Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Dossier : 2003-1208(IT)I

ENTRE :

JAMES W. CHAMBERS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 24 juillet 2003 à Nanaimo (Colombie-Britannique)

 

Devant : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocate de l’intimée :

Me Selena Sit

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2001 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 


Signé à Sidney, Colombie-Britannique, ce 5e jour de février 2004.

 

 

 

« D.W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour d’avril 2005.

 

 

 

Colette Dupuis-Beaulne, traductrice


 

 

 

Référence : 2004TCC115

Date : 20040205

Dossier : 2003-1208(IT)I

ENTRE :

JAMES W. CHAMBERS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Rowe

 

[1]     L’appelant interjette appel d’une cotisation de l’impôt sur le revenu concernant l’année d’imposition 2001. Bien qu’il ait accordé un crédit d’impôt pour certains frais médicaux, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a rejeté des frais médicaux d’un montant de 6 662 $ représentant l’achat d’herbes, de vitamines et de produits et substances provenant d’une clinique  exploitée par le

Dr  Chan – un naturopathe – et d’autres substances naturelles achetées dans une clinique d’acupuncture et de produits de santé naturels exploitée par le Dr Elke.

 

[2]     L’appelant a dit dans son témoignage qu’il est retraité et qu’il réside à Nanaimo en Colombie-Britannique. Il a dit à la Cour que le montant de 1 142 $ payé à un acupuncteur n’était plus une question en litige dans le cadre du présent appel. En 1989, l’appelant souffrait d’angine de poitrine et il a été informé par son médecin qu’il devait s’attendre à subir une angioplastie et un pontage. Pour éviter ces interventions, l’appelant a opté pour un traitement par chélation en tant que partie intégrante d’un plan de traitement exigeant de suivre un régime de vitamines et de suppléments diététiques. Par la suite, lorsqu’un cancer a été diagnostiqué chez l’appelant, celui-ci s’est vu prescrire d’autres vitamines qu’il devait prendre tout en suivant une radiothérapie dans un centre anticancéreux. L’appelant recevait des soins du Dr Chan, un naturopathe qui exerçait à Vancouver. Les vitamines et les suppléments prescrits et fournis par le Dr Chan n’étaient disponibles nulle part ailleurs et, plus tard, ils étaient commandés chaque mois par téléphone du bureau du Dr Chan. L’appelant a mentionné que le ministre a accordé à titre de frais médicaux un montant de 172,53 $ représentant la partie « honoraires » de la séance de traitement, mais qu’il a rejeté la totalité des frais d’achat d’herbes prescrites. L’appelant a mentionné qu’il avait entendu parler de la thérapie par chélation lors de ses vacances en Arizona et qu’il avait ensuite trouvé à Nanaimo une clinique – exploitée par le Dr Cline – offrant ce genre de traitement. En 2000, le ministre a accordé un crédit d’impôt pour les frais de dix traitements par chélation, mais il a rejeté les frais d’achat des vitamines prises par l’appelant au cours de la thérapie. L’appelant a déclaré qu’il a présenté la prescription à un dispensaire dans la même clinique et qu’un reçu lui a été délivré pour chaque achat effectué. À ce moment-là, les produits n’avaient pas de numéro d’identification assigné. L’appelant a produit une lettre – pièce A-1 – reçue de Greg Candy, un pharmacien détenteur d’un permis d’exercice qui exploite une entreprise connue sous le nom de Clinical Nutrition. L’appelant a photocopié tous les reçus et les a transmis à l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), accompagnés d’une lettre du Dr Cline et d’une lettre de Greg Candy. L’appelant a produit, en tant que pièce A-2 – un paquet de reçus – signés (principalement) par Mme Moss – et par une autre personne qui travaille à Clinical Nutrition – attestant le paiement pour les vitamines préemballées que l’appelant achetait régulièrement. Le pharmacien, Greg Candy, n’était jamais à la clinique au moment de ces opérations.

 

[3]     Au cours du contre-interrogatoire, l’appelant a dit que le Dr Chan lui avait fourni les herbes directement, dont certaines ont été consommées à son bureau de Vancouver. Un cancer de la prostate et de la vessie chez l’appelant avait été diagnostiqué, qui était traité à l’aide de la radiothérapie et de certaines herbes, dont une petite partie était consommée à la clinique du Dr Chan, mais le reste était consommé à la résidence de l’appelant à Nanaimo.

