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Référence : 2005CCI463

Date : 20051209

Dossier : 2003-500(IT)I

ENTRE :

NICK POUSHINSKY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience à

Vancouver (Colombie-Britannique) le 14 mai 2003.)

Juge Margeson

[1]      Les questions soumises à la Cour sont celle de savoir si un avantage devait être inclus dans les cotisations établies à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 2000, lequel lui aurait été conféré par la société, et, en second lieu, celle de savoir, dans le cas où un avantage aurait été accordé, si l'appelant devait encourir la responsabilité des pénalités qui lui ont été imposées. L'avantage, qu'il aurait reçu de la société Mattanda, a été établi en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). En outre, il y a la question de savoir si, au cours de l'année 2000, l'appelant a sciemment, dans des circonstances équivalant à faute lourde, donné des indications fausses ou fait des omissions, y a participé ou y a consenti en omettant de déclarer le prétendu avantage dans son revenu pour l'année d'imposition 2000.

[2]      L'appelant, Nick Poushinsky, a affirmé qu'au cours de l'année d'imposition 2000 en question, sa société, Mattanda, était en affaires. Il était le seul actionnaire. Il était administrateur. La question de savoir s'il était un employé se posait. Cela n'est pas pertinent en l'espèce. Il a affirmé être employé maintenant.

[3]      Pour l'essentiel, la société offrait des services consultatifs de gestion à un large éventail de clients, y compris, dans l'affaire qui nous occupe, l'un des ministères du gouvernement de la Colombie-Britannique.

[4]      Ce qui est significatif, ce sont les antécédents de l'appelant. Celui-ci a affirmé qu'il avait un Ph.D. de l'Université York. Il a enseigné à l'Université Dalhousie. Il a enseigné également à l'Université Rutger et à l'Université de Victoria, en Colombie-Britannique. Il a aussi travaillé à la fonction publique. Il a été sous-ministre des Mines et sous-ministre des Services sociaux au Yukon.

[5]      La société Mattanda a été constituée en personne morale au Yukon. L'objet explicite de cette société était la prestation de services consultatifs à l'intention d'une clientèle telle que le Ministère, en l'espèce. En l'affaire qui nous intéresse, la société procédait à un examen du bureau de la santé mentale. C'était à tout le moins l'un des services que la société examinait.

[6]      Même si l'appelant a signé l'entente personnellement, le travail à forfait était au nom de la société. Celle-ci était autorisée à toucher l'indemnité qui était versée, même si les chèques étaient créés à son nom en raison d'un problème avec le Workers' Compensation (Indemnisation des travailleurs). La Cour est plus que convaincue que c'était la société qui effectuait le travail et que l'argent que l'appelant recevait était manifestement l'argent de la société.

[7]      L'appelant a affirmé que le travail avait été terminé définitivement en 2001. Il a été très confus relativement aux circonstances et la Cour comprend difficilement les raisons d'une telle confusion. Il n'y avait pas un grand nombre de faits en cause. Bien que l'appelant n'ait pas semblé s'en souvenir, la preuve convainc la Cour que deux chèques ont été émis, et que l'on a fait savoir au Ministère qu'ils avaient été perdus ou volés. Deux autres chèques ont été émis afin de les remplacer.

[8]      Il semblerait simplement raisonnable que l'appelant, avant de comparaître devant la présente Cour et étant le principal intervenant en l'espèce, ait connu la situation de fait concernant ces chèques. Il a regardé à l'endos des chèques qui lui ont été présentés, mais la Cour est convaincue qu'il aurait dû être beaucoup mieux renseigné et beaucoup plus catégorique en affirmant à quoi correspondaient ces chèques, et qu'il aurait dû savoir de quels chèques il s'agissait. Il ne serait pas raisonnable pour la Cour de conclure que l'appelant ne devait pas connaître les circonstances dans lesquelles ces chèques avaient été émis, ni savoir quand ils avaient été encaissés, quand ils avaient été déposés et quand l'argent avait été retiré. Il n'est pas raisonnable pour l'appelant de ne pas être plus au courant de la situation de fait concrète.

[9]      Il ne fait aucun doute que deux chèques ont été émis et qu'ils étaient au montant de 13 000 $ chacun. Cet argent appartenait à la société, et d'après le témoignage de l'appelant, l'un des deux montants de 13 000 $ a été porté au compte de la société, et l'autre ne l'a pas été. Selon son témoignage, l'autre montant de 13 000 $ a été versé à son propre compte, et il l'a utilisé à des fins personnelles..

[10]     L'appelant a affirmé que cette période s'était avérée stressante pour lui, qu'il n'était pas absolument sûr de ce qui s'était passé par la suite et qu'il ne savait pas quand les chèques avaient été émis. Du point de vue des faits, il ne semblait pas même savoir que les chèques avaient été effectivement rappelés. Il n'a pas témoigné à ce sujet. Cela a été évoqué dans le témoignage d'un témoin qui a été présenté au nom de l'intimée.

[11]     L'appelant a déclaré que sa femme avait fait une chute et qu'elle avait des douleurs aux bras. Dans la panique qui s'est ensuivi, a-t-il prétendu, il aurait fait ceci : [TRADUCTION] « Par inadvertance, j'ai déposé l'argent dans mon compte. » Ce sont là ses propres paroles.

[12]     Il a affirmé que l'exercice de la société Mattanda avait commencé le 1er août 2000 et s'était terminé le 31 juillet 2001. Il a précisé qui étaient ses comptables. Il n'établissait pas lui-même ses états financiers, c'était les comptables qui le représentaient aujourd'hui devant la Cour qui le faisaient. Ces déclarations ont été fournies passablement tard. Selon lui, il n'était pas un très bon gestionnaire. Il rassemblait ses documents afin de les présenter à ses comptables qui dressaient les états financiers à la fin de la journée. Il a déclaré qu'il avait préparé les documents au moins une année après avoir déposé l'argent dans son compte. Alors cela faisait encore partie de son explication des raisons pour lesquelles il était confus au sujet de ce qui s'était réellement passé.

