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Dossier : 2002-2464(IT)G

ENTRE :

BJ SERVICES COMPANY CANADA

LA SUCCESSEURE DE NOWSCO WELL SERVICE LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu le 5 mai 2003 à Calgary (Alberta)

Devant : L'honorable juge Diane Campbell

Comparutions

Avocats de l'appelante :

Me W. Clarke Hunter

Me Harold A. Jacques

Me Dion J. Legge

Avocats de l'intimée :

Me Bonnie F. Moon

Me Mark Hazeltine

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel interjeté à l'encontre d'une cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour la période se terminant le 13 juin 1996 est accueilli avec dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de décembre 2003.

« Diane Campbell »

Juge Campbell

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mars 2004.

Louise-Marie LeBlanc, traductrice


Référence : 2003CCI900

Date : 20031203

Dossier : 2002-2464(IT)G

ENTRE :

BJ SERVICES COMPANY CANADA

LA SUCCESSEURE DE NOWSCO WELL SERVICE LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Campbell

INTRODUCTION

[1]      Le présent appel vise la déductibilité des dépenses engagées par Nowsco Well Service Ltd. ( « Nowsco » ) pour répondre à l'offre publique d'achat hostile de BJ Services Company Canada ( « BJ » ), un événement qui a dominé le milieu des affaires canadien au cours des années 90. Le 1er avril 1996, BJ a proposé à Nowsco une fusion spontanée visant l'acquisition de toutes les actions ordinaires de Nowsco au prix de 27 $ l'action. Dans les semaines qui ont suivi, les directeurs de Nowsco ont retenu les services de conseillers financiers et juridiques et ont ainsi engagé des dépenses importantes pour régler les honoraires de RBC Dominion Valeurs mobilières Inc. ( « RBC » ), de Simmons & Company International, située à Houston, au Texas ( « Simmons » ), du cabinet d'avocats Blake Cassels & Graydon ( « Blake » ), de KPMG Peat Marwick Thorne Accountants ( « KPMG » ) et aussi du cabinet d'avocats MacLeod Dixon ( « MacLeod » ). L'appelante a engagé d'autres dépenses pour trouver un « chevalier blanc » qui serait intéressé à présenter une offre concurrente pour l'acquisition des actions de Nowsco. Ainsi, deux ensembles de dépenses distinctes ont été engagés et étaient dus au présumé « chevalier blanc » , Great Lakes Chemical Corporation ( « GLCC » ), des dépenses désignées frais de [traduction] « engagement » et frais de « rupture » .

CONTEXTE ET FAITS

[2]      Le 13 juin 1996, BJ a réussi, malgré une offre d'achat de GLCC, à acquérir les actions de Nowsco. Pour l'année d'imposition se terminant le 13 juin 1996, Nowsco a déduit toutes les dépenses susmentionnées dans le calcul de ses revenus aux fins d'impôt. Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a plus tard procédé à une nouvelle cotisation et a refusé d'admettre les déductions. C'est pour cette raison que l'appelante, la successeure de Nowsco, a interjeté appel à l'encontre de cette cotisation.

[3]      Au cours de la présentation des observations préliminaires, les avocats ont informé la Cour qu'un certain nombre de questions en litige mineures avaient été résolues et que le ministre devait procéder à une nouvelle cotisation en fonction de la décision prise dans le présent appel. On s'était entendu que les frais juridiques versés à Blake ainsi que les frais de comptabilité versés à KPMG seraient admissibles aux fins de déduction ainsi que certains autres frais généraux et dépenses diverses. Aux fins du présent appel, je dois décider si les dépenses suivantes sont déductibles :

           1)        RBC                                                                    13 070 777 $

           2)       Simmons                                                                5 171 164 $

           3)        GLCC - a) frais d'engagement                             6 900 000 $

                                     b) frais de rupture                                 23 601 591 $

[4]      L'affaire BJ Services Company Canada v. R., [2002] G.S.T.C. 124 (C.C.I.), complémentaire au présent appel et décidé par le juge Miller, visait l'application de la taxe sur les produits et services et l'admissibilité du crédit de taxe sur les intrants en ce qui concerne les frais de consultation juridique et financière versés à Blake, à RBC et à Simmons. Le juge Miller a conclu que les dépenses avaient été engagées dans le cadre des « activités commerciales » de Nowsco conformément au paragraphe 169(1) de la Loi sur la taxe d'accise. La présente affaire vise non seulement la déductibilité des honoraires versés à RBC et à Simmons en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais aussi la déductibilité des frais de [traduction] « engagement » et de « rupture » versés à GLCC.

[5]      Nowsco constituait une société cotée en bourse offrant des services de stimulation des puits ainsi que des services d'entretien et de réparation de pipelines dans l'industrie du gaz et du pétrole. La société était en affaires depuis le début des années 60. Au fil des années, cette entreprise est passée de quelques employés à ses débuts à un personnel de plus de 2 000 employés travaillant à l'échelle mondiale. Selon le témoignage de Stanley Shouldice, le directeur de l'entreprise, Nowsco est devenue une société cotée en bourse en 1971. Au cours des années, il a été l'une des principales influences à Nowsco, supervisant la hausse des revenus de l'entreprise qui ont atteint des centaines de millions de dollars, dans les années 90. En 1995, Nowsco est devenue la plus importante entreprise canadienne de ce secteur de l'industrie en ce qui a trait aux revenus, au personnel et à la recherche et développement. La fierté de M. Shouldice quant à ces réalisations était évidente tout au long de son témoignage, une fierté certainement légitime.

[6]      Voici un bref résumé des événements qui se sont déroulés à partir du 1er avril 1996.

1)      Le 1er avril 1996, Nowsco a reçu une offre spontanée de BJ visant l'acquisition de ses actions à raison de 27 $ l'unité.

2)      Le 2 avril 1996, les membres du Conseil d'administration de Nowsco se sont réunis et ont mis sur pied un Comité spécial formé de trois membres indépendants du Conseil qui devaient le conseiller quant à cette offre. Ce comité a, entre autres, conseillé à Nowsco d'embaucher des conseillers juridiques et financiers.

3)      Le 2 avril 1996, Nowsco a retenu les services de conseillers financiers de RBC afin d'évaluer la proposition de BJ ainsi que toute autre proposition subséquente.

4)      Le 4 avril 1996, Nowsco a également retenu les services de Simmons, une banque d'investissement qui se spécialise dans l'industrie du pétrole, à titre de conseiller financier américain supplémentaire pour travailler en collaboration avec RBC.

5)      Le 9 avril 1996, BJ a présenté officiellement sa proposition au Conseil de Nowsco, laquelle contenait une clause restrictive selon laquelle Nowsco s'engageait à négocier exclusivement avec BJ jusqu'au 19 avril 1996. Nowsco a refusé cette condition.

6)      Le 12 avril 1996, BJ a présenté son offre directement aux actionnaires de Nowsco.

7)      Le 16 avril 1996, le Comité spécial de Nowsco a retenu les services du cabinet d'avocats Blake, Cassels qui devait donner des conseils relativement à un certain nombre de questions de droit soulevées par la proposition de prise de contrôle.

8)      Le 19 avril 1996, RBC a informé le Conseil de Nowsco que la première offre de BJ était inappropriée et qu'il fallait la rejeter. On a rédigé et distribué une lettre circulaire des directeurs à l'intention des actionnaires recommandant que l'offre de BJ soit rejetée.

9)      Pendant cette période, Nowsco et ses conseillers ont communiqué avec d'autres parties dans l'espoir d'obtenir une offre plus intéressante.

10)    Bien que Nowsco n'ait jamais communiqué avec GLCC, cette dernière a exprimé un intérêt à présenter une proposition et, entre le 19 avril et le 1er mai 1996, on a entrepris des négociations. Finalement, GLCC a présente une offre de 30,90 $ l'action. Le Comité spécial et les conseillers de Nowsco ont indiqué que l'offre de GLCC était raisonnable et ont recommandé de l'accepter.

11)    Le 4 mai 1996, Nowsco et GLCC ont signé une entente par laquelle l'offre de GLCC était acceptée. Dans le cadre de cette entente, comme l'avaient recommandé les conseillers, Nowsco a accepté de verser à GLCC des honoraires inconditionnels de 6 900 000 $ (les frais d' « engagement » ) plus des honoraires conditionnels (les frais de « rupture » ), qui seraient versés si une offre spontanée plus intéressante était proposée à Nowsco et acceptée par cette dernière, ce qui annulerait l'offre de GLCC.

12)    Le 6 mai 1996, le Conseil d'administration a émis une deuxième lettre circulaire des directeurs à l'intention des actionnaires de Nowsco dans laquelle il recommandait d'accepter l'offre de GLCC.

13)    Le 3 juin 1996, BJ a réagi en modifiant son offre initiale et a augmenté la contrepartie à 35 $ l'action.

14)    Le 6 juin 1996, RBC a informé Nowsco que la seconde offre de BJ était raisonnable. À cette même date, le Conseil de Nowsco a émis une autre circulaire des directeurs à l'intention de ses actionnaires dans laquelle il recommandait d'accepter la deuxième offre de BJ.

15)    Le 13 juin 1996, BJ a acquis toutes les actions ordinaires émises et en circulation de Nowsco conformément aux dispositions obligatoires en matière d'acquisition de la loi sur les sociétés par actions de l'Alberta, la Business Corporation Act of Alberta.

[7]      Les avocats de l'intimée et de l'appelante ont reconnu que l'examen des faits, dans la décision complémentaire liée à la TPS, effectué par le juge Miller établissait de façon exacte les événements qui avaient mené à la prise de contrôle de BJ. On a introduit un exposé conjoint des faits ainsi que des documents. Il pourrait être avantageux de présenter parties les plus détaillées des faits admis qui sont rédigés en ces termes :

          [traduction]

Contexte

1.        Pendant la période pertinente, Nowsco Well Service Ltd. ( « Nowsco » ) était une société cotée en bourse offrant des services de stimulation des puits et des services d'entretien et de réparation de pipelines dans l'industrie du gaz et du pétrole. Son bureau principal est situé au 1300, 801 - 6th Avenue S.-W., Calgary, Alberta. Les rapports annuels de Nowsco pour les années civiles 1990 à 1995 sont joints en annexe au présent document, aux onglets 1 à 6, et une liste des plus importants clients de Nowsco répartis par unité fonctionnelle stratégique est jointe au présent document à l'onglet 7.

2.        En tout temps, Nowsco était une société canadienne imposable aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi » ) dont l'année d'imposition se terminait le 31 décembre.

