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Dossier : 2000-587(IT)G

ENTRE :

LOUIS MASSICOTTE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de

Les Consultants Pub Création Inc. (2000-590(IT)G) le 20 et le 21 octobre 2005, à Québec, et le 7 décembre 2005, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Pierre Archambault

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Richard Généreux

Avocate de l'intimée :

Me Nathalie Labbé

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1993 et 1995 sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant pour acquis que l'avantage de 44 650 $ conféré à l'appelant doit être exclu de son revenu pour 1993, que pour l'année 1995 l'avantage tiré d'un emploi doit être réduit à 239 000 $ et qu'un montant de 750 $ doit être inclus comme gain en capital imposable pour cette année, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2006.

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


Dossier : 2000-590(IT)G

ENTRE :

LES CONSULTANTS PUB CRÉATION INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de

Louis Massicotte (2000-587(IT)G) le 20 et le 21 octobre 2005, à Québec, et le 7 décembre 2005, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Pierre Archambault

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Richard Généreux

Avocate de l'intimée :

Me Nathalie Labbé

____________________________________________________________________

JUGEMENT

       Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu relativement aux années d'imposition terminées le 31 décembre 1994 et le 31 décembre 1995 sont rejetés.

          L'appel de la cotisation pour l'année d'imposition se terminant le 31 mai 1994 est accueilli et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que l'appelante a droit, dans le calcul de son revenu tiré d'une entreprise pour l'année d'imposition se terminant le 31 mai 1994, à une déduction de 85 657 $, le tout selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2006.

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


Référence : 2006CCI618

Date : 20061114

Dossiers : 2000-587(IT)G

2000-590(IT)G

ENTRE :

LOUIS MASSICOTTE,

LES CONSULTANTS PUB CRÉATION INC.,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Archambault

[1]      Dans ces appels, il est question principalement d'une séparation professionnelle et des conséquences fiscales découlant des opérations l'ayant entourée. Deux hommes d'affaires, Louis Massicotte et Michel Audy, ont convenu par écrit (entente de séparation), le 10 juin 1994, d'effectuer le partage de leur participation directe ou indirecte dans les deux sociétés suivantes : Les Consultants Pub Création inc. (Pub) et L'Im-Média inc. (Im-Média). Au moment du partage, monsieur Audy détenait ses actions de Pub et d'Im-Media par l'intermédiaire d'une société de placement, Gestion Cyrano Inc. (Cyrano)[1]. Quant à monsieur Massicotte, il détenait ses actions d'Im-Média directement (pièce A-1, onglet 28) et celles de Pub par l'intermédiaire de Gestion Amadéus-Amadéus Ltée (Amadéus)[2]. Il avait acquis d'Amadéus pour 1 $ les actions d'Im-Média quelques mois plus tôt, soit le 1er octobre 1993[3]. Également, il aurait détenu directement les actions de Pub en décembre 1990 (pièce A-1, onglet 19).

Cotisations du ministre

[2]      À l'égard de l'année d'imposition 1993, le ministre du Revenu national (ministre) a inclus dans le revenu de monsieur Massicotte un avantage de 44 650 $ en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Loi). Ce montant correspond à un crédit porté en date du 30 juin 1993 au compte d'avances d'Amadéus concernant monsieur Massicotte sans que ce dernier ait donné aucune contrepartie. Monsieur Massicotte, au contraire, prétend que ce crédit lui a été accordé en raison d'un transfert qu'il avait fait à Amadéus de 4,465 actions de catégorie C du capital-actions de Pub. Il avait préalablement acquis ces actions de Cyrano en contrepartie d'une réduction de 44 650 $ du solde du prix de vente d'actions ordinaires de Pub (actions de catégorie A) qu'il avait vendues à Cyrano en décembre 1990.

[3]      Par sa cotisation du 15 avril 1998 à l'égard de l'année d'imposition 1995, le ministre a inclus dans le revenu de monsieur Massicotte 240 000 $ comme avantage conféré en vertu du paragraphe 246(1) de la Loi[4]. Ce montant correspond à une écriture de régularisation en date du 31 décembre 1995 au compte « avance employé(es) » [5] de Pub concernant monsieur Massicotte. Selon ce dernier, le montant en question représente la valeur d'une créance qu'il aurait transférée à Pub en 1994. Le débiteur de cette créance était soit monsieur Audy ou Cyrano et cette obligation est constatée dans l'entente de séparation sans que la nature et les circonstances de sa création y soient précisées. Le ministre a tenu pour acquis que la créance avait été transférée à Pub au 31 décembre 1995, puisqu'il a déterminé que sa juste valeur marchande était nulle à cette date. Selon la réponse à l'avis d'appel, le ministre a tenu pour acquis lors de la vérification que l'avantage avait été conféré par Pub. Comme suite à une requête de l'intimée pour obtenir la permission de modifier cette réponse, le juge Tardif a permis la modification selon laquelle c'est Amadéus - et non Pub - qui doit être considérée comme la personne ayant conféré l'avantage à monsieur Massicotte. Toutefois, le fardeau de la preuve reviendrait à l'intimée pour établir ce fait. Le juge Tardif s'est exprimé ainsi : « [...] le fait que la cotisation soit fondée sur le paragraphe 246(1) de la LIR n'a aucun effet quant au fardeau de la preuve qui continuera de reposer sur les appelants, à l'exception toutefois du nouveau fait introduit par la modification autorisée[6] » .

[4]      Quant aux appels de Pub relatifs aux années d'imposition 1994 et 1995, la seule question qui reste en litige a trait au refus du ministre de permettre la déduction, pour l'exercice terminé le 31 décembre 1994, d'une somme de 70 000 $ que Pub prétend avoir versée à Cyrano à titre d'indemnité de départ lors de la séparation. Le ministre a admis que Pub pouvait déduire une somme de 85 657 $, versée comme honoraires à Cyrano, dans le calcul de son revenu pour l'exercice terminé le 31 mai 1994. Quant à Pub, elle a laissé tomber son appel concernant l'année d'imposition terminée le 31 décembre 1995.

Contexte factuel

•    Vente de 50 % de Pub par Massicotte à Cyrano

[5]      Monsieur Massicotte a fait la connaissance de monsieur Audy en 1985 lorsqu'il a été engagé comme concepteur de publicité par une société exploitant une station radiophonique dans la ville de Québec. Monsieur Audy était alors le directeur de cette société. Deux ans plus tard, monsieur Massicotte a créé sa propre agence de publicité, Pub[7], et selon monsieur Massicotte, cette agence a connu beaucoup de succès[8].

[6]      Au cours de l'année 1990, monsieur Audy a fait des démarches auprès de monsieur Massicotte en vue de s'associer à lui dans Pub. Une entente (contrat de vente 1990) est intervenue le 12 décembre 1990, par laquelle monsieur Massicotte a vendu à Cyrano 50 % des actions de catégorie A de Pub au prix de 350 000 $[9]. Une somme de 50 000 $ était payable neuf jours plus tard, et le solde, soit 300 000 $, devait être payé à même les dividendes de Pub. Le versement d'un dividende de 50 000 $ était prévu dans les 90 jours suivant le 30 juin 1991 et devait se faire à même un « dividende garanti [...] par [Pub] et [monsieur Massicotte] mais devant provenir des premiers $50 000.00 de profits de l'exercice 1990-91 » [10]. Le paragraphe 11 du contrat de vente 1990 stipule qu'à compter de la fin de l'exercice financier du 30 juin 1992 Cyrano devait payer à monsieur Massicotte la totalité de ses quotes-parts des dividendes annuels déclarés (sous réserve de certains ajustements), et cela jusqu'au paiement complet du solde de prix de vente au plus tard le 30 septembre 1997[11]. Ce solde ne portait aucun intérêt[12].

[7]      Selon le paragraphe 17 du contrat de vente 1990, les actions acquises par Cyrano devaient être converties en actions de catégorie B, une catégorie d'actions ayant les mêmes droits et privilèges que ceux des actions de catégorie A[13]. Il est curieux que l'on ait créé deux catégories d'actions ayant les mêmes droits. Comment peut-on avoir deux catégories distinctes d'actions si elles comportent exactement les mêmes droits et privilèges? De toute évidence, cette situation visait à permettre qu'on déclare des dividendes uniquement en faveur de Cyrano ou d'Amadéus. En quelque sorte, cet arrangement permettait que les bénéfices représentant la part de monsieur Massicotte puissent lui être remis par l'intermédiaire de Cyrano comme produit de vente de ses actions, à l'égard duquel monsieur Massicotte pouvait bénéficier de l'exonération des gains en capital de 500 000 $. On pourrait décrire cet arrangement comme un « forward strip » (dépouillement de surplus à terme)[14]. Cet arrangement permettait également de convertir le salaire de l'un des actionnaires en dividende sans être tenu de le faire pour l'autre actionnaire.

[8]      Autre fait curieux, monsieur Massicotte aurait reçu de Cyrano plus que le prix de vente convenu de 350 000 $ pour les actions de Pub. Selon un document télécopié par Me J. M. Fortin[15] au vérificateur du ministre, monsieur Massicotte aurait reçu un total de 383 294 $, soit 50 000 $ quelques jours après la signature, 50 000 $ en 1991, 40 461 $ représentant le total de montants payés « par le biais de CP » (soit Pub) du 1er août 1992 au 31 décembre 1992, 150 683 $ payés de la même manière en 1993, 47 500 $ payés, également de la même manière, en 1994, et 44 650 $ correspondant à la valeur des 4 465 actions de catégorie C remises en remboursement (sans mention de date) (pièce A-1, onglet 38).

•    Gestion de Pub

[9]      Selon l'article 12 de l'entente entre actionnaires, ces derniers devaient être rémunérés également (pièce A-1, onglet 14). Selon monsieur Massicotte, ils devaient toucher au début un salaire de 115 000 $, auquel pouvait s'ajouter un bonus de 10 000 $, pour un total de 125 000 $, même si, dans son cas, il ne devait pas consacrer plus de 25 à 30 heures de travail par semaine aux activités de Pub. Selon monsieur Audy, le salaire des deux associés était de 100 000 $. Il semble que la rémunération de monsieur Audy a été versée à Cyrano sous la forme d'honoraires, même si monsieur Audy agissait comme directeur général et vice-président de Pub : ont ainsi été versées des sommes de 83 930 $ en 1992 et de 271 339 $ en 1993 (pièce I-1, états financiers de Cyrano, note 8). La situation financière de Pub étant devenue plus difficile, monsieur Massicotte aurait accepté, le 1er août 1992, de réduire son salaire à environ 15 000 $ ou 25 000 $[16]. Pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995, aucun revenu d'emploi provenant de Pub ni d'Im-Média n'apparaît dans les déclarations de revenus de monsieur Massicotte (pièce A-1, onglets 1, 3 et 10). Ce dernier a indiqué qu'il avait accepté de réduire ainsi son salaire pour permettre à Pub de déclarer des dividendes en faveur de Cyrano pour favoriser le paiement du solde du prix des actions de Pub qu'il avait vendues à Cyrano. Toutefois, ces ententes ne semblent pas avoir eu les effets escomptés puisque Pub a subi une perte de 111 342 $ pour l'exercice financier se terminant le 30 juin 1993. Tel qu'il appert du tableau 1 ci-dessous, Pub n'a versé que 3 300 $ de dividendes en 1993 et n'en a versé aucun en 1994! Elle aurait payé par contre des honoraires de 85 657 $ à Cyrano en 1994 (selon les al. 18f) et g) de la réponse modifiée à l'avis d'appel dans le dossier de Pub) et le ministre, au début de l'audience, a concédé qu'ils pouvaient être déduits du revenu de Pub pour 1994.

[10]     Une analyse des états financiers des sociétés Pub et Im-Média produits en

preuve permet de dégager les renseignements suivants :

TABLEAU 1[17]

Pub

au 30 juin

31 mai[18]

31 déc.

89

90

91

92

93

94

94

95

recettes

945 818

1 795 941

2 259 254

3 012 996

2 694 987

1 197 004

623 600

861 043

bénéfices

15 501

131 327

186 082

7 406

(126 063)

(66 840)

131 714

42 274

bén. après impôt

12 701

106 327

149 082

3 300

(111 342)

(54 809)

131 714

30 243

BNR

12 701

119 028

268 110

122 300

7 658

(47 151)

88 493

118 736

dividendes

cat. A

0

0

0

50 000

1 650[19]

0

0

0

cat. B

0

99 110[20]

1 650

0

0

0

cat. C

0

0

0

0

0

TOTAL

149 110

3 300

actions

cat. A

100

100[21]

50

50

50

50

50

50

cat. B

50

50

50

50

50

50

cat. C

99 110

185 410[22]

185 410

185 410

185 410

TABLEAU 2[23]

Im-Média

30 juin 93

31 mai 94[24]

31 mai 95[25]

recettes

276 970

444 428

1 301 798

bénéfices

(53 667)

10 410

63 899

bén. après impôt

(53 667)

10 410

59 003

BNR

(75 446)

(65 045)

(19 301)

Actions

cat. A

1 000

1 000

1 000

cat. B

0

0

Cat. C

0

0

•    Crédit du compte « avance à un actionnaire » d'Amadéus

[11]     Selon monsieur Massicotte, Cyrano lui aurait transféré le 1er juillet 1993 ses 4 465 actions de catégorie C de Pub en remboursement partiel de ce que Cyrano lui devait pour ses actions de catégorie A de Pub[26]. Par la suite, monsieur Massicotte les aurait transférées à Amadéus. Le comptable de Pub a effectué les écritures de régularisation suivantes pour l'exercice financier terminé le 30 juin 1993 d'Amadéus (pièce A-1, onglet 40) :

13

Placement dans Pub

        43 000.00

            L. Massicotte

             43 000

(transfert des actions détenues par Cyrano

à L.M. et de lui [à] Amadeus)

14

Placement dans Pub

                1650

            L. Massicotte

               1650

(transfert des actions priv. de LM à Amadeus)

[12]     Monsieur Bureau, dans la note de service Pub adressée à Me Sylvain Trudel, mentionne ce qui suit : « 1993 Par convention, les actions détenues par cyrano [sic] (43,000$)[27] sont transférés [sic] à Amadéus en contrepartie de la balance de prix de vente du [sic] par Cyrano à Louis Massicotte. Dater du 1 juillet 1993 » (pièce A-1, onglet 26). Cette note de service indique qu'il faut prendre en compte d'autres opérations ou événements, dont une assemblée annuelle des actionnaires et administrateurs du « 28 septembre » (1993) et l'adoption du « budget 1993-1994 » . Ce document porte les initiales de monsieur Massicotte et de monsieur Audy, mais n'est pas daté. Comme le transfert n'aurait eu lieu que le « 1 juillet 1993 » , soit immédiatement après la fin de l'exercice financier 1993 d'Amadéus, il est curieux que l'on ait inscrit ces actions au bilan d'Amadéus pour l'exercice terminé le 30 juin 1993 et que le compte « avance à un actionnaire » qui était débiteur de 41 452 $ au 30 juin 1992, soit devenu créditeur de 7 321 $ au 30 juin 1993 (pièce I-2)!

[13]     En outre, il ne semble pas qu'on ait donné suite à la note de service Pub en effectuant le transfert, au 1er juillet 1993, des 4 465 actions de catégorie C. Tout d'abord, selon les états financiers de Cyrano au 31 juillet 1993 préparés par KPMG, cette société détenait toujours ces 4 465 actions de catégorie C (pièce I-1, note 3 des états financiers). Ensuite, le transfert ne se serait effectué qu'aux termes d'un contrat de vente en date du 30 mai 1994 en vertu duquel Cyrano vendait à Amadéus non seulement ces actions, mais également ses 350 actions de catégorie A, le tout au prix de 1 $. Un extrait du procès-verbal d'une assemblée du conseil d'administration de Cyrano autorise, à la même date, monsieur Audy à signer les documents nécessaires pour la vente de toutes ces actions (pièce A-1, onglet 29).

[14]     Pour la vérificatrice du ministre, les écritures de régularisation dans les livres comptables d'Amadéus relatives au transfert des actions privilégiées de catégorie C ne correspondent pas à un transfert réel effectué en 1993, car le transfert ne s'est effectué que le 30 mai 1994 selon le contrat de vente entre Cyrano, « le vendeur » , et Amadéus, « l'acquéreur » (pièce A-1, onglet 27). De plus, la vérificatrice n'a pas reconnu que la réduction du prix de vente des actions vendues par monsieur Massicotte en 1990 à Cyrano constituait la contrepartie donnée pour les actions privilégiées puisque, tel que l'indique le document de Me Fortin (pièce A-1, onglet 38), monsieur Massicotte aurait reçu un montant de 33 294 $ en sus du montant qui lui était dû pour ces actions. Selon la vérificatrice, il est rare qu'une personne paie plus que ce qu'elle doit. Elle a rappelé que le contrat de vente 1990 ne prévoyait aucun intérêt sur le solde du prix de vente. Ainsi, le montant excédentaire ne peut représenter des intérêts.

•    Séparation de Massicotte et Audy

[15]     Selon un « addendum » à l'entente entre actionnaires, en date du 29 septembre 1993, les parties ont convenu que la valeur des actions ordinaires avec droit de vote de Pub était de 500 000 $ (soit 250 000 $ pour chacun des deux actionnaires) - et non plus de 700 000 $ comme c'était le cas au moment de l'achat des actions en 1990 - aux fins du rachat aux termes de l'entente entre actionnaires (pièce A-1, onglet 24). Monsieur Massicotte affirme que les relations à cette époque étaient devenues difficiles entre lui et monsieur Audy. Les deux actionnaires ne partageaient pas la même philosophie pour ce qui est de la gestion de l'entreprise. Un climat de méfiance s'était même installé entre eux. Monsieur Audy se plaignait que monsieur Massicotte consacrait trop de son temps à ses autres activités et pas suffisamment à celles de Pub et d'Im-Média. Comme on l'a vu plus haut, la situation financière à cette époque n'était pas rose non plus. Selon le tableau 1, Pub a subi une perte avant impôt de 126 063 $ au 30 juin 1993[28]. La situation ne s'améliorera pas non plus au cours des 11 mois de l'exercice financier suivant, puisqu'au 31 mai 1994, les pertes s'élèvent à 66 840 $. Le chiffre d'affaires a baissé, passant de 2 694 987 $ au 30 juin 1993 à 1 197 004 $ au 31 mai 1994.

[16]     Le 10 juin 1994, messieurs Massicotte et Audy, Amadéus, Cyrano et, comme intervenantes, Pub et Im-Média, signaient l'entente de séparation, qui prévoyait notamment la vente par Cyrano, pour « un dollar par action » , de ses actions de Pub « à MASSICOTTE, AMADÉUS, ou toute autre(s) entité(s) qu'ils désigneront » . De plus, Cyrano ou monsieur Audy s'engageaient à acquérir la totalité des actions d'Im-Média détenues par monsieur Massicotte pour une somme de 70 000 $. Voici les articles 2 et 3 de cette entente (pièce A-1, onglet 30) :

2.          VENTE D'ACTIONS PUB

CYRANO vend dès aujourd'hui pour la somme d'un dollar par action, la totalité des actions qu'il détient dans PUB à MASSICOTTE, AMADEUS, ou toute autre(s) entité(s) qu'ils désigneront. Dès ce jour, CYRANO et AUDY et IM-MEDIA restituent à PUB tout actif ou tout bien lui appartenant et règlera toute facture ou compte-à-compte dans des délais rapides.

