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Dossier : 2005-1582(GST)I

ENTRE :

 

BLAINE T. NOWOCZIN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Blaine T. Nowoczin (2005‑1583(IT)G) le 20 février 2007, à Kamloops (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

 

Avocat de l’intimée :

Me David Everett

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 17 février 2004 et porte le numéro 12261001946, est accueilli conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 21e jour de mai 2007.

 

 

« D. W. Rowe »

Juge Rowe

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour d’octobre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

 

Dossier : 2005-1583(IT)G

ENTRE :

 

BLAINE T. NOWOCZIN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Blaine T. Nowoczin (2005‑1582(GST)I) le 20 février 2007, à Kamloops (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

 

Avocat de l’intimée :

Me David Everett

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1999 et 2001 est accueilli conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 21e jour de mai 2007.

 

 

« D. W. Rowe »

Juge Rowe

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour d’octobre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

 

Référence : 2007CCI275

Date : 20070521

Dossiers : 2005-1582(GST)I

2005-1583(IT)G

 

ENTRE :

BLAINE T. NOWOCZIN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Rowe

 

[1]     L’appelant interjette appel d’une cotisation d’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1999 et 2001. Dans le calcul de son revenu pour ces années, l’appelant n’a pas tenu compte du revenu tiré de la vente de deux maisons qu’il avait construites au 1967 Englemann Court (le « 1967 Englemann ») et au 1933 Englemann Court (le « 1933 Englemann ») – toutes deux à Kamloops (Colombie‑Britannique). Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi la cotisation en tenant compte du fait que les bénéfices réalisés à la vente du 1967 Englemann, en 1999, constituaient un revenu d’entreprise, et il a ajouté un montant de 41 503 $ au revenu de l’appelant pour cette année d’imposition. En 2001, l’appelant a vendu le 1933 Englemann, et le ministre a ajouté 41 794 $ au revenu de l’appelant pour cette année d’imposition. Le ministre avait accepté, pour l’année d’imposition 1999, des dépenses de 130 247 $ à l’égard du 1967 Englemann et, pour l’année d’imposition 2001, des dépenses de 126 206 $ à l’égard du 1933 Englemann. Le ministre a rejeté des dépenses d’entreprise de 21 710,08 $ et de 20 468,98 $ pour les années d’imposition 1999 et 2001 respectivement à l’égard de ces deux propriétés.

 

 

[2]     L’appelant soutient que chacune des deux maisons a été bâtie – et ensuite vendue – comme résidence principale et que les bénéfices réalisés ne l’ont pas été dans le cours normal d’une entreprise au sens de la  de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[3]     L’appelant interjette également appel d’une décision rendue par le ministre confirmant la cotisation de taxe sur les produits et services (la « TPS ») établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA »). Le ministre a décidé que l’appelant était un constructeur au sens du paragraphe 123(1) de la LTA et que, aux termes du paragraphe 191(1), il était réputé avoir effectué et reçu la fourniture taxable par vente et avoir payé comme acquéreur et perçu comme fournisseur la TPS relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande des immeubles d’habitation à logement unique du 1967 Englemann, du 1933 Englemann et du 1948 Englemann Court à la date la plus tardive où ces logements ont été terminés pour l’essentiel ou ont été occupés. Le ministre a ajouté dans la décision qu’il n’avait pas été établi que des montants additionnels avaient été engagés au cours de l’activité commerciale et que, par conséquent, conformément au paragraphe 169(1) de la LTA, les crédits additionnels de taxe sur les intrants (les « CTI ») n’étaient pas autorisés.

 

[4]     L’avocat de l’intimée et l’appelant ont convenu que les deux appels pouvaient être entendus sur preuve commune.

 

[5]     Blaine Nowoczin (prononcé Novajin) a expliqué dans son témoignage qu’il était charpentier autonome, habitant au 1948 Englemann Court (1948 Englemann), à Kamloops. Il y a près de quatre ans, il a appris que l’Agence des douanes et du revenu du Canada (l’« ADRC ») entreprenait une vérification de ses revenus pour les années d’imposition 1999 et 2001. Il a demandé les conseils d’un comptable et présenté son avis d’opposition et, ultérieurement, un avis d’appel. Il a également eu des entretiens avec deux vérificateurs et un agent des appels. Il a affirmé que sa position, dès le départ, était qu’aucun montant ne devait être ajouté à son revenu pour les années d’imposition en question. Se reportant à la réponse à l’avis d’appel (la « réponse »), M. Nowoczin a reconnu que les hypothèses du ministre, aux alinéas suivants du paragraphe 14, étaient fondées :

 

                   [traduction]

a)         l’appelant est un charpentier qui a de l’expérience en construction résidentielle et qui a travaillé pendant plusieurs années comme monteur de charpente pour D & R Framing;

 

b)         D & R Framing faisait des travaux de charpente et construisait des fondations pour d’autres constructeurs;

 

c)         le père de l’appelant a également de l’expérience en construction résidentielle et travaille comme contremaître pour Cluny Construction;

 

d)         du 31 janvier 1994 au 15 mars 2002, l’appelant a acheté successivement quatre lots résidentiels à Kamloops (Colombie-Britannique) et a construit une maison sur chacun d’eux, comme il est expliqué à l’annexe A jointe à la présente réponse;

 

e)         du 20 juin 1997 au 15 mars 2002, l’appelant a construit trois des quatre maisons dans la même rue d’un nouveau lotissement à Kamloops, comme il est expliqué à l’annexe A jointe à la présente réponse;

 

f)          pour la construction des quatre maisons, l’appelant agissait à titre d’entrepreneur général;

 

[6]     L’appelant a admis l’hypothèse du ministre, à l’alinéa 14g), selon laquelle il s’était chargé de la charpente, des fondations, de la peinture, de la menuiserie dans les quatre maisons, mais non de la pose des bardeaux.

 

[7]     L’appelant a affirmé que les seules révisions qu’il voudrait apporter aux hypothèses, à l’annexe A, au sujet de la chronologie des faits concernant quatre biens immobiliers portent sur les dates d’occupation. Selon lui, il faut se fonder sur les dates des permis d’occupation délivrés après inspection par la Ville de Kamloops. Toujours selon lui, la bonne date, pour le 1948 Englemann, est le 13 février 1998, et non le 31 décembre 1997, comme le ministre le présume. La date du permis d’occupation du 1933 Englemann est le 30 novembre 1999 plutôt que le 31 octobre 1999, date employée par le ministre. Selon l’appelant, le permis d’occupation du 1948 Englemann – où il habite actuellement – n’a été délivré que le 15 septembre 2002, et la date du 15 mars 2002 utilisée par le ministre est erronée.

 

