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Dossier : 2004-2792(IT)G

ENTRE :

MARCEL LÉTOURNEAU,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Yvonnette Côté‑Létourneau (2004‑2693(IT)G),

le 23 octobre 2006, à Québec (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me André Lareau

 

Avocates de l'intimée :

Me Janie Payette et

Me Marielle Thériault

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT MODIFIÉ

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est rejeté, avec dépens en faveur de l'intimée pour un seul dossier, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de juin 2007.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif

 


 

 

 

Dossier : 2004-2693(IT)G

ENTRE :

YVONNETTE CÔTÉ-LÉTOURNEAU,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Marcel Létourneau (2004‑2792(IT)G),

le 23 octobre 2006, à Québec (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me André Lareau

 

Avocate de l'intimée :

Me Janie Payette et

Me Marielle Thériault

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT MODIFIÉ

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est rejeté, avec dépens en faveur de l'intimée pour un seul dossier, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de juin 2007.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif

 


 

 

 

Référence : 2007CCI91

Date : 20070504

Dossiers : 2004-2693(IT)G

2004-2792(IT)G

ENTRE :

 

YVONNETTE CÔTÉ-LÉTOURNEAU,

MARCEL LÉTOURNEAU,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DES JUGEMENTS

 

 

Le juge Tardif

 

 

[1]     Il s'agit d'appels relatifs à l'année d'imposition 1998.

 

[2]     Les questions en litige sont les suivantes :

 

          a)       Déterminer si le ministre du Revenu national (le « ministre ») était bien fondé d'ajouter le montant de 593 065 $ aux revenus de l'appelant et le montant de 600 539 $ aux revenus de l'appelante à titre de dividendes majorés conformément aux articles 84.1 et 82 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») et d'accorder un crédit d'impôt pour dividendes de 79 056 $ à l'appelant et de 80 052 $ à l'appelante, pour l'année d'imposition 1998.

 

 

[3]     Le présent appel étant connexe à celui de madame Yvonnette Côté‑Létourneau, lequel porte le numéro 2004‑2693(IT)G, les parties ont convenu que la preuve présentée dans l'appel de Marcel Létourneau (2004‑2792(IT)G) devait s'appliquer aux deux appels.

 

[4]     Les faits énumérés aux paragraphes 1 à 6, 9, 16 à 18, 21 et 22 de l'avis d'appel et admis par l'intimée résument assez bien les faits importants à l'origine des cotisations dont il est fait appel; ces faits se lisent comme suit :

 

1.         Centre d'Hébergement St‑Joseph (ci‑après appelé le « Centre ») est une société par actions créée le 28 novembre 1983 en vertu de la Loi sur les compagnies, Partie 1A.

 

2.         Jusqu'au début de l'année 1994, les seules actions en circulation de cette société par actions étaient composées de 1 000 actions ordinaires (« A ») détenues en parts égales par l'Appelant et sa conjointe, madame Yvonnette Côté‑Létourneau.

 

3.         Au cours des années 1994 et 1995, sur la foi des conseils prodigués par ses conseillers juridiques de l'époque, une cristallisation des actions possédées par l'Appelant dans le Centre a été effectuée dans le cadre prévu par l'article 110.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu (ci‑après appelée « la Loi » ou « LIR »).

 

4.         Ainsi, au cours de l'année 1994, l'Appelant a vendu au Centre 250 actions de catégorie « A » du Centre ayant un capital versé de 250,00 $, un prix de base rajusté de 250,00 $ et une juste valeur marchande de 250 000,00 $. La contrepartie reçue par l'Appelant était constituée de 250 actions catégorie « B » du Centre.

 

5.         Au cours de l'année 1995, l'Appelant a vendu au Centre 250 actions de catégorie « A » du Centre ayant un capital versé de 250,00 $, un prix de base rajusté de 250,00 $ et une juste valeur marchande de 250 000,00 $. La contrepartie reçue par l'Appelant était constituée de 250 actions catégorie « B » du Centre.

 

6.         Les actions de catégorie « B » émises par le Centre étaient des actions privilégiées, non‑votantes et non‑participantes.

 

[...]

 

9.         Selon ce qu'il appert des documents préparés par les procureurs de l'Appelant de l'époque, à compter du 18 mars 1998, cette planification se concrétise notamment par la constitution d'une nouvelle société par actions, la société 9061‑3175 Québec inc. (ci‑après appelée « 9061 »).

 

[...]

 

16.       En vertu de l'acte constituant la Fiducie Familiale Létourneau rédigé par le conseiller juridique de l'Appelant de l'époque et plus précisément l'article 7 de cet acte qui vise les pouvoirs des fiduciaires, les fiduciaires exercent unanimement leurs pouvoirs à l'égard de tous les actes et toutes les décisions qui doivent être pris en vertu de cet article 7.

 

17.       De façon plus spécifique, l'article 7.1.7 prévoit que l'exercice du droit de vote et de tous les droits connexes à la propriété d'actions requiert le consentement unanime de tous les fiduciaires.

 

18.       Le fiduciaire Bertrand Wall est un comptable agréé de la société Dagenais Cadieux, société en nom collectif, dont le bureau est situé au 511, place d'Armes, bureau 500, Montréal, province de Québec, H2Y 2W7.

 

 

[...]

 

 

21.       Le 14 juillet 2003, le ministre du Revenu a fait parvenir à l'Appelant un avis de cotisation lui réclamant la somme de 121 531,42 $.

 

22.       Selon ce qu'il appert à cet avis de cotisation, la vente des actions catégorie « B » à 9061 aurait généré un dividende au bénéfice de l'Appelant en vertu de l'article 84.1 de la Loi.

 

 

[5]     L'appelant a également soutenu ce qui suit au paragraphe 19 de son avis d'appel :

 

19.       Monsieur Bertrand Wall n'a aucun lien de dépendance avec l'Appelant sa conjointe, madame Yvonnette Côté‑Létourneau.

 

 

[6]     L'intimée a nié cette prétention, qui constitue sans contredit le fondement du litige entre les parties.

 

[7]     Quant à l'intimée, elle a établi et ratifié la cotisation en raison des hypothèses de fait très détaillées qui suivent :

 

a)         La société Centre d'Hébergement St-Joseph Inc. (le « Centre »), qui exploite un centre d'hébergement et de soins de santé pour personnes âgées, a été constituée le 28 novembre 1983 en vertu de la partie 1A de la Loi sur les compagnies du Québec;

 

b)         jusqu'au début de l'année 1994, l'appelant et sa conjointe, madame Yvonnette Côté‑Létourneau détenaient chacun 500 actions votantes de catégorie A du Centre;

 

c)         l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau résident au Canada;

 

d)         les administrateurs du Centre sont l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau;

 

 

Acquisition des actions « B » du Centre par l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau

 

 

e)         au cours des années 1994 et 1995, l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau ont procédé à la « cristallisation » de la déduction pour gain en capital à l'égard des actions de catégorie A qu'ils détenaient dans le Centre;

 

f)          ainsi, l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau ont chacun disposé en faveur du Centre, des 500 actions de catégorie A qu'ils détenaient dans le capital‑actions du Centre et ont chacun acquis, en contrepartie, 500 actions de catégorie B non‑votantes nouvellement émises du capital‑actions du Centre, en se prévalant du paragraphe 85(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, de la façon suivante :

 

 

 

22 février 1994

Actions disposées

 

·        250 « A»

·        JVM : 250 000 $

·        PBR : 250 $

·        Capital versé : 250 $

·        Somme convenue : 250 000 $

 

Contrepartie reçue

 

·        250 « B »

  • JVM : 250 000 $

5 janvier 1995

·        250 « A»

·        JVM : 250 000 $

·        PBR : 250 $

·        Capital versé : 250 $

  • Somme convenue : 250 000 $

·        250 « B »

·        JVM : 250 000 $

 

 

g)         les 500 actions de catégorie B émises par le Centre et acquises par l'appelant, sont des actions privilégiées, rachetables au gré du détenteur, non‑votantes et non‑participantes;

 

h)         l'appelant et le Centre avaient, au moment de l'acquisition des actions de catégorie B, un lien de dépendance;

 

i)          dans chacune de ses déclarations de revenus pour les années d'imposition 1994 et 1995, l'appelant a déclaré un gain en capital imposable et a réclamé une déduction pour gain en capital en rapport avec la disposition des actions de catégorie A, comme suit :

 

 

1994

1995

TOTAL

Gain en capital imposable :

 187 312,50 $

  187 312,50 $

374 625 $

 

déduction pour gain en

capital selon l'article 110.6 :

187 313 $

168 526 $

355 839 $

 

j)          le 5 janvier 1995, le Centre a émis à l'appelant et à madame Yvonnette Côté‑Létourneau chacun 500 nouvelles actions votantes de catégorie A;