3.        Pendant 1992, Nowsco a adopté un énoncé de mission dont une copie a été jointe au présent document, à l'onglet 8. On y indique, entre autres, que la société garantira une croissance supérieure de la valeur pour l'actionnaire en fournissant des services de qualité ainsi que des services d'ingénierie au marché international de l'énergie.

4.        BJ Services Canada, Inc. ( « BJ Canada » ) était une filiale en propriété exclusive indirecte de BJ Services Company ( « BJ » ) pendant la période pertinente et jusqu'à la fusion de BJ Canada et de Nowsco décrite ci-dessous.

La prise de contrôle de Nowsco

5.        Le 1er avril 1996, des représentants de BJ ont approché Nowsco afin de négocier une fusion amicale et ont proposé d'acquérir toutes les actions ordinaires de Nowsco pour une somme de 27 $ l'action (la « proposition initiale » ). Les représentants de BJ ont clairement indiqué que, si le Conseil d'administration (le « Conseil » ) n'acceptait pas la proposition initiale dans un délai de dix jours, BJ, par l'entremise de BJ Canada, ferait une offre spontanée directement aux actionnaires de Nowsco sans l'approbation du Conseil. Une copie de la lettre datée du 4 avril 1996 de BJ à Nowsco est jointe au présent document à l'onglet 9.

6.        Le 2 avril 1996, les membres du Conseil se sont réunis afin de discuter de la proposition initiale et de mettre sur pied un comité spécial formé de trois membres indépendants du Conseil qui les conseilleraient sur toutes les questions liées à cette proposition (le « Comité spécial » ). Au cours de cette réunion, les représentants de Bennett Jones Verchere (tel était alors son titre) ont informé le Conseil que (i) le Conseil avait une obligation générale d'agir honnêtement et de bonne foi et de le faire dans le meilleur intérêt de la corporation afin de décider s'il fallait accepter ou refuser l'offre initiale, (ii) les directeurs avaient une obligation fiduciaire d'obtenir le meilleur prix pour les actions de Nowsco et (iii) l'obligation d'obtenir le meilleur prix pour les actions de Nowsco avait été interprétée de façon à ce que le Conseil doive procéder à une vente aux enchères des actions de Nowsco et embaucher des conseillers financiers qui pourraient les informer sur la valeur des actions de Nowsco. Le procès-verbal de cette réunion est joint au présent document à l'onglet 10.

7.        Nowsco a embauché des conseillers financiers et juridiques afin d'obtenir de l'aide.

8.        Le 2 avril 1996, Nowsco a retenu les services de RBC Dominion Valeurs mobilières Inc. ( « RBC » ) comme conseiller financier pour examiner la proposition initiale et toute autre proposition possible. Cette entente a été rendue officielle dans une lettre d'entente datée du 6 avril 1996 et acceptée par Nowsco le 19 avril 1996 ( « l'entente avec RBC » ), joint au présent document à l'onglet 39.

9.       Aux termes de l'entente avec RBC, à partir du 4 avril 1996, RBC devenait le conseiller financier canadien exclusif de Nowsco relativement à la proposition initiale, et

relativement à toute réaction possible à cet égard, y compris, sans limiter la portée de ce qui précède, l'examen des autres options dans le but de maximiser la valeur pour l'actionnaire, entre autres, la sollicitation d'autres offre publiques d'achat, une recapitalisation, une vente d'actif ou la vente de toutes les actions de [Nowsco] ou d'une partie de celles-ci par voie de fusion, d'échange d'actions, d'entente ou de restructuration ou par tout autre moyen.

10.      L'entente avec RBC stipulait également que les services de consultation financière comprenaient, sans limiter la portée de ce qui précède, la prestation de conseils et de soutien quant à l'évaluation de la proposition initiale et de toute autre offre ainsi que la formulation de recommandations quant à l'équité de la proposition initiale ou de toute autre offre d'un point de vue financier.

11.      Le 4 avril 1996, Nowsco a retenu les services de Simmons & Company International située à Houston, au Texas ( « Simmons » ), une banque d'investissement se spécialisant dans les services et l'équipement liés à l'industrie du pétrole, à titre de conseillers financiers particuliers afin d'aider Nowsco et RBC à définir un plan d'action relativement à la proposition initiale et à toute autre proposition possible. Cette entente a été rendue officielle dans une lettre d'entente datée du 15 avril 1996 et signée par Nowsco le 25 avril 1996 ( « l'entente avec Simmons » ), jointe au présent document à l'onglet 41.

12.      Aux termes de l'entente avec Simmons, l'engagement de cette dernière était rédigé en ces termes :

a)           participer à l'évaluation et à la présentation du statut de la technologie mise au point par Nowsco et de son incidence possible pour les sociétés acquérantes;

b)           participer aux efforts visant à communiquer avec d'autres entreprises qui pourraient aussi être intéressées à une prise de contrôle plutôt que BJ;

c)           partager des données et des renseignements liés à l'industrie afin d'aider Nowsco et RBC à déterminer la valeur équitable des actions ordinaires de Nowsco;

d)           répondre à toute autre demande du Conseil et des cadres supérieurs de Nowsco dans leurs efforts visant à maximiser la valeur pour l'actionnaire.

Une copie de l'exposé préparé par Simmons en ce qui concerne la technologie mise au point par Nowsco ainsi que ses activités d'élaboration de produits est jointe au présent document à l'onglet 42.

13.      Le 9 avril 1996, les représentants de BJ ont présenté officiellement leur proposition initiale au Conseil et ont demandé à ce dernier de s'engager à ne négocier qu'avec BJ jusqu'au 19 avril 1996, la période accordée au Conseil pour examiner et négocier les conditions finales de la proposition initiale. BJ a suggéré que, si le 19 avril 1996, aucune entente n'était conclue quant à une transaction, Nowsco pourrait négocier avec d'autres parties intéressées, et BJ, par l'entremise de BJ Canada, pourrait faire une offre publique d'achat directement aux actionnaires de Nowsco. Le Conseil a refusé cette demande parce qu'en s'engageant à des négociations exclusives, cela pourrait avoir une incidence sur la capacité de Nowsco à réagir à la proposition initiale. Le procès-verbal de cette réunion ainsi qu'une copie de la proposition de BJ et une présentation faite par RBC sont joints au présent document aux onglets 13a), 13b) et 40, respectivement.

14.      Le 12 avril 1996, BJ Canada a présenté officiellement sa proposition initiale aux actionnaires de Nowsco, comme l'indique l'offre d'achat de BJ Services Canada Inc. jointe au présent document à l'onglet 43.

15.      Le 16 avril 1996, le Comité spécial a retenu les services de Blake Cassels & Graydon ( « Blakes » ) qui devait fournir au Comité spécial des conseils juridiques en ce qui concerne l'indépendance du Comité spécial et un certain nombre d'autres questions de droit soulevées du 2 avril 1996 au 13 juin 1996, y compris des conseils sur les observations faites aux commissions des valeurs mobilières d'Alberta et d'Ontario. Le procès-verbal de la réunion du Comité spécial du 16 avril 1996 ainsi qu'une copie de l'exposé préparé par Blakes sont joints au présent document aux onglets 13 et 38, respectivement.

16.      Le 19 avril 1996, RBC a informé le Conseil que, selon elle, la contrepartie offerte dans la proposition initiale était inadéquate. Le 22 avril 1996, RBC a présenté au Conseil un avis officiel à cet égard. Le 22 avril 1996, le Conseil a également reçu le rapport du Comité spécial qui lui recommandait d'aviser les actionnaires de refuser la proposition initiale. Les procès-verbaux des réunions du Conseil des 19 et 22 avril 1996 ainsi que le procès-verbal de la réunion du Comité spécial du 22 avril 1996 sont joints au présent document aux onglets 16, 17 et 18, respectivement.

17.      Se fondant sur les recommandations du Comité spécial et de RBC, les membres du Conseil, dans une lettre circulaire des directeurs datée du 22 avril 1996 (la « première lettre circulaire des directeurs » ) ont recommandé à l'unanimité aux actionnaires de Nowsco de rejeter la proposition initiale. Une copie de la lettre circulaire est jointe au présent document à l'onglet 44.

18.      À partir du 2 avril 1996, Nowsco et ses conseillers ont communiqué avec d'autres parties intéressées à acquérir les actifs de Nowsco, ses actions ordinaires de Nowsco ou une combinaison des deux.

19.      Nowsco a reçu une déclaration d'intérêt spontanée de Great Lakes Chemical Corporation ( « GLCC » ), et entre le 29 avril 1996 et le 2 mai 1996, Nowsco et ses conseillers ont rencontré les représentants de GLCC afin de négocier les conditions d'une offre d'acquisition des actions ordinaires de Nowsco et une entente antérieure à l'acquisition mentionnée dans cette offre.

20.      Le 4 mai 1996, Nowsco et GLCC ont conclu une entente antérieure à l'acquisition ( « l'entente avec GLCC » ) selon laquelle GLCC acceptait de présenter une offre publique d'achat afin d'acquérir les actions ordinaires de Nowsco à un prix équivalant à 30,90 $ l'action selon les conditions précisées dans l'entente avec GLCC ( « l'offre de GLCC » ), dont une copie est présentée en annexe à l'onglet 45 du présent document. Le Conseil a notamment décidé de collaborer avec GLCC et d'appuyer son offre, y compris de recommander l'offre aux actionnaires de Nowsco, de renoncer à l'application du régime de protection des droits des actionnaires d'accélérer la présentation des options pour l'acquisition des actions de Nowsco et de ne demander aucune autre proposition. De plus, GLCC s'est engagée à respecter les contrats d'emploi et les indemnités de licenciement existants de Nowsco.

21.      De plus, aux termes de l'entente avec GLCC, cette dernière était en droit de recevoir des honoraires inconditionnels équivalant à 6 900 000 $ (les « frais d'engagement » ) plus des honoraires conditionnels si l'on présentait une proposition spontanée qui serait acceptée, plutôt que celle de GLCC, ou en cas de situations bien définies. L'entente avec GLCC précisait que les honoraires conditionnels payables à GLCC équivaudraient à 3 p. 100 d'une proposition supérieure ou, si aucune proposition supérieure n'était présentée, les honoraires conditionnels seraient de 20 900 000 $. L'entente avec GLCC précisait également que, si une proposition supérieure était présentée, on donnerait à GLCC l'occasion de présenter une offre modifiée qui pourrait faire concurrence à la proposition supérieure avant que Nowsco signe une entente relativement à la proposition supérieure.

