Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2004-180(EI)

ENTRE :

STRATÉGIE FINANCIÈRE IMPACT INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

LISE LONGPRÉ,

intervenante.

Appel entendu le 13 décembre 2004 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable S.J. Savoie, juge suppléant

Comparutions :

Représentant de l'appelante :

Alain Parent

Avocat de l'intimé :

Me Soleil Tremblay

Pour l'intervenante :

L'intervenante elle-même

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 16e jour de février 2005.

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie


Référence : 2005CCI117

Date : 20050216

Dossier : 2004-180(EI)

ENTRE :

STRATÉGIE FINANCIÈRE IMPACT INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

LISE LONGPRÉ,

intervenante.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Savoie

[1]      Cet appel a été entendu à Montréal (Québec) le 13 décembre 2004.

[2]      Il s'agit de déterminer si Lise Longpré a exercé un emploi assurable du 4 octobre 2002 au 9 mai 2003 lorsqu'au service de l'appelante.

[3]      Le 14 novembre 2003, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) a informé l'appelante de sa décision selon laquelle la travailleuse occupait un emploi assurable.

[4]      En rendant sa décision, le Ministre s'est fondé sur les faits présumés suivants :

a)          l'appelante a été constituée en société le 26 mars 1999; (admis)

b)          l'appelante exploitant une entreprise de conseils financiers et de vente d'assurance collective et de convention de retraite; (nié)

c)          l'appelante embauchait une dizaine d'employés à salaire et des représentants à commission; (admis)

d)          la travailleuse a été embauchée pour faire de la sollicitation de nouveaux clients; (nié)

e)          il n'y avait pas de contrat écrit entre la travailleuse et l'appelante; (admis)

f)           les tâches de la travailleuse consistaient à obtenir par sollicitation téléphonique des rendez-vous pour les représentants; (admis)

g)          la travailleuse prenait principalement des rendez-vous pour 3 représentants : Bruno Lachappelle, Marc St-Onge et Denise Bélanger; (nié)

h)          des listes de clients à solliciter étaient fournies par les représentants à la travailleuse; (nié)

i)           la travailleuse avait un texte dont elle devait se servir pour effectuer la sollicitation; (nié)

j)           les deux premiers mois de la période, la travailleuse travaillait de sa résidence, et par la suite, elle travaillait à la place d'affaires de l'appelante; (nié)

k)          la travailleuse avait un horaire de 8 h 30-9 h 00 à 16 h 30, 5 jours par semaine chez l'appelante; (nié)

l)           en cas d'absence, la travailleuse devait avertir l'appelante; (nié)

m)         la travailleuse était rémunérée selon un taux horaire de 16 $ qui avait été déterminé par l'appelante; (nié)

n)          la travailleuse remettait à l'appelante un relevé des heures travaillées; (admis)

o)          la travailleuse était rémunérée qu'elle obtienne des rendez-vous ou non; (admis)

p)          la travailleuse était payée par chèque à tous les 15 jours; (nié)

q)          la travailleuse devait remettre à l'appelante deux fois par mois des comptes-rendus des rendez-vous qu'elle avait obtenus; (nié)

r)           le bureau, les équipements et le matériel de travail étaient fournis à la travailleuse par l'appelante; (admis)

s)          la travailleuse n'avait pas de dépenses à encourir dans son travail; (ignoré)

t)           la travailleuse n'assumait aucun risque financier; (ignoré)

u)          le travail de la travailleuse était intégré aux activités de l'appelante; (admis)

v)          la travailleuse a été mise à pied par le payeur parce qu'elle n'était pas rentable pour ce dernier. (nié)

[5]      La preuve a révélé que l'appelante exploitait un cabinet de services financiers. Au bureau de l'appelante, il y avait déjà un groupe de cinq à six conseillers en services financiers qui utilisaient et se partageaient les services d'une téléphoniste pour effectuer de la sollicitation. Cet arrangement s'était avéré rentable pour les conseillers et par le fait même pour l'appelante. Celle-ci a donc suggéré à un autre groupe de conseillers, soit Marc St-Onge, Bruno Lachapelle ainsi que Denise Bélanger, d'embaucher une téléphoniste pour augmenter leurs ventes. Comme aucun d'entre eux ne voulait prendre le risque, l'appelante a décidé de servir d'intermédiaire et de s'occuper de la rémunération de la travailleuse.

