Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2002-1284(IT)G

ENTRE :

EVIE KYRIAZAKOS,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

________________________________________________________________

 

Appel entendu le 27 mars 2006, à Windsor (Ontario), par l'honorable juge M. Bonner et sur lequel l'honorable juge Campbell J. Miller a par la suite statué suivant un examen de la transcription.

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me David M. McNevin

Avocat de l'intimée :

Me George Boyd Aitken

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1997 est accueilli avec dépens, et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelante a droit à une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise pour 1997 se rapportant à une
créance de 73 732 $, de laquelle on doit soustraire le montant de 10 932 $ qu'elle a prêté à la société après le 1er février 1997.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de janvier 2007.

 

 

« Campbell J. Miller »

Le juge Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de juillet 2007.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2007CCI66

Date : 20070126

Dossier : 2002-1284(IT)G

ENTRE :

EVIE KYRIAZAKOS,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Miller

 

[1]     Evie Kyriazakos demande la déduction d'une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise (une « PDTPE ») pour l'année d'imposition 1997 se rapportant à des prêts totalisant 73 732 $ qu'elle a consentis à 1174429 Ontario Inc. (la « société »). Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a motivé son refus d'accorder la déduction de la PDTPE pour 1997 en faisant valoir que Mme Kyriazakos n'avait pas agi raisonnablement et prudemment lorsqu'elle avait décidé que la créance était devenue irrécouvrable en 1997, ou, à titre subsidiaire, si la créance était devenue irrécouvrable en 1997, que seuls les prêts consentis avant le 1er février 1997 donnaient lieu à une PDTPE étant donné qu'ils étaient les seuls à avoir été accordés en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien.

 

[2]     La présente affaire a été entendue par le juge Bonner en mars 2006. Le juge Bonner a pris sa retraite à l'été 2006 sans statuer sur le litige. En décembre 2006, le juge en chef Bowman a discuté avec les parties de la façon de mener l'affaire à terme. Il a décidé de m'attribuer le dossier afin que je puisse examiner la transcription et que je puisse rouvrir l'instruction sur une question précise, si j'estimais qu'il y avait, au sujet d'une question de fait ou des prétentions des parties, une ambiguïté telle que je devais éclaircir la chose. Je n'ai pas jugé nécessaire de rouvrir l'instruction. J'admets que si une des parties veut appeler de ma décision, le résultat probable sera la tenue d'un nouveau procès de toute manière. Toutefois, pour des raisons pratiques, s'il existe une possibilité que ma décision, fondée sur la transcription, soit acceptée par les parties, il semble raisonnable d'éviter de consacrer temps et argent à la tenue d'un nouveau procès à cette étape.

 

Les faits

 

[3]     Les parties ont fourni l'exposé conjoint des faits partiel suivant :

 

[TRADUCTION]

 

1.         L'appelante est un particulier et elle était actionnaire de 1174429 Ontario Inc.

 

2.         1174429 Ontario Inc. a été constituée en société le 26 avril 1996. Au moment de la constitution de la société, les actionnaires étaient l'appelante, George Sofos et Chris Kambouris.

 

3.         Pendant toute la période pertinente, 1174429 Ontario Inc. était une société privée sous contrôle canadien (une « SPCC ») au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

4.         1174429 Ontario Inc. a exploité une entreprise activement de la date de sa constitution jusque vers la fin de l'année 2005, où elle a cessé ses activités.

 

5.         L'appelante a prêté la somme de 73 732 $ à 1174429 Ontario Inc. entre le 29 mars 1996 et le 25 février 1997.

 

6.         1174429 Ontario Inc. a inscrit le prêt que l'appelante lui avait consenti en sa qualité d'actionnaire dans ses états financiers pour la période se terminant le 31 mars 1998 et pour toutes les périodes de déclaration ultérieures.

 

[4]     Madame Kyriazakos et sa famille ont déjà oeuvré dans le secteur de la restauration et des boîtes de nuit à Windsor (Ontario). En 1995, George Sofos, Chris Kambouris, l'appelante et son mari ont décidé d'ouvrir une boîte de nuit ensemble dans la région de Windsor. Monsieur Sofos a trouvé un endroit approprié pour la boîte de nuit, soit le 1200, avenue University Ouest, à Windsor. Un bail a été signé le 29 mars 1996. Il s'agissait d'un bail conditionnel à l'obtention d'un permis d'alcool, laquelle condition devait être remplie ou abandonnée au plus tard le 14 mai 1996. Le permis de vente d'alcool a été demandé en avril 1996.

