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Dossier : 2002-353(IT)G

ENTRE :

CATHELLE INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu le 18 novembre 2004, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Avocat de l'appelante :

Me Louis-Frédérick Côté

Avocat de l'intimée :

Me Bernard Fontaine

__________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté contre la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1995 est rejeté, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de juin 2005.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


Référence : 2005CCI360

Date : 20050601

Dossier : 2002-353(IT)G

ENTRE :

CATHELLE INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre Proulx

[1]      L'appel interjeté à l'égard de l'année d'imposition 1995 de l'appelante porte sur un montant de 499 145 $ que l'appelante veut déduire de son revenu en tant que dépense d'entreprise. Selon l'intimée, ce montant est une perte en capital. Le montant figurait dans les registres de l'appelante sous la rubrique [TRADUCTION] « Compte de prêts à une filiale américaine, Cathelle U.S.A. » .

[2]      L'appelante, se fondant sur la décision Williams Gold Refining Co. of Canada Ltd. v. The Queen, 2000 DTC 1829, rendue par le juge Bowie de cette cour, prétend qu'elle a le droit de déduire les prêts en fonction du principe énoncé au paragraphe 17 de ce jugement, dont voici un extrait :

Il est bien établi qu'un contribuable peut, dans le calcul du profit, déduire des montants qui ont été payés sans contrepartie à un autre contribuable ou dans l'intérêt de ce dernier, lorsque le paiement a été effectué en vue d'accroître la rentabilité de son entreprise en créant ou en maintenant un marché pour son produit, par exemple. [...]

[3]      Au début de l'audience, dix documents ont été produits en preuve comme pièces A-1 à A-10.

[4]      Des aveux ont aussi été faits concernant la réponse à l'avis d'appel modifié : les alinéas 16 a) à 16 e), 16 g), 16 h) et 16 n) ont été admis. Voici les alinéas en question :

[TRADUCTION]

a)          L'appelante, Cathelle inc., était une société par actions constituée en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions;

b)          L'appelante avait une filiale aux États-Unis (Cathelle U.S.);

c)          L'appelante a accordé des avances sans intérêt de 499 145 $ à Cathelle U.S.;

d)          En 1995, Cathelle U.S. est devenue insolvable;

e)          L'appelante a effectué des écritures de journal après la fin de l'année d'imposition 1995 et elle s'est fondée sur ces écritures pour déduire le montant de 499 145 $ en tant que perte subie à l'égard d'une créance irrécouvrable auprès de sa filiale et pour réduire le prêt que Cathelle U.S. devait lui rembourser du même montant;

[...]

g)          Selon les documents financiers de l'appelante, il semble que les prêts qu'elle a accordés à Cathelle U.S. n'ont jamais cessé d'augmenter depuis 1988, pour atteindre 499 145 $ en septembre 1995, et en 1988, le prêt s'élevait déjà à 63 238 $;

h)          Dans sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1995, l'appelante a tenté de déduire le montant de 499 145 $ en tant que créance irrécouvrable;

[...]

n)          Le montant que Cathelle U.S devait à l'appelante a été indiqué de la manière suivante dans les états financiers vérifiés de l'appelante pour les années 1988 à 1995 :

1988

63 238 $

1989

58 485 $

1990

98 449 $

1991

184 861 $

1992

251 253 $

1994

473 146 $

1995

0 $

(499 145 $ radiés)

[5]      M. Jeffrey Caplan, le président de la société appelante, a témoigné. Il a expliqué que l'appelante exploite une entreprise de distribution en gros de dispositifs d'éclairage et de composants électriques. Il a dit que, de 1988 à 1996, il était le vice-président de la société, mais qu'en fait, il exécutait presque les mêmes fonctions qu'il exécute maintenant. M. Caplan est devenu le président de la société en 1996. Il a dit qu'en 1987, l'appelante voulait étendre ses activités aux États-Unis et qu'à cette fin, une filiale, Cathelle U.S., a été créée cette année-là. La filiale exploitait la même entreprise que l'appelante.

[6]      M. Caplan a expliqué les avantages commerciaux pour l'appelante d'avoir une filiale américaine et les avantages qu'elle aurait pu tirer de cette situation. Cela permettait à l'appelante d'acheter directement des fabricants américains, sans passer par leurs filiales canadiennes, ce qui lui aurait donné accès à deux marchés : le marché canadien et le marché américain, lequel est dix fois plus gros que le marché canadien. Les achats conjoints des deux compagnies auraient transformé la société appelante en une entreprise d'importation importante et lui auraient permis d'obtenir des prix réduits pour des achats à gros volume. Le taux de change créait aussi des possibilités de profit, étant donné que les produits pouvaient être vendus aux États-Unis à un prix concurrentiel. Le fait que l'appelante pouvait faire affaire aux États-Unis par l'intermédiaire de sa filiale lui donnait l'occasion de connaître les vendeurs aux États-Unis et de faire affaire avec eux. En fait, l'appelante fait encore affaire avec eux au Canada, en tant que vendeurs ou clients.

