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Référence : 2006CCI239

Date : 20070501

Dossier : 2005-1906(IT)G

ENTRE :

STEINAR KLABOE,

requérant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge suppléant Sarchuk

 

[1]     Le requérant Steinar Klaboe a présenté une requête en vue d’obtenir une ordonnance enjoignant à l’intimée de produire les documents suivants qu’elle a en sa possession : les notes, dossiers, notes de service, procès‑verbaux de conférences et ébauches de traité préparés dans le cadre de la négociation de la Convention fiscale Canada‑Barbade de 1980 (le « Traité ») [1].

 

[2]     L’historique de la requête a été brièvement résumé par l’avocat du requérant. En 1999, M. Klaboe détenait des actions de Sonora Sea Farm Ltd. Il a procédé à un transfert libre d’impôt des actions de Sonora en vertu de l’article 85 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») en faveur d’une autre société, 594951 BC Ltd.; il a acquis des actions ordinaires sans droit de vote de 594951, et il a ensuite transféré ces actions à une nouvelle fiducie de la Barbade[2]. La fiducie a ensuite vendu les actions de 594951 en faisant un profit et a allégué qu’elle n’était pas imposable au Canada à l’égard du gain qu’elle avait réalisé conformément au paragraphe 14(4) du Traité.

 

[3]     En 2003, le ministre du Revenu national a établi une nouvelle cotisation à l’égard du requérant et de la fiducie pour leur année d’imposition 1999 en se fondant entre autres sur ce qui suit :

 

[traduction] Il est raisonnable de considérer que les opérations d’évitement ont entraîné, directement ou indirectement, un abus dans l’application des alinéas 39(1)a) et 94(1)c), du paragraphe 73(1) et de l’article 14 du Traité, ou dans l’application des dispositions de la Loi (la disposition générale anti-évitement [DGAE]) et du Traité lus dans leur ensemble, au sens du paragraphe 245(4).

 

[4]     Dans le cadre des procédures préalables à l’instruction qui ont eu lieu dans le présent appel, l’avocat du requérant a procédé à l’interrogatoire préalable de M. Derek Carroll, qui a comparu pour le compte de l’intimée. Au cours de l’interrogatoire préalable, la question de la politique sous‑tendant le Traité a été soulevée, et le requérant a demandé à l’intimée de s’engager à fournir les « travaux préparatoires » se rapportant à la négociation du Traité. L’avocat a soutenu que le requérant voulait obtenir les éléments de preuve nécessaires concernant la politique sous‑tendant le Traité et les circonstances qui ont mené à son adoption, et qu’il voulait déterminer plus facilement l’interprétation à donner au Traité.

 

[5]     L’intimée a refusé de prendre l’engagement a) en invoquant le privilège de l’intérêt public conformément aux paragraphes 38.01(1) et (6) de la Loi sur la preuve au Canada et b) en affirmant que dans la mesure où les documents se rapportent à certaines parties du Traité qui ne sont pas pertinentes en ce qui concerne les questions soulevées dans l’appel, ces documents ne sont pas assujettis à la divulgation. Je me propose d’examiner d’abord la question du privilège de l’intérêt public.

 

Les prétentions du requérant

 

[6]     Les articles 38.01 et 38.09 de la Loi sur la preuve au Canada énoncent une procédure aux fins de la divulgation de « renseignements sensibles » ou de « renseignements potentiellement préjudiciables ». L’« événement déclencheur » est un avis donné par écrit au procureur général en vertu de l’article 38.01, avis qui empêcherait la divulgation des renseignements sensibles[3]. Le procureur général, ou une personne touchée, peuvent alors présenter une requête au sujet de la divulgation des renseignements sensibles, cette requête devant être présentée, en vertu de l’article 38.04, à la Cour fédérale.