[6]      Il a été démontré que la travailleuse avait pour tâche exclusive de prendre des rendez-vous pour trois conseillers en services financiers, c'est-à-dire, pour Bruno Lachappelle, Marc St-Onge et Denise Bélanger.

[7]      C'est Marc St-Onge et Bruno Lachapelle qui remettaient à la travailleuse la liste des clients potentiels qu'ils avaient obtenue par Internet. Celle-ci, toutefois, pouvait solliciter sa propre clientèle. C'est Denise Bélanger qui avait donné à la travailleuse le texte qu'elle devait se servir pour effectuer la sollicitation téléphonique dont elle avait la charge pour les conseillers en services financiers.

[8]      Les deux premiers mois de la période en litige, la travailleuse oeuvrait parfois à partir de sa résidence. Par la suite, elle se rendait à la place d'affaires de l'appelante pour faire son travail.

[9]      Monsieur Alain Parent, le président de l'appelante, a affirmé à l'audition que la travailleuse ne pouvait pas, au début de sa période à l'emploi de l'appelante, travailler à partir de chez elle parce qu'elle n'avait aucune formation. Mais il a affirmé, par ailleurs, dans sa déclaration à l'agent des appels, que la travailleuse avait exécuté ses tâches à partir de chez elle ainsi que de la place d'affaires de l'appelante. En outre, il a précisé dans cette déclaration que la travailleuse était libre d'effectuer les heures qu'elle désirait et qu'elle n'était soumise à aucun horaire du bureau. Il a aussi affirmé que l'appelante n'avait aucun contrôle sur ses heures travaillées.

[10]     Il a été établi que la travailleuse n'avait pas à avertir l'appelante en cas d'absence mais celle-ci admet qu'elle en avertissait la réceptionniste, par courtoisie. La travailleuse était rémunérée au taux horaire de 16 $ tel que convenu avec l'appelante. Elle était payée sur présentation de factures, une fois ses heures comptabilisées par l'appelante, mais de façon irrégulière, selon les factures présentées.

[11]     Dans son témoignage, monsieur Alain Parent, le président de l'appelante, a affirmé que l'appelante fonctionnait avec des travailleurs autonomes et qu'un arrangement avait été fait avec la travailleuse pour que celle-ci, dans sa sollicitation, apporte un support pour les conseillers. Monsieur Parent a ajouté que l'appelante facilitait ainsi la tâche de certains conseillers qui n'avaient pas l'initiative d'embaucher des solliciteurs. Il a précisé, en outre, que l'appelante avait assumé les coûts reliés au travail de la travailleuse, quitte à facturer les conseillers par la suite. La travailleuse effectuait donc de la sollicitation pour plusieurs clients, dont deux conseillers en sécurité financière, clients de l'appelante. Ainsi, l'appelante agissait à titre d'intermédiaire entre la travailleuse et les conseillers en sécurité financière, clients de l'entreprise de l'appelante.

[12]     Dans sa déclaration, monsieur Parent a affirmé que le contrat négocié avec la travailleuse prévoyait un forfait horaire exempt de TPS et de TVQ.

[13]     Il a été établi que la travailleuse n'était pas familière avec les services financiers de l'appelante, donc elle a demandé à celle-ci une référence pour obtenir une formation qui lui permettrait de mieux comprendre le domaine dans lequel l'appelante était impliquée. On l'a référée à une conseillère en sécurité financière autonome pour cette formation et sa formation a été payée par l'appelante. Les fonctions de la travailleuse consistaient à contacter, par téléphone, les présidents de société afin de les renseigner sur les conventions de retraite individuelles et leur proposer par la suite un rendez-vous avec un conseiller. Elle effectuait le même genre de démarche pour l'assurance collective.

