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Dossier : 2005-1974(IT)G

ENTRE :

KATHRYN KOSSOW,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Requête entendue le 28 février 2006, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable D.G.H. Bowman, juge en chef

 

Comparutions :

 

Avocate de l’appelante :

Me A. Christina Tari

Avocat de l’intimée :

Me Craig Maw

____________________________________________________________________

ORDONNANCE

 

          Vu la requête présentée par l’avocate de l’appelante en vue d’obtenir une ordonnance en vertu de l’article 58 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) et de demander à la Cour qu’elle se prononce, avant l’audience, sur une question en particulier;

 

          Et après avoir lu l’affidavit de Michelle Julfs, déposé;

 

          Et après avoir pris connaissance des observations orales et écrites des avocats des parties;

 

          La Cour rejette la demande. Les dépens suivront l’issue de la cause.

 


Signé à Ottawa (Ontario) ce 14e jour de mars 2006.

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de février 2008.

 

Maurice Audet, réviseur


 

Référence : 2006CCI151

Date : 20060314

Dossier : 2005-1974(IT)G

ENTRE :

KATHRYN KOSSOW,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge en chef Bowman

 

[1]     Dans la présente requête, l’appelante demande une ordonnance en vertu de l’article 58 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles ») pour que la Cour se prononce, avant l’audience, sur une question en particulier.

 

[2]     L’avis de requête ne précise pas la question sur laquelle l’appelante voudrait que la Cour se prononce, mais il ressort assez clairement de l’argument présenté que la question est de savoir si l’argument principal invoqué par le ministre du Revenu national (le « ministre ») à l’appui des cotisations établies pour 2000, 2001 et 2002 était juste. Cette position est exposée dans l’avis de requête comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

[..] que l’appelante n’a pas fait de don aux termes du paragraphe 18.1(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu parce que, chaque année, l’appelante a reçu une contrepartie ou des avantages matériels sous la forme : (i) d’un prêt; (ii) d’un reçu aux fins de l’impôt.

 

L’article 58 des Règles est ainsi libellé :

 

        58. (1)      Une partie peut demander à la Cour,

 

a)     soit de se prononcer, avant l’audience, sur une question de droit, une question de fait ou une question de droit et de fait soulevée dans une instance si la décision pourrait régler l’instance en totalité ou en partie, abréger substantiellement l’audience ou résulter en une économie substantielle des frais;

 

b)    soit de radier un acte de procédure au motif qu’il ne révèle aucun moyen raisonnable d’appel ou de contestation de l’appel,

 

et la Cour peut rendre jugement en conséquence.

 

     (2)   Aucune preuve n’est admissible à l’égard d’une demande,

 

     a)      présentée en vertu de l’alinéa (1)a), sauf avec l’autorisation de la Cour ou le consentement des parties;

 

     b)    présentée en vertu de l’alinéa (1)b).

 

     (3)     L’intimée peut demander à la Cour le rejet d’un appel au motif que,

 

     a)      la Cour n’a pas compétence sur l’objet de l’appel;

 

     b)      une condition préalable pour interjeter appel n’a pas été satisfaite;

 

     c)      l’appelant n’a pas la capacité légale d’intenter ou de continuer l’instance,

 

et la Cour peut rendre jugement en conséquence.

 

[3]     L’alinéa 58(1)a) a été modifié récemment de manière que la Cour puisse se prononcer non seulement sur les questions de droit, mais aussi sur les questions préliminaires tant de fait et que de fait et de droit.

 

[4]     La question est plutôt complexe étant donné que le ministre a invoqué de nouveaux arguments subsidiaires, que j’exposerai ci-après.

 

[5]     Dans ses cotisations initiales à l’égard des années d’imposition 2000, 2001 et 2002, le ministre a refusé 80 pour 100 de la déduction demandée pour dons de bienfaisance au motif qu’aucun don n’avait été fait.

 

[6]     Le 16 août 2005, l’Agence des douanes et du revenu du Canada (l’« ADRC ») a écrit à l’appelante pour lui expliquer qu’elle avait modifié ses arguments à l’appui de la cotisation établie pour l’année d’imposition 2002 comme suit :

 

[TRADUCTION]

Après avoir établi une nouvelle cotisation en ce qui concerne votre demande de déduction pour dons relativement à la Ideas Canada Foundation pour l’année d’imposition 2002, nous avons modifié les arguments à l’appui de la nouvelle cotisation de la façon suivante :

 

Selon notre examen des circonstances dans lesquelles vous avez demandé une déduction pour dons relativement à un don fait à la Ideas Canada Foundation (« Ideas ») pour l’année 2002, nous avons conclu que la totalité de la déduction que vous avez demandée doit être refusée aux motifs suivants :

 

1.      aucun don de bienfaisance valide n’a été fait selon l’article 118.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »);

 

ou, subsidiairement,

 

      2.   le prêt sans intérêt sur 25 ans que vous avez reçu est une manœuvre frauduleuse;

           

      ou, subsidiairement,

 

      3.   la règle générale anti-évitement (la « RGAE ») contenue au paragraphe 245(2) de la Loi s’applique étant donné que l’article 118.1 de la Loi a été utilisé de façon abusive et qu’il y a eu abus de l’objet et de l’esprit de la Loi lue dans son ensemble.