[13]     L'appelant n'a pas avisé les comptables au sujet de cet argent. [TRADUCTION] « J'avais manifestement mis cela en oubli. Je suis le seul administrateur » , a-t-il déclaré. Il a reconnu qu'il examinait les états financiers lorsqu'ils étaient établis. Il n'a pas réalisé que le revenu de la société était sous-évalué de 13 000 $. Il n'en a pris connaissance que près de une année plus tard, lorsque quelqu'un de Revenu Canada lui a téléphoné afin de l'en aviser. Il ne s'était pas heurté à des problèmes avec Revenu Canada avant cette date. C'était son témoignage en preuve directe.

[14]     Lors du contre-interrogatoire, l'appelant a assuré qu'il détenait un doctorat en sociologie. Il gère une entreprise de conseils par le truchement de la société Mattanda, qu'il exploite depuis 1992. Au cours de l'année 2000, il était l'unique actionnaire et administrateur de la société Mattanda. Il n'a déclaré aucun salaire ou autre revenu de la société Mattanda pour l'année 2000. Tout son revenu provenait de KPMG, dont il était à l'emploi. Du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2000, son seul revenu était tiré de son emploi chez KPMG. La société Mattanda lui devait peut-être de l'argent sous forme de prêt à un actionnaire, et il est possible que ce prêt lui ait été remboursé, mais il n'en était pas absolument certain. De temps en temps, il retirait de l'argent de la société et libellait des chèques à son nom. Il semblerait que c'était sous forme de remboursements d'un prêt à un actionnaire.

[15]     L'appelant a allégué ceci : [TRADUCTION] « Je ne sais pas si j'ai retiré de l'argent à mon nom au cours de l'année 2000. Si je l'ai fait, il s'agissait d'un remboursement pour un prêt. » Le contrat avec le gouvernement de la Colombie-Britannique a été signé en 1999, le 7 novembre. Il s'agit du contrat de services. La pièce R-1 a été admise en preuve sur consentement. La raison pour laquelle ce contrat était à son nom ne venait pas seulement de la difficulté liée au fait que la société avait été enregistrée au Yukon et qu'elle était exploitée en Colombie-Britannique. Elle avait trait au Workers' Compensation et à un problème avec cet organisme. Mais l'appelant a déclaré ceci : « J'ai établi le contrat au nom de la société Mattanda. J'ai toujours offert mes services par le truchement de la société. » Il ne peut faire aucun doute, compte tenu des éléments de preuve, que ce n'était pas son propre travail qu'il exécutait, que la rémunération ne serait manifestement pas la sienne, qu'elle serait celle de la société, et qu'il le savait.

[16]     [TRADUCTION] « Je comprenais que ce serait celle de la société Mattanda » , a affirmé l'appelant. Il a touché les 13 000 $ au mois de décembre 1999. Il s'agit des 13 000 $ en litige. Il a pensé les avoir touchés en 1999 et les avoir placés à la banque, mais les témoignages présentés ultérieurement sembleraient indiquer que les chèques ont été émis, mais qu'ils ont été perdus ensuite et émis de nouveau, et qu'ils n'ont pas été portés au compte avant janvier 2000.

[17]     La Cour a remarqué à ce moment-là, lorsque l'appelant a rendu ce témoignage, qu'il semblait très incertain de certaines questions dont il aurait dû être plus au courant, et cela a certainement eu un effet sur l'appréciation de la Cour à l'égard de son témoignage. Il n'a vraiment commencé à se préparer en vue de la présente affaire qu'à la dernière minute, d'après son témoignage. Il peut ne pas avoir examiné la documentation nécessaire, et cela peut certainement avoir nui à sa façon de rendre son témoignage.

[18]     L'appelant a reconnu l'un des chèques et non l'autre. Il a déclaré ceci : [TRADUCTION] « Ce dont je me souviens honnêtement, c'est d'un chèque en décembre 1999. Je pense qu'un chèque a été retiré. Honnêtement, je ne sais pas. » C'est la seule indication qu'il a donnée du fait qu'un chèque a pu être émis de nouveau.

[19]     L'appelant a allégué ceci : [TRADUCTION] « Je n'ai pas pu retracer le chèque de décembre 1999. » Il ne savait pas avec certitude si le chèque de décembre avait été annulé et si un autre avait été émis en janvier. Cela soulève alors la question suivante : si les deux chèques ont été encaissés à la même date, comment a-t-il pu en comptabiliser un au nom de la société et pas l'autre? C'est la question qui lui a été posée, mais il a affirmé que les 13 000 $ n'avaient pas été comptabilisés dans les livres de la société Mattanda.

[20]     On lui a demandé si les 13 000 $ étaient un remboursement d'un prêt à l'actionnaire, et, après y avoir songé, il a affirmé que non, ce n'était pas le cas. À la fin de la journée, la Cour conclut qu'il n'avait pas en tête de toucher un remboursement d'un prêt à l'actionnaire. Il a affirmé que les 13 000 $, qui ont été portés à son compte l'ont été par « confusion » . Cet argent n'était pas considéré comme le remboursement d'un prêt à l'actionnaire. Ce qu'il a dit, c'est que les 13 000 $ n'avaient jamais été portés au compte de la société Mattanda. On lui a demandé ensuite ce qu'il avait fait avec ces 13 000 $ et il a répondu qu'il ne le savait pas, bien qu'il ne puisse faire aucun doute qu'il les a utilisés à des fins personnelles.

[21]     La pièce R-2 a été admise en preuve sur consentement. Il s'agit des états financiers. L'appelant a examiné les états financiers de la société pour la période entre août 1999 et le 31 juillet 2000 et les a identifiés. Il s'est également reporté à une copie du relevé fiscal. Il a désigné le montant de 13 000 $, qui était inclus dans le relevé et a affirmé qu'il s'agissait de l'un des chèques ou de l'un des montants qui s'inscrivaient dans le montant de 26 000 $, l'autre montant de 13 000 $ étant en litige. L'appelant a déclaré ceci : [TRADUCTION] « Je n'ai jamais remarqué qu'il n'avait pas été inscrit dans les livres de la société Mattanda lorsque je les ai examinés. »

[22]     L'appelant a précisé qu'il avait entre 15 et 20 clients, certains moins essentiels et d'autres plus importants. Il n'a jamais remarqué que les 13 000 $ n'étaient pas comptabilisés jusqu'à ce que Revenu Canada communique avec lui. Il a admis qu'il était responsable de la comptabilisation du revenu, de sa déclaration et des dépôts. Il n'a pas comparé les écritures des dépôts aux contrats que la société avaient passés, c'est-à-dire qu'il n'a pas comptabilisé un dépôt en disant, bon, ce dépôt est lié au contrat A, celui-là au contact B, et ainsi de suite. Il n'a adopté aucune mesure afin de vérifier l'écriture du 13 000 $ le 31 janvier 2000. C'était le chèque du Ministère de la C.-B. L'appelant a prétendu qu'il ne saurait pas comment procéder.