[14]     Dans sa déclaration à l'agent des appels, la travailleuse a affirmé qu'elle a été embauchée à titre de travailleur autonome, mais qu'elle se considère maintenant comme une employée puisqu'elle était rémunérée selon un taux horaire, qu'elle obtienne ou non des contrats. Dans cette déclaration, elle affirmait également que pendant une partie de la période en litige, soit jusqu'en octobre 2002, elle avait travaillé à temps plein, à titre d'employée, pour la compagnie Telus. Elle a affirmé qu'elle travaillait environ 40 à 50 heures par semaine dont 35 heures s'effectuaient dans les locaux de Telus. Elle était rémunérée strictement à la commission et comme elle débutait ses fonctions chez l'appelante, elle a continué à rendre des services à Telus, mais à temps partiel seulement et cela jusqu'à la fin janvier 2003. Ce travail pour Telus, selon sa déclaration, elle l'effectuait à partir de chez-elle, en soirée, et n'a jamais facturé l'appelante pour ce travail pour Telus.

[15]     Dans sa lettre du 12 mars 2004, pièce A-1, produite à l'audition, la travailleuse déclare que lors de son embauche, elle était libre d'effectuer son travail à la maison ou au bureau de l'appelante. Cependant, après la première semaine, l'appelante lui a signifié qu'il était préférable qu'elle fasse son travail à partir de leurs bureaux entre 8 h 30 et 16 h 30. Elle ajoute que le fait de travailler à la place d'affaires de l'appelante n'était pas par choix mais sur la demande expresse de l'appelante. Elle a ajouté qu'elle a toujours été payée par chèque signés par monsieur Alain Parent, le président de l'appelante. Les chèques ont été produits à l'audition sous la cote A-3. Dans sa déclaration à l'agent des appels, la travailleuse a affirmé qu'elle travaillait dans le même bureau que Denise Bélanger et que son horaire était de 8 h 30-9 h 00 jusqu'à 16 h 30, cinq jours par semaine. La travailleuse a admis qu'elle effectuait, toutefois, de sa résidence certains téléphones, le matin, lorsqu'il lui avait été impossible de rejoindre des clients pendant les heures normales de bureau.

[16]     La travailleuse remettait à l'appelante, une feuille de temps indiquant les heures travaillées au bureau. Elle ne réclamait pas le temps qu'elle effectuait, le matin, de sa résidence. La travailleuse ajoute dans sa déclaration que madame Eloise Lachappelle, l'épouse d'Alain Parent, lui avait demandé au début de son emploi de lui donner un compte-rendu des téléphones qu'elle effectuait et des rendez-vous qu'elle obtenait, rapport qu'elle lui remettait périodiquement. Il a été établi que l'appelante exigeait que la travailleuse exécute elle-même le travail. La travailleuse a ajouté que c'est Denise Bélanger, une des conseillères de l'appelante, qui lui avait donné le texte qu'elle devait utiliser pour effectuer sa sollicitation pour le compte des conseillers. La travailleuse a affirmé que l'appelante avait défrayé pour elle un montant de 140 $ pour un cours d'informatique car elle prévoyait lui faire entrer des données. Elle affirme cependant n'avoir reçu aucune rémunération pour les 30 heures exigées pour cette formation. La travailleuse a affirmé par ailleurs qu'elle utilisait tout l'équipement et le matériel appartenant à l'appelante sauf les coûts associés à son achat d'un cellulaire car il s'est avéré que lorsque les clients rappelaient chez l'appelante, cela augmentait la charge de travail de la réceptionniste.

[17]     Elle a affirmé qu'elle a été mise à pied par monsieur Parent qui lui a dit que son travail n'était plus rentable pour son entreprise.

[18]     Cette Cour a pour mandat de décider sur l'assurabilité de l'emploi de la travailleuse. Dans cette tâche, elle se doit d'examiner l'ensemble de la preuve présentée dont certains éléments méritent d'être mentionnées. Ainsi, dans son témoignage, monsieur Parent affirme que l'appelante payait la travailleuse sur présentation de factures, périodiquement, et qu'il passait les factures aux conseillers, par la suite. Cependant, les déclarations de celui-ci à l'agent des appels portent à confusion. Par exemple, dans sa déclaration du 20 octobre 2003, il déclare que la facturation de la travailleuse était chargée aux conseillers qui avaient fourni les listes de clients. Cependant, dans sa déclaration du 28 octobre 2003, il précise que l'appelante n'a chargé aucun honoraire aux représentants pour les services que rendait la travailleuse. Il ajoutait par la suite que les trois représentants ainsi que l'appelante, surtout au début d'emploi de la travailleuse, se sont partagé les frais relativement à la rémunération qui lui a été versée.

