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Dossier : 2004-933(IT)G

ENTRE :

DAVID GRANT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

ET ENTRE :

Dossier : 2004-935(IT)G

CATHERINE GRANT,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus les 18 et 19 mai 2006 à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : l'honorable juge Judith Woods

Comparutions :

Avocats des appelants :

Me Joel A. Nitikman

Me Lynn Jenkins

Avocats de l'intimée :

Me Robert Carvalho

Me Ron D. F. Wilhelm

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Il est ordonné que les appels interjetés contre les cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1997 et 1998 de David Grant et à l'égard de l'année d'imposition 1998 de Catherine Grant soient rejetés.       

          Un seul mémoire de dépens est alloué à l'intimée.

          Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de juin 2006.

« J. Woods »

La juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour d'octobre 2006.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2006CCI373

Date : 20060629

Dossiers : 2004-933(IT)G

2004-935(IT)G

ENTRE :

DAVID GRANT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

ET ENTRE :

CATHERINE GRANT,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Woods

I. Introduction

[1]      Les appelants, David et Catherine Grant, interjettent appel contre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), dans sa version modifiée, à l'égard d'une série d'opérations appelées [TRADUCTION] « opérations de départ » .

[2]     Je fais remarquer que les appelants ne sont pas les seuls contribuables ayant fait des appels concernant des opérations de départ. Les avocats m'ont informée que les appels d'autres contribuables doivent être instruits plus tard cet été.

[3]      Le concept général d'une opération de départ consiste à créer des déductions d'intérêts qui réduisent l'impôt à payer d'un particulier qui prévoit émigrer du Canada. Le contribuable qui prévoit quitter le Canada emprunte de l'argent d'un établissement financier et engage des frais d'intérêts qui sont déductibles en partie dans la période précédant son départ. L'argent emprunté est simultanément réinvesti auprès du même établissement financier, et le contribuable gagne des intérêts qui ne sont pas imposables vu qu'ils sont reçus après qu'il a mis fin à sa résidence au Canada.

[4]      Les appelants, qui sont mari et femme, ont conclu un arrangement de ce genre avec un établissement financier le 24 décembre 1998 et ont cessé d'être des résidents du Canada le 30 décembre 1998. Le 24 décembre 1998, ils ont emprunté une somme importante de la Banque Canadienne Impériale de Commerce (la CIBC) et ont déposé cette même somme auprès d'une filiale de la banque. Les deux obligations arrivaient à échéance le 4 janvier 1999 alors que les appelants n'étaient plus des résidents du Canada.

[5]      Environ 1 G$US ont été empruntés en tout par les appelants, et ceux-ci ont engagé des frais d'intérêts d'environ 1,7 M$US, lesquels devaient être appliqués en réduction de leur revenu imposable pour l'année de leur départ.

[6]      Les appels ont été entendus ensemble sur preuve commune. L'année d'imposition en cause pour les deux appelants est 1998, mais l'année d'imposition 1997 est aussi en cause pour M. Grant, car il a demandé des déductions d'intérêts suffisamment élevées pour donner lieu à une perte globale pour l'année d'imposition 1998, qu'il a demandé à reporter rétrospectivement à 1997.

II. Les faits

[7]      Quelque temps en 1998, les appelants ont décidé de s'établir à Singapour et, le 30 décembre 1998, ils ont cessé d'être des résidents du Canada pour les fins de la Loi.

[8]      Peu de temps avant de cesser d'être des résidents du Canada, les appelants ont négocié une série d'opérations avec la CIBC. Voici un résumé de ces opérations, lequel est fondé sur les observations écrites présentées par les appelants.