 

Planification fiscale de 1998 :

 

k)         au début de l'année 1998, une planification fiscale a été préparée pour l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau par Me Serge M. Racine; cette planification a eu pour résultat le retrait du Centre, par l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau, d'un montant de 500 000 $ chacun pour un total de 1 000 000 $, sans impact fiscal;

 

l)          il est fait état de cette planification fiscale dans un document signé par Me Serge M. Racine, portant la date du 9 avril 1998;

 

m)        la planification prévoyait entre autre les opérations suivantes :

 

·        la création d'une société pour se porter acquéreur d'une partie des actions participantes du Centre;

 

·        la constitution d'une fiducie ayant comme fiduciaire l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau ainsi qu'un tiers non‑lié et comme bénéficiaire, la nouvelle société;

 

·        la détention des actions de la société nouvellement créée par la fiducie;

 

·        le transfert d'une partie de la juste valeur marchande du Centre à la nouvelle société par la disposition par l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau d'actions détenues par eux dans le capital‑actions du Centre en faveur de la société nouvellement créée sans que celle‑ci soit liée à l'appelant et à madame Yvonnette Côté‑Létourneau (ce qui n'est cependant pas le cas);

 

·        le paiement des actions par la société nouvellement créée à l'appelant et à madame Yvonnette Côté‑ Létourneau, au moyen de l'émission d'un billet à demande remboursable par le versement de dividendes ou le rachat par le Centre des actions acquises.

 

Création de la société 9061‑3175 Québec Inc.

 

n)         le 18 mars 1998, la société 9061‑3175 Québec Inc. (« 9061 ») est constituée en vertu de la partie 1A de la Loi sur les compagnies du Québec;

 

o)         l'appelant est l'unique administrateur de 9061 durant toute la période pertinente;

 

p)         selon les déclarations de revenus T-2 de 9061 pour les années se terminant le 31 mars 1999 à 2002, madame Yvonnette Côté‑Létourneau est la présidente de la société 9061;

 

Constitution de la Fiducie Familiale Létourneau le 30 mars 1998 :

 

q)         le 30 mars 1998, la Fiducie Familiale Létourneau est constituée par Me Serge M. Racine, avocat; les fiduciaires et les bénéficiaires sont les suivants :

 

Fiduciaires

       Bénéficiaire(s)

·        Appelante;

 

·        Yvonnette Côté‑Létourneau;

 

·        Bertrand Wall

 

·        9061;

 

  • À la liquidation de 9061, les derniers actionnaires inscrits aux registres de 9061.

 

r)          les fiduciaires de Fiducie Familiale Létourneau doivent détenir et administrer les biens de la fiducie et exercer unanimement les pouvoirs énumérés à l'article 7.1 de l'acte de fiducie du 30 mars 1998, notamment en ce qui concerne le vote des actions appartenant à la Fiducie;

 

s)         M. Bertrand Wall est un comptable agréé agissant au sein de la firme comptable Dagenais Cadieux, S.e.n.c.; cette firme a procédé à l'examen des états financiers des sociétés 9061 et Centre et a effectué la préparation des déclarations de revenus de 9061, de Centre, de l'appelant et de madame Yvonnette Côté‑Létourneau, entre autre pour les années d'imposition 1998, 1999, 2000, 2001 et 2002;

 

t)          l'article 10.3 de l'acte de fiducie du 30 mars 1998 énonce que les fiduciaires peuvent renoncer à leur charge, après l'avoir acceptée, sans autorisation judiciaire;

 

u)         selon l'article 10.6 de l'acte de fiducie, les fiduciaires peuvent également faire une délégation générale de leurs fonctions à leurs co-fiduciaires qui ne sont ni Constituant, ni Bénéficiaire;

 

v)         Monsieur Bertrand Wall, le comptable, a soit délégué ses fonctions et obligations à l'appelant et à madame Yvonnette Côté‑Létourneau tel que prévu par l'article 10.6 de l'acte de fiducie, soit renoncé à sa charge tel que prévu à l'article 10.3 de l'acte de fiducie, de sorte que seuls, l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau contrôlaient la fiducie à tout moment;

 

w)        M. Bertrand Wall a mentionné à Mme Marie‑Claude Poitras, de la section de l'évitement fiscal du bureau des services fiscaux de Québec, les faits suivants lors d'une conversation téléphonique en date du 2 octobre 2002 :

 

·        Il connaît l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau parce qu'ils sont ses clients;

 

·        Il a accepté d'être fiduciaire dans la Fiducie Familiale Létourneau car « ça prenait des fiduciaires »;

 

·        Il n'a aucun rôle, droits ou pouvoir au sein de la Fiducie Familiale Létourneau;

 

·        L'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau sont les seuls à prendre les décisions et à gérer la Fiducie Familiale Létourneau;

 

·        Il a signé un document au moment de l'établissement de la Fiducie Familiale Létourneau à l'effet qu'il déléguait tous ses droits et pouvoirs en tant que fiduciaire, à l'appelant et à madame Yvonnette Létourneau; Ce document, il ne l'a pas en sa possession;

 

·        Il n'a participé à aucune rencontre et n'a eu aucun contact afin de discuter des affaires de la Fiducie Familiale Létourneau;

 

·        Il n'a jamais pris aucune décision avec l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau, ni en ce qui concerne la Fiducie Familiale Létourneau, ni en ce qui concerne la planification fiscale préparée par Me Serge M. Racine.

 

Émission d'actions par la société 9061 le 30 mars 1998 :

 

x)         Le 30 mars 1998, 9061 émet des actions de la façon suivante :

 

            Catégorie E non‑votantes :

 

·        10 actions privilégiées de catégorie E sont émises à Me Serge M. Racine pour 10 $;

 

·        Me Racine transfère les 10 actions privilégiées de catégorie E à Fiducie Familiale Létourneau;

 

·        9061 rachète les 10 actions de catégorie E;

 

·        10 actions de catégorie E sont émises par 9061 à l'appelant.

 

            Catégorie F non‑votantes :

 

·        10 actions privilégiées de catégorie F sont émises par 9061 à madame Yvonnette Côté‑Létourneau.

 

            Catégorie A votantes, B non votantes et C votantes :

 

·        100 actions de catégorie A votantes sont émises à la Fiducie Familiale Létourneau pour un montant de 100 $.

 

·        100 000 actions privilégiées de catégorie B non‑votantes et 2 actions privilégiées de catégorie C (100 votes par actions) sont émises au Centre en contrepartie d'une cession de créance de 100 000 $, montant initialement dû par l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau au centre;

 

Disposition par l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau en faveur de la société 9061 des actions de catégorie B détenues par eux dans le capital‑actions du Centre les 30 mars et 10 avril 1998 :

 

y)         Le 30 mars 1998, l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau disposent chacun de 50 des 500 actions de catégorie B qu'ils détiennent dans le capital‑actions du Centre, en faveur de 9061 et reçoivent chacun, en contrepartie, un billet à demande de 50 000 $;

 

z)         le 30 mars 1998, 9061 rachète et annule les 100 000 actions de catégorie B de son capital‑actions détenues par le Centre en contrepartie du rachat et de l'annulation par le Centre des 100 actions de catégorie B de son capital‑actions détenues par 9061;

 

aa)       le 30 mars 1998, l'appelante, madame Yvonnette Côté‑Létourneau et 9061 opèrent compensation et annulent la dette de 100 000 $ que l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau avaient envers 9061 et la dette de 100 000 $ que 9061 avait envers eux (dettes mentionnées aux alinéas 15(x) (dernier paragraphe) et 15(y);

 

bb)       le 10 avril 1998, l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau disposent chacun des 450 actions restantes de catégorie B qu'ils détiennent dans le capital‑actions du Centre en faveur de 9061 et reçoivent chacun, en contrepartie, un billet à demande de 450 000 $;

 

Autres Opérations :

 

cc)       le 30 mars 1998, Centre a émis 120 actions votantes de catégorie G à 9061;

 

dd)       le 10 avril 1998, le Centre émet 125 actions E votantes et non‑participantes pour un montant de 125 $ à 9061;

 

ee)       le 10 avril 1998, 9061 rachète les 2 actions de catégorie C détenues par le Centre pour un montant de 2 $;

 

ff)         le 11 avril 1998, les 900 actions de catégorie B du capital‑actions du Centre détenues par 9061 ont été fractionnées en 900 000 actions de catégorie B;

 

Rachat d'actions de catégorie B et remboursement des billets à payer

 

gg)       durant son exercice se terminant le 31 mars 1999, le Centre a racheté 571 000 actions de catégorie B détenues par 9061 pour un montant de 571 000 $;

