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Dossier : 2006-2309(GST)I

ENTRE :

GINETTE GAGNÉ,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 15 décembre 2006, à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

Comparutions :

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Pour l'intimée :

Me Martine Bergeron

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 17 août 2005, portant le numéro 050610022239G0009, relativement à la taxe sur les produits et services, pour la période se terminant le 1er janvier 2005, est accueilli, sans frais et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelante a droit au remboursement de la taxe sur les produits et services au montant de 2 811,61 $.

Signé à Montréal, Canada, ce 2e jour de février 2007.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


Référence : 2007CCI175

Date : 20070202

Dossier : 2006-2309(GST)I

ENTRE :

GINETTE GAGNÉ,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]      Il s'agit de l'appel par voie de la procédure informelle d'une décision de l'intimée de refuser la demande de remboursement de la taxe sur les produits et services (la « TPS » ) au montant de 2 811,61 $, soumise le ou vers le 21 février 2005 à la suite de la construction par l'appelante d'une habitation neuve.

[2]      La demande de remboursement était fondée sur le paragraphe 256(2) de la Loi sur la taxe d'accise (la « LTA » ). Il n'existe aucune équivoque quant à la date de la fin des travaux, soit le ou vers le 1er janvier 2005, quant au montant de taxe réclamé, ni quant au délai de production de la demande de remboursement qui a été produite à l'intérieur du délai de deux ans prévu par le paragraphe 256(3) de la LTA.

[3]      Le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) a refusé le remboursement de la TPS au motif que l'une des conditions requises par les dispositions du paragraphe 256(2) de la LTA n'aurait pas été rencontrée, à savoir que l'immeuble ne servait pas de résidence habituelle à l'appelante.

[4]      Le passage pertinent du paragraphe 256(2) de la LTA se lit comme suit :

Remboursement-habitation construite par soi-même -

(2) Le Ministre verse un remboursement à un particulier dans le cas où, à la fois :

a) le particulier, lui-même ou par un intermédiaire, construit un immeuble d'habitation - immeuble d'habitation à logement unique ou logement en copropriété - ou y fait des rénovations majeures, pour qu'il lui serve de résidence habituelle ou serve ainsi à son proche;

[5]      Pour établir la cotisation, le Ministre s'est fondé notamment sur les présomptions de faits décrites au paragraphe 8 de la Réponse à l'avis d'appel :

a)          la construction de l'immeuble à l'égard duquel un remboursement de TPS pour habitation neuve a été réclamé s'est terminée le ou vers le 1er janvier 2005;

b)          un montant de TPS total de 7 810,03 $ a été payé pour la construction de l'immeuble;

c)          lors de l'achèvement des travaux et au moment de la demande de remboursement, l'appelante habitait toujours de façon habituelle au 2925 boul. Langelier, #3, Montréal, ce qu'elle a admis lors de ses discussions avec l'agente d'opposition;

d)          lors de l'achèvement des travaux et au moment de la demande de remboursement, l'appelante occupait toujours un emploi à Montréal et aucune date de retraite n'était fixée;

e)          l'appelante a reconnu qu'elle n'avait pas l'intention à court terme de mettre fin à son bail à Montréal puisque son conjoint ne prenait pas sa retraite à court terme;

f)           aucun élément de preuve ne permet de conclure que l'habitation neuve sise au 136, chemin Pilon à Rivière Rouge constitue la résidence habituelle de l'appelante;

g)          l'habitation neuve sise au 136, chemin Pilon constitue tout au plus une résidence secondaire de l'appelante, non admissible au remboursement de TPS pour habitation neuve.

[6]      La question en litige consiste à déterminer si l'appelante a droit au remboursement de la TPS qu'elle a payée dans le cadre du projet d'auto-construction de la résidence.

[7]      L'appelante a acquis en juillet 2004 de son fils une partie d'un terrain lui appartenant situé à Rivière Rouge afin d'y construire une maison pour sa retraite. Les travaux de construction ont été réalisés plus rapidement que prévu et la maison est devenue pratiquement habitable en janvier 2005.

[8]      L'appelante était à cette époque une employée de la Commission scolaire de Montréal en prêt de service au Collège du Vieux Montréal. Elle était admissible à la retraite et elle allègue dans son avis d'appel avoir prévenu la Commission scolaire de Montréal et le Collège du Vieux Montréal de l'éminence de sa démission. De fait, elle a démissionné de son poste de régisseur à l'imprimerie de la Commission scolaire de Montréal le 9 janvier 2006.

[9]      À cette époque, l'appelante résidait avec son conjoint au 2925, Langelier, app. 3, Montréal (Québec) H1N 3A4 et il était prévu qu'il devait trouver un travail dans la région de Rivière Rouge.

[10]     Les plans de l'appelante n'ont pu se concrétiser parce que son conjoint a commencé à éprouver des problèmes de santé qui l'ont forcé à un congé de maladie avec suivis médicaux par des spécialistes, lequel congé a débuté le 7 avril 2005 et s'est terminé au milieu du mois de septembre 2005.

[11]     Comme son conjoint devait subir des traitements médicaux auprès de spécialistes, l'appelante a changé ses plans et a décidé de retarder son déménagement à Rivière Rouge. Elle a alors demandé au Collège du Vieux Montréal de prolonger son prêt de service ce qui fut accepté à la condition qu'elle s'engage à exécuter un nouveau mandat et à le terminer.

[12]     Par conséquent, la résidence de Rivière Rouge n'est jamais devenue la résidence habituelle de l'appelante et elle ne pourra le devenir qu'en juin 2008, date à laquelle l'appelante pourra prendre sa retraite.

