Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2004-720(IT)I

ENTRE :

CAROL BUMA,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

et

SIMON BUMA,

tiers.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu le 1er novembre 2004, à Ottawa, Canada

Devant : L'honorable juge G. Sheridan

Comparutions :

Avocate de l'appelante :

Me Hélène Desormeau

Avocate de l'intimée :

Me Joanna Hill

Pour le tiers :

Simon Buma

JUGEMENT

          L'appel de la nouvelle détermination faite par le ministre du Revenu national à l'égard des années de base 2000 et 2001 est accueilli et l'affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu'il effectue une nouvelle détermination en fonction de ce qui suit :

1) l'appelante, Carol Buma, était le « particulier admissible » pour les mois de mai et juin 2002;

2) le tiers, Simon Buma, était le « particulier admissible » pour les mois de juillet, août, septembre et octobre 2002.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de décembre 2004.

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de juin 2005.

Hélène Tremblay, traductrice


Référence : 2004CCI808

Date : 20041209

Dossier : 2004-720(IT)I

ENTRE :

CAROL BUMA,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

et

SIMON BUMA,

intervenant.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Sheridan

[1]      L'appelante, Carol Buma, interjette appel de la nouvelle détermination faite par le ministre du Revenu national selon laquelle, pour les années de base 2000 et 2001, elle n'était pas le « particulier admissible » au sens de l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu et, par conséquent, elle n'avait pas droit à la prestation fiscale pour enfants. L'ex-époux de Mme Buma, Simon Buma, est ajouté ici comme tiers en application de l'article 174 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Ce dernier appuie la position du ministre selon laquelle il était le « particulier admissible » pour la période en question. Au début de l'audience, les deux parties ont convenu que seule la période d'avril à octobre 2002 était remise en question dans cet appel.

[2]      La première question de cet appel est de savoir si Mme Buma résidait[1] avec ses enfants. Il incombe à Mme Buma de réfuter l'hypothèse du ministre selon laquelle elle ne résidait pas avec ses enfants. Ce n'est que si elle réussit à prouver cette question préjudicielle, qu'il sera nécessaire de déterminer si elle était la personne qui assumait principalement la responsabilité[2] pour « le soin et l'éducation » des enfants. Pour ce qui est de cette question, il incombe alors à la Couronne de réfuter la présomption créée aux termes de l'alinéa f)[3] de la définition de « particulier admissible » donnés à l'article 122.6 selon laquelle Mme Buma, en tant que mère, assumait ce rôle. Si la Couronne réussit à prouver son point, l'article 6302 du Règlement de l'impôt sur le revenu entre en jeu. Dans l'établissement de sa détermination de la personne qui assumait principalement la responsabilité pour « le soin et l'éducation » des enfants, la Cour doit tenir compte des facteurs présentés à l'article 6302.

[3]      Voici les dispositions qui s'appliquent ici :

Article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu :

« particulier admissible » S'agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l'égard d'une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

a) elle réside avec la personne à charge;

b) elle est la personne - père ou mère de la personne à charge - qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de cette dernière;

[...]

f) si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge est présumée être la mère;

g) la présomption visée à l'alinéa f) ne s'applique pas dans les circonstances prévues par règlement;

h) les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne.

Article 6302 du Règlement de l'impôt sur le revenu :

Pour l'application de l'alinéa h) de la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne à charge admissible :

a)          le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

b)          le maintien d'un milieu sécuritaire là où elle réside;

c)          l'obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

d)          l'organisation pour elle d'activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

e)          le fait de subvenir à ses besoins lorsqu'elle est malade ou a besoin de l'assistance d'une autre personne;

f)           le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

g)          de façon générale, le fait d'être présent auprès d'elle et de la guider;

h)          l'existence d'une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

[4]      Mme et M. Buma ont tous deux témoigné à l'audience. Avant leur séparation, ils exploitaient ensemble une ferme laitière. Mme Buma avait comme responsabilité le bon fonctionnement de la maison, mais elle participait aussi à la traite et aux autres tâches liées à la ferme. Mme et M. Buma ont quatre enfants qui sont des « personnes à charge admissibles » [4], au sens de la Loi. Leur mariage a pris fin le 1er avril 2002. Même si Mme Buma est demeurée dans la maison familiale pendant le mois d'avril et a continué d'effectuer les tâches ménagères normales et à jouer son rôle de mère, elle et M. Buma vivaient séparés dans la résidence. Selon les alinéas 11 c) et i) de la réponse à l'avis d'appel, le ministre présumait que Mme Buma avait quitté la maison familiale le 1er avril 2002. Cependant, je conclus qu'elle est partie seulement au début du mois de mai 2002, soit après que la famille ait célébré l'anniversaire d'un des enfants.

