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Dossier : 2006-211(IT)I

ENTRE :

CHRISTOPHER F. STALS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

Appels entendus le 18 août 2006, à Edmonton (Alberta)

 

Devant : L’honorable juge M.A. Mogan

 

Comparutions :

 

Représentante de l’appelant :

Jennifer Panych

Avocat de l’intimée :

MJohn O'Callaghan

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003 et 2004 sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de février 2007.

 

 

« M.A. Mogan »

Juge suppléant Mogan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de mai 2007.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


 

 

 

Référence : 2007CCI77

Date : 20070207

Dossier : 2006-211(IT)I

ENTRE :

CHRISTOPHER F. STALS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Mogan

 

[1]     L’appelant est le père d’Austin Christopher Stals (ci‑après « Austin »), né de Donnalee Krupnik (ci‑après « Donnalee ») le 9 février 1994. Au moment de la naissance d’Austin, l’appelant et Donnalee vivaient ensemble en union de fait. Le 9 novembre 1996, l’appelant et Donnalee se sont séparés et ils vivent séparés depuis cette date. À la suite de certaines instances devant la Cour du banc de la Reine de l’Alberta, l’appelant a versé 485 $ par mois à Donnalee au cours des années 2003 et 2004. Pour chacune de ces années, l’appelant a déduit la somme de 5 280 $ au titre de la pension alimentaire pour enfants dans le calcul de son revenu.

 

[2]     Dans des avis de nouvelle cotisation datés du 19 mai 2005, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé la déduction de la somme de 5 280 $ demandée par l’appelant pour chacune des années 2003 et 2004. L’appelant a appelé de ces deux cotisations. La seule question en litige est de savoir si l’appelant peut, en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), déduire la somme de 5 280 $ au titre de la pension alimentaire pour enfants pour les années 2003 et 2004. Il s’agit des deux seules années visées par l’appel.

 

[3]     Après la séparation de l’appelant et de Donnalee en novembre 1996, l’appelant a versé à Donnalee 400 $ par mois afin de subvenir aux besoins d’Austin, et ce pour les mois de décembre 1996 à avril 1997. Selon la pièce A‑1, onglet 1, le juge M.A. Binder de la Cour du banc de la Reine de l’Alberta a établi une ordonnance le 19 février 1997 dans laquelle il exigeait que l’appelant verse à Donnalee, [traduction] « à titre de pension alimentaire provisoire » pour Austin, la somme de 400 $ par mois à compter du 1er février 1997, et que l’instruction des questions soulevées concernant la pension alimentaire à payer et les autres mesures de réparation ait lieu à Edmonton le 22 avril 1997.

 

[4]     Ces questions ont été entendues par la juge Eileen Nash le 22 avril 1997. À ce moment‑là, Donnalee voulait obtenir 600 $ par mois [traduction] « net d’impôt » pour subvenir aux besoins d’Austin. À la fin de l’audience le 22 avril 1997, la juge Nash a ajourné l’affaire afin de rendre une décision par écrit plus tard. Le 16 mai 1997, elle a rendu sa décision par écrit. Son mémoire de décision est la pièce A‑1, onglet 2, et son ordonnance est la pièce A‑1, onglet 3. La seule partie pertinente de l’ordonnance est rédigée ainsi :

 

          [traduction]

 

            LA COUR ORDONNE que CHRISTOPHER F. STALS verse à DONNALEE L. KRUPNIK la somme de 485 $ par mois pour subvenir aux besoins d’AUSTIN CHRISTOPHER STALS, né le 9 février 1994, à compter du 1er jour de décembre 1996, puis le 1er jour de chacun des mois suivants.

 

[5]     La preuve ne fait état d’aucune autre ordonnance concernant la pension alimentaire versée pour Austin du 16 mai 1997 au 31 décembre 2004. Par conséquent, les versements mensuels de 485 $ que l’appelant a faits à Donnalee au cours des années 2003 et 2004 ont été effectués conformément à l’ordonnance établie par Mme la juge Nash le 16 mai 1997. Voir la pièce A‑1, onglet 3.