22.      GLCC a insisté que Nowsco accepte le paiement des frais d'engagement et des honoraires conditionnels comme condition à leur entente visant à présenter une offre pour acquérir toutes les actions émises et les actions en circulation de Nowsco.

23.      Nowsco a signé l'entente avec GLCC en réponse aux recommandations du Comité spécial et des conseillers de Nowsco qui ont conclu que l'offre de GLCC était l'option la plus avantageuse pour Nowsco et ses actionnaires et que les modalités de l'entente avec GLCC étaient raisonnables. Les conseillers financiers et juridiques ont entre autres informé le Conseil que le montant des frais de rupture était raisonnable, dans les circonstances, et lui ont fourni un tableau indiquant le montant des frais de rupture et des frais complémentaires au Canada entre 1987 et 1996, dont une copie est jointe au présent document à l'onglet 67.

24.      Le 6 mai 1996, RBC a indiqué à Nowsco que l'offre de GLCC était équitable du point de vue financier. Une copie du document est jointe au présent document à l'onglet 46.

25.      Le 6 mai 1996, GLCC a présenté l'offre de GLCC aux actionnaires de Nowsco comme l'indique l'offre d'achat de GLCC jointe au présent document à l'onglet 47.

26.      Le 6 mai 1996, le Conseil a préparé la lettre circulaire des directeurs et l'a fait parvenir aux actionnaires de Nowsco. On leur recommandait d'accepter l'offre de GLCC (la « deuxième lettre circulaire des directeurs » ), dont une copie est jointe au présent document à l'onglet 48. Dans la deuxième lettre circulaire des directeurs, on présentait les facteurs dont avait tenu compte le Conseil pour déterminer que l'offre de GLCC constituait la meilleure option présentée à Nowsco et à ses actionnaires. Ces facteurs étaient présentés de la façon suivante :

a)           les activités de Nowsco, sa situation financière, le produit de ses opérations et ses projets futurs;

b)           le fait que la contrepartie offerte aux termes de l'offre de GLCC représentaient une augmentation de 3,90 $ l'action, soit une hausse de 14,4 p. 100 comparativement à la contrepartie offerte aux termes de la proposition initiale et une prime d'émission de 51 p. 100 sur le cours de clôture de la Bourse de Toronto le 2 avril 1996 (le jour précédant l'annonce publique de la proposition initiale);

c)           les recommandations de RBC quant à l'équité de l'offre de GLCC d'un point de vue financier;

d)           les conseils de RBC et de Simmons en ce qui concerne les diverses questions financières et autres relativement à Nowsco, à l'offre de GLCC et aux autres options de Nowsco;

e)           l'opinion des membres du Conseil qui considéraient que, bien que d'autres parties intéressées aient pu faire des propositions plus avantageuses, l'offre de GLCC constituait la meilleure option qui s'offrait au Conseil à ce moment-là;

f)            le fait que l'entente et l'offre de GLCC n'écartaient pas la possibilité d'une proposition supérieure ultérieure.

27.      Le 17 mai 1996, BJ a prolongé la période d'offre de la proposition initiale jusqu'au 27 mai 1996 comme l'indique l'Avis de prolongation de l'offre d'achat présentée par BJ Services Canada Inc. joint au présent document à l'onglet 49.

28.      Le 3 juin 1996, BJ Canada a modifié sa proposition initiale en augmentant la contrepartie offerte à 35 $ l'action et en prolongeant la période d'offre jusqu'au 13 juin 1996 (la « deuxième offre de BJ » ), comme l'indique l'Avis de modification et de prolongation de l'offre d'achat présentée par BJ Services Canada Inc. joint au présent document à l'onglet 50.

29.      Le 6 juin 1996, RBC a présenté son avis à Nowsco selon lequel la deuxième offre de BJ était équitable du point de vue financier. Une copie du document est jointe au présent document à l'onglet 51.

30.      Le 6 juin 1996, le Conseil a préparé la lettre circulaire des directeurs et l'a fait parvenir aux actionnaires de Nowsco, leur recommandant d'accepter la deuxième offre de BJ (la « troisième lettre circulaire des directeurs » ) dont une copie est jointe au présent document à l'onglet 52.

31.      Dans le but d'assurer un suivi aux développements susmentionnés, les membres du Conseil et du Comité spécial se sont rencontrés à plusieurs occasions afin de discuter, entre autres, du recours aux services de RBC et de Simmons, de la proposition initiale, de l'entente avec GLCC, de l'offre de GLCC et des questions liées à ces sujets ou soulevées au cours de ces discussions. Des copies des procès-verbaux des réunions du Conseil et du Comité spécial, le cas échéant, des 3, 4, 16, 18, 23, 25 et 29 avril, du 1er mai, des 3, 6, 13, 15, 21, 23, 28 et 29 mai et des 3, 5 et 6 juin, sont jointes au présent document aux onglets 11, 12, 14, 15 et 19 à 37.

32.      Au moment de la présentation de l'offre publique d'achat, BJ Canada a présenté une demande aux commissions des valeurs mobilières d'Alberta et d'Ontario afin d'obtenir une interdiction d'opérations sur valeurs relativement à l'offre de GLCC ainsi qu'une renonciation du régime de protection des droits des actionnaires de Nowsco, et une copie de l'offre principale de BJ Canada est jointe en annexe à l'onglet 53 du présent document. Nowsco a également répondu à la demande et aux offres de BJ Canada, et une copie de la principale réponse de Nowsco est jointe au présent document à l'onglet 54.

33.      Le 13 juin 1996, BJ Canada a acquis plus de 90 p. 100 des actions ordinaires de Nowsco, ce qui lui a permis d'acquérir toutes les actions émises et en circulation de Nowsco conformément aux dispositions relatives à l'acquisition obligatoire de la Business Corporations Act, S.A. 1981, ch. B-15 (la « prise de contrôle » ). Étant donné la prise de contrôle de BJ Canada sur Nowsco, on a jugé qu'il y avait fin d'année en vertu du paragraphe 249(4) de la Loi.

34.      Le 31 juillet 1996, il y a eu fusion entre Nowsco et BJ Canada et, ensuite, il y a eu fusion avec 3032419 Nova Scotia Company le 1er octobre 1999 afin de former Nowsco-Fracmaster Company qui a, par la suite, changé de nom pour devenir BJ Services Company Canada à partir du 23 mai 2000 et BJ Services Company Canada est toujours la successeure de Nowsco.

Honoraires versés à RBC, à Simmons et à GLCC

35.      Les honoraires indiqués dans l'entente avec RBC pour les services consultatifs financiers fournis par cette dernière devaient être versés si la proposition initiale ou toute autre proposition se soldait par une opération dans l'année suivant la signature de l'entente avec RBC. S'il n'y avait pas d'opération, RBC avait droit à des honoraires de 2 000 000 $. S'il y avait une opération, deux barèmes de droits étaient possibles selon la nature de l'opération. Si BJ acquérait plus de 50 p. 100 des actions ordinaires en circulation, ou toute autre partie, s'il y avait tout genre de fusion ou de regroupement de Nowsco avec une autre partie, si Nowsco vendait tous ses actifs ou presque ou si toute autre acquisition de Nowsco était visée (une « opération de changement de contrôle » ), RBC aurait droit à des honoraires inconditionnels équivalant à 2 000 000 $ plus une prime calculée selon une échelle différentielle fondée sur la valeur globale de l'opération de changement de contrôle si elle était supérieure à la proposition initiale. S'il y avait une acquisition ou une vente d'actifs ou de titres autre qu'une opération de changement de contrôle, RBC aurait droit à des honoraires équivalant à 0,625 p. 100 de la valeur de la contrepartie versée à Nowsco dans le cadre de cette opération.

36.      Aux termes de l'entente avec RBC, Nowsco devait payer immédiatement un premier versement des honoraires, soit 500 000 $, plus 150 000 $ dès la réception de recommandations sur l'équité de la proposition initiale. Ces honoraires étaient payés par dépôts que l'on déduisait des honoraires susmentionnés. Les frais d'engagement de 500 000 $ ont été versés le 22 avril 1996 et les honoraires de 150 000 $ payables au moment de la prestation de recommandations sur l'équité ont été versés le 24 avril 1996 comme l'indiquent les états de compte de RBC joints au présent document aux onglets 55 et 56, ainsi que les chèques oblitérés de Nowsco joints au présent document aux onglets 57 et 58.

37.      Puisque qu'il s'agissait d'un changement de contrôle, RBC avait droit à des honoraires inconditionnels de 2 000 000 $ ainsi qu'à la prime. Le total des honoraires versés à RBC, en vertu de l'entente avec RBC, y compris les frais d'engagement et le remboursement des dépenses de 56 705 $ s'élevait à 13 070 777 $ ( « les honoraires de RBC » ) dont le solde a été payé le 7 juin 1996 comme l'indique l'état de compte de RBC ainsi que les chèques oblitérés de Nowsco joints au présent document aux onglets 59 et 60.

38.      En paiement pour leurs services consultatifs financiers, l'entente avec Simmons prévoyait que Simmons aurait droit à des honoraires inconditionnels équivalant à 250 000 $US ainsi qu'à une prime calculée selon une échelle différentielle fondée sur la valeur d'une opération conclue si elle était supérieure à la proposition initiale, sous réserve d'un montant minimal de 250 000 $US.

39.      Aux termes de l'entente avec Simmons, Nowsco devait payer immédiatement les honoraires inconditionnels équivalant à 250 000 $US ainsi que la prime à la date de la signature de l'entente. Les honoraires inconditionnels ainsi qu'un remboursement de dépenses de 9 424,95 $US ont été payés par virement le 12 juin 1996 comme l'indiquent les documents joints au présent document aux onglets 63 et 64.

40.      Au moment de la signature de la prise de contrôle, Simmons était en droit de recevoir la prime. Le total des honoraires versés à Simmons aux termes de l'entente avec Simmons, y compris les honoraires inconditionnels et le remboursement des dépenses de 9 424,95 $US, s'élevait à 3 759 425 $US ou à 5 171 164 $CAN (honoraires de Simmons), comme l'indique le relevé de compte joint au présent document à l'onglet 61. Les primes d'incitation ont été payées par virement télégraphique le 10 juin 1996, comme l'indiquent les documents joints au présent document aux onglets 62 et 64.

