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Dossier : 2003-3651(EI)

ENTRE :

JACOB PETE,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 23 avril 2004 à Edmonton (Alberta)

 

Devant : L’honorable C.H. McArthur

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Arnold Goodman

 

Avocats de l’intimé :

Me Karen Wood et

Shaun Ung (étudiant en droit)

 

____________________________________________________________________

 

 

JUGEMENT

 

 

          L’appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance-emploi est rejeté et la décision du ministre du revenu national, concernant l’appel dont il a été saisi conformément à l’article  91 de cette Loi, est confirmée.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour d’août 2004.

 

"C.H. McArthur"

Juge McArthur

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour de mars 2005

 

 

 

Lucie Roberge, traductrice


 

 

 

Référence : 2004TCC559

Date : 20040816

Dossier : 2003-3651(EI)

ENTRE :

JACOB PETE,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge McArthur

 

[1]     Cet appel en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi est interjeté à l’encontre de la décision du ministre du Revenu national selon laquelle l’appelant a cumulé 588 heures d’emploi assurable entre le 6 mai et le 25 juillet (la Période) lorsqu’il travaillait pour la première nation Pehdzeh Ki (le Payeur). Au cours de l’audition de cet appel, l’intimé a concédé 172 autres heures, ce qui a porté à 760 le nombre total d’heures non contestées. En tant que « personne qui devient membre de la population active » et qui commence à participer au régime d’assurance-emploi, il fallait à l’appelant 910 heures d’emploi assurable au cours de sa « période de référence », soit du 6 janvier 2002 au 4 janvier 2003. L’appelant a soutenu qu’il avait accumulé plus de 910 heures d’emploi assurable.

 

[2]     L’appelant occupait le poste d’agent principal d’administration pour le Payeur, une bande autochtone des Territoires du Nord-Ouest comptant environ 200 membres. Il a été embauché avec effet au 1er mai 2002 par le chef du Payeur, Percy Hardisty. Trois mois et demi plus tard, le chef Hardisty a été remplacé par le chef  Lennie à la suite de ce qui a été décrit comme un coup d'État. À compter du 15 août 2002, l’appelant n’a plus été employé par le Payeur, puisque le chef Lennie a mis fin à son contrat et a embauché Mike Canadien pour le remplacer.

 

[3]     L’appelant et un ancien collègue, James Allan Smith, ont été les seuls témoins. Le témoignage de M. Smith a été très peu utile. L’appelant a soutenu qu’en plus des 760 heures d’emploi assurable, la preuve établissait qu’il avait travaillé les heures additionnelles suivantes :

 

Poste de directeur des services d’éducation (2001)

430 heures

Heures « normales » non rémunérées en mai

33,5 heures

Heures supplémentaires travaillées mais non rémunérées (6 mai au 25 juillet)

224 heures

Heures travaillées mais non rémunérées (septembre à décembre)

160 heures

 

Il faut déterminer si ces heures peuvent être incluses dans le nombre total d’heures d’emploi assurable pour la période pertinente. Les parties ont convenu que l’appelant était rémunéré à l’heure. Par conséquent, l’article 9 du Règlement sur l’assurance-emploi, établi en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, s’applique.

 

[4]     En plus des 760 heures, l’appelant soutient que les heures suivantes doivent être incluses :

 

(i)      Les heures pendant lesquelles il a travaillé comme directeur des services d’éducation en 2001 (430 heures) pour la première nation  Kwanlin Dun (aucun lien avec le Payeur);

(ii)      Les heures normales non rémunérées en mai 2002 lorsqu’il a attendu plusieurs jours pour un vol au départ d’Edmonton;

(iii)     Les heures supplémentaires travaillées mais non rémunérées entre le 6 mai et le 25 juillet 2002;

(iv)     Les heures travaillées mais non rémunérées de septembre à décembre  2002.

 

Je vais traiter de ces quatre observations dans l’ordre où elles sont présentées.

 

[5]     430 heures pour la première nation de Kwanlin Dun en 2001 : Il ne s’agit pas d’heures d’emploi assurable parce qu’elles ne font pas partie de la « période de référence » précisée par la loi. La période de référence est déterminée par les paragraphes 8(1) et 10(1) de la Loi sur lesquels ne porte pas le litige. En réalité, il s’agit de l’année civile 2002.