 

[4]     Gregory Candy  a indiqué dans son témoignage qu’il réside à Duncan et que, en tant que pharmacien détenteur d’un permis d’exercice dans la province de la Colombie-Britannique, il travaille à temps plein à Shoppers Drug Mart. Sa femme et lui-même exploitent l’entreprise Clinical Nutrition (une société à numéro), qui fournit  des suppléments médicaux et minéraux, principalement aux patients du Dr Cline. Cette entreprise n’étant pas une pharmacie, M. Candy a indiqué qu’il ne travaille pas là-bas, même s’il y va de temps en temps. Quand is se rend à Clinical Nutrition, ce n’est pas à titre de pharmacien. M. Candy a indiqué qu’en 1997, le Dr Cline avait établi une clinique de thérapie par chélation mais qu’à cause de certains règlements, il ne lui avait pas été possible de vendre directement des vitamines et des suppléments à ses patients. En conséquence, M. Candy a démarré une entreprise en vue de fournir les vitamines et les suppléments prescrits par le Dr Cline. Avant de démarrer l’entreprise Clinical Nutrition, M. Candy avait obtenu la confirmation du College of pharmacists of British Columbia le « College » qu’il pouvait confier à un employé la tâche de signer les reçus pour les produits vendus par l’entreprise. En 2001, M. Candy a déclaré que sa signature ne figurait sur aucun reçu délivré aux clients de Clinical Nutrition et que l’entreprise était exploitée par May Ross, une personne extrêmement compétente dans ce domaine. M. Candy a indiqué à titre d’exemple que, même à Shoppers Drug Mart, si un médecin prescrivait une marque particulière d’écran solaire, le titulaire de l’ordonnance devait normalement se rendre à l’étagère où se trouvait le produit, le prendre et l’apporter (avec l’ordonnance) au point de paiement pour le payer, avec d’autres articles ou non, et obtenir du caissier un reçu. En 2001, M. Candy a déclaré que Clinical Nutrition tenait un dossier distinct pour chaque client qui achetait un produit du magasin, même si aucun numéro d’identification de produit ne figurait sur le reçu  délivré à l’acheteur. Actuellement, les reçus délivrés aux clients contiennent le nom de M. Candy, sa signature, et le numéro de permis délivré par le College.

 

[5]     À la fin du témoignage, j’ai informé l’appelant que la Cour d’appel fédérale – dans l’affaire Dunn c. La Reine, [2002] A.C.F. no 1816 (QL) – avait statué qu’un médecin n’était pas pharmacien aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») et qu’en conséquence, les achats d’herbes et d’autres articles effectués directement auprès du Dr Chan ne pouvaient pas être considérés comme des frais médicaux admissibles. De plus, il n’y avait aucune preuve me permettant de déterminer la valeur des herbes consommées au bureau du Dr Chan. L’appelant a indiqué à la Cour que ce montant était négligeable par rapport au coût global d’environ 3 800 $ relatif à l’achat d’herbes et d’autres suppléments spéciaux. J’ai aussi informé l’appelant que la demande de crédit relative au coût de lunettes ne pouvait pas être acceptée, parce que la dépense avait été imputée à la mauvaise année. J’ai informé l’appelant qu’une affaire pertinente de nature semblable – Ray c. Canada, [2002] A.C.I. no 500 (QL)faisait l’objet d’un appel devant la Cour d’appel fédérale et j’ai indiqué que les motifs de jugement qui seraient prononcés dans cette affaire serviraient de réponse à la question restante dans le présent appel, à savoir si les vitamines et les autres suppléments achetés chez Clinical Nutrition peuvent être considérés comme admissibles aux fins du crédit d’impôt pour frais médicaux. L’appelant a accepté d’attendre la décision de la Cour d’appel fédérale.

 

[6]     L’avocate de l’intimée a souscrit à cette approche.

