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Dossier : 2004-4204(GST)APP

ENTRE :

PIERRE-YVES SIMARD,

requérant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Requête entendue sur preuve commune avec la requête de

Jacquelin Simard (2004-4205(GST)APP)

le 9 février 2005 à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Avocat du requérant :

Me Daniel Petit

Avocat de l'intimée :

Me Philippe Morin

____________________________________________________________________

ORDONNANCE

          Vu la requête présentée par le requérant en vertu de l'article 304 de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ) afin d'obtenir une ordonnance prorogeant le délai pour signifier au ministre du Revenu national un avis d'opposition à la cotisation établie en vertu de la Loi;

          La requête est rejetée selon les motifs de l'ordonnance ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de mai 2005.

« François Angers »

Juge Angers


Dossier : 2004-4205(GST)APP

ENTRE :

JACQUELIN SIMARD,

requérant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Requête entendue sur preuve commune avec la requête de

Pierre-Yves Simard (2004-4204(GST)APP)

le 9 février 2005 à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Avocat du requérant :

Me Daniel Petit

Avocat de l'intimée :

Me Philippe Morin

____________________________________________________________________

ORDONNANCE

          Vu la requête présentée par le requérant en vertu de l'article 304 de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ) afin d'obtenir une ordonnance prorogeant le délai pour signifier au ministre du Revenu national un avis d'opposition à la cotisation établie en vertu de la Loi;

          La requête est rejetée selon les motifs de l'ordonnance ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de mai 2005.

« François Angers »

Juge Angers


Référence : 2005CCI256

Date : 20050517

Dossiers : 2004-4204(GST)APP

2004-4205(GST)APP

ENTRE :

PIERRE-YVES SIMARD,

JACQUELIN SIMARD,

requérants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Angers

[1]      Il s'agit de deux requêtes en prorogation du délai pour signifier un avis d'opposition aux avis de cotisation établis le 10 août 2001 à l'encontre de chacun des requérants. Les deux avis de cotisation ont été établis en vertu des dispositions de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ) pour la période du 1er janvier 1992 au 30 septembre 2000 et portent les numéros PQ-2001-6016 et PQ-2001-6018.

[2]      Les évènements qui nous amènent à l'audition des présentes requêtes peuvent se résumer comme suit :

2.       L'intimée a établi à l'endroit de chaque requérant un avis de cotisation tel que décrit ci-dessus. La date de mise à la poste indiquée sur chaque avis est le 10 août 2001 et la personne-ressource identifiée au nom du ministère du Revenu est M. Jacques Dumais;

2)                  L'adresse sur chacun des avis de cotisation est l'adresse du requérant en cause;

3)                  Le 17 mai 2004, chacun des requérants recevait à son adresse respective une lettre de demande de paiement (avis final) signée par M. Étienne Marcoux du Centre de perception fiscale de l'intimée;

4)                  Le 26 mai 2004, chacun des requérants faisait parvenir à l'intimée un avis d'opposition en indiquant le numéro de l'avis et le motif de son opposition, c'est-à-dire qu'il ne devait pas la somme réclamée puisqu'il n'était plus administrateur depuis le 5 mai 2001 et que la dette était prescrite;

5)                  Le 28 mai 2004, l'intimée informait chacun des requérants que son avis d'opposition ne pouvait être accepté, étant donné qu'il ne l'avait pas signifié dans le délai prévu par la Loi, et qu'il pouvait présenter une demande de prorogation à l'intimée;

6)                  Le 4 juin 2004, les requérants, par l'entremise de leur avocat, ont présenté une telle demande au ministre en invoquant le fait que la société, dont ils étaient les administrateurs, était inactive depuis 2001 et qu'elle était sous la protection de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, et qu'ils n'avaient donc eu aucune possibilité de faire lesdites oppositions;

7)                  Le 16 septembre 2004, l'intimée informait les requérants de sa décision de ne pas accorder la demande de prorogation puisque celle-ci n'avait pas été présentée dans l'année suivant l'expiration du délai pour présenter une opposition. Elle informait les requérants qu'ils pouvaient présenter à notre cour une demande similaire dans les 30 jours suivant la date de la lettre;

8)                  Le 12 octobre 2004, les requérants ont déposé à la Cour une demande de prorogation des délais. À l'appui de leur demande, les requérants ont soumis les motifs suivants :