[8]     L’appelant a affirmé que le seul prêt hypothécaire de cinq ans qu’il a obtenu avait été contracté pour la maison du 2424 Oak Hills Boulevard (2424 Oak Hills), à Kamloops, où il a habité pendant environ 16 mois. À la vente de cette maison, il a dû acquitter une pénalité de 1482 $ pour se libérer de ce prêt, mais la Banque Royale a ultérieurement annulé cette pénalité en la lui remboursant intégralement lorsqu’il a contracté un nouveau prêt hypothécaire pour la maison du 1967 Englemann au même taux d’intérêt et pour la même période d’amortissement. Les paiements étaient un peu plus élevés que ceux du prêt précédent, celui du 2424 Oak Hills, parce que l’impôt foncier était plus élevé. M. Nowoczin a dit qu’il ne s’était pas aperçu, lorsqu’il avait acheté le terrain du 2424 Oak Hills avec sa femme, Carole King, à quel point le secteur était animé. À la rupture du mariage, l’appelant s’est remarié ; lui et sa nouvelle épouse ont une fille, née en février 1996. Il a décidé de vendre le 2424 Oak Hills, la première maison qu’il avait construite lui-même, et le titre de propriété a été cédé à l’acheteur le 13 juin 1997. Il a acheté le terrain du 1967 Englemann le 20 juin 1997 et a entrepris la construction le 22 août 1997. Lui et sa famille ont déménagé dans une maison en rangée louée en attendant que la nouvelle maison du 1967 Englemann soit prête. Il s’agissait d’une maison de trois niveaux comptant 1695 pieds carrés au rez‑de‑chaussée et à l’étage, ainsi qu’un sous-sol partiellement aménagé. La maison a été mise en vente le 28 juillet 1998, et une offre a été acceptée le 11 mars 1999, après quoi le titre a été transféré le 3 mai 1999. M. Nowoczin a précisé que le prix initial demandé pour la maison était de 189 900 $, mais qu’elle avait été vendue 171 750 $. Le 3 mai 1999, il a acheté un terrain au 1933 Englemann, après avoir conclu la vente du 1967 Englemann. Il y a construit une maison, dont le permis d’occupation a été délivré le 30 novembre 1999. L’appelant et sa famille ont vécu à cette adresse jusqu’au 29 août 2001. La maison a été mise en vente le 26 avril 2001, à 174 900 $, et une offre d’achat de 168 000 $ a été acceptée le 24 juillet 2001. Le 31 août 2001, l’appelant a conclu l’achat du terrain du 1948 Englemann, où il a ensuite construit une maison. Lui et sa famille y habitent toujours. Pendant la période de construction, ils ont vécu dans un logement loué, où ils sont restés jusqu’à ce que le permis d’occupation de la nouvelle maison soit délivré, le 17 septembre 2002. Selon l’appelant, la date d’occupation utilisée par le ministre, le 15 mars 2002, est peut-être celle qui a été indiquée dans sa demande de remboursement de TPS. M. Nowoczin a expliqué que le secteur Englemann Court était l’un des nouveaux lotissements de Kamloops et qu’il avait acheté le 1967 Englemann, lot de forme irrégulière qui l’avait obligé à bâtir une maison sur deux niveaux plutôt qu’un bungalow, avec entrée au rez-de-chaussée. La maison du 1933 Englemann était moins spacieuse, avec 1398 pieds carrés, et elle était bâtie sur un terrain en pente, avec entrée au sous-sol. La maison du 1948 Englemann a une entrée de plain-pied et est plus petite, avec ses 1260 pieds carrés. Les trois maisons sont situées dans le même pâté de maisons, dans le lotissement. M. Nowoczin a précisé que la maison du 1933 Englemann avait un escalier de 14 marches entre l’entrée et le salon, ce qui présentait une difficulté pour son jeune frère handicapé, qu’il fallait porter lorsqu’il venait en visite. Au cours des années d’imposition frappées d’appel, l’appelant était employé comme charpentier et touchait des prestations d’assurance-chômage lorsqu’il était provisoirement sans travail. Il ne possédait pas de numéro de TPS, puisqu’il était au service de la D & R Framing jusqu’à ce qu’il devienne travailleur autonome, en octobre 2004. L’appelant a dit qu’il y avait 55 maisons dans le lotissement qui englobe Englemann Court, dont 50 ont été bâties par le promoteur. Le prix des lots était trop élevé pour intéresser d’autres constructeurs de la région, dont 17 avaient participé à la construction de 58 maisons dans l’autre partie du lotissement, Aberdeen. En moyenne, le prix des maisons d’Aberdeen était environ 30 000 $ plus élevé que celui des maisons d’Englemann Court ou des trois autres rues du même lotissement. Les trois maisons d’Englemann avaient été financées par des prêts hypothécaires classiques, car la mise de fond avait été de 25 % dans chaque cas, ce qui correspondait à la valeur du terrain, et chacune avait été enregistrée au seul nom de l’appelant. Celui-ci, qui a 41 ans, a dit qu’il avait commencé à travailler comme manœuvre sur les chantiers de construction, après quoi il était devenu charpentier, métier qu’il a exercé pendant 20 ans. Selon lui, nul besoin d’être un génie pour bâtir une maison, car les établissements de prêts fournissent de la documentation afin d’aider leurs clients qui veulent agir comme entrepreneur général dans la construction de leur maison. Dans chaque cas, l’appelant s’était chargé des fondations et de la charpente, et il avait fait appel à divers corps de métier pour accomplir les travaux nécessaires. À diverses étapes de la construction, la banque prêteuse faisait des évaluations avant de débloquer des fonds du prêt hypothécaire. Au cours de la construction de l’une des maisons, la banque a préféré accorder une ligne de crédit à l’appelant pour réduire le nombre de prélèvements sur les fonds hypothécaires fondés sur des évaluations dont l’appelant devait assumer les coûts. La maison où l’appelant habite actuellement, au 1948 Englemann, comptait trois chambres au départ, mais des rénovations en ont éliminé une. Selon M. Nowoczin, les réaménagements rendront la maison plus difficile à vendre. Il estime qu’elle vaut maintenant environ 300 000 $. Il ne reste plus de terrains vacants, ni à Englemann Court, ni à Aberdeen. L’appelant a dit que, pendant sa carrière de charpentier, il avait connu des périodes où il y avait peu de travail dans la construction des fondations et la charpente, que tout dépendait des conditions météorologiques. En travaillant seul, il mettait environ un mois à bâtir la charpente d’une maison; il suffisait de deux semaines s’il embauchait une équipe. À Kamloops, contrairement à d’autres villes de la Colombie‑Britannique, il n’y avait pas des centaines de maisons qui se construisaient à peu près au même moment; souvent, au cours d’une période donnée, on n’en construisait que quelques-unes. M. Nowoczin avait fait des recherches et constaté que, entre janvier 1997 et août 2001, les entreprises de construction avaient bâti 116 maisons à Aberdeen, car il s’agissait du lotissement le plus récent, et c’est là que s’était concentré le gros du travail de construction. Il n’habitait que depuis un an au 1933 Englemann lorsque d’autres maisons ont été bâties, lui bloquant la vue. Il n’avait pas prévu ce problème, attribuable au fait que les nouvelles maisons d’en face avaient été bâties sur un niveau plus élevé. L’appelant a déposé comme pièce A‑1 une feuille comprenant deux photographies, celle du haut montrant le terrain vacant du 1933 Englemann et celle du bas représentant la rue, vue depuis l’allée de sa maison. Il a également déposé comme pièce A‑2 une feuille de trois photographies prises depuis l’arrière-cour. Les deux premières montrent où se trouve la maison du voisin, par rapport à la maison de l’appelant, et la troisième a été prise depuis la terrasse de ce voisin, d’où on a une vue plongeante sur l’arrière-cour de l’appelant.

 