 

[5]     Madame Kyriazakos, M. Sofos et M. Kambouris ont convenu de déposer 10 000 $ chacun dans un compte pour lancer l'entreprise. Comme ils présumaient qu'ils obtiendraient le permis d'alcool, ils ont abandonné la condition dans le bail et ont pris possession du bien en mai 1996. Ils ont commencé les rénovations. Madame Kyriazakos a continué d'injecter des capitaux dans la société. Elle a investi 40 000 $ en mai, et 5 000 $ en septembre. Il est convenu qu'elle a en fin de compte prêté 73 732 $ à la société.

 

[6]     Les audiences relatives à l'octroi du permis d'alcool ont eu lieu en octobre 1996. La Commission des permis d'alcool de l'Ontario a rendu sa décision en janvier 1997 et a refusé la demande de permis. Madame Kyriazakos et les deux autres actionnaires ont discuté de la possibilité de tout cesser à cette étape, mais M. Sofos a eu l'idée de changer de cap et de lancer une entreprise de divertissement pour enfants à la place. Madame Kyriazakos n'était pas intéressée. Elle était d'avis que ce genre d'entreprise n'aurait tout simplement pas de succès. À ce moment‑là, Mme Kyriazakos considérait que la société était insolvable. Après avoir discuté avec son comptable, Mme Kyriazakos a décidé de vendre ses actions à M. Sofos le 1er février 1997. Monsieur Kambouris en a fait autant. Tout comme Mme Kyriazakos, ce qui l'intéressait c'était une boîte de nuit ou un restaurant, pas un centre de divertissement pour enfants. Il ne pensait pas que c'était une bonne idée et il partageait l'opinion de Mme Kyriazakos selon laquelle cela ne leur permettrait pas de récupérer leur argent.

 

[7]     En mars 1997, Mme Kyriazakos a investi un autre montant de 3 000 $ dans la société pour que celle‑ci puisse s'acquitter de certaines dettes qu'elle avait contractées pendant qu'elle était encore exploitée activement, parce qu'elle se sentait obligée de les payer. Elle avait également investi un montant de 7 932 $ dans des circonstances semblables à la fin du mois de février.

 

[8]     Monsieur Sofos a donné suite à son idée de centre de divertissement pour enfants et a ouvert son entreprise à l'automne 1997 sous le nom « The Junction ». Il avait été capable de convaincre d'autres investisseurs de l'aider dans son entreprise. Madame Kyriazakos a visité les locaux et a remarqué qu'il n'y avait pas d'activités à ce moment‑là. Elle a été informée par M. Sofos que les choses n'allaient pas très bien et que la société n'avait pas les moyens de payer des employés qui ne faisaient pas partie de la famille. Madame Kyriazakos a admis qu'elle n'a pas essayé de recouvrer l'argent qu'elle avait prêté à la société, parce qu'elle savait que M. Sofos éprouvait des difficultés et qu'en tant qu'amie elle ne voulait pas aggraver ses problèmes. Elle trouvait qu'il serait embarrassant d'envoyer une lettre à son ami. Comme elle l'a déclaré dans son témoignage : [TRADUCTION] « Je n'ai jamais pensé qu'il pouvait me rembourser. Je savais que son entreprise n'aboutirait à rien et je n'ai jamais pensé qu'il pourrait me rembourser un jour. » Elle n'a toutefois pas parlé à ses comptables ou à ses avocats du recouvrement de la créance, même si elle avait averti son comptable qu'elle ne pensait pas qu'elle serait remboursée. Quand M. Sofos a pris d'autres associés, elle a conclu que les choses n'allaient pas très bien pour lui.

 

[9]     Après avoir consulté son comptable une autre fois au printemps 1998, lors de l'établissement de sa déclaration de revenus pour 1997, elle a décidé qu'elle demanderait une PDTPE pour 1997. Elle n'a pas examiné les états financiers de la société au 31 mars 1998 avec son comptable à ce moment‑là. Elle pensait qu'elle n'avait pas le droit de voir les documents parce qu'elle n'était plus actionnaire de la société. Il ressort de la preuve que les états financiers n'ont été produits par le comptable que le 9 mai 1998.