 

hh)       durant son exercice financier se terminant le 31 mars 2000, le Centre a racheté 225 000 actions de catégorie B détenues par 9061 pour un montant de 225 000 $;

 

ii)         Selon les états financiers au 31 mars 2001 et 2002 de 9061, celle‑ci détenait toujours 104 000 actions de catégorie B du Centre;

 

jj)         au cours des exercices se terminant le 31 mars 1999, 2000 et 2001 et 2002, 9061 a graduellement remboursé comme suit les dettes totalisant 500 000 $ (50 000 $ + 450 000 $) en faveur de l'appelant et les dettes totalisant 500 000 $ (50 000 $ + 450 000 $) en faveur de madame Yvonnette Côté‑Létourneau :

 

Remboursement des dettes par 9061

selon ses états financiers :

Yvonnette Côté‑Létourneau

Appelant

 

au 31 mars 1999

254 208 $

250 209 $

au 31 mars 2000

152 500 $

152 499 $

au 31 mars 2001

 74 216 $

 70 537 $

au 31 mars 2002

 19 076 $

 26 755 $

REMBOURSEMENT TOTAL :

500 000 $

500 000 $

 

 

Lien de dépendance lors des dispositions des actions « B » le 30 mars 1998 et le 10 avril 1998 :

 

kk)       les opérations de mars et avril 1998 concernant Centre, 9061 et Fiducie Familiale Létourneau ont été organisées lors de la planification fiscale préparée par Me Serge M. Racine pour le compte de l'appelant et de madame Yvonnette Côté‑Létourneau et aucune négociation n'était nécessaire entre les parties pour que les opérations aient lieu;

 

ll)         au moment des dispositions du 30 mars et du 10 avril 1998 :

 

·        l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau sont fiduciaires de la Fiducie Familiale Létourneau;

 

·        l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau sont les seuls administrateurs du Centre dont les actions de catégorie B d'une valeur de 1 000 000 $ sont détenues par 9061;

 

·        l'appelant est l'administrateur de 9061 et madame Yvonnette Côté‑Létourneau, la présidente;

 

·        9061 est la seule bénéficiaire de la Fiducie Familiale Létourneau;

 

·        les actions de 9061 sont les seuls actifs de la Fiducie Familiale Létourneau;

 

·        l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau contrôlent en droit et dans les faits, la Fiducie Familiale Létourneau, 9061 et Centre.

 

mm)     l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau prennent toutes les décisions à la fois pour Centre, 9061 et Fiducie Familiale Létourneau;

 

Sociétés rattachées :

 

nn)       immédiatement après la disposition par l'appelant des 50 actions de catégorie B détenues dans le capital‑actions du Centre en faveur de 9061, en date du 30 mars 1998, 9061 possédait plus de 10 % des actions émises comportant plein droit de vote en toute circonstance du capital‑actions du Centre ainsi que plus de 10 % de la juste valeur marchande de toutes les actions émises du capital‑actions du Centre;

 

oo)       immédiatement après la disposition par l'appelant des 450 actions de catégorie B détenues dans le capital‑actions du Centre en faveur de 9061, en date du 10 avril 1998, 9061 possédait plus de 10 % des actions émises comportant plein droit de vote en toute circonstance du capital‑actions du Centre ainsi que plus de 10 % de la juste valeur marchande de toutes les actions émises du capital‑actions du Centre;

 

Calcul du dividende réputé :

 

pp)       le calcul par le Ministre du PBR des actions de catégorie B, du dividende majoré et du crédit d'impôt a été effectué de la façon suivante :

 

Calcul du PBR des actions « B » selon l'alinéa 84.1(2)a.1) LIR :

 

PBR

moins

Déduction demandée selon l'art. 110.6 LIR

avant l'application du taux de 75 % :

 

PBR des actions « B » aux fins de l'article 84.1 LIR

500 000 $

 

 

355 839 $ x 4/3 (474 452 $)

 

25 548 $

 

Calcul du dividende réputé selon l'alinéa 84.1(1)b) LIR :

 

JVM de la contrepartie autre qu'en action reçue

PBR selon l'alinéa 84.1(2)a.1) LIR

Montant du dividende réputé

Majoration du dividende : 125 % x 480 431 $

500 000 $

 25 548 $

474 452 $

593 065 $

 

Calcul du crédit d'impôt pour dividende : article 121 LIR :

 

Crédit d'impôt pour dividende :

13.33 % x 593 065 $

79 056 $

 

Renonciation :

 

qq)       le 11 avril 2002, l'appelant a signé une renonciation à l'application de la période normale de nouvelle cotisation permettant au ministre d'établir la nouvelle cotisation du 14 juillet 2003 pour l'année d'imposition 1998, en rapport avec la « cristallisation » de 1994 et 1995 et la planification de 1998.

 

[8]     Les faits mentionnés aux alinéas a) à j), l), n) à p), r) à u), x) à z), aa), cc) à jj) et nn) à qq) ont été admis. Quant aux faits mentionnés aux alinéas k), m), q), v), w), bb), kk), ll) et mm), ils ont été niés.

 

[9]     Au début de l'audience, les appelants se sont désistés de leur contestation quant à la prescription. La question en litige porte essentiellement sur la vente, en deux étapes successives, des 500 actions de catégorie « B » du Centre à 9061, sur la question de savoir si cette transaction entraîne l'application de l'article 84.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») et finalement, sur l'imposition d'un dividende présumé justifiant l'établissement des avis de cotisation faisant l'objet du présent appel.

 

[10]    Au fil des ans, les appelants ont développé une relation de très grande confiance avec monsieur Bertrand Wall, comptable agréé de formation. Le cabinet dont monsieur Bertrand Wall était un associé possédait une grande expertise en matière de gestion et de comptabilité de centres d'accueil pour personnes en perte d'autonomie; il s'avérait ainsi un excellent conseiller pour les appelants.

 

[11]    L'appelant a affirmé qu'il rencontrait monsieur Wall régulièrement et qu'il lui parlait au téléphone fréquemment. Pour monsieur Wall, le dossier des appelants n'en était manifestement pas un parmi les autres, il s'agissait de toute évidence d'un dossier important qu'il connaissait très bien.

 

[12]    À un moment donné, monsieur Wall conseille aux appelants de consulter quelqu'un pour élaborer une planification fiscale permettant de réaliser des économies d'impôt.

 

[13]    À la suggestion de monsieur Wall, les appelants rencontrent l'avocat Serge Racine et discutent avec lui. Ils lui confient le mandat de préparer la planification fiscale qu'ils acceptent après avoir obtenu des réponses à un certain nombre de leurs préoccupations.

 

[14]    La planification présentée aux appelants par Me Serge Racine prévoit la création d'une fiducie familiale. Une fiducie est donc créée et le comptable, monsieur Wall, est nommé l'un des trois fiduciaires, les deux autres étant les appelants.

 

[15]    Or, pour justifier la cotisation, le ministre du Revenu national (le « ministre ») s'est notamment appuyé sur les faits recueillis lors d'une conversation téléphonique entre la vérificatrice, madame Marie‑Claude Poitras, et monsieur Wall.

 

[16]    Le contenu de cette conversation téléphonique, dont il a été abondamment question à l'audition, a d'ailleurs été reproduit au paragraphe w) de la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse »), comme suit :

 

·        Il connaît l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau parce qu'ils sont ses clients;

 

·        Il a accepté d'être fiduciaire dans la Fiducie Familiale Létourneau car « ça prenait des fiduciaires »;

 

·        Il n'a aucun rôle, droits ou pouvoir au sein de la Fiducie Familiale Létourneau;

 

·        L'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau sont les seuls à prendre les décisions et à gérer la Fiducie Familiale Létourneau;

 

·        Il a signé un document au moment de l'établissement de la Fiducie Familiale Létourneau à l'effet qu'il déléguait tous ses droits et pouvoirs en tant que fiduciaire, à l'appelant et à madame Yvonnette Létourneau; Ce document, il ne l'a pas en sa possession;

 

·        Il n'a participé à aucune rencontre et n'a eu aucun contact afin de discuter des affaires de la Fiducie Familiale Létourneau;

 

·        Il n'a jamais pris aucune décision avec l'appelant et madame Yvonnette Côté‑Létourneau, ni en ce qui concerne la Fiducie Familiale Létourneau, ni en ce qui concerne la planification fiscale préparée par Me Serge M. Racine.

 

[17]    L'appelant a évidemment nié la véracité du contenu de cette conversation téléphonique, bien qu'il n'y était ni partie, ni présent.

 

[18]    Appelé à fournir sa version des faits indiqués à la Réponse, monsieur Wall a fait état du contexte et des circonstances très particulières, selon lui. Il a notamment affirmé qu'il avait un problème de surdité qui lui causait certaines difficultés à bien comprendre.