Les emprunts

a)                   Le 24 décembre 1998, les appelants ont emprunté en tout environ 1 G$US auprès de la succursale de New York de la CIBC (les « emprunts » ).

b)                   Les appelants devaient rembourser le plein montant du principal le 4 janvier 1999.

c)                   Les intérêts sur les emprunts ont couru au taux de 7,9756 % du 24 au 30 décembre 1998. Les intérêts pour cette période étaient payables le 31 décembre 1998.

d)                   Les intérêts sur les emprunts ont couru au taux de 7,9756 % du 31 décembre 1998 au 3 janvier 1999. Les intérêts pour cette période étaient payables le 4 janvier 1999.

e)                   Le taux d'intérêt de 7,9756 % respectait les paramètres commerciaux normaux.

Les prêts-relais

f)                     La CIBC a convenu de prêter aux appelants environ 1,5 M$US (les « prêts-relais » ) pour financer une partie des intérêts payables le 31 décembre 1998.

Les billets

g)                            Le 24 décembre 1998, les appelants ont acheté des billets émis par la Canadian Imperial Holdings Inc. (CIHI) au montant total d'environ 1 G$US (les « billets » ). La CIHI est une résidente des États-Unis ainsi qu'une filiale à 100 % de la CIBC.

h)                   Les billets étaient remboursables en entier avec intérêts le 4 janvier 1999.

i)                                       Les intérêts sur les billets ont couru au plus élevé des taux suivants : (i) 7,3850 % et (ii) USD-LIBOR-BBA + 1,9000 %, l'USD-LIBOR-BBA étant le taux interbancaire offert à Londres en dollars US fixé par la British Bankers' Association, qui est un taux variable.

j)                                       Le taux d'intérêt sur les billets respectait les paramètres commerciaux normaux.

Le rapport entre les emprunts et les billets

k)                                     Pour garantir les emprunts, les appelants ont donné en gage à la CIBC (i) les billets et (ii) une somme en espèces d'environ 220 000 $US (le « dépôt en garantie » ).

l)                                       Au moyen d'accords de compensation datés du 24 décembre 1998, les parties se sont entendues entre autres pour que tous les montants payables selon les billets soient versés à la CIBC afin d'acquitter les emprunts et pour que tout solde dû selon les billets fasse l'objet d'une novation et soit remplacé par une obligation réduite de la CIHI. (Il ne s'agit pas ici d'une description complète des accords de compensation, mais il n'est pas nécessaire pour les besoins de cette décision de les décrire tous en détail.)

Le paiement des intérêts du 31 décembre 1998

m)                                   Les appelants ont contracté les prêts-relais auprès de la CIBC le 31 décembre 1998 au taux d'intérêt de 7,9756 %, et ces prêts-relais étaient dus et exigibles le 4 janvier 1999.

n)                                     Le 31 décembre 1998, les appelants ont utilisé (i) les sommes empruntées dans le cadre des prêts-relais, (ii) le dépôt en garantie et (iii) les intérêts courus sur le dépôt en garantie du 24 au 30 décembre 1998 pour payer des intérêts à la CIBC d'environ 1,7 M$US.

Les paiements du 4 janvier 1999 à l'échéance

o)                                     Le 4 janvier 1999, la CIHI a remboursé les billets et payé des intérêts s'élevant à 2,5 M$US.

p)                                     Le 4 janvier 1999, les appelants ont utilisé le produit des billets pour rembourser les emprunts et les prêts-relais et pour payer les intérêts sur ces emprunts et prêts-relais s'élevant à environ 1 M$US en tout.

q)          Compte tenu des diverses étapes des opérations, les appelants ont perdu un montant total net d'environ 200 000 $US.

[9]      Dans leurs déclarations de revenus canadiennes pour l'année d'imposition 1998, les appelants ont demandé une déduction relative aux intérêts payés le 31 décembre, déduction s'élevant à environ 1,5 M$US en tout. Le ministre a établi une nouvelle cotisation relative à l'impôt à payer pour l'année afin de refuser cette déduction.

[10]     Ce n'est pas le seul montant en cause, car les appelants ont payé, en réalité, des intérêts s'élevant à environ 1,7 M$US le 31 décembre. Il est possible que la différence de quelque 200 000 $US ait été oubliée par inadvertance au moment où les déclarations de revenus ont été remplies.