[7]      M. Caplan a expliqué ce qui s'est produit concernant les créances de Cathelle Canada que Cathelle U.S. devait lui payer. Pendant un certain temps, la société canadienne envoyait des factures à la société américaine, et, normalement, les paiements se faisaient. Toutefois, au fil du temps, il est devenu de plus en plus difficile pour la société américaine de payer toutes ses dettes. Donc, pour que les transactions se poursuivent et aussi pour que les livres de la société canadienne restent en règle, les fonds fournis à la société américaine ont été inscrits dans les registres en tant que prêts.

[8]      L'appelante a choisi de prêter de l'argent à Cathelle U.S. afin de pouvoir montrer dans ses registres que Cathelle U.S. lui avait payé ses créances. M. Caplan a dit que la banque n'aurait pas voulu voir dans les registres de l'appelante de gros comptes clients exigibles de la filiale. Il devait montrer à la banque son calendrier des comptes clients chaque mois, et il préférait compenser les montants dus par la filiale en lui prêtant l'argent. Il n'avait pas à montrer aussi souvent à la banque le calendrier de remboursement du prêt.

[9]      L'appelante a aussi dû avancer des fonds afin de maintenir de bonnes relations avec les fournisseurs américains. Ces bonnes relations étaient de la plus haute importance pour l'appelante. Certains engagements ont dû être pris auprès des fournisseurs de Cathelle U.S., même s'il ne s'agissait que d'engagements verbaux, étant donné que Cathelle U.S. était une nouvelle société.

[10]     En résumé, M. Caplan a affirmé que les prêts avaient été accordés principalement pour compenser les comptes clients que la filiale américaine devait à l'appelante et pour payer les fournisseurs américains, en vue de préserver la bonne réputation commerciale de l'appelante. Il a aussi dit que ces prêts peuvent avoir servi à payer les salaires, le loyer ou le mobilier.

[11]     M. Caplan a produit, parmi les documents de la pièce A-5, un résumé des achats effectués par Cathelle U.S. par rapport à la totalité des achats effectués par l'appelante et Cathelle U.S. Ce résumé a été établi en l'an 2000 à partir d'une reconstitution des comptes de la société. Il montre que, du mois d'août 1993 au mois d'octobre 1995, 63 % de la totalité des achats ont été effectués auprès de fournisseurs communs à l'appelante et à la filiale.

[12]     La pièce A-4 est un extrait du grand livre général qui montre tous les prêts que l'appelante a consentis à Cathelle U.S. à partir du mois d'octobre 1987. Cet extrait est intitulé [TRADUCTION] « Prêt à Cathelle U.S.A. » . Il montre qu'à la fin de l'exercice 1988, le montant du prêt non remboursé était de 63 237,70 $ et qu'à la fin de l'exercice 1995, il était de 499 145,32 $. Le 30 septembre 1995, l'appelante a décidé de radier la créance. M. Caplan a dit qu'il n'a pas été capable de produire un calendrier des comptes clients que la filiale américaine devait payer à l'appelante.

[13]     M. Charles Jacobs, comptable agréé, a aussi témoigné pour l'appelante. Le cabinet dont il est un associé agit à titre de vérificateur pour l'appelante depuis 1988. Il a expliqué que l'exercice de la filiale se terminait le 30 septembre. En 1995, la filiale avait cessé ses activités; à ce moment-là, il n'y avait aucune possibilité de recouvrer quoi que soit à l'égard du prêt. Par conséquent, l'appelante l'a radié.

[14]     Le témoin a dit que si l'appelante avait procédé autrement, cela aurait gonflé la valeur de son actif. Elle ne l'avait pas fait plus tôt parce que la filiale était encore en exploitation.

[15]     Dans l'avis d'opposition (pièce A-2), le montant du prêt a été indiqué à titre de déduction en application du sous-alinéa 20(1)p)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), compte tenu du fait que les prêts faisaient partie intégrante des activités commerciales de l'appelante.

[16]     Pour l'année 1996, un montant de 57 539 $ avait précédemment été refusé. Ce montant concernait les sommes qui avaient été versées directement par l'appelante à des fournisseurs américains en vue de maintenir de bonnes relations avec eux. En effet, la pièce A-5 comporte une série de chèques faits par l'appelante pour payer des tiers directement au nom de sa filiale. Le montant de 57 539 $ a par la suite été admis par le ministre du Revenu national (le « ministre » ).