[23]     Lors du réinterrogatoire, l'appelant a allégué ceci : [TRADUCTION] « Je ne sais pas quand j'ai reçu les chèques. Je ne me rappelle pas avoir tenu un livre » , qu'il s'agisse d'un registre, d'un sommaire ou d'un livre des chèques qu'il recevait.

[24]     L'intimée a appelé Kim Dow, qui est vérificateur pour l'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « ADRC » ) et qui a étudié pendant 18 années dans un séminaire catholique avant de venir au Canada, en 1965. Il est à l'emploi de l'ADRC, ou de l'organisme prédécesseur, depuis 1991. Il a obtenu un diplôme en philosophie, après quoi il a étudié le français. Il a étudié la comptabilité au Canada. Il est vérificateur depuis 1999. Il a été le vérificateur dans ce dossier.

[25]     L'objectif de M. Dow, lorsqu'il a effectué la vérification, consistait à vérifier le revenu non déclaré. Il a tenté de déterminer si le contrat était valide, quelles sommes avaient été déclarées et quelles sommes ne l'avaient pas été. Il a découvert que, sur le montant de 26 000 $, une somme de 13 000 $ avait été déclarée. Le comptable ne pouvait pas fournir les documents, mais il a affirmé que l'appelant n'avait pas déclaré cette somme.

[26]     La pièce R-1 a été admise en preuve sur consentement. Il s'agit du contrat que M. Dow a vérifié et qu'il a précédemment désigné. La pièce R-2 était une copie du document fourni par le comptable, ce qu'il a reconnu. On lui a demandé quelles mesures il avait prises afin de déterminer quel montant avait été versé, et il a expliqué qu'il avait passé un marché avec le comptable et un autre avec l'appelant lui-même. Apparemment, il a discuté avec lui à deux ou trois reprises, bien que la plus grande partie de ses notes se limitent à l'une de ces entrevues. Il croyait avoir interrogé l'appelant deux ou trois fois, ou à tout le moins lui avoir parlé.

[27]     Lorsque M. Dow s'est adressé au comptable, il n'a obtenu aucune réponse. Il a communiqué avec le Ministère, et il a reçu des copies des chèques libellés à l'ordre de l'appelant. Les chèques de remplacement ont été émis afin d'être substitués aux deux chèques qui avaient été perdus ou volés. Les deux chèques au montant de 13 000 $ chacun étaient libellés à l'ordre de M. Poushinsky, datés du 27 janvier, et ils ont été déposés le 31 janvier.

[28]     La pièce R-3 a été admise en preuve sur consentement. Elle faisait référence aux chèques de remplacement. Deux chèques antérieurs ont été remplacés. Il a été mentionné qu'ils avaient été perdus ou volés.

[29]     La pièce R-4 a été admise en preuve sur consentement. Il s'agissait d'une demande de chèque de remplacement qui lui avait été transmise par le Ministère. On l'a renvoyé à la pièce R-1, et il l'a identifiée comme étant le premier chèque daté du 31 décembre 1999. Le bénéficiaire du montant de 13 000 $ était M. Poushinsky. Ce chèque a été remplacé étant donné qu'il avait été perdu ou volé.

[30]     Le deuxième chèque au montant de 13 000 $, daté du 31 janvier, a été considéré comme perdu ou volé. Il y a eu opposition du débiteur à son paiement le 24 janvier. Il a été remplacé le 31 janvier. M. Dow a également reconnu la récapitulation des comptes, qui faisait référence aux deux chèques qui avaient été considérés comme perdus ou volés. Aucun des renseignements qu'il possédait ne démontrait que cette information était inexacte. On ne lui a pas dit qu'un rajustement avait été fait au compte de prêt de l'actionnaire, et il n'avait pas investigué plus loin la chose, alors il ne savait pas si c'était le cas ou non.

[31]     Lors du contre-interrogatoire, M. Dow a affirmé que l'appelant n'avait pas expliqué pourquoi les 13 000 $ n'avaient pas été recueillis. Il voulait dire par-là pourquoi l'appelant ne savait pas ultérieurement que les 13 000 $ n'avaient pas été comptabilisés dans le revenu de la société. L'appelant a reconnu que les fonds appartenaient à la société Mattanda et qu'il n'avait inscrit ce montant nulle part. Il ne l'a pas comptabilisé dans le revenu de la société.

[32]     À ce moment-là, l'appelant a dit qu'il avait déclaré le montant de 26 000 $ au titre du revenu de la société Mattanda, mais cela n'a pu être vérifié. L'appelant l'a convaincu du fait qu'il savait qu'il n'avait pas déclaré ce revenu au nom de la société.

[33]     Lors du réinterrogatoire, M. Dow a affirmé que le revenu de l'appelant avait été rajusté afin d'inclure la rétribution de 13 000 $ versée à la société. À la suite des questions de la Cour, il a affirmé qu'on lui avait dit que le revenu avait été déclaré et qu'il ne se trompait pas sur ce point. Ce qu'il avait antérieurement affirmé était juste.

Arguments de l'appelant

[34]     Dans son argumentation, le représentant de l'appelant a allégué que M. Poushinsky ne se souvenait pas des dates. Il s'agissait simplement d'une erreur comptable. La raison pour laquelle il s'agissait d'une erreur et pour laquelle elle s'était produite, c'est qu'une période importante s'était écoulée entre le moment où l'argent avait été reçu et celui où les documents de fin d'exercice avaient été élaborés. En raison du montant d'argent en cause et du chiffre d'affaires total qui constituait le revenu de la société au cours de cette année-là, même si le montant pouvait être significatif par rapport à d'autres dépôts, lorsqu'on examine le chiffre d'affaires total de la société, ce montant n'était pas significatif. Par conséquent, il ne sautait pas aux yeux. S'il avait sauté aux yeux, l'appelant se serait dit, oh, il y a une erreur ici. Il s'agissait d'une erreur comptable, et d'après la jurisprudence, il est d'avis que de telles erreurs n'ont pas toujours pour conséquence l'application d'un avantage au contribuable, à l'actionnaire.

