital de Holdings pour son année d'imposition 1985 d'un montant de 59 912 $, pour le porter à 30 550 406 $, à l'égard d'une question non liée à celles ici en cause.

 

32.       Par suite des déterminations et de la nouvelle détermination, le ministre a déterminé que les pertes autres qu'en capital globales de Holdings pour les années d'imposition s'élevaient à 124 475 919 $.

 

33.       En sa qualité de société remplaçante de Holdings, l'appelante a interjeté appel des déterminations et de la nouvelle détermination au moyen d'un avis d'appel déposé devant la présente cour le 13 décembre 2002 (no de dossier du greffe : 2002‑4796(IT)G).

 

34.       Dans le calcul de son revenu imposable pour son année d'imposition 1988, l'appelante a déduit des pertes autres qu'en capital d'un montant de 127 780 627 $. Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante pour son année d'imposition 1988 en délivrant une deuxième nouvelle cotisation relative à l'année 1988 et il a réduit le montant de ses pertes autres qu'en capital par suite de la nouvelle détermination des pertes autres qu'en capital de Holdings, tel qu'il en est ci‑dessus fait mention.

 

35.       L'appelante a interjeté appel de la deuxième cotisation relative à l'année 1988 par un avis d'appel déposé devant la présente cour le 28 janvier 2003 (no de dossier du greffe : 2003‑364(IT)G).

 

36.       L'appelante et l'intimée conviennent que l'issue des appels interjetés par l'appelante à l'égard de ses années d'imposition 1984 à 1988 devrait être régie par la décision de la présente cour à l'égard de l'appel interjeté par l'appelante pour son année d'imposition 1983.

 



[1]           L'avantage qu'offre la comptabilité de caisse pour l'appelante découle en bonne partie du fait qu'elle évitait l'application du paragraphe 18(4) de la Loi, en 1983, à l'égard de l'emprunt contracté auprès de la société liée des Pays‑Bas. En passant en charges les intérêts lorsqu'ils étaient initialement payés en 1984, l'appelante évitait l'application de cette disposition. Si, comme l'a conclu le ministre, les intérêts étaient calculés selon la comptabilité d'exercice en 1983, le montant de 3 666 544 $ se rapportant aux intérêts courus en 1983 serait refusé d'une façon permanente en vertu de cette disposition, qui restreint la déduction des intérêts dans le cas des sociétés canadiennes résidentes à capitalisation restreinte qui ont emprunté de l'argent d'un non‑résident déterminé. Autrement dit, en choisissant de passer les intérêts en charges aux fins de l'impôt sur le revenu selon la comptabilité de caisse, la déduction des intérêts courus à l'égard de l'année 1983, année où s'appliquait la règle sur la capitalisation restreinte, était demandée en 1984, année où les intérêts ont été payés et où la règle sur la capitalisation restreinte ne s'appliquait pas. La méthode choisie, si on en autorisait l'application, permettrait donc de déduire, au titre des intérêts, un montant de 3 666 544 $ qui serait autrement refusé.

 

[2]           [1984] 2 C.F. 147, 84 D.T.C. 6185 (C.F. 1re inst.).

 

[3]           [1999] 3 R.C.S. 662, paragraphes 40 et 43, 99 D.T.C. 5669, page 5676 (C.S.C.).

 

[4]           [2001] 2 R.C.S. 1082, 2001 D.T.C. 5505 (C.S.C.).

 

[5]           Dans ses observations écrites, l'appelante cite neuf autres arrêts de la C.S.C. dans lesquels ce passage est cité avec approbation. Voir Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, page 578, Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695, pages 744 et 806, Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312, page 326, Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre‑Dame de Bon‑Secours, [1994] 3 R.C.S. 3, page 7, Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, paragraphe 10, Schwartz c. Canada, [1996] 1 R.C.S. 254, paragraphe 56, Alberta (Treasury Branches) c. M.R.N., Banque Toronto‑Dominion c. M.R.N., [1996] 1 R.C.S. 963, paragraphe 14, 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, paragraphe 5, et Will‑Kare Paving & Contracting Ltd. c. Canada, [2000] 1 R.C.S. 915, paragraphe 32.

 

[6]           Il est bien établi qu'aux fins de l'impôt, les intérêts sont traités comme étant payés au titre du capital et que, conformément à l'alinéa 18(1)b), ils ne sont donc pas déductibles en vertu de la Loi, sauf de la façon permise à l'alinéa 20(1)c). Voir Gifford c. La Reine, [2004] 1 R.C.S. 411, Shell Canada c. La Reine, [1999] 3 R.C.S. 622, et Tennant c. La Reine, [1996] 1 R.C.S. 305.

 

[7]           Dans ses observations écrites, l'appelante a inclus en appendice certaines dispositions de la Loi dans lesquelles il est expressément fait mention des « principes comptables généralement reconnus », par exemple, le sous‑alinéa 13(27)f)(iii), la subdivision 20(1)l)(ii)(B)(II), le sous‑alinéa 20(1)l.l)(ii), le paragraphe 20(30), la définition du terme « états financiers de succursale » au paragraphe 20.2(1), la définition du terme « valeur comptable » au paragraphe 44.1(1), les alinéas 61.3(1)b) et 149(12)b), le sous‑alinéa 181(3)b)(i), et la définition du terme « placement admissible » au paragraphe 204.8(1).

 

[8]           94 D.T.C. 1050, no 92‑1811(IT)G, 17 septembre 1993 (C.C.I.).

 

[9]           2000 D.T.C. 1559, no 98‑1868(IT)I, 19 novembre 1999 (C.C.I.).

 

[10]          2001 D.T.C. 5642, no A‑654‑00, 18 octobre 2001 (C.A.F.).

 

[11]          83 D.T.C. 497, no 79‑523, 29 juillet 1983 (C.C.I.).

,

[12]          Ce précédent, qui existe depuis longtemps, est souvent considéré comme établissant un principe directeur en ce qui concerne l'application de l'alinéa 20(1)c); voir l'article d'Arnold et Edgar, « Deductibility of Interest Expense » (1995) 43 C.T.J. 1216. Cependant, ce précédent n'a été appliqué dans aucune des décisions citées par les parties. De fait, je n'ai pu constater une mention de la décision Terra que dans deux décisions, qui ne portent ni l'une ni l'autre sur la question : Freeway Properties c. M.R.N., 85 D.T.C. 5183, no T‑369‑84, 14 mars 1985 (C.F. 1re inst.), et 170635 Canada ltée c. M.R.N., 93 D.T.C. 1129, no 89‑1325(IT), 3 novembre 1992 (C.C.I.). En outre, ces décisions ont été rendues avant que la Cour suprême ne se soit récemment prononcée dans des affaires telles que Ludco, dans lesquelles on accordait clairement aux PCGR moins d'importance que dans la décision Terra.

 

[13]          Industrial Mortgage and Trust Company v. M.N.R., 58 D.T.C. 1060 (C. de l'É.).

 

[14]          Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, 2005 CSC 54, Shell Canada c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, Commissioners of Inland Revenue v. Duke of Westminster, [1936] A.C. 1 (Ch. des l.).

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.