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Dossier : 2003-760(IT)G

 

ENTRE :

 

GENERAL MOTORS DU CANADA LIMITÉE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu le 12 octobre 2006, à Toronto (Ontario)

 

Devant : L'honorable juge Campbell J. Miller

 

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

Mes Al Meghji et Gerald Grenon

 

Avocats de l'intimée :

 

 

Mes Henry A. Gluch et Andrea Jackett

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre de la nouvelle cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1996 est accueilli, et la nouvelle cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte de ce qui suit :

 

1.       dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1996, l'appelante a droit à la déduction de 43 914 455 $ demandée relativement au soutien à la valeur résiduelle;

 

2.       dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1996, l'appelante a droit à la déduction de 3 457 207 $ demandée relativement aux inspections avant livraison;

 

3.       l'appelante a droit à la déduction de 4 822 490 $ demandée relativement à la valeur de ses stocks de pièces d'entretien pour l'année d'imposition 1996;

 

4.       l'appelante a droit à la déduction de 2 699 397 $ demandée relativement à la réduction de la valeur des actions des concessionnaires pour l'année d'imposition 1996;

 

5.       l'ajout de 34 885 685 $ au revenu de l'appelante pour l'année d'imposition 1996 à l'égard des obligations en matière de rappel (prises en compte dans la nouvelle cotisation du 27 novembre 2002) doit être annulé;

 

6.       pour l'année d'imposition 1996, le revenu en intérêts de 11 562 000 $ constitue un revenu tiré d'une entreprise exploitée activement aux fins d'établissement des bénéfices de fabrication et de transformation et du crédit d'impôt au titre de la fabrication et de la transformation en vertu de l'article 125.1 de la Loi;

 

7.       l'appelante a droit à la déduction de la portion non dépensée du Fonds spécial canadien de prévoyance, soit environ 7 741 002 $.

 

          L'appelante a droit à ses dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de décembre 2006.

 

 

« Campbell J. Miller »

Le juge Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de novembre 2008.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

Référence : 2006CCI638

Date : 20061201

Dossier : 2003-760(IT)G

 

ENTRE :

 

GENERAL MOTORS DU CANADA LIMITÉE,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Miller

 

[1]     Il s'agit d'un appel interjeté par General Motors du Canada limitée (« GM ») concernant la déductibilité, dans le calcul de son revenu pour 1996, du montant non versé d'un fonds créé en vertu d'une entente conclue par GM et le Syndicat national des travailleurs et travailleuses de l'automobile, de l'aérospatiale et de l'outillage agricole du Canada (les « TCA »). L'intimée soutient que le montant non versé est un montant au titre d'une éventualité seulement et, par conséquent, n'est pas déductible en vertu de l'alinéa 18(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »). L'appelante soutient que son obligation de payer le montant non versé est une obligation absolue, qui a pris naissance en 1996, et que par conséquent la somme est déductible dans le calcul de son revenu pour 1996. Je suis d'accord avec l'appelante.

 

[2]     Il existait plusieurs autres questions en litige entre les parties, mais ces dernières ont conclu un règlement à l'égard de l'ensemble de celles‑ci avant le procès. Les paragraphes 1 à 6 du dispositif du jugement tiennent compte de ce règlement.

 

[3]     Les parties ont fourni un exposé conjoint des faits que je reproduis au long :

 

[TRADUCTION]

 

A.        Historique du litige fiscal

 

Les parties ont résolu les questions soulevées dans le présent appel visant l'année d'imposition 1996, sauf en ce qui concerne le traitement fiscal du Fonds spécial canadien de prévoyance (le « FSCP »)[1].

 

La question du FSCP a également été soulevée dans l'appel de GM visant l'année d'imposition 1995. L'appel de GM devant la Cour canadienne de l'impôt et la Cour d'appel fédérale a été rejeté, et l'autorisation d'interjeter appel à la Cour suprême du Canada a été refusée[2].

 

En résumé, les cours ont jugé que le libellé de l'annexe H de la convention collective conclue par l'appelante et les TCA, laquelle annexe constituait le FSCP, créait une obligation conditionnelle qui dépendait de la survenance de certains événements. Par conséquent, le montant demandé était un montant au titre d'une éventualité et ne pouvait pas être déduit en vertu de l'alinéa 18(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

La décision des cours était incompatible avec la croyance des parties à la convention collective selon laquelle elles avaient créé une obligation absolue. Afin de rectifier cette partie de la convention collective, GM, avec l'appui des TCA, a demandé et obtenu une sentence d'un arbitre du travail ordonnant la rectification du paragraphe 2 de l'annexe H de la convention collective applicable[3].

 

Le paragraphe 2 de l'annexe H de la convention collective a été modifié rétroactivement par la sentence sur consentement rendue par Me Earl E. Palmer, c.r., le 24 mars 2005. Le paragraphe 2, rectifié, est rédigé ainsi :

 

L'obligation de la société de contribuer au Fonds spécial canadien de prévoyance sera calculée à raison de soixante‑dix cents (0,70 $) par heure de travail effectuée par tous les employés visés. Pour plus de certitude, la société et le syndicat conviennent que l'obligation de la société de contribuer au Fonds spécial canadien de prévoyance, telle qu'elle est prévue au présent article 2, prend naissance et devient absolue dès que les heures de travail décrites dans la phrase qui précède sont effectuées. La société et le syndicat conviennent que les montants accumulés dans le Fonds spécial canadien de prévoyance doivent être utilisés exclusivement au profit des membres du syndicat et à d'autres fins syndicales pertinentes, les utilisations précises devant être établies conformément aux articles 3, 4, 5 et 6, ci‑après.