[35]     Le représentant de l'appelant s'est reporté à l'onglet 2 de son recueil de textes à l'appui, soit à l'affaire Chopp c. La Reine, C.C.I., no 93-547(IT)G,                      11 janvier 1995 (95 DTC 527). Il s'est fondé sur cette cause. Il s'agissait d'une décision du juge Mogan, dans laquelle ce dernier constatait ce qui suit, à la page 529 :

Il a été statué à maintes reprises qu'un avantage n'est imposable, en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu [...]que s'il est conféré à un actionnaire [...] La relation qui existe entre la corporation et ses actionnaires est fondée sur le capital investi.    Cette relation n'est pas en soi accessoire ou liée à l'entreprise exploitée par la corporation.    De fait, il se peut que la corporation n'exploite pas d'entreprise ou, si elle le fait, il se peut que les actionnaires ne participent pas à l'exploitation de l'entreprise.

Le juge poursuit en précisant qu'il est convaincu de ce qui suit.

L'avantage conféré à un actionnaire ressemble davantage à un dividende qu'à une dépense d'entreprise.    Par conséquent, un avantage imposé en vertu du paragraphe 15(1) donne habituellement lieu à une double imposition parce que l'actionnaire est imposé à l'égard d'un montant qui n'a pas été déduit dans le calcul du revenu de la corporation.    Dans les circonstances appropriées, ce résultat est dur, mais nécessaire.

Dans son argumentation en l'espèce, le représentant de l'appelant a fait référence à une décision du juge Rowe, citée par le juge Mogan, qui allait un peu plus loin que le juge Mogan n'était prêt à le faire. Le juge Mogan a dit ceci :

Je n'irais pas aussi loin que le juge Rowe en disant que les termes employés au paragraphe 15(1) se rapportent à un acte dont le caractère intentionnel est bien affirmé. Je crois qu'un avantage peut être conféré, au sens du paragraphe 15(1), sans que l'actionnaire ou la corporation ait l'intention de le faire ou soit réellement au courant de la chose, si les circonstances sont telles que l'actionnaire ou la corporation aurait dû savoir [...]

Et je suis d'accord avec ce qui suit.

[...]qu'un avantage était conféré et n'a rien fait pour changer la situation.

Puis le juge ajoute ceci :

On ne devrait pas encourager les actionnaires à voir jusqu'où ils peuvent aller, en vertu du paragraphe 15(1), puis à solliciter un redressement en se fondant sur l'absence de preuve d'intention ou de connaissance.

[36]     Dans cette affaire, le juge a accepté l'argumentation de l'appelant fondée sur « La crédibilité absolue des quatre témoins dans cet appel constitue un facteur particulièrement pertinent » . Le juge a par la suite admis l'appel.

[37]     Le représentant de l'appelant s'est reporté à l'onglet 7, soit à l'affaire          Long c. Canada, C.C.I., no 94-4714(IT)I, 24 juillet 1997 (98 DTC 1420), et il a assimilé le cas en l'espèce au genre d'erreurs qui se retrouvaient dans cette affaire, des erreurs qu'il a qualifiées de comptables, et il a précisé qu'elles n'équivalent pas à des avantages selon la position qu'il a adoptée. Au paragraphe 11 de cette décision, le savant juge de première instance, le juge Bowman a dit ceci :

Je ne vois pas comment on peut dire qu'une erreur comptable dont le seul actionnaire de la société n'était pas au courant, qu'il n'a pas sanctionnée et qui n'était pas conforme aux pratiques établies de la société constitue « en réalité une façon d'accorder un avantage à l'actionnaire en tant qu'actionnaire » .

Le représentant affirme que c'est essentiellement ce dont il s'agit en l'espèce.

[38]     Plus important encore, le représentant de l'appelant s'est reporté à l'onglet 3 dans son dossier des sources invoquées, soit à l'affaire Chopp c. Canada,          C.F., no A-87-95, 13 novembre 1997 (98 DTC 6014). Il s'agissait de la décision de la Cour d'appel fédérale, dans laquelle la Cour a déclaré ce qui suit :

À notre avis, le juge Mogan a correctement évalué les faits quand il a conclu que « l'ignorance et l'innocence de l'appelant [...]

C'est ce que le représentant fait valoir en l'espèce,

[...] qui ne savait pas qu'une erreur avait été commise lorsque le montant de 28 490 $ avait été reporté » , alors que cette somme aurait dû être portée au débit du compte de prêt de l'actionnaire.

[39]     Dans cette affaire, il y avait la question du compte de prêt de l'actionnaire, et manifestement, la Cour a reconnu, au niveau de l'appel, que le contribuable croyait que ce qui avait été débité était un compte de prêt de l'actionnaire. Il ne l'avait pas été et, par conséquent, le contribuable n'a pas eu l'intention de mal agir et il ne s'agissait pas de négligence grave. La Cour d'appel n'infirmerait pas cette conclusion de fait. La Cour a affirmé qu'il n'y avait aucun élément, dans les conclusions du juge Mogan, qui n'était pas raisonnablement étayé par les témoignages qui lui avaient été soumis, alors les juges ont maintenu sa décision.

[40]     À l'onglet 5, le représentant a fait référence à l'affaire Robinson c. Canada, C.C.I. no 1999-4496 (IT)I, 2 août 2000 (2000 DTC 6176). Il a allégué dans son argumentation qu'il doit y avoir de solides preuves de l'intention et non seulement une erreur de bonne foi. Dans cette affaire en particulier, où l'appel de la Couronne a été rejeté, la Cour a statué ce qui suit :

[TRADUCTION]

Aucune preuve n'a attesté que le contribuable avait la compétence nécessaire pour comprendre l'importance de l'augmentation du compte de prêt de l'actionnaire dans les états financiers de la société lorsqu'il a signé sa déclaration de revenus de la société pour l'année 1986. [...] le fait que le contribuable n'avait reçu aucune somme de la société par suite d'une erreur de classement. Et, en dernier lieu, le contribuable n'était pas au courant de cette erreur, et sa crédibilité n'a pas été mise en doute. À la lumière de tous ces motifs, le montant de 64 022.19 $ en litige n'avait pas à être inclus dans le revenu du contribuable. En conséquence, il a été ordonné au ministre d'établir une nouvelle cotisation.

