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Dossier : 2004-2494(EI)

ENTRE :

UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

LOUIS JETTÉ,

intervenant.

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Appel entendu le 23 juin 2005 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Michel E. Taillefer

Avocat de l'intimé :

Me Mounes Ayadi

Pour l'intervenant :

l'intervenant lui-même

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JUGEMENT

L'appel en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi concernant la décision du ministre du Revenu national en date du 16 décembre 2003 est accordé et la décision du Ministre est infirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

L'intervention est en conséquence rejetée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d'août 2005.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


Référence : 2005CCI499

Date : 20050809

Dossier : 2004-2494(EI)

ENTRE :

UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

LOUIS JETTÉ,

intervenant.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre Proulx

[1]      Cet appel et cette intervention concernent une décision du ministre du Revenu national (le « Ministre » ) en date du 16 décembre 2003.

[2]      Les deuxième et quatrième paragraphes de cette décision se lisent comme suit :

...

Il a été déterminé que son emploi était assurable pour la raison suivante : l'emploi exercé par une personne à titre d'apprenti ou de stagiaire est inclus dans les emplois assurables. Par conséquent, l'Université de Montréal est réputée être son employeur aux fins du paiement, de la retenue et du versement des cotisations exigibles d'assurance-emploi. Il a été déterminé que la rémunération assurable était de 14 000 $ et que les heures assurables étaient de 1,400 pendant la période d'emploi en litige.

...

La décision dans cette lettre a été rendue en vertu du paragraphe 93(3) de la Loi sur l'assurance-emploi, l'alinéa 6b) du Règlement sur l'assurance-emploi, de l'article 10 et le paragraphe 2(1) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations et l'article 9.1 du Règlement sur l'assurance-emploi.

...

[3]      L'Université de Montréal a fait appel de cette décision. L'avis d'appel a été produit le 29 juillet 2004.

[4]      L'intervenant mentionne dans son avis d'intervention, produit le 17 septembre 2004, que l'appelante était en retard pour produire son avis d'appel. Il conteste donc la validité de l'appel.

[5]      Je réponds immédiatement à ce motif. L'appelante, en temps opportun, soit le 2 juin 2004, a fait une demande en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance emploi (la « Loi » ) en vue d'obtenir une ordonnance prolongeant le délai dans lequel un avis d'appel peut être interjeté. L'ordonnance autorisant cette prolongation est en date du 29 juillet 2004. Ces documents sont des documents publics et peuvent être consultés au greffe de cette Cour.

[6]      L'appel de l'appelante est donc valide.

[7]      Il n'y avait pas d'intervention à ce moment. Ceci explique pourquoi monsieur Louis Jetté n'a pas été impliqué.

[8]      Après analyse du dossier, soit après le 29 juillet 2004, l'avocat de l'intimé a conclu que l'appelante avait raison et en a ainsi avisé l'intimé. Comme cela amenait le rejet de la demande de monsieur Jetté, l'avocat de l'intimé a communiqué avec ce dernier pour l'en informer. Ce dernier a pris la décision d'intervenir dans cet appel et a produit son avis d'intervention le 17 septembre 2004.

[9]      La Réponse à l'avis d'appel fait état que l'intimé est d'accord avec la position de l'appelante et demande l'accueil de l'appel. Ce document en date du 5 octobre 2004 a été produit le 6 octobre 2004. La Réponse à l'avis d'intervention mentionne que l'intimé n'est pas en accord avec la position de l'intervenant et demande l'accueil de l'appel. Le document est en date du 30 novembre 2004 et produit le 1er décembre 2004.

[10]     L'appelante a produit un cahier de pièces de A-1 à A-6. Les chèques ont été ajoutés en liasse comme pièce A-7.

[11]     L'intervenant a témoigné pour sa partie. Messieurs Michel Champagna et David Bensemana ont témoigné pour la partie appelante.

[12]     Dans l'ensemble, les faits décrits par les trois témoins convergeaient.