 

[19]    Il a aussi indiqué qu'il était à sa résidence privée et qu'il était très tôt le matin; il a donc pu faire des affirmations confuses, inappropriées et même non conformes à la réalité.

 

[20]    Il a néanmoins reconnu avoir joué un rôle de fiduciaire de complaisance; à la lumière de l'extrait de son témoignage, il n'y a aucune équivoque à ce sujet.

 

Le 23 octobre 2006 – notes sténographiques, pages 140 à 142 inclusivement

 

            Q.        Dites‑moi, Monsieur Wall, vous lui avez également dit à madame Poitras que vous avez signé un document par lequel vous déléguiez vos droits et pouvoirs en tant que fiduciaire à monsieur et madame Létourneau.

 

            R.         Oui. Mais je n'ai jamais signé ce document. Parce que je l'avais déjà fait dans une autre fiducie puis à un moment donné, je me suis mêlé.

 

            Q.        Et pourquoi déléguer vos pouvoirs?

 

            R.         Dans une autre fiducie?

 

            Q.        Bien, en fait, pourquoi vous avez répondu ça à madame Poitras?

 

            R.         Bien, c'est parce qu'elle me bombardait de questions. À un moment donné...

 

            Q.        Elle vous bombardait?

 

            R.         Bien, je veux dire...

 

            Q.        Vous n'aviez pas la latitude de la rappeler?

 

            R.         La rappeler? Je n'ai pas pensé que je devais la rappeler par après.

 

            Q.        Vous lui avez dit que vous avez accepté d'être fiduciaire dans Fiducie Familiale Létourneau parce que ça prenait des fiduciaires. C'est exact?

 

            R.         Bien, c'est parce que...

 

            Q.        Est-ce que c'est exact?

 

            R.         Oui, ça en prend des fiduciaires.

 

            Q.        Que vous n'aviez aucun rôle, droit ou pouvoir au sein de cette fiducie-là. Vous lui avez dit ça?

 

            R.         Ah! j'ai peut-être dit ça, oui.

 

            Q.        Que monsieur et madame Létourneau étaient les seuls à prendre les décisions puis à gérer la fiducie. Vous lui avez dit ça?

 

            R.         Oui.

 

            Q.        Que vous n'avez participé à aucune rencontre, aucun... vous n'avez eu aucun contact afin de discuter des affaires de la Fiducie. Toujours à cette époque-là, là.

 

            R.         On n'a pas eu de rencontres toujours personne à personne mais si on parle... on se parle par téléphone.

 

            Q.        Mais aucun contact afin de discuter?

 

            R.         Bien, il n'y a pas eu de réunion formelle.

 

            Q.        Oui mais un contact au téléphone, ce n'est pas un contact, ça?

 

            R.         Bien, moi, je m'attendais qu'un contact soit...

            Q.        Un contact, c'est un contact physique, c'est ça?

 

            R.         Oui.

 

            Q.        O.K. Et que vous n'avez jamais pris aucune décision avec monsieur et madame Létourneau en ce qui concerne la fiducie ou la planification fiscale?

 

            R.         La planification fiscale, non.

 

            Q.        La fiducie? Vous lui avez dit ni la fiducie.

 

            R.         Bien, ce n'est pas moi qui l'a formée.

 

            Q.        Ce n'est pas vous qui l'avez formée mais ce n'est pas de ça que vous lui avez dit. Vous avez dit vous n'avez pris aucune décision concernant la fiducie.

 

            R.         Bien, il n'y a pas de décisions...

 

            Q.        À prendre?

 

            R.         Directes parce qu'on n'a pas eu de rencontre formelle pour la fiducie mais indirectement, étant donné que je suis dans le dossier puis qu'on me demande toujours...

 

            Q.        Quand vous dites « je suis dans le dossier », là.

 

            R.         Bien, dans le sens que 9061 puis soit la Fiducie St-Joseph, ces choses-là, c'est moi qui fais la comptabilité.

 

[...]

 

Le 23 octobre 2006 – notes sténographiques, page 145

 

            R.         Vous vous attendez à quoi? Quel genre de décisions?

 

            Q.        Oui.

 

            R.         Je n'avais pas de décisions à prendre dans 9061 comme telles. Je suis le comptable de 9061.

 

            Q.        Parfait. O.K. Et si je comprends bien, dans 9061, vous avez fait émis, c'est-à-dire, dites-moi si j'utilise le bon terme, un rapport d'émission d'examen sur les états financiers?

 

            R.         Oui.

 

            Q.        Et sur les états financiers de Centre, vous avez fait un rapport de vérificateur?

 

            R.         Oui.

 

            Q.        O.K. Et pour vous, il n'y a pas de conflit à l'effet d'être fiduciaire et d'émettre des rapports sur les états financiers de 9061?

 

            R.         Non.

 

            Q.        Et pourquoi?

 

            R.         Bien, parce que dans... j'étais fiduciaire, c'est la fiducie qui était actionnaire, ce n'était pas le fiduciaire comme tel. Ce n'était pas moi personnellement.

 

[21]    Appelée à témoigner sur le rôle de monsieur Wall dans la fiducie définie par le contenu de la fameuse conversation téléphonique, madame Poitras a été très claire; elle a fourni des réponses ne prêtant à aucune équivoque.

 

[22]    Elle a de plus indiqué que les questions adressées à monsieur Wall avaient été préparées d'avance dans le cadre de la préparation de la conversation téléphonique; il ne s'agissait donc pas d'une interprétation devenue hésitante par l'écoulement du temps.

 

[23]    Elle a, de plus, témoigné que la conversation avait été initiée par monsieur Wall, contrairement à ce que ce dernier a mentionné. Elle avait d'abord tenté de joindre monsieur Wall au téléphone; n'ayant pas réussi, elle avait laissé un message avec le numéro de téléphone où elle pouvait être rejointe. Or, la conversation a eu lieu à la suite de l'initiative de monsieur Wall, contrairement à ce que ce dernier a indiqué.

 

[24]    Ces extraits sont très révélateurs sur le véritable rôle de monsieur Wall, d'autant plus que, dans la première partie de son témoignage, il répondait d'une manière très discutable, faisant souvent référence à des erreurs, à des oublis et au contexte très matinal de la conversation, langage assez inhabituel pour un comptable connaissant sans doute le dossier mieux que les appelants eux‑mêmes.

 

[25]    Ce dernier avait donc le dossier de l'appelant, à son bureau ou à sa résidence privée, et pouvait y référer en cas de besoin.

 

[26]    Face aux explications contradictoires, je n'ai aucune hésitation à retenir la version de madame Poitras et à écarter celle de monsieur Wall, et cela, pour les raisons suivantes :

 

·        Son témoignage a été précis, elle a témoigné avec assurance et elle avait des notes écrites sur le contenu de la conversation téléphonique.

 

·        Monsieur Wall a été hésitant et inconfortable, cherchant manifestement à éluder certaines questions; à plusieurs reprises, il a voulu discréditer la valeur des réponses fournies à madame Poitras, sous prétexte qu'il était un peu confus à cause du contexte, de son problème de surdité partielle et de l'heure matinale de la conversation.

 

·        Outre ces éléments, qui, évidemment, favorisent la version de la vérificatrice, il y a aussi le contexte global qui permet de conclure que la version de la vérificatrice est beaucoup plus probable que celle du comptable, qui a manifestement, tout au cours de son témoignage, tenté de donner des réponses précises à certaines questions et des réponses très confuses à d'autres. Il m'est apparu fort étonnant qu'un comptable ayant son expérience puisse avoir des souvenirs très précis de certains faits et une mémoire complètement déficiente quant à d'autres, surtout ceux ayant des conséquences fort importantes sur le sort de l'appel.

 

·        Le fait qu'il existant une relation d'affaires entre l'appelant et monsieur Wall, qu'ils se connaissaient depuis près de 20 ans et avaient des communications nombreuses et régulières justifie de soulever la question suivante :

 

(A)     Les appelants avaient-ils, au moment de la disposition de leurs actions à faveur de la société de gestion 9061, un lien de dépendance avec celle-ci, de sorte que les conséquences fiscales de l’article 84.1 de la Loi s'appliquent?

 

 

[27]    Pour répondre à cette question, nous devons d'abord présenter les conditions d'application de la disposition législative en cause, soit le paragraphe 84.1(1) de la Loi :

ARTICLE 84.1 : Vente d’actions en cas de lien de dépendance

(1) Lorsque, après le 22 mai 1985, un contribuable qui réside au Canada (à l'exclusion d'une société) dispose d'actions qui sont des immobilisations du contribuable — appelées « actions concernées » au présent article — d'une catégorie du capital-actions d'une société qui réside au Canada — appelée « la société en cause » au présent article — en faveur d'une autre société — appelée « acheteur » au présent article — avec laquelle le contribuable a un lien de dépendance et que, immédiatement après la disposition, la société en cause serait rattachée à l'acheteur, au sens du paragraphe 186(4) si les mentions « société payante » et « société donnée » y étaient respectivement remplacées par « la société en cause » et « acheteur » :

[…]

[Je souligne.]

