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Référence : 2005CCI543

Date : 20050818

Dossier : 2004-3191(IT)I

ENTRE :

DANY IMBEAULT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

(Décision rendue oralement sur le banc le 18 mars 2005

à Montréal (Québec).)

La juge Lamarre

[1]      Il s'agit d'un appel d'une cotisation établie pour l'année d'imposition 2002 par laquelle le ministre du Revenu national ( « Ministre » ) a refusé à l'appelant un crédit d'impôt pour déficience mentale ou physique, grave et prolongée aux termes des articles 118.3 et 118.4 de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » ).

[2]      Il est à noter que l'appelant a également fait cette demande de crédit pour plusieurs années antérieures à 2002, mais puisqu'aucun avis d'opposition n'a été logé pour ces années, il m'est impossible de réouvrir ces années aujourd'hui. En conséquence, aucune demande de crédit ne peut être faite pour ces années antérieures.

[3]      Pour l'année 2002, le Ministre a refusé ce crédit, puisque le docteur Johanne Morel, qui a complété le Formulaire T2201, qui est le certificat exigé par la Loi pour avoir droit à un crédit d'impôt pour personnes handicapées, a expliqué que l'appelant souffrait depuis la naissance d'une cécité de l'oeil gauche et d'une perte d'audition de l'oreille gauche, séquelles d'une naissance traumatique. Selon les certificats ainsi complétés par docteur Morel, le Ministre a conclu que l'appelant n'est pas limité de façon marquée dans les activités essentielles de la vie quotidienne, soit : voir, marcher, entendre, se nourrir, et se vêtir, percevoir, réfléchir, se souvenir et éliminer les déchets du corps humain.

[4]      J'ai vu monsieur Imbeault témoigner devant moi. Il explique son handicap de l'oeil et de l'oreille gauche de même que de sa jambe et de son bras gauche qui sont plus courts. C'est un handicap permanent et irréversible. Il dit qu'il a toujours éprouvé des problèmes de concentration, ce qui requérait plus d'heures d'études quand il était jeune, et maintenant au travail il doit prendre des notes pour ne pas oublier ce qu'il doit faire dans la journée. Il ne peut lire de gros livres, mais lit les journaux. Il ne peut se rappeler de certains événements marquants de sa vie, telle la naissance de ses enfants. À cause de sa demi-surdité, il a des problèmes à communiquer dans un endroit bruyant et dit qu'il doit faire répéter à plusieurs reprises. En groupe, il doit regarder la personne qui lui parle de face, ou se mettre du côté de l'oreille qui entend, pour comprendre ce qui se dit.

[5]      Sa cécité de l'oeil gauche lui cause des problèmes de perception. Ainsi, il doit faire plus attention lorsqu'il conduit pour évaluer la distance. La vision de son oeil droit est, par contre, très bonne et atteinte d'une légère myopie. Comme il ne voit pas des deux yeux, il ne peut voir en trois dimensions. Il ne peut toucher quelque chose en mouvement, ce qui limite les activités physiques. La seule qu'il peut vraiment faire est de jouer au golf.

[6]      L'appelant travaille comme superviseur de production dans le domaine alimentaire. Bien qu'il fonctionne normalement dans son milieu de travail, il lui arrive des incidents causés par sa demi-surdité. Ainsi, il n'entend pas le radio-émetteur lorsqu'il porte un casque au travail. Il dit qu'il n'a jamais eu d'emploi lorsqu'on lui demandait de passer des examens médicaux. Dans l'emploi qu'il occupe actuellement, aucun examen médical n'était requis et ce n'est que récemment que son patron a été mis au courant de son handicap.

[7]      Docteur Morel, qui a complété le certificat médical (Formulaire T2201), a été son médecin généraliste pendant sept ans. Elle n'a pas fait d'évaluation de sa cécité, ni de sa surdité. Elle a complété le certificat à partir du dossier médical de l'appelant. Il ne lui a jamais parlé de ses troubles de mémoire et de perception. Aussi, il n'y a rien d'indiqué à ce sujet dans le certificat médical. L'appelant n'a pas porté attention à ce point. Pour lui, c'était la vision et l'ouïe qui semblaient le préoccuper le plus.

[8]      La conjointe de l'appelant a également témoigné. Elle est avec lui depuis quatre ans. Elle dit qu'il a de la difficulté à juger les distances, la profondeur, et qu'il a des problèmes de perception, de concentration et de mémoire. Elle dit qu'il peut oublier les choses du quotidien, ou émotionnelles. Il peut également éprouver de la difficulté à prendre des objets, à évaluer ses distances en voiture, à mettre la clé dans la serrure s'il ne se concentre pas.

[9]      Aux termes des articles 118.3 et 118.4 de la Loi, l'appelant aura droit au crédit pour déficience mentale ou physique, s'il a une déficience mentale ou physique grave et prolongée et si les effets de la déficience sont tels que la capacité du particulier d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée. Ceci doit être attesté par une personne compétente selon la Loi (dont un médecin en titre) dans le formulaire prescrit, le T2201.

[10]     En vertu de la Loi, la capacité d'un particulier d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée seulement s'il est toujours ou presque toujours aveugle ou incapable d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne sans y consacrer un temps excessif. La Loi entend par activités courantes de la vie quotidienne, entre autres :

1) la perception, la réflexion, la mémoire, de même que

2) le fait d'entendre de façon à comprendre, dans un endroit calme, une personne de sa connaissance.