 

B.         Fonctionnement du FSCP

 

Tous les trois ans, à partir d'au moins 1984, l'appelante a conclu une convention collective avec les TCA.

 

Chacune des conventions collectives successives de 1984 à 1999 prévoyait que, pour chaque heure de travail supplémentaire effectuée par les employés visés par la convention collective qui excède 5 p. 100 des heures normales, l'appelante verserait une somme précise dans le FSCP.

 

L'appelante et les TCA ont conclu une convention collective le 29 septembre 1993 (la « convention collective de 1993 »). L'annexe H de la convention collective de 1993 prévoyait que le FSCP accumulerait un montant de 2 $ par heure de travail supplémentaire effectuée par tous les employés visés qui excède cinq pour cent (5 %) des heures de travail normales effectuées par chacun des employés visés par la convention collective et calculées sur une moyenne de douze mois.

 

L'appelante et les TCA ont également conclu une convention collective le 22 octobre 1996 (la « convention collective de 1996 »). Les dispositions de l'annexe H de la convention collective de 1996 étaient semblables à celles de la convention collective de 1993, sauf que le montant de 2 $ par heure supplémentaire passait à 2,35 $.

 

La convention collective de 1993 s'appliquait à la partie de l'année d'imposition 1996 précédant le 22 octobre 1996; la convention collective de 1996 s'appliquait au reste de cette année d'imposition. Le solde des montants accumulés dans le FSCP à la fin de l'année d'imposition 1996 s'élevait à 15 156 711 $.

 

C.        Utilisations des fonds

 

Le paragraphe 3 du protocole d'entente de 1993 est ainsi rédigé :

 

Pendant la durée de la convention collective cadre de 1993, le Fonds spécial canadien de prévoyance sera utilisé principalement pour soutenir les programmes négociés de garderies d'enfants et le régime de services juridiques et pour financer le régime canadien de PSC, au besoin. Il pourra également être utilisé pour financer les initiatives conjointement convenues comme cela sera décidé par le président du Syndicat national des TCA et le vice‑président et directeur général du personnel. En tout temps, le solde du Fonds spécial de prévoyance doit être égal au montant accumulé cumulatif calculé selon l'article 2 ci‑dessus, moins l'utilisation cumulative calculée conformément au présent article 3. Le montant accumulé cumulatif et l'utilisation cumulative incluent les soldes reportés des conventions antérieures.

 

Le financement du régime de services juridiques et du régime de PSC (Régime canadien de prestations supplémentaires de chômage) provenait du FSCP et de sources autres que le FSCP (d'autres détails relatifs au financement provenant de sources autres que le FSCP sont fournis ci‑dessous).

 

Les montants accumulés dans le FSCP étaient versés au régime de services juridiques et au régime de PSC lorsque les seuils prévus pour ces deux régimes et calculés selon une formule étaient atteints.

 

Les fonds étaient versés au régime de services juridiques, et portés en déduction du solde du FSCP, uniquement lorsque le financement du régime de services juridiques provenant de sources autres que le FSCP n'était pas suffisant pour payer les prestations prévues au régime de services juridiques. Les fiduciaires du régime effectuaient les calculs nécessaires et avisaient GM lorsque le régime de services juridiques avait besoin de financement.

 

Les contributions versées au régime de PSC provenant du FSCP ne nécessitaient pas que le solde du régime de PSC soit égal à zéro. Le montant des contributions que le FSCP devait verser au régime de PSC était déterminé par l'« unité de base d'annulation des crédits » (UBAC) énoncée au régime de PSC. Le service des finances de l'appelante surveillait les soldes pertinents et effectuait les calculs nécessaires. Les contributions étaient versées lorsque le montant de l'UBAC était inférieur au minimum précisé.

 

Les paiements relatifs à la garde d'enfants n'étaient pas versés en fonction de seuils prévus. Les programmes de garderies d'enfants étaient administrés par les TCA. Lorsque les TCA décidaient qu'il existait un besoin de financement précis, ils en faisaient la demande et une discussion pouvait suivre en vue de s'assurer que l'utilisation respectait le cadre convenu de la garde d'enfants. Le paiement était versé dès que l'appelante était convaincue que l'utilisation faisait partie de ce qui avait été négocié.

 

Au cours de l'année d'imposition 1996, le FSCP a accumulé un montant égal à quatre cents et demi par heure normale de travail (0,045 $) pour les activités de garde d'enfants sur lesquelles les parties se sont entendues. Le FSCP est le seul moyen par lequel l'appelante finance les activités relatives à la garde d'enfants mutuellement convenues. Ces fonds sont versés lorsque le syndicat les demande dans un but précis et que l'utilisation est acceptée comme un emploi convenable pour la garde d'enfants tel que cela est décrit au paragraphe 17 ci‑dessus.

 

Aucuns fonds ne sont mis de côté par l'appelante à l'égard de ses obligations découlant de l'annexe H au moment où ces obligations prennent naissance. Les parties au présent litige ne s'entendent pas sur la question de savoir si le solde de 15 156 711 $ du FSCP, à la fin de l'année d'imposition, constitue une écriture comptable qui représente une obligation effective qui a été contractée et, le cas échéant, si l'obligation est éventuelle.

 

L'annexe H‑1 de la convention collective de 1993 et l'annexe H‑1 de la convention collective de 1996 prévoient que, en cas de conflit entre l'utilisation du solde du FSCP pour soutenir les activités de garde d'enfants sur lesquelles les parties se sont entendues, le régime de services juridiques ou le régime de PSC, le solde sera utilisé en premier pour soutenir les activités de garde d'enfants sur lesquelles les parties se sont entendues et, par la suite, pour soutenir le régime de services juridiques.