Arguments

[17]     L'avocat de l'appelante a rappelé à la Cour que la filiale oeuvrait dans le même domaine que l'appelante et qu'elle faisait affaire principalement avec les mêmes fournisseurs. L'appelante devait payer ces fournisseurs si elle voulait maintenir de bonnes relations commerciales avec eux. L'entreprise de la filiale avait donné de bons résultats, et on s'attendait à continuer d'obtenir de bons résultats à l'avenir, ce qui n'a pas été le cas.

[18]     L'avocat de l'appelante a fait remarquer que la jurisprudence avait évolué et que cela expliquait pourquoi la position de l'appelante avait changé. L'avocat a fait valoir que, comme le juge l'avait reconnu dans la décision Williams (précitée), le prêt avait été accordé en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien. La dépense avait été engagée pour accroître la rentabilité de l'appelante. Dans l'affaire Williams, il y avait trois catégories de dépenses. L'avocat a dit que c'était la troisième catégorie de dépenses qui intéressait l'appelante. Elle est décrite de la façon suivante :

[15]       La troisième catégorie se compose de montants qui étaient dus à l'appelante par Hollowforms par suite d'opérations entre cette dernière et des tiers, à l'égard desquelles l'appelante a effectué un paiement en faveur des tiers en cause pour le compte de Hollowforms. Ces montants sont énoncés dans la deuxième partie de l'annexe « A » . La preuve ne permet pas de déterminer clairement si ces dettes de Hollowforms découlent de contrats conclus pour son compte par l'appelante en tant que mandataire ou par les employés de l'appelante pendant qu'ils travaillaient pour Hollowforms. Je doute que les personnes qui étaient en cause se soient à quelque moment que ce soit posé la question. Quoi qu'il en soit, cependant, les dettes envers le fournisseur sont les dettes de Hollowforms, et la libération de ces dettes par l'appelante est à juste titre qualifiée de prêt de l'appelante à Hollowforms, et non de fourniture de produits et de services. Les montants qui forment cette catégorie ne peuvent par conséquent pas être qualifiés de produits, et ils n'ont pas été inclus dans le calcul du revenu de l'appelante. Ils ne sont pas admissibles à la déduction prévue à l'alinéa 20(1)p).

[19]     L'avocat a fondé son argumentation sur le paragraphe 17 de la décision mentionnée ci-dessus, que je cite intégralement :

[17]       Il est bien établi qu'un contribuable peut, dans le calcul du profit, déduire des montants qui ont été payés sans contrepartie à un autre contribuable ou dans l'intérêt de ce dernier, lorsque le paiement a été effectué en vue d'accroître la rentabilité de son entreprise en créant ou en maintenant un marché pour son produit, par exemple. Des affaires comme La Reine c. F. H. Jones Tobacco Sales Co. Ltd.[1], où la contribuable Jones a garanti certains prêts pour un client en retour de l'engagement par ce dernier de continuer à acheter à l'avenir ses matières premières de Jones, en font la démonstration. Le client est devenu insolvable et Jones a dû honorer les garanties. Le juge en chef adjoint Noël a conclu que Jones ne pouvait s'appuyer sur la disposition antérieure à l'alinéa 20(1)p) de la Loi pour déduire le montant qu'elle avait dû payer, mais que ce montant était néanmoins déductible à titre de montant dépensé par Jones en vue de tirer un revenu de sa propre entreprise. Les jugements The Queen v. Lavigueur[2] et Paco Corporation v. The Queen[3] fournissent d'autres exemples de l'application de ce principe.

[20]     L'avocat de l'intimée a tout d'abord établi l'inapplicabilité de la décision Jones Tobacco (précitée) à l'espèce en disant que, dans ce cas-là, la contribuable avait garanti les prêts du client et celui-ci s'était engagé à acheter les matières premières de la contribuable en retour. En l'espèce, il n'existe pas une telle relation contractuelle entre les parties.

[21]     L'avocat de l'intimée a dit que la décision Stewart & Morrison Ltd. c. M.R.N., [1974] R.C.S. 477 de la Cour suprême du Canada était en effet semblable à celle rendue en l'espèce. La Cour suprême avait conclu que le fait que la filiale avait utilisé les fonds fournis pour payer ses frais d'exploitation et qu'ils avaient été perdus dans une mauvaise affaire ne changeait pas la nature des avances. L'avocat a aussi mentionné la décision Morflot Freightliners Limited v. The Queen, 89 DTC 5182 rendue par le juge Strayer de la Cour fédérale, Section de première instance.

