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Dossier : 2004-3009(IT)I

ENTRE :

DEANNA BAILEY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Appel entendu le 11 janvier 2005 à Halifax (Nouvelle-Écosse)

Devant : L'honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions :

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :

Me Christa MacKinnon

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JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'égard de la cotisation établie par le ministre du Revenu national pour l'année d'imposition 2002 relativement aux montants de prestation fiscale canadienne pour enfants est accueilli avec dépens, le cas échéant, et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelante a le droit de déduire le montant de 2 962 $ qu'elle a payé à Crossroads Academy en 2002 au titre de frais de garde d'enfants.

       Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d'avril 2005.

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour d'octobre 2005.

Marie-Christine Gervais, traductrice


Référence : 2005CCI305

Date : 20050429

Dossier : 2004-3009(IT)I

ENTRE :

DEANNA BAILEY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Rip

[1]      Mme Deanna Bailey interjette appel à l'égard d'une cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) pour l'année d'imposition 2002 dans laquelle le ministre du Revenu national a refusé une partie du montant qu'elle a déduit au titre de frais de garde d'enfants. Selon le ministre, le montant en cause a été payé par Mme Bailey pour l'éducation de sa fille et non pour la garde de l'enfant.

[2]      Pendant la période visée, Mme Bailey et son époux travaillaient à temps plein et pendant qu'ils travaillaient, leurs deux enfants devaient être surveillés par des personnes responsables. Avant 2002, Mme Bailey avait inscrit sa fille aînée au Point Pleasant Child Care Centre à Halifax. À l'automne 2002, Mme Bailey a voulu inscrire sa fille à la maternelle dans une école publique d'Halifax. Cependant, sa fille, qui allait avoir cinq ans le 11 octobre 2002, ne pouvait pas commencer la maternelle en Nouvelle-Écosse, étant donné que selon les règlements provinciaux les enfants doivent [TRADUCTION] « avoir cinq ans au plus tard le premier jour d'octobre » pour entrer dans le système d'écoles publiques.

[3]      Comme la fille de Mme Bailey est née dix jours trop tard pour s'inscrire à une école publique d'Halifax, Mme Bailey a étudié deux possibilités. Elle pouvait envoyer de nouveau sa fille au Point Pleasant Child Care Centre pour 5 000 $ par an ou bien l'envoyer à Crossroads Academy pour 4 000 $ par an. Elle a choisi d'envoyer sa fille à Crossroads Academy.

[4]      Mme Bailey a décrit Crossroads Academy comme une école primaire privée qui dispense de l'enseignement aux enfants de la maternelle à la sixième année. Sa fille allait à la maternelle, et il ne fait aucun doute qu'à la maternelle l'enfant reçoit une éducation. L'école offre aussi des activités avant et après l'enseignement général. L'école est ouverte de 7 h 30 à 17 h, et la fille de Mme Bailey restait à l'école durant toute la période. Dans la nouvelle cotisation qu'il a établie à l'égard de l'appelante, le ministre a considéré que la partie des frais payés pour les quatre heures pendant lesquelles l'enseignement était dispensé comme des frais payés pour l'éducation de l'enfant et non comme des frais de garde. En d'autres mots, le temps que l'enfant passe à la maternelle entre dans la catégorie de l'éducation, et le temps que l'enfant passe à l'école immédiatement avant et après la maternelle entre dans la catégorie de la garde d'enfants.

[5]      La question à trancher dans le présent appel est de savoir si le montant de 2 962 $ payé à Crossroads Academy en 2002 constitue des frais de garde d'enfants.

[6]      L'article 63 prévoit une déduction limitée pour les parents qui ont besoin que leurs enfants soient surveillés parce qu'ils occupent un emploi à l'extérieur de la maison. Le paragraphe 63(3) prévoit une déduction générale des frais que les parents qui travaillent doivent engager pour la garde de leurs enfants. Cette déduction est limitée si le montant a été payé pour divers autres services comme l'éducation, les soins hospitaliers ou la pension et le logement.

[7]      Le paragraphe 63(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu donne la définition suivante de l'expression « frais de garde d'enfants » :

« frais de garde d'enfants » Frais engagés au cours d'une année d'imposition dans le but de faire assurer au Canada la garde de tout enfant admissible du contribuable, en le confiant à des services de garde d'enfants, y compris des services de gardienne d'enfants ou de garderie ou des services assurés dans un pensionnat ou dans une colonie de vacances, si les services étaient assurés :

a)          d'une part, pour permettre au contribuable, ou à la personne assumant les frais d'entretien de l'enfant pour l'année, qui résidait avec l'enfant au moment où les frais ont été engagés d'exercer l'une des activités suivantes :

(i) remplir les fonctions d'une charge ou d'un emploi,

[...]

toutefois ne constituent pas des frais de garde d'enfants :

[...]

d)          pour plus de précision, les frais médicaux visés au paragraphe 118.2(2) et les autres frais payés au titre des soins médicaux ou hospitaliers, de l'habillement, du transport, de l'éducation et de la pension et du logement, sauf dispositions contraires à la présente définition.

[8]      Pour déterminer la signification de l'expression « frais de garde d'enfants » ( « child care expenses » en anglais), il est utile d'examiner la définition du mot « garde » . Le Canadian Oxford English Dictionary[1] définit le mot « garde » ( « care » ) de la façon suivante : [TRADUCTION] « action de veiller sur une personne ou une chose, de subvenir aux besoins d'une personne ou d'entretenir une chose; la fourniture de ce qui est nécessaire pour la santé ou la protection » .

