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Dossier : 2004-1531(GST)I

ENTRE :

MICKEY SIKORA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 22 septembre 2004, à Toronto (Ontario), devant

L'honorable juge C.H. McArthur

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me John Grant

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JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre de cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont les avis sont datés du 29 novembre 2002 et du 29 juillet 2002, pour les périodes allant du 1er janvier 1998 au 31 mars 2002 et du 1er octobre 2001 au 31 décembre 2001, sont rejetés, sans dépens.


Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour d'avril 2005.

« C.H. McArthur »

Juge McArthur

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de septembre 2005.

Nathalie Boudreau, traductrice


Référence : 2005CCI261

Date : 20050412

Dossier : 2004-1531(GST)I

ENTRE :

MICKEY SIKORA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge McArthur

[1]      Ces appels ont été entendus sous le régime des dispositions sur la taxe sur les produits et services (TPS) de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ) et portent sur des cotisations établies pour les périodes allant du 1er janvier 1998 au 31 mars 2002 et du 1er octobre 2001 au 31 décembre 2001. L'appelant, Mickey Sikora, était le propriétaire unique d'une entreprise de recherche et de développement dans le domaine des télécommunications inscrite aux fins de la Loi. Le montant en litige est de 26 080 $, soit le montant que l'appelant a demandé au titre de crédits de taxe sur les intrants (CTI) et que le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a refusé.

[2]      Les parties ont convenu qu'une détermination relative à l'année d'imposition 1998 s'appliquerait à toute la période considérée en l'espèce. Au début de l'audience, l'avocat de l'intimée a fait savoir que, selon lui, la question en litige portait sur le grand nombre de reçus exigés par le paragraphe 169(4) de la Loi que l'appelant n'a pas présentés à la Cour. J'ai accepté sa recommandation selon laquelle un ajournement devrait être accordé pour permettre aux agents du ministre de recevoir et d'examiner les reçus en question. La Cour n'est pas le cadre convenable pour faire une vérification complète. Quoi qu'il en soit, l'appelant n'avait pas les documents pertinents lors de l'audience.

[3]      L'appelant a déclaré, d'une part, que le ministre avait déjà examiné tous ses documents, et, d'autre part, qu'il avait déjà fait l'objet de vérifications excessives. Il a dit qu'il voudrait pouvoir raconter la façon dont il a été harcelé par l'Agence du revenu du Canada (ARC) et par les organismes qui l'ont précédée. L'échange suivant a eu lieu :

          [TRADUCTION]

M. Sikora :        [...] Le ministre a déjà vu tous mes documents.

Mais je ne pense pas que ce soit la question en litige en ce moment. Selon moi, la question en litige est celle de savoir si j'ai fait l'objet de vérifications excessives et non celle de savoir si le ministre ou ses agents ont vu les documents. J'ai ce qu'il faut pour prouver que les documents ont été vus. Alors je voudrais continuer à présenter mon argumentation, si cela -

La Cour :           Je vais vous permettre de faire cela, mais, M. Sikora -

Le témoin :       Oui?

La Cour :           - si je réponds oui à la question qui, selon vous, est en litige, soit à la question de savoir si vous avez ou non fait l'objet de vérifications excessives, qu'est-ce que cela va vous donner?

Le témoin :        Eh bien ..., ce qu'on doit faire, c'est que ... J'ai fait l'objet de vérifications pour 1992, 1993, 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998. Si je les laisse continuer, ils vont vouloir vérifier mes livres pour 1999, 2000, 2001, 2002, 2003 et 2004, chaque année où mon entreprise est en exploitation.

                        Ils sont très insistants, et, pour me défendre contre eux, j'ai dû dépenser des ressources astronomiques. Je suis maintenant devant la Cour après avoir essayé pendant deux ans de me rendre ici. Ils ont vu mes documents. Le ministre et ses agents ont fait toute une affaire avec ceci. J'ai une cause à présenter. Je voudrais obtenir un jugement sur la façon de contrôler ces gens pour qu'ils me laissent tranquille. Je voudrais aussi savoir ce qu'il faut que je fasse pour avoir de bonnes relations avec le ministre dans l'avenir.

                        J'aimerais donc commencer. Le ministre a vu mes documents. Il ne me reste plus qu'à présenter ma cause. Et il ne vous reste plus qu'à trancher que « trop, c'est trop » .

La Cour :           Même si je vous disais que je suis d'accord avec vous, cela n'aurait aucune fin utile. Il s'agirait de mon opinion.

Le témoin :        Oui.

La Cour :           Je dois rendre une décision sur les cotisations à l'égard desquelles cet appel a été interjeté.