[9]     L’avocat de l’intimée a contre-interrogé l’appelant. M. Nowoczin a confirmé qu’il avait construit trois maisons à Englemann Court entre 1997 et 2001, et qu’il habitait celle du 1948 Englemann. Il a convenu que la photographie, pièce R‑1, présentait avec exactitude la vue de la maison du voisin depuis sa propre arrière-cour. Il a déclaré qu’il savait comment construire des charpentes et des fondations pour bâtir ses propres maisons, mais qu’il ne s’y connaissait pas dans le reste du travail de construction. Son père était contremaître en construction, mais, mis à part l’installation du revêtement de sol dans une maison, il n’avait pas beaucoup aidé pendant la période en cause. L’avocat a déposé comme pièce R‑2 un cahier intitulé [traduction] « Cahier de documents de l’intimée », onglets 1 à 30 inclusivement. M. Nowoczin a dit qu’étant donné son divorce, il avait détenu le titre des quatre maisons à son seul nom et n’avait pas ajouté le nom de sa femme, Cynthia, au titre du 1948 Englemann, résidence actuelle du couple. Il ne s’est jamais préoccupé des questions de TPS relatives à la vente des maisons du 1967 Englemann et du 1933 Englemann. Il n’était pas au courant d’une restriction au sujet du financement assuré, selon laquelle il devrait attendre 12 mois avant qu’un acheteur puisse avoir droit à l’assurance fournie par la Société canadienne d’hypothèques et de logement. L’avocat a soutenu que le contribuable aurait pu faire appel à un marché plus vaste et obtenir un avantage concurrentiel en permettant que ses maisons soient achetées par des personnes qui faisaient un versement initial de 10 % seulement. L’appelant a convenu que cela aurait pu être le cas, s’il avait été au courant de cette possibilité. L’avocat renvoie M. Nowoczin à une lettre, onglet 10, écrite pour lui par Michael Parker, comptable agréé chez KPMG Chartered Accountants, à Shane Jarvie, vérificateur à l’ADRC. Dans cette lettre, il rejette l’idée que les bénéfices réalisés grâce à la vente des maisons d’Englemann sont analogues à ceux tirés d’un projet à risque de caractère commercial. La question de la vente du 2424 Oak Hills a également été abordée. Une explication a été avancée : lorsque l’appelant a acquis la part de son ancienne conjointe, en mai 1994, il s’agissait d’un lot vacant que le couple avait acheté en février de la même année. La lettre donnait des détails sur les pénalités à l’égard de l’hypothèque et les frais de quittance, 1728,05 $ au total, découlant de la vente de la résidence du 2424 Oak Hills, et sur des paiements ultérieurs de 1645,79 $ et de 1474 $ pour la quittance des prêts hypothécaires sur les maisons du 1967 Englemann et du 1933 Englemann, respectivement. Il a également été signalé que le prêt sur la maison de 1933 Englemann était plus facilement gérable – les remboursements étant de 75 $ dollars de moins aux deux semaines – que celui du 1967 Englemann. M. Nowoczin a dit que le travail était sporadique et qu’il ne tirait pas de revenus d’un emploi; pour diverses raisons, il avait donc décidé de vendre le 1933 Englemann et d’acheter un lot vacant, au 1948 Englemann. Il ne voulait pas louer un logement pendant une longue période car il souhait rester sur le marché résidentiel. À cette époque-là, il avait constaté qu’il devenait de plus en plus difficile de porter son frère handicapé dans l’escalier parce que celui-ci avait alors 12 ans et avait pris du poids. Sa femme, sa mère ou son père étaient incapables de porter le garçon dans l’escalier pour l’amener dans le salon. L’appelant n’avait pas pris conscience de l’ampleur du problème au moment de la construction, mais la difficulté devenait plus évidente avec le temps. L’avocat signale des notes dactylographiées, onglet 15, de Shane Jarvie sur une entrevue avec l’appelant, le 21 septembre 2003. D’après M. Jarvie, l’appelant avait expliqué qu’il avait vendu la maison du 1967 Englemann parce qu’il était à découvert à la banque et n’avait plus les moyens de garder cette maison, même si les paiements hypothécaires n’étaient pas très lourds. Selon les notes, M. Nowoczin avait expliqué à M. Jarvie que la maison du 1933 Englemann avait été vendue à cause de problèmes de respect de l’intimité, même si le couple aimait le secteur. L’appelant a expliqué qu’il avait apporté à cette rencontre une lettre expliquant le problème causé par l’escalier, mais qu’il s’était impatienté pendant la rencontre avec M. Jarvie et avait négligé de lui signaler ce point, même si la lettre a ensuite été remise à l’agent des appels. L’appelant a signalé trois [traduction] « feuilles de calcul sommaire des dépenses de construction », onglets 28, 29 et 30, qu’il avait remplies et produites avec ses demandes de remboursement de TPS pour les maisons du 1967 Englemann, du 1933 Englemann et du 1948 Englemann, respectivement. Il a convenu que toutes ces dépenses avaient été acceptées par le vérificateur, et qu’il avait remis d’autres feuilles, onglet  2, à Doug Tarbet, de l’ADRC, au sujet du 1933 Englemann. Sur ces feuilles, certains éléments étaient de simples estimations, mais des reçus ont été remis à M. Tarbet. L’avocat a renvoyé l’appelant à une copie de la [traduction] « déclaration de constructeur propriétaire et avis de divulgation », pièce R‑3, signée par l’appelant. Dans cette déclaration, l’appelant reconnaissait qu’à titre de constructeur propriétaire, il était responsable, personnellement et au moyen d’une assurance suffisante, de certaines questions de garantie de construction. L’appelant a dit qu’il n’avait pas souscrit d’assurance à cette fin et qu’il savait qu’un constructeur propriétaire n’était pas censé bâtir une autre maison dans les 18 mois suivants, mais que cette restriction avait commencé à s’appliquer en juillet 1999 et ne devait pas s’appliquer à la vente du 1967 Englemann, dont le titre a été cédé le 3 mai 1999. L’appelant a confirmé que les dates d’occupation utilisées par l’intimée à l’annexe A de la réponse ont été tirées de ses demandes de remboursement de TPS pour ces trois maisons d’Englemann. Il a précisé que sa famille avait emménagé au 1948 Englemann avant que la maison ne soit terminée, mais qu’il n’avait pas déménagé au 1967 Englemann ni au 1933 Englemann avant que l’intérieur des deux maisons ne soit achevé; il restait des travaux à faire à l’extérieur seulement. Il a réaffirmé que lui et sa famille n’avaient pas occupé le 1967 Englemann le 31 décembre 1997, comme le ministre le présumait, mais plutôt le 1er janvier 1998, ajoutant que cette différence d’une journée était importante et que les taux des prêts hypothécaires étaient bloqués seulement après la délivrance du permis d’occupation. Le déménagement au 1948 Englemann avait eu lieu avant que l’intérieur ne soit totalement terminé, parce que le propriétaire de la maison que la famille louait avait mis cette maison en vente. Selon M. Nowoczin, sa fille, née en 1996, se plaisait dans cette rue, tout comme lui-même et sa femme, parce que leurs amis habitaient sur Englemann Court. Pendant les périodes de construction, il fallait louer un lieu d’entreposage pour conserver des biens du ménage et des objets personnels pendant que la famille vivait dans un logement loué. Bien qu’il n’ait pas eu l’intention d’exploiter sa propre entreprise ni d’embaucher des employés, il a décidé de reprendre l’exploitation de D & R Framing lorsque le propriétaire précédent a pris sa retraite, en octobre 2004. Selon lui, la conjoncture générale et la rentabilité du secteur de la construction résidentielle se sont beaucoup améliorées depuis, et les prix des maisons ont subi une hausse marquée. Par exemple, la maison du 1967 Englemann s’est vendue récemment 370 000 $, alors que le propriétaire la lui avait payée 171 750 $ en mars 1999. L’appelant a reconnu qu’il avait commencé à construire les maisons du 1967 Englemann, du 1933 Englemann et du 1948 Englemann les 22 août 1997, 2 juillet 1999 et 7 octobre 2001, respectivement.

 

[10]    Marilyn Nowoczin a dit dans son témoignage qu’elle habitait à Kamloops et était la mère de l’appelant. Son plus jeune fils, né en 1985, souffre de spina bifida, si bien qu’il ne peut quitter son fauteuil roulant. Lorsque l’appelant et sa famille habitaient au 1933 Englemann, il était difficile de transporter son fils, assis dans un fauteuil roulant, dans l’escalier pour aller au salon et dans d’autres pièces. Elle souffre d’ostéoporose et son mari a des problèmes cardiaques. Autre difficulté, l’appelant pouvait à peine se servir d’un de ses bras pour soulever des charges lourdes. Le fils handicapé avait pris du poids avec l’âge, et son nouveau fauteuil roulant était aussi plus lourd. Il avait commencé à avoir peur lorsque plusieurs personnes devaient conjuguer leurs efforts pour le transporter dans l’escalier. Il fallait qu’une personne tire le fauteuil par l’avant pendant que deux autres personnes poussaient à l’arrière pour monter l’escalier, ce qui était dangereux. Au 1948 Englemann, où l’appelant et sa famille habitent maintenant, il n’y a que deux marches, et elles sont larges.

 

[11]    L’avocat de l’intimée a contre-interrogé Marilyn Nowoczin, qui a dit que, lorsque l’appelant préparait la construction de la maison du 1933 Englemann, lui et sa famille élargie n’avaient pas beaucoup réfléchi aux risques de problèmes d’accès aux pièces d’habitation qui pourraient se poser ultérieurement pour le frère handicapé.

 

[12]    Appelée à témoigner, Cynthia Nowoczin s’est présentée comme la femme de l’appelant. Elle travaille comme conseillère du service à la clientèle. Pendant la construction du 1967 Englemann, elle a pu participer aux travaux de peinture à l’intérieur, à la construction des fondations, aux travaux paysagers et à d’autres tâches habituellement exécutées par un ouvrier.

 

[13]    Contre-interrogée par l’avocat de l’intimée, Cynthia Nowoczin a dit que la fille du couple, Morgan, était née en février 1996. Morgan avait trois ans lorsque la famille a emménagé au 1933 Englemann et cinq ans lorsqu’elle s’est installée au 1948 Englemann. Selon la mère, la fille avait bien accepté les déménagements et s’était adaptée à la vie en logement loué pendant les travaux de construction; plusieurs voisines avaient proposé de la garder pendant qu’elle-même et son mari travaillaient à la construction des maisons. Morgan avait également fréquenté deux établissements différents d’éducation préscolaire. Cynthia Nowoczin a précisé que son mari et elle souhaitaient bâtir une maison de type ranch au 1967 Englemann, mais qu’ils avaient constaté que le terrain ne s’y prêtait pas. Ils avaient décidé de bâtir une maison avec rez-de-chaussée et étage. Elle a dit qu’elle avait accepté volontiers la décision de vendre cette maison et d’en construire une nouvelle au 1933 Englemann. Au départ, le problème de l’escalier, au 1933 Englemann, n’était pas grave, mais il l’était devenu au fur et à mesure que son beau-frère vieillissait et prenait du poids. L’escalier était également devenu peu commode pour elle et son mari, qui devaient l’emprunter pour s’acquitter des tâches ménagères courantes.

 

[14]    Doug Tarbet a expliqué dans son témoignage qu’il était au service de l’Agence du revenu du Canada (ARC) et qu’il était agent des appels depuis 11 ans. On lui avait confié la tâche d’examiner les objections présentées par l’appelant au sujet des cotisations établies par le ministre pour les années d’imposition 1999 et 2001. Dans une lettre du 8 octobre 2004, pièce A-1, onglet 3, M. Tarbet a informé l’appelant qu’il entendait confirmer la nouvelle cotisation d’impôt sur le revenu ainsi qu’une cotisation de TPS, car il estimait que l’appelant était engagé dans un projet à risque de caractère commercial, en ce qui concerne la construction et la vente des maisons du 1967 Englemann et du 1933 Englemann, et que les règles sur la fourniture à soi-même s’appliquaient aux fins de la TPS. Dans la lettre, il évoquait la possibilité que des frais additionnels de construction et des CTI aient pu ne pas être pris en compte, et il a invité l’appelant à produire des documents pour étayer ces dépenses. Lorsqu’il a reçu de l’appelant les feuilles de l’onglet 2, énumérant diverses dépenses, il n’a apporté aucun rajustement, car certains éléments avaient déjà été présentés dans la demande de remboursement de TPS pour nouveau logement et que d’autres éléments semblaient de nature personnelle. M. Tarbet a ajouté qu’il avait tenu compte du fait que l’appelant avait construit quatre maisons en peu de temps et qu’il était un charpentier d’expérience, connaissant bien l’industrie de la construction à Kamloops pendant les années d’imposition en cause.