 

[28]    Les conditions pour que les conséquences de ce paragraphe s'appliquent sont donc les suivantes :

 

a.      Un contribuable (à l’exception d’une société) qui réside au Canada dispose d’actions;

 

b.     Les actions sont des immobilisations du contribuable;

 

c.     Les actions sont d’une catégorie du capital-actions d’une société qui réside au Canada (ci-après la « société en cause »);

 

d.     Il est disposé des actions en faveur d’une autre société (ci-après l'« acheteur »);

 

e.      Le contribuable a un lien de dépendance avec l’acheteur;

 

f.       Immédiatement après la disposition, la société en cause est rattachée à l’acheteur. (Voir l'article de D. Lacroix « Mise à jour sur l'article 84.1 L.I.R. » dans Congrès 2002, Montréal, Association de planification fiscale et financière, 2002, 31:1, à la page 31:3.)

 

[29]    En l’espèce :

a.   les appelants sont des contribuables qui résident au Canada;

b.   Les appelants ont disposé d’actions, soit les actions de catégorie « B » de la société Centre, qui sont des actions d’une société qui réside aussi au Canada, et cette société devient la « société en cause »;

 

c.   ces actions ont été disposées en faveur d’une autre société, soit la société 9061, qui est « l’acheteur » dans cette situation;

 

d.   immédiatement après la disposition, la société Centre et la société 9061 sont liées, puisque la société 9061 était propriétaire de plus de 10 % des actions ordinaires de catégorie « B » de la société Centre. En effet, celles-ci étaient liées par effet du paragraphe 186(4) de la Loi :

ARTICLE 186 : Impôt sur les dividendes déterminés

(4) Sociétés rattachées à une société donnée.  Pour l'application de la présente partie, une société payante est rattachée à une société donnée à un moment donné d'une année d'imposition (appelée l’« année donnée » au présent paragraphe) de cette dernière dans l'un ou l'autre des cas suivants :

a) la société payante [la « société en cause »] est contrôlée (autrement qu'au moyen du droit visé à l'alinéa 251(5)b)) par la société donnée [« l’acheteur »] à ce moment;

b) la société donnée [« l’acheteur »] a possédé à ce moment :

(i) d'une part, plus de 10 % des actions émises (comportant plein droit de vote en toutes circonstances) du capital-actions de la société payante,

(ii) d'autre part, des actions du capital-actions de la société payante [la « société en cause »] dont la juste valeur marchande est de plus de 10 % de la juste valeur marchande de toutes les actions émises du capital-actions de la société payante [la « société en cause »].

[Je souligne.]

 

[30]    La seule condition en litige ici est la détermination de l’existence d’un lien de dépendance entre l’acheteur, la société 9061, et les appelants lors des transactions du 30 mars 1998 et du 10 avril 1998.

 

[31]    Pour trancher cette question, il faut tout d’abord examiner la notion de lien de dépendance prévu à l’article 251 de la Loi.

 

[32]    Pour commencer, le paragraphe 251(1), dans sa version applicable en 1998, nous indiquait que :

ARTICLE 251 : Lien de dépendance

(1) Pour l'application de la présente loi :

a)   des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance;

b)   la question de savoir si des personnes non liées entre elles n'ayant aucun lien de dépendance à un moment donné est une question de fait.

[Je souligne.]

 

[33]    Nous devons donc déterminer ce que sont des « personnes liées » afin de déterminer si des personnes ont entres elles un lien de dépendance, et la définition de « personnes liées » est présentée au paragraphe 251(2) de la Loi. Ce n’est que dans la mesure où ces personnes ne seraient pas liées en vertu du paragraphe 251(2) que nous aurons à nous pencher sur la notion de lien de dépendance de fait visée à l’alinéa 251(1)b) de la Loi.

 

i - Lien de dépendance chez des « personnes liées » : l'alinéa 251(1)a) de la Loi

 

[34]    Toutes les situations où des personnes sont liées sont énumérées au paragraphe 251(2) de la Loi :

ARTICLE 251 : Lien de dépendance

(2) Définition de « personnes liées ».  Pour l'application de la présente loi, sont des « personnes liées » ou des personnes liées entre elles :

a) des particuliers unis par les liens du sang, du mariage ou de l'adoption;

b) une société et :

(i) une personne qui contrôle la société si cette dernière est contrôlée par une personne,

(ii) une personne qui est membre d'un groupe lié qui contrôle la société,

(iii) toute personne liée à une personne visée au sous-alinéa (i) ou (ii);

c) deux sociétés :

(i) si elles sont contrôlées par la même personne ou le même groupe de personnes,

(ii) si chacune des sociétés est contrôlée par une personne et si la personne contrôlant l'une des sociétés est liée à la personne qui contrôle l'autre société,

(iii) si l'une des sociétés est contrôlée par une personne et si cette personne est liée à un membre d'un groupe lié qui contrôle l'autre société,

(iv) si l'une des sociétés est contrôlée par une personne et si cette personne est liée à chaque membre d'un groupe non lié qui contrôle l'autre société,

(v) si l'un des membres d'un groupe lié contrôlant une des sociétés est lié à chaque membre d'un groupe non lié qui contrôle l'autre société,

(vi) si chaque membre d'un groupe non lié contrôlant une des sociétés est lié à au moins un membre d'un groupe non lié qui contrôle l'autre société.

[Je souligne.]

[35]    Le sous-alinéa 251(2)b)ii) de la Loi, dont l’application sera analysée ci‑dessous, prévoit qu’une société est liée à chaque personne qui est membre d’un groupe lié qui la contrôle.

 

[36]    La définition de « groupe lié » est présentée au paragraphe 251(4) de la Loi :

 

ARTICLES 251 : Lien de dépendance

(4) Définitions relatives au groupe. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.[...]      « groupe lié » Groupe de personnes dont chaque membre est lié à chaque autre membre du groupe.

[Je souligne.]

 

[37]    Étant donné que monsieur et madame Létourneau sont conjoints, ils sont liés en vertu de l'alinéa 251(2)a) de la Loi puisqu’ils sont unis par les liens du mariage. Étant liés, ils forment un groupe lié.

 

[38]    Il s’agit donc ensuite de déterminer si le groupe lié composé des appelants est un groupe qui contrôle la société 9061. Dans la mesure où nous déterminerons qu’ils contrôlent la société 9061, ils seront liés à celle-ci et auront finalement un lien de dépendance avec elle.

 

[39]    Il est aussi à noter que le paragraphe 251(5) apporte des précisions quant aux groupes liés qui contrôlent une société, groupes visés au paragraphe 251(2) de la Loi. Cette disposition prévoit ce qui suit :

 

ARTICLE 251 : Lien de dépendance

(5) Pour l'application du paragraphe (2) et de la définition de « société privée sous contrôle canadien » au paragraphe 125(7) :

a) le groupe lié qui est en mesure de contrôler une société est réputé être un groupe lié qui contrôle la société, qu'il fasse ou non partie d'un groupe plus nombreux qui contrôle en fait la société;

[...]

[Je souligne.]

 

[40]    Cette disposition prévoit donc que même si les appelants font partie d’un groupe plus large qui contrôle la société, donc un groupe formé des appelants et de monsieur Bertrand Wall, les appelants s’ils sont en mesure de contrôler la société à eux seuls, seront considérés comme un groupe lié qui contrôle la société 9061.

 

[41]    Ensuite, afin de déterminer si les appelants contrôlent la société, nous devons examiner la notion de contrôle.

 

[42]    Il est à noter que le « contrôle » aux fins de cette disposition vise le contrôle de jure, soit le contrôle de droit, tel que l’indiquaient les juges de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt SMX Shopping Centre Ltd. c. Canada, 2003 CAF 479 :

 

20     Le paragraphe 251(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu précise les liens qui doivent exister entre des personnes pour qu'elles soient considérées comme étant liées entre elles à des fins fiscales. L'alinéa 251(2)a) prévoit que les personnes qui sont liées par le sang, par le mariage ou par l'adoption sont liées entre elles. Par conséquent, Amir Malekyazdi, sa conjointe, Mahin-Touss Malekyazdi, et leurs quatre enfants sont liés entre eux. Une société est liée à chaque membre d'un groupe lié qui la contrôle (sous-alinéa 251 (2)b(ii)) et est également liée à toute personne qui est liée à un membre de ce groupe lié (sous‑alinéa 251(2)b)(iii)). Un groupe lié est défini au paragraphe 251(4) comme un groupe de personnes dont chaque membre est lié à tous les autres membres. Le « contrôle » dans ce contexte est un contrôle de droit. En ce qui concerne SMX, c'est un groupe lié composé d'Amir Malekyazdi et de sa conjointe, Mahin‑Touss Malekyazdi, qui sont légalement propriétaires des actions de SMX, ou leurs quatre enfants, qui sont propriétaires bénéficiaires de ces actions, qui exerce un contrôle de droit sur la société. Dans un cas comme dans l'autre, SMX est liée à Amir Malekyazdi.