 

[6]     Les dispositions de la Loi relatives au versement de la pension alimentaire pour enfants ont subi des modifications importantes à la suite de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Thibaudeau c. La Reine, [1995] R.C.S. 627. Les modifications sont décrites clairement par le juge Bowie aux paragraphes 8, 9 et 10 de la décision Hollbrook c. La Reine, 2005 CCI 671 (le 25 octobre 2005). En bref, avant le 1er mai 1997, les versements de pension alimentaire pour enfants étaient déduits par le payeur et inclus dans le revenu du bénéficiaire. Mais, après le 30 avril 1997, selon la « date d’exécution », les versements de pension alimentaire pour enfants ne pouvaient plus être déduits par le payeur et inclus dans le revenu du bénéficiaire. Même si les expressions « pension alimentaire » et « pension alimentaire pour enfants » sont définies dans la Loi, en l’espèce, il ne fait aucun doute que tous les versements mensuels de 485 $ étaient des versements de pension alimentaire pour enfants. Par conséquent, les deux seules dispositions pertinentes de la Loi sont l’alinéa 56(1)b) et la définition de l’expression « date d’exécution » au paragraphe 56.1(4) :

56(1)    Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

a)         […]

b)         le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

A - (B + C)

où :

A représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue après 1996 et avant la fin de l'année d'une personne donnée dont il vivait séparé au moment de la réception de la pension,

B le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants que la personne donnée était tenue de verser au contribuable aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue de la personne donnée après 1996 et qu'il a incluse dans son revenu pour une année d'imposition antérieure;

 

56.1(4)       Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et à l'article 56.

« date d’exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

a)         si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

b)         si l'accord ou l'ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

(i)         le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l'accord ou de l'ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(ii)        si l'accord ou l'ordonnance fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(iii)       si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iv)       le jour précisé dans l'accord ou l'ordonnance, ou dans toute modification s'y rapportant, pour l'application de la présente loi.

 

[7]     L’appelant allègue que, même si les versements de 485 $ par mois qu’il a faits à Donnalee au cours des années 2003 et 2004 étaient dictés par l’ordonnance de la juge Nash datée du 16 mai 1997 (pièce A‑1, onglet 3), la juge Nash s’était fondée sur l’audience tenue le 22 avril 1997 pour établir les versements. Il faut donc considérer que l’ordonnance a été rendue le 22 avril 1997, et les versements de pension alimentaire pour enfants doivent, conformément à l’ancien régime, être déduits par le payeur (appelant) et inclus dans le revenu du bénéficiaire (Donnalee).

 

[8]     L’appelant présente également un argument factuel. Il fait valoir qu’il effectue des versements de pension alimentaire pour enfants depuis 1997, qu’il a déduit les versements effectués dans le calcul de son revenu pour chacune des années et que Revenu Canada a toujours accordé la déduction demandée. Dans les nouvelles cotisations établies en mai 2005, la déduction des versements de pension alimentaire pour enfants demandée a été refusée pour les années 2003 et 2004 (les années visées par l’appel). Il s’agit‑là des premières années où la déduction des versements de pension alimentaire pour enfants a été refusée par Revenu Canada.

 

[9]     Si on tient compte de l’argument factuel, rien n’empêche le ministre d’établir une cotisation à l’égard d’une année donnée pour appliquer une disposition particulière de la Loi s’il a négligé d’appliquer cette disposition à des circonstances identiques au cours d’années antérieures. Un contribuable peut avoir profité d’un avantage financier au cours d’années antérieures parce que le ministre n’a pas appliqué une disposition particulière de la Loi, mais, lorsque cette disposition est portée à l’attention du ministre, celui‑ci est tenu d’appliquer la loi sans tenir compte des années antérieures.

 

[10]    Si on tient compte de l’argument juridique, la définition de l’expression « date d’exécution » n’aide pas l’appelant. Je répéterai le début de la définition :

« date d’exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

a)         si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

b)         […]

 

L’ordonnance de Mme la juge Nash (pièce A‑1, onglet 3) a été signée par le greffier de la Cour du banc de la Reine de l’Alberta le 16 mai 1997. Selon le libellé clair de l’alinéa a) de la définition, il s’agissait d’une ordonnance « établi[e] après avril 1997 ». Dans l’arrêt Vidéotron Ltée c. Quebecor Média Inc., 2003 CAF 56, le juge Nadon a mentionné ce qui suit au paragraphe 6 :

 

[6]        Il est de droit constant que lorsqu’une ordonnance ou une décision n’est pas prononcée ou rendue en public, celle-ci n’est pas rendue tant qu’elle n’est pas inscrite par le greffe ou que les parties ne sont pas avisées de la décision.

 

Je n’ai aucun mal à conclure que l’ordonnance de Mme la juge Nash a été établie après avril 1997 et qu’elle a en fait été rendue le 16 mai 1997.

 

[11]    L’appelant se fonde sur la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans Dangerfield c. La Reine, 2003 CAF 480. Dans l’arrêt Dangerfield, un juge du Manitoba a entendu une requête qu’une mère a présentée le 21 avril 1997 en vue de recevoir une pension alimentaire pour enfants. Le juge a accordé certaines des mesures de réparation demandées oralement à la fin de l’audience, mais le jugement formel n’a été signé par le registraire adjoint que le 5 mai 1997. Le juge a précisé que les versements de pension alimentaire pour enfants devaient commencer le 1er mai 1997. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’il y avait une « date d’exécution » au sens du sous‑alinéa b)(iv) de la définition.