[11]     La déductibilité de la somme de 1,7 M$US est la seule question visée par les appels. Les appelants ont payé un montant supplémentaire d'intérêts le 4 janvier 1999 pour lequel ils n'ont pas demandé de déduction. Les appelants n'ont pas non plus inclus dans le calcul de leur revenu les intérêts reçus le 4 janvier. L'intimée ne conteste pas cet aspect de l'opération.

III. Affaires préliminaires

[12]     Au début de l'audience, les avocats des appelants ont dit qu'une des questions visées par les appels concerne la date où les appelants ont cessé d'être des résidents du Canada, ce que j'ai trouvé curieux, car il n'y avait aucune indication dans les actes de procédure que cette date était en litige.

[13]     Les avocats des appelants m'ont informée que leurs clients ne demandaient pas l'autorisation de modifier les actes de procédure afin d'y ajouter la date aux questions en litige, car ils ne voulaient pas faire l'objet d'autres interrogatoires préalables. Les avocats ont fait valoir, cependant, qu'une modification ne devrait pas être nécessaire vu que les avocats de l'intimée ont posé de nombreuses questions concernant la résidence lors des interrogatoires préalables.

[14]     L'intimée s'est opposée vertement à ce que les appelants soient autorisés à soulever une question concernant la résidence sans que les actes de procédure aient été modifiés au motif que les questions posées lors des interrogatoires préalables n'avaient pas traité à fond de ce point.

[15]     J'étais d'accord avec l'intimée sur ce point et j'ai refusé d'entendre quelque argumentation que ce soit concernant le moment où les appelants ont cessé d'être des résidents du Canada. Aucune autorisation de modifier les actes de procédure n'a été demandée. À mon sens, il serait très injuste de permettre aux appelants de soulever une question concernant la résidence lors de l'audience sans qu'une telle modification n'ait été apportée.

[16]     L'audience a donc été menée en supposant que les appelants ont cessé d'être des résidents du Canada le 30 décembre 1998.

[17]     Par souci du détail, j'ajouterais qu'une autre question soulevée dans l'avis d'appel a été retirée par les appelants au début de l'audience. Il s'agissait d'une question de prescription relative à un argument présenté pour la première fois par l'intimée une fois échue la période normale de nouvelle cotisation. L'avocat des appelants a dit qu'il laissait tomber la question de la prescription, car il n'y avait pas de jurisprudence récente à l'appui de sa thèse à ce sujet.

IV. Question en litige

[18]     La seule question à trancher consiste à déterminer si les intérêts payés par les appelants le 31 décembre 1998 au montant de 1,7 M$US, ou à un montant moins élevé, sont déductibles dans le calcul du revenu des appelants pour l'année d'imposition 1998.

[19]     L'argumentation de l'intimée comporte trois volets.

[20]     Le principal argument de l'intimée est que les intérêts payés le 31 décembre 1998 ne peuvent pas être déduits en raison des règles que renferme l'article 114 de la Loi concernant les personnes qui résident au Canada pendant une partie de l'année seulement. L'intimée soutient que l'article 114 interdit la déduction parce que les intérêts ont été payés à un moment où les appelants n'étaient pas des résidents du Canada.

[21]     L'intimée fait aussi valoir que les intérêts payés ne répondent pas à une des conditions relatives à la déductibilité des intérêts qui sont énoncées à l'alinéa 20(1)c) de la Loi. Je fais remarquer que la condition visée par cet argument ne se rapporte pas au critère de production de revenu dont il est question à l'alinéa 20(1)c). L'intimée soutient plutôt que l'alinéa 20(1)c) interdit la déduction parce que l'argent emprunté par les appelants a été utilisé pour gagner un revenu qui était exonéré d'impôt.