3.          VENTES D'ACTIONS D'IM-MEDIA ET LIBERATION DE DETTE CYRANO, AUDY s'engagent à acquérir la totalité des actions détenus [sic] dans Im-Media par MASSICOTTE depuis octobre 93 pour la somme de 70 000$, éliminant ainsi toute entente antérieure aux présentes liant les parties, et plus particulièrement la clause de non-concurrence liant CYRANO et AUDY à MASSICOTTE dans la convention d'actionnaires de CONSULTANTS PUB CREATION INC. AUDY et CYRANO reconnaissent devoir une somme en capital de deux cent quarante mille dollars (240 000$), sous forme de billet à payer, à MASSICOTTE et ou AMADEUS. Cette vente et cette libération de dette ne pourront être considérées comme accomplies que lorsque CYRANO et AUDY auront officiellement rempli les conditions suivantes, exception faite des échanges prévues [sic] aux clauses 3.1 et 3.4 (ceux-ci devant être acquitté [sic] dans un délai de 18 mois)[29] :

3.1        BAIL

Audy et CYRANO garantiront à AMADEUS et MASSICOTTE que PUB sera entièrement libéré de tout engagement relié à son bail actuel contracté avec PARC SAMUEL HOLLAND, et ce dès le 1er juillet 1994. Ainsi AUDY et CYRANO négocieront et obtiendront de PARC SAMUEL HOLLAND l'annulation du bail actuel de PUB.

Tout solde de loyer antérieure [sic] à juillet 1994 (jusqu'à concurrence de 35 000$) sera assumé conjointement par PUB et IM-MEDIA-CYRANO. Il pourra cependant être payé en entier par PUB sous forme d'échange livré à SSQ et-ou PARC SAMUEL HOLLAND. Ces échanges de services, négociés par AUDY auprès de SSQ, devront être utilisables par SSQ à un taux de 50% sur toute commande excluant les placements média, jusqu'à épuisement complet du solde. AUDY, CYRANO et IM-MEDIA garantissent de rembourser à PUB, sous forme de contrats échange à être définis et acceptés par PUB, la moitié du crédit-échange que PUB émettra à SSQ, jusqu'à concurrence de 17 500$.

3.2        MARGE DE CRÉDIT

IM-MEDIA, CYRANO et AUDY prendront charge d'une dette de 100 000$ contracté [sic] par PUB auprès de la CAISSE QUEBEC EST, en diminuant la marge de crédit actuelle de PUB, le tout équivalent à la caution existante d'AUDY du même montant.

3.3        EMPRUNT IM-MEDIA VERSUS DROUIN

CYRANO-AUDY garantissent à MASSICOTTE qu'il sera entièrement libéré de son endossement sur l'emprunt que IM-MEDIA a effectué auprès d'YVAN DROUIN, le tout confirmé par écrit par YVAN DROUIN.

3.4        ÉCHANGES GARANTIS

A compter de ce jour, AUDY, CYRANO ou IM-MEDIA s'engagent à payer à MASSICOTTE ou ses sociétés des valeurs de contrats échange de 18 000$, à être définis et acceptés par MASSICOTTE.

De plus, une somme totalisant 20 000$ sera payée à MASSICOTTE ou une de ses sociétés sous forme de contrats échange à être définis et à être acceptés par MASSICOTTE.

3.5        TRANSITION ET NON-CONCURRENCE

AUDY, CYRANO et IM-MEDIA s'engagent à assurer une transition de 60 jours débutant le 1er juillet 94, permettant que PUB conserve ses clients et que le transfert des dossiers de PUB dans lesquels AUDY, CYRANO et IM-MEDIA sont impliqués se fasse sans risque pour PUB.

[Je souligne.]

•    Crédit du compte « avance employé(es) » de Pub

[17]     Même si presque toutes les conditions relatives au paiement des 240 000 $ semblent ne concerner que Pub et que cette somme devait être payée à « Massicotte et ou Amadéus » , monsieur Massicotte considérait qu'elle lui était due. On n'a pas produit le billet à ordre dont il est question à l'article 3 de l'entente de séparation. Comme il avait besoin d'argent pour subvenir à ses besoins domestiques à partir de l'été 1994, monsieur Massicotte a demandé à Pub de lui « avancer » les sommes suivantes comme acompte sur le « salaire » : 48 553 $ en 1994, 143 500 $ en 1995 et 47 947 $ en 1996, pour un total de 240 000 $. Ces calculs n'ont pas été contestés par l'intimée.

[18]     Comme il ne voulait pas mettre monsieur Audy et Cyrano en demeure de payer les 240 000 $, puisque ces derniers continuaient à faire des paiements sur la marge de crédit, monsieur Massicotte aurait choisi plutôt de transférer à Pub cette créance au cours des mois d'octobre ou novembre 1994, à la suite d'une décision prise par monsieur Chabot et lui, et il aurait chargé monsieur Chabot de « faire le nécessaire pour transférer la créance » à Pub[30]. Or, monsieur Chabot a contredit cette version de monsieur Massicotte. Selon lui, c'est monsieur Massicotte qui avait décidé seul ce transfert. S'il n'a pas fait d'écriture comptable pour l'exercice du 31 décembre 1994, c'est parce qu'il était trop tard. Il faut mentionner que ce comptable travaille pour monsieur Massicotte et ses sociétés depuis le printemps 1994. D'ailleurs, il était présent lors des négociations relatives à la séparation de messieurs Massicotte et Audy tenues le 10 juin 1994. Comme le solde du compte d'avances de Pub était créditeur[31], l'écriture comptable reflétant le transfert pouvait être faite pour l'exercice financier suivant et c'est la raison pour laquelle il l'a faite uniquement à la fin de l'exercice 1995. Par conséquent, on doit croire qu'il n'a pris connaissance de ce transfert qu'après la fin de l'année 1994 et, selon toute vraisemblance, après avoir dressé les états financiers du 31 décembre 1994 de Pub[32].

[19]     Monsieur Massicotte, Amadéus et Pub ont attendu jusqu'au 3 mai 1996 pour mettre en demeure monsieur Audy et Im-Média de leur verser les 240 000 $ en raison du défaut de ces personnes de se conformer aux engagements de l'entente de séparation. Selon monsieur Massicotte, les affaires d'Im-Média allaient bien à l'automne 1994, comme on pouvait le constater à la lecture de certains magazines de la région de Québec dans lesquels apparaissait de la publicité faite par Im-Média[33].

[20]     Comme monsieur Audy et Im-Média prenaient comme position qu'ils avaient satisfait à toutes les conditions de l'entente de séparation et n'ont pas obtempéré à la mise en demeure, les avocats de monsieur Massicotte ont intenté une action devant la Cour supérieure du Québec un an plus tard, soit le 10 juin 1997. Même si l'action a été introduite au nom de Louis Massicotte, d'Amadéus et de Pub, et que, à l'époque, la créance était cédée à Pub depuis 1994 ou 1995, on demandait à la cour de condamner monsieur Audy et Im-Média à verser les 240 000 $ « au demandeur Louis Massicotte » ! Ce dernier a indiqué qu'il ne se rappelait pas s'il avait informé son avocat du transfert de sa créance à Pub[34]. L'action en justice n'a jamais eu de suite puisque Im-Média a fait la cession de ses biens le 11 février 1998 et monsieur Audy a fait de même quelques jours plus tard, le 16 février 1998[35]. Curieusement, la personne indiquée comme la créancière de la faillite en ce qui concerne cette somme est également monsieur Massicotte et non pas Pub.

[21]     Finalement, madame Lucie Demers a témoigné comme experte relativement à l'évaluation de la créance de 240 000 $ au 31 décembre 1995. Essentiellement, elle a déterminé que la créance n'avait aucune valeur « en raison de la valeur négative des actifs nets des débiteurs » (rapport d'évaluation, pièce I-6, p. 12). Aux fins de son évaluation, elle avait tenu pour acquis que la somme de 240 000 $ était due par monsieur Audy et Im-Média. Elle n'a pas tenu compte de l'impact d'une contestation de cette créance par monsieur Audy et du caractère conditionnel de l'obligation des débiteurs de la créance.

•    Indemnité de départ de 70 000 $

[22]     Même si l'entente de séparation est silencieuse sur la question d'une indemnité de départ pour Cyrano ou monsieur Audy, monsieur Massicotte soutient que Pub avait convenu le 10 juin 1994 de verser une telle indemnité à Cyrano. Quant à lui, monsieur Audy prétend qu'il n'a jamais demandé une telle indemnité et qu'il n'en a reçu aucune. Il faut dire que le ministre, après avoir songé à inclure cette somme dans le revenu de Cyrano, a décidé en dernière analyse de ne pas le faire. La vérificatrice a expliqué qu'elle n'avait vu aucune pièce justificative ni aucun dépôt bancaire de Cyrano, comme il y en avait normalement pour les honoraires reçus par Cyrano. De plus, elle s'expliquait mal que Pub ait versé une telle indemnité, compte tenu de l'insatisfaction de monsieur Massicotte au sujet du rendement de monsieur Audy. Monsieur Massicotte a reconnu, quant à lui, qu'il n'avait reçu aucune indemnité de départ d'Im-Média. À son dire, sa compensation était la somme de 70 000 $ reçue pour ses actions.

Analyse

[23]     Les dispositions pertinentes de la Loi pour ce qui est du règlement du présent litige sont les suivantes. Il y a d'abord celles qui traitent de l'imposition d'un avantage, à savoir celles de l'alinéa 6(1)a) et des paragraphes 15(1), (2), (2.1), (2.6) et 246(1) de la Loi :

6(1)       Éléments à inclure à titre de revenu tiré d'une charge ou d'un emploi - Sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

a)          Valeur des avantages - la valeur de la pension, du logement et autres avantages quelconques qu'il a reçus ou dont il a joui au cours de l'année au titre, dans l'occupation ou en vertu d'une charge ou d'un emploi, à l'exception des avantages suivants :

[...]

15(1)     Avantages aux actionnaires - La valeur de l'avantage qu'une société confère, à un moment donné d'une année d'imposition, à un actionnaire ou à une personne en passe de le devenir est incluse dans le calcul du revenu de l'actionnaire pour l'année - sauf dans la mesure où cette valeur est réputée par l'article 84 constituer un dividende - si cet avantage est conféré autrement que :

[...]

15(2)     Dette d'un actionnaire - La personne ou la société de personnes - actionnaire d'une société donnée, personne ou société de personnes rattachée à un tel actionnaire ou associé d'une société de personnes, ou bénéficiaire d'une fiducie, qui est un tel actionnaire - qui, au cours d'une année d'imposition, obtient un prêt ou contracte une dette auprès de la société donnée, d'une autre société liée à celle-ci ou d'une société de personnes dont la société donnée ou une société liée à celle-ci est un associé est tenue d'inclure le montant du prêt ou de la dette dans le calcul de son revenu pour l'année. Le présent paragraphe ne s'applique pas aux sociétés résidant au Canada ni aux sociétés de personnes dont chacun des associés est une société résidant au Canada.

15(2.1) Personnes rattachées à un actionnaire - Pour l'application du paragraphe (2), une personne est rattachée à un actionnaire d'une société donnée si elle a un lien de dépendance avec lui et si elle n'est :

(a)         ni une société étrangère affiliée à la société donnée;

(b)         ni une société étrangère affiliée à une personne résidant au Canada et avec laquelle la société donnée a un lien de dépendance.

15(2.6)Inapplication du paragraphe 15(2) - remboursement - Le paragraphe (2) ne s'applique pas aux prêts ou aux dettes remboursés dans un délai d'un an suivant la fin de l'année d'imposition du prêteur ou du créancier au cours de laquelle ils ont été consentis ou contractés, s'il est établi, à la suite d'événements postérieurs ou autrement, que le remboursement n'a pas été fait dans le cadre d'une série de prêts, de remboursements ou d'autres opérations.

246(1) Avantage conféré à un contribuable - La valeur de l'avantage qu'une personne confère à un moment donné, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit à un contribuable doit, dans la mesure où elle n'est pas par ailleurs incluse dans le calcul du revenu ou du revenu imposable gagné au Canada du contribuable en vertu de la partie I et dans la mesure où elle y serait incluse s'il s'agissait d'un paiement que cette personne avait fait directement au contribuable et si le contribuable résidait au Canada, être :

a)          soit incluse dans le calcul du revenu ou du revenu imposable gagné au Canada, selon le cas, du contribuable en vertu de la partie I pour l'année d'imposition qui comprend ce moment;

b)          soit, si le contribuable ne réside pas au Canada, considérée, pour l'application de la partie XIII, comme un paiement fait à celui-ci à ce moment au titre de bien ou de services ou à un autre titre, selon la nature de l'avantage.

[Je souligne.]

[24]     En ce qui a trait à la déduction de la somme de 70 000 $ à titre d'indemnité de départ, il s'agit essentiellement d'appliquer le paragraphe 9(1) et l'alinéa 18(1)a) de la Loi. Ces deux dispositions édictent :

9(1)       Revenu - Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu qu'un contribuable tire d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition est le bénéfice qu'il en tire pour cette année.

18(1)     Exceptions d'ordre général - Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d'une entreprise ou d'un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

a)          Restriction générale - les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou du bien;

[Je souligne.]

[25]     Dans sa réponse initiale à l'avis d'appel, l'intimée avançait un « argument alternatif » , à savoir que Pub avait conféré un avantage de 240 000 $ à monsieur Massicotte en sa qualité d'employé, selon l'alinéa 6(1)a) de la Loi. Lors de l'audition de sa requête pour modifier sa réponse, devant le juge Tardif, l'intimée avait annoncé qu'elle retirait cet « argument alternatif » . Les motifs de cette décision sont obscurs.

[26]     Au début de l'audience, il a fallu mettre beaucoup de temps à préciser exactement quelles étaient les questions en litige, car les actes de procédure de chacune des parties ne m'apparaissaient pas d'une grande clarté. Il est ressorti clairement de la position du procureur de monsieur Massicotte que l'article 246 ne pouvait être applicable ici relativement aux 240 000 $ portés au crédit du compte « avance employé(es) » , puisqu'il s'agissait d'une disposition résiduaire qui ne s'applique que si l'avantage n'est pas imposable en vertu de la partie I de la Loi. Voici l'échange qui a eu lieu au début de l'audience :

MONSIEUR LE JUGE :           6(1)a) va s'appliquer avant 246 dans votre raisonnement à vous?

Me RICHARD GÉNÉREUX :             C'est évident.

MONSIEUR LE JUGE :           C'est ça?

Me RICHARD GÉNÉREUX : C'est évident.

[Vol. I de la transcription, page 143]

MONSIEUR LE JUGE :           D'accord. Donc, si [c'est] imposable ...

Me RICHARD GÉNÉREUX : Ça serait sous 6(1)a), avantage à l'employé puisque c'est de l'appropriation, si appropriation il y a, c'est par l'employé et sinon, ce serait nécessairement un gain en capital et pas autre chose, parce qu'on a, là, à ce moment-là, il y a disposition d'un bien dont le coût, il y a des coûts humains, là, puis personnels par rapport à ça, on va vous en faire la preuve mais un coût fiscal, il n'y en a pas.

[Vol. I de la transcription, pages 50-51. Je souligne.]

[27]     Je suis entièrement d'accord avec le procureur quant à cette interprétation. En effet, si je devais conclure à l'existence d'un avantage découlant du transfert de la créance de 240 000 $ en 1995 et que cet avantage avait été conféré à monsieur Massicotte en raison de sa charge ou de son emploi, il est clair que l'article 246 ne serait pas applicable.

[28]     Étant maître en matière du droit, j'ai alors évoqué la possibilité que je puisse justifier la cotisation pour 1995 en me fondant sur l'alinéa 6(1)a) de la Loi. Par contre, pour respecter la règle de l'équité procédurale, je devais m'assurer que le contribuable n'était pas pris au dépourvu. Le procureur des appelants m'a alors confirmé que tel n'était pas le cas :   

            Me RICHARD GÉNÉREUX : Ça ne me prend pas par surprise, là, on l'avait déjà plaidé.

            MONSIEUR LE JUGE : Oui.

            Me RICHARD GÉNÉREUX : Tout ce que je plaidais à l'époque, c'est qu'ils devaient avoir le fardeau de preuve puis ils ont décidé de l'abandonner parce que je plaidais qu'ils avaient le fardeau de preuve par rapport à ça, parce que ce n'était pas la base de la cotisation, on changeait le fondement même de la cotisation et que, selon la Cour d'appel, même si 152(9) ne prévoyait pas ça, et, aujourd'hui, compte tenu de ce qui a été fait, à mon avis, le fait qu'ils ont abandonné, ils ne voulaient plus plaider et je me suis basé là-dessus pour venir ici aujourd'hui, si on voulait encore prétendre qu'il s'agit d'un avantage à l'employé, j'ai dit, moi, je pense que l'équité procédurale serait entachée et d'autant plus que je me demande même si ils [sic] pourraient le plaider puisque c'est prescrit et ça attaque le fondement même de la cotisation qui est en litige mais ceci étant dit, quand vous vous posez la question, en quoi que le [sic] Cour est empêchée de statuer même si ce n'est pas plaidé, parce qu'ils l'ont abandonné, moi, je n'ai pas les précédents devant moi mais j'ai plusieurs, en tête, plusieurs causes où, surtout en appel, Monsieur le Juge, j'en conviens mais ...

(Vol. I de la transcription, p. 33)

[29]     D'ailleurs, comme l'a mentionné lui-même le procureur des appelants, il est clair que le montant qui a été crédité dans les livres comptables de Pub à la suite du transfert de la créance de 240 000 $ a été porté au crédit du compte « avance employé(es) » . Lors de son témoignage, monsieur Massicotte a reconnu non seulement qu'il était le président et l'administrateur de Pub, et occupait donc une charge aux fins de la Loi, mais également que les avances que lui consentait Pub avaient été faites comme acompte sur son salaire! Par surcroît, le procureur des appelants a reconnu bien volontiers que monsieur Massicotte était un employé : « Enfin, il est admis pour les fins du litige que monsieur Massicotte était l'administrateur et l'employé de Pub Création à tout moment pertinent pour les fins du litige » (par. 7 de l' « Argumentation supplémentaire des appelants » ). Par conséquent, soutient-il, si un avantage a été conféré par Pub à monsieur Massicotte, cet avantage lui a été conféré au titre d'une charge ou d'un emploi :

MONSIEUR LE JUGE :           [...] Et vous dites que [...] votre consoeur pourrait soutenir que c'est imposable puis si ça serait imposable ce serait inévitablement 6(1)a) [...].

[...]

Me RICHARD GÉNÉREUX : ... compte tenu qu'on parle de crédit au compte « employé » , l'avantage à l'employé m'apparaît l'autre argument possible.

[Vol. I de la transcription, page 60.]

