Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Référence : 2006CCI677

Dossier : 2005-820(IT)G

 

ENTRE :

 

WPH MECHANICAL SERVICES LTD.,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

CERTIFICATION DE LA TRANSCRIPTION

DES MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Je requiers que soit déposée la transcription certifiée ci‑jointe des motifs du jugement rendus oralement à l'audience à Edmonton (Alberta), le 4 octobre 2006.

 

« L. M. Little »

Juge Little

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 22e jour de décembre 2006.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour d’avril 2008.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


 

 

 

Référence : 2006CCI677

Date : 20061222

Dossier : 2005-820(IT)G

 

ENTRE:

WPH MECHANICAL SERVICES LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

[rendus oralement à l'audience à Edmonton (Alberta),

le 4 octobre 2006]

 

Le juge Little

 

[1]     Au début de l'audience, les parties ont déposé un exposé conjoint des faits. Cet exposé est rédigé comme suit :

 

[Traduction

 

1.         Pendant la période pertinente, l'appelante était dûment constituée et organisée et elle existait en vertu des lois de l'Alberta; elle résidait au Canada pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi »).

 

2.         L'exercice de l'appelante a pris fin le 31 janvier 2002.

 

3.         Pendant l'année d'imposition 2002, l'appelante exploitait une entreprise à titre d'entrepreneur en mécanique.

 

4.         Pendant la période pertinente, les actionnaires à parts égales de l'appelante étaient Brydan Consulting Corp. et 847569 Alberta Ltd.

 

5.         Pendant la période pertinente, les actionnaires à parts égales de Brydan Consulting Corp. étaient Daryl Zimmerman et son épouse, Eileen Zimmerman.

 

6.         Pendant la période pertinente, les actionnaires à parts égales de 8475569 Alberta Ltd. étaient Randall Ballance et son épouse, Lynn Ballance.

 

7.         Pendant la période pertinente, les administrateurs de l'appelante étaient Daryl Zimmerman et Randy Ballance.

 

8.         Avant le 31 janvier 2002, l'appelante, Daryl Zimmerman et Randy Ballance ont convenu que les bénéfices de l'appelante, dans la mesure où ils excédaient 200 000 $, seraient versés à MM. Zimmerman et Ballance à titre de traitement ou de rémunération. Cette entente était consignée dans une résolution de l'appelante, datée du 30 janvier 2002, selon laquelle l'appelante s'engageait à verser à Daryl Zimmerman et à Randy Ballance une somme forfaitaire de 165 000 $ en tout au titre du traitement (la « gratification »). Il avait en outre été résolu que la gratification serait versée au plus tard le 15 juillet 2002 à la discrétion des administrateurs de l'appelante.

 

9.         Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 2002, l'appelante a déduit la gratification à titre de dépense.

 

10.       Le 30 octobre 2002, l'appelante a versé à Daryl Zimmerman et à Randy Ballance un montant de 100 000 $, moins les retenues à la source, et a porté le paiement au débit du compte des gratifications payables le 31 octobre 2002.

 

11.       Dans sa déclaration de revenus T1 de 2002, Daryl Zimmerman a déclaré un montant de 50 000 $ au titre de la gratification reçue.

 

12.       Dans sa déclaration de revenus T1 de 2002, Randy Ballance a déclaré un montant de 50 000 $ au titre de la gratification reçue.

 

13.       Le 20 janvier 2003, l'appelante a versé à Daryl Zimmerman et à Randy Ballance un montant de 65 000 $, moins les retenues à la source, et a porté le paiement au débit du compte des gratifications payables le 28 janvier 2003.

 

14.       Dans sa déclaration de revenus T1 de 2003, Daryl Zimmerman a déclaré un revenu de 32 500 $ au titre de la gratification.

 

15.       Dans sa déclaration de revenus T1 de 2003, Randy Ballance a déclaré un revenu de 32 500 $ au titre de la gratification.

 

16.       Par un avis de nouvelle cotisation daté du 7 juin 2004, le ministre a refusé la déduction de la gratification effectuée par l'appelante pour son année d'imposition 2002. L'appelante a déposé un avis d'opposition, mais le ministre a ratifié la nouvelle cotisation le 13 décembre 2004.

 

17.       Le ministre a également délivré un avis de nouvelle cotisation daté du 7 juin 2004 à l'égard de l'année d'imposition 2003 de l'appelante. En établissant ainsi la nouvelle cotisation de l'appelante, le ministre a admis une déduction de 165 000 $ en ce qui concerne la gratification qui est en litige dans le présent appel.