[22]     Enfin, l'intimée affirme que la déduction devrait être refusée en vertu de la disposition générale anti-évitement du paragraphe 245(2) de la Loi. À cet égard, les appelants avouent que les opérations donnent lieu à un « avantage fiscal » et qu'il s'agit d' « opérations d'évitement » pour l'application du paragraphe 245(2), mais ils soutiennent que les opérations ne constituent pas un abus.

V. Analyse

[23]     Je vais limiter l'analyse au principal argument de l'intimée, lequel concerne l'article 114. Compte tenu de la conclusion à laquelle je suis arrivée concernant cette question, il n'est pas nécessaire que je me penche sur les arguments subsidiaires de l'intimée concernant l'alinéa 20(1)c) et le paragraphe 245(2).

[24]     L'article 114 prévoit une formule spéciale pour le calcul du revenu imposable d'un particulier qui est un résident du Canada pendant une partie seulement d'une année d'imposition. Comme les appelants ont été des résidents du Canada jusqu'au 30 décembre 1998 et qu'ils n'étaient pas des résidents du Canada pendant la petite partie de l'année qui reste, les dispositions de l'article 114 s'appliquent au calcul de leur revenu imposable pour toute l'année.

[25]     La question à trancher consiste à déterminer si les intérêts payés par les appelants le 31 décembre peuvent être déduits dans le calcul du revenu imposable selon l'article 114.

[26]     Il faut saisir l'esprit général de l'article 114 pour pouvoir effectuer l'analyse. L'article en question porte que :

114. Malgré le paragraphe 2(2), le revenu imposable pour une année d'imposition du particulier qui réside au Canada tout au long d'une partie de l'année mais qui, tout au long d'une autre partie de l'année, est un non-résident correspond à l'excédent éventuel du montant visé à l'alinéa a) :

a) le montant qui correspondrait au revenu du particulier pour l'année s'il n'avait, pour la partie de l'année tout au long de laquelle il était un non-résident, que le revenu ou les pertes suivants :

(i) le revenu ou les pertes visés aux alinéas 115(1)a) à c),

(ii) le revenu qui aurait été inclus dans son revenu imposable gagné au Canada pour l'année en application du sous-alinéa 115(1)a)(v) si la partie de l'année tout au long de laquelle il était un non-résident constituait l'année d'imposition entière,

sur la somme des montants suivants :

b) les déductions permises par le paragraphe 111(1) et, dans la mesure où elles se rapportent à des montants inclus dans le calcul du montant déterminé selon l'alinéa a), les déductions permises par l'un des alinéas 110(1)d) à d.2) et f);

c) toute autre déduction permise pour le calcul du revenu imposable, dans la mesure où, selon le cas :

(i) il est raisonnable de considérer qu'elle s'applique à la partie de l'année tout au long de laquelle le particulier a résidé au Canada,

(ii) si la totalité ou la presque totalité du revenu du particulier pour la partie de l'année tout au long de laquelle il était un non-résident est incluse dans le montant déterminé selon l'alinéa a), il est raisonnable de considérer qu'elle s'applique à cette partie de l'année.

[27]     L'article 114 prévoit une détermination en trois étapes du revenu imposable d'un contribuable résidant au Canada pendant une partie de l'année seulement.

[28]     D'abord, le contribuable calcule le montant décrit à l'alinéa a), qui modifie le calcul du revenu prévu à la section B.

[29]     La section B s'intitule « Calcul du revenu » et comporte un certain nombre de déductions et d'inclusions dont il faut tenir compte dans le calcul du revenu en application des articles 3 à 108 de la Loi. Elle comprend la déduction des intérêts à l'alinéa 20(1)c).

[30]     Essentiellement, l'alinéa a) modifie le calcul du revenu du fait qu'il exige que l'année d'imposition soit divisée en deux périodes, soit la période de résidence et la période de non-résidence. Le revenu pour chaque période est alors calculé d'une manière semblable à celle dont les résidents et les non-résidents du Canada sont généralement tenus, respectivement, de le faire.