 

Le régime de services juridiques prévoit des services juridiques personnels précis pour les employés, les retraités et les personnes à charge ayant trait aux testaments et aux successions, aux biens immobiliers, aux droits des locataires, au droit de la famille, au contentieux civil, au droit pénal et aux lois concernant les véhicules automobiles, au droit de la consommation et aux droits des débiteurs ainsi qu'au droit administratif.

 

Le régime de PSC verse des prestations aux employés de l'appelante qui ont été licenciés ou qui sont autrement réduits au chômage dans des circonstances précises.

 

Comme cela est indiqué ci‑dessus, le régime de services juridiques est financé par l'appelante par l'intermédiaire du FSCP et au moyen de sources autres que le FSCP. Le financement du régime de services juridiques provenant de sources autres que le FSCP est établi par une formule énoncée à l'article 6 de la pièce F accompagnant la convention collective, intitulée « Accord supplémentaire visant le régime de services juridiques des TCA‑GM ».

 

Comme cela est indiqué ci‑dessus, pendant l'année d'imposition en litige, le régime de PSC était également financé par l'appelante tant par l'intermédiaire du FSCP que de sources autres que le FSCP. Les modalités de la pièce C accompagnant la convention collective, lesquelles ont gouverné le régime de PSC pendant l'année d'imposition en litige, exigeaient que, dans certaines circonstances, l'appelante verse des fonds au régime de PSC (indépendamment de son obligation découlant des modalités du FSCP), et que le fonds du régime de PSC soit administré par une société de fiducie (ou des sociétés de fiducie) à titre de fiduciaire.

 

L'article 5 du protocole d'entente de 1993 est ainsi rédigé :

 

À la fin de la durée de la convention collective cadre de 1993, les parties négocieront l'utilisation du solde qui restera dans le Fonds spécial canadien de prévoyance.

 

La même modalité (abstraction faite de l'année de la convention collective cadre à laquelle on renvoyait) faisait également partie du protocole d'entente de 1996 et des protocoles d'entente ayant trait au FSCP conclus en même temps que les conventions collectives de 1984, de 1987, de 1990, de 1999, de 2002 et de 2005.

 

Le FSCP a été reconduit dans les conventions collectives subséquentes entrant en vigueur en 1999, en 2002 et en 2005. Dans tous les cas depuis que le FSCP a été établi en 1984, le solde du fonds à la fin de la convention collective a été reporté en vertu de la nouvelle convention collective.

 

Par exemple, les conventions collectives de 1996 et de 1999 ont ajouté, aux utilisations du FSCP, le programme de leadership des TCA (congé d'études payé), les activités de recherche, de leadership et de formation des TCA, les programmes et les activités du comité de révision de la formation des TCA‑GM, le fonds de justice sociale, le fonds des retraités, le fonds des métiers spécialisés, le fonds de bourses d'études pour personnes à charge et le fonds de sensibilisation médicale.

 

Entre la fin de 1996 et le mois de décembre 2000, un total de 27 170 991,17 $ a été payé sur le solde accumulé du FSCP.

 

L'onglet 8 du recueil de documents, volume I, constitue une annexe qui explique avec exactitude les utilisations, au cours des années 1997, 1998, 1999 et 2000, des montants payés sur le solde enregistré du FSCP à la fin de l'année d'imposition 1996. L'annexe indique que le montant de 15 156 711 $, qui représente le solde de clôture du compte du FSCP à la fin de l'année d'imposition 1996, avait été entièrement dépensé à la fin d'avril 2000.

 

Pendant l'année d'imposition 1996, un total de 6 419 193 $ a été payé du solde cumulatif du FSCP. L'appelante a fait l'objet d'une cotisation en tenant compte du fait que ce montant est déductible dans le calcul du revenu pour l'année d'imposition 1996.

 

Pendant l'année d'imposition 1996, l'appelante a accumulé 7 741 002 $ dans le FSCP relativement aux heures de travail supplémentaires des employés. L'appelante a déduit le montant en litige dans le calcul de son revenu sur les états financiers, et a inclus les montants en litige comme faisant partie de ses coûts de main‑d'œuvre dans les déclarations qu'elle a transmises à son actionnaire, la société General Motors Corporation. L'appelante cherche de même à déduire à des fins fiscales les montants au cours de l'année durant laquelle les heures de travail supplémentaires sont effectuées et les montants sont accumulés dans le FSCP. De l'avis de l'intimée, les montants sont déductibles lorsque des paiements pour des fins admissibles sont déclenchés en raison d'une demande ou en vertu d'un calcul donnant lieu à un résultat précis, en fonction de la fin pour laquelle le paiement est versé.

 

C.        Question en litige

 

Le montant de 7 741 002 $ accumulé au FSCP mais non versé constitue‑t‑il une obligation éventuelle malgré la rectification du paragraphe 2 de l'annexe H des conventions collectives? (Le présent appel ne porte pas sur la validité de la rectification. Les parties ne s'entendent pas sur la question de savoir s'il existait une obligation éventuelle, nonobstant la rectification.)

 

[4]     Le texte complet de l'annexe H modifiée à laquelle renvoie l'exposé conjoint des faits est joint en annexe.

 

Analyse

 

[5]     Bien que les parties puissent avoir convenu de cerner la question en litige de la manière énoncée ci‑dessus, je ne crois pas qu'il faille insister uniquement sur la rectification de l'article 2, ni sur la question de l'obligation éventuelle. La question en litige est de savoir si l'entente conclue par GM et le syndicat a créé, à mesure que les heures de travail supplémentaires étaient effectuées, une obligation de paiement. Comme l'a énoncé succinctement le juge Malone dans l'arrêt GM de la Cour d'appel fédérale[4], « la seule question qui se pose est celle de savoir si le protocole d'entente a eu pour effet d'imposer à GM une obligation inconditionnelle ou une dette à la fin de 1995 ». Pour y répondre, on doit définir l'objet réel de l'entente, à savoir ce que voulaient accomplir GM et le syndicat.