41.      Nowsco a payé les frais d'engagement de GLCC par un virement effectué le 7 mai 1996 comme l'indique le document joint en annexe à l'onglet 65 du présent document. Le 7 juin 1996, Nowsco a payé à GLCC les honoraires conditionnels équivalant à 3 p. 100 décrits au paragraphe 21 du présent document, soit une somme de 23 601 591 $ (les « frais de rupture » ), comme l'indique le document présenté en annexe à l'onglet 66 du présent document, conformément aux conditions de l'entente avec GLCC, étant donné que GLCC avait décidé de ne pas utiliser son droit de premier refus d'égaler la deuxième offre de BJ.

42.      Le total des honoraires versés à RBC et à Simmons ainsi que les frais d'engagement et de rupture (collectivement appelés les « dépenses » aux présentes) étaient raisonnables dans les circonstances.

43.      Aux fins de production de rapports financiers et conformément aux principes d'affaires et aux pratiques commerciales reconnus, les dépenses ont été correctement déduites par Nowsco à titre de frais généraux et de frais administratifs dans le calcul de ses profits pour la période pertinente.

44.      Pour son année d'imposition se terminant le 13 juin 1996, Nowsco a déduit les dépenses dans le calcul de ses revenus aux fins d'impôt.

QUESTIONS EN LITIGE

[8]      Les avocats se sont également entendus sur les questions en litige à trancher et les ont présentées dans l'exposé conjoint des faits et dans les documents. Ces questions en litiges sont ainsi formulées :

[traduction]

a)          les dépenses sont-elles déductibles dans le calcul des revenus de Nowsco pour son année d'imposition se terminant le 13 juin 1996;

b)          si une partie des dépenses n'est pas déductible dans le calcul des revenus de Nowsco en raison des restrictions de l'alinéa 18(1)a) ou 18(1)b) de la Loi, ces dépenses sont-elles déductibles dans le calcul des revenus conformément aux alinéas 20(1)e) et 20(1)bb) de la Loi;

c)          si une partie des dépenses constitue une mise de fonds aux fins de l'alinéa 18(1)b) de la Loi et ne satisfait pas aux conditions de déductibilité en vertu des alinéas 20(1)e) et 20(1)bb), le montant de ces dépenses constitue-t-il une « dépense en capital admissible » conformément au paragraphe 14(5) de la Loi.

POSITION DE L'APPELLANTE

[9]      Les dépenses engagées par Nowsco en raison d'une offre publique d'achat (OPA) hostile constituaient des dépenses nécessaires visant à se conformer aux prescriptions de la loi et à répondre aux attentes des marchés publics de capitaux où Nowsco finançait ses activités commerciales. Par conséquent, ces dépenses ont été engagées en vue de tirer un revenu pour Nowsco compte tenu des exigences qu'on lui imposait. Ces dépenses ont été justement déduites des revenus de l'entreprise dans le calcul des profits de Nowsco conformément à l'article 9 de la Loi. Étant donné que ces dépenses ont été engagées uniquement en raison de l'offre publique d'achat, qu'elles ont toutes été engagées pendant l'année d'imposition pertinente, qu'elles ont réduit les ressources de Nowsco sur lesquelles cette dernière aurait payé des impôts pour cette année-là, que les dépenses n'étaient liées à aucune période antérieure ou ultérieure et qu'elles ne produisaient pas de retombées durables, les dépenses ne devraient pas être désignées dépenses d'établissement, mais devraient être déductibles.

[10]     L'appelante a soulevé d'autres observations exprimées en ces termes :

1)        les dépenses sont déductibles à titre de frais de financement en vertu de l'alinéa 20(1)e), nonobstant les dispositions des alinéas 18(1)a) et 18(1)b);

2)        les honoraires de RBC et de Simmons sont déductibles en vertu de l'alinéa 20(1)bb) puisqu'ils comprenaient des services consultatifs liés à la vente des actions de Nowsco;

3)        si les dépenses avaient été engagées dans le but de tirer un revenu, mais qu'elles constituaient des mises de fonds et qu'elles n'étaient pas visées par les deux arguments subsidiaires précédents, ce sont des dépenses en capital admissibles conformément au paragraphe 14(5) de la Loi.

POSITION DE L'INTIMÉE

[11]     Les dépenses ne sont pas déductibles des revenus d'entreprise puisqu'elles ont été engagées en vue de répondre à une offre publique d'achat, qu'elles visaient à maximiser la valeur pour l'actionnaire et qu'elles n'ont pas été engagées dans le but de tirer un revenu. Les dépenses non approuvées sont liées à des honoraires versés pour des services de consultation et de soutien afin de trouver d'autres acheteurs ainsi que d'organiser et de mener une vente aux enchères des actions. Par conséquent, les dépenses n'avaient pas été engagées dans le but d'augmenter les revenus d'entreprise de Nowsco, mais dans le but de faire monter le prix que les actionnaires de Nowsco voulaient obtenir de la vente de leurs actions. De plus, aucune prescription législative n'obligeait l'appelante à effectuer ce genre de dépenses.

[12]     Subsidiairement, si l'on décide que les dépenses ont été engagées par Nowsco relativement à ses activités commerciales et pas principalement pour le bénéfice des actionnaires, elles devraient constituer des mises de fonds conformément à l'alinéa 18(1)b). Par conséquent, on ne peut accorder aucune déduction dans le calcul des revenus de Nowsco pour l'année se terminant le 13 juin 1996.

PREUVE

[13]     Les avocats ont informé la Cour que la plupart des témoignages et des éléments de preuve seraient très semblables à ceux présentés dans la décision complémentaire liée à la TPS. Toutefois, des éléments de preuve supplémentaires seront présentés au cours de l'audition du présent appel en ce qui concerne les frais d'engagement et de rupture versés à GLCC, qui n'étaient pas visés dans la décision complémentaire.

[14]     On a appelé deux témoins à la barre, Stanley Patrick Shouldice, l'ancien PDG et président de Nowsco, et Ian Bruce, présenté et accepté à titre de spécialiste des services de banque d'investissement spécialisé dans les opérations liées à des fusions et à des acquisitions. M. Shouldice a donné un aperçu de la croissance des activités commerciales de Nowsco au cours de ses années d'existence. Selon M. Shouldice, les attentes élevées et la confiance des actionnaires en Nowsco étaient d'une importance capitale au fil des années. On peut le constater dans l'énoncé de mission adoptée par Nowsco en 1992 et qui est rédigé en ces termes :

                   [traduction]

Nowsco garantira une croissance supérieure de la valeur pour l'actionnaire en fournissant des services et des applications techniques sur le marché international de l'énergie. Nowsco atteindra cet objectif en fournissant aux clients le meilleur rendement grâce à une excellente gestion et à des solutions de pointe dans l'industrie offertes avec intégrité et en toute sécurité par les meilleurs travailleurs de l'industrie de la prestation de services.

Selon son témoignage, l'optimisation de la valeur pour l'actionnaire constituait toujours le facteur sous-jacent dans les décisions commerciales prises par Nowsco au fil des années. Il avait consacré une partie importante de ses heures de travail à tenter de mieux comprendre les attentes des actionnaires en organisant des tournées de présentation internationales et en y assistant, en visitant annuellement les principaux actionnaires, en répondant à des appels téléphoniques chaque jour et en obtenant, le cas échéant, les conseils et les directives nécessaires lorsqu'il traitait les affaires des actionnaires. Il a indiqué, dans son témoignage, que l'offre publique d'achat avait été traitée selon la pratique commerciale habituelle et la philosophie qui régit les activités organisationnelles. Selon lui, la valeur pour l'actionnaire et la confiance de ceux-ci étaient d'une importance capitale puisque ce sont les facteurs déterminants du succès de Nowsco à se procurer des ressources sur les marchés publics alors que les actionnaires évaluent constamment le rendement de Nowsco et le comparent à celui d'autres entreprises semblables. M. Shouldice a expliqué qu'on avait mis sur pied sans délai le Comité spécial afin de traiter l'offre publique d'achat et a présenté les raisons pour lesquelles il fallait des services consultatifs en ce qui concerne des ramifications juridiques et financières, surtout en ce qui concerne la plus importante obligation de l'entreprise, soit de maximiser la valeur pour l'actionnaire comme l'indiquait l'énoncé de mission. Il a également expliqué que les frais « d'engagement » ont été payés afin de rembourser GLCC pour des frais engagés pour présenter une variante à la proposition de BJ. Les frais de « rupture » n'étaient effectifs et payables à GLCC que si une offre supérieure était acceptée après qu'elle a présenté son offre. On garantissait ainsi à GLCC la possibilité de faire une première offre supérieure officielle. Selon les données fournies par les conseillers de Nowsco, les frais de rupture étaient raisonnables et concurrentiels comparativement à d'autres situations semblables et, comme M. Shouldice l'a expliqué : [traduction] « c'était le prix à payer pour faire affaire avec Great Lakes » .

[15]     Ian Bruce a expliqué comment on avait mis sur pied le Dey Committee en Ontario en vue d'examiner la responsabilité des directeurs relativement à une activité croissante en matière de fusion et de prise de contrôle dans les années 80 ainsi que les rumeurs selon lesquelles les directeurs n'avaient pas agi avec une diligence raisonnable. Ce comité a examiné des éléments de gouvernance d'entreprise et a indiqué que la plus haute responsabilité appartenait aux membres du Conseil et qu'ils devaient se conformer à des normes élevées afin de protéger les intérêts des actionnaires en cas de prise de contrôle. M. Bruce a également fait référence à la politique nationale no 38 qui aurait été applicable dans le cas de Nowsco au moment de l'offre publique d'achat. Cet énoncé de politique établit un cadre par lequel les corporations assujetties à des offres publiques d'achat non sollicitées devaient mener leurs activités. Il a souligné que l'on reconnaît de façon expresse, dans cette politique, que le principal objectif d'une loi sur la prise de contrôle consiste à protéger les intérêts véritables des actionnaires de la société visée afin que l'on puisse prendre des décisions éclairées. Une partie de cette stratégie doit viser une préparation préliminaire de la défense en raison de la brève période prévue pour répondre à une offre d'achat. Nowsco a mis en oeuvre un plan de protection pour les actionnaires avant que BJ ne fasse son offre en 1996. M. Bruce a expliqué qu'en raison du climat tendu, des courts délais liés à l'offre publique d'achat et de la jurisprudence changeante en ce qui concerne la responsabilité du directeur, il est d'usage de mettre sur pied des comités spéciaux et de retenir les services de consultants externes qui pourront examiner les options de façon responsable et adéquate. En fait, il ne pouvait se souvenir d'un seul dossier où l'on n'avait pas embauché de conseillers financiers et, dans certains cas, on avait embauché deux ou trois conseillers. Il a décrit la réponse de Nowsco à l'offre de BJ dans ces termes : [traduction] « une réponse gérée et exécutée par des experts et qui correspond tout à fait aux attentes les plus élevées du marché public » . Il a indiqué que les frais de rupture de GLCC étaient légèrement plus élevés que ce qui est offert habituellement, mais tout à fait dans les limites raisonnables et que ces frais étaient absolument normaux dans le cadre de la prise de contrôle d'une société. Il a expliqué que les frais de rupture constituent un paiement incitatif offert à d'autres acheteurs intéressés possibles pour faire une offre, comme l'a fait GLCC, sachant qu'ils ont une certaine garantie que la vente sera conclue et que BJ ne pourra pas présenter une autre offre à 30,91 $ l'action, par exemple, comparativement aux 30,90 $ offerts par GLCC.