 

[Je souligne.]

 

[43]    Dans la Loi de l’impôt sur le revenu, la notion de contrôle de droit n’est pas définie. C’est plutôt la jurisprudence qui a établi les critères pour qu’une personne soit en mesure de contrôler une société et c’est l’arrêt Duha Printers (Western) Ltd. c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 795, de la Cour suprême du Canada qui a résumé les autres décisions en la matière. Le passage pertinent de la décision est le suivant :

 

(3) Sommaire des principes et conclusion quant au contrôle

 

85  Il peut être utile, à ce stade, de résumer les principes du droit des sociétés et du droit fiscal étudiés dans le présent pourvoi, étant donné leur importance. Ces principes sont les suivants :

(1) Le paragraphe 111(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu vise le contrôle de jure, et non pas le contrôle de facto.

(2) Le critère général du contrôle de jure a été énoncé dans l'arrêt Buckerfield's, précité : il s'agit de décider si l'actionnaire majoritaire exerce un « contrôle effectif » sur « les affaires et les destinées » de la société, contrôle qui ressort de la « propriété d'un nombre d'actions conférant la majorité des voix pour l'élection du conseil d'administration ».

 

(3) Pour décider s'il y a « contrôle effectif », il faut prendre en considération ce qui suit :

 

a) la loi qui régit la société;

 

b) le registre des actionnaires de la société;

 

c) toute restriction, particulière ou exceptionnelle, imposée soit au pouvoir de l'actionnaire majoritaire de contrôler l'élection du conseil, soit au pouvoir du conseil de gérer l'entreprise et les affaires internes de la société, qui ressort de l'un ou l'autre des documents suivants :

 

(i) des actes constitutifs de la société;

 

(ii) d'une convention unanime des actionnaires.

 

(4) Les documents autres que le registre des actionnaires, les actes constitutifs et les conventions unanimes des actionnaires ne doivent généralement pas être pris en considération à cette fin.

 

(5) Lorsqu'il existe une restriction du genre visé à l'alinéa 3c), l'actionnaire majoritaire peut tout de même exercer le contrôle de jure, à moins qu'il ne dispose d'aucun moyen d'exercer un « contrôle effectif » sur les affaires et les destinées de la société, d'une manière analogue ou équivalente au critère de Buckerfield's.

[Je souligne.]

 

[44]    En l'espèce, c’est la fiducie familiale Létourneau qui a le pouvoir d’élire le conseil d’administration de la société 9061 puisque c’est elle qui détient 100 % des actions ordinaires avec droit de vote de 9061. Par conséquent, c’est elle qui a le contrôle de droit de la société 9061. Dans de telles circonstances, nous devons alors déterminer qui contrôle la fiducie, c’est-à-dire qui prend les décisions relatives à la fiducie, afin de déterminer qui contrôle la société 9061.

 

[45]    Avant d’examiner les attributs d’une fiducie afin de déterminer qui la contrôle, il importe de présenter l’arrêt Canada c. Consolidated Holding Co., [1974] R.C.S. 419, où le juge Judson s’exprimait ainsi, aux pages 422 à 424, quant à la détermination du contrôle d’une société lorsque les actionnaires sont les fiduciaires d’une fiducie qui contrôle cette société :

 

Pour arriver à déterminer si un groupe de personnes contrôle une compagnie, il ne suffit pas, lorsqu'il s'agit de fiduciaires qui figurent au registre à titre d'actionnaires, de limiter l'enquête au registre des actionnaires et aux statuts d'association de la compagnie. Pour vérifier si l'un des actionnaires ou plus d'un ont été placés dans une situation où ils ont le pouvoir, en droit, d'imposer à leurs co-fiduciaires leurs volontés quant à la manière d'exercer les droits de vote afférents aux actions, il faut examiner l'acte de fiducie.

 

Du point de vue de la compagnie, dispositions de protection mises à part, les actionnaires fiduciaires sont tenus de voter comme s'ils étaient un. S'ils ne sont pas unanimes, ils ne peuvent exercer les droits de vote afférents aux actions. En ce cas, « Consolidated », dont les deux actionnaires sont les deux fiduciaires Gavin, serait investie du contrôle. Il ne suffit pas simplement d'examiner le registre des actionnaires lorsque la question qui se pose porte sur le contrôle.

[Je souligne.]

 

Il ne suffit pas ici, pour résoudre la question, de décider qu'une compagnie n'est pas tenue de veiller à l'exécution des fiducies auxquelles ses actions sont assujetties ou qu'elle peut accepter le vote du premier fiduciaire inscrit au registre de ses actionnaires. Ce sont là simplement des dispositions de protection en faveur de la compagnie et elles n'ont rien à voir avec la question du contrôle. Ici, en examinant les faits dans leur ensemble, on voit que les deux Gavin, en s'alliant, peuvent contrôler les voix que confèrent les actions de la succession. Ils contrôlent déjà le vote de « Consolidated ». Cela étant, les deux corporations sont donc contrôlées par le même groupe de personnes, soit les deux Gavin. Ils sont, pour reprendre les termes de M. le Juge Abbott dans Vina Rug (Canada) Ltd. c. Le ministre du Revenu national,

 

[TRADUCTION] en position de contrôler au moins une majorité des voix à être exprimées à une assemblée générale des actionnaires.

Je ne pense pas que la décision rendue dans I.R.C. v. J. Bibby & Sons Ltd. n'ait posé d'autre principe que le suivant, savoir, qu'une personne qui, d'après le registre des actionnaires, détient 50 pour cent des actions donnant droit de vote, contrôle la compagnie, et qu'il n'importe pas que l'exercice des droits de vote par cette personne puisse ou non être contrôlé soit par des co-fiduciaires, soit conformément à des procédures régulières par ordonnance de la Cour. Cette décision ne pose nullement comme principe que dans un cas comme celui qui se présente en l'espèce, où deux fiduciaires ont le pouvoir d'imposer leur volonté à un troisième dans l'exercice des droits de vote afférents aux actions, l'on ne doit pas tenir compte d'un tel pouvoir.

 

 

[46]    La fiducie est un patrimoine d’affectation codifié par le droit civil applicable au cas en l’espèce. Les articles 1260 et 1278 du Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, nous renseignent sur le pouvoir des fiduciaires :

 

1260.  La fiducie résulte d'un acte par lequel une personne, le constituant, transfère de son patrimoine à un autre patrimoine qu'il constitue, des biens qu'il affecte à une fin particulière et qu'un fiduciaire s'oblige, par le fait de son acceptation, à détenir et à administrer.

 

1278.  Le fiduciaire a la maîtrise et l'administration exclusive du patrimoine fiduciaire et les titres relatifs aux biens qui le composent sont établis à son nom; il exerce tous les droits afférents au patrimoine et peut prendre toute mesure propre à en assurer l'affectation.

 

Il agit à titre d'administrateur du bien d'autrui chargé de la pleine administration.

 

[Je souligne.]

 

 

[47]    Ce sont les fiduciaires d’une fiducie qui prennent les décisions et en conséquence, qui exercent le droit de vote lié aux actions détenues par la fiducie. Pour ce qui est de la fiducie familiale Létourneau, nous devons examiner les dispositions suivantes pour déterminer qui sont les fiduciaires et comment ils exercent leur droit de vote.

[48]    L’acte de fiducie, coté sous la pièce I-1, à l’onglet 10, prévoyait entres autres :

ARTICLE VII – POUVOIRS DES FIDUCIAIRES

 

7.1             En plus de tous les autres pouvoirs conférés aux Fiduciaires par les dispositions du Code Civil du Québec, les Fiduciaires ont, par la présente, le pouvoir, à leur entière discrétion et en tout temps, d’administrer les biens de la fiducie de quelque manière que ce soit et d’exercer tous les pouvoirs qu’une personne peut généralement exercer sur les biens dont elle est propriétaire. De plus et sans limiter l’étendue de ce qui précède, les Fiduciaires exercent unanimement les pouvoirs suivants :

 

[...]