[13]     La faculté de pharmacie de l'Université de Montréal, en 1998, a mis en place un programme de maîtrise ès sciences pharmaceutiques, option développement du médicament. L'obtention du diplôme exige un stage dans une entreprise pharmaceutique. C'est un programme d'enseignement conjoint entre l'industrie privée et l'université. L'industrie privée contribue 14 000 $ par stagiaire. Cette somme est versée dans un fonds spécial. Un étudiant dans ce programme de maîtrise est payé 1 750 $ par mois pendant huit mois.

[14]     Les témoins de l'appelante ont expliqué qu'il s'agit d'une relation entre l'entreprise pharmaceutique, la faculté et les étudiants. Les entreprises participantes au programme sont considérées par la Faculté comme des partenaires dans l'enseignement et la formation pratique.

[15]     Je cite les trois premiers paragraphes du guide du stagiaire, un document produit comme pièce A-5 :

Le stage vise à offrir une expérience pratique au niveau de plusieurs secteurs impliqués dans un développement de médicament et à appliquer les connaissances acquises au cours du DESS option : Développement du médicament. La durée du stage est de deux sessions à temps plein (huit mois). Il est réservé aux étudiants qui n'ont pas d'expérience dans le milieu choisi.

Le stagiaire devra consacrer 60% de son temps au niveau de l'option choisie soit à peu près 5 mois et le reste du temps sera réparti au niveau des autres départements. Le stagiaire devra en outre planifier et développer un projet lui donnant ainsi l'occasion de développer l'aspect de résolution des problèmes. Le candidat devra préparer un rapport complet (rapport de synthèse) sur son projet et faire une présentation orale afin de démontrer ses aptitudes en communication écrite et orale (voir section B).

À la fin du stage le candidat devra avoir démontré la capacité d'intervenir de façon efficace dans le milieu du développement du médicament.

[16]     L'annexe 15 du guide du stagiaire décrit les différentes étapes du stage. Il s'agit d'étapes afférentes à un programme d'études au niveau de la maîtrise.

[17]     Les témoins de l'appelante et l'intervenant ont relaté que lors d'une journée consacrée spécifiquement à cette fin, les étudiants admis à la maîtrise rencontrent à l'université les sociétés pharmaceutiques et discutent avec elles des projets possibles et autres choses. Les témoins de l'appelante ont expliqué qu'à la suite de ces pourparlers, les représentants de la faculté et ceux de l'industrie se rencontrent pour déterminer des différentes affectations. À la fin, un stage est attribué à chacun des étudiants admis au programme.

[18]     Les témoins de l'appelante font état que le montant de bourse est identique pour tous les étudiants à la maîtrise. Les bourses sont considérées comme des bourses d'excellence et d'encouragement, accordées sur recommandation du corps professoral.

[19]     Le choix du sujet de recherche se fait en étroite collaboration entre l'étudiant et le coordonnateur du site. Il doit être également approuvé par le coordonnateur de l'option et le coordonnateur du stage à la faculté. Le sujet de l'intervenant était : La thérapie photodynamique : innovation et défis.

[20]     Pendant la période en litige, l'intervenant a admis qu'il était un étudiant à plein temps à l'Université de Montréal et avait payé ses droits de scolarité (pièce A-2).

Arguments

[21]     L'avocat de l'appelante fait valoir qu'il n'y a pas eu de négociation de rémunération, qu'il s'agissait d'un programme universitaire de maîtrise et que le sujet du projet était celui de l'étudiant. Il s'est référé plus particulièrement à deux décisions de cette Cour dans Khadija Benabdallah c. Canada (ministre du Revenu national -M.R.N.) [1997] A.C.I. no 1180 (Q.L.) et Nabet c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1999] A.C.I. no 79 (Q.L.).

[22]     De cette dernière décision, il cite les passages suivants :

13         Le cas sous étude s'apparente à la décision The Hospital For Sick Children (supra) [[1993] A.C.I. no 388 (Q.L.)] et je suis d'avis que cette décision constate bien l'état du droit en ce qui concerne la situation juridique d'un étudiant payé à même des fonds de recherche : il ne s'agit pas d'un emploi assurable si l'étudiant est payé pour des recherches qu'il effectue dans le cadre d'un programme de travail qu'il s'est tracé lui-même; un professeur peut avoir aidé l'étudiant à établir son programme de travail mais cela demeure celui de l'étudiant et aux fins de l'étudiant; l'étudiant gère l'emploi de son temps; le professeur est là pour donner des conseils; le travail est exécuté pour l'utilité de l'étudiant; il ne s'agit pas de services rendus à un employeur.