[5]      La dissolution d'un mariage est souvent difficile, et c'est d'autant plus compliqué dans le contexte d'une ferme où les parties ne partageaient pas seulement un mode de vie, il partageaient aussi une source de revenus. Parce que Mme Buma et son ex-époux étaient en train de négocier la répartition des biens matrimoniaux, Mme Buma n'était pas en mesure d'acheter une maison dans laquelle elle pourrait se retrouver avec les enfants ou de subvenir à leurs besoins quand ils étaient avec elle. De son côté, pendant la période en question, M. Buma vivait et travaillait toujours à la ferme. Les enfants étaient avec lui et, même s'il devait subvenir à leur besoins matériels, il détenait aussi la seule source de revenus du couple, soit la ferme. Pour cette raison, il a « avancé » [5] environ 10 000 $ à Mme Buma entre avril et octobre 2002, étant entendu que des rajustements seraient effectués en conséquence après la conclusion de l'entente sur la répartition des biens matrimoniaux. Les éléments de preuve concernant la répartition des biens matrimoniaux étaient incomplets et, quoi qu'il en soit, ils ne préoccupent pas la Cour. Toutefois, je suis convaincue que les parties ont fini par conclure une entente qui tenait compte des avances faites par M. Buma dans la répartition des biens.

[6]      À l'exclusion de leurs problèmes conjugaux, la mère et le père souhaitaient que leurs enfants continuent de vivre à la ferme. Dans son témoignage, Mme Buma a affirmé que sa principale préoccupation était que les enfants puissent grandir à la ferme qu'ils aiment. C'est pour cette raison que lorsqu'elle est partie, en mai 2002, Mme Buma a seulement apporté ses effets personnels. Tous les meubles et les appareils devaient rester à la ferme, et les rajustements effectués lors de la répartition définitive des biens devaient tenir compte de cela. Mme Buma a habité temporairement chez des amis et des membres de la famille jusqu'au 31 octobre 2002, moment où elle a pris possession de sa nouvelle maison. Pendant les mois de mai et de juin, elle passait ses journées à la ferme et continuait de prendre soin des enfants, de tenir maison et, même si c'était dans une moins grande mesure, d'aider aux travaux de la ferme. Après la fin des cours, au moins de juin, Mme Buma passait beaucoup moins de temps à la ferme. Elle était allée camper pendant une semaine avec les enfants et elle les sortait parfois au cinéma ou les amenait faire d'autres activités.

[7]      Tout d'abord, en ce qui a trait aux mois de mai et de juin 2002, je suis convaincu, selon la preuve qui m'a été présentée, que pendant ces deux mois-là, Mme Buma a continué d'habiter avec les enfants. La fin de sa relation conjugale avec son ex-époux n'a pas changé le rôle qu'elle jouait en tant que mère et que travailleuse de la ferme pendant ces deux mois-là. Tout ce qui avait changé était qu'elle ne dormait pas à la maison, ce qui, à mon avis, n'est pas assez pour modifier son statut de personne résidant avec les enfants.

[8]      Donc, étant donné qu'il est établi qu'elle résidait avec les enfants au sens de l'alinéa a) de la définition de « particulier admissible » donnée à l'article 122.6, Mme Buma est admissible à l'avantage de présomption présenté à l'alinéa f) de cette même définition. Je constate que le ministre n'a pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Buma n'était pas la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation des enfants pendant les deux mois en question. Dans son témoignage, M. Buma a admis la contribution continue de Mme Buma non seulement au soin des enfants, mais aussi au fonctionnement de la ferme. J'accepte le témoignage de Mme Buma qui indique que, jusqu'à la fin de l'année scolaire, elle a continué de conduire les enfants à l'école, de préparer leur dîner, d'aller les chercher après l'école, de les conduire à leurs activités sportives et à leurs rendez-vous chez le médecin ou chez le dentiste, et de les aider à faire leurs devoirs. De plus, elle faisait tous les travaux ménagers (y compris le lavage, que M. Buma a admis ne pas être capable de faire avant le mois de juillet, quand sa belle-mère lui a donné des conseils à ce sujet) et la préparation des repas de la famille. Il s'agit précisément du type d'activités compris dans les critères énoncés à l'article 6302 du Règlement de l'impôt sur le revenu. Donc, pour tous ces motifs, je conclus que Mme Buma était le « particulier admissible » pour la période en question.