Et dans le contexte de la décision, la Cour a ajouté ce qui suit, à la page 3 :

         

[TRADUCTION]

Pendant toute l'époque qui nous intéresse, le défendeur avait [...] un solde créditeur à son compte de prêts aux actionnaires de la société. Le défendeur n'a jamais effectué de retraits sur le solde. [...]

Bien entendu, cela est différent de l'affaire qui nous occupe, parce que nous n'avons absolument aucune preuve suffisante qui permettrait à la Cour de décider quel était le solde au compte de prêt de l'actionnaire. De toute façon, il ne peut faire aucun doute dans l'esprit de la Cour que l'appelant n'invoquait pas comme motif de ses actes le fait qu'il croyait recevoir un remboursement de son compte de prêt de l'actionnaire.

[41]     Dans l'affaire David Robinson, précitée, la Cour a fait référence à la décision du juge Rowe, et elle a dit ceci :

Le juge Rowe de la Cour canadienne de l'impôt a conclu que l'erreur que le comptable de la compagnie avait commise lors de la comptabilisation de la somme [...] dans les livres et registres de la compagnie en la portant au crédit du compte des prêts aux actionnaires du défendeur et non comme une vente ne constituait pas une attribution au sens du paragraphe 15(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. [...]

[42]     La Cour n'infirmerait pas cette conclusion. Pour l'essentiel, la Cour a fondé sa décision sur les éléments de preuve qui lui ont été soumises, selon lesquelles le défendeur ne pouvait pas savoir, lorsqu'il avait signé sa déclaration d'impôt, que le montant avait été crédité par erreur à son compte de l'actionnaire. La Cour a en outre statué que le défendeur n'a reçu aucun montant de sa société par suite de l'erreur de classement. De toute façon, cela a été reconnu par le défendeur. Sa crédibilité n'a pas été mise en doute. Cette affaire est passablement différente de celle en l'espèce sur tous ces points.

[43]     Concernant la question de l'intention, le représentant a allégué qu'il n'y avait eu aucune intention. Il y avait simplement de l'ignorance. Il s'agissait d'une erreur ayant pour cause le même principe que dans la jurisprudence mentionnée antérieurement.

[44]     Sur la question du paragraphe 163(2), « sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde » , selon son témoignage l'appelant n'était pas au courant. Dans l'affaire Sommers V. M.R.N., 91 DTC 656, le contribuable était un homme d'affaires raisonnablement prospère, qui recourait aux services d'un cabinet de comptables pour remplir ses déclarations de revenus. Dans sa déclaration pour l'année 1977, il a déclaré plus particulièrement certains petits revenus, tout en omettant une somme importante de 21 446.35 $, qui constituait une partie substantielle de son bénéfice brut pour l'année 1977. Ce n'est pas le cas en l'espèce, d'après le représentant.

[45]     En outre, l'appelant n'a aucun antécédent de violations de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il n'a jamais fait ce genre de choses dans le passé, alors nous ne pouvions rien en tirer. Il a aussi fait référence à l'arrêt Venne c. la Reine,        A.C.F., no T-815-82, 9 avril 1984 (84 DTC 6247), et plus particulièrement à la page 19 de cette décision. Il s'est fondé sur des citations telle que la suivante, concernant la définition de la faute lourde :

[...] La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu'un simple défaut de prudence raisonnable Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi. [...]

Dans cette affaire en particulier, la Cour a dit ce qui suit :

[...]Autrement dit, les erreurs dans le revenu commercial, qui étaient moindres certaines années mais importantes à d'autres moments, n'auraient pas nécessairement sauté aux yeux d'une personne ayant la formation et les capacités du contribuable. Bien qu'il ait peut-être été naïf de sa part de faire confiance à son teneur de livres en pensant qu'il en savait beaucoup plus que lui, je ne pense pas qu'il y ait eu faute lourde de sa part, parce qu'il n'a pas mis en doute les calculs commerciaux de ce dernier. Quel que soit le caractère évident des erreurs commises par le teneur de livres à cet égard, il est tout à fait concevable qu'elles n'aient pas été en fait remarquées par le demandeur, et sa négligence, comme il ne les a pas remarquées, est loin de constituer une faute lourde.

[46]     En ce qui concerne la présente Cour, cette affaire diffère de celle en l'espèce. Cette situation ne s'est pas produite dans l'affaire qui nous occupe. S'il y a eu des erreurs comptables, à l'égard desquelles on ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce que l'appelant les remarque, alors, oui, c'est le genre de cas dont nous parlons, mais ce n'est pas ce genre d'erreur que nous constatons en l'espèce. En fait, tous les actes qui ont été posés n'étaient pas du tout ceux du teneur de livres. Tous les actes les plus flagrants étaient ceux de l'appelant lui-même. Le teneur de livres n'a pas été mis au courant de ces sommes, et celles-ci n'étaient pas incluses dans les déclarations de revenus. En fait, lorsque le vérificateur l'a interrogé à ce sujet, le comptable l'a renvoyé à l'appelant lui-même, et il a affirmé qu'il n'était pas du tout au courant de cela.

[47]     Le représentant a allégué que l'intimée n'avait pas prouvé que les pénalités étaient justifiées, et ne s'était pas acquittée du fardeau de la preuve consistant pour elle à prouver que ces pénalités devaient être imposées. C'est un fardeau qui incombe à l'intimée du début à la fin. L'avocat de l'intimée n'aurait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que l'appelant a contrevenu au paragraphe 163(2), et les pénalités n'auraient pas dû être imposées.

Arguments de l'intimée

[48]     Dans son argumentation au nom de l'intimée, l'avocat a soutenu que deux questions se posaient, dont l'une était de savoir si un avantage avait été conféré au cours des années en question, et l'autre de savoir si, le cas échéant, les pénalités avaient été imposées de bon droit. Il s'est reporté à l'onglet 1, soit au paragraphe 15(1) de l'article qui nous intéresse, qui prévoit ceci :

La valeur de l'avantage qu'une société confère, à un moment donné d'une année d'imposition, à un actionnaire ou à une personne en passe de le devenir est incluse dans le calcul du revenu de l'actionnaire pour l'année -- sauf dans la mesure où [...]