Analyse et conclusion

[22]     Il s'agit d'un dossier où la Cour doit déterminer si une dépense a été engagée ou effectuée au titre du revenu ou au titre du capital. L'appelante veut déduire en tant que dépense engagée au titre du revenu les prêts qu'elle a accordés sur une période d'environ huit ans, soit de 1987 à 1995, et qui s'élèvent à 499 145 $. Les prêts ont été consentis à une filiale américaine de l'appelante.

[23]     La Cour suprême du Canada a examiné des faits semblables à ceux de l'espèce et rendu une décision à cet égard dans l'arrêt Stewart & Morrison (précité). Voici un extrait de cette décision tiré des pages 478 et 479 :

Les faits ont été exposés au long dans les motifs qu'a rendus la Cour de l'Échiquier. J'adopte le résumé des faits qui se trouve à la fin des motifs du savant juge de première instance. Les faits sont les suivants :

Après étude, je crois que la preuve se résume aux faits suivants. L'intimée avait décidé qu'une filiale américaine, dont elle serait la seule propriétaire, serait constituée en corporation et ferait des affaires aux États-Unis; cette filiale constituerait également pour l'intimée une source de revenus et de bénéfices. La filiale devait faire des affaires en son nom propre, en qualité de compagnie américaine distincte, mais elle devait, pour reprendre les mots de M. Stewart, être « dirigée » par la compagnie mère, les opérations et la gestion des deux entreprises devant être étroitement liées. La filiale avait besoin d'une mise de fonds, mais n'avait pas de capitaux. L'intimée fournirait la mise de fonds requise ou prendrait des mesures pour qu'elle soit fournie. Elle a obtenu et garanti un prêt bancaire qui a été consenti directement à la filiale et a également effectué directement des avances afin de permettre à la filiale de démarrer et de poursuivre ses opérations. Les avances ont été considérées, tant par les deux compagnies que par leurs experts-comptables, dans leurs livres et leurs comptabilités respectifs, comme des prêts consentis par l'intimée. Les écritures comptables n'indiquent pas nécessairement la nature véritable des transactions, mais je pense qu'on a eu raison de traiter les avances en question comme des prêts. Le fait que la filiale ait utilisé les fonds ainsi fournis pour payer ses frais d'exploitation et qu'ils aient été perdus dans une mauvaise affaire, ne fixe ni ne change en rien la nature de l'opération de prêt consenti par l'intimée à la filiale.

À mon avis, les avances constituaient en l'espèce des dépenses de capital faites par l'intimée, dont la déduction est interdite par l'article [sic] 12(1)b) de la Loi et l'appel peut être jugé sur cette seule constatation.

Le savant juge de première instance a bien qualifié ces opérations que la compagnie mère a conclues avec sa filiale américaine. La compagnie mère fournissait un fonds de roulement à sa filiale au moyen de prêts. Ces derniers constituaient le seul fonds de roulement que la filiale américaine ait jamais eu à l'exception de la somme de 1 000 $ que Stewart & Morrison Limited avait investie pour l'acquisition de tout le capital-actions émis de sa filiale. Cet investissement a été perdu, ce qui constituait une perte en capital pour Stewart & Morrison Limited. C'est avec raison qu'il a été conclu que l'art. [sic] 12(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu interdisait la déduction de ces pertes.

Dans le présent appel, nous n'avons pas à nous demander quelles auraient été les conséquences si la contribuable appelante avait décidé d'ouvrir sa propre succursale à New York. Pour des raisons personnelles, elle n'a pas décidé de procéder de cette façon. Elle a financé une filiale et elle a perdu l'argent investi.

À mon avis, l'affaire L. Berman & Co. Ltd. v. M.N.R., [1961] C.T.C. 237, que la présente appelante a invoquée, ne s'applique pas. Dans l'affaire Berman, la contribuable avait volontairement effectué des paiements à des tiers, soit aux fournisseurs de sa filiale, afin que sa propre clientèle n'ait pas à subir d'inconvénients du fait que la filiale avait manqué à ses obligations. Le fondement de la décision de la Cour de l'Échiquier était le suivant :

[TRADUCTION]

Elle a déboursé les sommes parce qu'elle traitait avec les fournisseurs et allait continuer de traiter avec eux. Elle avait effectué les paiements à ses propres fins et leurs montants n'ont jamais été considérés comme des dettes de la United envers l'appelante (Berman).