[9]      Cependant, en juillet 2002, les choses avaient changé. En ce qui a trait à la question de résidence, je conclus que Mme Buma ne résidait plus avec les enfants pendant la période de juillet à octobre 2002. Le temps qu'elle passait avec eux était beaucoup moins long. À la ferme, sa présence était sporadique et limitée, et s'apparentait plus à celle d'un visiteur. Après qu'elle ait quitté la ferme, à l'exception de la semaine qu'elle a passée en camping avec eux, il n'y avait pas d'endroit convenable lui permettant de passer assez de temps avec les enfants. Par conséquent, les enfants ont passé la plupart de leur temps de vacances scolaires à la ferme avec leur père, à l'aider à faire certaines tâches, selon leur âge, à nager dans la piscine familiale et à jouer dehors. Quand ils sont retournés à l'école à l'automne, étant donné que leur mère n'était pas là, ils se préparaient eux-mêmes pour l'école, ils prenaient l'autobus scolaire plutôt que de se faire conduire par leur mère et ils (avec leur père) assumaient la responsabilité des tâches ménagères qui relevaient auparavant de leur mère. Bien que j'accepte que leur mère leur apportait parfois des gâteaux et des biscuits quand elle leur rendait visite, il s'agissait seulement d'ajouts aux provisions normales de la ferme. Tous les articles qui étaient nécessaires à leur vie quotidienne (la nourriture, les vêtements, la literie, les jouets, les livres d'école et d'autres articles de maison, comme le téléphone) se trouvaient à la ferme. Je ne doute pas que le lien émotif qui unissait Mme Buma et ses enfants, et l'intérêt qu'elle leur portait, était resté aussi important qu'il l'avait été pendant la période précédente, mais la notion de résidence effective est une toute autre chose que ce lien. Selon les faits présentés et en application de la Loi, on peut difficilement déterminer que Mme Buma résidait avec ses enfants entre les mois de juillet et octobre 2002. La condition de résidence contenue à l'article 122.6 n'est donc pas remplie. Ce fait est suffisant pour empêcher Mme Buma de demander le statut de « particulier admissible » pour la période en question. De plus, je conclus que M. Buma résidait avec les enfants pendant cette période et qu'il assumait principalement la responsabilité pour leur soin et leur éducation.

[10]     Par conséquent, l'appel est accueilli, et la nouvelle détermination faite par le ministre à l'égard des années de base 2000 et 2001 est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu'il effectue une nouvelle détermination en fonction du fait que l'appelante, Carol Buma, était le « particulier admissible » pour les mois de mai et juin 2002, et que le tiers, Simon Buma, était le « particulier admissible » pour les mois de juillet, août, septembre et octobre 2002.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de décembre 2004.

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de juin 2005.

Hélène Tremblay, traductrice


RÉFÉRENCE :

2004CCI808

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-720(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Carol Buma et Sa Majesté la Reine et

Simon Buma

LIEU DE L'AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 1er novembre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable juge G. Sheridan

DATE DU JUGEMENT :

Le 9 décembre 2004

COMPARUTIONS :

Avocate de l'appelante :

Me Hélène Desormeau

Avocate de l'intimée :

Me Joanna Hill

Pour le tiers :

Simon Buma

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Me Hélène Desormeau

Cabinet :

Cass Grenkie

Chesterville (Ontario)

Pour le tiers :

Nom :

Cabinet :

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1] Selon l'alinéa a) de la définition de « particulier admissible » donnée à l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[2] Selon l'alinéa b) de la définition de « particulier admissible » donnée à l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[3] L'alinéa g) de la définition de « particulier admissible » donnée à l'article 122.6 ne s'applique pas aux faits de cet appel.

[4] Selon l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu

[5]

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.