[31]     Après avoir déterminé le revenu modifié selon l'alinéa 114a), le contribuable est tenu, selon l'alinéa 114b), de soustraire de ce revenu des sommes qui y sont expressément indiquées. Ces déductions correspondent à certaines des déductions prévues dans la section C.

[32]     La section C s'intitule « Calcul du revenu imposable » et est composée des articles 109 à 114.2. Elle comporte un certain nombre de déductions et d'inclusions dont il faut tenir compte dans le calcul du revenu imposable et comprend aussi l'article 114.

[33]     Enfin, le contribuable est tenu, selon l'alinéa 114c), d'effectuer d'autres déductions dans le calcul de son revenu imposable. Les sommes qui sont déductibles sont en général des sommes qu'il est raisonnable de considérer comme se rapportant à la période où le contribuable a été résident du Canada.

[34]     J'applique maintenant cette formule aux faits en l'espèce. Comme je l'ai mentionné ci-dessus, les intérêts constituent un des éléments pris en compte dans le calcul du revenu aux termes de la section B. Ainsi, il en est tenu compte dans la détermination du montant visé à l'alinéa 114a).

[35]     Les parties conviennent que les intérêts payés par les appelants le 31 décembre n'entrent pas dans le calcul du revenu imposable selon l'alinéa 114a), car ils ont été payés à une époque où les appelants n'étaient pas des résidents du Canada. Le fait que la méthode de comptabilité qui est de mise pour cette opération est la méthode de la comptabilité de caisse n'est pas en litige.

[36]     La question qui oppose les parties est celle de savoir si les intérêts sont déductibles en vertu de l'alinéa 114c). Ce qui permettra de trancher cette question est la bonne interprétation du passage suivant de l'alinéa 114c) : « toute autre déduction permise pour le calcul du revenu imposable » .

[37]     L'intimée affirme que l'alinéa 114c) ne s'applique qu'aux déductions qui sont expressément permises dans le calcul du revenu imposable, c'est-à-dire les déductions énoncées dans la section C de la Loi. Elle fait valoir que le libellé de l'alinéa 114c) est conforme au libellé général utilisé dans des articles donnés de la section C et qu'il faut lui accorder le même sens.

[38]     Les appelants, par contre, sont d'avis que l'alinéa 114c) permet la déduction de toute dépense qui est déductible dans le calcul d'un montant comme revenu imposable pourvu qu'il soit raisonnable d'attribuer la dépense à la partie de l'année où le contribuable est un résident.

[39]     Les appelants soutiennent que cela comprend des déductions comme des intérêts qui sont déductibles dans le calcul du revenu aux termes de la section B. De plus, ils soutiennent qu'il est raisonnable de considérer que six septièmes des intérêts payés par eux le 31 décembre sont attribuables à une période où ils étaient des résidents du Canada, car ils se rapportent à la période du 24 au 30 décembre tout au long de laquelle ils étaient des résidents du Canada.

[40]     La question primordiale, donc, est de déterminer si l'alinéa 114c) s'applique aux déductions permises dans le calcul du revenu et du revenu imposable, c'est-à-dire aux déductions prévues dans les sections B et C, ou si l'alinéa 114c) ne s'applique qu'aux déductions qui sont expressément permises dans le calcul du revenu imposable, c'est-à-dire aux déductions prévues à la section C.

[41]     Pour les raisons énoncées ci-dessous, j'en conclus que l'interprétation de l'alinéa 114c) faite par l'intimée est la bonne si l'on fait une interprétation de la loi qui est fondée sur le texte, sur le contexte et sur l'objet. Le passage suivant de l'alinéa 114c) : « toute autre déduction permise pour le calcul du revenu imposable » se rapporte aux déductions prévues à la section C, qui sont dites être des déductions dans le calcul du revenu imposable.

[42]     La première raison est que, si le législateur avait voulu le résultat souhaité par les appelants, il aurait exprimé ce dessein plus clairement.

