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Dossier : 2005-2659(GST)I

ENTRE :

PIERRE ROY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu le 14 mars 2006, à Sherbrooke (Québec).

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Philippe Morin

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JUGEMENT

L'appel de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis daté du 18 novembre 2003 porte le numéro PQ-2003-7322 pour la période du 1er novembre 1996 au 31 janvier 2000, est accueilli et la cotisation est annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de juillet 2006.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Référence : 2006CCI321

Date : 20060704

Dossier : 2005-2659(GST)I

ENTRE :

PIERRE ROY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif

[1]      Il s'agit de l'appel d'une cotisation établie en vertu de l'article 323 de la Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ) (L.R.C. 1985, c. E-15).

[2]      La cotisation à l'origine de celle établie à l'encontre de l'appelant en sa qualité d'administrateur de la société Piemar son et vision inc. fut établie dans un premier temps et ratifiée à la suite d'une opposition le 5 mai 2005.

[3]      Les faits sur lesquels s'est fondé le ministre du Revenu national (le « ministre » )pour établir la cotisation sont énumérés au paragraphe 5 de la réponse à l'avis d'appel. Ces faits sont les suivants :

a)          au cours des années 1996 à 2000, l'appelant était un administrateur de la compagnie Piemar son et vision inc. (ci-après appelée « la compagnie » ).

b)          au cours des années ci-avant mentionnées, la compagnie était un inscrit aux fins de l'application de la TPS.

c)          suite à une vérification de la compagnie, il fut constaté que cette dernière avait perçu la TPS sans la remettre à l'intimée pendant la période en litige.

d)          de plus, la compagnie, par l'entremise de son seul administrateur, Pierre Roy, produisait en retard et sans remises fiscales, les déclarations de taxes pour les périodes se terminant le 31 janvier 1997, 30 avril 1997, le 31 juillet 1997 et le 31 octobre 1997.

e)          la compagnie, par l'entremise de son seul administrateur, Pierre Roy a également cessé de produire les déclarations de taxes de la compagnie dans les délais fixés par la loi pour les périodes du 1er novembre 1997 jusqu'au 31 janvier 2000.

f)           le ou vers le 23 janvier 2002, la compagnie, par l'entremise de Pierre Roy, produisait les déclarations de taxes pour les périodes du 1er novembre 1997 jusqu'au 31 janvier 2000 et ce, sans remises de taxes.

g)          l'appelant était administrateur de la compagnie aux périodes où celle-ci était tenue de verser la taxe nette à l'intimée et s'occupait de la gestion courante de cette dernière.

h)          l'appelant, à titre d'administrateur de la compagnie, n'a pas agi avec le degré de soin, de diligence et de compétence, pour prévenir le manquement qu'une personne raisonnablement prudente ne l'aurait fait dans des circonstances comparables.

i)           en particulier, l'appelant n'a pris aucune mesure concrète et positive pour prévenir les manquements de la compagnie.

j)           en effet, l'appelant a volontairement refusé de produire les déclarations fiscales de la compagnie ainsi que les taxes perçues.

k)          de plus, suite à une vérification, la compagnie a été cotisée sur des taxes non perçues sur des commissions en vertu de la Loi sur la taxe de vente du Québec (L.R.Q. c. T-0.1) en octobre 1996 pour les périodes du 1er août 1992 au 30 avril 1996.

l)           l'appelant a contesté le fait que ces commissions n'étaient pas taxables auprès du ministère du Revenu du Québec.

m)         le ou vers le 23 janvier 2001, la direction de l'interprétation du ministère du Revenu du Québec arrivait à la conclusion que les commissions reçues par la compagnie n'étaient pas des fournitures taxables en vertu de la Loi sur la taxe de vente du Québec.

n)          suite à cette décision, les montants dus par la compagnie en vertu de la Loi sur la taxe de vente du Québec ont été ajustés.

o)          une erreur s'est glissée lors du traitement, par le ministère du Revenu du Québec, de la déclaration de taxes de la compagnie pour la période se terminant le 31 janvier 1997, produite le 25 mars 1997 et cette erreur a été corrigée en mai 1997.

p)          les intérêts et pénalités ont été imposés en conformité avec la loi et découlent essentiellement des retards de production des déclarations de taxes et de remises de taxes de la compagnie et de l'appelant.

[4]      Les questions en litige ont été formulées par l'intimée comme suit :

a)          En sa qualité d'administrateur de la compagnie, l'appelant est-il solidairement tenu avec cette dernière, de payer la taxe nette exigible ainsi que les intérêts et pénalités?

b)          Est-ce que l'appelant, en tant qu'administrateur de la compagnie, a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le défaut de la compagnie de remettre la taxe nette exigible que ne l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances?

[5]      Plaidant sa propre cause, l'appelant s'était manifestement bien préparé. Il avait préparé plusieurs documents à l'appui de son témoignage. Il a expliqué avoir créé en 1992 une entreprise dont la vocation était la vente de composantes liées au son et à l'image.

[6]      À titre de rémunération, il recevait principalement une commission sur les ventes qu'il effectuait. En mai 1996, Diane Lavallé le préavise qu'elle visitera son entreprise pour procéder à une vérification relative au paiement des taxes, soit la taxe de vente du Québec ( « TVQ » ) et la taxe sur les produits et services ( « TPS » ).