Et les exceptions ne s'appliquent pas, alors il s'agit bien de l'article qui nous occupe, qu'il y ait eu ou non un avantage. Si l'appelant a touché cet argent, il y a eu par conséquent un avantage, et s'il l'a utilisé à des fins personnelles, il y a alors certainement eu un avantage. Il ne fait aucun doute que les exceptions énoncées à l'article 15 ne s'appliquent pas. Le paragraphe 163(2) énonce ceci :

Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition pour l'application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité [...]

Et ainsi de suite. Alors voilà la question. C'est la deuxième question en litige.

[49]     L'avocat prétendait qu'un actionnaire d'une société, et plus particulièrement d'une petite société fermée comme en l'espèce, se trouve dans une situation très spéciale. Il est en mesure de retirer des fonds de la société sans difficultés majeures. Il peut libeller des chèques à son propre nom, et, à vrai dire, la preuve soumise en l'espèce attestait que les chèques avaient été émis à l'ordre de l'appelant. Par conséquent, la Cour doit tenir compte de l'existence de ces liens très étroits.

[50]     L'avocat a invoqué l'arrêt Chopp, précité, et plus particulièrement les pages 529 et 530, où il est exigé qu'un avantage ne peut être conféré à un actionnaire qu'en sa qualité d'actionnaire. Il ne fait aucun doute dans la présente affaire que si l'appelant a reçu un avantage, c'était en sa qualité d'actionnaire.

[51]     L'avocat a poursuivi en citant la partie sous-jacente à laquelle la Cour a déjà fait référence dans ses déclarations précédentes. Qu'il me suffise de dire qu'il allègue qu'à la lumière de ces liens étroits la Cour doit y accorder une attention particulière.

[52]     L'avocat s'est fondé plus particulièrement sur les déclarations énoncées à la page 532 de l'arrêt Chopp, précité, décision à laquelle, encore une fois, j'ai déjà fait référence, où le juge Mogan faisait allusion à la décision du juge Rowe, en précisant qu'il n'irait pas aussi loin que ce dernier en affirmant que le caractère intentionnel de l'acte doit être bien affirmé. Je me contenterai de dire qu'il a manifestement décidé qu'un avantage pouvait être conféré sans que cela ait été vraiment décidé. J'ai déjà indiqué que ce que le juge avait à l'esprit, c'était les circonstances dans lesquelles l'actionnaire aurait dû savoir qu'un avantage était conféré et n'avait rien fait pour changer la situation.

[53]     L'avocat a affirmé que, lorsque l'on prend en compte ces principes généraux et qu'on les applique aux faits de la situation en l'espèce, la réponse est alors qu'un avantage a été conféré et que l'appelant le savait ou qu'il aurait dû le savoir.

[54]     En ce qui concerne les pénalités imposées en application du paragraphe 163(2), l'avocat a allégué qu'il était très significatif que deux chèques aient été reçus à la même date et que l'un ait été déposé et l'autre non. Cela constitue une preuve de l'intention d'utiliser cet argent et de ne pas le déclarer. Mais si cela ne représentait pas une preuve de l'intention, elle constituait à tout le moins une preuve que l'appelant avait commis une erreur importante, ou que ses actes équivalaient à une faute lourde telle qu'elle est prévue au paragraphe 163(2).

[55]     L'avocat a affirmé que la Cour avait devant elle suffisamment d'éléments de preuve pour conclure que l'appelant avait intentionnellement omis de comptabiliser l'argent et de le consigner dans les livres de comptes de la société, qu'il l'avait plutôt encaissé afin de s'en servir, mais il invoque surtout la deuxième partie, autrement dit qu'il y a eu faute lourde, que les actes de l'appelant équivalaient au moins à une faute lourde ou qu'il était coupable d'une omission grave.

[56]     L'avocat a fait référence à l'arrêt Findlay c. La Reine A.C.F. no A-424-97, 12 mai 2000 , (2000 DTC 6345). Il s'agit d'une affaire où la présente Cour a tranchée que l'appelant avait commis une faute lourde, décision que la Cour d'appel a infirmée. Toutefois, la partie significative de cette cause était la définition de la faute lourde, dans laquelle le juge Isaac a affirmé ce qui suit :

La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu'un simple défaut de prudence raisonnable Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la loi. [...]

[57]     D'après le juge Isaac, cette définition était conforme à la jurisprudence et les juges l'ont entérinée.

[58]     L'avocat de l'intimée a affirmé que c'était ce dont il s'agissait en l'espèce. L'appelant de la présente affaire était une personne éduquée. Il possédait une longue expérience de travail dans des sociétés qui se consacraient à ce genre d'activité, consistant à offrir des services à des gouvernements et à d'autres clients depuis six ans. Il savait que l'argent appartenait à la société. Il n'a pas pris de précautions convenables afin de s'assurer que cet argent serait comptabilisé dans les livres de la société. Il a utilisé cet argent à des fins personnelles.

[59]     Il est significatif, affirme l'avocat, qu'il s'agissait du deuxième dépôt en importance dans les livres de compte de la société au cours de l'année en question, et que cela aurait dû sauter aux yeux de l'appelant. Ce dépôt aurait pu au moins représenter un avertissement suffisant que quelque chose qui aurait dû être fait ne l'avait pas été, et que cet argent aurait dû être déclaré.

[60]     L'appelant a déclaré une partie de ce revenu et non l'autre. Rien ne permettait d'expliquer cela. L'appel devrait être rejeté. Aucune explication raisonnable n'a été présentée et le témoignage de l'appelant n'a pas été corroboré.

L'analyse et la décision

[61]     Comme la présente Cour a pu le laisser entendre dans ses commentaires durant le procès, même si le ministre peut avoir dit aux représentants de l'appelant quels étaient, selon lui, les deux affaires les plus importantes et les facteurs à prendre en compte lorsqu'il faut décider s'il y a eu un avantage et s'il y a eu faute lourde, la présente Cour n'est pas liée par ces recommandations. C'est précisément ce que croyait le ministre, mais la présente Cour a examiné toutes les causes qui ont été invoquées en l'espèce et les a citées au long, et il s'agit bien des arrêts auxquels elle doit recourir pour prendre sa décision. Les deux raisons que le ministre considéraient comme les plus importantes ne sont pas concluantes.