1.    La compagnie Construction Emma inc. a fait faillite le 2 février 2001;

2.    Votre appelant n'est plus administrateur de cette compagnie en vertu de la Loi de la faillite depuis le 2 février 2001;

3.    L'Agence des douanes et du revenu du Canada (ci-après ADRC) a déposé une réclamation à la faillite de la compagnie Construction Emma inc.;

4.    L'ADRC a reçu son paiement;

5.    L'ADRC, après avoir déposé une réclamation, ne s'est pas opposé à la libération du syndic Raymond Chabot inc.;

6.    N'étant pas administrateur de ladite compagnie depuis le 2 février 2001, ne pouvant agir au titre de ladite compagnie, et n'ayant accès à aucun livre de ladite compagnie, tous les biens et la totalité de l'actif et du passif étant entre les mains du syndic de faillite, votre appelant ne pouvait faire aucune opposition en tant qu'administrateur et ceci depuis le 2 février 2001;

7.    Votre appelant considère ne rien devoir à l'ADRC car l'ADRC se devait d'être payée en priorité par le syndic à la faillite, au lieu de la Banque de Montréal, compte tenu qu'il y avait assez d'argent pour payer la dette de l'ADRC;

8.    Votre appelant considère de plus que la réclamation de l'ADRC est prescrite;

9.    Votre appelant demande donc d'être entendu afin de démontrer que la dette réclamée par l'ADRC est prescrite; qu'il ne pouvait agir avant la date du dépôt qu'il a fait de son opposition compte tenu que la compagnie Construction Emma inc. est en faillite depuis le 2 février 2001, et que l'ADRC aurait dû être payée en priorité par le syndic de faillite.

[3]      En réponse aux demandes de prorogation de délai, l'intimée a exposé les points suivants dans ses Réponses :

1.    Le 10 août 2001, l'intimée a émis à l'endroit du requérant un avis de cotisation portant le numéro PQ-2001-6016 [ou PQ-2601-6018, selon le cas] couvrant la période du 1er janvier 1992 au 30 septembre 2000;

2.    Le ou vers le 26 mai 2004, le requérant s'opposa à cette cotisation;

3.    Le ou vers le 28 mai 2004, l'intimée refusa l'avis d'opposition pour le motif que cet avis n'avait pas été fait dans les délais légaux;

4.    Le ou vers le 4 juin 2004, le requérant a produit une demande de prorogation de délai au ministre en vertu de l'article 303 de la Loi sur la taxe d'accise afin de produire un avis d'opposition à la cotisation portant le numéro PQ-2001-6016 [ou PQ-2601-6018, selon le cas];

5.    Le 16 septembre 2004, le ministre, après avoir étudié les motifs figurant sur la demande de prorogation de délai en vertu de l'article 303 de la Loi sur la taxe d'accise refusa la demande de prorogation du requérant;

6.    Le ou vers le 12 octobre 2004, la demande de prorogation de délai pour déposer un avis d'opposition auprès de la Cour canadienne de l'impôt a été produite au greffe de la Cour;

7.    L'intimée soutient que cette demande de prorogation devrait être rejetée pour les motifs suivants :

a)    La demande de prorogation de délai n'a pas été présentée dans l'année suivant l'expiration du délai par ailleurs imparti pour faire opposition tel qu'édicté par l'article 304 paragraphe 5 de la Loi sur la taxe d'accise;

[4]      Ces deux requêtes sont donc faites en vertu des dispositions de l'article 304 de la Loi. Pour qu'il soit fait droit à leur demande, les requérants doivent réunir les conditions établies au paragraphe 304(5) de la Loi, qui sont :

a)     la demande a été présentée en application du paragraphe 303(1) dans l'année suivant l'expiration du délai par ailleurs imparti pour faire opposition ou présenter la requête en application du paragraphe 274(6);

b)     la personne démontre ce qui suit :

(i)                   dans le délai d'opposition par ailleurs imparti, elle n'a pu ni agir ni mandater quelqu'un pour agir en son nom, ou avait véritablement l'intention de faire opposition à la cotisation ou de présenter la requête,

(ii)                 compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l'espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii)                la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient,

(iv)               l'opposition est raisonnablement fondée.