 

ARTICLE X – NOMINATION ET DÉMISSION DES FIDUCIAIRES

 

10.1        Je nomme comme Fiduciaires, Marcel Létourneau, Yvonnette Côté et Bertrand Wall, ci-après nommés Fiduciaires.

 

10.2        Advenant le décès, le refus ou l’incapacité d’agir de l’un des Fiduciaires, ou un avis écrit de Marcel Létourneau ou Yvonnette Côté, à leur décès ou incapacité de ceux-ci sur avis écrit de leur liquidateur, un remplaçant devra être nommé. Au cas où toute autre vacance devrait survenir sans qu’un remplaçant soit nommé, toute personne intéressée pourra s’adresser à un juge de la Cour Supérieure pour faire nommer un remplaçant.

 

10.3        Les Fiduciaires peuvent renoncer à leur charge, après l’avoir acceptée, sans autorisation judiciaire.

 

10.4        Les Fiduciaires devenant incapables, faillis ou insolvables sera ipso facto démis de leurs fonctions.

 

10.5        Tout Fiduciaire qui cessera de résider au Canada sera démis de ses fonctions.

 

10.6        Les Fiduciaires ne pourront déléguer à des tiers leurs fonctions que pour des objets spécifiques; il ne leur est pas permis de faire de délégation générale sauf à leur(s) co-fiduciaires(s) qui ne sont ni Constituant, ni Bénéficiaire.

          [Je souligne.]

 

 

[49]    Puisque ce sont les fiduciaires qui exercent les pouvoirs relativement aux actions détenues par la fiducie, nous devons examiner leurs droits et les pouvoirs prévus afin d’évaluer le contrôle de la société 9061, étant donné que cette fiducie détient elle-même 100 % des actions avec droit de vote de 9061.

 

[50]    Comme le prescrivait l’arrêt Consolidated Holding, précité, pour déterminer le contrôle par le biais de la fiducie, il faut examiner l’acte de fiducie. Les appelants prétendent que puisque les décisions devaient toujours se prendre à l’unanimité, ils n’étaient pas en mesure de contrôler la fiducie, à eux seuls.

 

[51]    Je souscris à cette position. Il ne s’agit pas ici d’inférer un contrôle de fait, mais bien d’examiner tous les éléments pertinents au contrôle de droit de la société. Qui était en mesure d’élire le conseil d’administration de la société 9061? Les trois fiduciaires, selon une décision unanime.

 

[52]    Il nous est alors impossible de conclure que le groupe lié formé de monsieur et madame Létourneau possédait le contrôle de jure de la société 9061; les conditions posées par ces dispositions ne sont donc pas satisfaites.

 

ii - Lien de dépendance de facto : l'alinéa 251(1)b) de la Loi

 

[53]    Nous devons ensuite examiner le lien de dépendance de facto. Afin de déterminer si les appelants avaient, de fait, un lien de dépendance avec la société 9061, il importe tout d’abord de présenter ce que le juge en chef Bowman (titre qu'il a maintenant) a précisé dans l’arrêt RMM Canadian Enterprises Inc. c. Canada, no 94-1732(IT)G, 10 avril 1997 :

 

Il est vrai que pour déterminer si des personnes ont entre elles un lien de dépendance, le tribunal doit tirer des conclusions de fait, mais la question de savoir si, compte tenu des faits, il existe en droit un lien de dépendance est nécessairement une question de droit. Même le législateur qui, sous réserve de restrictions constitutionnelles, est suprême et a le pouvoir de présumer qu'une chose en est une autre, ne peut pas transformer une question de droit en une question de fait. L'alinéa 251(1)b) veut simplement dire qu'en déterminant si, en droit, des personnes non liées ont entre elles un lien de dépendance, le fondement factuel de leur relation doit être déterminé. Le sens de l'expression « lien de dépendance » figurant dans la Loi est de toute évidence une question de droit.

 

[Je souligne.]

 

[54]    Également, le juge Bonner, dans l’affaire McNichol c. Canada no 94‑1577(IT)G, 17 janvier 1997, a fait une revue des facteurs à considérer pour décider s'il existe un lien de dépendance de fait :

 

On utilise communément trois critères pour déterminer si les parties à une opération ont entre elles un lien de dépendance. Il s'agit des critères suivants :

 

a) l'existence d'une même personne qui dirige les négociations de deux parties à une transaction,

 

b) les parties à une transaction agissent de concert et n'ont pas d'intérêts distincts, et

 

c) le contrôle « de facto » (réel).

 

Le critère relatif à l'existence d'une même personne résulte de deux jugements, notamment en premier lieu le jugement que la Cour suprême du Canada a rendu dans l'affaire M.N.R. v. Sheldon's Engineering Ltd. Aux pages 1113-1114, le juge Locke, qui parlait au nom de la Cour, a dit ceci :

 

                        [TRADUCTION]

 

Lorsqu'une même personne contrôle des compagnies directement ou indirectement, que cette personne soit un individu ou une compagnie, des compagnies contrôlées sont, aux termes de cet article, censées ne pas traiter entre elles à distance. Les dispositions de cet article mises à part, dans le cas d'une vente d'éléments d'actif dépréciables par un contribuable à une entité qu'il contrôle ou par une compagnie contrôlée par le contribuable à une autre compagnie également contrôlée par lui, le contribuable dictant à titre d'actionnaire majoritaire les conditions de la transaction, on ne peut à mon avis prétendre sérieusement que les parties traitaient entre elles à distance et que l'article 20(2) ne s'appliquait pas.

 

En second lieu, la décision que le juge Cattanach a rendue dans l'affaire M.N.R. v. T R Merritt Estate est également utile. Aux pages 5165-5166, voici ce que le juge a dit :

 

[...]

 

Selon moi, le principe fondamental sur lequel se fonde la présente analyse est le suivant : lorsque les négociations menées au nom de chacune des deux parties au contrat sont en fait dirigées par le même « cerveau », on ne peut dire que les parties traitent à distance. En d'autres termes, lorsque la preuve révèle que la même personne « dictait » les « conditions de la transaction » au nom de chacune des deux parties, on ne peut dire que les parties traitaient à distance.

 

Le critère voulant que les parties agissent de concert montre jusqu'à quel point il est important que la négociation ait lieu entre des parties distinctes, qui cherchent chacune à protéger leurs propres intérêts. Ce critère est énoncé dans la décision que la Cour de l'Échiquier a rendue dans l'affaire Swiss Bank Corporation v. M.N.R. À la page 5241, le juge Thurlow (tel était alors son titre) a dit ceci :

 

J'ajouterais que lorsque plusieurs parties, qu'elles soient des personnes physiques, des compagnies ou une combinaison des deux, agissent de concert et dans le même intérêt pour diriger ou dicter la conduite d'une autre, le « cerveau » directeur peut à mon avis être celui de l'ensemble des parties agissant de concert ou celui d'une seule d'entre elles qui remplit un rôle ou des fonctions particulières qu'il faut accomplir pour atteindre l'objectif commun. De plus, à mon sens, il n'y a lieu de faire aucune distinction à ce titre entre des personnes qui agissent à leur propre compte pour en contrôler d'autres et celles qui, quelque nombreuses qu'elles soient, se font représenter par une autre. D'autre part, si l'une des parties à une transaction agit dans un intérêt différent de celui des autres ou le représente, le fait que le but commun soit de diriger les actes d'une autre partie de façon à obtenir un résultat bien précis ne suffira pas en soi à enlever à la transaction son caractère de transaction entre personnes traitant à distance. Selon moi, l'affaire Sheldon's Engineering [précitée] en est un exemple.

 

Enfin, il est à noter que l'existence d'une relation sans lien de dépendance est exclue si l'une des parties à l'opération en cause exerce un contrôle de fait sur l'autre. À cet égard, on peut mentionner la décision que la Cour d'appel fédérale a rendue dans l'affaire Robson Leather Company Ltd. v. M.N.R., 77 D.T.C. 5106.

 

[Je souligne.]

 

[55]    C’est ainsi que nous avons à analyser la relation entre monsieur Bertrand Wall et les appelants afin de déterminer si ces derniers avaient réellement un lien de dépendance de fait avec la société 9061.

 

[56]    Avant d'analyser les trois conditions permettant de tirer une conclusion quant à l'existence d'un lien de dépendance de fait, il m'apparaît important de rappeler ce qui ressort de l'ensemble de la preuve.

 

[57]    L'appelant et sa conjointe connaissent monsieur Wall depuis de nombreuses années. Au fil des ans, une relation privilégiée s'est développée si bien qu'un lien de confiance de très haut niveau s'est créé avec le temps. Pareil lien de confiance permettait manifestement une relation franche entre les parties d'où il n'est ni anormal, ni significatif que le comptable ait, dans le cours de ses relations avec l'appelant et son épouse, exprimé son désaccord ou des réserves quant à certains projets ou idées.