 

[6]     Le juge Mogan de notre Cour et le juge Malone de la Cour d'appel fédérale ont statué que l'entente conclue par GM et le syndicat n'avait pas créé, à mesure que les heures de travail supplémentaires étaient effectuées, une obligation absolue de paiement, mais uniquement une obligation d'effectuer une inscription comptable, cette obligation ne donnant pas droit à une déduction. Les juges Mogan et Malone se sont tous deux fondés sur les articles 3, 4 et 5 du protocole d'entente pour conclure que l'entente créait une obligation subordonnée à la survenance de certains événements incertains : ceci constitue la définition traditionnelle d'une obligation éventuelle.

 

[7]     Les différences entre la présente affaire, qui vise l'année 1996, et l'affaire soumise au juge Mogan et à la Cour d'appel fédérale, qui visait l'année 1995, sont les suivantes :

 

(i)      le libellé de l'article 2 du protocole d'entente;

 

(ii)      la preuve de l'intention de GM et du syndicat, notamment telle qu'elle est énoncée dans les affidavits de M. James Cameron (directeur des relations de travail de GM) et de M. Sym Gill (directeur du service des régimes de pension et d'avantages sociaux des TCA).

 

[8]     Les positions des parties sont simples. L'appelante soutient que l'entente conclue par GM et le syndicat ne pourrait être plus claire : la seule condition à remplir avant que GM ne soit tenue de payer les montants en litige était que les employés fassent les heures de travail supplémentaires. C'est ce qu'ils ont fait en 1996, et l'obligation est par conséquent devenue absolue en 1996.

 

[9]     L'intimée soutient que les différences énoncées ci‑dessus n'ont pas modifié la nature de ce qui a été auparavant jugé comme un montant au titre d'une éventualité, dont la déduction est exclue par l'application de l'alinéa 18(1)e) de la Loi. L'article 2 du protocole d'entente ne comporte aucune obligation d'effectuer un paiement; une obligation d'effectuer un paiement prend naissance uniquement lorsque les éventualités prévues aux articles 3, 4 et 5 se réalisent. De plus, même si je concluais que les parties avaient eu l'intention de créer, en 1996, une obligation absolue de dépenser le FSCP, cette intention ne signifie pas nécessairement qu'elles ont créé une telle obligation.

 

[10]    Maître Meghji, pour l'appelante, a indiqué que le point de départ de cette analyse (et, selon lui, son point d'arrivée dans une certaine mesure) est l'intention des parties concernant la création d'une obligation absolue. Quelle était cette intention? L'intention doit être trouvée dans les affidavits de M. Cameron et de M. Gill et dans le libellé du protocole d'entente, qui devrait sans doute refléter l'intention déclarée des parties.

 

[11]    Je commencerai tout d'abord par examiner le libellé du protocole d'entente. Les termes de l'article 2 mentionnent une [traduction] « obligation [...] de contribuer au [FSCP] » et [traduction] « l'obligation de la société de contribuer au [FSCP], telle qu'elle est prévue au présent article 2, prend naissance et devient absolue ». L'article 2 poursuit en prévoyant que [traduction] « les montants accumulés dans le [FSCP] doivent être utilisés exclusivement [...] ». Malgré les observations ferventes de Me Meghji, ce libellé n'est pas déterminant quant à la nature de l'obligation absolue. Le libellé n'exprime pas une obligation absolue de payer ou de dépenser le fonds, ni même de mettre des fonds de côté; l'obligation absolue, selon les mots utilisés, consiste à [traduction] « contribuer au [FSCP] ». Selon le document, c'est cette obligation qui est absolue. Les parties ne peuvent contribuer ni plus ni moins au FSCP. Elles doivent contribuer à ce fonds fictif un montant fixe qui peut être déterminé. Je l'appelle délibérément un fonds fictif, car il existe uniquement d'un point de vue comptable. Il n'y a pas de fonds distinct. Il n'y a pas de compte bancaire distinct. Mais il y a un montant qui peut être déterminé. Selon le libellé de l'article 2, ce montant qui peut être déterminé peut être uniquement utilisé [traduction] « au profit des membres du syndicat et à d'autres fins syndicales pertinentes, les utilisations précises devant être établies conformément aux articles 3, 4 et 5 ».

 

[12]    Alors que Me Meghji indique que je n'ai qu'à examiner l'article 2 pour conclure à l'existence d'une obligation absolue, je ne suis pas convaincu, compte tenu du seul libellé de l'article 2, que l'obligation absolue comprend autre chose que l'obligation de calculer un montant. Les articles 3, 4 et 5 indiquent ce qu'il faut faire avec le montant ainsi calculé. L'appelante soutient que l'obligation de contribuer au FSCP doit être interprétée comme une obligation absolue à l'égard du montant, c'est‑à‑dire selon l'expression que l'appelante a utilisée dans son plaidoyer, [TRADUCTION] « une obligation absolue à l'égard du montant en litige ». L'article 2 ne prévoit toutefois aucune obligation absolue de payer. Le mot « obligation » signifie‑t‑il implicitement l'obligation de payer? L'article 2 oblige en effet GM à faire quelque chose, et cette obligation est « absolue »; l'obligation consiste à contribuer au FSCP à mesure que les heures de travail supplémentaires sont effectuées.