[30]     Lors de sa plaidoirie orale, le procureur des appelants a soutenu que la Cour ne pouvait confirmer la cotisation du ministre en se fondant sur l'alinéa 6(1)a) de la Loi puisqu'il s'agirait alors d'un nouveau fondement de la cotisation et que celle-ci ne pouvait être validement établie en raison de la prescription. J'ai alors demandé que des observations écrites me soient fournies. Ces dernières ont été communiquées par le procureur des appelants le 3 février 2006 et par la procureure de l'intimée le 15 mars 2006; la réplique des appelants aux arguments supplémentaires de l'intimée a été communiquée le 5 avril 2006. Voici ce qu'écrit l'avocat des appelants dans son argumentation supplémentaire :

9.          Est-ce qu'un gain en capital peut être imposé à l'appelant pour son année d'imposition 1995? Selon l'alinéa 39(1)a) de la LIR, un gain en capital est le gain d'un contribuable « jusqu'à concurrence du montant de ce gain qui ne serait pas (...) inclus dans le calcul de son revenu pour l'année ou pour toute autre année d'imposition » . La question de déterminer [si] un montant de ce gain serait par ailleurs inclus dans le calcul du revenu de monsieur Massicotte pour l'année ou pour toute autre année est une question mixte de faits et de droit. Il est soumis respectueusement que la Cour doit accueillir l'appel de monsieur Massicotte et annuler la cotisation en litige si elle considère que le montant de 240 000 $ doit être inclus au calcul du revenu pour l'année 1995 ou pour toute autre année conformément à l'alinéa 6(1)a) de la LIR. En effet, la Couronne a retiré son plaidoyer sous l'alinéa 6(1)a) de la LIR puisqu'il ne s'agissait pas du fondement de la cotisation en litige. En fait, il s'agissait d'une nouvelle cotisation à l'extérieur de la période normale de cotisation prévue au paragraphe 152(4) de la LIR;

10.        Dansl'affaire Pedwellc. Canada (C.A.), [2000] 4 C.F. 616, 2000 IIJCan 17141 (C.A.F.), 2000-06-12, A-703-98, la Cour d'appel fédérale a statué que la Courcanadienne de l'impôt n'a pas le pouvoir de maintenir une cotisation sous un fondement différent de celui choisi par le ministre lorsque la période est prescrite. Voici un extrait de cette décision :

[15]       Quoique les parties aient fait référence à bon nombre de décisions sur la question, l'arrêt Banque Continentale établit maintenant clairement que le ministre est lié par les motifs de sa cotisation (sous réserve du paragraphe 152(9) [Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1 (mod. par L.C. 1999, ch. 22, art. 63.1)], qui s'applique aux appels pour lesquels une décision a été rendue après le 17 juin 1999 et qui n'est pas pertinent en l'espèce de toute manière). Même si, dans la présente affaire, le ministre n'a pas avancé de motifs différents au soutien de sa cotisation, j'estime que le principe énoncé dans l'arrêt Banque Continentale est applicable à une décision judiciaire rendue pour des motifs différents de ceux figurant dans l'avis de nouvelle cotisation.

[16]       Premièrement, si la Couronne ne peut pas modifier les motifs d'une nouvelle cotisation après l'expiration du délai prévu à cette fin, la Cour de l'impôt se trouve dans la même position. Le contribuable subit le même préjudice--la privation de l'avantage tiré de ce délai. Il n'est pas loisible à la Cour de l'impôt ni à la Cour fédérale d'élaborer elles-mêmes des motifs de cotisation alors que ces motifs ne constituent pas le fondement de la nouvelle cotisation établie par le ministre relativement au contribuable.

11.        La Cour d'appel fédérale a confirmé ce principe dans une affaire très récente, Rezek c. Canada, 2005 CAF 227 (IIJCan), 2005-06-17, A-462-03;A-463-03;A-464-03;A-465-03;A-466-03 :

[58]       Finalement, le fait de qualifier l'opération de couverture sur des titres convertibles de bien identifiable distinct était une innovation du juge en 2003 qui créait une nouvelle base d'imposition. Or, le droit du ministre de cotiser avait expiré au plus tard en 1998. Le juge a rejeté la décision du ministre de fonder sa cotisation sur l'existence d'une société de personnes et, sauf dans le cas de Mme Scott, il ne s'est pas prononcé sur la décision du ministre de fonder sa cotisation sur l'existence d'une relation mandant/mandataire. À défaut de la conclusion qu'une opération de couverture sur des titres convertibles est un bien identifiable distinct, les appels des conjoints auraient été accueillis. Par conséquent, la théorie de l'opération de couverture sur des titres convertibles en tant que bien identifiable distinct créait illégitimement une nouvelle base d'imposition après l'expiration du délai du droit d'établir une cotisation (voir l'arrêt Pedwell c. Canada (C.A.), 2000 IIJCAN 17141 (C.A.F.), [2000] 4 C.F. 616, aux paragraphes 13 à 16).

[Soulignement du procureur.]

[...]

13.        En l'espèce, il est soumis respectueusement que la Couronne a abandonné l'argument sous l'alinéa 6(1)a) de la LIR puisqu'il était incompatible avec la base de la cotisation sous le paragraphe 246(1) de la LIR. L'intimée ne pouvait invoquer l'alinéa 6(1)a) de la LIR puisqu'il s'agissait essentiellement d'une nouvelle cotisation (autre fondement) et que les années d'imposition en litige étaient prescrites. De plus, l'avantage à l'employé doit être inclus dans l'année où les montants sont reçus par le contribuable. La Couronne a donc fait un choix stratégique en retirant son argument sous l'alinéa 6(1)a) de la LIR. D'ailleurs, il est intéressant de souligner les propos de la vérificatrice, Mme Christiane Desroches, lors de son interrogatoire principal (Audience du 21 octobre 2005, après-midi, p. 33). Voici des extraits de l'interrogatoire où la vérificatrice considérait également que les montants de l'avantage comme employé devaient être inclus dans l'année de réception des sommes :

[...]

14.        Lors de la plaidoirie, la représentante de l'intimée, Me Labbé, semblait prétendre qu'un avantage sous l'alinéa 6(1)a) de la LIR doit être inclus dans l'année où il est recevable. Cette proposition est inconciliable avec l'état du droit. À ce sujet, nous référons la Cour à l'affaire MRN c. Rousseau, 60 DTC 1236 (onglet 19 du cahier d'autorité [sic] des appelants). L'honorable juge Bowman s'exprimait ainsi dans l'affaire Dudek v. The Queen, 2003 TCC 157 (CanLII), 2003-03-2, 2002-1693(IT)I :

[2]         For reasons that are unclear to me, the employer issued him a T4A for the year 2000 showing a retiring allowance of $14,900.00. This I find unconscionable. I suppose they did it because they thought they would get the deduction earlier. Whatever their reason, it is contrary to the facts. The Tax Department, on the other hand, says, "Well, it says 2000 on their form, therefore it must be 2000". In my view, the Tax Department should have taxed him in the year 2001. This is one example of the CCRA's mindless application of forms. They say, "The T4A says 2000; therefore, it must clearly be 2000". Well, they are wrong. The authority for this proposition, that retiring allowances and income from employment are taxable when received and not when receivable, is a decision of the Exchequer Court by Mr. Justice Fournier in M.N.R. v. Rousseau, 60 DTC 1236. For the last 40 odd years it has been accepted as good law in support of the proposition that employment income is taxed on "received" and not a "receivable" basis.

[Soulignement du procureur.]

15.        La représentante du procureur général du Canada, Me Labbé, a retiré l'argument fondé sur l'alinéa 6(1)a) de la LIR (avantage à l'employé) dans le cadre des procédures judiciaires. En fait, cet argument avait spécifiquement été plaidé par la Couronne dans sa réponse à l'avis d'appel mais a été retiré par la suite. En ce faisant, la Couronne s'est engagée à ne pas tenter de soutenir la cotisation en litige sur la base d'un prétendu avantage à l'employé;

[...]

17.        Dans Canderel Ltée c. Canada, la Couronne avait admis dans le cadre des procédures judiciaires que la dépense en litige n'avait pas été faite à « titre de capital » . Toutefois, la Couronne demandait un amendement à la réponse à l'avis d'appel afin de plaider que la dépense en litige était une dépense en immobilisation qui ne pouvait être déduite conformément à l'alinéa 18(1)b) de la LIR (sauf ce qui est permis sous 20(1)b)). Il semble que le juge Décary de la Cour d'appel fédérale a exprimé l'opinion que même si le nouvel argument était autorisé par le tribunal, l'aveu de la Couronne ne pouvait lui permettre d'avoir gain de cause puisqu'elle n'avait pas demandé l'autorisation de retirer cet aveu. Voici comment le juge Décary s'exprime à ce sujet :

De plus, la modification envisagée, bien qu'elle ait été rédigée « à titre subsidiaire » , ne constitue évidemment pas un argument subsidiaire. Le juge de première instance statuerait logiquement sur la question de la dépense en immobilisations avant de régler la question temps. Comme l'a reconnu l'avocat de l'appelante, le juge de première instance, s'il devait statuer en premier lieu sur la question envisagée, comme on pourrait s'y attendre, ne serait même pas en mesure de conclure en faveur de l'appelante sur ce point parce que cette dernière avait admis que les dépenses n'avaient pas été faites à titre de capital, et elle n'avait pas demandé l'autorisation de retirer cet aveu. L'avocat de l'appelante a reconnu, et je le cite : [traduction] « La modification est incompatible avec l'aveu » . Il a cependant exprimé l'opinion que la requête en modification constitue implicitement une requête en retrait de l'aveu. Nous sommes incapables de partager cette opinion. La jurisprudence est claire: un aveu peut être retiré, mais avec l'autorisation de la Cour, et nous ne pouvons absolument pas conclure en l'espèce que l'on a implicitement recherché une autorisation, en présumant aux fins de la discussion qu'on aurait pu le faire.

Vu la présence au dossier d'un aveu incompatible et ne pouvant se concilier avec la modification envisagée, que feront le juge de première instance et l'intimée si la modification est accordée? Sur quoi s'appuiera l'intimée pour faire face à la suite du procès? Comment peut-elle se fonder sur un aveu dont l'appelante entend évidemment ne pas faire de cas? Comment peut-on soulever un moyen subsidiaire qui est contraire aux aveux sur lesquels les parties se sont entendues, qui ont servi de fondement au procès, et qui n'ont pas été retirés? Assurément, un acte de procédure aussi embarrassant constitue une « injustice » au sens de la règle relative aux modifications, et il n'aide en rien à déterminer la véritable question en litige.

[Soulignement du procureur.]

18.        En résumé, la Cour devrait accueillir l'appel de monsieur Massicotte pour l'année 1995 puisque l'intimée n'a pas démontré qu'il y a eu un avantage de conféré par Gestion Amadéus-Amadéus à monsieur Massicotte conformément au paragraphe 246(1) de la LIR.

[Sauf indication contraire, je souligne.]

[31]     Dans ses observations écrites, la procureure de l'intimée dit ce qui suit :

9.          Toutefois, l'intimée soutient que la Cour a compétence pour maintenir la cotisation établie à l'égard de monsieur Massicotte en se fondant sur un article de la Loi ou un argument différent de celui invoqué par le Ministre au soutien de sa cotisation.

10.        Pour illustrer cette proposition, l'intimée renvoie à la décision du juge Tardif dans l'affaire Viviane Trudel-Leblanc, qui fut confirmée par la Cour d'appel fédérale. Dans cette affaire, la seule question en litige devant la Cour canadienne de l'impôt était de déterminer qui devait déclarer les revenus provenant de la vente de médicaments : la pharmacienne ou la société Trugesvi dont la pharmacienne était l'unique actionnaire?

[...]

11.        Le Ministre avait imposé les revenus entre les mains de la pharmacienne. Le seul motif au soutien des cotisations était le fait que la Loi sur la pharmacie stipulait que seul un pharmacien pouvait acheter ou vendre des médicaments et être propriétaire d'une pharmacie. Ainsi, au cours des années 1994 à 1998, une société, bien que détenue par un pharmacien, ne pouvait acheter ou vendre des médicaments dans le cadre de ses activités.

[...]

12.        Le juge Tardif a jugé que le motif invoqué par le Ministre au soutien des cotisations n'était pas suffisant pour modifier ou confirmer les cotisations en appel. Le juge a néanmoins maintenu les cotisations au motif que selon la preuve présentée, c'est la pharmacienne qui avait gagné le revenu provenant de la vente des médicaments et non la société. Ce faisant, le juge Tardif a énoncé les principes suivants :

16.       Le bien-fondé des cotisations doit être déterminé à partir des faits et circonstances pertinents à l'attribution desdits revenus et, comme l'a plaidé l'appelante, conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu.

[...]

28.       Les cotisations qui font l'objet du présent appel peuvent-elles être annulées du fait de l'admission par la vérificatrice que le processus ayant conduit à la cotisation avait pris son origine lors du constat du non-respect de la Loi sur la pharmacie ?

29.       La seule question en litige est de savoir si les cotisations sont bien fondées ou non fondées en vertu de la Loi de l'impôt sur le Revenu ?

13.        Madame Trudel-Leblanc a porté cette décision en appel devant la Cour d'appel fédérale. S'appuyant sur l'affaire Pedwell, elle soutenait que la Cour canadienne de l'impôt ne pouvait maintenir les cotisations pour un motif différent de celui invoqué par le Ministre.

14.        La Cour d'appel fédérale a confirmé la décision du juge Tardif. Elle a distingué l'affaire Pedwell en indiquant que le juge Tardif n'avait pas pris en considération une transaction différente de celle invoquée par le Ministre pour établir les cotisations. La conclusion du juge Tardif était fondée sur des éléments de preuve présentés au procès par madame Trudel-Leblanc elle-même. La Cour d'appel fédérale a souligné que madame Trudel-Leblanc avait eu l'occasion de faire valoir son point de vue à l'égard du débat présenté devant la Cour canadienne de l'impôt. Par conséquent, elle n'en subissait aucun préjudice.

[...]

15.        Il est à noter que dans affaire Pedwell, invoquée par madame Trudel-Leblanc, la Cour d'appel fédérale a décidé que la Cour canadienne de l'impôt ne pouvait pas élargir la portée d'une cotisation pour qu'elle vise des opérations dont le Ministre n'avait pas tenu compte en établissant la cotisation. L'intimée soutient que la décision Pedwell n'est pas applicable en l'espèce. En effet, si la Cour décide que l'avantage fut conféré à monsieur Massicotte en vertu de l'alinéa 6(1)a) et non du paragraphe 246(1), elle le fera en tenant compte des éléments de preuve présentés au procès. Soulignons que ces éléments de preuve avaient été tenus pour acquis par le Ministre pour établir la cotisation en litige et les appelants en connaissaient l'existence. En conséquence, les appelants ne subissent aucun préjudice. Ce qu'ils ont d'ailleurs reconnu lors de l'audition du 7 décembre 2005.

16.        L'intimée s'appuie également sur les propos du juge Bowman dans l'affaire Labourer's International Union of North America, Local 527 Members' Training Trust Fund c. Canada, [1992] A.C.I no 466. Se fondant sur l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans C. (G.) c. V. F.(T.), le juge Bowman a déclaré que la Cour n'est pas liée par les concessions énoncées par les parties sur une question de droit. Voici les propos du juge Bowman à ce sujet :

Les parties à une action peuvent convenir de certains faits, et ce consensus peut servir de fondement à un aveu judiciaire qui liera le juge présidant l'audience. Les parties ne peuvent pas, toutefois, faire un aveu judiciaire sur un point de droit parce que [TRADUCTION] « la Cour ne peut être liée par une erreur touchant le droit, faite par les parties dans un aveu [...] » [...]. La Cour n'est pas liée par des concessions sur une question de droit. En rendant le jugement unanime de la Cour suprême du Canada dans l'affaire C.(G.) c. V.F.(T.) [...], le juge Beetz a déclaré ce qui suit :

[VERSION FRANÇAISE OFFICIELLE]

À l'audience, le procureur des appelants a concédé que l'attribution de la garde à un tiers équivaut à une déclaration de déchéance partielle et qu'il est par conséquent nécessaire de prouver l'existence d'un motif grave au sens de l'art. 654 C.c.Q. pour confier la garde à une personne autre que le titulaire de l'autorité parentale. Cette concession sur une question de droit ne saurait lier la Cour.

[...]

17.        Le juge Bowman poursuit en rappelant que la Cour est maître de l'interprétation de la loi et les parties ne peuvent lui dicter les principes de droit à appliquer. À ce sujet, le juge Bowman s'exprime ainsi :

La validité de la fiducie en cause en l'espèce est une question de droit parce qu'elle doit être tranchée selon les principes du droit et qu'elle concerne la qualité pour agir, qui constitue elle-même une question de droit. Malgré les observations de l'avocat de l'intimée, les parties à une action ne peuvent faire un aveu judiciaire sur une question de droit. [...] En outre, la cour doit, même lorsqu'une question ne relève pas de sa compétence ou de la qualité pour agir de l'une des parties, trancher l'affaire selon le droit. Elle ne peut s'acquitter de cette obligation si elle doit accepter aveuglément des énoncés de droit douteux ou fonder ses décisions sur des prémisses juridiques erronées ou sur une mauvaise formulation des questions en litige, uniquement par suite d'une entente quelconque entre les parties. La Cour canadienne de l'impôt a compétence exclusive pour trancher des litiges dans des domaines régis par des lois de large application. Ses jugements ont une incidence qui déborde bien souvent le cadre étroit du litige qui oppose le ministre et un contribuable en particulier. Ils influent sur l'interprétation des lois fiscales et sur leur application à l'ensemble des contribuables. Par ailleurs, une décision favorable à un appelant donné entraînera un paiement sur le Trésor qui n'est pas autrement autorisé par le Parlement. [...] La présente Cour est une cour de justice; ce n'est pas un tribunal d'arbitrage privé auquel les parties peuvent dicter des principes de droit.

[...]

26.        En l'espèce, l'intimée soutient que l'avantage qu'a reçu monsieur Massicotte ou dont il a profité est un crédit de 240 000 $ à son compte « Avances » de la société Consultants Pub Création. En contrepartie de ce crédit, Monsieur Massicotte a transféré une créance à la société dont la juste valeur marchande était nulle. Ces opérations ont eu lieu par écritures de régularisation au 31 décembre 1995 (onglet 42) et c'est durant l'année d'imposition 1995 que l'avantage de 240 000$ a été reçu ou que monsieur Massicotte a profité d'un avantage de 240 000$ aux termes de l'alinéa 6(1)a) de la Loi.

[Je souligne.]