 

[15]    Contre-interrogé par l’appelant, M. Tarbet a reconnu qu’il avait lui-même construit sa propre maison en 2000. Il a déclaré qu’il avait passé en revue le travail du vérificateur et adopté la position selon laquelle les coûts de l’assurance de construction et les intérêts étaient admissibles jusqu’à la date de l’occupation, établie d’après les avances sur prêt hypothécaire consenties par la banque. M. Tarbet a convenu qu’il avait confirmé les conclusions du vérificateur, y compris celles qui portaient sur la valeur des appareils ménagers.

 

[16]    L’appelant a soutenu qu’il avait fait la preuve que les cotisations établies par le ministre étaient inexactes, car les maisons d’Englemann n’avaient pas été construites et vendues dans le cadre d’une entreprise de construction et que les circonstances étaient telles qu’il n’avait pas été engagé dans un projet à risque de caractère commercial. Selon l’appelant, lui et sa famille ont habité au 1948 Englemann, et il avait construit cette maison pour leur usage, comme résidence, et il n’était pas un constructeur au sens de la LTA.

 

[17]    L’avocat de l’intimé a soutenu que l’appelant avait tiré un bénéfice de la vente de chacune des maisons d’Englemann et que ces bénéfices étaient imposables parce qu’il n’était pas raisonnable de conclure que l’appelant avait construit ces maisons seulement comme résidences familiales. Il a ajouté qu’il était illogique que l’appelant, dans sa position, construise la maison du 1933 Englemann alors que ce dernier ne travaillait que sporadiquement à l’époque et était dans une position précaire à la banque. L’avocat a signalé qu’il fallait tenir compte de l’intention secondaire, car la possibilité de revente devait être présente lorsque chacune de ces maisons a été construite.

 

[18]    Quant à la cotisation de TPS, l’avocat a soutenu que les faits étayaient la conclusion selon laquelle l’appelant était un constructeur au sens des dispositions pertinentes de la LTA. Conformément à ces dispositions, l’appelant devait, comme constructeur qui a par la suite occupé la maison, établir une autocotisation et réclamer les CTI conformément à la catégorie qui s’appliquait et qui était différente pour un constructeur et pour un constructeur propriétaire. L’avocat a convenu que, malgré le manque de documentation concernant les frais de construction et les dépenses connexes, la preuve donnait la possibilité d’accepter la déduction de dépenses supplémentaires du revenu pour les années d’imposition 1999 ou 2001, s’il était jugé que l’appelant était un constructeur. L’avocat a signalé le problème inhérent de l’acceptation de nouveaux CTI, aux fins de l’appel concernant la TPS, étant donné les restrictions imposées par le paragraphe 169(4) de la LTA et les dispositions réglementaires applicables.

 

[19]    Dans son avis de confirmation au sujet des années d’imposition 1999 et 2001 de l’appelant, le ministre a décidé que l’activité de l’appelant, qui consistait à acheter des biens immobiliers, à bâtir des maisons et à les vendre constituait une « entreprise » au sens du paragraphe 248(1) de la Loi, que les bénéfices tirés de la vente des maisons du 1967 Englemann et du 1933 Englemann constituaient un revenu au sens du paragraphe 9(1) et que, par conséquent, les montants correspondant aux bénéfices étaient englobés dans le revenu de l’appelant pour l’année d’imposition en cause, conformément à l’article 3 de la Loi.

 

[20]    Le paragraphe 248(1) de la Loi définit ainsi le terme « entreprise » :

 

« entreprise » Sont compris parmi les entreprises les professions, métiers, commerces, industries ou activités de quelque genre que ce soit et, sauf pour l’application de l’alinéa 18(2)c), de l’article 54.2, du paragraphe 95(1) et de l’alinéa 110.6(14)f), les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial, à l’exclusion toutefois d’une charge ou d’un emploi.

 

[21]    Dans la décision Genge c. Canada, [1996] A.C.I. no 549, le contribuable a interjeté appel d’une cotisation de TPS concernant la construction et la vente de deux maisons. Après avoir vécu avec sa femme et ses deux filles dans une maison en rangée louée à Maple Ridge, en 1990, le contribuable avait acheté un terrain 116A Avenue, dans la même ville, le 8 août 1991 et y avait construit une maison. Lui et sa famille y avaient emménagé le 1er décembre 1991, et il l’avait vendue le 2 mars 1992. La vente s’expliquait par le fait que le contribuable avait entendu parler d’un terrain à vendre à Pitt Meadows, municipalité où lui et sa famille avaient déjà habité et où ils se plaisaient parce qu’ils estimaient que c’était une petite localité convenant bien aux familles. Le terrain était situé à une rue de l’école et les enfants n’auraient pas à traverser des rues très passantes comme à Maple Ridge. Le 2 avril 1992, il avait acheté un terrain et construit une maison où il avait emménagé avec sa famille le 15 septembre 1992 ou vers cette date. La maison avait été vendue le 24 novembre 1992, et le contribuable et sa famille avaient loué une maison pendant six mois. Un autre lot avait été acheté le 20 mai 1993 115th Avenue, à Maple Ridge, et le contribuable, comme il l’avait fait pour les deux maisons précédentes, avait été son propre entrepreneur général pour la construction d’une autre maison, où sa famille habitait encore au moment de l’appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt. Dans son témoignage, le contribuable a dit que lui et sa famille avaient eu l’intention de demeurer dans leur maison de Pitt Meadows parce qu’ils avaient là un beau terrain situé dans une impasse tranquille et peu passante. Toutefois, peu après l’emménagement, d’autres maisons comportant un logement au sous-sol s’étaient construites dans la même impasse ; il s’est avéré que deux familles habitaient dans chacune de ces nouvelles maisons, ce qui donnait lieu à des problèmes de congestion et de bruit comme ceux qu’ils avaient tenté de fuir lorsqu’ils habitaient dans une maison en rangée louée, avant de bâtir leur première maison. Il avait fait fabriquer un écriteau annonçant que la maison était à vendre, et elle a été achetée environ un mois plus tard. Pendant la période visée, le contribuable travaillait dans le bâtiment comme charpentier. Il avait utilisé le même mode de financement pour les trois maisons.

 

[22]    Dans ses motifs de jugement de l’affaire Genge (précitée), le juge Christie a écrit ce qui suit aux paragraphes 18 à 21 inclusivement :

[18] En ce qui concerne les locaux qui ont été construits sur la première propriété de Maple Ridge (la première maison) et ceux qui ont été construits sur la propriété de Pitt Meadows (la deuxième maison), il s’agit principalement de déterminer si l’appelant était constructeur d’un immeuble d’habitation au sens du paragraphe 123(1) de la Loi, ce qui soulève d’autre part la question de savoir si l’appelant a réalisé, lui-même ou par un intermédiaire, la construction des première et deuxième maisons dans le cadre d’un projet à risques de caractère commercial.

[19] L’expression « projet à risques de caractère commercial » a fait l’objet de nombreux litiges fondés sur la Loi de l’impôt sur le revenu et nombreux sont les jugements qui ont été publiés à ce sujet. À mon avis, il convient de se servir de ces jugements comme lignes directrices pour régler les appels portant sur l’obligation établie à l’égard de la TPS aux termes de la Loi.

[20] La Cour suprême du Canada a statué il y a longtemps qu’une seule opération portant acquisition et disposition d’un bien peut constituer un projet à risques de caractère commercial. Il s’agit d’une question de fait devant être tranchée dans chaque cas : M.N.R. v. Freud, 68 D.T.C. 5279, à la p. 5281. Le fait que l’appelant se soit pendant de nombreuses années occupé de la construction de maisons en sa qualité de monteur de charpente et que, pendant les périodes en cause ici, il ait gagné sa vie en exerçant ce métier indiquent qu’il s’agit d’un projet à risques de caractère commercial. Cela n’est toutefois pas nécessairement concluant. Il s’agit simplement d’un facteur qu’il faut apprécier avec tous les autres éléments de preuve pertinents : O & M Investments Ltd. v. M.N.R., 85 D.T.C. 535 (C.C.I.), à la p. 537; Sardo v. The Queen, 88 D.T.C. 6464 (C.F. 1re inst.), à la p. 6468.