 

[12]    Comme l’ordonnance rendue par Mme la juge Nash exigeait que les versements mensuels de 485 $ commencent le 1er décembre 1996, l’appelant me demande d’appliquer le principe énoncé dans l’arrêt Dangerfield et de dire qu’il n’y avait pas de « date d’exécution » après avril 1997. À mon avis, la décision rendue dans Dangerfield ne s’applique pas au présent appel parce que la Cour d’appel fédérale traitait d’une ordonnance « établi[e] avant mai 1997 » au sens de l’alinéa b) de la définition de l’expression « date d’exécution ». Ceci ressort clairement des paragraphes 9 et 13 des motifs de l’arrêt Dangerfield.

 

[9]        Il n'est pas contesté que le jugement ou l'ordonnance dans l'ensemble a pris pour effet le jour où il a été prononcé, conformément à l'article 1.04.1 des Règles de la Cour du Banc de la Reine, à savoir le 21 avril 1997. Il n'est pas non plus soutenu que le 5 mai 1997, soit la date à laquelle le jugement ou l'ordonnance a été signé, était important dans le présent appel. En effet, le litige porte sur la question de savoir si la partie du jugement ou de l'ordonnance concernant la pension alimentaire pour enfants peut avoir une date d'exécution différente de la date de prise d'effet (le 21 avril) du jugement ou de l'ordonnance dans son ensemble, à savoir le 1er mai 1997, soit la date précisée dans la clause portant sur les versements à effectuer au titre de la pension alimentaire pour enfants.

[13]      À mon avis, une date d'exécution a été précisée dans ce cas‑ci à l'égard des versements à effectuer au titre de la pension alimentaire. Telle était clairement l'intention du juge qui a rendu l'ordonnance en question. La transcription démontre d'une façon concluante que le juge a, entre autres, rendu oralement une ordonnance distincte en tant que partie intégrante du jugement qui a été prononcé le 21 avril 1997, des versements mensuels de 250 $ devant commencer à être effectués le 1er mai 1997 au titre de la pension alimentaire. Certains doutes ont été exprimés au sujet de la question de la date d'exécution dans la transcription, mais la question a été réglée à la satisfaction du juge, qui voulait clairement se conformer à la nouvelle législation en précisant une date d'exécution permettant la non‑imposition des versements effectués en faveur de la demanderesse. Cet avis est confirmé dans le feuillet de résumé d'ordonnance signé par le juge le 21 avril 1997, lequel comportait une inscription distincte sous le titre [TRADUCTION] « Pension alimentaire », indiquant qu'un montant mensuel de 250 $ devait être payé [TRADUCTION] « à compter du 1er mai 1997 ». Les autres ordonnances qui ont été rendues dans ce document ne précisent pas la date d'exécution, car il n'était pas nécessaire d'en préciser une à des fins fiscales ou à d'autres fins.

 

[13]    Le fait que l’ordonnance de Mme la juge Nash a été établie après avril 1997 permet de faire une distinction entre le présent appel et la décision rendue dans Dangerfield. Si on tient compte de la définition de l’expression « date d’exécution » dans la Loi, le présent appel est régi par l’alinéa a), alors que l’affaire Dangerfield était régie par l’alinéa b).

 

[14]    Il ressort du paragraphe 17 du mémoire de décision de Mme la juge Nash (pièce A‑1, onglet 2) que celle‑ci pensait que les versements mensuels de 485 $ seraient inclus dans le revenu de Donnalee. Lorsqu’elle a établi l’ordonnance après avril 1997, la juge du tribunal de la famille s’est tout simplement trompée pour ce qui est de l’inclusion des versements mensuels dans le revenu du bénéficiaire. En fait, rien dans le mémoire de décision n’indiquait que la juge Nash était même au courant que le nouveau régime était en place.

 

[15]    Quoi qu’il en soit, un juge d’un tribunal de la famille n’a pas compétence pour décider des conséquences fiscales d’une pension alimentaire versée par un ancien conjoint à un autre. Voir la décision Bates v. The Queen, 98 DTC 1919. Les appels pour les années 2003 et 2004 sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de février 2007.

 

 

« M.A. Mogan »

Juge suppléant Mogan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de mai 2007.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI77

 

NO DU DOSSIER :                            2006-211(IT)I

 

INTITULÉ :                                       CHRISTOPHER F. STALS c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 18 août 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge M.A. Mogan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 7 février 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Représentante de l’appelant :

Jennifer Panych

Avocat de l’intimée :

Me John O'Callaghan

 

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                             s.o.

 

                   Cabinet :                         s.o.

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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