 

[13]    Le libellé de l'article 2 prévoit que le montant contribué doit être utilisé d'une certaine manière, qui doit être établie conformément aux articles 3, 4 et 5. Ces articles stipulent clairement que le fonds devait être dépensé pour les programmes de garderies d'enfants et le régime de services juridiques et pour financer le régime de PSC, [TRADUCTION] « au besoin ». Selon mon interprétation du libellé de l'article 2, il reflète une intention d'obliger GM à calculer un certain montant destiné à un fonds et, selon l'entente conclue par GM et le syndicat, ce fonds doit être dépensé au profit des membres du syndicat et à d'autres fins syndicales, notamment :

 

(i)      pour financer des programmes, au besoin;

 

(ii)      pour financer des initiatives conjointement convenues;

 

(iii)     pour financer des objectifs renégociés à la fin de la période de la convention collective.

 

Je conclus que le libellé est ambigu concernant la question de savoir si l'entente de dépenser prend naissance au moment où les heures de travail supplémentaires sont effectuées ou lorsque l'objet précis de la dépense est établi.

 

[14]    J'examine maintenant l'intention déclarée des parties. Monsieur Cameron a déclaré ce qui suit[5] :

 

[traduction]

 

À compter de la création du FSCP en 1984, la société a toujours eu l'intention et voulu que les montants accumulés dans le FSCP soient irrévocablement destinés aux programmes du FSCP dès qu'ils sont gagnés, en raison des heures de travail des membres de l'unité de négociation des TCA‑Canada, nonobstant le fait que l'application des montants accumulés dans le FSCP à des utilisations particulières peut ne pas être complètement définie dans les modalités de la convention collective applicable et peut faire l'objet de discussions et d'un accord ultérieurs par la société et les TCA‑Canada.

 

[...]

 

À compter de la création du FSCP, la société a eu l'intention et voulu que, une fois que les montants à accumuler dans le FSCP seront ainsi gagnés, la société soit irrévocablement tenue de dépenser ces montants accumulés pour des programmes du FSCP. Bien que les programmes précis auxquels les montants accumulés du FSCP peuvent être appliqués puissent ne pas avoir été entièrement établis au moment où les heures de travail pertinentes sont effectuées, l'obligation de la société de dépenser les montants accumulés pour des programmes du FSCP est cristallisée au moment où les heures de travail pertinentes ont lieu, donnant par conséquent naissance à une obligation exigible en vertu de la convention collective.

 

Monsieur Gill a déclaré ce qui suit[6] :

 

[traduction]

 

À compter de la création du FSCP, le syndicat a eu l'intention et voulu que les montants accumulés dans le FSCP soient gagnés dès que les membres des unités de négociation des TCA‑Canada effectuent les heures de travail pertinentes.

 

À compter de la création du FSCP, le syndicat a eu l'intention et voulu qu'une fois que les montants à accumuler dans le FSCP seront ainsi gagnés, la société soit irrévocablement tenue de dépenser le montant accumulé pour des programmes du FSCP.

 

[15]    L'affidavit de M. Cameron comprend le passage [TRADUCTION] « que les montants accumulés dans le FSCP soient irrévocablement destinés aux programmes du FSCP dès qu'ils sont gagnés », ainsi que [TRADUCTION] « l'obligation de la société de dépenser les montants [...] est cristallisée au moment où les heures de travail pertinentes ont lieu ». Selon les mots de M. Gill, [TRADUCTION] « l'intention [...] que, une fois que les montants [...] seront ainsi gagnés, la société soit irrévocablement tenue de dépenser le montant accumulé pour des programmes du FSCP ». Ce libellé est beaucoup plus clair que le libellé de l'article 2 lui‑même, car il décrit de façon précise une obligation de dépenser.

 

[16]    Maître Gluch, pour l'intimée, indique qu'à moins qu'il y ait une ambiguïté dans le libellé du contrat, on ne peut recourir à une preuve extrinsèque. De plus, même si je reconnais que l'intention de GM et du syndicat était de créer une obligation absolue de paiement, cette intention ne fait pas en sorte qu'une telle obligation existe.

 

[17]    Les parties m'ont présenté un exposé conjoint des faits dans lequel l'appelante et l'intimée conviennent toutes deux que les décisions de la Cour canadienne de l'impôt et de la Cour d'appel fédérale étaient [TRADUCTION] « incompatibles avec la croyance des parties selon laquelle elles avaient créé une obligation absolue ». Les parties ont également présenté, dans un recueil conjoint de documents, les affidavits de M. Cameron et de M. Gill indiquant en termes précis la nature de l'obligation absolue. Compte tenu d'une telle déclaration dans l'exposé conjoint des faits, de la présentation conjointe des affidavits et de ce que j'estime être une ambiguïté dans le libellé de l'article 2, je suis disposé à accorder un poids considérable à la preuve par affidavit. Cette preuve démontre clairement que les parties au protocole d'entente avaient l'intention de créer, à mesure que les heures de travail supplémentaires étaient effectuées, une obligation absolue de dépenser le fonds.

 

[18]    Revenant donc à l'intention que j'ai tenté de définir uniquement en examinant l'article 2, je crois qu'il est maintenant possible d'apporter certains éclaircissements importants. Contrairement à la conclusion tirée dans la décision antérieure de notre Cour et de la Cour d'appel fédérale selon laquelle il existait une obligation de calculer, assortie d'un engagement à conclure un accord, je conclus que l'obligation que les parties souhaitaient absolue dans l'article 2 était une obligation de dépenser le fonds : en 1996, GM a convenu de dépenser 7,7 millions de dollars dans l'avenir. Le libellé de l'annexe H s'accorde aisément avec l'intention déclarée de GM et des TCA.