[32]     Je crois que la position défendue par la procureure de l'intimée est bien fondée. À mon avis, le fondement de la cotisation est le fait que monsieur Massicotte a reçu ou a joui d'un avantage. Le fait que le ministre a par maladresse justifié sa cotisation en se fondant sur l'article 246 ou le paragraphe 15(1) plutôt que sur l'alinéa 6(1)a) de la Loi ne peut pas être considéré comme constituant un nouveau fondement de la cotisation. Il est vrai que les conditions d'application de ces articles ne sont pas tout à fait les mêmes. Notamment, comme on l'a vu précédemment, pour que l'article 246 soit applicable, il ne faut pas que l'avantage puisse être inclus dans le revenu en vertu d'une des dispositions de la partie I de la Loi. Pour que le paragraphe 15(1) de la Loi trouve application, il faut que monsieur Massicotte ait été actionnaire de Pub, ce qui n'est pas le cas : Amadéus est le seul actionnaire de Pub. Or, il ressort clairement du dossier que l'avantage pouvait être inclus dans le revenu de monsieur Massicotte selon l'alinéa 6(1)a) de la Loi. D'ailleurs, il s'agit là d'un des arguments du procureur de monsieur Massicotte pour conclure à l'inapplicabilité de l'article 246 de la Loi. Il a reconnu lui-même que monsieur Massicotte était un employé et que c'est le compte « avance d'employé(es) » qui a été crédité. Cela ressort clairement de la preuve documentaire qu'il a produite lui-même (pièce A-1, onglet 42). Il a reconnu au tout début de l'audience qu'il n'était pas pris au dépourvu par un tel argument. D'ailleurs, il a indiqué que sa position avait été auparavant que l'intimée avait le fardeau de la preuve quant à l'existence des éléments nécessaires pour justifier l'application de l'alinéa 6(1)a) de la Loi.

[33]     De toute façon, même si la justification de la cotisation par l'alinéa 6(1)a) pouvait être considérée comme un nouveau fondement, la raison première pour écarter l'argument du procureur de monsieur Massicotte fondé sur l'approche de l'arrêt Pedwell c. Canada (C.A.), [2000] 4 C.F. 616, 2000 IIJCan 17141, dans lequel on suivait la règle énoncée dans l'arrêt Banque Continentale du Canada c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 358, 98 DTC 6501, c'est que le législateur a rapidement modifié la Loi pour rejeter l'approche de la Cour suprême du Canada. En effet, il y a ajouté le paragraphe 152(9), qui s'applique aux appels réglés après le 17 juin 1999 et qui édicte :

152(9) Nouvel argument à l'appui d'une cotisation - Le ministre peut avancer un nouvel argument à l'appui d'une cotisation après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation, sauf si, sur appel interjeté en vertu de la présente loi :

a)          d'une part, il existe des éléments de preuve que le contribuable n'est plus en mesure de produire sans l'autorisation du tribunal;

b)          d'autre part, il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances.

[Je souligne.]

[34]     Même si la nouvelle cotisation du ministre à l'égard de l'année 1995 est en date du 15 avril 1998, l'appel de monsieur Massicotte est réglé à la date du présent jugement, soit plus de sept ans après l'entrée en vigueur du paragraphe 152(9) de la Loi. Voici les commentaires concernant ce paragraphe que l'on trouve dans les notes explicatives relatives au projet de loi de 1999 (projet de loi C-72; L.C. 1999, ch. 22, art. 63.1) :

Le nouveau paragraphe 152(9) de la Loi a pour but d'assurer que le ministre du Revenu national puisse avancer de nouveaux arguments à l'appui d'une cotisation d'impôt sur le revenu une fois expirée la période normale de nouvelle cotisation. Cette modification fait suite aux remarques de la Cour suprême du Canada dans l'affaire La Reine c. la Banque Continentale du Canada, selon lesquelles la Couronne n'est pas autorisée à avancer un nouvel argument à l'appui d'une cotisation après le délai de prescription.

Les restrictions énoncées aux alinéas 152(9)a) et b) traduisent la protection judiciaire accordée aux contribuables, selon laquelle un nouveau fondement ne peut être avancé s'il porte atteinte au droit du contribuable de produire des éléments de preuves pour le réfuter. Le paragraphe 152(9) est subordonné à d'autres restrictions, notamment le paragraphe 152(5), qui empêche le ministre d'inclure dans le revenu d'un contribuable des montants qui n'y avaient pas été inclus avant l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable.

Le paragraphe 152(9) s'applique aux appels réglés après la date de sanction du projet de loi.

[Je souligne.]

[35]     Mentionnons également que l'arrêt Pedwell a été rendu par la Cour d'appel fédérale le 12 juin 2000 à l'égard d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt qui avait été rendue avant le 17 juin 1999, soit le 29 octobre 1998 (Pedwell c. Canada, [1998] A.C.I. no 982 (QL), 99 DTC 63). Quant à l'arrêt Rezek c. Canada, 2005 CAF 227 (IIJCan), il s'agit d'un appel d'un jugement de cette Cour rendu le 9 septembre 2003 (Hayes c. La Reine., 2003 CCI 93 (IIJCan), [2004] 1 C.T.C. 2605, 2003 DTC 1205), mais il n'y est aucunement fait mention du paragraphe 152(9) de la Loi, contrairement à ce qui est le cas dans l'arrêt Pedwell. À mon avis, l'approche suivie dans Rezek n'est pas conforme à la nouvelle disposition législative en vigueur à l'égard de tous les appels réglés après le 17 juin 1999.

[36]     Mentionnons également que d'autres décisions de la Cour d'appel fédérale adoptent une approche différente de celle suivie dans les affaires Rezek et Pedwell. Il y a, bien évidemment, l'arrêt Trudel-Leblanc c. Canada, [2004] A.C.F. no 480 (QL), mentionné dans les observations écrites de la procureure de l'intimée. La procureure a bien résumé les faits pertinents de cette affaire. Mentionnons une autre décision de la Cour d'appel fédérale, soit celle rendue dans l'affaire Smithkline Beecham Animal Health Inc. c. Canada, [2000] A.C.F. no 270 (QL), 2000 DTC 6141. La juge Sharlow y a confirmé que le juge Bonner de cette Cour avait eu raison de qualifier la modification proposée aux actes de procédure de nouvel argument à l'appui de la cotisation et a dit que le paragraphe 152(9) de la Loi permettait de soulever ce nouvel argument.

[37]     Il est intéressant de souligner les commentaires suivants du juge Bonner dans Smith Kline Beecham Animal Health Inc. c. Canada, [1999] A.C.I. no 762 (QL), une décision du 4 novembre 1999, aux paragraphes 14 à 16 de ses motifs d'ordonnance :

14         À mon avis, l'arrêt Continental Bank n'a jamais fait jurisprudence quant à la proposition selon laquelle le ministre serait, dans sa défense relative à un appel contre une cotisation établie après l'expiration du délai prévu au paragraphe 152(4), confiné à un cadre conceptuel, soit le « fondement de la cotisation » , ne comprenant que les faits et les dispositions législatives invoqués par le répartiteur [le ministre]. Selon moi, l'arrêt Continental Bank est une application d'une règle de longue date régissant les litiges devant un tribunal d'appel, laquelle règle empêche les plaideurs de soulever en appel des points qui n'avaient pas été soulevés et débattus devant le tribunal de première instance. On ne peut s'attendre qu'une cour d'appel traite d'une nouvelle question en appel basée sur un dossier de preuve déficient du fait que l'on avait omis de soulever cette question et de présenter des éléments de preuve à cet égard. Dans la présente espèce, l'intimée demande une modification bien avant le début du procès. La situation n'est nullement semblable à ce qu'il en était dans l'affaire Continental Bank.

15         De plus, rien de ce qui est dit dans l'arrêt Continental Bank n'indique que le paragraphe 152(4) influe sur la modification demandée par l'intimée. Le paragraphe 152(4) restreint le droit du ministre d' « établir des nouvelles cotisations, des cotisations supplémentaires ou des cotisations d'impôt, d'intérêts ou de pénalités [...] » . La modification maintenant en question ne donnerait pas lieu à une nouvelle cotisation d'impôt. Il s'agit plutôt d'une tentative pour défendre la cotisation d'impôt existante en faisant valoir que, sur la foi des faits déjà plaidés, une responsabilité est imposée par une disposition de la Loi autre que celle qui avait été invoquée par le répartiteur [le ministre].

16         Il est depuis longtemps établi en droit que la validité d'une cotisation dépend de l'application de la loi aux faits et non de l'analyse du répartiteur [le ministre]. Il est, je crois, peu probable que l'intention de la cour dans l'affaire Continental Bank, précitée, ait été de renverser des décisions comme Minden et Riendeau, précitées, sans les mentionner. Je suis donc d'avis que rien de ce qui est dit dans l'arrêt Continental Bank ne peut s'appliquer de manière à empêcher le ministre de se fonder sur l'article 245 dans la présente espèce.

[Je souligne.]

[38]     Rappelons ce que le président Thorson écrivait dans M.N.R. v. Minden, 62 DTC 1044, à la page 1050 :

[...] In considering an appeal from an income tax assessment the Court is concerned with the validity of the assessment, not the correctness of the reasons assigned by the Minister for making it. An assessment may be valid although the reason assigned by the Minister for making it may be erroneous. This has been abundantly established.

[Je souligne.]

[39]     Mentionnons également ce que la Cour d'appel fédérale écrivait dans Canada c. Riendeau, [1991] A.C.F. no 559 (QL), [1991] 2 C.T.C. 64, 91 DTC 5416 :

Dans la présente espèce, les montants des cotisations sont demeurés les mêmes tout au long du litige. Le point litigieux réside dans le fait que les cotisations auraient été établies en vertu du paragraphe 74(5) de la Loi, qui avait été abrogé, ce qui, selon la partie appelante, rendait les cotisations nulles même si le Ministre a par la suite corrigé l'erreur en ratifiant les cotisations aux termes des articles 3 et 9 de la Loi.

Selon nous, le processus mental du Ministre pour établir une cotisation ne saurait modifier l'assujettissement d'un contribuable au paiement de l'impôt prescrit par la Loi même. Le Ministre peut corriger une erreur. Le juge de première instance était fondé à rejeter l'argument de la partie appelante et à statuer que le Ministre avait le droit de ratifier les nouvelles cotisations en question.

[Je souligne.]

[40]     Finalement, mentionnons deux autres décisions de la Cour canadienne de l'impôt, soit celle dans Sauvé c. La Reine, 2000 DTC 1858, et celle dans Blanchette c. La Reine, 2003 DTC 875. Dans la première affaire, le ministre avait inclus dans le revenu du contribuable comme un gain en capital imposable 50 % d'un montant d'intérêts. À la page 1861, le juge Dussault écrit :

[...] Cette façon de considérer l'intérêt reçu à l'égard de la mise de fonds, moins les frais d'avocat payés, comme un gain en capital, est manifestement erronée et l'avocat de l'intimée s'appuie sur le nouveau paragraphe 152(9) de la Loi pour soutenir qu'il s'agit là véritablement d'un montant reçu à titre d'intérêt et qui doit être inclus au revenu des appelants à ce titre et non comme un gain en capital imposable, tout en reconnaissant que le montant de la cotisation ne peut, par ailleurs, être augmenté de quelque façon que ce soit. [...]

[...]


Sur cette question, en quelque sorte préliminaire, j'estime que l'intimé[e] peut effectivement se prévaloir des dispositions du nouveau paragraphe 152(9) pour avancer un nouvel argument à l'appui de la cotisation, ce qui signifie, comme il a été maintes fois décidé, à l'appui du montant même d'impôt cotisé. [...]

[Je souligne.]

[41]     À la page 1862, le juge Dussault ajoute :

[...] Les cotisations établies ne pouvant être modifiées par l'ajout de montants additionnels pour compenser le fait que seulement soixante-quinze pour cent (75%) de la somme nette reçue à titre d'intérêts sur le montant de la mise de fonds remboursée ont été inclus au revenu, je dois simplement conclure que le montant inclus au revenu et qui représente des intérêts doit effectivement être maintenu comme revenu.

[Je souligne.]

[42]     Le juge en chef Garon, dans la décision Blanchette, a aussi appliqué la même interprétation du paragraphe 152(9) de la Loi pour permettre au ministre de soulever des arguments alternatifs dans sa réponse à l'avis d'appel. Dans cette affaire, le ministère avait refusé la déduction de certaines dépenses en tenant pour acquis que la société existait mais que ses associés étaient des associés passifs. Dans sa réponse à l'avis d'appel, le ministre soulevait un nouvel argument à l'appui de sa cotisation. Il prétendait que la société n'existait pas et les contribuables s'opposaient à cet argument alternatif, puisqu'ils considéraient qu'il s'agissait d'un nouveau fondement de la cotisation. Voici comment le juge en chef Garon s'est exprimé aux paragraphes 20 et 21 de sa décision :

[20]       À mon point de vue, le ministre du Revenu national dans le cas actuel a le droit d'avancer le moyen selon lequel les sociétés en question sont inexistantes et que dans l'hypothèse de leur existence il s'agit de sociétés en commandite. Cette preuve, si elle emporte l'adhésion du juge, établirait en effet que le montant cotisé n'est pas trop élevé. L'intimée ne demande pas que le ministre du Revenu national soit autorisé à modifier les cotisations ou, si je peux m'exprimer de façon plus technique, l'intimée ne demande pas que les appels soient rejetés et que les cotisations soient déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations. [...]

[21]       Si je retenais la proposition des requérants, il en découlerait que l'intimée ne pourrait faire valoir un nouvel argument selon le paragraphe 152(9) de la Loi - de même que la preuve qui peut le sous-tendre - que dans les cas où cet argument aurait comme résultat de justifier le montant précis de la cotisation dont appel. Si cet argument aboutissait à l'établissement d'un montant d'impôt supérieur à celui qui a été cotisé, ne fût-ce que de quelques dollars, cet argument serait irrecevable. Accepter une telle proposition me paraît insérer dans le régime des appels de cotisations un élément arbitraire et artificiel. En outre, le paragraphe 152(9) de la Loi a une portée générale; il ne subordonne pas l'invocation d'un nouvel argument à l'appui d'une cotisation à la condition qu'il aboutisse précisément au montant de la cotisation dont appel.

[43]     En résumé, ce qui est en litige c'est le montant de l'impôt établi dans la cotisation. Si ce montant peut être justifié par d'autres dispositions de la Loi, il est possible de le faire. Le but de l'exercice est de s'assurer que le montant d'impôt que le ministre fixe est justifié en droit. Les contribuables canadiens ne doivent payer que ce qu'ils sont tenus de payer en vertu de la Loi. Le fait qu'un vérificateur du ministre ait pu se tromper quant à la justification de sa cotisation ne signifie pas nécessairement qu'elle est mal fondée. Adopter une approche trop procédurière permettrait aux contribuables les plus fortunés d'avoir recours aux services des avocats fiscalistes les plus habiles, qui pourraient, en invoquant des motifs de procédure, réussir à contester des cotisations même si, en droit, ces cotisations étaient par ailleurs bien fondées. Dans une telle situation, ce serait l'ensemble des contribuables canadiens qui supporteraient le manque à gagner résultant de cette approche.

[44]     Si on appliquait cette approche procédurière aux faits de cet appel, la justice et l'équité fiscale seraient-elles bien servies si le résultat était de permettre à un contribuable de s'approprier une somme de 240 000 $ provenant de sa société, sans payer aucun impôt, alors que les autres contribuables canadiens ont l'obligation de payer de l'impôt lorsqu'ils reçoivent soit un salaire ou des dividendes de leur société?

[45]     Il faut rappeler que le rôle d'un juge est de s'assurer que la cotisation du ministre est conforme à la Loi. Si un juge invoquait, de son propre chef, un article de la Loi ou un principe de droit qui permettrait à un contribuable de contester avec succès la cotisation du ministre, je crois que peu de personnes s'y opposeraient. Alors, pourquoi un juge devrait-il s'empêcher d'invoquer une telle règle ou disposition législative pour justifier la cotisation du ministre? Le rôle fondamental d'un juge est d'être impartial. À mon avis, si un juge n'intervenait que si cela pouvait être avantageux à un contribuable, cela irait à l'encontre de son devoir d'impartialité.

[46]     Je crois que l'approche que j'adopte est conforme à celle décrite par le juge Rinfret de la Cour du Banc de la Reine (maintenant appelée la Cour d'appel du Québec) dans Poulin c. Laliberté, [1953] B.R. 8, aux pages 9 et 10 :

La question à se poser est bien la suivante : En quoi consiste la justice?

Un juge doit-il, sans mot dire, écouter les témoignages, entendre les arguments et se restreindre à décider uniquement sur la preuve et les arguments que veulent bien lui soumettre les avocats au dossier?

Un juge doit-il, s'il s'aperçoit que, par inadvertance, incapacité ou ignorance, un avocat oublie de faire une preuve ou de présenter un argument, rendre une décision qu'il sait inéquitable pour les parties?

Le client doit-il souffrir de la maladresse de son avocat?

Certaines personnes soutiennent l'affirmative, elles sont de l'école que le juge doit s'en tenir strictement et rigoureusement à ce qu'on lui présente et que les avocats, et non le juge, sont les maîtres du procès.

L'autre théorie veut, au contraire, que le seul maître du procès soit le juge et que c'est à lui à le diriger dans les meilleurs intérêts de la justice. Pour ce faire, le juge se doit de s'enquérir de tous les faits, même de ceux qu'on aurait, pour une raison ou pour une autre, omis de lui soumettre; il se doit de soulever des questions de droit, même si elles ne lui sont pas soumises, pourvu que, dans chaque cas, il donne aux parties ou à leurs avocats l'opportunité de les débattre.

Le droit ou, si l'on veut, la justice n'est pas affaire de surprise ou de technicalités.

Il est du devoir du juge de faire le plus de lumière possible sur la question, de rectifier la situation et de suppléer à la maladresse ou à l'ignorance de l'avocat, si besoin est. C'est ainsi que je comprends la justice.

Le juge ne doit pas, cependant, faire perdre aux parties leurs droits acquis, et c'est dans l'exercice de sa discrétion qu'il verra à protéger ceux-ci.

[Je souligne.]

[47]     L'auteur Jean-Claude Royer, dans La preuve civile, 2e éd., Cowansville (Québec), Les Éditions Yvon Blais inc., 1995, se montre partisan de cette approche :

204 - Conclusion - Les tribunaux ont généralement suivi la théorie interventionniste énoncée par M. le juge Rinfret. Cette doctrine favorise l'obtention d'une meilleure justice, même si elle porte atteinte au système accusatoire et contradictoire du procès. En outre, elle correspond davantage aux idées sociales modernes inspirées d'une conception plus objective du droit, laquelle a entraîné une évolution législative destinée à accroître le rôle du juge.

[Je souligne.]

[48]     Il est important de souligner que l'intervention d'un juge doit se faire dans le respect des droits acquis, comme cela a été mentionné dans l'arrêt Poulin, et dans le respect de la règle de l'équité procédurale. Si un nouvel argument est invoqué, l'autre partie ne doit pas être prise au dépourvu et elle doit avoir la possibilité soit de présenter en preuve les faits, soit d'invoquer des arguments à l'encontre de ce nouvel argument. Il va de soi que le juge doit, dans ce contexte, rester fidèle à son devoir d'impartialité. Il ne peut devenir le procureur de l'une des deux parties. En s'adressant avec courtoisie et ouverture d'esprit aux différents témoins et en étant, dans la recherche de la vérité, aussi vigilant à l'égard des témoins d'une partie que de l'autre, il saura s'acquitter de son devoir d'impartialité.