 

[6]     Les heures « normales » non rémunérées  en mai : Les parties ont convenu au procès que la date d’entrée en vigueur du contrat était le 1er mai. Le journal de l’appelant mentionne 33,5 heures travaillées entre le 1er et le 5 mai[1], mais son représentant a soutenu que le temps devrait être calculé en fonction de huit heures par jour pour 2,5 jours, soit 20 heures[2]. Ces heures n’ont pas été rémunérées, puisque son premier jour de travail rétribué a été le 6 mai lorsqu’il est arrivé dans les Territoires du Nord-Ouest[3]. Selon le Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations, les heures non rémunérées ne sont incluses dans les heures d’emploi assurable que si une plainte a été déposée à leur égard auprès de l’organisme fédéral ou provincial compétent[4]. La plainte déposée par l’appelant portait seulement sur les heures non rémunérées à partir du 26 juillet et sur les heures supplémentaires pendant toute la période d’application du contrat. Puisque la plainte déposée n’englobait pas les heures de mai 2002, celles-ci ne doivent pas être incluses dans le nombre total d’heures d’emploi assurable. Comme il a été déclaré, l’appelant a vu porter à son crédit les 172 heures visées par sa plainte.

 

[7]     Heures supplémentaires travaillées mais non rémunérées (6 mai au 25 juillet) : Les heures supplémentaires travaillées mais non rémunérées ne sont pas indiquées clairement dans la preuve. Pour les déterminer, il faut comparer le journal[5] de l’appelant avec les fiches de présence soumises par l’intimé.[6] D’après ces documents, la différence est d’environ 223,5 heures, qui représentent la quantité totale d’heures supplémentaires non rémunérées entre le 6 mai et le 25 juillet. Il faut déterminer si les heures supplémentaires non rémunérées constituent des « heures d’emploi assurable ». En vertu du Règlement sur l’assurance-emploi, lorsqu’une rémunération n’est pas versée pour l’un des motifs décrits au paragraphe 2(2) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations, le montant doit être inclus dans le calcul de la rémunération assurable[7]. Le paragraphe 2(2) de ce dernier règlement inclut dans le total de la rémunération assurable le montant qui n’a pas été versé en raison du non-paiement de rétribution à l’égard duquel la personne a déposé une plainte auprès de l’organisme fédéral ou provincial compétent. Les deux parties conviennent que cela a été fait. Cependant, le paragraphe 2(2) exclut de façon expresse « tout montant impayé qui se rapporte au temps supplémentaire ou qui aurait été versé en raison de la cessation de l’emploi. »

 

[8]     Le nombre d’heures supplémentaires non rémunérées travaillées par l’appelant n’est pas clair. La différence entre les parties est de 223 heures entre le 6 mai et le 25 juillet 2002. L’appelant a fondé son calcul sur ce qu’il a inscrit dans le journal qu’il a déposé comme preuve en tant que pièce A-14. L’intimé s’est fondé sur des fiches de présence soumises par l’employeur de l’appelant. De toute façon, il faut déterminer si les heures supplémentaires sont des « heures d’emploi assurable ». Les règlements sont d’une certaine utilité à cet égard.

 

[9]     Conformément à l’article 9.1 du Règlement sur l’assurance-emploi, l’appelant doit déterminer le nombre d’heures qu’il a effectivement travaillé et pour lesquelles il a été rétribué. L’article 9.2 prévoit ce qui suit:

 

9.2       Sous réserve de l’article 10, lorsque la totalité ou une partie de la rémunération d’une personne pour une période d’emploi assurable n’a pas été versée pour les raisons visées au paragraphe 2(2) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations, la personne est réputée avoir exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures qu’elle a effectivement travaillées durant cette période, qu’elle ait été ou non rétribuée.

 

Le paragraphe 2(2) du Règlement cité dans cet article se lit comme suit :

 

2(2)      Pour l’application de la présente partie, le total de la rémunération d’un assuré provenant d’un emploi assurable comprend la partie impayée de cette rémunération qui n’a pas été versée à cause de la faillite de l’employeur, de sa mise sous séquestre effective ou imminente ou d’un non-paiement de rétribution à l’égard duquel l’assuré a déposé une plainte auprès de l’organisme fédéral  ou provincial de main d’oeuvre. Est exclu du total de la rémunération tout montant impayé qui se rapporte au temps supplémentaire ou qui aurait été versé en raison de la cessation d’emploi.                                    (C’est moi qui souligne.)

 

Le paragraphe 2(2) exclut spécifiquement « tout montant impayé qui se rapporte au temps supplémentaire ou qui aurait été versé en raison de la cessation d’emploi. » L’appelant concède qu’il n’a pas été payé pour les heures supplémentaires qu’il demande maintenant en sus des 760 heures accordées.