 

[7]     Le 5 janvier 2004, la Cour d’appel fédérale a communiqué les motifs du jugement rendu dans l’arrêt  Ray c. Canada, [2004] A.C.F. no 1. La juge Sharlow, au nom de la Cour, a affirmé ce qui suit aux paragraphe 2 et suivants (cités-ce-dessous) de son jugement :

 

 

[2]        La demande de crédit d'impôt pour frais médicaux que Mme Ray a faite est fondée sur l'alinéa 118.2(2)n) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 qui est ainsi libellé :

 

(2) Pour l'application du paragraphe (1), les frais médicaux d'un particulier sont les frais payés :

(2) For the purposes of subsection 118.2(1), a medical expense of an individual is an amount paid

 

 

        [...]

          ...

 

 

n) pour les médicaments, les produits pharma­ceutiques et les autres préparations ou substances -- sauf s'ils sont déjà visés à l'alinéa k) -- qui sont, d'une part, fabriqués, vendus ou offerts pour servir au diagnostic, au traitement ou à la prévention d'une maladie, d'une affection, d'un état physique anormal ou de leurs symptômes ou en vue de rétablir, de corriger ou de modifier une fonction organique et, d'autre part, achetés afin d'être utilisés par le particulier, par son époux ou conjoint de fait ou par une personne à charge visée à l'alinéa a), sur ordonnance d'un médecin ou d'un dentiste, et enregistrés par un pharmacien [...]

(n) for drugs, medicaments or other preparations or substances (other than those described in paragraph 118.2(2)(k)) manufactured, sold or represented for use in the diagnosis, treatment or prevention of a disease, disorder, abnormal physical state, or the symptoms thereof or in restoring, correcting or modifying an organic function, purchased for use by the patient as prescribed by a medical practitioner or dentist and as recorded by a pharmacist ...

 

 

[3]        Le cÉur de la décision du juge de la Cour de l'impôt figure aux paragraphes 16, 17, 18 et 22 de ses motifs :

 

[16]      En l'espèce, les faits et la preuve établissent suffisamment que les produits en cause, soit les aliments organiques et l'eau en bouteilles, sont des « médicaments » entrant dans le cadre du paragraphe 118.2(2), car, sans ces produits, l'appelante ne pourrait être un membre apte et productif de la société. Pour citer le juge Teskey [Frank c. Canada, [2001] A.C.I. no 416 (QL)], je dirais au sujet des éléments en cause que l'appelante « en a besoin pour vivre ».

 

[17]      Quoi qu'il en soit, il est impossible que les médicaments en cause en l'espèce, prescrits par un médecin et achetés ailleurs que dans une pharmacie, soient enregistrés par un pharmacien. Cette impossibilité m'amène à conclure que l'exigence concernant un pharmacien n'est pas nécessaire dans le cas de produits prescrits par des médecins et qui guérissent réellement le patient et le rendent apte à vivre une vie normale de nouveau.

 

[18]      Pour revenir à la question posée par le juge Teskey dans l'affaire Frank quant à savoir « si je peux faire abstraction des termes "enregistrés par un pharmacien" », je répondrais « oui » à cette question. Je nuance cette réponse en disant qu'il ne peut en être ainsi que dans des circonstances très spéciales. [...]

 

 

 

[22]      À la question de savoir si je peux faire abstraction des termes « enregistrés par un pharmacien », j'ai répondu par l'affirmative, mais j'ai nuancé cette réponse. Plus précisément, la réserve que j'ai émise fait écho à ce que disait le juge Miller dans l'affaire Pagnotta [Pagnotta c. Canada, [2001] A.C.I. no 582, (QL)], au paragraphe 30, à savoir :

 

Je tiens à établir clairement que je ne veux pas ainsi inviter ouvertement les contribuables dont le mode de vie inclut un régime vitaminique à invoquer l'alinéa 118.2(2)n) pour obtenir un crédit en alléguant que les dépenses y afférentes constituent des frais médicaux. Cela se limite au rare cas d'un contribuable qui a de graves problèmes médicaux et qui cherche à obtenir un soulagement par divers traitements recommandés par un certain nombre de médecins.