 

[19]    Compte tenu de la différence importante entre ma conclusion, selon laquelle l'article 2 crée une obligation immédiate, et la conclusion du juge Mogan, confirmée par le juge Malone, à l'égard de l'année 1995, selon laquelle l'article 2 crée uniquement une obligation d'effectuer une écriture comptable, un examen des articles 3, 4 et 5 prend une tout autre couleur. Le juge Mogan et le juge Malone ont examiné les articles 3, 4 et 5 pour déterminer s'ils établissaient une obligation absolue. Comme on pouvait s'y attendre, ils ont conclu qu'une telle obligation immédiate n'était pas créée, mais tout au plus une obligation éventuelle prenant naissance uniquement à la survenance des événements incertains décrits dans les articles 3, 4 et 5.

 

[20]    Au lieu d'examiner les articles 3, 4 et 5 pour conclure à la création d'une obligation absolue, je m'en rapporte à ces articles pour vérifier si leur effet est d'annuler l'obligation absolue découlant de l'article 2. Les conditions prévues dans ces articles transforment‑elles une obligation absolue en une simple obligation éventuelle? L'appelante fait valoir qu'une fois que je conclus que l'obligation absolue est créée dans l'article 2, il n'est pas nécessaire d'aller plus loin. Je ne suis pas d'accord. J'estime que le contrat doit être pris comme la somme de ses parties et je ne peux pas tout simplement faire abstraction des articles 3, 4 et 5, plus particulièrement lorsque l'article 2 renvoie précisément à ceux‑ci. Mais tel qu'il est indiqué plus haut, je peux les examiner d'un point de vue différent de celui adopté dans les décisions antérieures des cours.

 

[21]    J'examinerai ce que le juge Mogan et le juge Malone avaient à dire à propos des articles 2, 3, 4 et 5. Le juge Mogan a déclaré ce qui suit :

 

[...] Le paragraphe 2 n'exigeait pas que la compagnie [...] verse un montant à un fiduciaire, à un dépositaire, à un représentant ou à toute autre personne. [...] le paragraphe 2 exigeait que la compagnie effectue uniquement une écriture comptable.

 

Au paragraphe 17 des motifs du jugement, renvoyant à l'article 3, le juge Mogan a déclaré ce qui suit :

 

Il ne s'agit rien de plus que d'un engagement à conclure un accord. Il ne crée pas d'obligation.

 

Renvoyant à nouveau à l'article 3 du protocole d'entente, le juge Mogan déclare ce qui suit :

 

[...] Chaque phrase utilise les termes [TRADUCTION] « montant accumulé » et ne se réfère nullement à une obligation.

 

[22]    En ce qui a trait à l'expression qui se trouve à l'article 3 de l'annexe H, [TRADUCTION] « au besoin », concernant la dépense des fonds pour les trois programmes énumérés, le juge Mogan a déclaré ce qui suit :

 

[...] À mon avis, cette expression constitue au moins un indice d'une éventualité.

 

Le juge Mogan a conclu qu'il n'existait aucune obligation juridique de verser quelque montant que ce soit au 31 décembre 1995. Il est clair que le juge Mogan a fondé son analyse des articles 3, 4 et 5 sur l'hypothèse de l'absence d'obligation découlant de l'article 2. Pour l'essentiel, le juge Malone s'est dit d'accord en déclarant ce qui suit :

 

À mon avis, l'exigence imposée à General Motors d'accumuler de l'argent dans le fonds de prévoyance n'a pas créé d'obligation inconditionnelle en 1995. [...] Ce n'est qu'en cas de survenance de diverses éventualités précisées aux articles 3 et 4 que General Motors était légalement tenue de verser une somme d'argent.

 

Mais, si l'article 2 donne naissance à une obligation qui, selon ma conclusion, est l'essentiel de l'entente conclue par GM et les TCA, alors quel est l'effet du libellé des articles 3, 4 et 5?

 

[23]    Premièrement, l'article 3 énumère trois programmes pour lesquels le fonds doit être dépensé, [TRADUCTION] « au besoin ». Deuxièmement, les fonds peuvent être dépensés pour des initiatives conjointement convenues. Troisièmement, à l'expiration de la convention collective, les parties doivent renégocier l'utilisation des fonds. Cela est particulièrement important lorsque ces dispositions sont interprétées à la lumière de l'obligation de payer qui découle de l'article 2. Selon les modalités du fonds, cette obligation vise des montants qui [TRADUCTION] « doivent être utilisés exclusivement au profit des membres du syndicat et à d'autres fins syndicales pertinentes ». Ainsi, toute négociation à l'expiration de la convention concernant l'utilisation ne porte pas sur le montant (c'est‑à‑dire la question de savoir si le fonds doit être dépensé), mais porte uniquement sur la détermination des fins ou des programmes syndicaux pour lesquels le fonds sera dépensé. Cette interprétation est étayée par les paiements versés par la société en vertu de l'annexe H au fil des ans. Le FSCP a toujours été dépensé exclusivement au profit des membres du syndicat et à d'autres fins syndicales pertinentes.

 

[24]    De même, la réserve dont sont assortis les trois programmes selon laquelle l'argent doit être dépensé [TRADUCTION] « au besoin », dans le contexte d'une obligation de dépenser le fonds, peut être interprétée comme ne signifiant pas que le fonds ne sera pas dépensé, mais comme voulant dire qu'il pourra ne pas être dépensé pour ces programmes. En conséquence, les parties laissent la porte ouverte en évoquant d'autres [TRADUCTION] « initiatives conjointement convenues ». De plus, l'expression [TRADUCTION] « au besoin » pourrait tout aussi facilement être interprétée comme renvoyant au moment de la dépense : si le fonds n'est pas dépensé pour ces trois programmes pendant la durée de la convention collective, cela n'exclut pas la possibilité de dépenser le fonds pour ces programmes à une période ultérieure, au besoin.