 

[10]    Comme il a été déclaré, l’appelant a établi qu’il a bien déposé une plainte concernant 172 heures et conformément à l’article 9.2 du Règlement sur l’assurance-emploi, ces heures sont ajoutées au total original de 588 heures pour porter à 760 le nombre d’heures total accepté par l’intimé.

 

[11]    L’avocat de l’appelant demande à la Cour de faire preuve de compassion dans son interprétation du texte du paragraphe 2(2), notamment lorsqu’elle applique une loi figée, parce qu’il s’agit d’une disposition de nature sociale.

 

[12]    Lorsque le texte de la loi est clair et sans ambiguïtés, la règle du sens ordinaire exige de la Cour qu’elle applique ce qui est écrit dans la loi. Autrement, je remplirais les fonctions de l’autorité législative. Si le texte du paragraphe 2(2) était ambigu et pouvait avoir des sens différents, je pourrais envisager de choisir l’interprétation recommandée par l’avocat de l’appelant.

 

[13]    Le texte du paragraphe 2(2) est clair et je dois appliquer ce qui est écrit. Il n’entraîne pas d’absurdité. Le sens ordinaire du paragraphe 2(2) empêche clairement d’inclure les heures supplémentaires non rémunérées dans le calcul des heures d’emploi assurable à moins que ces heures n’aient fait l’objet d’une plainte. La déclaration suivante de l’auteur respecté, Vern Krishna, dans The Fundamentals of Canadian Income Tax, septième édition, est une réponse claire à l’argument de l’avocat de l’appelant selon lequel il faut tenir compte de l’objet de la disposition législative au moment de l’interpréter :

 

[traduction]

            En résumé, la règle de l’objet n’est pas un substitut de la règle du sens ordinaire. Elle est utilisée lorsque le texte de la loi est obscur ou ambigu et que la cour a besoin d’aide pour déterminer l’intention du législateur. Autrement, un texte législatif sans ambiguïté est interprété conformément à son sens ordinaire, mais pas d’une manière si stricte qu’elle entraîne des résultats absurdes. La présomption en faveur du contribuable est de nature résiduelle et devrait seulement jouer un rôle exceptionnel dans l’interprétation de la législation sur l’impôt. Ainsi, on devrait d’abord tout faire pour déterminer le sens de la loi. Ce n’est que lorsque c’est impossible, ou qu’il existe d’autres interprétations de bonne foi, qu’il est légitime d’appliquer la présomption en faveur du contribuable.

 

[14]    Heures travaillées mais non rémunérées entre septembre et décembre 2002 : L’appelant soutient qu’il est resté en contact avec le chef Hardisty de septembre à décembre pour participer aux efforts visant à sa réintégration comme chef de la bande. Le chef Hardisty et l’appelant sont restés à Edmonton. L’appelant n’a jamais repris son emploi pour la bande dans les Territoires du Nord-Ouest. Ni le chef Hardisty, ni l’appelant n’a réintégré ses fonctions. Les efforts déployés par l’appelant auprès de l’ancien chef ne peuvent être considérés comme un emploi en vertu de tout contrat de service exprès ou implicite. Son contrat avait pris fin. Il n’avait aucune fonction auprès du nouveau chef et il avait été remplacé en tant qu’agent principal d’administration. Il n’y a pas de preuve que les activités de l’appelant après le 15 août 2002 constituaient un emploi assurable.

 

[15]    Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour d’août 2004.

 

 

 

"C.H. McArthur"

Juge McArthur

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 31e  jour de mars 2005

 

 

 

 

Lucie Roberge, traductrice


 

RÉFÉRENCE :

2004TCC559

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-3651(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Jacob Pete et le ministre du Revenu national

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 avril 2004

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable C.H. McArthur

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 16 août 2004

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Arnold Goodman

 

Avocats de l’intimé :

Me Karen Wood et

Shaun Ung (étudiant en droit)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

Me Arnold Goodman

 

Cabinet :

Cabinet Mah Law

 

Pour l’intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1]           Pièce A-14 de la preuve de l’appelant (journal indiquant les heures travaillées).

[2]           Voir la transcription de l’argument à la page 6.

[3]           Pièce R-2 de la preuve de l’intimé (fiches de présence de l’employeur).

[4]           Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations (Règlement RAPC), DORS/97-33 et ses modifications, paragraphe 2(2).

[5]           Pièce A-14.

[6]           Pièce R-2, supra.

[7]           Règlement sur l’assurance-emploi, DORS/96-32 et ses modifications, article 9.2.

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