 

[10]    Les états financiers de la société pour la période se terminant le 31 mars 1998 indiquaient qu'il y avait eu une augmentation des prêts consentis par des actionnaires, lesquels étaient passés de 242 117 $ (les prêts consentis par les trois investisseurs initiaux, y compris le prêt de 73 000 $ de Mme Kyriazakos) au 31 mars 1997 à 439 478 $. Les états indiquaient également qu'il y avait des prêts bancaires s'élevant à 233 500 $ et un effet à payer de 54 834 $. Le financement total était donc de 727 812 $. L'état des résultats indiquait des produits de 310 625 $ et un bénéfice d'exploitation, avant amortissement et avant les salaires de la direction, de 30 752 $, ce qui avait donné lieu à une perte de 54 849 $. Il indiquait également une encaisse de 43 196 $ et des dettes d'exploitation de 61 946 $, ce qui, selon le témoignage du comptable, M. George Reboulis, a laissé la société sans argent.

 

[11]    Monsieur Reboulis a affirmé que, lors de sa discussion avec Mme Kyriazakos au printemps 1998, il savait que M. Sofos ne s'en sortirait pas. Monsieur Reboulis a indiqué qu'à ce moment‑là la société n'était pas exploitée et qu'elle ne serait exploitée que si M. Sofos trouvait des investisseurs. Je présume que M. Reboulis se trompe pour ce qui est du moment où la conversation a eu lieu, étant donné que M. Sofos avait trouvé des investisseurs en 1997 et que l'entreprise était exploitée en mars 1998, comme l'indiquent les états financiers au 31 mars 1998. La société avait généré des produits de plus de 300 000 $, de septembre 1997 à la fin de mars 1998. J'admets toutefois qu'à un moment donné en 1997 et en 1998, M. Reboulis avait vraiment conseillé à Mme Kyriazakos de demander une PDTPE.

 

Point en litige

 

[12]    Pour avoir droit à une PDTPE pour l'année d'imposition 1997, Mme Kyriazakos doit établir, comme le prévoit l'alinéa 50(1)a) de la Loi, que la créance s'est révélée être une créance irrécouvrable au cours de l'année en cause. Elle a rempli toutes les autres conditions figurant à l'alinéa 39(1)c) de la Loi relativement à la déduction d'une PDTPE.

 

Analyse

 

[13]    Dans l'arrêt Rich c Canada[1], la Cour d'appel fédérale a énoncé plusieurs principes à suivre pour savoir si un contribuable a décidé honnêtement et raisonnablement qu'une créance était irrécouvrable :

 

(i)      « Après que le créancier a considéré lui-même les facteurs à retenir, il s'agit de savoir s'il a honnêtement et avec raison décidé que la créance était irrécouvrable[2]. »

Cela présuppose que le créancier a une certaine obligation de tenir compte des facteurs pertinents.

 

(ii)      Les facteurs dont un créancier doit tenir compte sont les suivants[3] :

 

« 1.      l'historique et l'âge de la créance;

2.         la situation financière du débiteur, ses revenus et ses dépenses, gagne-t-il un revenu ou essuie-t-il des pertes?, sa trésorerie et son actif, son passif et les liquidités dont il dispose;

3.         l'évolution du chiffre d'affaires total par rapport aux années antérieures;

4.         l'encaisse, les comptes clients et autres disponibilités du débiteur à l'époque pertinente et par rapport aux années antérieures;

5.         les comptes fournisseurs et autres exigibilités du débiteur à l'époque pertinente et par rapport aux années antérieures;

6.         les conditions économiques générales ayant cours dans le pays, parmi l'ensemble des débiteurs et dans la branche d'activités du débiteur; et

7.         l'expérience antérieure du contribuable en matière de radiation de créances irrécouvrables. »

 

(iii)     « […] il n'y a pas d'obligation légale de prendre des mesures proactives dans tous les cas. Le créancier ne sera tenu de prendre de telles mesures que s'il y a lieu de croire que le remboursement du prêt est envisageable. Tel sera évidemment le cas lorsque le ministre estime que le recouvrement est envisageable et que le contribuable ne fait rien en ce sens, ou pas suffisamment[4]. »

 

(iv)     « Il n'est pas nécessaire non plus pour un créancier d'épuiser tous les moyens possibles de recouvrement. Ce qu'il faut, c'est une évaluation honnête et raisonnable. D'ailleurs, lorsqu'une créance irrécouvrable est par la suite recouvrée en totalité ou en partie, la somme recouvrée est considérée comme un revenu de l'année du recouvrement. »

 

[14]    Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les mesures qu'un créancier est censé prendre pour recouvrer une créance dépendent du résultat de l'examen qu'il fait des facteurs proposés par le juge Rothstein dans l'arrêt Rich. D'un côté, si après un tel examen on constate que la situation est sans espoir, il n'est pas nécessaire de prendre quelque mesure que ce soit. D'un autre côté, si l'examen, effectué raisonnablement et honnêtement, semble indiquer qu'il y a de fortes chances de remboursement, je m'attendrais à ce que des efforts sérieux soient déployés pour recouvrer la créance avant sa radiation. La zone grise comprend bien entendu les cas où l'examen permet de conclure que la probabilité que la créance soit recouvrée se situe quelque part entre nulle et élevée. En pareil cas, je déduis des principes énoncés dans l'arrêt Rich que le créancier, même s'il n'est certes pas tenu d'épuiser tous les recours à sa disposition, doit déployer un certain effort en vue de recouvrer la créance avant de pouvoir dire que la créance est irrécouvrable.

