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Dossier : 2006-428(GST)APP

ENTRE :

DUO COMMUNICATIONS DU CANADA LTÉE,

requérante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Demande entendue le 10 juillet 2006 à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Avocat de la requérante :

Me Yves Ouellette

Avocat de l'intimée :

Me Mario Laprise

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ORDONNANCE

      La demande faite en vue d'obtenir une ordonnance prorogeant le délai dans lequel peut être signifié l'avis d'opposition à l'égard de l'avis de nouvelle cotisation établi le 3 mars 2004 en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, Partie IX (Taxe sur les produits et services) est rejetée, selon les motifs de l'ordonnance ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de novembre 2006.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Référence : 2006CCI576

Date : 20061124

Dossier : 2006-428(GST)APP

ENTRE :

DUO COMMUNICATIONS DU CANADA LTÉE,

requérante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Tardif

[1]      Il s'agit d'une demande pour obtenir une ordonnance prorogeant le délai pour produire un avis d'opposition à un avis de nouvelle cotisation établi le 3 mars 2004 par le ministre du Revenu du Québec (le « ministre » ).

[2]      Pour disposer de la requête, le tribunal doit apprécier la preuve en fonction des critères énumérés au paragraphe 304(5) de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ), qui se lit comme suit :

(5) Acceptation de la demande Il n'est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

a) La demande a été présentée en application du paragraphe 303(1) dans l'année suivant l'expiration du délai par ailleurs imparti pour faire opposition ou présenter la requête en application du paragraphe 274(6) ;

b) la personne démontre ce qui suit :

(i)     dans le délai d'opposition par ailleurs imparti, elle n'a pu ni agir ni mandater quelqu'un pour agir en son nom, ou avait véritablement l'intention de faire opposition à la cotisation ou de présenter la requête,

(ii)     compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l'espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii)    la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient,

(iv)    l'opposition est raisonnablement fondée.

[3]      La requérante a soumis une preuve assez substantielle dans le but manifeste d'établir l'ambiguïté et la confusion qui avaient entouré les avis de cotisation établissant la ou les créances fiscales.

[4]      Bien que la preuve d'une telle confusion ait pu susciter un certain intérêt, je ne crois pas qu'il s'agissait là d'un aspect pertinent. En effet, la date véritable de l'avis de cotisation n'a pas fait l'objet de débat lequel a porté principalement sur l'importance des montants réellement dus plutôt que sur les fondements juridiques des cotisations.

[5]      Ainsi, la preuve soumise par la requérante a principalement consisté à démontrer que le ministre avait agi d'une façon douteuse, voire frivole, en modifiant à quelques reprises la créance fiscale.

[6]      Le syndic a expliqué que pour des raisons financières, il accordait généralement très rarement une attention immédiate aux preuves de réclamation découlant d'un avis de cotisation; toujours selon le syndic, l'examen rapide aurait pour effet de porter préjudice à l'administration des biens du failli en ce qu'elle pourrait entraîner des coûts importants en termes d'honoraires.

[7]      Pour cette raison, il n'a donc pas donné suite aux preuves de réclamation reçues en juin 2004. Fidèle à cette pratique, ce n'est qu'en février 2005 que le syndic a fait des démarches pour obtenir des explications au sujet de la cotisation. Cela ressort très clairement aux pages 48 et 49 du contre-interrogatoire de monsieur Breton.

Q.         O.K. Qu'est-ce que vous avez fait, vous, suite à la réception de ce document là en septembre 2003?

R.          Pas grand-chose, je l'ai mis dans un dossier.

Q.         D'accord. Vous l'avez bien reçu. Pouvez-vous me dire à quelle adresse sont situés vos bureaux?

R.          1 Place Ville-Marie.

Q.         Est-ce que c'est l'adresse du bureau à l'époque du vingt-cinq (25) septembre 2003?

R.          Oui.

Q.         1 Place Ville-Marie, porte 2400, Montréal, H3B 3M9. C'est bien cela?

R.          H3B 3M9.

Q.         D'accord. Ça a été reçu dans les environs du vingt-cinq (25) septembre 2003 d'après votre connaissance?

R.          Je présume que oui.

Q.         D'accord. J'aimerais aller à l'onglet...

R.          Selon les bons offices de Canada Post.

Q.         Postes Canada. D'accord. Si je me rends à l'onglet 2, celle du cinq (5) janvier 2004, preuve de réclamation, je vais me rendre au tableau, encore une fois, au tableau de la page 3, où on voit ici, là il y a une distinction par rapport à l'autre preuve de réclamation, je ne me trompe pas, on voit « créance cotisée » à 62 524,48 $ et « créance estimée » , le montant est à zéro en ce qui concerne la Loi sur la taxe d'accise.

R.          Oui.

Q.         Vous n'avez pas constaté.... Bien, la différence ne vous inquiétait pas qu'on était estimé à l'époque de septembre 2003. Et, là, en mai, en janvier, pardon, 2004, la créance est cotisée?

R.          Comme je vous l'ai expliqué tantôt, je vais le répéter, le syndic fait peu de travail eu égard aux preuves de réclamation tant qu'il n'a pas des raisons de croire qu'il va y avoir un dividende. Parce que ça serait d'engager des frais pour rien, contre la masse des créanciers.

[8]      La première condition au paragraphe 304(5) se lit comme suit :

(i)     dans le délai d'opposition par ailleurs imparti, elle n'a pu ni agir ni mandater quelqu'un pour agir en son nom, ou avait véritablement l'intention de faire opposition à la cotisation ou de présenter la requête,

[9]      Le fait de ne pouvoir agir est une question qui peut laisser place à l'interprétation; je ne crois pas qu'il soit possible d'identifier des critères objectifs permettant d'obtenir une réponse tout à fait objective.