[62]     La Court est d'accord sur le fait qu'il y a deux questions en litige, l'une de savoir si un avantage a été conféré à l'actionnaire par la société en vertu du paragraphe 15(1) et, le cas échéant, si les pénalités devaient être imposées en application du paragraphe 163(2).

[63]     En ce qui concerne la première question en litige, il ne peut faire aucun doute dans l'esprit de la Cour qu'un avantage a été conféré. Nous en avons la preuve dans le témoignage de l'appelant lui-même. Il a dit lui-même qu'il avait reçu l'argent, que cet argent n'était pas le sien, qu'il appartenait à la société, qu'il l'avait touché parce qu'il était un actionnaire de la société, et, comme l'indique l'arrêt Chopp, précité, il était étroitement lié à la société, il pouvait libeller des chèques à son nom. Il ne fait aucun doute qu'il a retiré l'argent. Il en a témoigné.

[64]     Il ne peut faire de doute qu'il a utilisé cet argent à des fins personnelles. Il ne peut faire de doute qu'il ne s'agissait pas de son propre argent, que c'était celui de la société, qu'il lui a été transmis en raison de ses services et qu'il l'a utilisé. Il ne peut faire quelque doute que ce soit dans l'esprit de la Cour qu'un avantage a été conféré à l'appelant d'après son propre témoignage.

[65]     Il ne peut faire de doute dans l'esprit de la Cour que l'appelant ne prétendait pas sérieusement que l'argent qu'il avait reçu était un remboursement d'un prêt qu'il avait fait à la société. Il ne peut faire de doute qu'il avait fait des prêts à la société, mais, en premier lieu, la Cour ne conclut pas que l'appelant ait même prétendu qu'il s'agissait d'un remboursement d'un prêt au moment où il a pris l'argent afin de l'utiliser à des fins personnelles. Même s'il l'avait prétendu, dans les livres de comptes rien n'atteste que les documents de prêt de la société aient été rajustés afin d'indiquer d'une façon quelconque quels étaient les soldes des prêts, qu'un solde de prêt était suffisant pour que ce montant d'argent soit utilisé, ou que l'appelant ait jamais eu l'intention que cet argent fût considéré comme un remboursement d'un prêt.

[66]     Même si ces arguments étaient présentés, la Cour ne les considérerait pas comme des arguments valides parce que rien ne les étaye. Ces arguments n'ont pas été corroborés du tout. L'appelant a reçu l'argent comme il le fallait, c'était l'argent de la société, il l'a utilisé à des fins personnelles, alors il a définitivement reçu un avantage.

[67]     En ce qui concerne la question de savoir s'il s'agissait d'une erreur, ou si l'appelant savait qu'elle avait été commise et qu'il ne s'agissait que d'une erreur comptable, après avoir reçu l'avantage, l'appelant devait expliquer pourquoi il l'avait reçu, et en l'espèce, il a été incapable de le faire. Il a simplement affirmé qu'il s'agissait d'une erreur. Il n'a pas dit [TRADUCTION] « c'était mon argent et j'y avais droit » , mais il a dit ce qui suit : [TRADUCTION] « Je l'ai obtenu par erreur. C'était une pure confusion de ma part. Je me trouvais en mauvaise posture. Ma femme était blessée. Je n'étais pas un bon comptable. Je ne tenais aucun registre des chèques. Je ne tenais aucun livre des revenus. Je n'ai pas réalisé ce qui s'était passé avant que mes états financiers de fin d'exercice aient été dressés, c'est-à-dire longtemps après que l'argent a été retiré » . Par conséquent il ne s'agirait que d'une simple erreur dont il ne devrait pas être tenu responsable.

[68]     Cet argument ne tient pas debout en ce qui concerne la Cour. Celle-ci est convaincue, d'après la preuve, que l'appelant savait ce qu'il faisait. Il savait que l'argent était celui de la société. Il savait quand l'argent avait été reçu. Il n'y a aucune explication quant aux raisons pour lesquelles il était confus au sujet de ces chèques lorsqu'ils lui sont parvenus, et la Cour s'étonne que l'appelant n'ait pu lui expliquer exactement en quoi consistait le processus, quand il avait reçu les chèques et quand les chèques avaient été rappelés, de même que pourquoi on lui avait émis deux nouveaux chèques.

[69]     Il ne peut faire de doute que, lorsque l'appelant a reçu l'argent, il devait savoir que c'était celui de la société. Il devait savoir que cet argent aurait dû être déposé dans le compte de la société. Il devait savoir qu'il ne le déposait pas dans le compte de la société mais dans son compte personnel. Il a continué dans la même veine jusqu'à la fin de tout le processus, même aujourd'hui, et il n'a fait aucun ajustement corrélatif dans les livres de la société à un moment quelconque, afin d'indiquer qu'il s'agissait d'une erreur, d'une simple erreur comptable. Autrement dit, il n'a rien fait qui puisse attester qu'il aurait agi conformément à sa conviction avouée selon laquelle il s'agissait d'une erreur et qu'il ne savait pas qu'elle avait été commise.

[70]     La Cour est convaincue au-delà de tout doute que l'appelant savait exactement ce qui se passait, et que lorsque l'argent a été déposé dans son compte il savait ce qu'il faisait. Il a versé une partie de l'argent dans son propre compte et une partie dans le compte de la société. Il a dû savoir à ce moment-là que ce n'était pas correct. La Cour ne sait pas ce qu'il avait en tête lorsqu'il l'a fait. La Cour ne lui prête aucun motif, que ce soit le besoin de cet argent ou toute autre raison pour laquelle il l'a fait, mais il n'en demeure pas moins clair qu'il l'a fait. Il devait savoir qu'il le faisait, et lorsqu'il l'a fait, il savait qu'il prenait de l'argent qui appartenait à la société et qu'il l'utilisait pour des besoins personnels. Il ne peut y avoir de doute à ce sujet.

[71]     S'il y avait un doute à ce sujet, le fait que les deux chèques ont été déposés en même temps, l'un dans le compte de la société et l'autre non, permettrait de le réfuter. Ce geste ne peut se réduire à un simple manque de diligence, à un manque de connaissance, à un manque d'habiletés en tenue de livres, ou encore à un manque de conseils de la part des comptables.