 

[4]        La demande de contrôle judiciaire de la Couronne est fondée sur ce que le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur en interprétant l'expression « enregistrés par un pharmacien » figurant B l'alinéa 118.2(2)n). La Couronne soutient que ces motifs limitent la portée de l'alinéa 118.2(2)n) aux substances délivrées par un pharmacien selon la procédure prescrite par la loi pour les médicaments d'ordonnance, laquelle exige que certains documents soient rédigés. Si la Couronne a raison, Mme Ray n'a pas droit B l'allégement fiscal demandé parce que toutes les substances en cause ont été achetées en vente libre.

 

[8]     Au paragraphe 5, la juge Sharlow a souligné que la question juridique avait été étudiée un bon nombre de fois par la Cour de l’impôt et que, dans tous les cas, sauf dans l’affaire Ray, l’expression « enregistrés par un pharmacien » était considérée comme une partie essentielle de l’alinéa 118.2(2)n) de la Loi. Au paragraphe 6, la juge Sharlow poursuit comme suit :

 

[6]        La remarque incidente suivante, faite par le juge Rothstein au nom de la Cour dans l'arrêt Dunn c. Canada, [2002] A.C.F. no 1816 (QL), paragraphe 6, va également dans le même sens :

 

[6]        Bien qu’il ne soit pas nécessaire que nous tranchions la question, il semblerait que la raison pour laquelle les médicaments doivent être enregistrés par un pharmacien serait de restreindre le droit aux paiements que pour les médicaments qui ne sont disponibles que sur ordonnance seulement, contrairement aux produits grand public ou aux autres médicaments. Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu en l’espèce que les médicaments fournis n’étaient pas disponibles dans les pharmacies ou autres sources de fournitures médicales ordinaires et, après avoir examiné le dossier, il n’est pas clair pour nous que les médicaments prescrits étaient des médicaments sur ordonnance.

 

[9]     En ce qui a trait à la définition de l’expression « enregistrés par un pharmacien », la juge Sharlow a fait une analyse, présenté aux paragraphes 11 à 16 de ses motifs :

 

Sens des mots « enregistrés par un pharmacien »

 

[11]      À mon avis, le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur de droit lorsqu'il a conclu qu'on pouvait omettre de tenir compte des mots « enregistrés par un pharmacien » figurant à l'alinéa 118.2(2)n). Je comprends pourquoi le juge estimait que ces mots constituaient un obstacle injustifiable lorsqu'il s'agissait d'accorder un allégement fiscal à Mme Ray. Je sympathise, comme lui, à la situation dans laquelle se trouve Mme Ray. Toutefois, il n'est pas loisible à la présente cour, ou à la Cour de l'impôt, de ne pas tenir compte des exigences législatives imposées par le Parlement, même s'il est difficile de les justifier en principe. Il appartient uniquement au Parlement de déterminer si les mots « enregistrés par un pharmacien » devraient être supprimés de l'alinéa 118.2(2)n).

 

[12]      À mon avis, il est raisonnable d'inférer que l'exigence relative à l'enregistrement figurant à l'alinéa 118.2(2)n) vise à assurer qu'un allégement fiscal ne soit pas accordé pour le coût de médicaments achetés en vente libre. Il existe partout au Canada des lois qui régissent la pratique dans le domaine pharmaceutique. Les lois ne sont pas les mêmes dans chaque province et dans chaque territoire, mais elles comportent des éléments communs. En général, elles interdisent au pharmacien de délivrer certains médicaments sans ordonnance médicale et elles décrivent les documents qu'un pharmacien doit rédiger pour les médicaments d'ordonnance, y compris les renseignements qui identifient la personne qui prescrit le médicament et le patient. Il n'est pas établi que les pharmaciens, où que ce soit au Canada, soient obligés de rédiger pareils documents pour les substances ici en cause.

 

[13]      Je ne puis retenir la prétention selon laquelle, dans le cas d'un médicament qui est prescrit par un médecin, mais qui est acheté dans une pharmacie en vente libre, un reçu de caisse ou une facture du pharmacien constituerait un « enregistrement » suffisant pour satisfaire à l'exigence légale. Un document se présentant sous cette forme ne peut pas remplir la fonction apparente de l'exigence relative à l'enregistrement. Le pharmacien doit rédiger un document en sa qualité de pharmacien. Cela exclut nécessairement les substances, aussi utiles ou bénéfiques soient-elles, qui sont achetées en vente libre.