[49]     Au début de l'audience, j'ai demandé au procureur de monsieur Massicotte s'il y avait un problème quant à l'année d'imposition pertinente pour ce qui est de l'inclusion de l'avantage pouvant résulter du transfert des 240 000 $. S'il s'agissait d'un avantage imposable selon l'article 246 de la Loi, il ne contestait pas que l'année 1995 était l'année pertinente. Par contre, il avait une position différente pour le cas où il y aurait avantage imposable selon l'alinéa 6(1)a) de la Loi.

[50]     La position défendue par ce procureur est celle selon laquelle l'imposition du revenu d'emploi doit nécessairement être fondée sur un encaissement par l'employé. Il a cité à l'appui de sa position les décisions M.N.R. c. Rousseau, 60 DTC 1236, motifs français à la p. 1241, et Phillips c. Canada, [1994] A.C.I. no 597 (QL), 95 DTC 194, qui confirment que la rémunération versée à un salarié n'est imposable que lorsqu'elle est reçue par ce dernier. Ainsi, un bonus promis par un employeur n'a pas à être inclus dans le revenu d'un salarié tant qu'il ne l'a pas reçu.

[51]     Par contre, il ne s'agit pas ici de déterminer dans quelle mesure la rémunération (salaire et bonus) reçue par monsieur Massicotte constitue un revenu visé par l'article 5 de la Loi. Il s'agit plutôt de déterminer si un salarié ou un titulaire d'une charge a reçu un avantage ou a joui d'un avantage en vertu de sa charge ou de son emploi, selon l'alinéa 6(1)a) de la Loi. À mon avis, l'approche qu'il faut retenir ici est celle de la Cour d'appel fédérale dans Kennedy c. Canada, [1973] C.F. 839. Dans cette décision, la Cour d'appel avait à appliquer le paragraphe 8(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (S.R.C. 1952, c. 148), qui, à compter de 1972, est devenu le paragraphe 15(1) de la Loi. Voici comment le juge en chef Jackett s'est exprimé sur la signification d'un avantage attribué à un actionnaire, au sens du paragraphe 8(1) (maintenant 15(1) de la Loi) :

10         Il faut rappeler un point préliminaire en ce qui concerne 1965. Comme nous l'avons déjà indiqué, la cotisation se fonde sur la présomption que l'appelant a acheté une propriété valant $344,000 à sa propre compagnie pour la somme de $259,000 et que l'appelant en versait le prix en se chargeant des hypothèques d'un montant de $311,000 (il recevait un billet à ordre de $53,000 pour la différence). L'appelant soutient que, même si ses présomptions de fait s'avèrent exactes, en ce qui concerne le montant de $53,000 le bénéfice ne peut avoir été « attribué » jusqu'à ce que l'argent soit effectivement versé; or rien n'a été payé en 1965. À l'appui de cette prétention, l'appelant se rapporte à la jurisprudence relative à la question de savoir quand des montants tels que les dividendes, l'intérêt et les loyers deviennent un « revenu » aux fins de l'impôt sur le revenu. À mon avis, la question soulevée dans ce genre d'affaire n'a rien à voir avec ce qui est couvert par l'article 8(1). Dans le cas d'un « revenu » , on suppose, en l'absence de dispositions spéciales, que le législateur prévoit que l'impôt est dû quand le montant est payé et non quand l'obligation naît. (Les tribunaux rejettent naturellement l'imposition avant que le montant du revenu soit dans les mains du contribuable.) En l'espèce, le problème est de déterminer quand un « bénéfice » a été « attribué » au sens de ces termes à l'article 8(1). À mon avis, quand un actionnaire devient créancier d'une compagnie sans contrepartie (ou sans contrepartie adéquate), il y a attribution d'un bénéfice. (L'évaluation du montant du bénéfice peut varier suivant le type de compagnie.) En revanche, quand on règle une dette, en supposant qu'elle était bien garantie, il n'y a pas attribution de bénéfice car le créancier a simplement reçu ce à quoi il a droit. En conséquence, j'estime qu'on doit tenir compte du billet à ordre de $53,000, aux fins de l'article 8(1), pour l'année 1965 au cours de laquelle la compagnie est devenue débitrice de l'appelant à cet égard.

[Je souligne.]

[52]     À l'alinéa 6(1)a) de la Loi, il est question non pas d'un avantage conféré, mais d'un avantage reçu, par un contribuable, ou d'un avantage dont il jouit. Toutefois, il n'y a pas d'incompatibilité entre ces expressions. Au contraire, l'une est le revers de l'autre. En effet, lorsqu'il est question d'un avantage conféré, on examine la chose du point de vue de l'auteur de l'avantage. Lorsqu'il est question de la réception ou de la jouissance d'un avantage, on l'examine du point de vue du bénéficiaire de l'avantage. En d'autres mots, si un avantage a été conféré par une personne à une autre, c'est que cette dernière l'a reçu ou qu'elle en a eu la jouissance. Par conséquent, dans la mesure où le transfert de la créance de 240 000 $ à Pub par monsieur Massicotte a été fait moyennant une contrepartie dont la valeur dépasse la juste valeur marchande de cette créance, il y a un avantage conféré directement par Pub et cet avantage a été reçu par monsieur Massicotte, ou il en a eu la jouissance, dès le moment où une obligation de verser la contrepartie naissait.

[53]     De plus, l'avocat de monsieur Massicotte soutient que son client était de bonne foi et qu'il n'avait aucune intention de s'avantager au moyen de l'opération en question. Il s'appuie sur Robinson v. M.N.R., 93 DTC 254 (version française : [1993] A.C.I. no 21 (QL)), décision dans laquelle le juge suppléant Rowe de cette Cour avait décidé que le contribuable n'avait eu aucune intention de s'approprier à son usage des fonds d'une société, soit une somme de 64 022 $. Voici ce que le juge Rowe affirme aux pages 257 et 258 :

Subsection 15(1) contemplates an appropriation for the benefit of a shareholder and/or a benefit or advantage conferred on a shareholder by a corporation. The Appellant was the sole shareholder of the corporation and must either be responsible for taking unto himself or setting aside for a special purpose something of value from the corporation or, as the directing mind of the corporation, be responsible for the bestowing or granting of a benefit, and at the same time in his personal capacity agree to accept it and adapt it for his own use. Although it is the same mind operating in both instances, the Appellant while wearing his shareholder's hat did nothing consistent with taking, or appropriating a benefit, and, as Director and President, when exercising control over the corporation, did not intend to have conferred anything on himself, and as a putative recipient, he was an unwilling and uninformed beneficiary. The accountants, in erroneously recording a transaction, were not acting pursuant to any direction to achieve such an end on behalf of either the corporation or the Appellant as a shareholder. Clearly, the record keeping was not in accord with the facts and ran counter to the intent of the Appellant at the outset when he undertook to correct an error by depositing into the corporate bank account funds which truly belonged to it. He was discharging his duty as trustee made necessary by the inadvertent act of the payor in making him the payee of the cheque. [...]

In order for there to have been an appropriation[36], the Appellant must have "appropriated". Black's Law Dictionary, Sixth Edition, defines "appropriate" as:

To make a thing one's own; to make a thing the subject of property; to exercise dominion over an object to the extent, and for the purpose, of making it subserve one's own proper use or pleasure.

It is apparent that the words used in subsection 15(1) refer to some form of action with a strong component of intent and certainly cannot be seen to embrace an event that is the result of mutual mistake between the parties, that is, the shareholder and the corporation, when the mistake is the result of an act or omission of a third party operating in good faith but on a faulty premise.

[Je souligne.]

[54]     Il va de soi que si un comptable effectue une écriture de régularisation qui ne correspond pas à la réalité et que, par conséquent, cette écriture est erronée, on ne pourra pas, dans de telles circonstances, appliquer des dispositions comme celles de l'alinéa 6(1)a) ou du paragraphe 15(1) de la Loi. Par contre, ici, il n'est nullement question d'une erreur d'écriture comptable. Ici, les écritures de régularisation faites dans les livres d'Amadéus et de Pub l'ont été en conformité avec les directives données par monsieur Massicotte ou l'un de ses employés, monsieur Bureau, pour éviter, selon toute vraisemblance, l'application du paragraphe 15(2), tel que le permet le paragraphe 15(2.6) de la Loi lorsqu'il y a remboursement des avances dans un délai d'un an suivant l'année d'imposition au cours de laquelle la dette a été créée[37].

[55]     À mon avis, pour que l'alinéa 6(1)a) de la Loi trouve application, il n'est pas nécessaire que le contribuable ait eu l'intention de se conférer un avantage. Il ne s'agit pas là d'une exigence énoncée par le législateur fédéral canadien. Si, objectivement, il peut être déterminé qu'un avantage a été conféré à une personne ou - changeant d'optique - que cette personne a reçu cet avantage ou en a eu la jouissance, le montant de celui-ci doit être inclus dans le revenu dans la mesure où les autres conditions prévues dans les dispositions pertinentes sont réunies.

[56]     Il s'agit maintenant d'appliquer ces règles et cette approche aux faits pertinents de cet appel.

A)       Le crédit de 240 000 $ porté au compte « avance employé(es) » en 1995

•    Preuve contradictoire et crédibilité des témoins principaux

[57]     Les appels de monsieur Massicotte et de Pub soulèvent de sérieux problèmes de crédibilité. La Cour a entendu des témoignages contradictoires de la part des deux anciens associés, messieurs Massicotte et Audy. De façon générale, le témoignage de monsieur Massicotte a été beaucoup moins crédible que celui de monsieur Audy.

[58]     Selon monsieur Massicotte, la somme de 240 000 $ mentionnée à l'article 3 de l'entente de séparation représentait une indemnité pour tenir compte de plusieurs éléments, dont, notamment, le salaire de 240 000 $ (soit deux fois 120 000 $[38]) auquel il aurait renoncé durant les années 1993 et 1994, une indemnité de 200 000 $ en raison du départ prématuré de monsieur Audy[39] et une indemnité de 50 000 $ pour le non-respect par ce dernier de l'engagement de non-concurrence[40] ainsi que pour une prétendue atteinte à la réputation de monsieur Massicotte et de prétendus dommages moraux[41]. Tout cela représente beaucoup d'argent (au moins 490 000 $) et beaucoup d'explications possibles! Mais laquelle de ces explications s'applique vraiment à ce que les parties ont convenu le 10 juin 1994? Les explications semblent avoir été faites a posteriori. Quant à monsieur Audy, il prétend que cette somme de 240 000 $ représentait le solde impayé que Cyrano devait à monsieur Massicotte pour les actions de Pub acquises en 1990. Ce solde aurait résulté du paiement des premiers 50 000 $ quelques jours après la signature du contrat, suivi du remboursement à même le dividende de 50 000 $ versé en juillet 1991, ce qui laissait un solde de 250 000 $. (Une autre somme de 10 000 $ aurait pu être versée à un autre moment, après le 31 juillet 1993[42].) L'intention des parties était que Cyrano soit libérée de l'obligation d'acquitter ce solde.

[59]     Monsieur Massicotte affirme non seulement avoir été entièrement payé pour les actions, mais avoir reçu 33 294 $ en sus de ce qui lui était dû. En outre, aucun intérêt n'était payable sur le solde impayé. Tout cela soulève un doute quant à l'exactitude de la version de monsieur Massicotte!

[60]     Une autre raison qui fait douter de l'exactitude de la version de monsieur Massicotte, selon laquelle rien ne lui était dû quant au solde du produit de la vente des actions de Pub à Cyrano, est que l'obligation de Cyrano de payer ce solde au plus tard le 30 septembre 1997 était limitée à sa quote-part des dividendes versés par Pub. Comme Pub pendant plusieurs années a subi des pertes ou n'a réalisé que peu de bénéfices, il n'est pas surprenant que peu de dividendes ont été versés par Pub à Cyrano. Tel qu'il appert du tableau 1 et des notes 10, 19 et 20 ci-dessus, les seuls dividendes versés par Pub à Cyrano de 1990 à 1995 sont celui de 50 000 $ en juillet 1991 et celui de 1 650 $ en juillet 1992. Comment Cyrano aurait-elle pu verser 40 461 $ du 1er août 1992 au 31 décembre 1992, 150 683 $ en 1993 et 47 500 $ en 1994[43]? En outre, Cyrano n'avait aucun intérêt à payer le solde du prix de vente puisqu'il ne portait pas d'intérêt. Il est donc plus plausible que la version de monsieur Audy soit la bonne.

[61]     D'ailleurs, la version de monsieur Audy se trouve être appuyée par les états financiers de Cyrano préparés par KPMG, où l'on voit qu'au 31 juillet 1992 et au 31 juillet 1993 le montant de la dette à long terme pour les actions de Pub s'élève à 250 000 $![44] Ajoutons finalement que monsieur Audy n'était même pas au courant, lors de son témoignage, des prétendus 383 294 $ que sa société, Cyrano, aurait versés pour ces actions!

[62]     Les deux anciens associés ont déclaré lors de leur témoignage avoir vendu leurs actions en signant le 30 mai 1994 deux ententes de vente d'actions, l'une relative aux actions d'Im-Média intervenue entre monsieur Massicotte (vendeur) et monsieur Audy (acquéreur), l'autre relative aux actions de Pub intervenue entre Cyrano (vendeur) et Amadéus (acquéreur). Or, à tout le moins, ils se sont mépris en faisant de telles affirmations puisque, selon toute vraisemblance, les deux conventions ont été antidatées. Même si on indique que la date de clôture « sera le 30 mai 1994, à 14:00 heures » pour la vente des actions de Pub par Cyrano, et « à 15:00 heures » pour la vente des actions d'Im-Média par monsieur Massicotte, et que les parties déclarent qu'elles « ont signé à Québec, ce 30 mai 1994 » (pièce A-1, onglets 27 et 28, article 2 et in fine), monsieur Massicotte a reconnu, avant le début des plaidoiries, qu'il était possible qu'elles ont été signées après le 10 juin 1994. Les indices étaient trop nombreux pour nier une telle conclusion de fait.

[63]     D'abord, dans l'entente de séparation du 10 juin 1994 rédigée par monsieur Massicotte lui-même, les parties ont convenu notamment que Cyrano vendait « dès aujourd'hui » , la totalité des actions de Pub qu'elle détenait à « Massicotte, Amadéus, ou toute autre(s) entité(s) qu'ils désigneront » . Si la vente des actions de Pub par Cyrano à Amadéus s'était effectuée véritablement le 30 mai 1994, comment se fait-il qu'au 10 juin, soit 11 jours plus tard, on ne sait pas si les actions seront vendues à monsieur Massicotte, à Amadéus ou à quelque autre entité qu'ils désigneront? Comment peut-on stipuler que la vente a lieu « dès aujourd'hui » , soit le 10 juin 1994, si la vente a déjà eu lieu le 30 mai 1994? Pareillement, au paragraphe 3 de l'entente de séparation, « Cyrano, Audy » s'engagent à acquérir la totalité des actions d'Im-Média détenues par monsieur Massicotte pour la somme de 70 000 $, alors que, selon une des ententes du 30 mai 1994, c'est monsieur Audy qui se portait acquéreur des 500 actions de catégorie A d'Im-Média. Pourquoi ne pas avoir stipulé que « monsieur Massicotte vend » dès aujourd'hui ces actions. « S'engagent à acquérir » semble indiquer que la vente n'avait même pas été accomplie le 10 juin 1994!

[64]     Il est plus que probable que les ententes de vente ont été rédigées après le 10 juin 1994 et ont été antidatées au 30 mai 1994 pour tenir compte des règles de changement de contrôle d'une société, selon lesquelles un nouvel exercice financier débute au moment d'un tel changement. Il était plus commode pour les parties et leurs comptables que les acquisitions de contrôle de Pub par Amadéus et d'Im-Média par monsieur Audy se fassent à la fin du mois de mai (ou presque) qu'au cours du mois de juin, où elles ont finalisé l'entente de séparation.

[65]     Une autre stipulation qui n'est pas conforme à la réalité est celle dans l'entente de vente des actions d'Im-Média selon laquelle le vendeur, monsieur Massicotte, reconnaît avoir reçu le prix de 70 000 $ au 30 mai 1994. La preuve a révélé plutôt que monsieur Massicotte a reçu cette somme en deux versements égaux, l'un le 21 juin 1994 et l'autre le 14 juillet 1994. L'argent requis pour ces deux versements a été fourni par Pub grâce à deux chèques de 35 000 $ qu'elle a remis en deux étapes au comptable de monsieur Audy et de Cyrano[45]. Il a fallu procéder ainsi puisque Pub n'avait pas dans son compte en banque les fonds nécessaires pour verser les 70 000 $.

[66]     En outre, même si monsieur Audy a signé l'entente d'achat des actions d'Im-Média qui stipule un prix de 70 000 $ (pièce A-1, onglets 28 et 30), il prétend qu'elle ne reflète pas la réalité, puisqu'il affirme que les actions de Pub et d'Im-Média n'avaient aucune valeur si ce n'est 1 $, le seul montant dont on avait convenu. C'est monsieur Massicotte qui aurait demandé que l'on indique un prix de 70 000 $ pour les actions d'Im-Média. Ce prix de vente de 70 000 $ a été acquitté grâce au paiement des 70 000 $ par Pub au comptable (selon toute vraisemblance pour le compte de Cyrano ou de monsieur Audy), somme que monsieur Massicotte a décrite comme une indemnité de départ. Monsieur Audy affirme s'être prêté à cette simulation après s'être fait assurer par son comptable qu'il ne s'agissait pas d'une opération illégale.

[67]     Lors de sa plaidoirie, le procureur de monsieur Massicotte a attaqué la crédibilité de monsieur Audy parce que ce dernier se serait contredit dans les passages suivants de son témoignage. Les questions posées portaient sur l'article 3 de l'entente de séparation, notamment sur le délai de 18 mois et sur les engagements visées par cet article. Selon monsieur Audy, le délai ne s'appliquait pas aux échanges visés par les articles 3.1 et 3.4 de cette entente :

            Q. Pour vous, là, quand on dit : ceux-ci devant être acquittés dans un délai de 18 mois, pour vous c'était quoi, ça, ceux-ci? C'est tu 3.1 et 3.4? Comment vous lisez ça?

            R. Non. Dans mon esprit, lorsque je relis ce document, ça ne s'appliquait pas à 3.1 et 3.4 mais ça s'appliquait à 3.2, et ça s'appliquait à 3.3.

[Vol. IV de la transcription, page 23.]

[68]     Plus loin, en parlant des échanges (services) qu'il avait offerts à monsieur Massicotte, monsieur Audy s'est exprimé ainsi :

            Q. Est-ce qu'il y avait une partie qui était acceptée?

            R. Il y a une partie qui était acceptée et c'était cette clause-là où on avait plus que dix-huit (18) mois pour la consommer.

[Vol. IV de la transcription, p. 30.]

