Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Référence : 2005CCI380

Date : 20050615

Dossier : 2004-1338(GST)I

ENTRE :

YVAN LABBÉ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DE JUGEMENT

(Prononcés oralement le 20 mai 2005, à Québec (Québec).)

La juge Lamarre Proulx

[1]      Il s'agit d'un appel par voie de la procédure informelle d'une cotisation portant le numéro PQ-2003-7116, en date du 20 mai 2003 et concernant la période du 1er septembre 2000 au 31 mai 2001.

[2]      Cette cotisation a été établie à l'encontre de l'appelant en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ). Cette disposition législative prévoit la responsabilité des administrateurs d'une personne morale qui fait défaut de verser la taxe nette.

[3]      Le paragraphe 323(5) de la Loi prévoit que l'établissement d'une telle cotisation se prescrit par deux ans après que l'administrateur a cessé pour la dernière fois d'être administrateur.

[4]      C'est sur cette prescription que l'appelant fonde sa défense. Il prétend qu'il a démissionné le 23 décembre 2000 et qu'il a alors cessé pour la dernière fois d'être administrateur.

[5]      Les faits sur lesquels s'appuie le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) sont décrits au paragraphe 7 de la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse » ) comme suit :

a)          au cours des années 2000 à 2001, l'appelant était un administrateur de la compagnie « Les entreprises Forestières L.P.M. inc. » (ci-après appelée « la compagnie » );

b)          au cours des années ci-avant mentionnées, la compagnie était un inscrit aux fins de l'application de la TPS;

c)          suite à des vérifications, il fut constaté que la compagnie avait perçu la TPS sans la remettre à l'intimée pendant la période du 1er septembre 2000 au 31 mai 2001;

d)          le 28 janvier 2003, la compagnie a fait cession de ses biens en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité;

e)          bien qu'il ait produit une preuve de réclamation le 13 février 2003, soit dans les six mois de la date de la faillite de la compagnie, la créance de l'intimée ne lui a jamais été entièrement payée;

f)           l'appelant était administrateur de la compagnie aux périodes où celle-ci était tenue de verser la taxe nette à l'intimée et s'occupait de la gestion courante de cette dernière;

g)          l'appelant n'a jamais démissionné de son poste d'administrateur de la compagnie « Les entreprises Forestières L.P.M. inc. » ;

h)          l'appelant, à titre d'administrateur de la compagnie, n'a pas agi avec le degré de soin, de diligence et de compétence, pour prévenir le manquement qu'une personne raisonnablement prudente ne l'aurait fait dans des circonstances comparables;

i)           en particulier, l'appelant n'a pris aucune mesure concrète et positive pour prévenir les manquements de la compagnie;

j)           en effet, l'appelant a préféré payer les fournisseurs de la compagnie ainsi que le autres comptes de cette dernière au lieu de faire les remises de taxes au ministre.

[6]      L'appelant a expliqué que la société, « Les Entreprises forestières L.P.M. Inc. » , que j'appellerai par la suite « LPM » , a acquis en 1999 de l'équipement forestier d'une société Rocan Forestry Ltd., par la suite « Rocan » . Cet équipement a subi des bris mécaniques majeurs. Pour ces raisons et d'autres, LPM n'a pas fait ses paiements à Rocan. Les affaires de l'entreprise se seraient mises à mal tourner. L'appelant étant très déprimé, aurait démissionné le 23 décembre 2000, sur le conseil de son frère. Pour ce faire, il aurait tout simplement déposé une note de démission dans son classeur. Personne n'a été mis au courant. Cette note a été produite comme pièce A-3.

[7]      En date du 16 mai 2001, une lettre d'avocats est envoyée à Rocan pour LPM. Elle a été déposée comme pièce A-2. Elle commence ainsi : « Nous représentons les intérêts de Les Entreprises Forestières L.P.M. inc. ainsi que ceux de monsieur Yvan Labbé, son président. »

[8]      Cette lettre dit, en substance, que LPM ne doit rien à Rocan et de plus, réclame de cette dernière des dommages de 150 000 $.

[9]      En date du 28 août 2002, LPM et l'appelant ont reçu de Rocan une mise en demeure de payer une somme de 317 899,06 $.

[10]     Cette demande a été déposée comme pièce A-1. Il est à noter qu'elle est adressée à l'appelant et à LPM.

[11]     À l'onglet 5 de la pièce I-1 se trouve la déclaration annuelle de LPM auprès de l'Inspecteur général des institutions financières pour l'année 2001. Elle est signée le 10 décembre 2001 par l'appelant pour LPM. À la case « nature des activités » , l'appelant inscrit : « Inactive pour le moment » .

[12]     La pièce I-2 est constituée de deux factures de vente d'équipement de LPM à Ferme Ste-Marie de Beauce en date du 30 mars 2001.

[13]     L'avocat de l'intimée a fait reconnaître plusieurs documents à l'appelant au sujet desquels ce dernier a agi et a signé à titre d'administrateur de LPM.

[14]     La pièce I-3 est un acte de délaissement en faveur de CIT Financial Ltd par LPM en date du 18 juin 2001.