ANALYSE

[16]     Bien que certains aspects du jugement du juge Miller, dans la décision complémentaire liée à la TPS, soient semblables à l'affaire qui nous occupe, les conditions qu'impose la Loi de l'impôt sur le revenu ne sont pas seulement différentes, mais plus nombreuses. Toutefois, contrairement au juge Miller, je peux profiter de plusieurs arrêts de la Cour suprême dans ce domaine ainsi que des récentes décisions Boulangerie St-Augustin Inc. c. R., C.C.I., no 92-1974(IT)G, 3 octobre 1994 (95 DTC 2149), confirmée plus tard par la Cour d'appel fédérale et International Colin Energy Corporation v. R., 2002 DTC 2185 (C.C.I.). Les deux dernières décisions visaient la déduction de frais de consultation professionnelle engagés relativement à des offres publiques d'achat. Dans les deux décisions, on présentait un exposé de l'évolution de la jurisprudence, depuis l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire British Columbia Electric Railway Co. Ltd. v. Minister of National Revenue, [1958] R.C.S. 133 (58 DTC 1022) où le juge en chef adjoint Bowman avait déclaré succinctement l'approche et les critères appropriés au paragraphe 43 de la décision International Colin Energy Corporation :

                   [traduction]

43.        L'approche décrite par le juge Abbott est adoptée depuis toujours. On doit d'abord se poser la question suivante : « Le paiement a-t-il été effectué dans le but de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien. Si la réponse est négative, alors il est inutile de se demander s'il a été tiré d'un compte de capital. Si la réponse est positive, l'application de l'alinéa 18(1)b) doit être examinée. Si la déduction du paiement n'est pas interdite en vertu de l'alinéa 18(1)a), mais qu'elle est toutefois visée par l'alinéa 18(1)b), il faut alors examiner s'il est possible d'appliquer l'une des dispositions pertinentes de la Loi de l'impôt sur le revenu qui permet des dépenses en capital dans un contexte commercial (par exemple, le paragraphe 20(1)). En fait, le paragraphe 20(1) s'applique même si le paiement est visé par les alinéas 18(1)a) et b).

[17]     Le premier de ces critères (le critère selon lequel les dépenses ont été engagées pour tirer un revenu) provient de la terminologie de l'alinéa 18(1)a) de la Loi qui est ainsi formulé :

18(1)     Exceptions d'ordre général -- Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d'une entreprise ou d'un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

      a) restrictions générales -- les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou du bien;

[18]     La version antérieure de l'alinéa 18(1)a) était plus restrictive puisque les dépenses devaient être totalement, exclusivement et nécessairement faites en vue de la production du revenu.

[19]     Le « revenu » tiré d'une entreprise ou d'un bien doit être déterminé en tenant compte également du paragraphe 9(1) qui est rédigé en ces termes :

9(1) Revenu - Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu qu'un contribuable tire d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition est le bénéfice qu'il en tire pour cette année.

[20]     En général, les dépenses d'entreprise sont déductibles et cette déductibilité est fondée sur le concept de bénéfice auquel on fait référence au paragraphe 9(1), mais elle n'est pas définie dans la Loi. La difficulté vient du fait que, pour déterminer le bénéfice, ce que l'on considère une dépense à des fins commerciales n'est peut-être pas nécessairement admissible aux fins d'impôt en vertu de la Loi. Le juge Archambault a examiné cette question dans l'affaire Boulangerie St-Augustin, et après avoir examiné la jurisprudence pertinente, il a conclu que bien qu'un tribunal puisse considérer qu'il s'agit de principes comptables généralement reconnus, qu'il s'agit de principes reconnus dans les échanges commerciaux ou de principes commerciaux reconnus, on se fondera principalement sur ces dépenses afin de déterminer le profit net. Dans l'arrêt Canderel c. R., [1998] 1 R.C.S. 147, la Cour suprême a mis l'accent sur le principal rôle que ces guides d'interprétation jouent lorsqu'il faut déterminer les profits exacts d'un contribuable pour toute année visée. J'appuie la position adoptée dans ces arrêts selon laquelle l'approche commerciale représente la réalité de la situation financière d'un contribuable et constitue la meilleure méthode pour répondre au premier critère (les dépenses ont-elles été engagées en vue de tirer un revenu?)

[21]     Un contribuable peut déduire des dépenses engagées en vue de tirer un revenu conformément au paragraphe 9(1) et non à l'alinéa 18(1)a). C'est à l'alinéa 18(1)a) (ainsi qu'à l'alinéa 18(1)b)) que l'on trouve les exceptions et les restrictions à ce sujet.

[22]     À la page 1027 de l'arrêt British Columbia Electric Railway Co. Ltd., le juge Abbott s'est exprimé en ces termes :

                   [traduction]

Puisque le principal objectif de toute entreprise exploitée est probablement de tirer un profit, toute dépense engagée « en vue de tirer un revenu » répond aux exigences de l'alinéa 12(1)a), c'est-à-dire que la dépense constitue une dépense de revenu ou une mise de fonds.

[23]     On a donné une assise plus large à la déductibilité lorsqu'on a enlevé les termes « totalement, exclusivement et nécessairement » de l'ancien alinéa 18(1)a).

[24]     Le juge Archambault dans l'arrêt Boulangerie St-Augustin Inc. a examiné l'explication du juge Abbott en ce qui concerne le changement d'interprétation fourni dans certaines décisions antérieures relativement à l'alinéa 12(1)a), devenu 18(1)a), et s'est exprimé ainsi au paragraphe 44 :

Pour expliquer ce changement d'interprétation, le juge Abbott a relevé qu'à l'alinéa 12(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, (Loi de 1948) maintenant l'alinéa 18(1)a) de la Loi, on ne retrouve plus les mots « totalement, exclusivement et nécessairement » de l'alinéa 6a) de la Loi de 1927. M. le juge Iacobucci a aussi souligné l'effet de cette modification dans l'affaire Symes, [supra, à la page 32] :

         À plus d'une reprise depuis la modification législative, on a reconnu que le libellé actuel de la Loi fournit une assise plus large à la déductibilité que l'ancienne disposition.

[25]     Cette « assise à la déductibilité » plus large suggère que le concept des dépenses comprendra non seulement les frais directs liées au produit ou au service d'une entreprise, mais visera aussi les frais accessoires telles que le maintien des relations avec les actionnaires qui sont nécessaires à l'accomplissement des activités de l'entreprise.

[26]     Cette opinion a été exprimée par la Cour suprême dans l'arrêt British Columbia Power Corp. v. M.N.R., 67 DTC 5258, de la façon suivante :

                  

                        [traduction]

48.        À mon avis, le fait qu'une société fournisse de temps à autre des renseignements à ses actionnaires en ce qui concerne ses activités fait partie intégrante de l'exploitation de l'entreprise, soit de tirer un revenu, et un contribuable constitué en société devrait avoir le droit de déduire les dépenses raisonnables comprises dans les frais d'exploitation d'une société.

[27]     Cette même opinion a été exprimée par le juge Wilson de la Cour suprême dans l'arrêt Mattabi Mines Ltd. c. Ontario (ministre du Revenu), [1988] 2 R.C.S. 175 :

[...] Tout ce qui importe, c'est que les dépenses aient été engagées légitimement dans le cours ordinaire des affaires et dans le but qu'il en découle ultérieurement un revenu imposable [...]

[28]     La question de savoir si les dépenses auxiliaires font partie intégrante d'une entreprise a été examinée par le juge Miller dans la décision complémentaire liée à la TPS. Au paragraphe 66, le juge Miller s'est exprimé en ces termes :

                  

[traduction]

[...] toute activité menée par l'entreprise et qui est liée aux actionnaires, en autant qu'il s'agit d'une activité de nature commerciale et non personnelle, constitue une activité commerciale au sens de la Loi sur la taxe d'accise.

[29]     Bien que le critère soit différent selon la Loi sur la taxe d'accise, je suis disposée à adopter la même opinion dans mon analyse selon Loi de l'impôt sur le revenu. Même si à l'alinéa 18(1)a), on n'utilise pas l'expression « dans le cadre de » , mais plutôt « en vue de » , la Cour suprême, dans l'arrêt Symes c. R., [1993] 4 R.C.S. 695 (1994 1 C.T.C. 40), a indiqué clairement que si les dépenses sont de nature commerciale et non personnelle, on peut dire qu'elles répondent au critère de déductibilité en montrant que les dépenses répondaient à un besoin de l'entreprise. Les dépenses engagées par une entreprise et qui sont auxiliaires à ses fonctions et à ses activités principales ne sont pas immédiatement exclues des dépenses déductibles. Par conséquent, cela rend la restriction de l'alinéa 18(1)a) perméable et permet aux dépenses de Nowsco de passer outre à ces dispositions d'exclusion pourvu qu'il s'agisse de dépenses de nature commerciale et non personnelle. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait un lien direct entre les dépenses et le revenu. Les dépenses peuvent être déductibles pourvu qu'elles ne soient pas de nature personnelle et qu'elles répondent à un besoin commercial du contribuable.