 

[58]    La preuve a aussi établi que l'appelant était une personne avisée, prudente qui questionnait de manière à être en mesure d'assumer la responsabilité de la décision prise à l'étape finale. À cet égard, le fait qu'il payait des honoraires au comptable Wall lui conférait indéniablement une autorité pour toute prise de décision ayant ou pouvant avoir des incidences financières sur son patrimoine.

 

[59]    Or, les quelques exemples ou situations isolées décrites pour soutenir la réalité de l'indépendance du comptable ne sont pas très convaincantes, et ce, bien que je n'ai aucun doute à croire que le comptable ait pu dans le cours des années exprimer une opinion défavorable quant à certaines idées ou décisions de l'appelante. La seule véritable question est celle relative à l'identité de la personne qui prend la décision à la toute fin d'une situation qui nécessite une conclusion.

 

[60]    En ce qui concerne les transactions d’achat-vente d’actions de catégorie « B » des appelants par la société 9061 et suivant la preuve, je suis convaincu que monsieur Wall n'aurait jamais voté à l’encontre de la volonté de ses clients. Pour les deux transactions du 30 mars 1998 et du 10 avril 1998, je suis plus que convaincu que monsieur Wall n’a pas eu son mot à dire, son rôle étant essentiellement passif.

 

[61]    Dans les faits, monsieur Bertrand Wall n’exerçait aucunement ses pouvoirs de fiduciaire; il n’avait pas de réel pouvoir de décision quant à sa participation dans la fiducie. Cela est d'ailleurs très clairement ressorti du contenu de la conversation téléphonique qu'il a eue avec la vérificatrice.

 

[62]    La preuve a mis suffisamment de faits en lumière pour permettre de répondre à trois questions relativement aux transactions du 30 mars et du 10 avril 1998 :

 

1.     Est-ce que les mêmes personnes dirigeaient les négociations pour les deux parties?

 

2.     Est-ce que les parties aux transactions agissaient de concert, avec une volonté commune?

 

3.     Finalement, est-ce qu’une des parties exerçait un contrôle de fait (réel) sur l’autre?

 

[63]    La même personne dirigeait-elle les négociations? Il s’agit de savoir qui prenait réellement les décisions pour 9061. Suivant la preuve, monsieur Wall ne participait aucunement à la prise de décisions; même si l’acte de fiducie prévoyait qu’il fallait l’unanimité pour prendre une décision, je conclus que monsieur et madame Létourneau étaient les seuls à décider que 9061 allait acheter leurs actions. Monsieur Wall aurait pu avoir des réserves ou réticences et les exprimées mais, en bout de piste, il n'aurait jamais osé voter à l'encontre de monsieur et madame Létourneau, qui, d'ailleurs n'auraient pas accepté que le comptable à qui ils payaient des honoraires agisse de la sorte.

 

[64]    Puisqu'ils étaient autant « vendeurs » qu’« acheteurs », je conclus que les mêmes personnes ont dirigé les négociations pour ces transactions. Finalement, rien n’aurait pu empêcher, tant le 30 mars 1998 que le 10 avril 1998, la transaction conclue par les appelants et la société 9061, puisqu’à mon avis ils dirigeaient les négociations pour les deux parties.

 

[65]    Ensuite, il s’agit de savoir si les parties aux deux transactions de vente agissaient de concert, selon une volonté commune. Les mêmes commentaires sont applicables ici. Puisque les deux parties aux transactions étaient les mêmes personnes, elles agissaient bien évidemment de concert et selon une intention commune.

 

[66]    Finalement, les appelants contrôlaient-ils, de fait, la société 9061? Si tel est le cas, ils sont réputés avoir un lien de dépendance aux fins de ces deux transactions. La prépondérance de la preuve a démontré que le rôle de monsieur Wall en était un de complaisance. Monsieur et madame Létourneau contrôlaient bel et bien de fait, la société 9061.

 

[67]    Je conclus donc qu'il existait bel et bien un lien de dépendance.

 

(B)     Subsidiairement, peut-on prétendre que l’article 84.1 de la Loi ne s’applique pas, puisque les actions de la société Centre n’ont jamais été acquises par les appelants?

 

[68]    Il importe de présenter la disposition sur laquelle les appelants se fondent pour affirmer que les actions devaient nécessairement être acquises par eux pour que le calcul du prix de base rajusté des actions vendues fasse en sorte qu'il faut présumer qu'il y a eu un dividende :

ARTICLE 84.1 : Vente d’actions en cas de lien de dépendance

(1) Lorsque, après le 22 mai 1985, un contribuable qui réside au Canada (à l'exclusion d'une société) dispose d'actions qui sont des immobilisations du contribuable — appelées « actions concernées » au présent article — d'une catégorie du capital-actions d'une société qui réside au Canada — appelée « la société en cause » au présent article -— en faveur d'une autre société — appelée « acheteur » au présent article — avec laquelle le contribuable a un lien de dépendance et que, immédiatement après la disposition, la société en cause serait rattachée à l'acheteur, au sens du paragraphe 186(4) si les mentions « société payante » et « société donnée » y étaient respectivement remplacées par « la société en cause » et « acheteur » :

[…]

(2) Pour l'application du présent article :

a) […]

a.1) dans le cas où une action dont dispose un contribuable a été acquise par celui-ci après 1971 auprès d'une personne avec qui il avait un lien de dépendance ou était une action substituée à une telle action ou était une action substituée à une action dont le contribuable était propriétaire à la fin de 1971, le prix de base rajusté de l'action pour le contribuable à un moment donné est réputé égal à l'excédent éventuel du prix de base rajusté de l'action pour le contribuable, déterminé par ailleurs, sur le total des montants suivants :

[…]

[Je souligne.]

 

[69]    Les appelants prétendent que les actions visées à l'alinéa 84.1(2)a.1) de la Loi n’ont jamais été acquises par eux. Les appelants étaient propriétaires des actions de la société Centre parce que ceux-ci avaient souscrit à l'émission d'actions et non parce qu’ils les avaient acquises. Leur position est étayée de la façon suivante : pour qu’il y ait acquisition d’actions, il doit nécessairement y avoir une disposition corrélative; or, la société Centre n’a jamais disposé de ces actions, elle les a émises.

 

[70]    Je ne partage pas cette analyse. Il suffit de prendre en considération la définition du mot « acquisition » pour disposer de cette question.

 

[71]    Tout d’abord, le mot « acquisition » n’est pas défini dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Nous pouvons alors nous référer au Dictionnaire de droit québécois et canadien, Hubert Reid, 3e édition, Cowansville (Qc), Éditions Wilson & Lafleur, 2004, page 12, qui indique ce qui suit :

 

Acquisition n. f.

 

¨     1. Fait de devenir propriétaire d’un bien ou titulaire d’un droit.

 

¨     2. Opération par laquelle une personne devient propriétaire d’un bien ou titulaire d’un droit.

 

[72]    De la même façon, Paul Robert, Le grand Robert de la langue française, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, 2e édition, tome 1 Bio, Paris (France), Éditions Dictionnaires Le Robert, 1985, définitions « acquisition », p. 92, et « acquérir », p. 91, se lit comme suit :

 

Acquisition n. f.

¨     1. Action d’acquérir.

 

Acquérir v. tr.

¨     1. Dr. Devenir propriétaire de (un bien, un droit).

 

[73]    Les appelants ont bel et bien acquis les actions de la société Centre en 1983, puisqu'ils sont devenus propriétaires d'actions lors de leur souscription.

 

[74]    Les conditions de l’article 84.1 de la Loi étant toutes satisfaites, le ministre était justifié de revoir le calcul du prix de base rajusté des actions vendues par les appelants à la société 9061 et de présumer qu'il y avait eu un dividende.

 

CONCLUSION

 

[75]    L’appel est rejeté, avec dépens en faveur de l'intimée sur la base d'un seul dossier.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de mai 2007.

 

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif

 


RÉFÉRENCE :                                  2006CCI91

 

s DES DOSSIERS DE LA COUR : 2004-2693(IT)G et 2004-2792(IT)G

 

INTITULÉS DES CAUSES :             Yvonnette Côté-Létourneau c. La Reine Marcel Létourneau c. La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 23 octobre 2006

 

MOTIFS DES JUGEMENTS PAR :   l'honorable juge Alain Tardif

 

DATE DES JUGEMENTS :               le 4 juin 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat des appelants :

Me André Lareau

 

 

Avocate de l'intimée :

Me Janie Payette et

Me Marielle Thériault

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants:

 

                   Nom :                             Me André Lareau

                   Étude :                            Joli-Coeur, Lacasse, Geoffrion, Jetté, St‑Pierre avocats

                   Ville :                              Sillery (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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