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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

20010125

2000-1044(IT)I

 

ENTRE :

 

FRANK D'ANGELO,

appelant,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Pour l'appelant : L'appelant lui-même

Représentant de l’intimée : Geoffrey Roy (stagiaire)

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement à l’audience

à Toronto (Ontario), le 15 janvier 2001.)

 

Le juge Bowie, C.C.I.

 

[1]     L’appel en l’instance porte sur l’établissement de nouvelles cotisations d’impôt pour les années d’imposition 1995 et 1996. Les faits liés à l’affaire ne sont pas en litige. Au début de l’année 1993, M. D’Angelo vivait avec sa famille dans une maison située au 163, rue Palmer, à Guelph, en Ontario. Cette maison avait tout d’abord été achetée grâce à des crédits hypothécaires, mais en février 1993, l’hypothèque sur la propriété était remboursée et la maison était quitte de toutes dettes et charges. À ce moment-là, il avait espoir de vendre la maison à un entrepreneur qui désirait faire quelques séparations et requérait le consentement du Comité des dérogations en ce qui concerne les séparations et les dérogations dans le but d’utiliser la propriété. M. D’Angelo, anticipant une telle vente, a acheté, aux termes d’une offre d’achat sans condition, une maison située au 6, rue Burton, à Guelph. Le prix d’achat de la maison était de 212 000 $, et en raison de la situation des vendeurs, il fallait que la date d’achat de la maison soit fixée au 1er mars 1993. Cette date de transfert de propriété a été établie avant qu’il ne soit possible d’obtenir une décision relativement aux séparations et aux dérogations que demandait l’acheteur potentiel de la résidence située sur la rue Palmer. Par conséquent, afin de conclure la vente le 1er mars 1993, M. D'Angelo a fait un versement initial de 32 000 $ sur la propriété et a contracté une première hypothèque de 136 000 $ sur la propriété de la rue Burton de même qu’un prêt de la banque sur une marge de crédit qui a été garanti par une hypothèque subsidiaire de 44 000 $ sur la propriété de la rue Palmer.

 

[2]     Grâce à ces fonds, la transaction a pu être effectuée. Plus tard, au mois de mars, le Comité des dérogations a examiné les demandes de séparations et de dérogations et les a rejetées. Ainsi, la vente potentielle du 163, rue Palmer n’a pas eu lieu. À ce moment-là, M. D’Angelo a essayé de vendre la propriété de la rue Palmer, mais n’a pas réussi à le faire, ou du moins n’a pas été en mesure d’obtenir un prix qu’il jugeait convenable. Il a ensuite décidé de louer la propriété de la rue Palmer et a tiré des revenus de location de 9 200 $ en 1995 et de 10 800 $ en 1996, desquels il a voulu déduire différentes dépenses, y compris l’intérêt payé sur les fonds empruntés pour compléter la vente de la propriété de la rue Burton.

 

[3]     En fait, les dépenses, y compris cet intérêt, dépassaient le revenu tiré de la propriété. Il a donc demandé le droit de déduire des pertes locatives de son autre revenu en vertu de l’article 3 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Le ministre du Revenu national a établi de nouvelles cotisations à son égard afin de réduire ces pertes locatives de 14 471 $ pour l’année 1995, et de 12 154 $ pour l’année 1996, transformant ainsi les pertes en profits sur lesquels le ministre a levé de l’impôt sur le revenu.

 

[4]     La seule question en litige consiste à savoir si oui ou non M. D’Angelo a le droit d’inclure les intérêts versés sur les fonds empruntés dans les dépenses déduites du revenu de location de la propriété située sur la rue Palmer.

 

[5]     Le pouvoir de déduire de l’intérêt du revenu est prévu à l’alinéa 20(1)c) de la Loi. Cependant, cette disposition ne permet absolument pas de déduire des intérêts lors du calcul du revenu. Dans la mesure où cet alinéa est pertinent, il prévoit qu’est déductible, dans le calcul du revenu d’un contribuable, une somme payée au cours de l’année ou payable pour l’année par le contribuable en exécution d’une obligation légale de verser des intérêts sur de l’argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien.

 

[6]     La question consiste donc à savoir si les montants de 136 000 $ et de 44 000 $ ont été empruntés par M. D’Angelo en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien. Il soutient que c’est grâce à l’emprunt de ces fonds qu’il est en mesure de continuer à louer la propriété de la rue Palmer, parce que, s’il n’avait pas emprunté ces fonds, il n’aurait pas pu acheter la propriété de la rue Burton et y emménager, et il lui aurait été impossible de louer la propriété de la rue Palmer. Je crois que cela résume très bien sa position.