 

[7]     L’avocat a soutenu que, conformément à l’alinéa 38.01(6)c), la procédure susmentionnée ne s’applique pas aux renseignements sensibles dont la divulgation a antérieurement été autorisée par le gouvernement. Le requérant se fonde sur cette exception pour les motifs suivants.

 

[8]     Le 23 mai 1969, de nombreux pays ont signé la Convention de Vienne sur le droit des traités (la Convention). Le Canada a adhéré à la Convention le 14 octobre 1970, et la Barbade y a adhéré le 24 juin 1971. La Convention elle‑même a pris effet le 27 janvier 1980, c’est‑à‑dire un an avant la prise d’effet du Traité. L’avocat a expressément mentionné l’article 32 de la Convention, qui prévoit que les « travaux préparatoires » peuvent être pris en compte aux fins de la détermination de l’interprétation à donner à un traité et a soutenu que cette disposition s’appliquait aux traités canadiens en matière d’impôt[4]. En outre, en vertu de l’article 27, le Canada ne peut pas avoir recours à son droit interne pour déroger à l’article 32, étant donné que ni le Canada ni la Barbade n’ont fait de réserves ou n’ont soumis d’observations au sujet de l’une ou l’autre disposition. De plus, les articles 27 et 32 de la Convention étaient en vigueur lorsque les articles 38 et 38.01 de la Loi sur la preuve au Canada « sont entrés en jeu » et

 

[traduction] si le gouvernement voulait que cela déroge à l’article 32, il est à supposer qu’il l’aurait prévu dans quelque chose comme la Loi sur l’interprétation des conventions en matière d’impôts sur le revenu, qui déroge sur le plan interne à certaines parties des conventions fiscales du Canada. Essentiellement, la prétention du requérant a été résumée comme étant que « le Canada ne peut pas se fonder sur son droit interne pour déroger à l’article 32 ».

 

[9]     Par conséquent, le requérant maintient que les dispositions concernant l’intérêt public et le privilège ne s’appliquent pas aux documents en question puisque leur divulgation était autorisée en vertu des articles 31, 32 et 27 de la Convention que le Canada a signée.

 

Les prétentions de l’intimée

 

[10]    En ce qui concerne le fait que le requérant se fonde sur les dispositions de l’alinéa 38.01(6)c) de la Loi sur la preuve au Canada, l’avocat de l’intimée a soutenu que le requérant avait omis d’établir que la divulgation des renseignements avait été autorisée par l’institution fédérale qui les avait produits ou pour laquelle ils avaient été produits.

 

[11]    En outre, si la présente cour estime que l’un quelconque des documents demandés peut être produit, l’intimée est tenue d’invoquer les articles 38 et 38.01 à 38.16 de la Loi. Par conséquent, la Cour ne devrait pas rendre une ordonnance de divulgation tant que le procureur général n’aura pas donné son consentement, ou que la question de savoir si la divulgation des renseignements sensibles portera préjudice aux relations internationales n’aura pas été tranchée par la Cour fédérale.

 

L’alinéa 38.01(6)c) s’applique‑t‑il?

 

[12]    L’article 38 de la Loi sur la preuve au Canada énonce des règles de procédure et de fond aux fins de la protection de renseignements qui seraient susceptibles de porter préjudice aux relations internationales, ou à la défense ou à la sécurité nationales. L’article 38 définit expressément la nature des renseignements comme suit :

 

« renseignements potentiellement préjudiciables » Les renseignements qui, s’ils sont divulgués, sont susceptibles de porter préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales.

 

« renseignements sensibles » Les renseignements, en provenance du Canada ou de l’étranger, qui concernent les affaires internationales ou la défense ou la sécurité nationales, qui se trouvent en la possession du gouvernement du Canada et qui sont du type des renseignements à l’égard desquels celui‑ci prend des mesures de protection.