(voir la transcription, pages 8 et 9)

[4]      J'ai permis à l'appelant de procéder de la façon dont il voulait. Il a exprimé les frustrations qu'il a éprouvées pendant plusieurs années dans ses échanges avec les agents du ministre. Je ne doute aucunement qu'il a vécu une période très stressante, mais il y a deux versions dans ce genre de confrontation. Comme je l'ai expliqué à l'appelant lors de l'audience, il ne sert à rien que je détermine qui était principalement en faute. Je n'ai compétence que pour déterminer la validité des cotisations. La question est de savoir si l'appelant a présenté des factures ou d'autres éléments de preuve ou s'il a autrement répondu aux exigences qui se trouvent au paragraphe 169(4) de la Loi et à l'article 3 du Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants (TPS/TVH) (le « Règlement » ) sous l'en-tête « Renseignements » .

[5]      À la fin de l'audience, j'ai dit qu'en raison du manque de preuves, je ne pouvais pas accorder les conclusions recherchées à l'appelant, mais que je suspendrais mon jugement jusqu'au 7 décembre 2004 pour donner à l'appelant la possibilité de présenter ses preuves (reçus de 1998) pour examen par le ministre. L'avocat de l'intimée a expliqué ma conclusion à l'appelant de façon plus précise. Son explication se trouve à la fin de la transcription de l'audience, et elle est ainsi formulée :

[TRADUCTION]

Il a un jugement, mais il va le suspendre. Le jugement portera sur vos CTI et sur les dépens. Il a un jugement. Ce qu'il dit est qu'il va suspendre son jugement. Il voudrait que vous fournissiez à Revenu Canada les reçus de 1998 au plus tard à cette date-là.

[6]      Mon jugement a initialement été suspendu jusqu'au 7 décembre 2004. Pendant la période entre l'audience et le 7 décembre 2004, l'appelant n'a pas fourni à l'intimée la documentation exhaustive, soit les reçus, qui était nécessaire pour appuyer ses allégations.

[7]      Une audience sur l'état de l'instance a eu lieu le 2 février 2005. J'ai encore une fois suspendu le jugement, cette fois jusqu'au 31 mars 2005, pour donner une dernière chance à l'appelant de présenter à l'intimée ses reçus pour 1998, toujours en pensant qu'il avait bel et bien ces reçus.

[8]      Le 29 mars 2005, l'appelant a écrit au greffier de la Cour pour demander une prolongation supplémentaire de 30 jours pour se conformer aux directives de la Cour, mais n'a pas fourni d'explication quant à la raison pour laquelle il avait besoin de cette prolongation. L'avocat de l'intimée s'est fortement opposé à l'octroi d'une prolongation. La demande de l'appelant a été refusée parce que l'appelant avait eu amplement de temps pour produire toute la documentation nécessaire pour appuyer son appel et qu'il n'avait pas su en tirer parti. Il semblerait que tous les efforts de l'appelant étaient axés uniquement sur la poursuite d'une action en dommages-intérêts contre le ministre devant la Cour fédérale.

[9]      Tout au long de l'audience et dans toute sa correspondance avec l'intimée et la Cour, l'appelant a maintenu que la véritable question à trancher était celle de la façon dont l'ARC l'a traité. Que l'appelant ait ou non fait l'objet de vérifications excessives depuis 1992, la seule question que la Cour peut examiner est celle des deux cotisations dans lesquelles le ministre a refusé les demandes de CTI de 26 080 $ et a imposé des pénalités de 4 729 $ et de 3 321 $. Ma décision porte sur ces cotisations et pénalités, et non sur la façon dont l'ARC et les organismes qui l'ont précédée ont traité l'appelant au fil des ans.

[10]     Le paragraphe 169(4) de la Loi indique ce qui suit :

L'inscrit peut demander un crédit de taxe sur les intrants pour une période de déclaration si, avant de produire la déclaration à cette fin :

a)          il obtient les renseignements suffisants pour établir le montant du crédit, y compris les renseignements visés par règlement;

b)          dans le cas où le crédit se rapporte à un bien ou un service qui lui est fourni dans des circonstances où il est tenu d'indiquer la taxe payable relativement à la fourniture dans une déclaration présentée au ministre aux termes de la présente partie, il indique la taxe dans une déclaration produite aux termes de la présente partie.

(je souligne)

Les renseignements visés à l'article 3 du Règlement sont exhaustifs et représentent une lourde obligation pour le contribuable.

[11]     Pour contrebalancer l'application rigide relative à l'obtention des « renseignements visés par règlement » , il est possible de soutenir que le passage du paragraphe 169(4) qui indique que l'inscrit « obtient les renseignements suffisants » pourrait être interprété de la façon suivante : pourvu que le contribuable ait les renseignements au moment où la déclaration est produite, il n'est pas nécessaire de présenter « les renseignements visés par règlement » .