 

[25]    Les articles 3, 4 et 5 n'abolissent pas l'obligation absolue de payer découlant de l'article 2; ils répondent tout simplement à la question du moment et de la manière de dépenser le fonds. Dans le contexte d'une obligation absolue de dépenser le fonds, ils n'appuient pas la position selon laquelle il existe une possibilité que le fonds ne soit pas dépensé. Tout bien pesé, ils appuient l'interprétation selon laquelle le fonds doit être dépensé. Si tous les montants ne sont pas versés pendant la durée de la convention collective, ils seront utilisés au profit des membres et à des fins syndicales plus tard. L'obligation de dépenser le fonds n'est pas conditionnelle à la survenance d'événements incertains.

 

[26]    Les avocats de l'appelante m'ont renvoyé aux décisions Fédération des Caisses populaires Desjardins de Montréal et de l'Ouest du Québec c. La Reine[7], Canadian Pacific Ltd. v. The Minister of Revenue (Ontario)[8] et Time Motors v. M.N.R.[9] pour illustrer le raisonnement de la Cour concernant la différence entre le moment où une obligation prend naissance et le moment où elle doit être exécutée, le moment où l'obligation prend naissance donnant lieu à la déduction. Je suis convaincu que les « conditions » des articles 3, 4 et 5 du protocole d'entente visent la manière dont l'obligation doit être acquittée et, par conséquent, compte tenu des principes énoncés dans les décisions citées, elles ne rendent pas l'obligation éventuelle. L'obligation existe. Elle est vérifiable. Que les fonds soient versés pour un programme ou un autre n'élimine pas l'obligation de verser les fonds. Comme l'indiquait le juge Sharlow dans l'arrêt Wawang Forest Products c. La Reine[10] :

 

[...] l'obligation de payer une certaine somme ne devient pas une obligation éventuelle simplement à cause d'événements qui peuvent se produire et qui auraient pour effet de réduire la valeur de l'obligation.

 

En l'espèce, on ne renvoie même pas à la possibilité d'une réduction du montant des fonds; on évoque simplement la possibilité que les fonds soient dépensés pour des programmes différents. Selon mon interprétation des dispositions, si les fonds ne peuvent être dépensés pour une fin syndicale précise, ils doivent l'être pour une autre fin syndicale : voilà ce qui était convenu par GM et les TCA.

 

[27]    Finalement, je souhaite aborder un passage des motifs du juge Malone se rapportant à ce qui est nécessaire pour conclure à l'existence d'une obligation absolue. Au paragraphe 26 du jugement de la Cour d'appel fédérale, le juge Malone a écrit ce qui suit :

 

[...] Toutefois, comme elle n'a versé aucune somme à un fiduciaire et qu'elle n'a autrement prélevé ou retiré aucune somme de son fonds de roulement normal, General Motors n'a contracté aucune obligation inconditionnelle ou dette identifiable. Il n'y a pas non plus de créancier identifiable ayant une créance légalement recouvrable contre General Motors relativement au solde relatif aux heures supplémentaires [...].

 

[28]    Dans l'affaire qui nous occupe, aucune somme n'a été versée à un fiduciaire ou retirée du fonds de roulement. Cela ne porte toutefois pas un coup fatal à la position de GM. Comme Me Gluch, pour l'intimée, l'a reconnu, le prélèvement et la nomination de fiduciaires sont des facteurs à prendre en considération, mais ils ne sont pas déterminants quant à la question en litige. En effet, le fait d'effectuer un versement à un fiduciaire à la fois créerait et acquitterait l'obligation : il y aurait eu un paiement.

 

[29]    Quant à la question de l'existence d'un créancier identifiable, je me demande ce qui se serait produit si GM avait fait faillite à la fin de 1996. Si l'on concluait à l'existence d'une obligation absolue de dépenser le FSCP au profit des membres du syndicat ou pour des fins syndicales, le syndicat serait en mesure de présenter un recours au nom de ses membres pour violation anticipative. L'obligation existait et le montant était connu. Je conclus qu'il y a une entité, le syndicat, qui pourrait poursuivre GM lors de la procédure de faillite pour qu'elle remplisse sa promesse. Tout cela revient à dire que compte tenu des différents faits devant moi appuyant la création d'une obligation absolue, il est possible de répondre à la préoccupation du juge Malone à l'égard d'un créancier identifiable.

 

[30]    Bien que j'hésite quelque peu à rendre une décision contraire aux décisions antérieures de la Cour canadienne de l'impôt et de la Cour d'appel fédérale étant donné que la plupart des faits sont identiques, l'important est que tous les faits ne sont pas identiques. Un fait très important est différent, soit la nature même de l'accord. Ce que GM n'a pas réussi à prouver en se fondant sur les faits dont était saisi le juge Mogan, elle a été en mesure de le démontrer à la lumière des faits devant moi, à savoir que les parties avaient l'intention de créer, et ont en effet créé, une obligation absolue de payer, et que les articles 3, 4 et 5 de l'annexe H n'ont pas modifié l'obligation absolue pour en faire une obligation éventuelle. En conséquence, j'accueille l'appel et je défère l'affaire au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que la portion non dépensée de 7 741 002 $ du FSCP est à juste titre déductible en 1996. Les dépens sont adjugés à l'appelante.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de décembre 2006.

 

 

« Campbell J. Miller »

Le juge Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de novembre 2008.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 [traduction]

ANNEXE H

 

Protocole d'entente

 

Visant le fonds spécial canadien de prévoyance

 

Conclu ce vingt‑neuvième jour de septembre 1993

 

ENTRE :

 

General Motors du Canada Limitée, ci‑après la « société »

 

ET :

 

Le Syndicat national des TCA et ses sections locales no 222, 1973, 199, 303, 1163, 27 et 636, ledit Syndicat national des TCA et lesdits syndicats locaux étant ci‑après désignés le « syndicat ».