[30]     Dans l'affaire qui nous occupe, les dépenses étaient certainement des frais accessoires. Les frais d'engagement et de rupture ainsi que les autres dépenses doivent être examinés dans le contexte plus vaste des activités commerciales de Nowsco. Non seulement elles répondent à un besoin de l'entreprise, mais elles étaient nécessaires afin de traiter les aspects pratiques d'une offre publique d'achat. Comme le juge Miller l'a déclaré dans la décision BJ Services Company Canada, au paragraphe 41 :

                   [traduction]

[...] Bien que l'objectif soit directement lié au marché de l'entreprise plutôt qu'au marché des produits et des services, il existe nécessairement, entre les deux, une zone grise dans le contexte d'une société faisant publiquement appel à l'épargne. Une société faisant publiquement appel à l'épargne est dans le marché des entreprises dans le but d'accéder à des fonds. Il est essentiel qu'au sein du marché, la société ait la réputation de pouvoir maintenir la valeur des actions ou de la faire monter. On peut accomplir cette tâche d'un certain nombre de façons. Comme M. Shouldice l'a indiqué, dans sa réponse à la question qui consiste à savoir ce qui faisait monter la valeur pour l'actionnaire [...]

[31]     Dans l'arrêt Boulangerie St-Augustin Inc., le juge Archambault reprend ces points de vue aux paragraphes 48 et 49 où il s'exprime en ces termes :

[48]       Une société doit communiquer régulièrement avec ses actionnaires. Ces derniers représentent habituellement une source importante de capital pour l'exploitation de l'entreprise. Ils tiennent à être renseignés pour surveiller leur placement dans cette société. De bonnes relations avec ses actionnaires sont importantes pour une société, particulièrement si elle désire à l'avenir émettre de nouvelles actions pour financer ses activités. Comme l'a reconnu la Cour suprême du Canada dans British Columbia Power, les frais de communication avec ses actionnaires sont des dépenses engagées légitimement dans le cours ordinaire des affaires d'une société.

[49]       Dans cette instance, Boulangerie était tenue d'engager ses frais de communication avec ses actionnaires pour se conformer aux dispositions de l'article 134 de la LVM. Elle a fourni des renseignements concernant son entreprise, les détenteurs de ses actions, ses administrateurs et ses dirigeants pour que ses actionnaires prennent une décision éclairée. Elle a fait sa recommandation aux actionnaires en tenant compte des intérêts de son entreprise, de ses employés et de ses clients. L'offre recommandée n'était pas la plus avantageuse pour ses actionnaires. Les frais de rédaction de documents juridiques, telle une résolution de la société autorisant le transfert des actions d'un actionnaire à un autre, sont des dépenses inhérentes à la gestion de toute société par actions. Ces frais de communication et de transfert d'actions font partie des frais généraux d'administration que toute société doit engager pour tirer son revenu d'entreprise. L'exception de 18(1)a) ne s'applique pas à ces frais.

[32]     Le juge Archambault a rejeté les mêmes observations faites par la Couronne que celles présentées dans cette affaire, c'est-à-dire que les dépenses étaient liées à la protection de la valeur pour l'actionnaire, et qu'elles n'ont pas été engagées dans le cadre de ses activités commerciales ou encore que les dépenses avaient un caractère de capital     constituaient des dépenses d'établissement.

[33]     Tout comme dans l'arrêt Boulangerie St-Augustin Inc., le Conseil d'administration de Nowsco a réagi à l'offre publique d'achat de façon professionnelle et responsable. Suivant les conseils de son Comité spécial, on a embauché des conseillers financiers et juridiques qualifiés dans le domaine des fusions et des prises de contrôle et ultérieurement, on a procédé à une vaste vente aux enchères. Lorsqu'on a décidé de faire de Nowsco une société faisant publiquement appel à l'épargne et de maintenir ce statut, on a délibérément décidé, pour financer les activités et l'expansion de l'entreprise au sein du marché des entreprises, de faire affaire dans un marché marqué, à partir des années 90, par des offres publiques d'achat hostiles. Dans un tel marché, les actionnaires s'attendent à ce que le Conseil d'administration de l'entreprise les tienne au courant et ils insistent sur l'optimisation de la valeur pour l'actionnaire. Il s'agit d'une obligation essentielle dans une situation de prise de contrôle hostile, tant du point de vue de l'actionnaire que du point de vue de l'entreprise, surtout si les membres du Conseil d'administration ne veulent pas perdre leur crédibilité et la confiance des actionnaires. Les témoignages de MM. Shouldice et Bruce, de même que de nombreux éléments de preuve, ont appuyé ce que je pensais déjà en ce qui concerne les attentes relatives au marché public de capitaux, ainsi que les obligations juridiques et les incidences qu'elles ont pour les membres du Conseil d'administration dans un tel contexte.

[34]     Le juge en chef adjoint Bowman, dans la décision International Colin Energy Corporation, a conclu que les frais de consultation engagés par un contribuable cherchant à effectuer une opération pour alléger ses soucis financiers étaient alors admissibles aux fins de déduction. Dans la présente affaire, Nowsco a demandé les services de conseillers financiers et juridiques en raison d'une offre publique d'achat non sollicitée et, dans le processus, on a procédé à une vaste vente aux enchères. Dans les deux situations, les dépenses ont été engagées dans le cadre d'une réaction nécessaire à des événements survenant dans le cadre de l'exploitation d'une entreprise en vue de tirer un revenu. Bien qu'il existe une distinction entre des frais directs, indirects et accessoires, en ce qu'elles sont liées à des activités commerciales, elles sont toutes d'importance égale dans le maintien de la viabilité des activités de l'entreprise. Pendant la période où l'on a présenté l'offre publique d'achat, on a établi certaines obligations juridiques et certaines attentes publiques quant au marché financier, et je ne vois aucun motif valable pour ne pas admettre aux fins de déduction les dépenses engagées par un contribuable pour se conformer à ces obligations. Il s'agit simplement et à juste titre de l'un des prix à payer pour faire affaire dans un tel marché. Ces dépenses sont de nature commerciale et, étant donné qu'elles constituent une partie intégrante des activités de Nowsco, elles sont donc engagées en vue de tirer un revenu.

[35]     Le ministre prétend que les honoraires ont été versés dans le but de maximiser le prix des actions en vue d'une vente possible, et selon lui, les dépenses ne peuvent pas répondre au critère selon lequel les dépenses doivent avoir été engagées en vue de tirer un revenu. Cette approche a été fortement rejetée par la Cour dans la décision International Colin Energy Corporation, où le juge en chef adjoint Bowman s'est exprimé en ces termes dans les paragraphes suivants :

[traduction]

[46]       [...] [la fusion] devait permettre à l'appelante de tirer un revenu plus important en joignant ses ressources à celle d'une autre partie. Si l'investissement des actionnaires a progressé du fait qu'ils détenaient des actions dans une société de plus grande envergure et ayant un plus grand pouvoir sur le marché, ils le doivent à la capacité de l'appelante à tirer un meilleur revenu au sein de la société conjointe de plus grande envergure. Il semble que les gains améliorés font monter le prix et progresser l'investissement des actionnaires. Toutefois, essayer de dire qu'une dépense engagée dans le but d'améliorer la capacité d'une société constitue une sorte de dividende camouflé ou d'avantage conféré à un actionnaire parce que cette dépense lui permet d'améliorer la valeur des actions et que, par conséquent, elle n'est pas déductible conformément à l'alinéa 18(1)a), je dirais que c'est comme mettre la charrue devant les boeufs.

[47]       Manifestement, dans la présente affaire les services fournis par ARC visaient à améliorer les revenus de l'appelante et les honoraires versés ont été engagés afin de tirer un revenu de l'entreprise de l'appelante. Par conséquent, les principales hypothèses factuelles et juridiques sur lesquelles la Couronne appuyait son dossier ont été réfutées.

[...]

[52]       [...] Je dois dire que la preuve n'appuie ni l'hypothèse factuelle selon laquelle ICEC agissait au nom de ses actionnaires ni l'autre hypothèse selon laquelle la société agissait au nom de M. Morgan. Le Conseil d'administration agissait dans l'intérêt de l'appelante. Le fait que les actionnaires ou M. Morgan ont pu tirer un certain profit ne fait pas de l'appelante leur représentante.

[36]     Selon la Couronne, l'admissibilité des dépenses aux fins de déduction dans la présente affaire ne correspond absolument pas aux réalités économiques et commerciales du domaine des fusions et des prises de contrôle. Il est tout à fait logique de considérer l'optimisation du cours de l'action comme une fonction directement liée aux activités de toute société, que ce soit une société faisant publiquement appel à l'épargne ou tout autre genre de société. Le témoignage de M. Shouldice était clair lorsqu'il a indiqué que toutes les décisions commerciales de Nowsco étaient fondées sur l'optimisation de la valeur pour l'actionnaire. On peut constater l'importance de cette optimisation pour Nowsco dans son énoncé de mission (onglet 8 du volume 1 de l'exposé conjoint des faits et du dossier des documents conjoints) préparé en 1992, bien avant l'offre de BJ.

[37]     Le maintien et l'expansion future des activités d'une entreprise sont fondés sur la confiance des actionnaires. Les actionnaires actuels et potentiels représentent la source de financement des sociétés faisant publiquement appel à l'épargne. M. Shouldice a estimé qu'il consacrait, en moyenne, environ une demi-heure de chaque journée de travail à assurer la confiance des actionnaires en ce qui concerne la façon dont l'entreprise gérait les investissements des actionnaires. Selon le témoignage de M. Shouldice, on s'attendait à ce que toutes ses activités professionnelles visent à maximiser la valeur pour l'actionnaire. Lorsque l'augmentation du cours de l'action fait partie intégrante de toutes les décisions d'affaires prises, comment peut-on ne pas dire qu'il s'agit d'une activité liée à l'exploitation de Nowsco? Les attentes relatives au marché public suggèrent plusieurs plans d'action que peut adopter une société en cas d'offre publique d'achat. M. Bruce a décrit ces options dans son témoignage. Il a reconnu que Nowsco avait agi de façon très professionnelle et que les dépenses, y compris les frais « d'engagement » et de « rupture » , étaient non seulement raisonnables, mais qu'ils étaient normaux. Nowsco se devait de répondre à l'offre publique d'achat en faisant preuve de diligence raisonnable et devait agir dans le meilleur intérêt de Nowsco. Comme l'a expliqué M. Bruce, Nowsco n'avait tout simplement pas le choix de refuser la proposition. Si l'on avait décidé de ne pas tenir compte de l'offre de BJ et de ne prendre aucune mesure, des actionnaires mécontents auraient pu décider d'intenter une action en justice contre les directeurs ou la société ou contre les deux occasionnée par un manquement à l'obligation d'agir dans le meilleur intérêt des actionnaires et de maximiser le cours de l'action. Le Conseil d'administration se devait de trouver une meilleure option, un chevalier blanc, s'il y en avait un, bien qu'aucune mesure législative précise à ce sujet ne l'ait exigé. En fait, on reconnaît, dans la politique nationale no 38, que l'objectif d'une société en cas d'offre publique d'achat consiste à protéger avant tout les intérêts véritables des actionnaires des sociétés visées. Il s'agit de responsabilités bien différentes des responsabilités normales des directeurs dans le contexte des offres publiques d'achat établies dans la common law.