 

La déduction des 20 pour 100 restants est rejetée.                                      10 000 $

 

 

[7]     Comme il semblerait que les années 2000 et 2001 étaient frappées de prescription, le ministre n’a pas pu établir de nouvelles cotisations à l’égard de ces années en fonction des nouveaux arguments subsidiaires. Néanmoins, dans la réponse à l’avis d’appel, la Couronne fait valoir que les nouveaux arguments sont des arguments subsidiaires distincts. Selon la règle habituelle, il incombe au contribuable de réfuter le fondement sur lequel repose la cotisation. Si la Couronne décide d’invoquer un nouveau fondement à l’appui de la cotisation, c’est à elle qu’il incombe d’établir le fondement (M.N.R. v. Pillsbury Holdings Limited, 64 DTC 5184). En l’espèce, la Cour est saisie d’une situation quelque peu inhabituelle où des arguments subsidiaires ont été présentés à l’appui de la nouvelle cotisation établie pour 2002, mais où les mêmes arguments subsidiaires ont été présentés comme étant des arguments distincts pour les années 2000 et 2001. L’avocate de l’appelante prétend que dans les cas où le ministre présente des arguments subsidiaires pour confirmer la cotisation, c’est à lui qu’il incombe d’établir le fondement. Je suis enclin à accepter son argument, du moins en ce qui concerne les années 2000 et 2001.

 

[8]     Toutefois, je n’accepte pas sa proposition voulant que les arguments subsidiaires soient le fondement même de la cotisation, comme pour l’année 2002. Dans ce cas, j’estime qu’il s’agit d’une situation où le fardeau repose normalement sur le contribuable.

 

[9]     Il y a, bien sûr, l’élément complexe supplémentaire découlant du fait que, même si l’un des arguments qu’invoque le ministre à l’appui de la cotisation pour 2002 est l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), l’intimée invoque quand même la règle générale anti-évitement (la « RGAE ») comme motif pour confirmer les cotisations pour 2000 et 2001.

 

[10]    Le paragraphe 245(7) est ainsi libellé :

 

(7) Exception — Malgré les autres dispositions de la présente loi, les attributs fiscaux d’une personne, par suite de l’application du présent article, ne peuvent être déterminés que par avis de cotisation, de nouvelle cotisation ou de cotisation supplémentaire ou que par avis d’un montant déterminé en application du paragraphe 152(1.11), compte tenu du présent article.

 

[11]    Dans l’arrêt S.T.B. Holdings Ltd. v. R., [2003] 1 C.T.C. 36, la Cour d’appel fédérale a jugé que cette disposition n’empêche pas le ministre d’invoquer la RGAE à n’importe quel niveau pour appuyer la cotisation.

 

[12]    La seule question que j’ai à trancher est celle de savoir si le principal argument à l’appui de la cotisation (aucun don / avantage matériel) constitue une question distincte et indépendante sur laquelle la Cour peut se prononcer avant l’audience.

 

[13]    Je ne pense pas qu’il faut disjoindre l’argument principal du reste de l’affaire et trancher la question séparément. Plusieurs raisons m’incitent à tirer cette conclusion.

 

          a)    La question de savoir si le fait de faire le don comportait un avantage correspondant pour l’appelant soulève une question de fait importante qu’il serait préférable de laisser au juge qui présidera l’affaire le soin de trancher dans le contexte de l’audience en général.

 

          b)    Il ne serait pas approprié pour moi, à titre de juge de la requête, de mettre la question au rôle pour qu’un juge la tranche, parce que le juge qui serait saisi des autres questions (manœuvres frauduleuses et RGAE) serait ainsi lié par la décision du juge qui aurait tranché la première question, laquelle soulève des questions de fait et de droit qui sont inextricablement liées aux questions de fait et de droit des deuxième et troisième questions. Il serait préférable qu’un seul juge tranche toutes les questions dans le cadre d’une seule instance.

 

          c)    Même si la Cour se prononçait sur la question que l’appelante souhaite régler au préalable selon l’article 58, cela ne permettrait pas de régler toute l’affaire. Il faudrait aussi rendre une décision à l’égard des deux autres arguments. L’instance ne serait donc pas abrégée de façon considérable.

 

          d)    Le premier argument (aucun don / avantage matériel) est une question à l’égard de laquelle les deux parties devraient tenir des interrogatoires préalables. À mon avis, il serait prématuré d’essayer de trancher la question dans l’abstrait en l’absence de fondement factuel.

 

[14]    Les deux avocats ont invoqué un certain nombre de textes faisant autorité. Certains de ces textes sont antérieurs à la modification de l’article 58 des Règles. Dans une certaine mesure, le pouvoir discrétionnaire de la Cour doit, en partie, être fondé sur des motifs de commodité, d’efficacité et d’équité. La Cour a autant intérêt que les parties à ce que les affaires soient réglées de façon expéditive, mais je ne pense pas que la disjonction de l’affaire pour que soient rendues des décisions distinctes donnerait ce résultat.

 

[15]    La demande est rejetée. Les dépens suivront l’issue de la cause.

 

Signé Ottawa, Canada, ce 14e jour de mars 2006.

 

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de février 2008.

 

Maurice Audet, réviseur



RÉFÉRENCE :

2006CCI151

 

 

NO DE DOSSIER :

2005-1974(IT)G

 

 

INTITULÉ :

Kathryn Kossow et

Sa Majesté la Reine

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 28 février 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable DGH Bowman,

juge en chef

 

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

Le 14 mars 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l’appelante :

Me A. Christina Tari

 

 

Avocat de l’intimé :

Me Craig Maw

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

 

Nom :

Richler et Tari

 

Cabinet :

Avocats-fiscalistes

 

 

2225, avenue Sheppard Est

Bureau 1001, atrium III

Toronto (Ontario) M2J 5C2

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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