[10]     Plusieurs facteurs doivent être pris en compte, tels que le contexte, les connaissances et l'expérience du contribuable, son niveau d'éducation, la santé, ainsi que toutes sortes d'éléments ou contraintes multiples.

[11]     Les explications du syndic, c'est-à-dire qu'il s'écoule généralement un certain temps entre le dépôt d'une preuve de réclamation et l'évaluation de son bien-fondé pour éviter l'imputation de frais importants aux actifs devant éventuellement être répartis entre les divers créanciers, sont-elles recevables pour justifier ou expliquer le non-respect du délai prévu par la Loi?

[12]     En d'autres termes, est-ce que les explications soumises par le syndic sont-elles qu'il puisse prétendre qu'il n'a ni pu agir ni mandater quelqu'un pour agir en son nom?

[13]     L'article 135 de la Loi sur la faillite stipule ce qui suit :

Admission et rejet des preuves de rÉclamation et de garantie

Examen de la preuve

135. (1) Le syndic examine chaque preuve de réclamation ou de garantie produite, ainsi que leurs motifs, et il peut exiger de nouveaux témoignages à l'appui.

Réclamations éventuelles et non liquidées

(1.1) Le syndic décide si une réclamation éventuelle ou non liquidée est une réclamation prouvable et, le cas échéant, il l'évalue; sous réserve des autres dispositions du présent article, la réclamation est dès lors réputée prouvée pour le montant de l'évaluation.

Rejet par le syndic

(2) Le syndic peut rejeter, en tout ou en partie, toute réclamation, tout droit à un rang prioritaire dans l'ordre de collocation applicable prévu par la présente loi ou toute garantie.

Avis de la décision

(3) S'il décide qu'une réclamation est prouvable ou s'il rejette, en tout ou en partie, une réclamation, un droit à un rang prioritaire ou une garantie, le syndic en donne sans délai, de la manière prescrite, un avis motivé, en la forme prescrite, à l'intéressé.

Effet de la décision

(4) La décision et le rejet sont définitifs et péremptoires, à moins que, dans les trente jours suivant la signification de l'avis, ou dans tel autre délai que le tribunal peut accorder, sur demande présentée dans les mêmes trente jours, le destinataire de l'avis n'interjette appel devant le tribunal, conformément aux Règles générales, de la décision du syndic.

Rejet total ou partiel d'une preuve

(5) Le tribunal peut rayer ou réduire une preuve de réclamation ou de garantie à la demande d'un créancier ou du débiteur, si le syndic refuse d'intervenir dans l'affaire.

[14]     Le syndic ne peut pas faire fi des délais prévus par la Loi sous prétexte que l'examen d'une créance peut entraîner des coûts importants au détriment des actifs devant éventuellement faire l'objet d'un partage entre les divers créanciers de divers rangs.

[15]     Le syndic a en quelque sorte tenu pour acquis que l'avis de nouvelle cotisation était arbitraire, voire sans fondement quant aux montants réclamés. Il a également, de toute évidence, tiré des conclusions du fait que le montant de la cotisation avait été modifié à quelques reprises. Selon le syndic, cette façon de faire manquait de sérieux et justifiait qu'il ne fasse rien.

[16]     La question de la connaissance de l'avis de cotisation n'est pas en cause. Il ne s'agit aucunement d'un cas où le syndic ignorait l'existence d'une cotisation écartée ou perdue dans le brouhaha de la période qui a précédé le transfert de la saisine des biens du failli.

[17]     En l'espèce, le syndic a agi essentiellement par habitude ou par réflexe de ne pas examiner la qualité de la créance fiscale étant donné qu'il n'était pas en mesure de tirer de conclusions sur les coûts et les bénéfices. Bien qu'il puisse s'agir d'un comportement raisonnable de façon générale, cela n'est certainement pas suffisant pour conclure que le syndic n'a pu ni agir ni mandater quelqu'un pour agir en son nom dès que les circonstances le permettaient.

[18]     Agir ne signifiait pas faire l'examen en profondeur du bien-fondé de la cotisation ou de faire l'analyse exhaustive des montants payés versus les montants à payer.

[19]     Agir consistait essentiellement à produire un avis sommairement étoffé de son intention de questionner le bien-fondé de la cotisation.

[20]     Pour ce faire, cela sous-entendait essentiellement que le syndic manifeste un minimum de respect pour le délai prévu par la Loi.

[21]     L'obtention d'une ordonnance prorogeant le délai pour produire un avis d'opposition est assujettie à des conditions que la requérante, en l'espèce, ne rencontre pas.

[22]     Pour ces motifs, la demande est rejetée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de novembre 2006.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :                                             2006CCI576

N º DU DOSSIER DE LA COUR :                 2006-428(GST)APP

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         DUO COMMUNICATIONS DU CANADA LTÉE ET LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 10 juillet 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :        l'honorable juge Alain Tardif

DATE DE L'ORDONNANCE :                     le 24 novembre 2006

COMPARUTIONS :

     Avocat de la requérante :

Me Yves Ouellette

    Avocat de l'intimée :

Me Mario Laprise

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :           

       Pour la requérante:

                   Nom :                                        Me Yves Ouellette

                   Étude :                                       Gowling, Lafleur, Henderson

                   Ville :                                         Montréal (Québec)

       Pour l'intimée :                                       John H. Sims, c.r.

                                                                    Sous-procureur général du Canada

                                                                    Ottawa, Canada

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