[38]     Bref, ces dépenses, bien qu'elles soient liées à l'optimisation de la valeur pour l'actionnaire, faisaient partie intégrante de l'exploitation de l'entreprise et ne peuvent être dissociées de ses activités visant à tirer un revenu. Même si, dans la décision complémentaire liée à la TPS, le juge Miller a conclu qu'il existait un recoupement nécessaire entre ce que l'on qualifie de « marché des entreprises » qui exige l'optimisation de la valeur pour l'actionnaire et le « marché de la prestation de produits et de services » au sein duquel Nowsco procédait à ses activités quotidiennes de prestation de services à l'industrie pétrolière, je ne suis pas aussi enthousiaste à classifier les activités commerciales de Nowsco aux fins de mon analyse sous le régime des dispositions législatives en matière d'impôt. Je préfère conserver la définition offerte par M. Shouldice, lorsqu'il a fait référence aux deux domaines d'activités de Nowsco, soit la maximalisation de la valeur pour l'actionnaire et les activités quotidiennes au sein de l'industrie du pétrole, les décrivant comme des éléments [traduction] « d'une grande machine » . Ces deux domaines sont si liés que, comme en a témoigné M. Shouldice, la maximalisation de la valeur pour l'actionnaire faisait partie de la philosophie fondamentale de l'organisme sur laquelle était fondée chaque décision commerciale prise par Nowsco. Je ne peux le résumer mieux que ne l'a fait M. Shouldice dans son témoignage formulé de la manière suivante :

[traduction]

[...] tout ce que nous faisions, chaque budget, chaque fois que nous embauchions quelqu'un, chaque fois que nous congédions quelqu'un, chaque fois que nous ouvrions une nouvelle station, chaque fois que nous nous rendions dans un autre pays, la première question que l'on se posait était la suivante : qu'est-ce que cela fera aux résultats? Les résultats étant les gains par action.

Les actionnaires fournissaient le financement de Nowsco, et si l'on perdait ce financement, ou si on le retirait, on perdrait des clients, il faudrait mettre du personnel à pied et, en fin de compte, dans la pire des situations, il faudrait mettre fin aux activités de Nowsco. Il est donc simplement logique que la maximalisation de la valeur pour l'actionnaire soit inextricablement et essentiellement liée à l'activité visant à tirer un revenu dans le contexte d'une société. Comment peut-il en être autrement? Étant donné les circonstances, les dépenses faisaient partie des frais généraux que doit engager une société en vue de tirer un revenu, même si ces dépenses ne sont pas directement liées aux activités accomplies en vue de tirer un revenu, mais qu'elles sont liées aux intérêts des actionnaires. Se soucier des intérêts des actionnaires constitue une attitude juste et sage de la part d'une société, et les dépenses engagées à cette fin font simplement partie du prix à payer pour faire affaire dans ce marché des entreprises.

[39]     Étant donné que l'appelante est la successeure au sens de l'alinéa 18(1)a), je dois maintenant examiner l'alinéa 18(1)b) et la deuxième observation de la Couronne selon laquelle ces dépenses devraient être traitées comme des mises de fonds. Si je conclus que ces dépenses constituent des mises de fonds en nature, elle ne seront pas déductibles à moins qu'on ne les considère comme des « dépenses en capital admissibles » au sens du paragraphe 14(5) de la Loi. Si toutefois je conclus que, par leur nature, elles ne sont pas des dépenses en capital, alors elles seront entièrement déductibles du revenu, puisque j'ai conclu que la preuve avait montré qu'il s'agit de dépenses engagées « en vue de tirer un revenu » .

[40]     La restriction particulière en ce qui concerne les dépenses en capital est établie à l'alinéa 18(1)b) de la Loi. La majeure partie de la jurisprudence, utilisée dans le présent appel afin de trancher la première question en litige, s'applique également à la question du revenu et des dépenses en capital. Dans l'arrêt Boulangerie St-Augustin Inc., le juge Archambault a fait référence aux propos du juge Jackett dans la décision Algoma Central Railway v. M.N.R., 67 DTC 5091 où ce dernier s'est exprimé en ces termes :

                  

                   [traduction]

Afin de déterminer si un tel paiement constitue une dépense en capital, le « critère habituel » que l'on applique consiste à se demander si la dépense a été engagée afin de créer un avantage dont l'entreprise de l'appelant pourra tirer un profit durable.

Si l'on suit ce raisonnement, quel était donc l'objectif de Nowsco lorsqu'elle a engagé ces dépenses? L'objectif de Nowsco, en retenant les services des conseillers financiers et juridiques, consistait à maximiser la valeur pour la l'actionnaire conformément à leurs obligations juridiques, dans une situation d'offre publique d'achat. Lorsque l'on s'est rendu compte que Nowsco allait être vendue, le Conseil d'administration devait de nouveau faire preuve de bonne foi et procéder à une vaste vente aux enchères et trouver une société alliée intéressée à acheter les actions, et ensuite formuler des recommandations raisonnables et informées à ses actionnaires par l'intermédiaire d'une lettre circulaire des directeurs. Ce processus est certainement inextricablement lié aux actions de Nowsco, mais la société se trouve néanmoins à une étape de leur vente. La décision ultime d'offrir les actions à une société acheteuse était totalement laissée à la discrétion des actionnaires.

[41]     Dans l'analyse de l'arrêt Boulangerie St-Augustin Inc., le juge Archambault s'est exprimé en ces termes aux paragraphes 56 et 57 :

[56]        La preuve faite lors de l'audition n'a pas révélé que Boulangerie a engagé ses frais professionnels pour obtenir tout autre avantage durable. Par exemple, les frais professionnels n'ont pas été engagés par Boulangerie dans le but d'obtenir des fonds. Il n'y a eu aucune souscription d'actions dans son capital-actions. Tout ce qu'on a fait a été de remplacer tous les actionnaires pour un actionnaire unique. La preuve ne révèle pas non plus que Boulangerie a engagé ses frais professionnels dans le cadre d'une démarche visant à obtenir un nouvel actionnaire aux ressources financières considérables pour faciliter des projets d'expansion ou un nouvel actionnaire ayant une technologie particulière qui pourrait procurer des avantages synergiques. Si tel avait été le cas, il aurait fallu analyser en détails ces circonstances pour décider s'il s'agissait de dépenses de capital.

[57]        [...] Au contraire, la preuve révèle que Boulangerie a engagé ces honoraires professionnels pour se conformer à l'article 134 de la LVM qui oblige une société à renseigner ses actionnaires pour qu'ils prennent une décision éclairée et ce même si le conseil ne pas fait de recommandation à ses actionnaires. Le fait que le conseil ait fait une recommandation dans certaines circulaires en tenant compte des intérêts à long terme de Boulangerie ne change pas la nature des dépenses engagées pour la préparation des circulaires. De toute façon, si ces honoraires professionnels ont procuré un avantage durable à Boulangerie, il ne s'agit que d'une conséquence secondaire de ces dépenses.

[42]     Dans la décision International Colin Energy Corporation, le juge en chef adjoint Bowman a été plus direct et s'est exprimé succinctement au paragraphe 48 qui est ainsi formulé :

                   [traduction]

[48]       Je dois mentionner brièvement l'observation selon laquelle le paiement constitue une dépense en capital, même si je ne crois pas que ce soit le cas dans l'affaire en l'espèce. Il n'est pas nécessaire d'examiner toute une panoplie de décisions. Ces dépenses sont bien connues et ont été examinées sous toutes leurs coutures dans l'arrêt Johns-Manville Canada Inc. c. La Reine [1985] 2 R.C.S. 46. Dans la présente affaire, on n'a acquis aucun bien immobilisé, on n'a pu constater aucun avantage durable et on n'a conservé aucun bien immobilisé.

En l'espèce, le ministre reconnaît que Nowsco n'a obtenu aucun avantage durable lorsqu'elle a engagé les dépenses, que ces dépenses n'étaient liées à aucune année d'imposition antérieure ou ultérieure de l'entreprise et qu'elles avaient été déduites des revenus courants selon des principes commerciaux bien établis.

[43]     Un grand nombre de ces principes, qui ont été examinés dans les décisions que j'ai utilisées pour mon analyse de la première question en litige, s'appliquent également pour trancher cette question. On peut utiliser la même approche que celle adoptée dans l'affaire Canderel pour établir si les dépenses constituent des dépenses en capital, tout comme on l'a utilisée afin de déterminer si les dépenses étaient déductibles. Le premier objectif consiste à créer une image exacte des revenus de Nowsco conformément à des principes bien établis et bien reconnus en matière de pratiques commerciales. Compte tenu des fait admis par la Couronne quant à ces dépenses et étant donné qu'on n'a présenté aucun élément de preuve montrant que la capitalisation de ces dépenses permettrait d'obtenir une image plus exacte des revenus de Nowsco, soit pendant l'année qui fait l'objet de l'appel ou toute autre année, je n'accepte pas l'observation selon laquelle l'alinéa 18(1)b) ne permettrait pas la présente déduction.

[44]     J'ai fondé mes conclusions, dans l'affaire qui nous occupe, sur la décision du juge en chef adjoint Bowman dans l'affaire International Colin Energy Corporation. La Couronne a tenté d'établir une distinction entre la présente affaire et celle qui fait l'objet de cette décision en se fondant en partie sur les faits et en partie sur les commentaires qui y sont contenus et qui, selon la Couronne, étaient des remarques incidentes. Il est vrai que le contribuable, dans la décision International Colin Energy Corporation, faisait face à de graves problèmes financiers et avait embauché des conseillers pour trouver des solutions à ses déboires financiers. Nowsco était financièrement bien portante. La Couronne a fait valoir que Nowsco avait versé des honoraires qui ont permis d'augmenter la valeur pour l'actionnaire, mais le juge Bowman, dans la décision International Colin, a conclu que les conseillers n'avaient fait aucun effort pour améliorer la valeur pour l'actionnaire et qu'aucune mesure prise par les conseillers n'avait contribué à augmenter le cours de l'action. En examinant l'alinéa 18(1)b), le juge Bowman a fait de brefs commentaires à l'égard desquels, selon la Couronne, je ne devrais accorder que peu d'importance. De nombreux faits admis par le ministre appuient complètement les commentaires du juge Bowman, bien qu'il puisse s'agir d'une opinion incidente dans le contexte de la décision International Colin. Dans l'affaire en l'espèce, le représentant du ministre a témoigné lors des étapes de communication et d'interrogatoire préalables, et ses propos sont ainsi formulés (Compte rendu de l'interrogatoire préalable consigné en preuve, aux pages 37 à 39) :

                   [traduction]

Q.         Seriez-vous d'accord avec moi que le fait de tenir des registres des revenus et des dépenses exacts correspondant à une période précise donne une image adéquate de cette période?