[21] L’avocat de l’intimée s’est fondé sur ce qui est parfois appelé la doctrine de l’intention secondaire [voir plus loin à ce sujet la note 5]. Voici ce qui est dit au sujet de cette doctrine dans la décision Jordan v. M.N.R., 85 D.T.C. 482 (C.C.I.), à la p. 485 :

 

Ce concept semble avoir été mis de l’avant dans le jugement Bayridge Estates Ltd. v. M.N.R., 59 D.T.C. 1098, rendu par le juge Thurlow (c’était son titre à l’époque). Dans cette affaire, l’appelante avait été constituée en société en 1951. Au cours de la première année d’exploitation, elle avait acheté et revendu des terrains non bâtis et elle avait déclaré les bénéfices à titre de revenus commerciaux. En août 1952, elle avait acheté une autre parcelle de terrain non bâti dans l’intention d’y construire un motel et une station-service et de les exploiter à titre d’investissement. L’appelante, qui n’avait pas réussi à réunir les fonds nécessaires pour financer le projet, avait vendu le terrain en juin 1953 avec un bénéfice substantiel. Elle a prétendu sans succès que ce bénéfice constituait un gain en capital non imposable. Le juge Thurlow a fait le commentaire suivant aux pages 1101 et 1102 :

 

            [TRADUCTION]

 

            En l’espèce, la preuve administrée laisse à penser, selon moi, que la propriété a été achetée dans l’intention générale de la mettre à profit. Pour ce faire, les administrateurs avaient décidé d’y construire un motel et une station-service si les fonds nécessaires pour réaliser ce projet pouvaient être réunis facilement. C’est pour cette raison qu’ils ont refusé les premières offres d’achat de la propriété. Cependant, si ces fonds ne pouvaient être facilement réunis, ils avaient l’intention de mettre en valeur la propriété pour en tirer un profit par tous les moyens, et selon moi, la vente de la propriété n’était pas exclue. Les administrateurs avaient acheté cette propriété en s’appuyant sur leurs propres connaissances en matière immobilière sans consulter un évaluateur indépendant. Ils avaient engagé la plus grande partie des ressources financières de leur société pour une propriété improductive mais vendable. Je suis loin d’être persuadé que des hommes de leur expérience et de leur habilité [sic] auraient agi ainsi en vue de construire un motel et une station-service sans avoir auparavant réuni les fonds nécessaires pour financer ce projet sans avoir à l’esprit la solution de rechange la plus évidente pour mettre à profit la propriété. Malgré leur optimisme, la possibilité, sinon la probabilité, de ne pas obtenir le prêt nécessaire devait, selon moi, avoir traversé leur esprit. Le sort du premier projet entrepris par l’appelante aurait dû, à lui seul, suggérer tant la nécessité de prévoir une solution de rechange que l’existence de cette solution qui a d’ailleurs été adoptée moins d’un an après l’achat de la propriété. À mon avis, il n’est pas indifférent que cette solution ait été l’unique solution considérée et qu’elle ait été jugée comme étant la seule chose à faire. Selon moi, la vente à profit de la propriété constituait l’un des buts visés par l’achat de la propriété et c’est en réalisant cet objectif, lorsqu’il devint évident qu’il n’était plus possible d’atteindre le but choisi que le profit en question a été réalisé. Par conséquent, il s’agissait d’un bénéfice réalisé dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise et dans l’exécution d’un projet à but lucratif. La cotisation a donc été établie à bon droit.

 

            Dans le jugement Regal Heights Ltd. v. M.N.R., 60 D.T.C. 1041, l’appelante avait aussi soutenu en vain que le bénéfice réalisé par suite de la vente du terrain constituait un gain en capital non imposable. Aux fins du présent appel, les faits pertinents sont exposés dans le sommaire du jugement dont voici un extrait :

 

     [TRADUCTION]

 

     La société fermée appelante a été formée en 1954 et a acquis l’actif d’une société de personnes dont les quatre associés sont devenus les seuls actionnaires de la nouvelle société. La société de personnes avait acheté un terrain d’environ 40 acres à Calgary en vue d’y construire un centre d’achat et d’en retirer un revenu de location. Des démarches ont été faites auprès de plusieurs importants organismes de commerce de détail mais aucun engagement définitif n’a pu être obtenu. Lorsqu’on a appris que Simpson-Sears avait décidé de construire un centre d’achat à quelque deux milles de l’emplacement choisi par la société, il a été décidé d’en disposer et de liquider la société. Le terrain a été revendu avec bénéfice en trois grandes parcelles en 1954 et 1955. En établissant la cotisation, le ministre a considéré que ce profit constituait un revenu pour la société.

 

En rejetant l’appel, le juge Dumoulin a fait les remarques suivantes à la page 1044 :

 

[TRADUCTION]

 

Les faits sont tels qu’avant même de tenter de résoudre les questions de droit soulevées en l’espèce, il est de mon devoir de dire que MM. Cohen, Raber et Belzberg ont fourni dans leur déposition de très bonnes preuves pour appuyer la réserve insérée à l’alinéa 5b) de l’avis d’appel, dont voici un passage :

 

[...] La société de personnes avait pour objet de promouvoir et de construire un centre d’achat à des fins d’investissement. Pour ce faire, il avait été décidé qu’il serait nécessaire d’abord d’obtenir la participation d’un important magasin à rayons qui constituerait le noyau central du centre d’achat.

 

            Je veux bien admettre qu’il s’agissait là de l’objet premier et prépondérant. En revanche, n’existait-il pas une solution de rechange, qu’il était impossible de ne pas envisager, à savoir la disposition avec bénéfice du terrain, si les attentes principales ne se réalisaient pas, comme il a été jugé récemment, par exemple, dans le jugement Fogel v. M.N.R., [1959] C.T.C. 227, [1959] Ex. C.R. 363 [59 D.T.C. 1182], et plus particulièrement encore dans l’affaire Bayridge Estates Limited v. M.N.R., [1959] C.T.C. 158, [1959] Ex. C.R. 248 [59 D.T.C. 1098]. 

 

Le juge poursuit à la page 1045 :

 

[TRADUCTION]

 

Le but premier exclut-il nécessairement le but secondaire ou accessoire servant de solution de rechange si un événement imprévisible devait faire échouer le projet? Des hommes aussi compétents et expérimentés que ceux-ci ne pouvaient ignorer qu’ils avaient une deuxième corde à leur arc, c’est-à-dire qu’ils pouvaient disposer avec profit de la propriété si le projet du centre d’achat ne se réalisait pas. L’opinion contraire peut difficilement être soutenue.

 

L’appel formé devant la Cour suprême du Canada (60 D.T.C. 1270) a été rejeté. En prononçant le jugement de la majorité, le juge Judson a déclaré ce qui suit à la page 1272 :

 

            [TRADUCTION]

 

Sans doute, le but premier de l’acquisition par les associés de ces propriétés était l’établissement d’un centre d’achat. C’est ce que le savant juge de première instance a conclu également. Cependant, il n’a pas manqué de décider aussi que leur intention était d’en disposer à profit s’ils n’arrivaient pas à réaliser leur objectif premier. L’appelante conteste la deuxième conclusion sur laquelle est fondé l’assujettissement à l’impôt du profit à titre de revenu. Le ministre, au contraire, soutient que cette conclusion est aussi solide et valable que la première et que les promoteurs avaient cette intention secondaire depuis le début.

            […] Tous les efforts déployés étaient de nature promotionnelle. L’établissement d’un centre d’achat régional dépend toujours de la négociation d’un bail avec un magasin à rayons important. La preuve administrée n’établit pas que les dirigeants de ces magasins aient fait plus qu’écouter les promoteurs. Et, naturellement, rien ne prouve que ces derniers aient eu l’intention de construire le centre d’achat quelle que soit l’issue des négociations. Il n’a pas été établi non plus que ces promoteurs aient été assurés à l’époque où ils ont entrepris ce projet comportant un risque qu’ils réussiraient à intéresser un tel magasin à rayons. Leur projet était purement spéculatif. S’il échouait, la propriété demeurait une propriété de valeur, comme l’a démontré le produit de la vente conclue par eux. De nombreux éléments de preuve soutiennent la conclusion du savant juge de première instance selon laquelle il s’agissait d’un projet comportant un risque de nature commerciale, d’une spéculation sur terrain à bâtir. Ces promoteurs destinaient le terrain à une fin précise mais ils n’ont pas réussi à réaliser leur projet. Ils l’ont ensuite revendu en réalisant un bénéfice substantiel. Ce profit est, à mon avis, un revenu et il est imposable.