 

[13]    Selon l’article 38.01, tout participant à une instance qui prévoit que des « renseignements sensibles » ou des « renseignements potentiellement préjudiciables » seront fournis est tenu d’informer le procureur général du Canada du moment où cette divulgation sera faite. Cette disposition est rédigée comme suit :

 

38.01(1)           Tout participant qui, dans le cadre d’une instance, est tenu de divulguer ou prévoit de divulguer ou de faire divulguer des renseignements dont il croit qu’il s’agit de renseignements sensibles ou de renseignements potentiellement préjudiciables est tenu d’aviser par écrit, dès que possible, le procureur général du Canada de la possibilité de divulgation et de préciser dans l’avis la nature, la date et le lieu de l’instance.

 

38.01(6)           Le présent article ne s’applique pas :

           

                        a)         [...]

 

c)         aux renseignements dont la divulgation est autorisée par l’institution fédérale qui les a produits ou pour laquelle ils ont été produits ou, dans le cas où ils n’ont pas été produits par ou pour une institution fédérale, par la première institution fédérale à les avoir reçus;

 

[14]    Je ne puis retenir l’argument du requérant selon lequel, parce que le Canada a signé la Convention, la divulgation des renseignements en question était autorisée par l’institution gouvernementale pour laquelle les renseignements ont été produits.

[15]    Les « travaux préparatoires » devaient être une expression non définie dans la Convention, mais il reste que, selon l’article 32, ils peuvent être utilisés comme moyen complémentaire d’interprétation d’une convention fiscale uniquement :

 

[...] en vue, soit de confirmer le sens résultant de l’application de l’art. 31, soit de déterminer le sens lorsque l’interprétation donnée conformément à l’art. 31 : a) laisse le sens ambigu ou obscur; ou b) conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable.

 

 

[16]    L’article 31 prévoit ce qui suit :

 

            2.         Aux fins de l’interprétation d’un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus:

 

                        a)         tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l’occasion de la conclusion du traité;

 

                        b)         tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l’occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu’instrument ayant rapport au traité.

                                                                                    [Je souligne.]

 

[17]    Le Shorter Oxford English Dictionary définit le mot « conclusion » (conclusion) comme suit :

 

[traduction] 1. fin, clôture, cessation; 2. issue, résultat; 3. jugement résultant d’un raisonnement; 4. décision finale; entente finale; 5. dr. acte ayant force obligatoire;

 

[18]    Étant donné l’étendue des documents énumérés par le requérant dans la demande de production, à savoir :

 

[traduction] les notes, dossiers, notes de service, etc. préparés dans le cadre de la négociation du Traité [...]

 

il est fort possible, sinon probable, qu’un document ou des documents qui sont en la possession de l’intimée renferment des « renseignements potentiellement préjudiciables » ou des « renseignements sensibles ». En outre, bien que la demande du requérant soit fondée sur la thèse selon laquelle tous les documents demandés constituent des « travaux préparatoires », la demande elle‑même a une portée si générale qu’elle comprend, par exemple, des documents tels que ceux qui ont expressément été préparés pour des discussions internes relatives au progrès continu des négociations, à l’élaboration d’une stratégie, ainsi que des rapports et commentaires internes sur les propositions d’autres parties et ainsi de suite. Cela exigerait également la production de documents qui ne se rapportent pas à la « conclusion du Traité ». Il est certain que de tels documents ne sont pas des « travaux préparatoires », et il serait certes possible de dire que certains d’entre eux renferment des « renseignements sensibles ».

 

[19]    J’ai conclu a) que les dispositions mentionnées par le requérant n’autorisaient pas la divulgation de tous les documents demandés et b) que l’alinéa 38.01(6)c) de la Loi sur la preuve au Canada ne s’applique donc pas en l’espèce.