R.          Oui.

Q.         Et vous confirmez que Nowsco a engagé ces dépenses pendant la période pertinente.

R.          Ils ont engagé ces montants. Quant à savoir s'il s'agissait de dépenses ou non, j'imagine que c'est une question discutable.

Q.         Seriez-vous d'accord avec moi qu'il ne s'agit pas de montants ou de dépenses liés à une période antérieure?

R.          Oui.

Q.         Et vous êtes d'accord avec moi qu'il ne s'agit pas de dépenses liées à une période ultérieure?

R.          Oui.

Q.         Vous reconnaissez qu'en engageant ces dépenses, cela a réduit les liquidités de Nowsco réservées à payer les impôts par exemple.

R.          Oui, ces dépenses ont réduit les liquidités de la société.

[...]

Q.         Selon vous, est-ce que les dépenses ont été engagées uniquement dans le contexte de l'offre publique d'achat?

R.          Oui.

Q.         Et seriez-vous d'accord avec moi pour dire que l'objectif de ces dépenses a été atteint lorsque la prise de contrôle a été finale?

R.          L'objectif de cette dépense consistait à augmenter le cours de l'action. Une fois le cours de l'action augmenté et les actions vendues à BJ, alors il n'y avait pas d'avantage durable des 50 millions de dollars.

Je suis d'accord avec les observations présentées par l'appelante selon lesquelles cet argument à l'encontre de la désignation des dépenses comme mises de fonds est sans doute plus solide que dans la décision International Colin. Dans l'affaire présentée devant le juge Bowman, les dépenses ont été engagées de plein gré par le contribuable et étaient justifiées en raison de ses problèmes financiers et dans le but de sauver son entreprise. Pourtant le juge Bowman a rejeté l'observation relative au traitement du capital. Dans l'affaire qui nous occupe, si BJ n'avait pas présenté son offre publique d'achat non sollicitée, Nowsco n'aurait jamais modifié la structure de son capital. L'entreprise était un chef de file dans son domaine, étant la plus importante entreprise de ce genre au Canada. Entre 1990 et 1995, ses revenus étaient passés de 198 millions de dollars à 480 millions de dollars. Les dépenses engagées en 1996 l'ont été uniquement afin de répondre à l'offre de BJ qui est arrivée sur le bureau du Conseil d'administration sans aucun avertissement. Le processus s'est échelonné sur environ 60 jours pendant la même période financière. Je ne vois aucune raison de capitaliser ces dépenses, et il n'est certainement pas logique de les appliquer à certaines périodes ultérieures sans aucun lien de causalité avec les activités de l'organisme. En fait, à bien y penser, je suis portée à douter des motifs qui auraient poussé à désigner la vente initiale des actions d'entreprise comme mise de fonds. Lorsque l'entreprise procède à la première vente dans le marché public, les actions acquièrent une quasi-indépendance sur le « marché des entreprises » (comme l'a appelé le juge Miller dans la décision complémentaire), et on ne peut pas dire que cette vente procure un avantage durable quelconque à la société qui les émet. En fait, on pourrait considérer qu'elle constitue un fardeau et non un avantage durable pour la société émettrice parce que, lorsque les actions sont vendues et que la société reçoit les fonds, elle est alors responsable de se conformer aux règlements sur les valeurs mobilières, de maintenir les relations avec les actionnaires, de conserver leur confiance et de produire les rapports financiers.

[45]     Les avocats de l'appelante m'ont renvoyé à un certain nombre d'autres affaires, y compris l'affaire Johns-Manville Canada Inc. c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 46, dans laquelle on a examiné dix facteurs particuliers afin de décider si une dépense est de la nature d'un revenu ou d'un capital. Je crois qu'il me suffit de dire, en conclusion, qu'un examen des principes généraux établis dans l'arrêt John-Mansville Canada Inc. et que l'application d'une approche logique aux faits liés à la présente affaire me permettent de conclure que ma qualification, selon laquelle les dépenses étaient de la nature d'un revenu, est appuyée. Aucune immobilisation n'a été acquise, aucun bien en capital n'a été retenu et aucun avantage durable n'a été obtenu en engageant ces dépenses. Ces dernières n'étaient liées à aucune période antérieure ou ultérieure. Je conclus que Nowsco avait le droit de déduire ces dépenses de ses revenus courants conformément à des principes commerciaux bien établis et qu'elles ne constituent pas des mises de fonds en immobilisations.

[46]     Pour finir, je veux aborder les autres observations de l'appelante, bien que j'aie déjà exprimé ma décision en ce qui concerne le présent appel dans mon analyse ci-dessus. L'appelante maintient que, malgré les alinéas 18(1)a) et 18(1)b), les frais de financement pourraient être déductibles conformément à l'alinéa 20(1)e). Cette disposition prévoit une déduction annuelle de 20 p. 100 des dépenses, jusqu'à déduction de toutes les dépenses lorsqu'elles ont été engagées dans le cadre de l'émission ou de la vente d'actions. L'appelante s'est fondée sur la décision M.R.N. c. Yonge-Eglington Building Ltd., [1974] 1 C.F. 637 ([1974] C.T.C. 209) (C.A.F.), dans laquelle, au paragraphe 13, on a interprété l'expression « à l'occasion de » dans un sens plus large pour l'application de l'alinéa 11(1)cb), le prédécesseur de l'alinéa 20(1)e), de la façon suivante :

[...] il me semble que l'expression « à l'occasion de » [...] ne se rapporte pas à l'époque où les dépenses ont été engagées; elle est utilisée dans le sens de « relativement à » , « résultant de » ou « imputable à » et se rapporte au mode d'exécution ou à ce qui doit être fait pour réaliser l'émission ou la vente ou l'emprunt pour lesquels ou relativement auxquels les dépenses ont été engagées.

[47]     Bien que j'aie accueilli l'observation principale de l'appelante, je crois que l'on peut dire qu'il s'agissait de dépenses qui allaient déboucher sur un événement visé par la portée générale de l'alinéa 20(1)e) dans la décision M.R.N. c. Yonge-Eglington Building Ltd. Si j'interprète cet alinéa comme on le fait en temps ordinaire, alors tout le processus entourant les dépenses, peu importe qui a finalement acheté les actions de Nowsco, peut, selon moi, être perçu comme des dépenses engagées dans le contexte de la vente probable des actions à BJ. Lorsque j'examine une observation semblable dans la décision International Colin Energy Corporation, bien que le juge en chef adjoint Bowman considère qu'il était inutile de trancher sur cette question en litige, il a fait les commentaires formulés de la manière suivante :

                   [traduction]

Toutefois, la question en litige vise à savoir si « à l'occasion de la vente [...] les actions du capital social du contribuable [...] » doivent être restreintes à une vente de ses propres actions par une société.

Les deux parties ont présenté des arguments valables. On peut débattre que le terme « vente » associé au terme « émission » signifie une vente de ses propres actions par une société. On peut également débattre que le sens du terme « émission » utilisé seul est assez large pour comprendre une vente de ses propres actions par une société sans qu'il ne soit nécessaire d'ajouter le mot « vente » si tout ce que cela signifiait était une vente effectuée par la société. Par conséquent, le terme « vente » doit vouloir dire autre chose, et la seule chose à laquelle il peut faire référence est une vente menée par les actionnaires à l'occasion d'une opération de la société du genre de celle de l'affaire en l'espèce où les intérêts de la société ont été touchés. Je conclus que c'est un argument qui me plaît, non seulement parce qu'il est logique sur le plan commercial, mais parce que son interprétation plus restrictive signifie qu'il faut interpréter les termes législatifs qui ne sont pas là.

[48]     L'appelante s'est également fondée sur l'alinéa 20(1)bb) qui prévoit la déduction des dépenses engagées pour des services consultatifs en matière d'investissement dans le calcul des revenus tirés d'une entreprise ou d'un bien. L'appelante fait valoir que la preuve montre que les conseils que RBC et Simmons ont donnés à Nowsco constituaient des conseils en matière d'investissement relativement à la vente d'actions. L'intimée soutient que l'alinéa 20(1)bb) exige un lien entre la source de revenu du contribuable et les dépenses demandées ainsi qu'une déduction de certaines dépenses engagées pour obtenir des conseils relativement à l'achat ou à la vente d'actions ou pour des services de gestion ou d'administration des actions. L'intimée insiste que Nowsco ne peut s'appuyer sur cette disposition puisqu'elle ne cherchait pas à vendre ou à gérer ses actions car elles appartenaient à quelqu'un d'autre. Bien que l'argument de l'intimée présente certains aspects valides, il peut s'agir en fait d'une interprétation trop restreinte de cette disposition. Toutefois, compte tenu de ma décision, je n'ai pas à trancher sur cette question en litige.

[49]     Enfin, l'appelante propose aussi subsidiairement que, si les dépenses avaient été engagées dans le but de tirer un revenu, mais qu'il s'agit de mises de fonds au sens de l'alinéa 18(1)b) et qu'elles ne répondent pas aux observations susmentionnées, alors il s'agit de dépenses en capital au sens du paragraphe 14(5). Lorsque j'examine de nouveau la nature des dépenses engagées par Nowsco, il est clair que ma qualification au départ des dépenses comme dépenses autre qu'en capital est plus appropriée, selon le bon sens, que d'essayer de les faire correspondre à l'interprétation du paragraphe 14(5).

[50]     Pour les motifs susmentionnés, l'appel est accueilli avec dépens, et la cotisation pour la période se terminant le 13 juin 1996 est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations au motif que les honoraires versés à RBC, à Simmons et à GLCC sont déductibles dans le calcul des revenus de l'appelante.


Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de décembre 2003.

« Diane Campbell »

Juge Campbell

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mars 2004.

Louise-Marie LeBlanc, traductrice

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