[5]      À l'audition, les requérants ont tous deux témoigné conformément aux motifs qu'ils avaient invoqués dans leur demande, à savoir principalement qu'ils n'avaient pu faire une opposition puisque leur société était en faillite depuis le 2 février 2001 et que l'affaire était entre les mains du syndic.

[6]      En l'espèce, les avis de cotisation pour lesquels on demande une prorogation du délai d'opposition ont été établis à l'égard des requérants à titre personnel en tant qu'administrateurs de la société Emma Construction en vertu des dispositions du paragraphe 323(1) de la Loi. Ce paragraphe prévoit que les administrateurs d'une société comme celle en l'espèce sont solidairement tenus de payer la taxe que la société était tenue de verser en vertu de la Loi. Les avis de cotisation à l'égard des requérants à titre personnel n'avaient donc rien à voir avec le syndic et leur droit de s'y opposer ne dépendait pas du syndic.

[7]      Les requérants, selon leur témoignage, avaient l'impression que les éléments d'actif de la société seraient suffisants pour régler la dette fiscale de celle-ci. Ils avaient reçu l'assurance du gérant de crédit de leur banque qu'en vendant les biens de la société, on serait capable de payer les montants dus. Or, ce n'est que le 17 mai 2004, après réception de la lettre de demande, qu'ils se sont rendu compte de l'ampleur de la dette fiscale.

[8]      Les principales prétentions des requérants concernent leur incapacité d'agir en raison du syndic et le fait que la dette était payée au complet, ou à tout le moins prescrite. Pour ce qui est de la question de l'incapacité d'agir des requérants en raison de la faillite, j'ai demandé en vain à l'avocat des requérants de me soumettre de la jurisprudence à l'appui de ses prétentions.

[9]      Selon la preuve avancée à l'audition, rien dans le fait que la société Construction Emma inc. ait fait faillite et qu'un syndic ait été nommé depuis février 2001 ne pourrait avoir empêché les requérants de s'opposer aux avis de cotisation établis à leur égard le 10 août 2001. Le droit de s'opposer aux avis de cotisation, en l'espèce, n'appartenait qu'à eux, tout comme leur décision à cet égard.

[10]     Cette croyance erronée, jumelée à l'opinion du gérant de crédit de leur banque, a sûrement influencé les requérants dans leur décision; ce tribunal n'y peut rien. À la lumière de ces faits, les requérants ont nettement excédé les délais prescrits pour présenter leur demande en application du paragraphe 303(1) de la Loi. Dans une telle situation, ni le ministre ni cette cour ne sont en mesure de faire droit à la demande. (Voir l'affaire Carlson c. La Reine, [2002] A.C.F. no 573.

[11]     Après l'audition, l'avocat des requérants a affirmé à la Cour, dans une plaidoirie écrite, que les requérants n'avaient ni reçu ni vu les avis de cotisation en l'espèce et qu'il incombait à l'intimée de prouver que les avis de cotisation avaient été établis. Or, cette question n'a jamais fait l'objet des requêtes présentées à la Cour et les requérants n'ont jamais allégué qu'ils n'avaient pas reçu les avis de cotisation. Il est même étrange qu'un contribuable affirme ne pas avoir reçu d'avis de cotisation alors qu'il avait prétendu être incapable de s'y opposer pour les motifs invoqués.

[12]     L'intimée a l'obligation de prouver qu'elle a établi une cotisation à l'égard d'une personne et qu'elle lui a envoyé l'avis lorsque cette question est en litige. Lorsque les avis de cotisation sont déposés en preuve et que l'intimée a indiqué la date de mise à la poste comme en l'espèce, elle est en droit de s'appuyer sur les paragraphes 335(10) et (11), qui établissent la date de l'envoi et de l'établissement de la cotisation.

[13]     En l'espèce, les requérants n'ont pas clairement prouvé qu'ils n'auraient ni reçu ni vu les avis de cotisation. Leur avocat ne leur a pas posé cette question lors des interrogatoires. Ce n'est qu'en contre-interrogatoire que le procureur de l'intimée s'est aventuré sur cette question. Après avoir confirmé l'exactitude de l'adresse postale des requérants, voici comment Jacquelin Simard a répondu à ces questions (pages 16 à 18 de la transcription) :

Q. Vous ne saviez pas le montant. D'accord. Et donc, l'avis de cotisation - je vous exhibe votre avis de cotisation, Monsieur Simard. C'est la pièce I-1, Monsieur le Juge.