 

[15]    La première question à se poser concerne donc les mesures que Mme Kyriazakos a prises pour tenir compte du genre de facteurs proposés par le juge Rothstein dans l'arrêt Rich. L'intimée affirme que c'est là que l'appelante échoue dans sa tentative d'établir que la créance était irrécouvrable, parce qu'elle n'a pas effectué un examen complet de la situation. Elle n'a pas demandé de renseignements parce qu'elle craignait de troubler M. Sofos. On ne peut donc pas conclure qu'elle a pris la décision appropriée. En fait, l'intimée affirme qu'un créancier ne peut pas se fonder sur une impression pour établir que la créance est irrécouvrable — celui‑ci doit effectuer un examen raisonnable. L'intimée poursuit en alléguant que si Mme Kyriazakos avait agi ainsi, elle aurait découvert que la situation n'était pas aussi peu encourageante qu'elle le pensait.

 

[16]    L'appelante soutient qu'elle avait personnellement mené une enquête en visitant les locaux, qu'elle avait demandé des renseignements à M. Sofos, et qu'elle avait également consulté son comptable avant de conclure que la situation était sans espoir. De plus, si elle avait reçu des renseignements financiers plus détaillés, elle aurait de toute manière décidé honnêtement et raisonnablement que la créance était vraiment irrécouvrable.

 

[17]    Madame Kyriazakos n'a pris aucune mesure pour essayer de recouvrer la créance parce qu'elle croyait qu'elle était irrécouvrable. Sur quoi s'est‑elle fondée pour arriver à cette décision? Je traiterai de la question en examinant les facteurs dont il faut tenir compte selon la Cour d'appel fédérale :

 

(1) L'historique et l'âge de la créance

 

De toute évidence, Mme Kyriazakos savait très bien que la créance ne datait que de quelques mois. Elle savait également que les prêts avaient été consentis pour l'ouverture d'une boîte de nuit et d'un restaurant, un secteur dans lequel elle avait une certaine expérience et une certaine assurance de la viabilité de l'entreprise. Cette entreprise n'a toutefois pas vu le jour. En l'espace de quelques mois, elle a constaté que l'argent qu'elle avait investi ne servait plus à soutenir l'entreprise qu'elle comptait exploiter; il était immobilisé dans ce qu'elle considérait comme une entreprise non rentable, un centre de divertissement pour enfants. Par conséquent, même si la créance ne datait pas de très longtemps, selon Mme Kyriazakos, le bref historique de la créance avait transformé l'argent investi en argent jeté par la fenêtre.

 

(2 à 6) La situation financière du débiteur (produits, dépenses, encaisse, liquidités, ventes, créances, dettes d'exploitation, etc.)

 

Madame Kyriazakos n'a examiné aucun des états financiers (en fait, ils n'ont été rendus disponibles qu'après sa rencontre avec son comptable) et n'a même pas demandé à voir les renseignements fournis dans ceux‑ci. Elle trouvait qu'il serait [TRADUCTION] « embarrassant » de le faire. Elle a plutôt tenu compte de l'évaluation des perspectives de la société que M. Sofos avait faite, de sa propre expérience des affaires (fondée sur une visite des locaux et sur son interprétation du besoin de nouveaux investisseurs), des conseils de son comptable et du point de vue semblable de son co‑investisseur, M. Kambouris. Rien ni personne ne lui a permis de voir une lueur d'espoir.

 

Même si le fait que Mme Kyriazakos n'a pas examiné les finances de la société me préoccupe un peu, si elle avait insisté pour obtenir des données financières plus détaillées, qu'aurait‑elle vu? Elle aurait vu que la société, qui avait triplé son niveau d'endettement en l'espace de quelques mois, n'avait pas d'argent et pas d'employés salariés avec qui elle n'avait pas de lien de dépendance. J'admets que la société avait des produits de 300 000 $, mais ce chiffre ne veut rien dire s'il n'est pas mis en contexte. Et le contexte financier n'était pas très reluisant.