[11]     Les représentants de l'appelant ont soulevé le point que la Loi parlait antérieurement de « cécité totale » et que le texte de Loi a été changé en 1986 par l'expression « toujours ou presque toujours aveugle » . Ils soutiennent que par cécité totale, le législateur visait une absence complète de vision alors qu'en modifiant le texte de Loi, le terme « aveugle » pourrait ne s'appliquer qu'à la cécité d'un seul oeil.

[12]     À mon avis, le terme « aveugle » veut dire la même chose que « cécité totale » . Quelqu'un qui est aveugle est quelqu'un qui a perdu le sens de la vue. S'il voit d'un oeil, on ne peut dire de cette personne qu'elle n'a plus le sens de la vue. On ne peut donc pas dire qu'elle soit aveugle. Le terme « cécité » veut dire également être privé de la vue. Le fait que le texte de Loi parlait anciennement de cécité totale n'est pas un élément à considérer, selon moi, pour interpréter différemment le sens du mot « aveugle » dans le nouveau texte de Loi. Si le législateur avait voulu couvrir la cécité d'un seul oeil, il l'aurait précisé de façon claire, ce qui n'est pas le cas. Je considère donc que pour avoir droit au crédit, une personne doit être aveugle des deux yeux, dans le sens qu'elle est privée de son sens de la vue. Ceci n'est évidemment pas le cas de l'appelant qui voit très bien de son oeil droit.

[13]     Quant à la capacité d'entendre de l'appelant, le texte de Loi stipule clairement que le crédit sera accordé uniquement si la personne handicapée démontre qu'elle ne peut entendre de façon à comprendre, dans un endroit calme, une personne de sa connaissance. Les représentants de l'appelant ont soutenu que ce dernier pouvait donner des réponses hors contexte, dénuées de sens, et qu'il avait de la difficulté à comprendre des phrases trop longues, qu'il faisait répéter les gens, et qu'il doit se concentrer pour répondre dans un groupe.

[14]     Je tiens à souligner ici que la Loi parle de la capacité d'entendre de façon à comprendre dans un endroit calme, une personne de sa connaissance, sans y consacrer toujours ou presque toujours, un temps excessif. La Loi ne parle pas de sa capacité d'entendre dans un groupe ou dans un endroit bruyant. Or, l'appelant m'est apparu comme étant très vif en Cour, répondant très bien aux questions qui lui étaient posées, tant par son représentant, que par l'avocate de l'intimée, ou même par moi. Il m'a même bien entendu alors qu'il était assis dans la salle assez loin de moi pour me répondre qu'on pouvait le rejoindre sur son cellulaire. J'ai trouvé qu'il avait une très belle élocution et que son handicap ne semblait pas l'obliger à prendre un temps excessif pour comprendre et répondre aux questions. Il est vrai que l'atmosphère dans la salle d'audience est propice au calme et à la concentration, mais c'est précisément le test qui est exigé par la Loi. À mon avis, l'appelant a démontré qu'il pouvait bien entendre dans un endroit calme, sans prendre un temps excessif pour comprendre et sans faire répéter les gens.

[15]     Quant à sa capacité de percevoir, de réfléchir et de mémoriser, je suis d'accord avec l'avocate de l'intimée que celle-ci n'a pas été évaluée par un professionnel de la santé ou un professionnel dans ce domaine particulier, et que c'est une condition requise par la Loi. En effet, pour avoir le droit au crédit, l'appelant doit produire un certificat attestant une telle déficience, ce que nous ne possédons pas. Il y aura peut-être lieu pour l'appelant de se faire évaluer à ce sujet pour les années futures. Pour le moment, je ne peux répondre à cette question sans avis professionnel. Je dois dire que j'ai trouvé l'appelant plutôt alerte et réfléchi compte tenu de ses handicaps, ce qui est tout à son honneur et je l'en félicite. Toutefois, je ne suis pas, moi-même, une spécialiste dans le domaine, et il se pourrait que l'appelant puisse se qualifier au crédit, sous l'aspect de la perception, la réflexion et la mémoire, en obtenant une évaluation d'une personne compétente en vertu de la Loi.

[16]     Compte tenu de ce qui précède, je me trouve dans l'obligation de confirmer la décision du Ministre de refuser le crédit d'impôt pour déficience mentale ou physique, puisque l'appelant ne rencontre pas selon moi les critères requis par la Loi pour avoir droit à un tel crédit pour l'année 2002.

[17]     L'appel de la cotisation établie pour l'année d'imposition 2002 est donc rejeté.

[18]     Les appels logés pour les années antérieures sont rejetés pour cause de nullité, vu qu'aucun avis d'opposition n'a été logé pour ces années.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d'août 2005.

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


RÉFÉRENCE :

2005CCI543

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-3191(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

DANY IMBEAULT c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 18 mars 2005

DATE DU JUGEMENT :

le 23 mars 2005

DATE DES MOTIFS DU JUGEMENT :

le 18 août 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Lucie Lamarre

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant(e) :

Vicky Landry et Philippe Montillaud (Étudiants en droit)

Pour l'intimé(e) :

Me Anne Poirier

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelant(e) :

Nom :

Étude :

Pour l'intimé(e) :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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