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Dossier : 2006-1792(IT)I

ENTRE :

CATHARINA J. VAN ELSLANDE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 5 juin 2007 à Victoria (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

Avocate de l’intimée :

Me Jade Boucher

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’encontre d’une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2000 est rejeté.

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 19e jour de juin 2007.

 

 

« J. Woods »

Juge Woods

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de décembre 2007.

 

 

 

Jean David Robert, traducteur


 

 

 

 

 

Référence : 2007CCI370

Date : 20070619

Dossier : 2006-1792(IT)I

 

ENTRE :

 

CATHARINA J. VAN ELSLANDE,

appelante,

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement à l’audience le 8 juin 2007.)

 

La juge Woods

 

[1]     Il s’agit des motifs rendus oralement dans l’appel de Catharina Van Elslande c. Sa Majesté la Reine interjeté à l’encontre d’une cotisation établie pour l’année d’imposition 2000.

 

[2]     L’appel concerne les conséquences fiscales d’une indemnité au titre de l’équité salariale reçue par l’appelante en application de la Loi canadienne sur les droits de la personne. L’indemnité a été versée à des milliers de fonctionnaires fédéraux qui ont été reconnus comme étant des victimes de discrimination fondée sur le sexe.

 

[3]     Les circonstances entourant le paiement de l’indemnité sont exposées dans une décision antérieure de la Cour, soit Burrows c. La Reine, et je ne les décrirai pas de nouveau ici. En général, l’indemnité représentait une compensation pour des pertes découlant d’écarts salariaux subies pendant des périodes d’emploi commençant le 8 mars 1985, plus des intérêts.

 

[4]     L’appelante, Catharina Van Elslande, a été fonctionnaire fédérale de 1985 à 1987 et elle était membre d’une unité de négociation qui a eu droit à l’indemnité.

 

[5]     La question litigieuse en l’espèce concerne la nature de l’indemnité que Mme Van Elslande a reçue, et, en conséquence, je tenterai d’utiliser une terminologie neutre pour décrire cette somme. Je désignerai l’argent reçu à titre de compensation pour la perte de salaire subie comme la « part de principal » de l’indemnité, et la portion d’intérêts comme la « part d’intérêts ».

 

[6]     Au cours de l’année d’imposition 2000, l’appelante a reçu la somme de 3 972,31 $ représentant la part de principal, pour laquelle son employeur a établi un feuillet T4, dans lequel il a qualifié la somme de rémunération. Elle a aussi obtenu la somme de 3 455,14 $ représentant la part d’intérêts, pour laquelle elle a reçu un feuillet T5, dans lequel la somme était qualifiée d’intérêts.

 

[7]     Dans la cotisation d’impôt sur le revenu établie à l’égard de l’appelante pour l’année d’imposition 2000, ces deux sommes ont été incluses dans le calcul de son revenu.

 

[8]     L’appelante s’est opposée à la cotisation en faisant valoir que les deux sommes n’étaient pas imposables puisqu’il s’agissait de dommages‑intérêts. L’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a suspendu sa décision à l’égard de l’opposition en attendant de connaître l’issue de l’affaire Burrows, dans laquelle l’imposition de la part de l’indemnité représentant les intérêts était contestée pour des raisons fondées sur la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »).

 

[9]     Après que l’affaire Burrows a été tranchée, la cotisation en cause établie à l’égard de Mme Van Elslande a été ratifiée.

 

[10]    Disons au départ que l’appelante est mécontente des mesures que l’ARC a prises pour donner suite à son opposition. Selon l’appelante, l’ARC n’a pas communiqué avec elle au cours de l’étape de l’opposition, et, après une période de quatre ans, elle lui a donné une explication plutôt insatisfaisante pour justifier la ratification de la cotisation. J’ajouterais qu’aucun des arguments soulevés par l’appelante en l’espèce n’était abordé dans la décision Burrows, et que la lettre de l’ARC accompagnant la ratification était trompeuse en ce qu’elle laissait entendre que, dans la décision Burrows, la Cour avait examiné la question de savoir si la part d’intérêts était imposable en application de l’alinéa 12(1)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). En fait, la Cour s’est seulement penchée sur un argument fondé sur la Charte, et non pas sur la question de savoir si les intérêts étaient imposables en vertu de la Loi. Bien que je comprenne le mécontentement que l’appelante éprouve en raison de la façon dont semble s’être comportée l’ARC après avoir reçu son opposition, je ne peux pas accueillir un appel au motif que le contribuable concerné a été traité injustement au cours des étapes de la vérification et de l’opposition.

 

[11]    Je passe maintenant à la question principale.

 

[12]    L’indemnité accordée à l’appelante découlait de plaintes fondées sur la Loi canadienne sur les droits de la personne qui avaient été déposées par l’Alliance de la Fonction publique du Canada, selon lesquelles l’administration fédérale avait privé les membres de l’unité de négociation dont faisait partie l’appelante de leur droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes.