[69]     À mon avis, il ne faut pas voir là un indice de mauvaise foi de la part de monsieur Audy. Compte tenu du libellé de l'article 3, qui est loin d'avoir été rédigé avec clarté par monsieur Massicotte, on peut aisément comprendre qu'il se soit mépris quant à la portée de cet article. De plus, la nervosité qui accompagne souvent un témoignage en cour peut également expliquer cette mauvaise interprétation de l'entente. D'ailleurs, il m'a fallu l'explication de monsieur Massicotte pour que je puisse moi-même comprendre que le délai de 18 mois s'appliquait aux échanges prévus aux articles 3.1 et 3.4.

[70]     Lors de son témoignage, monsieur Audy a nié avoir affirmé à la vérificatrice du ministre que les 70 000 $ que Pub a versés à Cyrano constituaient un don. Le procureur de monsieur Massicotte a fait lire à monsieur Audy un extrait du rapport de vérification rédigé dans le dossier d'Im-Média (société fusionnée avec Cyrano). La vérificatrice y indiquait qu'elle ne pouvait accepter l'argument que les 70 000 $ représentaient un don, puisqu'il s'agissait de « deux parties en chicane, sans lien de dépendance » (Q. 1168, p. 299 du vol. 2 de la transcription). Le procureur de monsieur Massicotte voit dans cette réponse une contradiction avec le témoignage de monsieur Audy. Toutefois, il n'a pas été établi que monsieur Audy était présent lors de la rencontre avec la vérificatrice. De plus, la vérificatrice n'a identifié qu'une seule personne présente à cette rencontre, soit un fiscaliste de monsieur Audy. Par conséquent, il n'y a pas de preuve que monsieur Audy ait fait une telle affirmation et qu'il se soit contredit.

[71]     À mon avis, aucun de ces passages choisis par le procureur de monsieur Massicotte n'est probant quant au manque de crédibilité de monsieur Audy. Par contre, il ressort de l'ensemble de la preuve qu'il n'est pas facile d'accorder beaucoup de crédibilité à certaines affirmations de monsieur Massicotte et à certains des documents qu'il a préparés.

•    Nature de la créance de 240 000 $

[72]     Quant aux différentes versions contradictoires relatives à la nature véritable des 240 000 $, celle de monsieur Audy m'apparaît plus plausible que celle de monsieur Massicotte. Il est difficile de croire que ce dernier aurait reçu 33 294 $ en sus de ce à quoi il avait droit. Je crois plutôt que la libération de dette visée à l'article 3 de l'entente de séparation concernait le solde du prix de la vente des actions de Pub à Cyrano en 1990. Il est tout à fait plausible que monsieur Massicotte avait gonflé en 1990 la valeur des actions de Pub vendues à Cyrano à 350 000 $ pour réaliser un dépouillement de surplus à terme et qu'il fallait, après l'insuccès de leur association, renoncer au solde impayé du prix de vente de ces actions. D'ailleurs, monsieur Audy a affirmé que ce prix avait été gonflé. Selon ses dires, on pouvait facilement manipuler les revenus d'une société de publicité en ajoutant ou n'ajoutant pas des revenus à la fin de l'exercice financier.Ajoutons que la vente de 50 % des actions de Pub en décembre 1990 par monsieur Massicotte à Cyrano pour 350 000 $ révèle une valeur marchande de 700 000 $ pour toutes les actions ordinaires de Pub (les actions de catégorie A), soit une proportion de 5,9 contre un par rapport aux BNR de 119 000 $. Les bénéfices après impôt réalisés par Pub pour ses deux premiers exercices financiers ont été de 12 701 $ pour 1989 et de 106 327 $ pour 1990 (soit 119 028 $ au total). La proportion s'élève donc à 6,6 contre un par rapport aux bénéfices de 1990 et à 11,8 contre un par rapport aux bénéfices moyens pour les deux premiers exercices de Pub. Ces proportions m'apparaissent fort élevées[46] pour une entreprise (du même genre que celle de Pub) bien établie et, par conséquent, encore plus pour une entreprise en exploitation depuis seulement deux années!

[73]     Il est, par contre, possible que monsieur Massicotte ait voulu s'assurer que l'abandon de sa créance de 240 000 $ consistant dans le solde du prix de la vente en 1990 de ses actions n'était en fait un abandon que dans la mesure où monsieur Audy réussissait à faire annuler le bail, où il obtiendrait que monsieur Massicotte soit libéré de sa garantie à l'égard de l'emprunt effectué par Im-Média, et où Im-Média, Cyrano et monsieur Audy prendraient en charge leur part de la marge de crédit de 200 000 $ de Pub, dont, selon toute vraisemblance, monsieur Audy et Cyrano ont bénéficié dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise. Rappelons que des honoraires importants ont été versés à Cyrano durant cette période[47].

[74]     De plus, l'entente de séparation ne vise pas à créer une dette en faveur de Pub et de monsieur Massicotte. Elle vise plutôt à libérer monsieur Audy et Cyrano d'une telle dette. Cette libération, comme on l'a vu, dépend de la réalisation de plusieurs conditions. Si la somme de 240 000 $ représentait réellement une indemnité pour le salaire auquel monsieur Massicotte prétend avoir renoncé (le premier motif mentionné par monsieur Massicotte lors de son témoignage à l'audience[48]), pourquoi y avoir renoncé si monsieur Audy et/ou Cyrano pouvaient tenir les engagements qui sont décrits à l'article 3 de l'entente de séparation? Selon monsieur Audy, respecter ces engagements ne posait pas problème.

[75]     En outre, la libération est curieusement rédigée. Elle se trouve à l'article 3 traitant de la vente des actions d'Im-Média qu'on a intitulé « Ventes d'actions d'Im-Média et libération de dette » et non pas à l'article 2 traitant de la vente d'actions de Pub, principale bénéficiaire des conditions de la libération. En outre, l'article 2 ne précise pas la nature de cette dette. Ainsi, chacun est libre d'y aller de sa version contradictoire sur cette question.

•    Date du transfert de la créance de 240 000 $

[76]     Monsieur Massicotte prétend que le transfert de la créance de 240 000 $ à Pub a été fait à la fin de 1994 ou au début de 1995 de concert avec monsieur Chabot, son comptable, alors que ce dernier nie avoir été impliqué dans la décision de faire ce transfert. À mon avis, si l'écriture de régularisation n'a pas été effectuée à l'égard de l'exercice se terminant le 31 décembre 1994, c'est que monsieur Chabot n'avait pas été informé du transfert avant au moins les premiers mois de 1995. De plus, le ministre a tenu pour acquis que le transfert de la créance a été effectué le 31 décembre 1995; il revenait donc à monsieur Massicotte de produire une preuve contraire. La preuve qu'il a présentée n'a pas été suffisante pour démolir cette hypothèse de fait du ministre[49]. Il n'y a aucun acte juridique donnant effet au transfert. Faute d'une preuve contraire probante, je conclus que la créance a été transférée au 31 décembre 1995[50].

•    Juste valeur marchande de la créance de 240 000 $

[77]     Malheureusement pour lui, monsieur Massicotte n'a produit aucun expert pour contrer l'évaluation de l'experte du ministre et pour justifier une valeur marchande de 240 000 $ pour sa créance au 31 décembre 1995. À mon avis, s'il ne l'a pas fait, c'est qu'aucun évaluateur crédible n'aurait pu confirmer une telle valeur! De plus, je crois que la valeur nulle déterminée par l'experte de l'intimée est plutôt raisonnable. Évidemment, il est possible que la créance vaille un peu plus. Des joueurs sont prêts à acheter des billets de loterie, quoique les chances de gagner sont beaucoup moins élevées que celles qu'avait Pub de recouvrer une partie des 240 000 $. À mon avis, 1 000 $ représente un chiffre arbitraire qui est bien éloigné du chiffre de 240 000 $ défendu par monsieur Massicotte, mais il a quand même l'avantage d'être plus élevé que la valeur nulle retenue par le ministre. Il est important de rappeler que cette valeur était fondée strictement sur l'incapacité des débiteurs de s'acquitter d'une obligation de payer 240 000 $, et ce, en raison de la valeur négative de leurs actifs nets respectifs.

[78]     Le procureur de monsieur Massicotte a bien tenté d'attaquer le caractère probant de cette opinion en mentionnant que l'appréciation de la capacité de payer des débiteurs avait été basée strictement sur des actifs nets et non pas sur les actifs existants. Bien évidemment, toute tentative d'évaluation d'un bien est un exercice périlleux. Cela est encore plus vrai lorsqu'il s'agit d'évaluer une créance comme celle qui est en litige ici. Toutefois, je soulignerai que l'experte avait tenu pour acquis que la créance de 240 000 $ correspondait à une dette de monsieur Audy ou de Cyrano, et qu'elle n'a pas tenu compte du caractère potentiellement litigieux de cette créance ni de son caractère conditionnel[51]. Cyrano et monsieur Audy ont toujours cru dès le 10 juin 1994 que cette somme ne serait jamais versée. Le fait que le prix de vente pour les actions de Pub a été gonflé en 1990 justifie une telle position. Selon monsieur Audy, toutes les conditions pour qu'il y ait libération de cette dette allaient se réaliser et, à part celle relative au remboursement par Cyrano de sa part de la marge de crédit, avaient été réalisées. Jusqu'au moment de sa faillite, Cyrano (devenue Im-Média) remboursait régulièrement cette dette[52]. Il n'est pas nécessaire ici de décider dans quelle mesure les prétentions de monsieur Audy et de Cyrano étaient bien fondées. En tout état de cause, la réclamation du paiement de cette créance conditionnelle pouvait être contestée par monsieur Audy et, pour obtenir paiement, des procédures judiciaires pouvaient être requises. Qui aurait payé 240 000 $ pour une telle créance dans ces circonstances? Compte tenu des frais élevés de recours judiciaires et des retards qu'ils comportent, et compte tenu du fait que cette créance ne portait aucun intérêt, la valeur de la créance était grandement diminuée.

[79]     Le procureur de monsieur Massicotte a beaucoup insisté sur le fait que Pub avait intérêt à acquérir cette créance dans le but de favoriser le remboursement de la marge de crédit de 100 000 $. À mon avis, cet intérêt ne va pas au-delà de la remise à monsieur Massicotte d'un montant plus élevé que la valeur de sa créance. Personne ne débourse 240 000 $ pour obtenir 68 000 $. Aux termes de l'entente de séparation, Pub avait déjà le droit d'exiger que Cyrano et monsieur Audy prennent en charge le remboursement de la marge de crédit jusqu'à concurrence des 100 000 $.

•    Nature de l'avantage de 240 000 $ conféré à monsieur Massicotte

[80]     Monsieur Massicotte a confirmé que les avances qui sont inscrites par Pub au compte « avance employé(es) » (pièce A-1, onglet 39) lui ont été versées de mai 1994 à décembre 1996. Ces avances représentaient des acomptes sur son salaire. Grâce au transfert de la créance de 240 000 $, monsieur Massicotte espérait rembourser les avances et éviter, en vertu du paragraphe 15(2.6), l'imposition prévue au paragraphe 15(2) de la Loi. En effet, après les écritures de régularisation en date du 31 décembre 1995, son compte est devenu créditeur de 125 358 $. C'est Pub qui devait ainsi de l'argent à monsieur Massicotte. Voici la conciliation faite par la vérificatrice à partir des données qu'elle a pu obtenir, de peine et de misère, de Pub (pièce A-1, onglet 42, p. 1) :

Conciliation de ce montant avec les livres comptables de Consultants Pub Création Inc

Compte Avance employé(es) #11 490 - solde avant régularisations

106 985,57 Voir p. 2

E/R # 3471

31/12/1995

Avance employé(es)

        - 2 343,85

E/R # 3472

31/12/1995

Avance employé(es)

        10 000,00

E/R # 3473

31/12/1995

Avance employé(es)

    - 240 000,00

- 232 343,85

Compte Avance employé(es) #11 490 - solde après régularisations

- 125 358,28

[81]     On trouve ce solde créditeur au bilan de Pub au 31 décembre 1995[53]. Les états financiers ont été approuvés par monsieur Massicotte, puisqu'il était le seul administrateur de Pub au mois de mars 1996[54], et il les a joints à la déclaration de revenus de Pub qu'il a signée le 15 mars 1996 à titre de président.

[82]     Comme je considère que la créance de 240 000 $ avait une valeur de 1 000 $ au moment du transfert en décembre 1995 et que Pub a crédité le compte d'avances de l'employé Massicotte d'un montant de 240 000 $, Pub lui a alors conféré un avantage d'un montant de 239 000 $. À mon avis, ce montant doit être inclus dans le revenu de monsieur Massicotte en vertu de l'alinéa 6(1)a) de la Loi. Il s'agit d'un avantage que monsieur Massicotte a reçu en 1995. Son patrimoine s'est enrichi de 239 000 $ lors de ce transfert. Comment peut-on prétendre ne pas avoir « reçu » un avantage ou ne pas en avoir « joui » dans de telles circonstances quand le crédit de 240 000 $ a eu pour effet de rembourser 114 642 $ (106 986 $ + 10 000 $ − 2 344 $), soit le solde du compte d'avances avant ce crédit, et de créer un solde créditeur de 125 358,28 $ que monsieur Massicotte pouvait retirer de Pub à volonté, comme s'il s'agissait d'un dépôt à la banque ou à une caisse populaire? C'est d'ailleurs ce que monsieur Massicotte a fait.

[83]     Il ne faut pas oublier que monsieur Massicotte a réalisé lors du transfert de sa créance un gain en capital de 1 000 $, puisqu'il a reçu un produit de disposition de 240 000 $, duquel on soustrait son coût fiscal (prix de base rajusté) de zéro[55] et la somme de 239 000 $, qui doit être déclarée comme revenu tiré d'un emploi. Les trois quarts du gain en capital doivent être inclus dans son revenu comme gain en capital imposable, en vertu de l'article 38 de la Loi.

B)       Le crédit de 44 650 $ en 1993

[84]     La cotisation de monsieur Massicotte pour 1993 inclut dans son revenu un avantage découlant d'un crédit de 44 650 $ porté par Amadéus au compte des avances à un actionnaire, soit monsieur Massicotte. Selon ce dernier, ce crédit correspond à la contrepartie versée par Amadéus pour le transfert des 4 465 actions privilégiées de catégorie C que monsieur Massicotte avait acquises au préalable de Cyrano.

[85]     Évidemment, s'il fallait se fier uniquement à la convention de vente du 30 mai 1994, le transfert de ces actions ne se serait pas produit en 1993 mais plutôt en mai 1994. De plus, il se serait fait directement de Cyrano à Amadéus. On sait, cependant, que cette convention a été antidatée et qu'elle aurait été rédigée pour donner suite à l'entente du 10 juin 1994. Ce qui est troublant, c'est que Cyrano aurait vendu pour 1 $, selon cette même convention, toutes ses actions de Pub. Par contre, l'entente de séparation ne décrit pas en détail quelles actions faisaient partie de la « totalité des actions » que détenait Cyrano. Si, dans l'esprit de Cyrano, les seules actions qui lui restaient étaient les 350 actions de catégorie A, la stipulation que la vente se faisait pour un montant de 1 $ par action, soit 350 $, pourrait être presque conforme à l'affirmation de monsieur Audy, qui disait que les actions de Pub ne valaient pas plus que 1 $. Comme c'est monsieur Massicotte qui a rédigé l'entente de séparation, il est fort possible qu'il ait mal exprimé l'accord des parties en stipulant « un dollar par action » plutôt que « 1,00 $ » pour « toutes les actions ordinaires et privilégiées » , tel qu'il était stipulé dans la convention de vente du 30 mai 1994 (pièce A-1, onglet 27, p. 2). Lors de la signature de cette convention, monsieur Audy aurait dû constater que l'on ne lui remettait pas la somme de 350 $ et, s'il avait vraiment eu droit à cette somme, il aurait certainement relevé l'erreur. Comme cela ne semble pas s'être produit, j'en conclus que 1 $ pour toutes les actions ordinaires (de catégorie A) était le prix dont on avait convenu.

[86]     Par contre, je ne peux en arriver à la même conclusion pour les 4 465 actions de catégorie C de Pub. Tel qu'il est stipulé dans l'entente de séparation, Cyrano s'engageait à acquitter personnellement une partie de la marge de crédit de Pub, soit 100 000 $. Si on élimine du bilan cette dette, la valeur comptable de Pub n'était plus déficitaire de 47 151 $ (voir tableau 1 ci-dessus). Comme les 4 465 actions de catégorie C apparaissent dans les livres de Cyrano et que le coût indiqué est de 44 650 $, il faut présumer que ce coût a été supporté par Cyrano, même si monsieur Audy ne se rappelait pas avoir investi une telle somme dans Pub par l'intermédiaire de Cyrano. En outre, même s'il ne se rappelait pas que Cyrano avait transféré pour 43 000 $ d'actions (privilégiées de catégorie C) « à Amadéus en contrepartie de la balance de prix de vente du [sic] par Cyrano à Louis Massicotte. Dater du 1 juillet 1993 » , il a reconnu ses initiales apparaissant en marge de cette mention sur la note de service Pub (pièce A-1, onglet 26) et a déclaré : « Bien, je m'en souviens pas mais je l'ai initialé, c'est sûr que c'est fait » (page 160 du vol. IV de la transcription). Il est donc improbable que ces actions aient été transférées pour seulement 1 $. Rappelons de plus que le capital émis et versé de Pub comportait des actions privilégiées pour 185 410 $ (pièce A-1, onglet 4, note 6 des états financiers de Pub). Par conséquent, il m'apparaît plus plausible que la version donnée par monsieur Massicotte et confirmée par monsieur Audy soit bien fondée, à savoir que Cyrano avait convenu de transférer ses 4 465 actions de catégorie C de Pub à monsieur Massicotte en remboursement du solde du prix de vente des actions de Pub. Comme ces actions avaient un capital versé et une valeur de 44 650 $, Cyrano aurait ainsi payé en tout 144 650 $ pour les 350 actions de catégorie A de Pub, ce qui m'apparaît un prix plus raisonnable que les 350 000 $ dont on avait convenu dans le contrat de vente 1990.

[87]     L'explication la plus plausible pour justifier le transfert des 4 465 actions privilégiées de catégorie C par Cyrano à Amadéus pour 1 $ en mai 1994 est que ce transfert ne faisait que donner effet au transfert décrit dans la note de service Pub. Ainsi, je conclus que le crédit de 44 650 $ apporté au compte d'avances à l'actionnaire d'Amadéus l'a été en contrepartie du transfert par monsieur Massicotte des 4 465 actions de catégorie C à Amadéus, contrairement à ce qui avait été tenu pour acquis par le ministre. Comme la réponse à l'avis d'appel est silencieuse quant à la juste valeur marchande de ces actions à la date du transfert et que je ne suis pas en mesure d'établir, selon la preuve présentée, une juste valeur marchande différente du montant du crédit apporté au compte d'avances à l'actionnaire d'Amadéus, je ne puis conclure que le paragraphe 15(1) de la Loi trouve application ici.

[88]     Toutefois, la date du transfert est, selon toute vraisemblance, postérieure au 30 juin 1993, contrairement à ce qui est indiqué aux états financiers d'Amadéus. Tout d'abord, la note de service Pub indique elle-même comme date de transfert à Amadéus le 1er juillet 1993. La même date de transfert apparaît également dans une autre note de service de monsieur Bureau à Me Trudel relativement à la mise à jour « du livre de compagnie » d'Amadéus (note de service Amadéus) (pièce A-1, onglet 25). Cette note de service - tout comme la note de service Pub - n'est pas datée, mais sa facture est semblable à celle de la note de service de Pub. D'ailleurs, plusieurs des énoncés des deux documents sont semblables.