[72]     Les actes qui ont donné lieu à l'affaire qui nous intéresse ne sont pas ceux du comptable comme dans l'arrêt Findlay, précité. Dans l'affaire Findlay, la faute était celle du teneur de livres, comme le révèlent les faits. Ce n'était pas la faute de M. Findlay. À ce moment-là, le tribunal de première instance a conclu que les actes du teneur de livres équivalaient à une faute lourde, et la Cour a attribué cette négligence grave à l'appelant lui-même, au contribuable, mais la Cour d'appel a tranché que dans de telles circonstances, la faute lourde était celle du comptable et non celle du contribuable.

[73]     Dans la présente affaire, ce n'est pas du tout ce que nous constatons. Personne ne prétend que les teneurs de livres aient commis la moindre erreur. En fait, l'appelant lui-même a affirmé, lorsqu'il était à la barre, que les teneurs de livres n'avaient commis aucune erreur, qu'ils n'étaient pas au courant. Il n'a pas essayé de rejeter la responsabilité sur le comptable, ni de dire qu'il était dans son tort à cet égard. Il a simplement dit que cela était attribuable à ses problèmes personnels à ce moment-là, et au fait qu'il n'était pas rompu aux questions relevant de la tenue de livres, qu'il manquait un peu de rigueur dans ce qu'il faisait et qu'il ne portait pas suffisamment attention à ce qu'il faisait. C'était son explication.

[74]     La Cour est d'accord avec l'avocat de l'intimée pour dire que chaque cause doit être tranchée d'après les faits qui lui sont propres. Dans l'affaire qui nous occupe, si nous revenons à l'arrêt Chopp, précité, et sur des affaires de cette nature, dans ces affaires, le contribuable ne possédait pas réellement les connaissances nécessaires. Dans l'arrêt Findlay, ci-dessus, où le teneur de livres avait commis l'erreur, la Cour n'était pas prête à attribuer l'erreur du teneur de livres au contribuable. Parfois, si l'erreur est très évidente et que le montant est très important par rapport au montant d'argent que la société a gagné, ou si les faits sont de telle nature qu'il serait presque impossible pour l'appelant d'ignorer que le teneur de livres a commis une erreur, la faute lourde du teneur de livres peut devenir la faute lourde du contribuable. Mais ce n'est pas le cas en l'espèce. La présente affaire est tout à fait différente.

[75]     Il est significatif en l'espèce que seul l'appelant lui-même, M. Poushinsky, ait manipulé les chèques. C'est lui qui les a déposés. C'est lui qui les a vus. C'est lui qui savait à quoi ils correspondaient. C'est lui qui savait que l'un des chèques avait été déposé dans le compte de la société et que l'autre ne l'avait pas été. C'est lui qui savait qu'il avait utilisé l'argent à des fins personnelles. C'est lui qui n'en a pas avisé les teneurs de livres. C'est lui qui a signé les états financiers au moment pertinent sans mettre les teneurs de livres au courant du fait que ces montants, de façon irrégulière, n'étaient pas inclus dans le revenu de la société. C'est lui qui, à la fin de la journée, et même jusqu'à aujourd'hui, n'a pris aucune mesure corrective que ce soit afin de rajuster la comptabilisation.

[76]     La Cour ne peut que conclure qu'il savait exactement ce qu'il faisait et que, s'il ne le savait pas, il aurait dû savoir ce qu'il faisait. La Cour est convaincue qu'en fait il savait ce qu'il faisait au moment où il a utilisé cet argent et qu'il l'a versé dans son propre compte.

[77]     Les deux chèques ont été émis à la même date. Les deux chèques ont été déposés le même jour. L'appelant savait que l'argent reçu l'était en raison d'un contrat, qui était en fait le bien de la société, même s'il l'avait signé lui-même. Il savait qu'il s'agissait du travail de la société, et il savait que c'était l'argent de la société. Son explication est insuffisante en ce qui concerne la Cour.

[78]     Pour ce qui est de l'avantage, bien sûr, la Cour a dit qu'il ne fait aucun doute que l'appelant en a reçu un. Il a reçu lui-même cet avantage. La Cour est persuadée à cet égard qu'il savait qu'il avait reçu un avantage et qu'il a utilisé cet argent pour ses propres besoins. La Cour est donc convaincue qu'au cours de l'année en question le ministre a eu raison d'ajouter ce montant au revenu de l'appelant à titre d'avantage conféré par la société.

[79]     Relativement à la question de la faute lourde, la Cour envisage sa définition, qui a été établie dans l'arrêt Findlay, précité, et en l'appliquant à la situation de fait dans l'affaire en l'espèce, la Cour est persuadée que le ministre a eu raison d'appliquer les pénalités, que les actes de l'appelant dans la présente affaire équivalaient à une faute lourde.

[80]     La Cour est persuadée que les actes de l'appelant en l'espèce doivent être considérés comme un cas de négligence plus grave qu'un simple défaut de prudence raisonnable. Elle est persuadée qu'il y a eu un degré important de négligence qui correspondait à une action délibérée, ou à tout le moins à une indifférence au respect de la loi. La Cour ne peut en venir, d'après la preuve, à aucune autre conclusion que celle voulant que l'appelant ait su ce qu'il faisait au moment où il a commis les actes qu'il a commis, et que lui-même n'a pas tenté de rejeter la responsabilité sur quelqu'un d'autre pour avoir fait ce qu'il a fait. La Cour est convaincue que ses actes équivalaient à une faute lourde dans les circonstances et que le ministre était autorisé à imposer les pénalités.

[81]     Par conséquent, la Cour rejette l'appel et confirme les cotisations établies par le ministre.

[82]     La Cour est convaincue que le ministre était tenu d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que ces pénalités devaient être imposées, et la Cour est persuadée que l'ensemble des éléments de preuve soumis, y compris le témoignage de l'appelant lui-même et les autres témoignages, est plus que suffisant pour lui permettre de conclure que le ministre s'est acquitté de son fardeau. L'appel est rejeté et la cotisation établie par le ministre est confirmée.

          Signé à New Glasgow, Nouvelle-Écosse, ce 9e jour de décembre 2005.

« T. E. Margeson »

Juge Margeson

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de mars 2006.

Catherine Barry, traductric


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