 

[7]     Malheureusement, il faut appliquer les dispositions non ambiguës de la Loi telles qu’elles ont été rédigées par le législateur, et, dans la présente affaire, je suis lié par la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Bronfman Trust c. La Reine, [1987] 1 R.C.S. 35, une affaire qui, bien que les faits soient différents, a fait l’objet d’une décision fondée sur des faits qu’on ne peut en principe distinguer de ceux dont je suis saisi en l’espèce. Dans cette affaire, la fiducie a emprunté des fonds afin de faire un certain remboursement de capital et a ensuite demandé que l’intérêt payé sur les fonds empruntés soit déduit en s’appuyant sur la thèse voulant que, si les fonds n’avaient pas été empruntés, il aurait alors fallu vendre des éléments d’actifs pour effectuer le remboursement, et que c’était dans le but de préserver ces éléments d’actifs productifs de revenus que les fonds avaient été empruntés.

 

[8]     En fait, le même argument a été présenté au juge Bowman, tel était alors son titre, dans l’affaire Meggitt c. Canada, [1999] A.C.I., no 667, dans laquelle les faits sont pratiquement les mêmes que ceux de la présente affaire. Le contribuable résidait dans une propriété qui était grevée d’une première hypothèque, a déménagé dans une autre propriété et, afin de payer la deuxième propriété, a augmenté le financement de la première propriété. Le juge Bowman a établi que, lorsque la première propriété est devenue un bien locatif, le contribuable avait le droit de déduire l’intérêt versé pour le financement qui existait sur la propriété avant que celle-ci ne soit convertie d’une résidence en un bien locatif, mais il ne pouvait pas déduire l’intérêt sur le financement supplémentaire, dont l’objectif consistait à contribuer à l’acquisition de la deuxième propriété qui est devenue la résidence du contribuable.

 

[9]     Le juge Bowman a fait référence au célèbre passage de l’affaire Bronfman Trust, précitée, dans laquelle le juge Dickson, tel était alors son titre, a rejeté le même argument lorsqu’il a été présenté devant la Cour suprême du Canada, et a fait l’observation qui suit :  

 

[…] Il suffit pour répondre à cet argument d’invoquer le principe selon lequel les tribunaux doivent tenir compte de ce que le contribuable a réellement fait et non pas de ce qu’il aurait pu faire […] 

 

Je remarque que le même principe a été appliqué par mon collègue le juge Morgan dans l’affaire Michael c. M.R.N., C.C.I., no 90-2584(IT), 14 mai 1991 (91 DTC 1076).

 

[10]    Ce sont-là des cas fâcheux car il ne serait pas vraiment logique pour le contribuable de vendre la première propriété, d’utiliser le produit de la vente afin d’acheter une autre propriété pour l’utiliser comme résidence et puis soit de racheter la première propriété ou d’acheter une propriété semblable au moyen d’un financement qui serait ensuite déductible. Cependant, comme je l’ai dit à l’ouverture de l’audience, je suis lié par la décision de la Cour suprême du Canada et je dois appliquer les dispositions de l’alinéa 20(1)c), qui expliquent clairement que c’est l’objectif direct pour lequel les fonds sont versés qui déterminera s’ils sont déductibles ou non. Il est évident, dans la présente affaire, que les fonds empruntés ont été utilisés, non pas dans le but de tirer un revenu d’un bien, mais dans le but d’acheter un immeuble résidentiel. En fait, les iniquités dans la présente affaire sont, en quelque sorte, encore pires en raison du fait qu’au moment où l’appelant a effectivement entrepris la transaction d’achat de la résidence de la rue Burton et a emprunté les fonds afin de conclure l’achat le 1er mars, il n’avait pas l’intention de louer la propriété de la rue Palmer. Son intention consistait à la vendre, et il croyait, lorsqu’il a emprunté les fonds, que ceux-ci serviraient en fait de financement provisoire afin de couvrir la période entre l’achat de sa nouvelle résidence le 1er mars et la date à laquelle il vendrait la propriété de la rue Palmer au promoteur. Lorsque la vente a échoué, son intention était toujours de vendre la propriété de la rue Palmer, et ce n’est que lorsqu’il lui a été impossible d’obtenir un prix satisfaisant qu’il a décidé d’en faire un bien de location.

 

[11]    De toute façon, les dispositions de la Loi sont claires. Elles ont été interprétées à de nombreuses reprises, y compris, comme je l’ai indiqué, par la Cour suprême du Canada et par d’autres juges de la présente cour. Je n’ai pas d’autres choix que de rejeter les appels.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de janvier 2001.

 

 

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de novembre 2003.

 

 

 

 

Isabelle Chénard, réviseure

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