[43]     Comme je l'ai déjà mentionné, les frais d'intérêts engagés par les appelants ne peuvent pas être déduits en vertu de l'alinéa 114a). Les intérêts payés le 31 décembre donnent lieu à une perte provenant de biens dont il n'est pas tenu compte à l'alinéa 114a) parce qu'elle survient dans la partie de l'année où les appelants n'étaient pas des résidents du Canada. Étant donné que la méthode de la comptabilité de caisse s'applique à ce revenu, la perte survient pendant une période de non-résidence.

[44]     Si le législateur avait voulu que des contribuables comme les appelants, qui utilisent la méthode de la comptabilité de caisse, soient autorisés à déduire des intérêts selon la méthode de la comptabilité d'exercice, ce que les appelants semblent dire effectivement, le législateur aurait vraisemblablement adopté une disposition précise qui modifierait l'alinéa 114a) afin d'obtenir expressément ce résultat-là au lieu de greffer une disposition chevauchante à l'alinéa 114c).

[45]     Si l'interprétation des appelants était acceptée, les contribuables pourraient déduire des intérêts selon la méthode de la comptabilité de caisse aux termes de l'alinéa 114a) ou selon la méthode de la comptabilité d'exercice aux termes de l'alinéa 114c).

[46]     Ensuite, je trouve inquiétant que l'interprétation avancée par les appelants ait pour résultat que les contribuables utilisant la méthode de la comptabilité de caisse puissent déduire des intérêts payés selon la comptabilité d'exercice alors qu'ils déclarent le revenu en intérêts connexe selon la comptabilité de caisse.

[47]     Pour comprendre cela, il suffit de penser à la façon dont le revenu imposable des appelants serait calculé si les appelants avaient payé et reçu des intérêts le 31 décembre. Selon leur interprétation, six septièmes des intérêts payés seraient déductibles, mais aucune partie des intérêts reçus ne serait incluse dans le revenu. Une interprétation qui donne ce résultat ne devrait pas être privilégiée à moins qu'il soit clair que le législateur souhaitait ce résultat.

[48]     Enfin, je constate qu'il y a dans la Loi des dispositions qui font mention de déductions tant en vertu de la section B qu'en vertu de la section C. Le libellé de ces dispositions laisse supposer que, lorsque le législateur souhaite faire référence aux deux sections, il le fait expressément. On peut se reporter aux alinéas 245(5)a) et 248(28)a) de la Loi.

[49]     Pour conclure, bien que le libellé de l'article 114 présente une certaine ambiguïté, selon moi, cette ambiguïté est éliminée au moyen d'une interprétation fondée sur le texte, sur le contexte et sur l'objet qui indique clairement que les déductions dont il est question à l'alinéa 114c) ne sont que des déductions permises dans le calcul du revenu imposable aux termes de la section C.

[50]     Pour ces raisons, je juge que les intérêts payés par les appelants le 31 décembre 1998 ne sont pas déductibles en vertu de l'article 114 de la Loi.

[51]     Les appels seront rejetés. Un seul mémoire de dépens est alloué à l'intimée.

          Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de juin 2006.

« J. Woods »

La juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour d'octobre 2006.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                   2006CCI373

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :           2004-933(IT)G et 2004-935(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :               David Grant c. Sa Majesté la Reine

                                                          et

                                                          Catherine Grant c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                  Les 18 et 19 mai 2006

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        L'honorable juge J. M. Woods

DATE DU JUGEMENT :                    Le 29 juin 2006

COMPARUTIONS :

Avocats des appelants :

Me Joel A. Nitikman

Me Lynn Jenkins

Avocats de l'intimée :

Me Robert Carvalho

Me Ron D. F. Wilhelm

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS :

       Pour les appelants :

                   Nom :                              Me Joel A. Nitikman

                   Étude :                             Fraser Milner Casgrain s.r.l.

       Pour l'intimée :                             Me John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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