 

[20]    Je note en passant que même si l’article 38 de la Loi sur la preuve au Canada est relativement nouveau, la protection des renseignements confidentiels est établie depuis longtemps. Plus précisément, les paragraphes 41(1) et (2) de la Loi sur la Cour fédérale étaient en vigueur de 1970 à 1982, année où la Loi sur la preuve au Canada est entrée en vigueur et les articles 36.1, 36.2 et 36.3 (qui sont par la suite devenus les articles 37, 38 et 39) ont été édictés. Essentiellement cette législation existe depuis que la Convention de Vienne est en vigueur, cette convention, comme je tiens à le souligner, n’ayant pris effet qu’au mois de décembre 1980.

 

Production de documents – Pertinence

 

[21]    L’avocat du requérant a mentionné la décision MIL (Investments) S.A. v. The Queen[5], dans laquelle il est question de la Convention fiscale Canada‑Luxembourg, et il a fait remarquer que dans ses motifs, le juge Bell a dit ce qui suit :

 

[80]      Il a été décidé que la Convention de Vienne dont le Canada était un signataire initial était le point de départ à utiliser pour interpréter un traité auquel le Canada est partie. M. Steichen renvoie explicitement aux articles 26, 31 et 32, [...]

 

[22]    En outre, les Projets d’articles sur le droit des traités et commentaires, 1996, qui ont été adoptés par la Commission du droit international, mentionnaient expressément que l’expression « travaux préparatoires » n’était pas définie dans la Convention, et il a été conclu [traduction] qu’« il n’y aurait rien à gagner en essayant de définir les « travaux préparatoires »; de fait, cela ne ferait que mener à l’exclusion possible d’éléments de preuve pertinents ».

 

[23]    Par conséquent, en l’absence de toute définition dans la Convention, il faut tenir compte de l’arrêt Ward v. Commissioner of Police (1989)[6], dans lequel la question s’est déjà posée. Dans cet arrêt, la cour a conclu que, dans l’interprétation d’un traité en matière de droit du travail, l’article 32 de la Convention :

 

[traduction] [...] autorise le recours à des « moyens complémentaires d’interprétation », et notamment aux « travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu », en vue de confirmer le sens résultant de l’examen des dispositions du traité à la lumière de son objet.

 

et :

 

[traduction] Il peut maintenant être considéré comme un principe établi d’interprétation des traités que les tribunaux, internationaux et nationaux, auront recours, afin de connaître l’intention des parties, aux documents concernant les négociations qui ont précédé la conclusion du traité, aux procès‑verbaux de la conférence qui a donné lieu à l’adoption du traité, aux projets successifs du traité et ainsi de suite.

 

[24]    La position prise par le requérant est que la définition des « travaux préparatoires » a délibérément été omise à l’article 32 en vue d’assurer que tout élément de preuve pertinent soit admis. En outre, dans le cadre de la communication préalable, le critère de la pertinence est [traduction] « passablement faible » et doit être [traduction] « interprété d’une façon large et libérale » étant donné que ces documents peuvent fournir une preuve de la politique sous‑tendant le Traité, de son objet et du contexte dans lequel il s’inscrit. De plus, si certains éléments des « travaux préparatoires » ne sont absolument pas pertinents, le juge du procès peut les exclure. La production des [traduction] « notes, dossiers, notes de service, etc. » est justifiée et il appartient au juge du procès de décider des « travaux préparatoires » qui sont recevables.

 

[25]    L’avocat de l’intimée a mentionné l’arrêt Canada v. Canada Trustco Mortgage Company[7], dans lequel la Cour suprême du Canada a examiné la DGAE et son application. La question précise se rapportait au but du législateur en ce qui concerne le paragraphe 254(4)[8], et la cour a dit ce qui suit à ce sujet :

 

[55]      En résumé, le par. 245(4) prescrit un examen en deux étapes. La première étape consiste à déterminer l’objet ou l’esprit des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu qui sont invoquées pour obtenir l’avantage fiscal, eu égard à l’économie de la Loi, aux dispositions pertinentes et aux moyens extrinsèques admissibles. La deuxième étape consiste à examiner le contexte factuel de l’affaire pour déterminer si l’opération d’évitement contrecarrait l’objet ou l’esprit des dispositions en cause.