 

[13]    Un tribunal a été mis sur pied et chargé d’examiner les plaintes en question et, après une instance longue et complexe, il a jugé qu’il y avait effectivement eu discrimination et a ordonné un rajustement salarial avec effet rétroactif au 8 mars 1985 et le paiement d’intérêts.

 

[14]    L’appelante soutient que la part de principal de l’indemnité ne constitue pas en fait un salaire, mais des dommages‑intérêts pour préjudice personnel qui ne sont pas imposables. Elle prétend aussi que la part d’intérêts est de la même nature que la part de principal et qu’elle ne doit pas non plus être imposable.

 

[15]    Je traiterai d’abord de la nature de l’indemnité, puis j’en examinerai les conséquences fiscales.

 

[16]    L’indemnité a été accordée en application de l’alinéa 53(2)c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cette disposition énonce que le tribunal peut ordonner à un employeur d’indemniser la victime d’un acte discriminatoire des pertes de salaire entraînées par cet acte.

 

[17]    En l’espèce, la décision du tribunal montre clairement que la nature de l’indemnité est un dédommagement pour des pertes de salaire plutôt qu’un autre type de dommages‑intérêts.

 

[18]    Quant aux principes d’imposition qui s’appliquent en l’espèce, aucune des parties au litige n’a signalé à mon attention des décisions judiciaires rendues antérieurement sur cette question. En examinant brièvement la jurisprudence, j’ai découvert qu’un arrêt de la Cour d’appel fédérale portait sur l’imposition d’une indemnité accordée au titre de l’équité salariale. L’arrêt Morency c. La Reine a été rendu en janvier 2005 et concernait une indemnité accordée à une employée du Gouvernement du Québec relativement à l’équité salariale. La demande présentée dans l’affaire Morency concernait une situation de discrimination salariale visée par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, qui comporte des mesures législatives semblables aux dispositions régissant l’indemnité accordée à Mme Van Elslande. La Cour d’appel fédérale a confirmé la décision de la Cour canadienne de l’impôt et a décidé que l’indemnité était imposable en tant que revenu. Le juge Noël de la Cour d’appel a affirmé que :

 

La somme en question aura qualité de revenu si le paiement compense l'appelante pour le salaire qu'elle était en droit de recevoir mais qu'elle n'a pas reçu.

 

[19]    Je ne pense pas que l’on puisse établir une distinction entre la présente affaire et l’affaire Morency et, compte tenu du fait qu’il a été rendu par une cour supérieure, je suis liée par cet arrêt. En conséquence, la part de principal de l’indemnité reçue par Mme Van Elslande doit être incluse dans le calcul de son revenu.

 

[20]    Avant de passer à la question suivante, je me sens obligée de mentionner que je suis embarrassée et consternée par l’omission de la Couronne de signaler l’arrêt Morency à l’attention de Mme Van Elslande avant l’instruction du présent appel, et l’omission de l’avocate de l’intimée de porter cet arrêt à ma connaissance au cours de l’audience. À ce que je sache, l’appel dont est saisie la Cour en l’espèce est le premier appel qui porte sur l’indemnité relative à l’équité salariale décrite précédemment dans le cadre duquel un bénéficiaire conteste l’imposition de la part de principal de l’indemnité, et non de la seule part d’intérêts. À mon avis, cette question, qui touche des milliers de contribuables, est suffisamment importante pour justifier qu’on y apporte plus de soin et d’attention que ne semble l’avoir fait la Couronne en l’espèce.

 

[21]    J’examinerai maintenant la question de la part d’intérêts, qui n’a pas été abordée dans l’arrêt Morency. Mme Van Elslande a prétendu que cette part de l’indemnité représentait, elle aussi, des dommages‑intérêts non imposables. Je ne peux pas souscrire à cet argument compte tenu de ma conclusion concernant la part de principal. Je ne vois aucune raison pour ne pas considérer la part d’intérêts comme des intérêts qui doivent être inclus dans le calcul du revenu en vertu de l’alinéa 12(1)c) de la Loi. Ma position est conforme aux récentes décisions de la Cour, y compris à celle que j’ai rendue dans l’affaire Montgomery c. La Reine.

 

[22]    Pour les motifs énoncés ci‑dessus, je me dois de rejeter l’appel de Mme Van Elslande. À la lumière de la façon dédaigneuse dont le gouvernement a écarté la demande de l’appelante, je suggérerais que la Couronne examine la possibilité d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’annuler les intérêts imposés à l’égard de la cotisation en cause, si tant est qu’il y en ait. Il semble, cependant, qu’il n’y ait peut‑être pas d’intérêts dus, et ce, parce que Mme Van Elslande a inclus l’indemnité qu’elle a reçue dans sa déclaration de revenu initiale.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 19e jour de juin 2007.

 

 

« J. Woods »

Juge Woods

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de décembre 2007.

 

 

 

Jean David Robert, traducteur


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI370

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-1792(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Catharina J. Van Elslande et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Victoria (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 5 juin 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Judith Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 19 juin 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

Avocate de l’intimée :

Me Jade Boucher

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      s.o.

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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