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Dossier : 2004-3730(GST)G

ENTRE :

GAGNÉ-LESSARD SPORTS INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 2 avril 2007, à Sherbrooke (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Pierre Archambault

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Marc Vaillancourt

Avocat de l'intimée :

Me Benoît Denis

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis porte le numéro 22270 et est daté du 28 octobre 2002, est accueilli et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis qu’un montant de 79 790,25 $ doit être exclu des fournitures taxables, le tout sans dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de juillet 2007.

 

 

 

 

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


 

 

 

 

 

Référence : 2007CCI300

Date : 20070716

Dossier : 2004-3730(GST)G

ENTRE :

GAGNÉ-LESSARD SPORTS INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Archambault

 

[1]     Gagné‑Lessard Sports Inc. (GLS) interjette appel d’une cotisation relative à la taxe sur les produits et services (TPS), établie le 28 octobre 2002 en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (Loi ou LTA) pour la période du 1er juillet 1998 au 30 juin 2002 (période pertinente). Dans sa cotisation, le ministère du Revenu du Québec (ministère), pour le compte du ministre du Revenu national (ministre), a augmenté la taxe nette de GLS d’un montant de 129 553,20 $, auquel s’ajoutent des intérêts de 12 599,39 $[1].

 

[2]     Au début de l’audience, le procureur de l’intimée a rappelé qu’il avait informé l’appelante, lors d’une conférence préparatoire tenue le 3 novembre 2006, qu’il consentirait à jugement à l’égard des fournitures effectuées par l’appelante avant octobre 2000. Le procureur de l’intimée a quantifié ces fournitures à 78 103,25 $, auquel montant devaient s’ajouter 1 687 $, pour un total de 79 790,25 $. Selon les calculs de ce procureur, tel qu’il appert de la pièce I‑4, les montants qui restent en litige sont les suivants :

 

[...]

−   ventes de pièces

      accès service  (TOTAL)

 

                              551,56 $

−   taxe sur les assurances (TOTAL)

                              - 26,93 $

−   ventes de véhicules neufs, de véhicules usagés et de pneus à des non résidents (TOTAL)

 

                         49 238,32 $

 

 

                         49 762,95 $

 

[3]     Le procureur de GLS a indiqué que le seul montant qu’il conteste est 49 238,32 $, à l’égard duquel il prétend que les biens faisant l’objet des ventes ont été exportés hors du Canada. En fait, la question en litige et les faits sont semblables à ceux dans l’affaire Évasion Hors Piste Inc. c. Sa Majesté la Reine, 2006 CCI 477.

 

Faits

 

[4]     Monsieur Gagné, l’actionnaire de GLS, ainsi que madame Brigitte Fontaine, c.g.a., qui était, durant la période pertinente, salariée de GLS, ont témoigné à l’audience. Ils ont relaté les circonstances dans lesquelles GLS a vendu des véhicules récréatifs à des consommateurs américains. GLS exploite une entreprise de vente de véhicules récréatifs, notamment de motocyclettes et de véhicule tout‑terrains, à Coaticook, une localité située à environ 15 kilomètres de la frontière entre le Canada et les États‑Unis. Monsieur Gagné a rappelé qu’il fut une époque où, en raison du taux de change du dollar canadien et du dollar américain, beaucoup des clients de GLS allaient acheter des véhicules récréatifs aux États‑Unis. Par contre, durant la période pertinente, la situation s’était renversée et beaucoup de clients américains se sont présentés à l’établissement de GLS.

 

[5]     Dans le but de s’assurer que GLS respectait toutes les dispositions de la Loi, monsieur Gagné a demandé à madame Fontaine de s’informer auprès du ministère de la procédure à suivre pour exporter ses véhicules aux États‑Unis. Au début, c’était un salarié de GLS qui livrait, avec un camion de l’entreprise, les véhicules récréatifs dans le stationnement du poste frontalier américain. Une photo du poste frontalier montre que le stationnement devant le poste se trouve en territoire américain.