[19]     Cependant, dans son témoignage à l'audition, la travailleuse a déclaré qu'elle était payée par l'appelante sur présentation périodique de ses factures. Elle confirmait ainsi ce qu'elle déclarait à l'agent des appels à l'effet qu'elle était rémunérée par chèque à tous les 15 jours, selon un taux horaire de 16 $ et que cette rémunération avait été déterminée par l'appelante. Il convient de préciser, pour ce qui concerne la rémunération de la travailleuse, que la pièce A-3, produite à l'audition, établit que la travailleuse a reçu trois chèques de l'appelante totalisant 4 032,00 $ pour la période du 18 octobre 2002 au 6 janvier 2003.

[20]     Pour sa part, monsieur Parent a affirmé dans son témoignage que la travailleuse ne pouvait pas travailler à partir de chez elle au début de la période en question, parce qu'elle n'avait aucune formation. Par ailleurs, il a précisé qu'il avait souvent observé, au bureau de l'appelante, que la porte du bureau de la travailleuse était toujours fermée et qu'il n'avait aucune idée de ce qu'elle pouvait faire. Plus loin, il a déclaré que la travailleuse était libre de travailler à partir de chez elle ou des bureaux de l'appelante, ajoutant cependant, que l'appelante lui avait fourni un local pour lui permettre de faire son travail.

[21]     Dans son témoignage, la travailleuse a admis avoir travaillé à partir de chez elle, pour quelque temps, mais que l'appelante lui avait fait comprendre qu'elle devait faire son travail à partir de ses bureaux.

[22]     L'emploi assurable est défini par la Loi sur l'assurance emploi de la façon suivante :

            5.(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a)     l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[23]     Un contrat de louage de services est un contrat en vertu duquel une partie, l'employé, convient pour une période déterminée ou un temps défini, à temps complet ou à temps partiel de travailler pour l'autre partie.

[24]     Un contrat d'entreprise ou un contrat de travail autonome en est un en vertu duquel une partie accepte d'effectuer pour un autre un certain travail très précis, stipulé au contrat.

[25]     Une jurisprudence constante reconnaît quatre éléments de base pour distinguer un contrat de louage de services, d'un contrat d'entreprise ou d'un contrat de travail autonome. Les critères sont les suivants :

a)          La propriété des outils;

b)          Les chances de profit ou risques de perte;

c)          Le degré d'intégration du travail de l'employé à l'entreprise de l'employeur, et

d)          Le degré ou l'absence de contrôle exercé par l'employeur.

[26]     Dans la cause Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale s'exprimait en ces termes :

Afin de bien distinguer le contrat de louage de services du contrat d'entreprise, il faut examiner l'ensemble des divers éléments qui compose la relation entre les parties.

[27]     Lors de sa présentation à l'audition, le Ministre, à l'appui de ses prétentions, s'est appuyé sur l'arrêt 2966743 Canada Inc. (Promotion Contact) c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2002] A.C.I. no 501 dont les faits ressemblent beaucoup à ceux dans la cause sous étude. En voici quelques extraits :

1.          l'appelante exploitait une entreprise de vente de publicité sur des napperons de restaurant;

2.          la travailleuse avait été embauchée par l'appelante pour faire de la sollicitation par téléphone;

3.          les tâches de la travailleuse consistaient à communiquer avec des commerces situés dans les environs de l'établissement du client et à leur offrir que leur nom et leur logo apparaissent sur les napperons;

4.          la travailleuse se rendait au bureau de l'appelante pour effectuer ses tâches;

5.          la travailleuse avait un horaire flexible mais généralement de 9 h 30 à 16 h 30 du lundi au vendredi;

6.          la travailleuse recevait une liste de clients à solliciter de la part de l'appelante;

7.          la travailleuse était sous le contrôle constant de l'appelante;

8.          l'appelante fournissait un bureau fermé avec le mobilier et le téléphone;

9.          l'appelante fournissait tout l'équipement dont la travailleuse avait besoin;

10.        la travailleuse n'assumait aucun risque de perte financière;

11.        les tâches de la travailleuse étaient intégrées aux activités de l'appelante.