 

[23]    Traitant de la notion qu’on a fini par désigner comme la doctrine de l’intention secondaire, le juge Christie écrit – près de la fin du paragraphe 21 et en poursuivant au paragraphe suivant :

 

À ma connaissance, le meilleur exposé sur la signification et l’application du concept de « l’intention secondaire » est le passage suivant tiré de la décision rendue par le juge Noël dans l’affaire Racine et al. v. M.N.R., 65 D.T.C. 5098, à la page 5103 :

 

En examinant cette question de savoir si les appelants avaient, au moment de l’acquisition, ce que l’on a parfois appelé une « intention secondaire » de revendre cette entreprise commerciale si les circonstances s’y prêtaient, il est important de considérer ce que cette notion doit comporter. Il n’est pas, en effet, suffisant de trouver seulement que si un acquéreur s’était au moment de l’acquisition arrêté pour y penser, il serait obligé d’admettre que si à la suite de son acquisition une offre attrayante lui était faite il revendrait car toute personne achetant une maison pour sa famille, une peinture pour sa maison, de la machinerie pour son commerce ou un bâtiment pour sa manufacture serait obligée d’admettre, si cette personne était honnête et que la transaction n’était pas exclusivement basée sur une question de sentiment, que si on lui offrait un prix suffisamment élevé à un moment quelconque après l’acquisition, elle revendrait. Il appert donc que le seul fait qu’une personne achetant une propriété dans le but de l’utiliser à titre de capital pourrait être induite à la revendre si un prix suffisamment élevé lui était offert n’est pas suffisant pour changer une acquisition de capital en une initiative d’une nature ou caractère commercial. Ce n’est pas en effet ce que l’on doit entendre par une « intention secondaire » si l’on veut utiliser cette phraséologie.

 

Pour donner à une transaction qui comporte l’acquisition d’un capital le double caractère d’être aussi en même temps une initiative d’une nature commerciale, l’acquéreur doit avoir, au moment de l’acquisition, dans son esprit, la possibilité de revendre comme motif qui le pousse à faire cette acquisition; c’est-à-dire qu’il doit avoir dans son esprit l’idée que si certaines circonstances surviennent il a des espoirs de pouvoir la revendre à profit au lieu d’utiliser la chose acquise pour des fins de capital. D’une façon générale, une décision qu’une telle motivation existe devrait être basée sur des inférences découlant des circonstances qui entourent la transaction plutôt que d’une preuve directe de ce que l’acquéreur avait en tête.

 

[22] Dans l’arrêt Crystal Glass Ltd. v. The Queen, 89 D.T.C. 5143, le juge Mahoney, qui parlait au nom de la Cour, a dit ceci : « L’intention secondaire exige non seulement l’idée de vendre avec profit mais aussi la perspective qu’une telle vente constitue un motif déterminant de l’acquisition du bien en immobilisation. »

 

[24]    Pour parvenir à sa décision, le juge Christie a analysé les faits et le droit applicable, aux paragraphes 22 à 27 inclusivement :

 

[22] Dans l’arrêt Crystal Glass Ltd. v. The Queen, 89 D.T.C. 5143, le juge Mahoney, qui parlait au nom de la Cour, a dit ceci : « L’intention secondaire exige non seulement l’idée de vendre avec profit mais aussi la perspective qu’une telle vente constitue un motif déterminant de l’acquisition du bien en immobilisation. »

[23] Ce qui est arrivé à l’égard de la première maison peut être considéré comme se rapprochant de la ligne de démarcation entre l’assujettissement et le non-assujettissement à la taxe. Toutefois, compte tenu de la preuve dans son ensemble et selon la prépondérance des probabilités, je suis convaincu que l’acquisition du lot et les travaux de construction qui ont suivi n’ont pas été faits dans le cadre d’un projet à risques de caractère commercial. Par conséquent, l’appelant a gain de cause sur ce point.

[24] D’autre part, si j’applique la même norme à l’ensemble de la preuve, je suis convaincu que le motif déterminant, en ce qui concerne l’acquisition du lot situé au 12366, promenade Lehman, Pitt Meadows, et la construction de la maison, était la perspective de vendre la propriété en réalisant un bénéfice, de sorte que l’appelant était un constructeur au sens du paragraphe 123(1) de la Loi. Par conséquent, aux termes du paragraphe 191(1), l’appelant était réputé, puisqu’il était le premier particulier à occuper la deuxième maison après l’achèvement en grande partie des travaux, avoir effectué et reçu, le jour où l’immeuble a été occupé, une fourniture taxable par vente de l’immeuble. Il était également réputé avoir payé à titre d’acquéreur et perçu à titre de fournisseur, le jour où l’immeuble a été occupé, la taxe, calculée sur la juste valeur marchande de l’immeuble ce jour-là.

[25] Il s’agit en dernier lieu de déterminer si le paragraphe 191(5) de la Loi a pour effet de libérer l’appelant de l’obligation qui lui incombe aux termes du paragraphe 191(1). Ces deux dispositions doivent être interprétées ensemble et avec la définition de « constructeur » figurant au paragraphe 123(1). Si elles sont ainsi interprétées, je ne crois pas qu’il soit possible de dire que le paragraphe 191(5) vise à libérer l’appelant de l’obligation de payer la taxe lorsqu’il a fait précisément ce qui crée l’obligation aux termes du paragraphe 191(1). Je répète que l’obligation a été créée aux termes du paragraphe 191(1) le jour où l’appelant a été le premier particulier à occuper la deuxième maison à titre résidentiel après l’achèvement en grande partie des travaux. Cette obligation peut-elle être annulée aux termes du paragraphe 191(5) du fait que, après la fin des travaux, l’immeuble a servi principalement de résidence principale à l’appelant? Si l’on répondait à cette question par l’affirmative, le résultat serait incongru.

[26] J’ai déjà mentionné que l’acquisition de la deuxième propriété et les travaux de construction y afférents constituaient un projet à risques de caractère commercial. Le projet à risques était en cours lorsque cette propriété a été acquise le 21 avril 1992 et a continué à exister jusqu’au moment de la vente de la propriété, soit le 24 novembre 1992. Entre le moment où elle a été construite et celui où elle a servi de résidence à l’appelant, la maison était principalement utilisée comme un bien susceptible de faire l’objet d’une disposition dans le cadre d’un projet à risques de caractère commercial, de sorte que le paragraphe 191(5) ne s’applique pas. Je crois que cette conclusion est conforme aux motifs de jugement que mon collègue le juge Beaubier a prononcés dans la décision Strumecki v. The Queen, [1996] A.C.I. no 266.

[27] L’appel est accueilli à l’égard de la première maison et rejeté à l’égard de la deuxième.

 

[25]    Dans l’arrêt Happy Valley Farms Ltd. c. M.R.N., [1986] A.C.F. no 465, l’affaire dont était saisi le juge Rouleau, de la Division d’appel de la Cour fédérale du Canada, consistait à établir si le bénéfice tiré de la vente de 400 acres de terres agricoles constituait un gain en capital, comme le contribuable l’affirmait, ou un revenu d’entreprise, selon la cotisation établie par le ministre. Selon le contribuable, les terres avaient été acquises pour exploitation agricole et pour ses loisirs et ceux de sa famille. Les éléments de preuve révélaient que le contribuable avait fait 17 opérations semblables en huit ans et que son activité principale était l’aménagement de biens immobiliers pour revente. Le juge Rouleau a conclu que le ministre avait eu raison de considérer le bénéfice réalisé à la vente comme un revenu d’entreprise. Pour parvenir à cette décision, le juge Rouleau a tenu compte de la jurisprudence citée à partir de la page 4 des motifs du jugement :

 

Depuis que l’impôt sur le revenu a été introduit au Canada, l’expression « un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial » figurant dans la définition générale du terme « entreprise », dans le paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, a fait l’objet de nombreux arrêts. Selon la disposition législative en question, le terme « entreprise ou affaire » comprend une profession, un métier, un commerce, une manufacture ou une activité de quelque genre que ce soit et comprend « un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial mais ne comprend pas une charge ni un emploi ». L’examen le plus complet de l’expression « projet comportant un risque de caractère commercial » se trouve dans l’arrêt Minister of National Revenue v. Taylor, (1956) CTC 189 (C. de l’Éch.), dans lequel la Cour a énoncé un certain nombre de critères devant s’appliquer afin de déterminer dans quels cas une opération qui ne constitue pas en soi un commerce ou une entreprise peut être considérée comme « un projet comportant un risque ou une affaire à caractère commercial ». La décision montre clairement que dans des cas de ce genre, il s’agit de savoir si le bien a ou non été acquis par le contribuable à titre d’investissement. Dans la négative, tout gain retiré par le contribuable par suite de la vente du bien est imposable à titre de revenu. Pour déterminer si un bien a été acquis à titre d’investissement, il faut tenir compte de tous les faits de l’affaire en cause, de la probabilité qu’un revenu soit tiré du bien sans qu’il soit nécessaire de revendre celui-ci et de la ressemblance de l’opération en question avec une opération commerciale.