 

[14]      Je ne crois pas non plus qu'il soit pertinent, aux fins de l'interprétation de l'alinéa 118.2(2)n), qu'un médecin puisse délivrer des médicaments d'ordonnance, et même les vendre, sans enfreindre une loi applicable aux pharmaciens. Il semble qu'un patient qui achète des médicaments d'ordonnance auprès d'un médecin n'ait pas droit à un crédit d'impôt pour frais médicaux parce qu'il n'existerait aucun enregistrement effectué par un pharmacien : voir Dunn, précité. Certains peuvent estimer que cela constitue un résultat inéquitable ou inapproprié. C'est peut-être vrai, mais cela ne saurait justifier une interprétation de l'alinéa 118.2(2)n) qui ne tient pas compte des mots « enregistrés par un pharmacien ».

 

[15]      L'avocat de Mme Ray a cité les arrêts Gibson c. Canada, [2001] A.C.F. no 1758 (C.A.F.) (QL) et Hamilton c. Canada, [2002] A.C.F. no 422 (C.A.F. ) (QL), dans lesquels la présente cour a adopté une « interprétation humaine et compatissante » à l'égard des frais médicaux et des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu relatives au crédit d'impôt pour handicapés. Ces deux arrêts se rapportaient à des dispositions législatives qui, expressément ou par déduction nécessaire, exigeaient une détermination factuelle du point jusqu'auquel une personne était atteinte d'une maladie ou d'une déficience physique particulière. En l'espèce, le juge de la Cour de l'impôt a interprété l'alinéa 118.2(2)n) comme si l'application des mots « enregistrés par un pharmacien » figurant à la fin de cette disposition peut varier en fonction de la gravité de l'état du patient, de façon que si l'affection de celui-ci est suffisamment grave, les mots peuvent tout simplement disparaître. Il a en fait ajouté une condition non prévue à l'alinéa 118.2(2)n). Or, les arrêts Gibson et Hamilton ne commandent pas une telle approche.

 

Conclusion

 

[16]      Je conclus que Mme Ray n'a pas droit à un crédit d'impôt pour les 6 555 $ qu'elle a payés en 1999 afin d'acheter des vitamines, des herbes, des aliments biologiques et naturels et de l'eau en bouteille. La demande de contrôle judiciaire de la Couronne devrait être accueillie, le jugement de la Cour de l'impôt devrait être annulé et l'affaire devrait être renvoyée à la Cour de l'impôt pour que celle-ci rende jugement conformément aux présents motifs. Même si la Couronne a gain de cause, Mme Ray a droit aux frais de la demande conformément à l'article 18.25 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt.

 

[10]    Compte tenu des faits relatifs au présent appel, il est clair qu’aucun des produits achetés à Clinical Nutrition n’a nécessité l’intervention de Gregory Candy, agissant en sa capacité de pharmacien. M. Candy a clairement indiqué dans son témoignage que, lorsqu’il se présentait à la clinique, ce n’était pas à titre de pharmacien. Les produits qui ont été prescrits par le Dr Cline, qui exploite la clinique de thérapie par chélation, ont été achetés par les patients en vente libre dans le magasin – peut-être avec l’aide de la commis – et celle-ci a signé les reçus pour les produits vendus. Gregory Candy n’a signé aucun des reçus délivrés par son employée.

 

[11]    Avant la tenue de l’audience pour le présent appel, j’avais remis à plus tard le prononcé de ma décision dans le cadre d’un autre appel ‑ David Selent c. Sa Majesté la Reine – (Dossier 2002-857(IT)I), en attendant que soit rendu le jugement de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Ray, précitée. J’ai rédigé les motifs de jugement de l’affaire Selent juste avant de rédiger les motifs du présent appel, et j’ai déclaré ce qui suit aux paragraphes 13 et suivants :

 

[TRADUCTION]

 

Après avoir lu les motifs de la juge Sharlow, je peux conclure que la Cour avait l’intention de ne pas admettre – comme frais médicaux selon la disposition précise de la Loi en question – les substances qui peuvent être achetées en vente libre, et que le pharmacien doit tenir un registre « en sa qualité de pharmacien » conformément aux lois applicables régissant sa profession.