[13]     L'enquête a révélé que l'appelante réside toujours au 2925 Langelier à Montréal et qu'elle n'a jamais donné d'avis pour mettre fin à son bail. Lors de son témoignage, l'appelante a expliqué qu'elle résidait à cet endroit depuis plusieurs années et qu'elle s'entendait bien avec le locateur. Selon elle, l'absence de préavis pour mettre fin au bail ne l'aurait pas empêchée de déménager à Rivière Rouge au moment désiré.

[14]     Il fut également démontré que l'appelante n'a pas de téléphone, ni de boîte aux lettres à Rivière Rouge et qu'elle utilise toujours son adresse de Montréal comme adresse officielle pour son permis de conduire et pour ses déclarations de revenus et ses demandes de remboursement d'impôt.

[15]     L'appelante a par contre produit copie d'une lettre datée du 27 octobre 2005 de la Caisse d'Économie de l'Éducation confirmant que l'hypothèque consentie par la Caisse d'Économie de l'Éducation à l'appelante a été pour la construction de sa résidence principale au chemin Pilon à Rivière Rouge (la lettre réfère par erreur à la ville de l'Assomption plutôt qu'à la ville de Rivière Rouge).

[16]     Le seul point en litige est de déterminer si l'appelante a construit la résidence de Rivière Rouge pour qu'elle lui serve de résidence habituelle comme l'exige l'alinéa 256(2)a) de la LTA.

[17]     L'énoncé de politique P-228 émis le 30 mars 1999 énonce les lignes directrices pour déterminer la résidence habituelle d'une personne aux fins des remboursements de TPS/TVQ pour habitations neuves. Sous la rubrique « Intention » , ledit énoncé de politique précise ce qui suit :

Aux fins du remboursement de TPS/TVQ pour habitations neuves, la Loi exige que le particulier ait acquis ou construit l'immeuble d'habitation ou la part dans la coopérative, ou y ait apporté des rénovations majeures, en vue de l'utiliser à titre de résidence habituelle du particulier ou du parent admissible. Cette exigence pourrait être considérée comme un critère d' « intention » .

Les intentions ne peuvent être jugées qu'au moyen d'indices externes, c'est-à-dire, la présence ou l'absence de mesures physiques ou de preuves [...]. Si le particulier ou le parent admissible n'utilise pas en fait l'immeuble d'habitation ou l'habitation à titre de résidence habituelle, sans qu'un événement ne l'en empêche, on peut généralement conclure que le particulier n'a pas acquis, construit ou rénové en grande partie l'immeuble ou l'habitation pour l'utiliser à cette fin.

[18]     Dans le cas présent, l'intention de l'appelante au moment de la construction de la résidence a été établie par son seul témoignage. À l'appui de ses prétentions, elle réfère à la lettre de la Caisse d'Économie de l'Éducation confirmant que l'hypothèque a été consentie à l'appelante pour sa résidence principale de même qu'au fait qu'elle était alors admissible à la retraite et au fait que la maladie de son conjoint l'a empêchée de déménager et d'utiliser l'immeuble à titre de résidence habituelle. Ceci n'a pas été mis en doute par l'intimée au moment du contre-interrogatoire et je n'ai aucune raison de douter de la crédibilité de l'appelante.

[19]     Aucune jurisprudence n'a été soumise par l'intimée. Pourtant dans l'affaire Boucher c. R., [2002] G.S.T.C. 84 (CCI) (procédure informelle), la question d'intention a été examinée et la juge Lamarre a accepté qu'un événement postérieur à la construction de la résidence ait empêché qu'elle ne devienne la résidence habituelle et permanente de la famille. Je cite le paragraphe 18 de la version française de ladite décision :

[18] Je ne crois pas que l'on puisse dire que la résidence de Val-Bélair était une résidence secondaire. D'ailleurs, elle a été mise en vente en septembre 2000 dès que l'appelant a su que sa femme n'aurait pas d'emploi à Québec. À mon avis, si la femme de l'appelant s'était trouvé un emploi à Québec en septembre 2000, l'intimée n'aurait pas contesté le remboursement de la taxe (TPS) pour habitation neuve. Ce n'est pas parce que ses démarches ont été infructueuses dans la région de Québec que cela change le but de la construction de la résidence de Val-Bélair.

[20]     Tout comme dans l'affaire Boucher, l'appelante n'a pu habité de façon permanente et habituelle à la résidence de Rivière Rouge à cause d'un événement postérieur à la construction qui était imprévisible et hors de son contrôle. Cet événement ne peut avoir pour effet de changer le but de la construction de la résidence de Rivière Rouge.

[21]     Pour ces raisons, je suis d'avis que l'appelante rencontre les conditions prévues au paragraphe 256(2) de la LTA et, plus particulièrement, celle qui requiert que l'appelante ait construit la résidence de Rivière Rouge pour qu'elle lui serve ainsi qu'à son conjoint de résidence habituelle. Comme c'était le seul point en litige, l'appel est admis, sans frais et la cotisation est déférée au Ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelante a droit au remboursement de la TPS au montant de 2 811,61 $.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


RÉFÉRENCE :                                   2007CCI175

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2006-2309(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               GINETTE GAGNÉ c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 15 décembre 2006

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :                    le 2 février 2007

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :                   

L'appelante elle-même

Pour l'intimée                                                :

Me Martine Bergeron

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour l'appelante:                          

       Pour l'intimée :                            

                   Nom :                              John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario

        

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