 

Plusieurs critères, dont un bon nombre sont semblables à ceux qui ont été énoncés par la Cour dans l’arrêt Taylor, ont été utilisés par les tribunaux afin de déterminer si un gain constitue un revenu ou s’il est imputable au capital. Mentionnons, entre autres choses, les critères suivants :

 

1. La nature du bien qui est vendu. Presque tous les biens, quels qu’ils soient, peuvent être acquis pour qu’on en fasse le commerce, mais certains genres de bien, comme les produits manufacturés, qui sont en général commercialisés seulement, font rarement l’objet d’un investissement. Il y a plus de chances pour qu’un bien qui ne rapporte à son propriétaire aucun revenu ou qui ne lui procure aucune satisfaction personnelle du simple fait qu’il lui appartient soit acquis afin d’être vendu que le bien qui rapporte pareille [sic] revenu ou procure pareille satisfaction.

 

2. La durée de la possession. En règle générale, les biens destinés à faire l’objet d’un commerce sont convertis en espèces peu de temps après avoir été acquis. Néanmoins, il existe de nombreuses exceptions à cette règle générale.

 

3. La fréquence ou le nombre d’opérations similaires effectuées par le contribuable. Si des biens d’une catégorie particulière ont été vendus à maintes reprises pendant un certain nombre d’années ou si plusieurs ventes ont eu lieu vers la même époque, on peut présumer qu’il s’agissait d’opérations commerciales.

 

4. Les améliorations faites sur le bien converti en espèces ou se rapportant à pareil bien. Si le contribuable s’efforce de mettre le bien dans un état qui lui permettre [sic] de le vendre plus facilement pendant qu’il en est propriétaire, ou s’il fait un effort particulier afin de trouver ou d’attirer des acheteurs (par exemple, en ouvrant un bureau ou en faisant de la publicité), la chose tend à prouver l’existence d’une opération commerciale.

 

5. Les circonstances qui ont entraîné la vente du bien. Il peut exister certaines explications, comme un cas urgent ou une occasion nécessitant de l’argent en espèces, qui feront qu’il sera impossible de conclure que le bien a initialement été acquis à des fins commerciales.

 

6. Le motif. Dans tous les cas de ce genre, le motif du contribuable est toujours pertinent. L’intention au moment de l’acquisition d’un bien, déduite à partir des circonstances et de la preuve directe, constitue l’un des éléments les plus importants aux fins de la détermination de la question de savoir si un gain constitue un revenu ou s’il est imputable au capital.

 

Tous les facteurs précités ont été examinés par les tribunaux, mais c’est le dernier facteur, soit le motif ou l’intention, qui a été le plus étudié. Ce facteur, en plus de l’examen du comportement du contribuable dans son ensemble lorsqu’il avait le bien en sa possession, constitue ce qui, en fin de compte, influe sur la conclusion de la Cour.

 

[26]    Après s’être reporté à la décision du juge Noël dans l’affaire Racine et al, précitée, le juge Rouleau a poursuivi en ces termes :

 

Dans l’arrêt Armstrong c. La Reine, (1985) 2 CTC 179 (C.F. 1re inst.), j’ai eu l’occasion d’examiner le critère de l’« intention secondaire » énoncé par le juge Noël dans l’arrêt Racine. Comme je l’ai souligné dans l’arrêt Armstrong, la notion d’intention secondaire n’existe nulle part dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Dans l’arrêt Hiwako Investments Limited c. La Reine, 78 DTC 6281 (C.A.F.), le juge en chef de la Cour fédérale a déclaré, à la p. 6285, que l’expression « intention secondaire » :

 

[...] ce terme se rapporte tout au plus à une méthode pratique pour résoudre certaines questions découlant des « affaires commerciales » mais il ne représente aucune catégorie juridique. Les trois principales, sinon les seules, sources de revenus sont les entreprises, les biens et les charges et emplois (article 3). Sauf de très rares exceptions, un bénéfice réalisé sur l’achat et la revente d’un bien doit avoir sa source dans une « entreprise » au sens de l’article 139 (soit le paragraphe 248(1) actuel).

 

[27]    Quant à la nécessité d’étudier les circonstances propres à chaque cas, le juge Rouleau a fait les réflexions suivantes, à la p. 6 :

 

Un autre critère élaboré dans les arrêts est la fréquence d’opérations similaires effectuées par le contribuable. Le profit tiré d’une opération isolée peut ou non être jugé imposable, mais un grand nombre d’opérations similaires mèneront généralement à la conclusion qu’un contribuable exploite une entreprise. De plus, l’espace de temps pendant lequel un bien est possédé est une indication, car il est présumé que plus le contribuable conserve le bien longtemps, plus il est probable qu’il s’agisse d’un investissement.

 

[28]    Pour en revenir aux faits en cause dans les appels, il ne faut pas oublier que la première maison construite par l’appelant au 2424 Oak Hills n’a donné lieu à aucune cotisation d’impôt sur le revenu. Dans le même ordre d’idées, il importe de reconnaître que l’appelant habite toujours avec sa famille au 1948 Englemann, dans la maison qu’il a commencé à bâtir le 7 octobre 2001 et qu’il a commencé à habiter le 15 septembre 2002, conformément au permis délivré par la Ville de Kamloops, bien que la date d’occupation du 15 mars 2002 figure dans la demande de remboursement de la TPS pour habitation présentée par l’appelant.

 

[29]    Il vaut la peine d’étudier les faits à la lumière des critères énoncés dans l’arrêt Taylor dont il est question ci-dessus dans des citations du jugement rendu par le juge Rouleau dans Happy Valley.

 

1.         Il s’agit dans les deux cas de biens résidentiels, et ils ne peuvent être utilisés qu’à cette fin.

 

2.       Pour ce qui est de la durée de la possession, le lot du 1967 Englemann a été acheté le 20 juin 1997. L’appelant a emménagé le 1er janvier 1998 dans la maison qui y a été construite. La maison, mise en vente le 28 juillet 1998, n’a trouvé preneur que le 11 mars 1999, et le prix de vente a été de 171 750 $, soit un prix inférieur de plus de 10 % à celui demandé au départ, c’est-à-dire 189 900 $. Le lot du 1933 Englemann a été acheté le 3 mai 1999, le jour même où le titre du 1967 Englemann a été cédé à l’acheteur. La construction de la maison du 1933 Englemann a débuté le 2 juillet 1999, et l’emménagement a eu lieu après la délivrance, le 30 novembre 1999, d’un permis d’occupation accordé après inspection. La maison a été mise en vente le 26 avril 2001, soit 17 mois plus tard, à un prix de 174 900 $; une offre de 168 000 $ a été acceptée le 24 juillet 2001, et le titre a été cédé le même jour.

 

3.       Si on fait abstraction de l’opération visant le 2424 Oak Hills et si on tient compte de la constante inhérente à l’occupation durable du 1948 Englemann par l’appelant, la nature et la fréquence des opérations sont beaucoup moins frappantes et ne sont pas aussi significatives qu’elles l’ont semblé au ministre, qui a considéré les quatre maisons, au total, se succédant comme autant de réalisations analogues à celles d’une entreprise entre janvier 1996 et mars 2002.

 

4.       Les maisons en cause d’Englemann ont été construites par l’appelant sur des lots vacants qu’il avait achetés, et rien ne prouve qu’il ait fait de la publicité ni déployé des efforts de nature commerciale pour attirer des acheteurs, ni adopté à l’égard de ces maisons un comportement différent de celui qu’on attend chez tout propriétaire qui met sa résidence en vente.

 

5.       Les circonstances qui ont entouré la vente du 1967 Englemann peuvent ne pas sembler particulièrement convaincantes pour quelqu’un de l’extérieur, mais, du point de vue subjectif de l’appelant et de sa famille, à ce moment‑là, la maison était trop grande, elle était mal adaptée au terrain et devenait trop coûteuse. À cause de l’aménagement ultérieur des lots voisins et des maisons qui y ont été construites, l’appelant et sa famille se sont retrouvés entourés de maisons situées à un niveau plus élevé, comme le montrent les photographies déposées en preuve. Il a été décidé de vendre la maison et d’acheter un autre lot sur Englemann Court. On ne sait pas vraiment ce que c’est que de vivre dans une maison avant d’y avoir vécu un certain temps. Il faut parfois plusieurs mois, voire un ou deux ans, avant de prendre conscience des aspects négatifs, puis il suffit que quelques autres raisons s’ajoutent pour que le seuil critique soit atteint et que la maison soit mise sur le marché. L’explication avancée pour justifier la vente du 1933 Englemann a un fondement plus solide, plus objectif, soit les problèmes d’accès pour les visites du frère handicapé de l’appelant. On comprend sans mal que porter le frère en fauteuil roulant dans l’escalier ne semblait pas difficile en théorie, mais, le garçon devenant plus lourd et la capacité de ses parents de le porter diminuant à cause de problèmes de santé, le problème s’est aggravé au point qu’il fallait faire quelque chose. L’appelant a vendu cette maison et lui et sa famille ont déménagé dans un logement loué jusqu’à la fin de la construction de la maison du 1948 Englemann.