 

18.       Le bilan de fin d'exercice de l'appelante du 31 janvier 2002 indique une dette de 165 000 $ au titre de la gratification payable.

 

[2]     Il s'agit de savoir si l'appelante a le droit de déduire une dépense d'un montant de 165 000 $ en déterminant son revenu pour l'année d'imposition 2002.

 

[3]     Voici mon analyse et ma décision. Au cours de l'audience, l'avocat de l'appelante a présenté un document qui a été appelé [traduction] « Contrat de prêt remboursable à vue ». Ce document a été produit sous la cote A‑2. Il renferme un certain nombre de dispositions ou de paragraphes. J'en lirai une partie. Le troisième paragraphe est rédigé comme suit :

 

[Traduction] Il est par les présentes mutuellement convenu que le montant de 82 500 $ chacun est par les présentes versé au complet par la société en ce jour, le 5 juillet 2002, et que les employés ont chacun de nouveau prêté à la société ce montant de 82 500 $, soit 165 000 $ en tout.

 

[4]     L'avocat de l'appelante a présenté une copie de l'agenda quotidien tenu par le comptable de l'appelante, M. David MacGillivray. Ce document a été produit sous la cote A‑3. La pièce A‑3 renferme l'inscription suivante pour le vendredi, 28 juin 2002 : [traduction] « Appeler Daryl WPH pour les gratifications versées. »

 

[5]     M. MacGillivray a témoigné avoir téléphoné à Daryl, tel que mentionné dans l'agenda. Il a également témoigné avoir préparé le contrat de prêt remboursable à vue.

 

[6]     M. MacGillivray a déclaré que, selon l'intention et le projet qu'il entretenait en préparant le contrat de prêt remboursable à vue, les gratifications s'élevant en tout à 165 000 $ (82 500 $ chacun pour MM. Zimmerman et Ballance) devaient être versées au complet le 5 juillet 2002 et que MM. Zimmerman et Ballance devaient de nouveau prêter l'argent à l'appelante en tant que prêt sans intérêt remboursable à vue. M. MacGillivray a déclaré que c'était lui qui avait ainsi organisé l'arrangement parce que l'appelante faisait face à des problèmes de mouvements de trésorerie à ce moment‑là, au mois de juillet 2002.

 

[7]     M. Zimmerman a témoigné à titre de témoin de l'appelante. Lorsque Me Body, avocat de l'intimée, l'a contre‑interrogé, M. Zimmerman a témoigné que le contrat de prêt remboursable à vue qu'il avait signé le 5 juillet 2002 au bureau de M. MacGillivray établissait en fait que des gratifications d'un montant de 165 000 $ en tout (82 500 $ chacun) avaient été payées au complet par l'appelante le 5 juillet 2002 et que M. Ballance et lui avaient convenu ensuite de prêter de nouveau ce montant de 165 000 $ à l'appelante.

 

[8]     M. Ballance a également témoigné à titre de témoin de l'appelante. Après que l'avocat eut terminé d'interroger M. Ballance, j'ai demandé à M. Ballance de me faire part de ses commentaires au sujet de l'effet du contrat de prêt remboursable à vue. M. Ballance a déclaré que, selon lui, l'effet du contrat était le suivant : l'appelante lui versait une gratification de 82 500 $, ainsi qu'à M. Zimmerman, le 5 juillet 2002, et M. Zimmerman et lui convenaient tous deux de prêter de nouveau l'argent à l'appelante conformément à un contrat de prêt sans intérêt remboursable à vue. M. Ballance a témoigné avoir signé le contrat entre le 1er juillet et le milieu du mois de juillet 2002.

 

[9]     J'ai minutieusement examiné toute la preuve mise à ma disposition ainsi que les décisions faisant autorité soumises par les avocats. Compte tenu des témoignages présentés sous serment par MM. Zimmerman et Ballance, lesquels ont été confirmés par M. MacGillivray, je suis convaincu que l'appelante a versé une gratification de 82 500 $ à M. Zimmerman et une gratification de 82 500 $ à M. Ballance le 5 juillet 2002, et que ceux‑ci ont chacun de nouveau prêté l'argent à l'appelante dans le cadre d'un prêt sans intérêt remboursable à vue.

 

[10]    En tirant ma conclusion, j'ai tenu compte d'un certain nombre de décisions faisant autorité, et notamment de la décision rendue par la juge en chef McLachlin dans l'arrêt Shell Canada Limited v. The Queen. Cette décision est publiée à 99 DTC 5669.