[89]     En outre, ces deux notes de service ont été, de toute évidence, établies après le 1er juillet 1993, puisqu'elles décrivent des opérations ou des événements qui ont eu lieu le 16 décembre 1993 dans le cas de la note de service Amadéus et le 28 septembre (1993) dans le cas de la note de service Pub, ce qui est la date de l'assemblée annuelle des actionnaires.

[90]     Par conséquent, il est vraisemblable que la note de service Pub a été rédigée et paraphée après le 28 septembre (1993) et que celle concernant Amadéus a été rédigée après le 16 décembre 1993. Ces notes de service - même celle concernant Pub, qui est paraphée - ne peuvent pas établir qu'il y a eu accord des parties le 1er juillet 1993 ou à une autre date quelconque. En outre, il est même possible que ces notes aient été rédigées en 1994, à la suite de l'entente de séparation du 10 juin 1994, pour mettre à jour le livre des procès-verbaux de Pub avant d'effectuer le partage prévu par cette entente, et que le transfert de 4 465 actions ne se soit réalisé qu'en 1994. D'ailleurs, la mise à jour visait la période de 1991 à 1993. Un fait est clair, ces 4 465 actions de catégorie C apparaissent au bilan de Cyrano au 31 juillet 1993.

[91]     Si, comme je le crois, le transfert des 4 465 actions de catégorie C ne s'est effectué qu'après le 31 juillet 1993 et a probablement eu lieu en 1994, le crédit apporté au compte d'avances à l'actionnaire d'Amadéus en date du 30 juin 1993 ne reflète pas la réalité. Par conséquent, au lieu d'avoir un solde créditeur de 7 321 $, ce compte d'avances était débiteur de 37 329 $ (7 321 - 44 650), ce qui aurait pu, selon toute vraisemblance, donner ouverture à l'application du paragraphe 15(2) de la Loi. On peut éviter l'inclusion dans le revenu d'une personne, comme monsieur Massicotte, d'un prêt que lui a consenti une société, comme Amadéus, avec laquelle cette personne a un lien de dépendance, si cette personne rembourse la société au cours de l'année qui suit l'année d'imposition au cours de laquelle le prêt a été consenti. Il est possible ainsi qu'une partie du solde débiteur de 41 452 $ au 30 juin 1992 eût dû être incluse dans le revenu de monsieur Massicotte pour l'année (ou les années) au cours de laquelle (ou desquelles) cette somme lui a été versée. La seule chose dont on peut être certain, c'est qu'il ne s'agit pas de l'année 1993, mais plutôt d'une année antérieure à celle-ci et cette année n'est pas visée par les appels dont est saisie la Cour. Par conséquent, le paragraphe 15(2) de la Loi ne peut justifier l'ajout d'une somme de 44 650 $ au revenu de monsieur Massicotte pour l'année 1993. La cotisation pour 1993 est donc mal fondée.

C)       Déduction de l'indemnité de départ par Pub pour l'exercice financier se terminant le 31 décembre 1994

[92]     À mon avis, pour déterminer si Pub peut déduire la dépense de 70 000 $ dans le calcul de son revenu pour son exercice financier terminé le 31 décembre 1994, il est nécessaire de déterminer la nature véritable de cette somme. Monsieur Massicotte prétend qu'elle a été versée comme indemnité de départ à Cyrano en raison du départ de monsieur Audy, le directeur général de Pub. Cette somme faisait partie des arrangements relatifs à la séparation des participations de messieurs Audy et Massicotte dans Pub et Im-Média.

[93]     Quant à monsieur Audy, il nie que Cyrano et lui-même aient reçu une telle indemnité. À l'appui de sa version, il invoque le fait que les actions d'Im-Média ne valaient pas 70 000 $. S'il a convenu de verser 70 000 $, c'était par obligeance envers monsieur Massicotte et parce que Pub lui avait remis préalablement ladite somme. D'ailleurs, la « convention de libération d'engagement » du 10 juin 1994, soit le même jour que celui de l'entente de séparation, établit un lien direct entre le paiement de Pub en faveur de Cyrano et celui de Audy en faveur de Massicotte (pièce A-1, onglet 31). Le versement de la somme de 70 000 $ par Audy à Massicotte pour le prétendu prix d'achat des actions d'Im-Média était conditionnel à la remise de cet argent à Cyrano par Pub. En fait, cette somme n'a même pas été remise à Cyrano, mais n'a fait que transiter dans le compte en fiducie de ses comptables.

[94]     Pour déterminer qui dit vrai et ainsi déterminer la nature véritable des 70 000 $ versés par Pub à Cyrano, examinons la version de chacun des anciens associés.

•    Valeur des actions de Pub et d'Im-Média

[95]     Selon monsieur Massicotte, il avait demandé à Cyrano 100 000 $ pour ses actions d'Im-Média, mais a finalement accepté une somme de 70 000 $, puisque ce montant correspondait au solde non utilisé de son exonération des gains en capital. Selon monsieur Massicotte, ses actions (ordinaires) d'Im-Média valaient 70 000 $ lorsqu'il les a vendues à monsieur Audy en juin 1994, ce qui signifie que la totalité des actions d'Im-Média valait 140 000 $, alors que les mêmes actions valaient 1 $ lorsque monsieur Massicotte les a acquises d'Amadéus le 1er octobre 1993, soit seulement huit mois auparavant. Il justifie cette augmentation soudaine de la valeur de ces actions par son implication personnelle dans l'exploitation de l'entreprise d'Im-Média, en particulier en favorisant l'obtention d'un certain contrat de publicité pour un magazine. Selon monsieur Massicotte, ce contrat, qui devait permettre à Im-Média de réaliser d'importants bénéfices, aurait été signé aux alentours du mois de décembre 1993 ou de janvier 1994. Le mandat devait débuter le 31 août, vraisemblablement de 1994. Ce contrat justifierait le triplement des ventes d'Im-Média pour 1995 et l'augmentation de la valeur de toutes les actions ordinaires à 140 000 $!

[96]     Aucune preuve n'a été fournie pour corroborer ce témoignage de monsieur Massicotte relativement à ce fameux contrat. De plus, aucun expert en évaluation d'entreprise n'a témoigné pour justifier une telle valeur. Même après la fusion d'Im-Média avec Cyrano le 1er juin 1994, Im-Média demeure déficitaire au 31 mai 1995, le montant du déficit étant de 19 301 $. Il est vrai que les recettes d'Im-Média ont augmenté considérablement au 31 mai 1995 par rapport au 31 mai 1994. Elles se sont multipliées 2,93 fois. Toutefois, l'augmentation considérable des recettes n'est pas un gage de rentabilité. On peut citer comme exemple le fait que les recettes de Pub pour 1993 correspondaient à peu près au triple de celles de 1989. Pourtant, Pub a réalisé des bénéfices de 15 501 $ en 1989 et subi une perte de 126 063 $ en 1993. Ajoutons que la rentabilité des sociétés de publicité semble être soumise à bien des aléas, puisque, comme le révèle l'analyse des états financiers de Pub, les bénéfices (après impôt) de cette société, qui s'élevaient à 106 327 $ pour 1990, ont effectivement augmenté à 149 082 $ en 1991, mais ont chuté à 3 300 $ en 1992 pour se transformer en perte de 111 342 $ en 1993 et de 54 809 $ en 1994.

[97]     Quant à monsieur Audy, il prétend que les actions d'Im-Média ne valaient pas plus de 1 $. Selon ce dernier, les actions de Pub et celles d'Im-Média s'équivalaient et Amadéus n'a payé à Cyrano que 1 $ les actions de Pub. De prime abord, ce point de vue semble justifié parce que les deux sociétés étaient déficitaires à cette époque. Dans le cas de Pub, le déficit au 31 mai 1994 s'élevait à 47 151 $ (tableau 1), et celui d'Im-Média au 31 mai 1994 (donc avant la fusion) était de 65 045 $ (tableau 2)[56]. Or, si on soustrait du passif de Pub les 100 000 $ que Cyrano devait assumer aux termes de l'entente de séparation, la valeur de Pub passerait donc d'une valeur négative de 47 151 $ à une valeur positive de 52 849 $. Pourtant, Cyrano, qui n'avait aucun lien de dépendance apparent avec monsieur Massicotte ou Amadéus, a consenti à vendre ses actions de Pub pour 1 $ à Amadéus. Quant à Im-Média, il n'existe aucune preuve que monsieur Massicotte ou qui que ce soit d'autre avait assumé une partie de sa dette. Son déficit demeure ainsi à 65 045 $. Selon cette analyse, bien incomplète, j'en conviens, les actions de Pub semblent valoir plus que celles d'Im-Média. Or, Amadéus a acquis celles de Pub pour 1 $. À mon avis, l'évaluation faite par monsieur Audy des actions d'Im-Média paraît beaucoup plus probante et c'est elle que je retiens.

•    L'indemnité de départ

[98]     Monsieur Audy a déclaré qu'il n'avait jamais réclamé d'indemnité de départ lors de sa séparation de monsieur Massicotte ni lors de son départ de Pub. Lors de la vérification, un des représentants de Pub avait d'abord indiqué à la vérificatrice qu'il s'agissait d'honoraires (pour services) dus à Cyrano. Ce n'est que par après qu'on a décrit les 70 000 $ comme une indemnité de départ. Il n'y a aucune preuve que monsieur Audy ait subi un préjudice ou qu'il ait eu droit à une indemnité de départ. De plus, il faut ajouter qu'aucune entente écrite n'est intervenue et qu'il n'y a donc rien qui documente les raisons justifiant le paiement par Pub d'une telle somme à Cyrano. Curieusement, il n'est même pas fait état dans l'entente de séparation du paiement de ces 70 000 $ par Pub à titre d'indemnité de départ! Il n'y a pas non plus de quittance indiquant que monsieur Audy ou Cyrano renonçait à toute poursuite pour dommage résultant de la cessation du travail de monsieur Audy comme directeur général chez Pub à la suite de la séparation des associés. Il est tout à fait inhabituel de verser une indemnité de départ sans obtenir au préalable une quittance.

[99]     Je crois que c'est par obligeance, comme il l'a mentionné, que monsieur Audy a accepté de se prêter à l'arrangement mis en place par monsieur Massicotte, arrangement en exécution duquel Pub a versé à Cyrano les 70 000 $ pour financer le paiement de ce prétendu prix de 70 000 $ pour les actions d'Im-Média. Cet arrangement permettait à monsieur Massicotte de sortir 70 000 $ de Pub en franchise d'impôt grâce à l'utilisation de l'exonération des gains en capital. D'ailleurs, monsieur Massicotte a reconnu que ce chiffre correspondait au montant qui lui restait de l'exonération des gains en capital. Évidemment, si une indemnité de départ lui avait été véritablement versée, monsieur Audy ou Cyrano aurait eu à l'inclure dans son revenu, ce que, de façon évidente, ni monsieur Audy ni Cyrano n'étaient prêts à accepter. Monsieur Massicotte a donc réussi ainsi à s'approprier 70 000 $ provenant de Pub. À mon avis, le ministre aurait très bien pu considérer comme un avantage reçu de Pub en 1994 les 70 000 $ que monsieur Massicotte a déclarés comme le produit de disposition de ses actions d'Im-Média. C'est ce que la vérificatrice du ministre avait envisagé de faire pour l'année d'imposition 1993, au cours de laquelle monsieur Massicotte avait mis la main sur ces mêmes actions d'Im-Média pour 1 $. La vérificatrice avait indiqué qu'elle se proposait d'ajouter 70 000 $ au revenu de monsieur Massicotte en vertu de l'article 15(1) de la Loi parce que, selon elle, les actions valaient 70 000 $ en octobre 1993 et qu'Amadéus lui avait conféré un avantage imposable. Quoique l'analyse et l'année d'imposition pertinente soient différentes, le résultat aurait été le même.

[100] En conclusion, Pub n'a pas réussi à prouver, selon la prépondérance des probabilités, que cette somme représentait une dépense engagée dans le but de gagner un revenu d'entreprise. Au contraire, je crois que monsieur Massicotte s'est approprié la somme de 70 000 $ en simulant une vente des actions d'Im-Média pour 70 000 $. Le versement par Pub de cette somme faisait partie du stratagème.

[101] À mon avis, il n'est pas nécessaire d'avoir recours à l'article 246(1) de la Loi pour inclure l'avantage de 239 000 $ dans le revenu de monsieur Massicotte, puisque le montant de l'avantage doit être inclus en vertu de l'alinéa 6(1)a) de la Loi. Si j'avais tort de conclure ainsi, je conclurais que cet avantage devrait être inclus en vertu du paragraphe 246(1) de la Loi. Ce serait alors sans aucune hésitation que je conclurais que l'avantage de 239 000 $ a été conféré indirectement par Amadéus à monsieur Massicotte et que, si cette société l'avait fait directement, la valeur de l'avantage aurait été incluse dans le revenu de monsieur Massicotte selon le paragraphe 15(1) de la Loi. Monsieur Massicotte, comme actionnaire, contrôlait Amadéus et Amadéus contrôlait Pub. De plus, durant la période où Pub était détenue à la fois par Amadéus et par Cyrano, les décisions se rapportant à la répartition des revenus de Pub entre les actionnaires, que ce soit sous forme de salaires, de bonus, de dividendes, ou autrement, devaient être prises par les actionnaires aux termes de l'article 49 de l'entente entre actionnaires. Il est vrai qu'au moment où le transfert de la créance a été effectué à Pub par monsieur Massicotte, Amadéus était la seule actionnaire de Pub et que l'entente entre actionnaires était caduque. Par contre, l'article 49 illustre très bien le rôle joué par les actionnaires dans l'administration de Pub et il est tout à fait raisonnable de croire que cette façon de faire a continué même après la séparation des deux actionnaires. De plus, il est indiqué aux états financiers du 31 décembre 1995 que Pub devait 125 358 $ à monsieur Massicotte (pièce A-1, onglet 8, note 5 des états financiers) et ces états financiers étaient communiqués à l'actionnaire de Pub, soit Amadéus, qui devait les approuver.

[102] Pour tous ces motifs, les appels de Pub relatifs aux années d'imposition terminées le 31 décembre 1994 et le 31 décembre 1995 sont rejetés. L'appel de monsieur Massicotte relatif à la cotisation pour l'année d'imposition 1993 et celui relatif à la cotisation pour l'année d'imposition 1995, ainsi que celui de Pub relatif à la cotisation pour l'année d'imposition se terminant le 31 mai 1994, sont accueillis. Ces cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant pour acquis, dans le cas de monsieur Massicotte, que l'avantage de 44 650 $ doit être exclu de son revenu pour 1993, que pour l'année 1995 l'avantage tiré d'un emploi doit être réduit à 239 000 $ et qu'un montant de 750 $ doit être inclus comme gain en capital imposable pour cette année, et, dans le cas de Pub, que celle-ci a droit, dans le calcul de son revenu tiré d'une entreprise pour l'année d'imposition se terminant le 31 mai 1994, à une déduction de 85 657 $.

[103] À la demande du procureur de monsieur Massicotte, les dépens pourront faire l'objet d'une ordonnance distincte.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2006.

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI618

N º s DES DOSSIERS DE LA COUR : 2000-587(IT)G et 2000-590(IT)G

INTITULÉS DES CAUSES :              Louis Massicotte c. La Reine

                                                          Les Consultants Pub Création Inc.

                                                          c. La Reine

LIEUX DE L'AUDIENCE :                 Québec et Montréal (Québec)

DATES DE L'AUDIENCE :                les 20 et 21 octobre 2005

                                                          le 7 décembre 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Pierre Archambault

DATE DU JUGEMENT :                    le 14 novembre 2006

COMPARUTIONS :

Avocat des appelants :

Me Richard Généreux

Avocate de l'intimée :

Me Nathalie Labbé

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour les appelants:

                   Nom :                              Me Richard Généreux

                   Cabinet :                          Généreux Côté

                                                          Drummondville (Québec)

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)



[1]           Voir notamment la pièce A-1, onglets 19 et 27.

[2]           Amadéus a été constituée en société le 24 octobre 1990 (pièce I-2, états financiers d'Amadéus, note 1).

[3]           Voir notamment pièce A-1, onglet 3, formulaire T664, et pièce I-2, états financiers d'Amadéus, note 3.

[4]           L'avis de cotisation n'indique pas en vertu de quelle disposition l' « attribution de fonds » de Pub de 240 000 $ est incluse dans le revenu de monsieur Massicotte. La vérificatrice a déclaré lors de son témoignage qu'elle se fondait sur le par. 15(1) de la Loi à l'étape du projet de cotisation. Elle a remplacé ce paragraphe par le par. 246(1) à la toute dernière minute lorsqu'elle a finalisé sa cotisation. Lorsque l'agent des appels a ratifié la cotisation, il s'est fondé, curieusement, sur le par. 15(1) de la Loi! (Pièce A-1, onglet 12.)

[5]           Voir notamment la pièce A-1, onglet 42 (les première et dernière pages). Toutefois, dans les états financiers de Pub, le comptable décrit ce compte comme « avance de Louis Massicotte » (pièce A-1, onglet 8, états financiers, note 5).

[6]           Paragraphe 41 de la décision Massicotte c. La Reine, 2004 CCI 558.

[7]           En fait, Pub a été constituée en vertu de la partie IA de la Loi sur les compagnies le 5 juillet 1988 (pièce A-1, onglet 4, note 1 des états financiers du 31 mai 1994 de Pub).

[8]           Selon les états financiers préparés par Coopers & Lybrand (pièce I-7), Pub a réalisé un bénéfice net de 12 701 $ pour son premier exercice financier (terminé le 30 juin 1989) sur un chiffre d'affaires de 945 818 $, et de 106 327 $ pour son deuxième, sur un chiffre d'affaires de 1 795 941 $. Voir le tableau 1 ci-dessous.

[9]           Pièce A-1, onglet 19, art. 4 et 8. Dans une clause d'ajustement de prix contenue dans le contrat de vente 1990, il est stipulé que le prix de 350 000 $ est basé sur des bénéfices non répartis (BNR) de 119 000 $ (art. 13 et 14, page 3 du contrat de vente 1990). Selon les états financiers au 30 juin 1990 (pièce I-7), les BNR s'élèvent à 119 028 $. Si les BNR, après le versement du dividende de 50 000 $, devaient devenir inférieurs à 119 000 $, le prix de 350 000 $ devait être réduit de la moitié de l'écart entre ces nouveaux BNR et le montant de 119 000 $ établi au 30 juin 1990.