12.        les travailleurs signaient un contrat intitulé "VENDEUR COLLECTEUR AUTONOME" qui se lit comme suit :

Je soussigné(e) déclare être vendeur ou collecteur autonome et de ce fait je demande qu'aucune déduction ne soit faite sur ma commission.

13.        les heures de travail pour les employés réguliers étaient de 8 h 30 à 16 h 30, du lundi au vendredi. Cependant les travailleurs-solliciteurs oeuvraient selon un horaire flexible et à leur bon vouloir.

14.        selon Marcel Côté, les travailleurs étaient payés à commission soit 20 % des ventes.

15.        l'appelante, selon lui, assumait les frais reliés à l'utilisation des bureaux par les travailleurs-solliciteurs.

16.        les commerçants qui achetaient de la publicité payaient l'appelante qui, en retour, payait la commission aux travailleurs.

17.        selon son choix elle [la travailleuse] oeuvrait aux bureaux de l'appelante.

18.        elle [la travailleuse] déclare qu'elle avait consenti à oeuvrer comme travailleur autonome.

19.        la preuve a révélé que monsieur Côté donnait des instructions et une liste de commerçants à téléphoner à la travailleuse.

[28]     En présence des faits partiellement énumérés ci-haut, le juge Somers de cette Cour a jugé que les travailleurs, dans ces circonstances, occupaient un emploi assurable.

[29]     Examinons maintenant les faits sous étude, à la lumière des critères établis dans l'arrêt Wiebe Door supra.

1.        La propriété des outils

[30]     La travailleuse, pour la majorité de la période, a rendu des services à la place d'affaires où elle utilisait le matériel et l'équipement appartenant à l'appelante, sauf pour son téléphone cellulaire qu'elle s'est procuré, mais elle a été contrainte de le faire puisque les appels téléphoniques qu'elle recevait à la place d'affaires de l'appelante occasionnaient une surcharge pour la téléphoniste de celle-ci.

2.        Le contrôle

[31]     Il a été établi dans la jurisprudence que le degré de contrôle exercé par le bénéficiaire des services sur le travail du travailleur qui est appelé à le fournir reste le critère essentiel pour déterminer le lien de subordination caractéristique du contrat de travail. De fait, ce degré de contrôle varie selon les circonstances et dépend souvent de la nature du travail à exécuter et de l'expertise du travailleur. La travailleuse, en l'espèce, effectuait de la sollicitation téléphonique en se servant de listes de clients potentiels que lui avait remis des conseillers en services financiers ayant conclu un accord avec l'appelante. Lors de sa sollicitation, elle devait se servir d'un texte spécifique qui lui avait fourni une conseillère travaillant chez l'appelante. Elle devait remettre, périodiquement, des comptes-rendus des rendez-vous qu'elle avait obtenus. L'appelante avait exigé, pour fins de formation et de rentabilité, que la travailleuse rendre ses services à la place d'affaires. En début d'emploi, la travailleuse a bénéficié d'un horaire variable parce que l'appelante le lui permettait et dès que cette dernière a exigé qu'elle travaille à la place d'affaires, selon les heures d'ouverture de l'appelante, elle s'est conformée à cette demande. Parlant au nom de l'appelante, monsieur Parent a admis que les revenus de celle-ci provenaient des commissions remises par les conseillers sur les ventes réalisées par ces derniers avec l'aide de la travailleuse qui leur fournissait en partie les clients par son travail de sollicitation. Ainsi, que le travail lui ait été remis directement par l'appelante ou par un conseiller autonome avec lequel l'appelante avait conclu une entente ne change en rien le fait qu'elle était au service de l'appelante. En effet, elle a été embauchée par l'appelante, à rendre des services dans les locaux lui appartenant tout en étant rémunérée par celle-ci. Il a été établi que la travailleuse était sous la supervision madame Bélanger et des autres conseillers pour sa formation et son travail. Elle remettait une feuille qui confirmait les rendez-vous qu'elle avait obtenus pour les conseillers ainsi que son calcul d'heures à madame Lachapelle, la directrice de l'appelante.