[12]     David Sherman, auteur respecté d'articles sur la TPS, appuie cette approche en disant ce qui suit dans un commentaire qu'il a rédigé à la suite de la décision Owraki v. The Queen,[1] :

[TRADUCTION]

[...] On considère souvent que le paragraphe 169(4) exige que l'inscrit produise les documents au moment de la vérification ou à l'audience devant la Cour canadienne de l'impôt. Toutefois, comme je l'ai dit dans des commentaires antérieurs, ce n'est pas ce que le paragraphe exige littéralement. Il exige seulement que l'inscrit ait la preuve documentaire au moment où la déclaration de TPS est produite. Si un témoin est crédible, la Cour peut conclure que l'inscrit avait les documents à un moment donné avant de produire la déclaration même si ces documents ne sont plus disponibles. Cette position a été acceptée par l'ADRC dans un jugement sur consentement devant la Cour canadienne de l'impôt lorsque j'ai présenté ce point au ministère de la Justice : voir Sherman, David, Input Tax Credits Without Documentation - Sometimes the Impossible is Possible : GST & Commodity Tax (Carswell), vol. XIII, no 9 (novembre 1999) p. 65 - 67.

            La situation dans l'affaire Owrakicorrespondait précisément à ce genre de cas. Les appelants avaient raconté une histoire vraisemblable selon laquelle ils avaient laissé une valise contenant tous leurs dossiers financiers et documents à l'appui dans un taxi en Iran. La Cour a accepté ce témoignage et a conclu que les documents exigés pour l'application du paragraphe 169(4) étaient disponibles au moment de la production de la déclaration.

Voir également la décision Dosanjh, [2004] G.S.T.C. 47, où le juge Miller a appliqué la même approche. Il est encourageant de voir la Cour s'orienter vers cette direction.

[13]     Je ne suis pas en désaccord avec cette approche, mais, dans ce cas-ci, l'appelant n'a pas réussi à établir qu'il avait la preuve documentaire au moment où il a produit sa déclaration. Il n'a pas non plus accepté la suggestion qu'il serait préférable pour lui que l'audience soit ajournée pour lui donner la chance de présenter ses documents.

[14]     Pendant l'audience, l'appelant a déclaré que les documents en question étaient disponibles et qu'il ne les avait pas apportés avec lui parce qu'il avait déterminé que la question des documents n'était pas la question en litige. J'ai suspendu mon jugement pour permettre à l'appelant de fournir les reçus pertinents parce que je pensais que ces reçus étaient disponibles. Après six mois, ces documents n'ont toujours pas été produits. Compte tenu de cette preuve, je ne peux pas conclure que l'appelant avait les documents nécessaires au moment où il a produit sa déclaration de TPS.

[15]     Qu'est-ce qu'il nous reste? M. Sikora a témoigné qu'il avait les preuves, plus particulièrement des reçus, pour prouver qu'il avait droit à des CTI de 26 080 $. Bien que l'appelant ait dit que certains documents ont été perdus dans le courrier dans le cadre de sa correspondance avec l'intimée au fil des ans, les documents perdus se rapportaient à des opérations effectuées lors du dernier trimestre de 2001 et non pendant la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1998.

[16]     La pièce A-3 comprend un reçu daté du 3 décembre 2003. Il s'agit d'un résumé des factures et non des véritables factures. Rien ne prouve que l'appelant avait les renseignements visés par règlement au moment où il a demandé les CTI.    L'appelant a dit qu'il existe des reçus relatifs aux CTI demandés pour 1998 et qu'il a ces reçus. Les reçus n'ont pas été perdus, comme dans l'affaire Owraki. L'appelant a été mis au courant de son obligation de présenter ces reçus, mais il ne s'est pas acquitté de son obligation, même après avoir obtenu deux prolongations qui lui ont donné environ quatre mois de plus pour le faire.

[17]     Comme l'appelant a persisté dans son défaut de produire toute la documentation nécessaire pendant la période allouée, les appels sont rejetés, sans dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour d'avril 2005.

« C.H. McArthur »

Juge McArthur

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de septembre 2005.

Nathalie Boudreau, traductrice


RÉFÉRENCE :

2005CCI261

NO DU DOSSIER :

2004-1531(GST)I

INTITULÉ :

Mickey Sikora et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 22 septembre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable juge C.H. McArthur

DATE DU JUGEMENT :

Le 12 avril 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me John Grant

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

s.o.

Cabinet :

s.o.

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           [2004] G.S.T.C. 1, aux pages 1-5 et 1-6.

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