[15]     La pièce I-4 est un autre document de transfert d'équipement, celui-ci en faveur de 9099-9962 Québec inc. et il y a intervention de CitiCapital Corporation Commerciale, en date du 15 août 2001.

[16]     La pièce I-5 est une déclaration finale de LPM faite auprès du Ministère du revenu du Québec en date du 6 juin 2002.

[17]     La pièce I-6 est le bilan de LPM pour les fins de la faillite. Il est en date du 28 janvier 2003.

[18]     La pièce I-7 est un procès-verbal d'une réunion des administrateurs de LPM pour les fins de la faillite. La réunion s'est tenue le 28 janvier 2003.

[19]     La pièce I-8 est la déclaration de LPM concernant la taxe nette due pour la période du 1er décembre 2000 au 28 février 2001. Le solde à remettre est de 15 827,97 $. La pièce I-9 est la déclaration de taxe nette pour la période du 1er mars 2001 au 31 mai 2001. Le solde à remettre est de 18 085,11 $. Ces deux documents sont signés par l'appelant, le premier en date du 27 juin 2001 et l'autre le 31 août 2001.

[20]     La pièce I-10 est un chèque en date du 4 mars 2002 fait à l'ordre de Revenu Québec, par LPM. Il est également signé par l'appelant.

Arguments

[21]     L'avocat de l'appelant fait valoir qu'il ne s'agit pas là d'actes d'administration mais de simples actes de conservation. L'avocat ne m'a référée à aucune jurisprudence ni doctrine à cet égard.

[22]     L'avocat de l'intimée fait valoir qu'il s'agit d'actes d'administration et que l'appelant n'avait pas perdu la qualité d'administrateur le 20 mai 2003, date de la cotisation. Il se réfère à la décision de la Cour d'appel fédérale dans Kalef c. Canada, [1996] ACF no 269 (Q.L.) et plus particulièrement au paragraphe 10 de cette décision :

10        La Loi de l'impôt sur le revenu ne définit pas le terme « administrateur » et elle n'établit pas de critère en ce qui concerne le moment où une personne cesse d'occuper ce poste. Compte tenu du silence de la Loi de l'impôt sur le revenu, il est logique de se tourner vers la loi régissant la constitution en personne morale de la compagnie pour y trouver une réponse. ...

Analyse et conclusion

[23]     Il faut se reporter à la loi constituante. Ici, il s'agit de la Loi sur les compagnies du Québec.

[24]     L'article 123.76 de la Loi sur les compagnies, concernant le mandat et la démission d'un administrateur se lit ainsi :

[Mandat continué] Malgré l'expiration de son mandat, un administrateur demeure en fonction jusqu'à ce qu'il soit réélu, remplacé ou destitué.

[Démission] Il peut résigner ses fonctions en donnant un avis à cet effet.

1979, c. 31, a. 27; 1980, c. 28, a. 14.

[25]     Cet article mentionne qu'un administrateur peut résigner ses fonctions en donnant un avis à cet effet.

[26]     En vertu de l'article 123.81 de la Loi sur les compagnies, des avis réglementaires de changement du conseil d'administration doivent être donnés :

Dans les 15 jours suivant tout changement dans la composition du conseil d'administration, la compagnie doit donner avis de ce changement en produisant une déclaration à cet effet, conformément à la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales (chapitre P-45).

[27]     La démission de l'appelant de ses fonctions d'administrateur de LPM en date du 23 décembre 2000 a été le seul moyen de défense de l'appelant. Toutefois, il n'y a rien dans la preuve qui démontre qu'un avis de cette présumée démission de l'appelant ait été donné. Au contraire, lui-même s'est toujours manifesté comme étant l'administrateur de LPM au moins jusqu'au 28 janvier 2003. Une compagnie est administrée par un conseil d'administration. Le changement d'administrateur se fait par résolution. Or, la dernière résolution de LPM produite en preuve décrit l'appelant comme étant l'administrateur de LPM.

[28]     Les faits décrits à la Réponse se sont avérés vrais. La preuve a révélé que l'appelant a agi à titre d'administrateur jusqu'au 28 janvier 2003 et qu'il a préféré payer les fournisseurs de LPM plutôt que de faire les remises au Ministre de la taxe que cette dernière avait perçue des acquéreurs à titre de mandataire de l'état. La preuve n'a d'aucune façon révélé que l'appelant ait agi pour prévenir le manquement au paiement de la taxe nette ni qu'il ait résigné ses fonctions.


[29]     Pour ces raisons, l'appel doit être rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de juin 2005.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


RÉFÉRENCE :

2005CCI380

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-1338(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Yvan Labbé et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 20 mai 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'hon. juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT:

le 25 mai 2005

DÉCISION RENDUE

ORALEMENT :

le 20 mai 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :

le 15 juin 2005

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant:

Me Daniel Petit

Avocat de l'intimée :

Me Philippe Morin

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Me Daniel Petit

Étude :

Daniel Petit, avocat

Charlesbourg (Québec)

Pour l'intimé(e) :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.