 

(6) Les conditions économiques générales

 

Rien n'était indiqué dans la preuve en ce qui concerne la conjoncture économique générale à l'échelle régionale ou nationale. Madame Kyriazakos a toutefois indiqué qu'on avait tenté d'exploiter des centres de divertissement pour enfants à quelques reprises à Windsor, mais sans succès.

 

(7) L'expérience antérieure de Mme Kyriazakos en matière de radiation de créances irrécouvrables

 

Rien dans la preuve n'indiquait que Mme Kyriazakos avait déjà radié des créances irrécouvrables.

 

[18]    J'ai certaines réserves à l'égard des contribuables qui ne font pas plus d'efforts pour fouiller dans les finances d'un débiteur. Toutefois, dans les cas, comme en l'espèce, où une enquête plus poussée aurait abouti au même résultat, tout bien considéré, je suis porté à laisser le bénéfice du doute à Mme Kyriazakos. Dans les faits, le caractère raisonnable de sa décision est justifié par la situation financière véritable de la société. Subjectivement, elle a agi raisonnablement compte tenu de ce qu'elle savait. Objectivement, elle a agi raisonnablement compte tenu de ce qu'elle ne savait pas. Je conclus que lorsqu'un créancier peut accéder aux données financières pour évaluer la possibilité de recouvrer une créance, mais choisit de ne pas le faire, la Cour doit tenir compte non seulement de tous les facteurs que le créancier a en fait considérés, mais aussi de ces données financières pour évaluer le caractère raisonnable de la décision du créancier. Si l'examen financier objectif montre que la situation financière du débiteur est saine, cela mettra sérieusement en doute l'analyse subjective du créancier. Ce n'est toutefois pas le cas en l'espèce. La situation financière était sans espoir, que ce soit du point de vue subjectif ou objectif : Mme Kyriazakos n'était donc pas tenue de prendre quelque mesure de recouvrement que ce soit. Je conclus, dans ces circonstances, que Mme Kyriazakos a décidé honnêtement et raisonnablement que la créance était irrécouvrable au cours de l'année d'imposition 1997.

 

[19]    Comme j'ai conclu qu'il avait été établi que la créance s'était révélée irrécouvrable en 1997, la question à trancher est de savoir si la totalité du montant de 73 732 $ est déductible en tant que PDTPE. La réponse est non. On ne peut pas considérer que les montants que Mme Kyriazakos a prêtés à la société après avoir cessé d'être actionnaire ont été engagés en vue de tirer un revenu. Elle n'avait aucune chance de tirer profit de l'entreprise en tant qu'actionnaire. De plus, la créance n'était pas assortie d'un taux d'intérêt. Elle a admis que les capitaux avaient été injectés dans la société pour payer les dépenses engagées relativement au restaurant ou à la boîte de nuit et qu'elle croyait avoir une certaine obligation morale à l'égard de ces dépenses. L'appelante ne m'a pas convaincu qu'elle avait quelque obligation juridique que ce soit d'avancer cet argent. De toute évidence, au moment où elle a prêté l'argent, il était impossible qu'elle puisse tirer un revenu de ce prêt. En fait, selon Mme Kyriazakos, il était même peu probable que le capital lui soit remboursé un jour. Si on applique l'alinéa 40(2)g) de la Loi, la perte est nulle étant donné qu'elle résulte de la disposition d'une créance qui n'avait pas été acquise en vue de tirer un revenu.

 

[20]    Par conséquent, j'accueille l'appel avec dépens, et je défère l'affaire au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que Mme Kyriazakos a droit à une PDTPE pour 1997 se rapportant à une créance de
73 732 $, de laquelle on doit soustraire le montant de 10 932 $ qu'elle a prêté à la société après le 1er février 1997.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de janvier 2007.

 

 

« Campbell J. Miller »

Le juge Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de juillet 2007.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI66

 

NO DU DOSSIER :                            2002-1284(IT)G

 

INTITULÉ :                                       Evie Kyriazakos c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Windsor (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 27 mars 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Campbell J. Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 26 janvier 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me David M. McNevin

Avocat de l'intimée :

Me George Boyd Aitken

 

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante :

 

                          Nom :                      Me David M. McNevin

 

                          Cabinet:                   Ducharme Fox, s.r.l.

 

       Pour l'intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           C.A.F., no A‑666‑01, 27 janvier 2003, 2003 CAF 38, [2003] A.C.F. no 109 (Q.L.).

 

[2]           Paragraphe 12.

 

[3]           Paragraphe 13.

 

[4]           Paragraphe 23.

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.