I-1 : Avis de cotisation de Jacquelin Simard

R. Oui.

Q. Vous reconnaissez avoir reçu cet avis de cotisation?

R. Bien là, là...

Q. Regardez, prenez le temps de...

R. Le huitième mois c'est... Oui.

Q. Vous reconnaissez d'avoir reçu, donc, cette cotisation?

R. Ah! pour l'avoir reçue, je ne peux pas jurer que ça, à cause que... Je ne peux pas jurer avoir reçu ça, à cause que ça fait déjà... 2001. 2001, c'est du huit 2001, ça, je ne peux pas vous le jurer.

Q. D'accord.

R. Ça, là, vous le jurer, ça, que cet avis-là vraiment qui est venu, là, je ne peux pas vous le jurer si j'ai reçu ça. Ça, là, présentement, il faudrait que je penserais...

Q. Vous vous rappelez d'avoir...

R. Bien!

Q. ... l'avoir reçu un jour, en fait, finalement?

R. En tout cas, continuons, je vais essayer de m'en rappeler, là, voir. Mais ça, c'est une chose qui est assez dure, hein, ça.

Q. D'accord. Donc, selon la date de l'avis de cotisation, ça a été émis au mois d'août 2001. Est-ce que vous vous rappelez en 2001 avoir reçu, justement, l'avis de cotisation, et, peut-être, vous avez dit que vous avez parlé à la banque pour savoir s'il y avait des dettes qu'il restait?

R. C'était supposé être tout lavé, ça. Avec la vente de la compagnie, honnêtement ils étaient supposés avoir tout lavé le linge sale. C'est ça qu'ils m'ont dit. Ils ont dit : « Monsieur Simard, il dit, on vend puis on garde tout. Puis il y a de l'argent pour tout fermer. » Pourquoi? Où est-ce que l'argent est allé?

[14]     Monsieur Jacquelin Simard ne se rappelle donc pas s'il a effectivement reçu ou non l'avis de cotisation.

[15]     De son côté, le requérant Pierre-Yves Simard est plus catégorique et déclare qu'il n'a pas reçu l'avis de cotisation et parle plutôt de la lettre de demande du 17 mai 2004, dont il dit avoir pris connaissance en août 2001, soit à la date de l'avis de cotisation. Il déclare aussi avoir discuté de cette dette avec M. Jacques Dumais du ministère du Revenu et par la suite avec M. Étienne Marcoux du même ministère. Or, Jacques Dumais est la personne-ressource identifiée sur l'avis de cotisation du 10 août 2001 et Étienne Marcoux est l'auteur de la lettre de demande du 17 mai 2004. Il me paraît évident que le témoignage de M. Pierre-Yves Simard est loin d'être clair et précis sur les évènements et les dates, sauf que tout porte à croire qu'il était effectivement au courant de cette dette et de la cotisation en août 2001, date indiquée sur l'avis de cotisation, puisqu'il en aurait discuté avec M. Jacques Dumais.

[16]     Il est donc très peu probable que les avis de cotisation n'aient pas été reçus, tel que le prétendent maintenant les appelants, prétentions qui sont à la fois tardives et contradictoires face à leur position initiale. Pour ces raisons, les requêtes sont rejetées.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de mai 2005.

« François Angers »

Juge Angers


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI256

N º s DES DOSSIERS DE LA COUR :           2004-4204(GST)APP

                                                          2004-4205(GST)APP

INTITULÉS DES CAUSES :              Pierre-Yves Simard et Sa Majesté la Reine

                                                          Jacquelin Simard et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 9 février 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        L'honorable juge François Angers

DATE DES JUGEMENTS :                le 17 mai 2005

COMPARUTIONS :

Avocat des appelants :

Me Daniel Petit

Avocat de l'intimée :

Me Philippe Morin

AVOCAT INSCRIT AUX DOSSIERS :

       Pour les appelants :

                   Nom :                              Me Daniel Petit

                   Étude :                             Petit Beaudouin Gaucher Robert Rousseau

                                                          et Vaillancourt

                                                          Charlesbourg (Québec)

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario

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