14         ... Dans ces circonstances, une direction est donnée par le professeur mais c'est à titre de professeur qu'il la donne et non à titre d'employeur. Le travail à faire est celui déterminé par l'étudiant et selon un emploi du temps également déterminé par l'étudiant. A mon avis, la preuve a clairement révélé que l'appelante n'était pas dans une situation d'emploi. Les sommes reçues par elle étaient de la nature de subventions ou d'aide financière à des étudiants et non de la nature d'une rémunération pour services rendus à un employeur.

[23]     L'avocat de l'intimé, pour sa part, fait remarquer que la décision favorable de l'intimé avait été rendue en vertu de l'alinéa 6b) du Règlement sur l'assurance-emploi (le « Règlement » ) et du paragraphe 10(1) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations.

[24]     L'intervenant fait valoir que la décision du Ministre lui était favorable et que c'est dans cet esprit et de la bonne foi qu'il a continué la poursuite de cette affaire.

Analyse et Conclusion

[25]     Je vais en premier lieu aborder la question de l'alinéa 6b) du Règlement qui se lit comme suit :

6. Sont inclus dans les emplois assurables, s'ils ne sont pas des emplois exclus conformément aux dispositions du présent règlement, les emplois suivants :

...

b)          l'emploi exercé par une personne à titre d'apprenti ou de stagiaire, même si aucun service n'est fourni à l'employeur;

[26]     Cet article ne s'applique pas automatiquement dans toutes les situations de stagiaires. Cet article exige pour son application une relation d'employeur et employé. Dans la présente affaire, ma conclusion qui suit est qu'il n'y a pas de telle relation.

[27]     L'article 2085 du Code civil du Québec se lit comme suit :

2085. « Contrat de travail »

Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur.

[28]     Le document A-3 indique que le montant payé est une bourse. Bien rarement, une bourse peut-elle être considérée comme un salaire. Il faut des circonstances particulières de lien de subordination dans une relation de travail. Dans la présente affaire, il n'y a pas de signature d'un contrat de travail. Il y a eu une demande de participer à un programme de maîtrise et il y a eu acceptation de la candidature. L'admission au programme de maîtrise signifiait l'octroi d'une bourse. Cette bourse est de la nature d'une assistance financière pour promouvoir les aptitudes à la recherche et la qualité de la recherche et nullement de la nature d'un salaire dans le cadre d'un contrat de travail.

[29]     Dans le guide du stagiaire (pièce A-5), les descriptions des rôles du directeur du programme, du coordonnateur du stage à la faculté, du coordonnateur du stage au site, du coordonnateur de l'option, du responsable de formation et de l'étudiant ont trait d'une part à des fonctions d'enseignement et de formation et d'autre part à des obligations afférentes au statut d'étudiant.

[30]     Ainsi, pour obtenir ses crédits, à la fin du projet, l'étudiant en maîtrise devait écrire un rapport de synthèse portant sur les données de son projet et un rapport d'activités.

[31]     Le programme décrit tant par les témoins de l'appelante que par l'intervenant, est un programme qui a comme objet un stage dans une entreprise pharmaceutique pour des fins d'expérience de travail pratique dans un contexte d'études universitaires. Les différentes obligations décrites sont celles de professeurs et d'étudiants et non d'employeurs et d'employés.

[32]     L'appel est accordé et l'intervention rejetée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d'août 2005.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


RÉFÉRENCE :

2005CCI499

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-2494(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Université de Montréal et M.R.N. et

Louis Jetté

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 23 juin 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'hon. juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :

le 9 août 2005

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me Michel E. Taillefer

Avocat de l'intimé :

Me Mounes Ayadi

Pour l'intervenant :

l'intervenant lui-même

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Me Michel E. Taillefer

Étude :

Hart, Saint-Pierre

Montréal (Québec)

Pour l'intimé :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

  

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