 

[26]    Il a été noté que les « moyens extrinsèques » se rapportaient à la remarque que le juge Rothstein avait faite dans l’arrêt OSFC Holdings Ltd. c. Canada[9], à savoir qu’en déterminant l’objet et l’esprit d’une disposition particulière pour les besoins de l’analyse fondée sur le paragraphe 245(4) :

 

[...] il est nécessaire pour la Cour de tenir compte du contexte des dispositions en question et, dans l=analyse relative à l=abus, de la Loi lue dans son ensemble et [...] elle peut avoir recours à des moyens extrinsèques tels les notes techniques, la doctrine, le Hansard et les notes explicatives [...]

 

et que les deux éléments communs dans les arrêts susmentionnés sont qu’ils portent sur la version finale de la disposition, plutôt que sur un projet.

 

[27]    En outre, le paragraphe 82(1) des Règles permet à une partie de demander une ordonnance enjoignant à une autre partie de déposer et de signifier tous les documents qui portent sur toute question en litige entre les parties à l’appel. Toutefois, en règle générale, le contribuable est tenu d’établir l’existence d’un lien et ne peut pas simplement demander la communication d’un document se rapportant à la question en litige. Dans ce contexte, il a été fait mention de la décision Owen Holdings Ltd. v. The Queen[10], dans laquelle la demande que la requérante avait présentée en vue d’obtenir une ordonnance a été rejetée par le juge Rip pour le motif suivant :

 

[traduction] a) les documents ne sont pas des faits de nature législative; ils n’établissent pas l’objet ni l’historique de la législation en question; b) les documents ne sont que les opinions exprimées par leurs auteurs et par conséquent la Cour ne peut pas en tenir compte lorsqu’elle détermine l’objet, les modalités et la nature des dispositions en question; c) les éléments comprennent des documents qui ont été pris en considération par le rédacteur de la loi et de la politique et par les personnes qui ont témoigné devant les comités du Parlement que ces documents ne constituaient pas des faits de nature législative; d) ces éléments ne constituent pas non plus l’historique législatif admissible et il n’est pas établi qu’ils donneraient directement ou indirectement lieu à un historique législatif admissible. Les documents demandés précèdent les rapports, documents de travail, études, énoncés et discours qui constituent l’historique législatif. Bref, les documents préparés en prévision d’un rapport, d’un document de travail, d’une étude, d’un énoncé ou d’un discours ne sont pas inclus dans l’historique législatif. [...][11]

 

[28]    Dans le contexte d’un traité, le but est le même, à savoir déterminer l’objet du traité ou de ses dispositions et, par conséquent, les moyens extrinsèques permis sont ceux qui se rapportent au contexte juridique du traité. En l’absence d’indication que les notes, les dossiers et les renseignements demandés par le requérant étaient envisagés par le législateur lorsqu’il a mis en œuvre le Traité en question, les éléments en question ne peuvent avoir aucune pertinence lorsqu’il s’agit de déterminer l’intention du législateur pour ce qui est de l’objet du Traité ou de ses dispositions.

 

Conclusion

 

[29]    Dans la décision MIL (Investments), le juge Bell a fait remarquer que l’article 4.1 de la Loi sur l’interprétation des conventions en matière d’impôts sur le revenu[12] et l’article 245 de la Loi ont été modifiés rétroactivement pour prendre effet le 12 septembre 1988, de façon qu’il soit expressément fait mention des conventions fiscales, et il a dit ce qui suit :

 

[28]      À mon avis, compte tenu des modifications apportées à l’article 245, les conventions fiscales doivent être interprétées de la même façon que les lois nationales lors de l’analyse des opérations d’évitement qui pourraient être abusives.