[7]      Comme convenu, elle se présente à la place d'affaires et procède à la vérification. À la suite de la vérification, elle avise l'appelant que toutes les commissions qu'il a reçues des diverses sociétés avec lesquelles il fait affaires et dont les chefs-lieux sont situés à l'extérieur de la province de Québec sont assujetties à la TPS et à la TVQ.

[8]      Très surpris de cette décision, l'appelant entreprend une véritable croisade pour la contester. Cette décision sera confirmée à plusieurs reprises. Ne baissant pas les bras pour autant, il poursuit ses démarches et finalement, après cinq ans, obtient gain de cause.

[9]      Il entreprend ensuite de nombreuses démarches pour régulariser son dossier. En guise de protestation, l'appelant ne produit pas certains rapports ou les produit en retard, il écrit au Ministère du Revenu du Québec et au ministre responsable de la région de la Capitale nationale, il se plaint et il rencontre les différents intervenants. Selon lui, il continue de faire l'objet de réclamations mal fondées et exagérées, plus spécifiquement quant aux intérêts et aux pénalités. Il demande régulièrement des explications et des comptes rendus sans jamais obtenir de réponses satisfaisantes. À la suite de démarches entreprises auprès du ministre, il a cru un certain moment que le tout se réglerait puisqu'il a constaté un intérêt plus grand chez certains intervenants. Or, il a affirmé n'avoir jamais obtenu les réponses claires et précises qu'il réclamait.

[10]     De son côté, l'intimée a fait témoigner messieurs Richard Roy et Christian Bouchard. Monsieur Roy a expliqué à la cour qu'il n'avait rien eu à voir avec le dossier avant d'être nommé, depuis peu, responsable du recouvrement.

[11]     Il a reconnu que certaines erreurs peuvent avoir été commises et, à l'aide des données consignées, il a indiqué qu'il était fait mention au dossier de 147 interventions. Il a reconnu que ce chiffre ne comprenait pas certaines rencontres, certaines communications téléphoniques ou certains échanges par correspondance ayant pu avoir lieu avec des personnes autres que le personnel du service responsable du recouvrement.

[12]     Devant certaines questions de l'appelant, le témoin a manifesté de l'impatience. L'autre témoin de l'intimée, monsieur Bouchard, a soumis certaines explications permettant de faire des distinctions entre des documents dont le contenu aurait dû être le même. Il a reconnu que les documents préparés par le système informatique étaient souvent complexes et pouvaient sembler incompréhensibles à certains. C'est pour cette raison qu'à l'occasion, des comptes rendus plus accessibles, plus compréhensibles, étaient préparés par les personnes responsables du dossier à la demande d'un contribuable concerné.

[13]     Tout comme monsieur Roy, monsieur Bouchard a fait preuve d'une certaine impatience lorsque l'appelant l'a interrogé. Lorsqu'il avait de la difficulté à fournir une réponse très précise, le témoin s'est notamment replié derrière la fiabilité du système informatique, ajoutant que l'exercice de vulgarisation de certains documents visait essentiellement à permettre au contribuable et au tribunal de comprendre ces documents.

[14]     À plusieurs reprises, j'ai affirmé que les accises de notre système fiscal reposent sur l'auto-cotisation en vertu de laquelle une comptabilité raisonnablement cohérente doit avoir été effectuée par le contribuable pour en permettre l'analyse et la vérification en tout temps. Une telle comptabilité exige également la possession de toutes les pièces et documents pertinents de manière à pouvoir valider les donnés enregistrées dans les divers livres.

[15]     Faute d'une telle comptabilité, les personnes visées par une vérification s'exposent à des conséquences fâcheuses.

[16]     Inversement, l'État doit être en mesure de fournir à tout contribuable toutes les explications demandées et cela, dans un langage comptable accessible de manière à ce que le contribuable puisse bien comprendre la situation. Chose certaine, tout contribuable a le droit à un compte rendu dans un langage comptable clair. Prétendre que le travail a été réalisé par un logiciel et que le résultat ainsi obtenu est fiable, correct et incontestable n'est absolument pas suffisant, tout particulièrement si la personne visée ou son représentant ne comprend pas les renseignements qui lui sont fournis.

[17]     En l'espèce, non seulement l'appelant n'a pas été insouciant, négligent, téméraire ou irresponsable, mais il a manifesté un intérêt constant pour le règlement de son dossier. Son entêtement à vouloir comprendre son dossier est une preuve irréfutable qu'il s'occupait de son affaire et qu'il ne voulait avoir à sa charge que les montants qu'il devait au fisc, c'est tout. Il s'agissait là d'une demande fort légitime et il avait pleinement droit d'obtenir des réponses claires à ses questions.

[18]     Je ne vois strictement rien dans ce dossier qui me permette de conclure que l'appelant a manqué de vigilance et a été négligeant ou insouciant; au contraire, la prépondérance de la preuve est à l'effet qu'il a été très actif, voire même agressif quant cela s'avérait nécessaire pour régler son dossier. Cela ressort très clairement du témoignage de l'appelant, mais aussi d'une façon très éloquente et convaincante de certains procès-verbaux consignés par la personne responsable de son dossier relatif au nombre exceptionnel d'interventions de l'appelant qui voulait savoir précisément la façon dont l'intimée avait géré son travail.

[19]     Pour ces raisons, l'appel est accueilli et la cotisation est annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de juillet 2006.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :                                   2006CCI321

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2005-2659(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Pierre Roy et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Sherbrooke (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 14 mars 2006

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                    le 4 juillet 2006

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Philippe Morin

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour l'appelant:

                   Nom :

                   Étude :

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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