[10]          Art. 10, p. 3 du contrat de vente 1990. Ce dividende, selon tout vraisemblance, a été versé par Pub à Cyrano durant le mois de juillet 1991 puisqu'il apparaît dans les états financiers de Pub pour son exercice terminé le 30 juin 1992 et qu'il n'apparaît pas dans ceux de Cyrano pour l'exercice se terminant le 31 juillet 1992. Le paiement des 50 000 $ par Cyrano à monsieur Massicotte n'a été effectué qu'au cours de l'exercice financier 1992 de Cyrano, peut-être au mois d'août ou septembre 1991 (pièce I-1, État de l'évolution de la situation financière, p. 4 des états financiers de Cyrano et pièce I-8, État des bénéfices non répartis, p. 3 des états financiers de Pub).

[11]          Selon une entente entre actionnaires conclue également le 12 décembre 1990 (l'entente entre actionnaires), monsieur Massicotte avait le droit d'acquérir les actions de Pub détenues par Cyrano si une mésentente grave survenait avant le 1er octobre 1993 ou avant que plus de 50 % du prix de vente des actions soit dûment payé, suivant le premier en date de ces événements (pièce A-1, onglet 14, art. 7).

[12]          Art. 8 du contrat de vente 1990.

[13]          Dans les faits, il semble que ce soit le contraire qui s'est produit, les « A » ont été détenues par Cyrano et les « B » par Amadéus (voir pièce I-1, états financiers de Cyrano, note 3, p. 5). Selon les états financiers de Pub préparés par Samson Bélair le 19 août 1992 pour l'exercice se terminant le 30 juin 1992 (pièce I-8) et ceux pour l'exercice se terminant le 30 juin 1990 (pièce I-7), le capital-actions de Pub aurait été modifié entre le 1er juillet 1990 et le 19 août 1992 pour créer ces deux catégories identiques, ce qui correspond à l'entente entre actionnaires. Il y a 350 actions de catégorie A émises pour un capital versé de 50 $ et 350 actions de catégorie B pour un capital versé de 50 $. Toutefois, cette description des attributs de ces deux catégories d'actions ne correspond pas à celle faite aux statuts de modification du 14 août 1991 (pièce A-1, onglet 21). Notamment, les actions de catégorie B donnent droit à un dividende non cumulatif de 8 %. Les états financiers de Pub du 26 septembre 1994 pour l'exercice terminé le 31 mai 1994 fournissent la même description du capital-actions que celle de Samson Bélair. Ces états ont été préparés par monsieur Léon Chabot (C.A., mais rayé de l'ordre, selon lui, pour non-paiement de cotisation).

En plus des catégories A et B, il y a les actions de catégorie C, D et E. Les actions de catégorie C sont décrites aux états financiers de Pub préparés par Samson Bélair (pièce I-8) comme donnant droit à un dividende cumulatif et « préférentiel » de 8 %. Ces actions sont sans droit de vote et non participatives pour ce qui est des biens restants. Elles sont rachetables à leur valeur nominale de 10 $. Cette description apparaît dans tous les états financiers pour la période de 1991 à 1995. Par contre, selon les statuts de modification, les dividendes sont payables au gré des administrateurs.

[14]          C'est-à-dire un dépouillement en franchise d'impôt des surplus futurs de Pub. Voir également les commentaires ci-dessous relativement au caractère gonflé du prix payé par Cyrano (par. 72).

[15]          Monsieur Massicotte a donné une procuration à cet avocat le 29 juin 1997 pour le représenter auprès du ministre relativement à la vérification des années d'imposition 1993, 1994 et 1995 (pièce A-1, onglet 10).

[16]             Voir la convention de remboursement, pièce A-1, onglet 22. Dans cette entente, on stipule qu'il est de l'intérêt des deux parties que le solde du prix de vente des actions de Pub soit remboursé plus rapidement. Les parties y conviennent que la rémunération de Louis Massicotte devant être payé par Pub sera réduite de 100 000 $ pour l'exercice 1992-1993 et qu'un dividende spécial de 100 000 $ sera versé par Pub à Cyrano. Il y a aussi cette stipulation : « Étant donné que la réduction de salaire de Massicotte se traduira par un impôt supplémentaire à payer par Pub, la quote-part de bénéfice annuel après le dividende spécial de 100 000 $ revenant à chacun des actionnaires en tiendra compte. La quote-part de Cyrano sera haussée et celle d'Amadeus diminuée de 50% dudit impôt » (page 2 de la convention). On prévoit également que la convention pourra être continuée pendant l'exercice 1993-1994.

Le même jour, le 1er août 1992, une entente d'achat de services a été conclue également par les mêmes parties. On y mentionne que Cyrano recevra un dividende spécial de Pub en sus de sa quote-part normale de 50 %. On fait état de l'achat de services, mais les conditions sont nébuleuses.

[17]          Pièces I-7, I-8 et A-1 (onglets 4, 6 et 8).

[18]          Exercice financier écourté en raison de l'acquisition du contrôle de Pub par Amadéus.

[19]          Pièce I-1, État de l'évolution de la situation financière, p. 4 des états financiers de Cyrano. Selon la note de service de monsieur Bureau, le « directeur financier » de Pub, adressée à Me Sylvain Trudel, l'avocat de Pub, concernant la mise à jour des registres de Pub (note de service Pub), ce dividende aurait été déclaré le 1er juillet 1992 (pièce A-1, onglet 26).

[20]          Le dividende de 99 110 $ versé par Pub au cours de son exercice 1992 l'a été sur les 350 actions de catégorie B appartenant à Amadéus (pièce I-8, états financiers de Pub, p. 3) et cette somme a été réinvesti par Amadéus le 1er juillet 1991 dans les actions de catégorie C (ibid., p. 8, et note de service Pub, pièce A-1, onglet 26). Ces actions ne se trouvent pas au bilan de Cyrano pour ses exercices se terminant le 31 juillet 1992 et 1993 (pièce I-1, états financiers de Cyrano, note 3, p. 5).

Ce dividende de 99 110 $ correspond à un montant de bénéfices de 127 325 $ avant l'application d'un taux de 22,16 % (99 110 $ divisés par (1 - 0,2216)). Ce montant pourrait donc représenter un salaire de 127 325 $ que Pub aurait pu verser à monsieur Massicotte, ce qui aurait créé une perte d'exploitation, mais qui aurait été plutôt converti en un dividende.

[21]          Selon les états financiers au 30 juin 1990 de Pub, le capital-actions de Pub comprenait 100 actions de catégorie A, soit, essentiellement, des actions ordinaires, et des actions de catégorie B, essentiellement des actions privilégiées, ayant notamment comme attributs un dividende non cumulatif de 8 %, un droit de vote, un droit de participation et le fait qu'elles étaient rachetables à leur valeur nominale de 5 $ (pièce I-7, note 6 des états financiers).

[22]          Il y eu émission de 8 630 actions de catégorie C en contrepartie de 86 300 $ en 1993; cela comprenait 4 465 actions en contrepartie de 44 650 $ émises en faveur de Cyrano et vraisemblablement 4 165 actions en contrepartie de 41 650 $ émises en faveur d'Amadéus (pièce A-1, onglet 26). Les raisons pour cette souscription n'ont pas été dévoilées à l'audience. Monsieur Audy ne se rappelait pas que Cyrano avait souscrit les actions en question. Cette souscription aurait été financée en partie par deux dividendes de 1 650 $. Cyrano et Amadéus auraient donc fourni le solde, soit 43 000 $ pour la première et 40 000 $ pour la seconde. Par contre, selon la note de service Pub, 330 actions de catégorie C auraient été émises par Pub au nom d'Amadéus en contrepartie de 3 300 $ et payées à même le dividende reçu le 1er juillet 1992. Cette opération ne correspond pas à la réalité, puisque le dividende a été versé sur les actions de catégorie A et de catégorie B (pièce I-1, états financiers de Cyrano, p. 4, et pièce A-1, onglet 26) et les états financiers de Cyrano montrent au 31 juillet 1993 un placement consistant dans l'acquisition de 4,465 actions de catégorie C de Pub pour 44 650 $ (pièce I-1, états financiers, pp. 4 et 5). Dans la même note de service, on mentionne également que Cyrano avait souscrit 1 800 actions de catégorie C pour 18 000 $ le 1er décembre 1993. Selon monsieur Massicotte, il s'agit d'une (autre) erreur, puisque ces actions devaient être transférées à Amadéus le 1er juillet 1993, tel qu'il est indiqué dans cette note de service. Il s'agirait vraisemblablement du 1er décembre 1992 plutôt que du 1er décembre 1993 parce que les 4 465 actions de catégorie C apparaissent au bilan de Cyrano au 31 juillet 1993 (pièce I-1, État de l'évolution de la situation financière, p. 4 des états financiers de Cyrano, préparé par Poissant Thibault - Peat Marwick Thorne (KPMG)).

[23]          Pièces I-3 et I-4.

[24]          Exercice financier écourté en raison de l'acquisition du contrôle de cette société par monsieur Audy.

[25]          Cyrano et Im-Média ont été fusionnées le 1er juin 1994.

[26]             Page 23 du vol. II de la transcription, question no 94.

[27]          Il est curieux de constater qu'il n'est fait mention dans cette note de service et dans les écritures de régularisation que du transfert de 4 300 actions de catégorie C (représentant un placement de 43 000 $) de Cyrano à Massicotte, alors que ce dernier prétend que ce sont 4 465 actions que Cyrano lui a transférées.

[28]          Il y aurait eu également une perte pour l'exercice du 30 juin 1992 si le salaire de monsieur Massicotte n'avait pas été converti en un dividende de 99 110 $ (voir note 20).

[29]          Compte tenu des nombreuses erreurs grammaticales contenues dans ce texte, il est difficile de déterminer ce qui devait être réalisé dans le délai de 18 mois. S'agissait-il des conditions, des échanges ou de l'engagement? Selon monsieur Massicotte, qui a rédigé ce document, l'expression « ceux-ci » renvoie aux échanges décrits aux clauses 3.1 et 3.4, qui devaient être réalisés dans un délai de 18 mois.

[30]          Page 120 du vol. II de la transcription.

[31]          Voir les onglets 39 et 42 de la pièce A-1 pour l'analyse des avances, qui révèle que le compte est créditeur de 24 294 $. Par contre, le compte d'avances n'apparaît pas aux états financiers de Pub pour le 31 décembre 1994. La vérificatrice a tenu pour acquis qu'il avait été réuni avec un autre poste du bilan. Le poste « avance de Louis Massicotte » apparaît à la note 5 des états financiers du 31 décembre 1995, mais il n'y a aucune donnée pour l'année antérieure! Il n'était pas nécessaire d'effectuer le transfert de la créance de 240 000 $ pour éviter l'application du par. 15(2) de la Loi. La vérificatrice a indiqué qu'elle n'avait jamais reçu la conciliation du compte d'avances de Pub relatif à monsieur Massicotte. Voir pièce A-1, onglet 42.

[32]          La vérificatrice du ministre a confirmé de plus qu'on ne lui avait jamais fait valoir que l'imposition des 240 000 $ devait avoir lieu en 1994 plutôt qu'en 1995. À l'époque, l'année 1994 n'était pas prescrite.

[33]          Les états financiers d'Im-Média confirment, selon monsieur Massicotte, la bonne situation financière de cette société (pièces I-3 et I-4). Pour l'exercice de 1993, ils montrent une perte de 53 667 $, alors que ceux de 1994 et de 1995 indiquent des bénéfices de 10 401 $ et de 63 899 $ respectivement (voir également le tableau 2 ci-dessus).

[34]          Dans cette action, on réclamait également une somme additionnelle de 28 000 $ au titre de « crédits-échanges » impayés et une somme de 17 500 $ à l'égard du bail avec Parc Samuel Holland. Ce qui est curieux, c'est que monsieur Massicotte a déclaré lors de l'audience que le bail de Pub avait été réglé en conformité avec l'entente de séparation au cours de l'été 1994. Il est aussi plutôt curieux que dans cette action judiciaire monsieur Massicotte n'ait pas réclamé l'annulation de la vente des actions d'Im-Média. En effet, l'article 3 de l'entente de séparation prévoyait que cette vente ne devait être considérée comme étant accomplie que lorsque Cyrano aurait officiellement rempli les conditions énoncées dans l'entente de séparation. Ce qui est encore plus curieux est que la somme de 240 000 $ était due « à MASSICOTTE et ou AMADÉUS » . Est-il possible que cette somme ait appartenu à Amadéus? Si c'est monsieur Massicotte qui a transféré la créance à Pub, y a-t-il eu appropriation par monsieur Massicotte d'un bien appartenant à Amadéus?

[35]          Pièce A-1, onglet 36. Monsieur Audy a expliqué les circonstances de ces faillites. Un employé se serait frauduleusement approprié environ 170 000 $ de TPS/TVQ qu'Im-Média devait aux autorités fiscales. Parmi les créances réclamées dans la faillite d'Im-Média, on trouve une somme de 70 500 $ représentant le solde de la marge de crédit, 28 000 $ au titre de services impayés et la somme de 240 000 $.

[36]          Il faut mentionner que les mots « appropriation » et « appropriated » ne sont pas utilisés par le législateur dans la version anglaise du par. 15(1) de la Loi.

[37]             Contrairement au par. 15(1), le par. 15(2) de la Loi trouve application ici même si monsieur Massicotte est un employé de Pub et n'est pas actionnaire de cette dernière, parce que Pub, Amadéus et lui ont entre eux un lien de dépendance. (Voir les par. 15(2), (2.1) et (2.4) de la Loi.)

[38]             Alors que son salaire s'élevait à 125 000 $ selon son propre témoignage (voir le par. 9 ci-dessus).

[39]          L'article 33 de l'entente entre actionnaires (pièce A-1, onglet 14).

[40]             Advenant le retrait volontaire d'un actionnaire de Pub, l'article 28 de l'entente entre actionnaires prévoit que cet actionnaire ne peut s'impliquer d'aucune façon auprès des clients de Pub durant une période de six mois suivant son retrait. Des dommages-intérêts liquidés de 50 000 $ y sont prévus.

[41]          Lors de son témoignage, la vérificatrice du ministre a confirmé que monsieur Massicotte lui avait d'abord indiqué que les 240 000 $ représentaient la perte de valeur d'Amadéus, qui avait été calculée comme représentant la moitié de l'avoir des actionnaires (l'actif moins le passif). La vérificatrice a dit alors ne pas avoir compris la pertinence non seulement de la perte de valeur, puisque monsieur Audy ne détenait aucune participation dans cette société, mais également du calcul de la perte. Par la suite, on lui a fait valoir que les 240 000 $ étaient des dommages-intérêts prévus à l'entente entre actionnaires. On lui a aussi parlé de la perte du salaire auquel monsieur Massicotte avait dû renoncer.

[42]             Évidemment, si l'on devait tenir compte d'un remboursement additionnel de 44 650 $ effectué par le transfert des 4 465 actions de catégorie C, ces chiffres ne balanceraient plus.

[43]          Comme l'entente de séparation est en date du 10 juin 1994, il faut présumer que cette dernière somme avait été versée avant le 10 juin 1994.

[44]          Voir pièce I-1, états financiers, note 5. Ajoutons qu'aux états financiers de Cyrano au 31 mai 1995 (pièce I-4), on voit qu'au 31 mai 1994 la dette de 250 000 $ envers monsieur Massicotte est disparue. À part les dettes institutionnelles, il ne restait qu'une somme de 70 000 $ due à l'actionnaire.

[45]             Tout d'abord, Pub a versé 35 000 $ le 17 juin 1994 au comptable; ce dernier a encaissé le chèque le 20 juin 1994 et en a déposé le montant dans son compte en fiducie. Le comptable a signé un chèque de 35 000 $ en faveur de monsieur Massicotte le même jour et ce dernier l'a encaissé le lendemain et a remis cette somme à Pub. Par la suite, Pub a signé un nouveau chèque de 35 000 $ en faveur du comptable le 30 juin 2004; celui-ci l'a encaissé le 13 juillet 1994 et a signé un chèque de 35 000 $ en faveur de monsieur Massicotte daté du 12 juillet 1994, mais encaissé le 14 juillet 1994 (pièce A-2).

[46]             La proportion de 11,8 contre un représente un taux de capitalisation de 8,5 %, soit un taux de rendement bien mince pour les risques inhérents à l'exploitation d'une telle agence de publicité!

[47]          Compte tenu de l'habitude de monsieur Massicotte de demander à Pub de lui avancer des fonds pour répondre à ses besoins domestiques personnels (plutôt que de recevoir un salaire pour son travail pour Pub) et de rembourser les avances en transférant toutes sortes de biens, il ne serait pas surprenant que l'un des motifs de la création de cette créance conditionnelle ait été de lui permettre, grâce à un futur transfert à Pub, de créer l'illusion de rembourser ses avances à Pub.

[48]          Mais pas celui d'abord mentionné à la vérificatrice lors de la vérification.

[49]             Curieusement, le procureur de monsieur Massicotte ne conteste pas que l'année pertinente pour l'inclusion de cet avantage en vertu de l'article 246 de la Loi soit l'année civile 1995. Par contre, il soutient que la valeur de la créance doit être évaluée par rapport à l'automne 1994. À mon avis, la valeur de la créance que monsieur Massicotte a transférée à Pub doit être déterminée telle qu'elle était au moment du transfert.

[50]             L'avocate de l'intimée a suggéré une explication pour cette date du 31 décembre 1995 : elle correspond essentiellement à la fin de la période de 18 mois mentionnée à l'entente du mois de juin 1994. Selon moi, la raison la plus probable d'avoir transféré la créance à la fin de 1995 est que monsieur Massicotte devait à cette date 114 642 $ à Pub et, pour éviter l'application du par. 15(2) de la Loi, il devait rembourser cette somme.

[51]          La mise en demeure de verser la somme de 240 000 $ faite en mai 1996 avait été ignorée par Cyrano et monsieur Audy. De plus, l'action entreprise au mois de juin 1997 n'a pas permis non plus de recouvrer la somme de 240 000 $. Mais ces faits ne sont pas pertinents, puisqu'il s'agit de faits postérieurs à la date d'évaluation.

[52]          Selon la version de monsieur Massicotte, monsieur Audy n'avait pas respecté plusieurs des engagements de l'entente de séparation. Les trois principaux qui ont posé problème, selon lui, ont été celui de non-concurrence, celui relatif à la marge de crédit et ceux concernant l'échange de services. Pour justifier son assertion relative à la non-concurrence, il a affirmé avoir surpris monsieur Audy en train de prendre certains documents de Pub concernant certains de ses clients. De plus, Amadéus n'a jamais été libérée de son obligation relative à la marge de crédit, puisqu'elle a été obligée d'assumer 68 000 $ à la fin de 1998. Aussi, la valeur des services offerts en échange était ridicule. Par conséquent, selon monsieur Massicotte, la somme de 240 000 $ lui était due.

[53]          Pièce A-1, onglet 8, note 5 des états financiers.

[54]          Il faut mentionner que le rapport de mission d'examen signé par le comptable Chabot est daté du 15 mars 1995. De toute évidence, il s'agit d'une erreur.

[55]          Admission faite par le procureur de monsieur Massicotte relativement à l'al. 17 p) de la réponse modifiée à l'avis d'appel.

[56]             Ce déficit s'élevait à 75 446 $ au 30 juin 1993 pour Im-Média alors que Pub avait un BNR de 7 658 $ pour le même exercice.

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