 

En ce qui concerne l’appel dont il est question ici, il est clair que la pharmacienne (Mme Gregory) n’avait pas délivré les substances dans le cadre de ses fonctions comme pharmacienne habilitée à délivrer des médicaments.  De plus, aucun des articles n’avait été fourni par une pharmacie autorisée. Ils avaient plutôt été achetés à la clinique de Mme Pincott, comme l’indiquaient les factures contenues dans les pièces A-4 et A-5. Rien dans les éléments de preuve ne vient démontrer que l’achat des substances prescrites par Mme Pincott nécessitait l’intervention d’un pharmacien agissant dans ses capacités professionnelles conformément aux lois de la Colombie-Britannique ou selon un code de déontologie établi par le College of Pharmacists of British Columbia, l’organe directeur de la profession de pharmacien.

 

Il est évident que l’appel ne peut pas être admis, étant donné que la décision de la Cour d’appel fédérale confirme que la disposition appropriée de la Loi considère la délivrance de médicaments et produits pharmaceutiques par un pharmacien dans le contexte du rôle défini et réglementé d’un pharmacien

 

En général, il pourrait peut-être y avoir admissibilité selon l’alinéa de la Loi dont il est question ici, dans une situation où un médecin prescrit un médicament, un produit pharmaceutique ou une autre préparation ou substance qu’on peut se procurer sans ordonnance d’un médecin, mais qui doit tout de même être délivré par un pharmacien ou une autre personne qualifiée – comme un technicien en pharmacie, embauché sous la supervision générale d’un pharmacien pour effectuer des tâches de nature technique liées à la délivrance de médicaments – parce que l’article se trouve dans l’espace de travail du pharmacien, soit derrière le comptoir, et n’est pas accessible au public. Dans un tel cas, le produit est toujours soumis au contrôle d’un pharmacien qui peut être obligé (selon l’éthique professionnelle) de s’enquérir de l’utilisation prévue du produit et, dans certains cas, de formuler des avertissements ou de fournir des instructions précises concernant l’utilisation du produit ou les précautions qui doivent être prises. Parmi les produits qui correspondent à cette description, notons les médicaments antidouleur contenant de la codéine, divers types d’inhalateurs, comme ceux qui sont utilisés pour contrôler les symptômes de l’asthme, les sirops contre la toux contenant de la codéine, et autres substances semblables qui ne sont pas offertes aux clients « en vente libre », dans le sens qui est couramment compris par n’importe quelle personne ayant déjà mis les pieds dans une pharmacie. Cependant, si un médecin prescrit un des produits auxquels l’accès est relativement limité à un de ses patients, la délivrance de la substance prescrite nécessite l’intervention d’un pharmacien (qui agit en sa qualité de pharmacien) et comprend la création du registre normal indiquant que l’ordonnance a été délivrée. Dans de telles circonstances, il semble raisonnable de s’attendre à ce que ce type d’achat puisse être compris dans les frais médicaux dans le calcul du crédit d’impôt, à condition que le pharmacien ait produit l’étiquette d’ordonnance d’usage pour l’article, comme s’il s’agissait d’un médicament ou d’une substance vendue seulement sur l’ordonnance d’un médecin. Dans certaines provinces ou certains territoires, il se peut que certaines substances (comme la quinine) puissent être délivrées seulement sous l’ordonnance d’un médecin, alors qu’ailleurs elles sont offertes directement au consommateur à la seule condition qu’elles doivent être conservées derrière le comptoir et délivrées au client conformément aux règles en vigueur dans la province ou le territoire en question.

 

Conformément aux motifs énoncés ci-dessus, l’appel est rejeté.

 

[12]    Pour revenir au présent appel, il est clair que l’appel ne peut être accueilli en raison des motifs exposés ci-dessus, et dans les motifs du jugement rendu dans l’affaire Selent, que j’adopte pour les fins du présent appel.

 

[13]    L’appel est donc rejeté.

 

Signé à Sidney, Colombie-Britannique, ce 5e jour de février 2004.

 

 

 

« D.W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour d’avril 2005.

 

 

 

Colette Dupuis-Beaulne, traductrice

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.