[9]      La version française confirme l'importance de la protection de l'enfant, étant donné que l'équivalent de l'expression anglaise « child care expenses » est « frais de garde d'enfants » , ce qui veut dire les coûts engagés pour surveiller les enfants.

[10]     Le ministre allègue que les frais payés à Crossroads Academy pour la maternelle correspondent à un montant payé pour l'éducation de l'enfant et qu'ils sont donc exclus de la définition de « frais de garde d'enfants » . L'argument du ministre est fondé sur le fait qu'il croit qu'en raison de l'exception figurant à l'alinéa 63(3)d), les frais de garde d'enfants ne peuvent pas inclure les frais engagés pour recevoir une certaine forme d'éducation. En faisant cela, il ne tient pas compte de la distinction entre le mot « to » et le mot « for » dans la langue anglaise. Une simple lecture du paragraphe 63(3) en anglais permet de constater que le mot « for » implique un objet ou un but, l'accent étant ainsi mis sur la raison pour laquelle les montants ont été payés et non pas sur l'identité de la personne qui les a reçus.

[11]     L'article 12 de la Loi d'interprétation[2] exige que tous les textes soient interprétés de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de leur objet. Même s'il n'est pas nécessaire de considérer l'intention du législateur lorsque la disposition est claire, dans ce cas-ci, cela permet d'appuyer davantage une telle interprétation. Interprété ainsi, l'article 63 doit être examiné dans le contexte de la loi dans son ensemble et en tenant compte de « l'objet et de l'esprit » de la disposition, ainsi que de son but[3].

[12]     Dans l'affaire Symes c. Canada[4], le juge Iacobucci a fait mention de l'objet et de l'esprit qui sous-tendent la déduction pour les frais de garde d'enfants lorsqu'il a invoqué les Propositions de réforme fiscale (1969), (E.J. Benson, ministre des Finances).

    2.7 Nous proposons de permettre aux parents qui travaillent de déduire certaines dépenses afférentes à la garde des enfants. Lorsque les deux conjoints travaillent, ou lorsque l'enfant n'a qu'un parent et que ce dernier travaille, bien prendre soin des enfants est un problème personnel aussi bien que social. Nous estimons souhaitable, tant du point de vue social qu'économique, qu'il soit possible de déduire du revenu, en plus de la déduction générale accordée à l'égard des enfants, certaines dépenses afférentes à la garde des enfants, sous certaines conditions bien déterminées.

[...]

    2.9 Cette nouvelle déduction pour la garde des enfants constituera une réforme majeure. Le nombre exact de familles qui pourront en bénéficier ne peut pas être prévu mais, selon toute probabilité, il se chiffrera par plusieurs centaines de milliers. Cette nouvelle déduction aidera les nombreuses mères qui travaillent ou qui veulent travailler afin d'accroître le revenu familial, mais qui reculent devant les dépenses qu'entraîne la garde de leurs enfants. Pour les familles qui se trouvent dans cette situation, ces dépenses représentent un coût qu'elles doivent assumer en vue de gagner leurs revenus. [...]

[13]     Le législateur a adopté cette disposition dans le but d'aider les parents qui travaillent en leur donnant une subvention pour les frais de garde d'enfants au moyen d'une déduction. Compte tenu du but de la disposition, il est difficile d'accepter la conclusion du ministre selon laquelle les frais engagés pour veiller sur l'enfant de parents qui travaillent doivent être refusés uniquement parce qu'ils comportent un élément relatif à l'éducation. Une telle interprétation dénaturerait clairement l'intention du législateur car elle exclurait probablement tous les types de frais de garde d'enfants, et plus particulièrement ceux relatifs à un jeune enfant; en effet, pour un jeune enfant, presque toutes les interactions positives constituent de l'éducation - que ce soit la discipline, les émissions télévisées, les histoires ou les jeux.

[14]     Cela étant dit, la question est de savoir qu'elle est la principale raison pour laquelle Mme Bailey a inscrit sa fille à Crossroads?

[15]     Comme il est mentionné ci-dessus, M. et Mme Bailey travaillaient à temps plein et leurs enfants devaient être surveillés pendant leur absence. Mme Bailey n'était pas obligée d'inscrire sa fille à l'école, mais elle a indiqué dans son témoignage qu'elle préférait que sa fille aille à l'école plutôt qu'à son ancienne garderie. Par conséquent, je conclus que Mme Bailey a inscrit sa fille à Crossroads Academy parce qu'il s'agissait de services de garde d'enfants fournis à un prix raisonnable et que l'éducation que sa fille a reçue constitue un avantage accessoire.

[16]     L'appel est accueilli avec dépens, le cas échéant.

       Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d'avril 2005.

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour d'octobre 2005.

Marie-Christine Gervais, traductrice


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI305

NO DU DOSSIER DE LA COUR :      2004-3009(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Deanna Bailey c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 11 janvier 2005

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Gerald J. Rip

DATE DU JUGEMENT :                    Le 29 avril 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :

Me Christa MacKinnon

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

       Pour l'appelante :

                   Nom :                             

                   Étude :

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)



[1]                Canada, Oxford University Press, 1998.

[2]                L.R.C. (1985), chap. I-21.

[3]               Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622; Singleton c. Canada, [2001] 2 R.C.S. 1046.

[4]                94 DTC 600, p. 6019.

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