 

[30]    Par conséquent, que la Cour traite de l’abus de la législation interne ou de l’abus d’une convention fiscale, ou des deux à la fois, comme c’est ici le cas, le but est le même, à savoir examiner le contexte factuel de l’affaire afin de décider si l’opération d’évitement contrecarrait l’objet ou l’esprit des dispositions en question.

 

[31]    Dans l’arrêt Mathew v. Canada[13], où il était également question d’une cotisation fondée sur la DGAE, la Cour suprême du Canada a fait remarquer ce qui suit :

 

[42]      […] Il existe un principe d’interprétation constant : il faut dégager l’intention du législateur en tenant compte du libellé, du contexte et de l’objet des dispositions en cause. Ce principe s’applique autant à la Loi de l’impôt sur le revenu et à la RGAÉ qu’à toute autre mesure législative.

 

[43]      Nous tenons à ajouter que, bien qu’il soit utile d’examiner séparément les trois éléments d’interprétation législative de manière à ce que chacun reçoive l’attention qu’il mérite, force est de constater que ces éléments sont inextricablement liés. Par exemple, en analysant le contexte législatif, il faut tenir compte des objets et de la politique générale des dispositions examinées. Et bien qu’il soit utile d’examiner individuellement les facteurs indiquant un objectif législatif, cet objectif législatif représente en même temps la question à laquelle il faut répondre en définitive, à savoir ce qu’a voulu le législateur.

 

Dans le contexte de la DGAE et d’une convention fiscale, le même principe s’applique.

 

[32]    La requête présentée par le requérant vise l’obtention d’une ordonnance enjoignant à l’intimée de produire les « travaux préparatoires » que l’avocat a décrits comme étant [traduction] « les notes, dossiers, procès‑verbaux de conférences, projets, tout ce qui a servi à la négociation de la Convention fiscale Canada‑Barbade, tous les dossiers internes que le Canada a probablement en sa possession quelque part qui ont mené à la prise d’effet elle‑même et à la signature de la Convention fiscale Canada‑Barbade ».

 

[33]    En outre, le requérant prend la position selon laquelle tous les « travaux préparatoires » devraient être divulgués parce qu’au stade de la communication préalable, un semblant de pertinence suffirait. Je ne puis souscrire à cet avis. Dans l’arrêt Owen Holdings, le juge Marceau, au nom de la majorité, a dit ce qui suit :

 

            Nous avons exprimé, à l’audition, notre désaccord avec la prétention de l’avocat. Bien qu’elles ne soient pas synonymes, les expressions « qui portent sur » et [TRADUCTION] « qui sont pertinents à l’égard de » n’ont pas des sens complètement distincts. L’expression « qui portent sur », utilisée dans la Règle 82(1), exprime nécessairement un élément de pertinence, sinon les parties pourraient s’adonner à de longues et vaines « parties de pêche » qui n’attendraient aucun objectif productif et ne feraient que gaspiller des ressources judiciaires. [...]

 

[34]    Le Traité a été promulgué le 22 décembre 1980. La note documentaire[14] indique que le Traité est divisé en sept parties : Portée (article premier et article II); Définitions (articles III à V); Imposition du revenu (articles VI à XXIII); Imposition du capital (article XXIV); Élimination de la double imposition (article XXV); Dispositions spéciales (articles XXVI à XXX); et Dispositions finales (articles XXXI et XXXII).

 

[35]    L’examen de ce qui précède révèle que la plupart des articles ne sont absolument pas pertinents pour ce qui est de la question qui est ici en litige[15]. Il est reconnu qu’il peut être fait mention d’éléments extrinsèques qui font partie du contexte juridique. Toutefois, il n’est pas contesté que le contexte juridique en l’espèce se rapporte principalement aux dispositions 39(1)a), 73(1), 94(1)c), à la DGAE de la Loi de l’impôt sur le revenu et à l’article 14 de la Convention fiscale Canada‑Barbade.