 

[11]    Dans ses motifs, la juge en chef McLachlin a dit ce qui suit, à la page 5677 :

 

[44]      Bien que le sous‑al. 20(1)c)(i) soit clair, la Cour d’appel fédérale semble y avoir décelé l’intention du législateur que les tribunaux, afin d’être équitables envers les contribuables moins habiles, fassent preuve de vigilance pour empêcher les contribuables de recourir à des opérations complexes visant à réduire leur obligation fiscale. Ainsi, les tribunaux devaient en quelque sorte analyser les opérations et déterminer l’obligation fiscale en fonction des effets véritables des opérations sur les plans économique et commercial. On peut soutenir que des remarques incidentes formulées dans certaines affaires appuient ce point de vue: [...]

(La juge en chef fait mention de Bronfman Trust.)

 

[45]      Cependant, il ressort des arrêts plus récents de notre Cour qu’en l’absence d’une disposition expresse contraire, il n’appartient pas aux tribunaux d’empêcher les contribuables de recourir, dans le cadre de leurs opérations, à des stratégies complexes qui respectent les dispositions pertinentes de la Loi, pour le motif que ce serait inéquitable à l’égard des contribuables qui n’ont pas opté pour cette solution. Notre Cour s’est précisément penchée sur cette question dans Duha Printers (Western) Ltd. c. Canada, [98 DTC 6334] [...]

 

Je tiens à mettre l'accent sur le fait que le rôle des tribunaux judiciaires consiste à interpréter et à appliquer la Loi telle qu'elle a été adoptée par le Parlement. Voici ce que la juge en chef McLachlin a dit, au paragraphe 45 :

 

[...] Les remarques incidentes formulées dans des arrêts antérieurs dont on peut dire qu’elles appuient un principe d’interprétation plus large et moins certain ont donc été supplantées par les arrêts que notre Cour a rendus depuis en matière fiscale. Sauf disposition contraire de la Loi, le contribuable a le droit d’être imposé en fonction de ce qu’il a fait, et non de ce qu’il aurait pu faire et encore moins de ce qu’un contribuable moins habile aurait fait.

 

[12]    Je me reporterai encore une fois aux remarques de la juge en chef McLachlin, lorsqu'elle a dit que le contribuable a le droit d'être imposé en fonction de ce qu'il a fait.

 

[13]    Dans ce cas‑ci, l'appelante a déclaré une gratification; la preuve montre que l'appelante et ses administrateurs voulaient que la gratification soit versée le 5 juillet 2002, comme elle l'a été.

 

[14]    J'ai conclu que l'appelante a le droit de déduire la gratification de 165 000 $ en déterminant son revenu pour l'année d'imposition 2002.

 

[15]    Avant de conclure, je tiens à dire que je ne blâme pas Me Proctor ni Me Body d’avoir saisi la Cour de l'affaire. Je crois que Me Proctor ne dépassait pas les bornes et qu'il pouvait à bon droit mettre en question la déduction de la gratification.

 

[16]    Je fais cette remarque parce que je suis d'accord avec l'avocat de l'intimée, Me Body, pour dire que la réponse donnée par M. MacGillivray dans sa lettre du 26 avril 2004, pièce R‑2, était plutôt vague et ne traitait pas d'une façon appropriée du contrat de prêt remboursable à vue. Je ne puis expliquer ou comprendre pourquoi M. MacGillivray n'a pas fait mention de ce contrat. Je souscris également à l'avis de Me Body lorsqu'il dit qu'il aurait été utile ou profitable que M. MacGillivray fasse mention du contrat de prêt remboursable à vue, dans l'avis d'opposition.

 

[17]    En qualité de juge chargé de l'instruction, ma tâche consiste à examiner et à soupeser minutieusement la preuve, puis à appliquer le droit à la preuve mise à ma disposition. J'ai tenu compte de la preuve qui m'a été soumise et j'ai conclu que l'appelante a satisfait aux exigences du paragraphe 78(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard de la déduction de la gratification de 165 000 $ en déterminant son revenu pour l'année d'imposition 2002.

 

[18]    L'appel est accueilli avec dépens.

 

 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 22e jour de décembre 2006.

 

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour d’avril 2008.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                  2006CCI677

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2005-820(IT)G

 

INTITULÉ :                                       WPH Mechanical Services Ltd.

                                                          c.

                                                          Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 2 octobre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge L. M. Little

 

DATE DU JUGEMENT ORAL :        Le 4 octobre 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me James C. Yaskowich

 

Avocat de l’intimée :

Me George Body

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                             James C. Yaskowich

 

                   Cabinet :                         Felesky Flynn LLP

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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