3.        Chances de profit et risques de perte

[32]     Il a été établi que c'est l'appelante qui défrayait tous les frais d'exploitation alors que la travailleuse n'avait aucun frais à encourir dans l'exercice de ses fonctions. Elle était rémunérée selon un taux horaire et celui-ci n'était d'aucune façon limité à la production de la clientèle qu'aurait pu apporter sa sollicitation. La forme de rémunération de la travailleuse n'avait aucune relation avec les bénéfices que pouvait engendrer l'entreprise. Il n'existe donc pour la travailleuse aucun risque de perte et aucune possibilité de gains financiers.

4.        Intégration

[33]     Le travail exécuté par la travailleuse était pour le compte des clients de l'appelante et non ses clients à elle. Son travail était intégré aux activités de l'entreprise de l'appelante. Elle travaillait pour le bénéfice de l'appelante et elle n'aurait pu subsister sans cette dernière. La travailleuse était une employée au service de l'appelante et celle-ci exigeait qu'elle exécute elle-même le travail et il lui aurait été impossible de se faire remplacer par quelqu'un de son choix. En se posant la question, à savoir, à qui appartenait l'entreprise, on ne peut que répondre que c'était l'entreprise de l'appelante et non celle de la travailleuse.

[34]     La preuve a démontré que l'appelante exerçait un contrôle sur le travail de la travailleuse. Il est vrai que l'appelante a soutenu que la travailleuse oeuvrait à sa guise et qu'à plusieurs égards, elle ignorait ce que la travailleuse faisait. Cependant, comme il a été démontré ci-haut, le contrôle exercé par l'appelante était réel et constant. Dans l'arrêt Gallant c. M.R.N. (C.A.F.) [1986] A.C.F. no 330, le juge Pratte de la Cour d'appel fédérale a statué ce qui suit :

[...] Ce qui est la marque du louage de services, ce n'est pas le contrôle que l'employeur exerce effectivement sur son employé, c'est plutôt le pouvoir que possède l'employeur de contrôler la façon dont l'employé exécute ses fonctions.

[35]     Il a d'ailleurs été démontré que la travailleuse avait été embauchée par l'appelante et que cette dernière lui payait sa rémunération et c'est elle qui l'a mise à pied et qui a mis fin à sa période d'emploi.

[36]     Il a été établi que l'appelante avait l'intention d'établir une relation avec la travailleuse différente de celle que l'on reconnaît dans une relation employeur-employé. La preuve a même révélé que les parties pensaient avoir établi que la travailleuse oeuvrait comme travailleuse autonome. Dans ce contexte, il convient de citer l'arrêt Standing c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1992] A.C.F. no 890 où la Cour d'appel fédérale s'exprimait en ces termes :

[...] Rien dans la jurisprudence ne permet d'avancer l'existence d'une telle relation du simple fait que les parties ont choisi de la définir ainsi sans égards aux circonstances entourantes appréciées en fonction du critère de l'arrêt Wiebe Door.

[37]     Dans la cause sous étude, la preuve a démontré qu'il y avait un lien de subordination entre l'appelante et la travailleuse.

[38]     L'analyse de la preuve à la lumière des critères énoncés ci-haut m'amène à la conclusion que les conditions de travail de la travailleuse ressemblaient davantage à celle du travailleur oeuvrant dans l'entreprise de l'employeur. Cette Cour détermine donc que la travailleuse occupait un emploi assurable au sens de la Loi.

[39]     En conséquence, l'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée.

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 16e jour de février 2005.

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie


RÉFÉRENCE :

2005CCI117

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-180(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Stratégie Financière Impact Inc. et le M.R.N. et Lise Longpré

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 13 décembre 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge suppléant S.J. Savoie

DATE DU JUGEMENT :

Le 16 février 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

Alain Parent

Pour l'intimé :

Me Soleil Tremblay

Pour l'intervenante :

L'intervenante elle-même

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelante :

Nom :

Étude :

Pour l'intimé :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

Pour l'intervenante :

Nom :

Étude :

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.