 

[36]    Dans l’arrêt Gatoil International Inc. v. Arkwright‑Boston Manufacturers Mutual Insurance Co.[16], lord Wilberforce a fait les remarques suivantes :

 

[traduction] [...] deux conditions doivent être réunies pour que les « travaux préparatoires » puissent être utilisés : en premier lieu, les éléments doivent être publics et accessibles; en second lieu, ces éléments démontrent clairement et d’une façon incontestable une intention législative formelle.

 

[37]    J’ai conclu que les « travaux préparatoires » se rapportant expressément à l’article 14 peuvent inclure des documents qui indiquent clairement l’intention du législateur et peuvent être pertinents pour ce qui est de la question en litige. Ces éléments, et uniquement ces éléments, doivent être produits par l’intimée. Je dois ajouter qu’en restreignant la production à cette seule disposition, je n’entends pas empêcher le requérant d’établir qu’il peut exister un lien légitime avec une autre disposition ou d’autres dispositions quant à la pertinence. Dans ce cas, s’il est impossible de s’entendre avec l’intimée, la question pourra être renvoyée à la Cour pour examen.

 

[38]    Comme il a déjà été noté, les parties ont convenu que la présente ordonnance sera reportée en vue de permettre à l’intimée de soumettre la requête concernant la divulgation de renseignements sensibles conformément aux dispositions de l’article 38.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de mai 2007.

 

 

 

« A.A. Sarchuk »

Juge suppléant Sarchuk

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de septembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.

 


RÉFÉRENCE :                                  2006CCI239

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2005-1906(IT)G

 

INTITULÉ :                                       STEINAR KLABOE

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 3 octobre 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :     L’honorable juge suppléant A.A. Sarchuk

 

DATE DES MOTIFS :                       Le 1er mai 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat du requérant :

Me Joel Nitikman

Avocat de l’intimée :

Me Robert Carvalho

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour le requérant :

 

                   Nom :                             Me Joel Nitikman

 

                   Cabinet :                         Fraser Milner Casgrain

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 



[1]           L’avocat du requérant a appelé ces documents les « Travaux préparatoires » ou « Preparatory Works » ‑ Engagement no 30.

 

[2]           Barbara MacTavish Spousal Trust (Cour canadienne de l’impôt, appel 2005‑1905(IT)G).

 

[3]           Cette mesure n’a pas été prise. Les parties conviennent que si la divulgation est ordonnée, l’ordonnance de la Cour sera reportée afin de permettre qu’un avis soit donné conformément aux dispositions de l’article 38.

 

[4]           Cudd Pressure Control v. The Queen, 98 DTC 6630 (C.A.F.).

 

[5]           2006 DTC 3307, page 3318 (C.C.I.).

 

[6]           151 A.L.R. 604, page 610 (Cour fédérale, Australie).

 

[7]              2005 DTC 5523.

 

[8]           Paragraphe 245(4)       Il est entendu que l’opération dont il est raisonnable de considérer qu’elle n’entraîne pas, directement ou indirectement, d’abus dans l’application des dispositions de la présente loi lue dans son ensemble – compte non tenu du présent article – n’est pas visée par le paragraphe (2).

 

[9]           2001 CAF 260.

 

[10]          (1997) 3 C.T.C. 2286 (C.C.I.); 97 DTC 5401 (C.A.F.)

 

[11]          Cette décision a été confirmée en appel.

 

[12]          L.R.C. 1985, ch. 14.

 

[13]          2005 DTC 5538.

 

[14]          Pièce no 1, page 1.

 

[15]          Ainsi, la catégorie « Imposition du revenu » dans laquelle figure l’article 14, comprend également des articles concernant par exemple le revenu tiré d’un bien immeuble, le transport maritime et le transport aérien, les redevances, les jetons de présence, les athlètes et artistes, les pensions et rentes, les pensions alimentaires, la fonction publique, les étudiants et ainsi de suite.

 

[16]          [1985] A.C. 255, page 263 (C.L.).

 

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