 

6.       Il ne fait pas de doute que le motif de l’appelant, lorsqu’il a acheté chacun des lots, a toujours été d’y construire une maison pour y habiter avec sa femme et sa fille.

 

[30]    Il importe de se demander si les circonstances révélées par la preuve donnent lieu à l’application de la doctrine de l’intention secondaire. Pour que ce soit le cas, la perspective d’une revente avec bénéfice doit avoir été un motif déterminant d’achat qui existait au moment de l’acquisition. L’existence d’un pareil motif est dans chaque cas une question de fait qu’il faut établir depuis une étude raisonnable et objective l’ensemble de la preuve. Dans les appels en cause, je ne trouve de la part de l’appelant aucune activité qui corresponde à l’intention d’acheter ces lots d’Englemann et d’y construire des maisons pour les revendre avec bénéfice, même s’il s’agissait d’une lointaine arrière-pensée de l’appelant, comme plan de rechange. Chaque lot était situé dans un lotissement résidentiel qui était au centre de l’activité dans une ville où, à l’époque, l’industrie de la construction résidentielle n’était pas particulièrement robuste ou stable. L’appelant a construit les maisons d’Englemann et a vécu au 1967 et au 1933 Englemann pendant des périodes variables qui n’ont pas été extrêmement brèves, compte tenu de la situation et des facteurs ultérieurs qui ont motivé la revente. Le financement de ces deux maisons était de nature classique, en ce sens que l’appelant avait un avoir propre évalué à 25 % et que les prêts hypothécaires étaient de durée fixe. Il a dû accepter une pénalité et payer des frais pour se libérer de ses obligations aux termes de ces prêts. Le fait que la banque lui a remboursé ces frais lorsqu’il est resté client et qu’il a obtenu un nouveau financement sous forme de ligne de crédit puis un autre prêt hypothécaire n’est pas anormal, compte tenu des pratiques bancaires modernes d’un secteur concurrentiel.

 

[31]    Lorsqu’ils ont étudié les circonstances, les divers agents de l’ADRC ont tenu compte de la construction de quatre maisons – et de la vente subséquente de trois d’entre elles – entre 1996 et 2001. En scrutant les faits de plus près, ils ont remarqué ça et là des indices qui correspondaient à un refrain persistant et convaincant qui évoquait un projet comportant un risque de caractère commercial. Toutefois, il m’a été donné d’observer l’appelant et ses témoins s’exprimer devant la Cour. L’appelant a été un témoin d’une très grande crédibilité et il a livré sa version des faits de façon directe, sans les enjoliver ni les commenter sous couvert d’un témoignage. Sa position à cet égard a été cohérente en tout temps, et il a admis qu’il avait perdu patience en traitant avec un des vérificateurs et n’avait pas divulgué des éléments d’information importants au sujet de la vente du 1933 Englemann jusqu’à ce qu’il communique avec M. Tarbet, l’agent des appels. L’appelant a été charpentier pendant 20 ans, et il ne s’est pas engagé dans les affaires avant d’assumer la responsabilité d’exploiter, à titre de propriétaire, l’entreprise D & R Framing, pour laquelle il avait travaillé comme charpentier et employé. Il a trouvé difficile la transition entre le rôle d’employé et celui de propriétaire-exploitant, mais il a été aidé par l’expansion non prévue de l’industrie de la construction résidentielle depuis trois ans, croissance attribuable dans une grande mesure à un secteur immobilier surchauffé dans la majeure partie de la Colombie‑Britannique, y compris à Kamloops. Il faut éviter de regarder les choses par le mauvais bout de la lorgnette. En 1999 et en 2001, Kamloops n’était pas un grand centre d’activité immobilière par le nombre de ventes et d’achats. La hausse imprévue et extravagante du prix des maisons dans l’ensemble de la Colombie‑Britannique et à Kamloops n’était pas raisonnablement prévisible pour l’appelant au moment de l’achat des lots d’Englemann ni à quelque autre moment par la suite. Il a cédé les deux maisons à un prix inférieur à celui demandé au départ, et la maison du 1967 Englemann est restée sur le marché pendant près de neuf mois après la mise en vente. Il a versé à des agents immobiliers des montants de 5500 $ et de 5906 $ respectivement pour la vente des maisons du 1967 et du 1933 Englemann. Les circonstances de ces opérations ont été normales, conformes à ce qu’on attend lorsqu’un propriétaire ordinaire décide de se départir de sa maison et d’en acquérir une autre. L’appelant a admis au cours de son témoignage qu’il n’avait pas bien saisi les problèmes posés par la configuration du lot du 1967 Englemann et qu’il avait bâti une maison trop grande pour les besoins de sa famille. Le problème de l’escalier du 1933 Englemann n’a pas été envisagé dans le bon contexte au moment de la construction, et il est certain qu’il n’a pas dû donner lieu à une grande réflexion lorsque le terrain a été acheté. Les circonstances – et les gens – changent avec le temps, et des décisions diverses peuvent être prises à tel ou tel moment à la lumière des différents facteurs qui semblent importants sur le coup.

 

[32]    En tenant compte de la preuve et de la jurisprudence qui s’applique, je suis convaincu que l’appelant n’était pas engagé dans un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial au sens du paragraphe 248(1) de la Loi. Par conséquent, les appels en matière d’impôt sur le revenu sont accueillis, et les cotisations établies pour chacune des années d’imposition sont renvoyées au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en fonction des faits suivants :

 

1999 : le montant de 41 503 $ qui a été ajouté au revenu doit être supprimé.

2001 : le montant de 41 794 $ qui a été ajouté au revenu doit être supprimé.

 

Appel portant sur la TPS :

 

[33]    L’avis de décision délivré par le ministre a confirmé une cotisation de TPS à l’égard des fournitures calculées selon la juste valeur marchande des immeubles d’habitation à logement unique du 1967 Englemann, du 1933 Englemann et du 1948 Englemann. Selon la position du ministre, l’appelant était un constructeur au sens du paragraphe 123(1) de la LTA, et le paragraphe 191(1) de cette même loi exigeait que, après avoir emménagé dans ces logements, l’appelant établisse une autocotisation et demande les CTI qui s’appliquaient.

 

[34]    La partie pertinente du paragraphe 123(1) de la LTA est la suivante :

 

« constructeur » Est constructeur d’un immeuble d’habitation [...] la personne qui, selon le cas :

 

a) réalise, elle-même ou par un intermédiaire, à un moment où elle a un droit sur l’immeuble sur lequel l’immeuble d’habitation est situé :

(iii) […] la construction [...] de l’immeuble d’habitation.

 

                        N’est pas un constructeur :

f) le particulier visé (à l’alinéa) a) [...] qui, en dehors du cadre d’une entreprise, d’un projet à risques ou d’une affaire de caractère commercial :

(i) soit construit ou fait construire l’immeuble d’habitation [...]

 

[35]    Le paragraphe 123(1) de la LTA contient d’autres définitions importantes :

 

« entreprise » Sont compris parmi les entreprises les commerces, les industries, les professions et toutes affaires quelconques avec ou sans but lucratif, ainsi que les activités exercées de façon régulière ou continue qui comportent la fourniture de biens par bail, licence ou accord semblable. En sont exclus les charges et les emplois.

 

[36]    Il ressort de la preuve que l’appelant n’exerçait pas les activités d’un constructeur au sens courant. Il était employé au service d’une entreprise de charpente et, pendant ses loisirs ou ses périodes de chômage, il avait bâti trois maisons pour lui-même et sa famille. Il n’y a eu aucun signe d’un comportement raisonnablement associé à celui d’une personne qui se livre à une activité commerciale de construction résidentielle. Par conséquent, il ne pourrait être considéré comme un constructeur, dans l’appel ici en cause au sujet de la TPS, que si son activité pendant la période visée permettait de le qualifier de constructeur parce qu’il était engagé dans un projet comportant un risque ou des affaires de caractère commercial à l’égard de la construction de ces maisons. Pour les motifs déjà exposés relativement aux appels concernant l’impôt sur le revenu, je conclus qu’il n’était pas engagé dans un tel projet ni dans de telles affaires et qu’il n’était pas un constructeur au sens du paragraphe 123(1) de la LTA.

 

[37]    L’appel est accueilli, et la cotisation de TPS no 12261001946 du 17 février est annulée par les présentes.

 

[38]    L’appelant a droit aux dépens, que j’établis à 400 $.

 

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 21e jour de mai 2007.

 

 

 

 

 

« D.W. Rowe »

Juge Rowe

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour d’octobre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


Référence :                                  2007CCI275

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2005-1582(GST)I, 2005-1583(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              BLAINE T. NOWOCZIN ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Kamloops (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 20 février 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 21 mai 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

 

Avocat de l’intimée :

MDavid Everett

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

 

                            Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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