[24]     Bref, les arguments avancés dans la cause Steward & Morrison étaient, comme en l'espèce, que la filiale serait rentable pour la société mère et que l'argent fourni sous forme de prêts était utilisé par la filiale pour payer ses frais d'exploitation. Il a quand même été conclu que les avances étaient des dépenses engagées au titre du capital, étant donné qu'en réalité, la société mère a fourni un fonds de roulement à sa filiale au moyen de prêts. Il a également été soulevé que, contrairement à ce qui s'est produit dans l'affaire L. Berman & Co. Ltd. (précitée), le contribuable n'a pas effectué les paiements aux fournisseurs de sa filiale.

[25]     Les montants que l'appelante en l'espèce a payés directement aux fournisseurs de sa filiale en 1996 ont été admis par le ministre, comme il est indiqué au paragraphe 16 des présents motifs.

[26]     Sur le même sujet, je tiens à souligner que, dans l'affaire Williams, il semble que les montants qualifiés de prêts concernaient des dépenses particulières payées pour la société soeur. Il semble bien y avoir eu de la facturation intersociétés et des frais payés par l'appelante pour une autre société. Je cite l'annexe « A » mentionnée aux paragraphes 9 et 15 de cette décision :


Annexe « A »

Williams Gold Refining Co. of Canada Limited c. Sa Majesté la Reine

Les dettes entre compagnies accumulées pour les exercices clos les 31 août 1990, 1991, 1992 et 1993 sont les suivantes :

1) Dépenses engagées par l'appelante et facturées à Hollowforms :

Salaires et avantages

234 708,08 $

Réparations de l'immeuble et de

l'équipement

10 425,85

Menus outils

17 180,31

Services publics et téléphone

22 866,12

Assurance

6 425,40

Stands et frais reliés à des présentations dans des congrès

1 913,27

Déplacements

1 771,06

Location d'équipement de bureau

1 883,44

Total

297 173,53 $

2) Coûts assumés par l'appelante pour le compte de Hollowforms :

Matières premières

208 016,66 $

Fournitures

53 331,67

Publicité et promotion

14 376,23

Frais de détention du fournisseur

1 244,37

Commissions de ventes

373,28

Honoraires professionnels/association

4 565,33

Loyer à un tiers

2 300

Taxe de vente provinciale et taxe d'accise

fédérale

6 700,81

Biens en immobilisation

22 666,66

Remboursement en argent comptant

(2 415,50)

Total

311 159,51 $

Total des montants inclus dans les dépenses à titre de mauvaises créances

608 333,04 $

[27]     Il n'existe aucune preuve de ce genre en l'espèce. L'appelante a consenti des prêts à sa filiale afin de lui fournir un fonds de roulement, comme dans l'affaire Stewart & Morrison Ltd. (précitée). Les prêts n'ont pas été consentis dans les circonstances décrites précédemment dans la décision Williams. Même si les prêts ont été consentis dans l'optique du succès de l'entreprise, la perte est une perte en capital.

[28]     Je reprends les propos tenus par le juge Strayer dans la décision Morflot Freightliners (précitée), aux pages 5184 et 5185 : [...] Normalement, les versements d'une société mère à une filiale servant au financement des activités de cette dernière sont tenus pour des paiements à titre de capital. [...] On a souvent dit, dans des affaires comme celle-ci, qu'il faut considérer la situation par rapport à la pratique commerciale pour déterminer dans quelle intention l'argent a été versé. [...]J'estime que le point critique en l'espèce est la distinction à faire entre la conservation d'un actif durable d'une part, et, d'autre part, l'engagement de dépenses dans le but de tirer un profit direct et plus immédiat de ventes ou, dans ce cas, de commissions. [...]Même si, comme en l'espèce, la continuité de la filiale avait une incidence importante sur le succès de la société mère et, qu'en ce sens, on pouvait dire qu'elle avait un lien avec la production d'un revenu par l'entreprise de la demanderesse, il n'en reste pas moins que les fonds avancés à la filiale étaient destinés à procurer un avantage de nature durable, ce qui en faisait une dépense de capital.

[29]     L'appel doit être rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de juin 2005.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI360

NO DU DOSSIER DE LA COUR :      2002-353(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Cathelle Inc. c. La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 18 novembre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                    Le 1er juin 2005

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me Louis-Frédérick Côté

Avocat de l'intimée :

Me Bernard Fontaine

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

       Pour l'appelante :

                   Nom :                              Louis-Frédérick Côté

                   Étude :                             Mendelsohn Rosentzveig Shacter

                                                          Montréal (Québec)

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)



[1]           [1973] C.F. 825.

[2]           73 DTC 5538.

[3]           80 DTC 6328.

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