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Référence : 2005CCI384

Date : 20050620

Dossiers : 2004-3949(EI)

2004-3950(EI)

ENTRE :

STÉPHANE CHAGNON,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

(Prononcés oralement sur le banc le 17 mai 2005 à Montréal (Québec)).

Le juge Paris

[1]      Cet appel a été entendu à Montréal (Québec) le 17 mai 2005.

[2]      L'appelant dans ces deux appels conteste deux décisions du ministre du Revenu national (le « Ministre » ) concernant ses emplois avec la société 3825558 Canada inc. (3825558) et avec la société 9100-7492 Québec inc. (9100-7492). Le Ministre a décidé selon l'alinéa 5(2)b) de la Loi sur l'assurance-emploi que ni l'un ni l'autre de ces emplois était assurable parce que l'appelant contrôlait 40 % des actions donnant droit de vote dans les deux sociétés. La société 3825558 exploitait une entreprise de transport ayant acheté la plupart des actifs d'une autre société, soit 9061-2110 Québec inc., dont la conjointe de fait de l'appelant, Manon Choquet, détenait toutes les actions. Les actionnaires de 3825558 étaient Guy Lemay et la société 9100-7492 qui détenaient chacun 45 % des actions, et Pierre Rochon qui en détenait 10 %. Le seul actionnaire de 9100-7492 était Rémi Tétrault, un ami de longue date de l'appelant.

[3]      Les décisions du Ministre, quant à l'assurabilité des emplois de l'appelant, ont été fondées sur la présomption que les actionnaires de 3825558 et 9100-7492 servaient des prête-noms pour l'appelant et qu'en fait l'appelant détenait et contrôlait 100 % des actions des deux sociétés. À l'audience, messieurs Tétrault, Rochon et Lemay indiquent qu'ils ont tous témoigné devant la Cour et ont nié être des prête-noms de l'appelant dans cette affaire. Le témoignage de l'appelant était au même effet.

[4]      Il n'y a rien dans la preuve qui porte la Cour à mettre en doute la crédibilité de ces témoins et je conclus que les présomptions aux paragraphes 5 n), o) et p) de chaque Réponse à l'avis d'appel ont été démolies. Toutefois, comme argument alternatif, le procureur de l'intimé suggère que l'appelant a contrôlé toutes les actions de 9100-7492 et, par ce fait, 45 % des actions de 3825558 à compter du 12 juillet 2001, en vertu d'une procuration signée ce même jour par monsieur Tétrault. Un document qui semble donner à l'appelant le pouvoir de voter et de prendre toutes les décisions qu'il jugeait opportunes dans et pour 9100-7492, a été déposé en preuve par l'intimé sous la pièce I-3. Cependant, l'appelant a dit qu'il n'avait pas vu ce document avant qu'il ne lui soit présenté au cours de l'audition. Aucune preuve n'a été présentée pour démentir l'appelant sur ce point. Pour sa part, monsieur Tétrault reconnaît avoir signé la procuration en faveur de l'appelant, mais n'a pas indiqué qu'il l'avait donnée à l'appelant ou que ce dernier l'avait acceptée. De plus, il n'y a pas de preuve à l'effet que l'appelant ait jamais exercé les pouvoirs de vote rattachés aux actions de monsieur Tétrault dans 9100-7492 ou qu'il ait posé d'autres gestes en vertu de la présumée procuration.

[5]      Selon l'article 2130 du Code civil du Québec[1], une procuration est un pouvoir qui est créé par un contrat de mandat. Cette disposition lie le mandat et le contrat par lequel une personne, le mandant, donne le pouvoir de le représenter dans l'accomplissement d'un acte juridique avec un tiers à une autre personne, le mandataire, qui par le fait de son acceptation s'oblige à l'exercer. Ce pouvoir et le cas échéant, l'écrit qui le constate s'appelle aussi procuration. Dans ce cas, le fardeau de prouver qu'il y a eu une procuration valide en date du 12 juillet 2001 incombe à l'intimé parce qu'il ne s'agit pas d'un fait présumé par le Ministre en arrivant aux décisions en question.

[1]      À la lumière de la preuve devant la Cour, je conclus que l'intimé ne s'est pas déchargé du fardeau qui lui incombait à cet égard et n'a pas démontré que l'appelant avait accepté une procuration. Si je me trompe sur la validité de la procuration du 12 juillet 2001, j'accepte que monsieur Tétrault se réservait à tout moment un contrôle sur les gestes de l'appelant, tel qu'on ne pourrait dire que c'était l'appelant et non pas monsieur Tétrault qui contrôlait ces actions. Selon monsieur Tétrault, il a toujours attendu que l'appelant le consulte pour obtenir son approbation quand et si il y avait des décisions à prendre en tant qu'actionnaire de 9100-7492. Bien que le témoignage de monsieur Tétrault concernant son intention semble aller à l'encontre du libellé de la présumée procuration, le procureur de l'intimé ne s'y est pas opposé et, de plus, ce témoignage n'a pas été démenti en contre-interrogatoire. Il semble bien que monsieur Tétrault a continué à s'impliquer dans les affaires de 9100-7492 autant après qu'avant le 12 juillet 2001 et qu'il a agi pour ses propres intérêts pendant toute la période en question.

[2]      Pour tous ces motifs, les appels sont accordés et les décisions du Ministre sont modifiées à l'effet que l'appelant exerçait un emploi assurable auprès de 3825558 Canada inc. du 1er avril 2001 au 30 novembre 2002 et auprès de 9100-7492 Québec inc. du 1er décembre 2002 au 21 juin 2003.

Signé à Ottawa (Canada) ce 20e jour de juin 2005.

« B. Paris »

Le juge Paris


RÉFÉRENCE :

2004CCI384

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-3949(EI) et 2004-3950(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Stéphane Chagnon et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 17 mai 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge B. Paris

DATE DU JUGEMENT :

le 20 juin 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

Me Martin Pichette

Pour l'intimée :

Me Alain Gareau

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelante :

Nom :

Me Martin Pichette

Étude :

de Grandpré Chait

Montréal (Québec)

Pour l'intimé(e) :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1] L.Q. 1991, ch. 64 (C.c.Q.)

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