 

La société et le syndicat conviennent de ce qui suit :

 

1.         Le Fonds spécial canadien de prévoyance sera maintenu pendant la durée de la convention collective cadre de 1993.

 

2.         Le L'obligation de la société de contribuer au Fonds spécial canadien de prévoyance correspondra à l'ajout par la société sera calculée à raison de deux dollars (2 $) par heure de travail supplémentaire effectuée par tous les employés visés qui excède cinq pour cent (5 %) des heures de travail normales de chacun des employés visés par la convention collective et calculées sur une moyenne mobile de douze mois. Pour plus de certitude, la société et le syndicat conviennent que l'obligation de la société de contribuer au Fonds spécial canadien de prévoyance, telle qu'elle est prévue au présent article 2, prend naissance et devient absolue dès que les heures de travail supplémentaires décrites dans la phrase qui précède sont effectuées. La société et le syndicat conviennent que les montants accumulés dans le Fonds spécial canadien de prévoyance doivent être utilisés exclusivement au profit des membres du syndicat et à d'autres fins syndicales pertinentes, les utilisations précises devant être établies conformément aux articles 3, 4 et 5, ci-après.

 

3.         Pendant la durée de la convention collective cadre de 1993, le Fonds spécial canadien de prévoyance sera utilisé principalement pour soutenir les programmes négociés de garderies d'enfants et le régime de services juridiques et pour financer le régime canadien de PSC, au besoin. Il pourra également être utilisé pour financer les initiatives conjointement convenues comme cela sera décidé par le président du Syndicat national des TCA et le vice‑président et directeur général du personnel. En tout temps, le solde du Fonds spécial de prévoyance doit être égal au montant accumulé cumulatif calculé selon l'article 2 ci‑dessus, moins l'utilisation cumulative calculée conformément au présent article 3. Le montant accumulé cumulatif et l'utilisation cumulative incluent les soldes reportés des conventions antérieures.

 

4.         L'utilisation du Fonds SCP pour soutenir le régime de PSC sera décidée uniquement en fonction du montant de l'unité de base d'annulation des crédits (UBAC) qui sera déterminé, de temps à autre, selon le régime de PSC aux fins d'établissement du taux d'annulation des crédits lors du paiement des prestations régulières en vertu du régime de PSC.

 

Si le montant de l'UBAC serait inférieur au montant applicable, rendant nécessaire une augmentation de l'unité de base d'annulation des crédits de 3,33 à 5,00 unités pour les employés

 

qui ont une année de service, mais moins de cinq années de service, la société versera chaque semaine des fonds au régime canadien de PSC provenant du solde du Fonds SCP. Ces versements supplémentaires du Fonds SCP représenteront un montant qui, avec le montant des versements ordinaires effectués par la société au régime canadien de PSC la semaine en question, sera suffisant pour payer toutes les prestations du régime canadien de PSC qui sont dues et payables à cette date et pour empêcher l'UBAC de tomber sous le seuil qui exigerait l'augmentation du taux d'annulation décrite ci‑dessus. À tout moment où le solde du Fonds SCP sera épuisé, les dispositions normales du régime de PSC s'appliqueront.

 

5.         À la fin de la durée de la convention collective cadre de 1993, les parties négocieront l'utilisation du solde qui restera dans le Fonds spécial canadien de prévoyance.

 

Veuillez agréer l'expression de nos salutations distinguées.

 

W. E. Tate

B. Hargrove

Vice‑président et

Président

Directeur général du personnel

Syndicat national des TCA

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2006CCI638

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :    2003‑760(IT)G

 

INTITULÉ :                                       General Motors du Canada Limitée et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 12 octobre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable juge Campbell J. Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 1er décembre 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelante :

Mes Al Meghji et Gerald Grenon

Avocats de l'intimée :

Mes Henry A. Gluch et Andrea Jackett

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelante :

 

                   Nom :           Mes Al Meghji et Gerald Grenon

 

                   Cabinet :      Osler, Hoskin & Harcourt LLP

 

          Pour l'intimée :       John H. Sims, c.r.

                                       Sous‑procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada



[1]           La question du FSCP est traitée dans les actes de procédure aux paragraphes suivants : avis d'appel modifié, par. 12‑16, al. 47b) et par. 50; réponse à l'avis d'appel modifié, par. 3‑7, al. 14a)‑e), par. 15‑17, sous-al. 19(i)‑(ii) et par. 21‑23. Ces parties des actes de procédure sont reproduites dans le recueil de documents, volume 1, onglets 1 et 2.

 

[2]           General Motors du Canada ltée c. La Reine, 2003 CCI 815, [2004] 1 C.T.C. 2999, confirmée par 2004 CAF 370, [2005] 1 C.T.C 56, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2005] A.C.S.C. no 3 (QL), 2005 CarswellNat 1376.

 

[3]           Volume des documents menant à la sentence de l'arbitre Earl E. Palmer, c.r., rendue le 24 mars 2005, et contenant celle-ci; recueil de documents, vol. II.

 

[4]           Précité.

 

[5]           Recueil conjoint de documents, volume 2, onglet 2, paragraphes 9 et 23.

 

[6]           Recueil conjoint de documents, volume 2, onglet 3, paragraphes 4 et 5.

 

[7]           2001 CAF 27, 2002 D.T.C. 7413.

 

[8]           41 O.R. (3d) 606, 99 D.T.C. 5286 (C.A. Ont.).

 

[9]           [1969] R.C.S. 501, 69 D.T.C. 5149.

 

[10]          2001 CAF 80, 2001 D.T.C. 5212.

 

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