[6]     Étant soucieux de satisfaire à l’exigence de fournir une preuve de livraison, GLS a décidé par la suite d’utiliser un transporteur public, qui allait livrer également au stationnement du poste frontalier américain les véhicules récréatifs destinés aux consommateurs américains. Malheureusement, les douaniers américains n’acceptaient pas d’estampiller de façon systématique le contrat de vente du véhicule récréatif, ce qui, selon monsieur Gagné, laissait GLS dans une position vulnérable. Les douaniers canadiens l’avaient informé auparavant qu’ils n’avaient rien à voir avec l’exportation de ses véhicules récréatifs.

 

[7]     À la suite d’un colloque présenté par la Chambre de commerce de Coaticook, auquel a participé madame Fontaine, une dame de la boutique hors taxes a soulevé un doute quant à la façon de faire de GLS. Lorsque madame Fontaine en a informé monsieur Gagné, ce dernier lui a mentionné qu’un monsieur Roy, un résident américain travaillant pour Norman G. Jensen Inc. (Jensen), un courtier en douane américain, lui avait offert ses services pour dédouaner les biens aux fins des lois américaines. GLS a alors accepté cette offre.

 

[8]     L’exportation des véhicules s’est faite par la suite de la façon suivante. Le consommateur américain se présentait lui‑même à l’établissement de GLS et signait le contrat d’achat du véhicule récréatif. Sur ce contrat figurait non seulement le nom et l’adresse du consommateur américain, mais aussi la description du véhicule récréatif, qui comprenait le numéro de série du véhicule et le prix convenu. Il n’y avait aucune mention de TPS ou de taxe provinciale, mais sur le contrat apparaissait la mention suivante : « For U.S.A. export only ». Le consommateur américain prenait alors possession du véhicule récréatif et le transportait lui‑même avec sa propre remorque ou celle d’un ami qui l’accompagnait, puisque le véhicule n’était pas immatriculé et qu’on ne pouvait le conduire au Canada. En plus du contrat d’achat, il signait un formulaire intitulé « Proforma Invoice », sur lequel apparaissait la dénomination sociale de Jensen et une description du véhicule récréatif, qui comprenait son numéro de série. GLS y était décrite comme étant « Exporter, shipper, seller », et le consommateur américain, comme « Consignee » à un endroit et comme le propriétaire à un autre endroit. Le consommateur américain signait sur ce document l’attestation suivante intitulée « Carrier's Certificate » :

 

To the district director of customs, port of arrival

 

The undersigned carrier to whom or upon whose order the articles described above must be released hereby certifies that Norman G. Jensen, Inc. is the owner or consignee of such articles within the purview of section 484(H), Tariff Act of 1930. I certify that this manifest is correct and true to the best of my knowledge.   

 

[9]     Quoique monsieur Roy n’ait pas témoigné lors de l’audience, le procureur de l’intimée a admis que, s’il l’avait fait, il aurait confirmé qu’il était présent au poste frontalier américain pour chacun des véhicules transportés par les consommateurs américains de GLS et qu’il remplissait alors toute la documentation nécessaire aux fins des lois américaines. Ces véhicules n’auraient pu être utilisés aux États-Unis avant d’être dédouanés. Monsieur Roy aurait de plus informé GLS qu’elle n’avait pas à percevoir de TPS dans ces circonstances.

 

[10]    Une fois l’étape au poste frontalier américain accomplie, Jensen envoyait à GLS un état de compte sur lequel apparaissait, le cas échéant, les droits américains que le consommateur américain devait payer ainsi que les honoraires de courtier et des honoraires décrits comme « MPF user fee ». Lors de la vente d’un véhicule récréatif effectuée à des consommateurs américains à son établissement, GLS percevait les droits américains et remettait un reçu à cet égard aux consommateurs américains. Ces droits américains étaient versés par la suite à Jensen.

 

[11]    Selon monsieur Gagné, il en coûtait plus cher d’utiliser les services de Jensen que de livrer lui‑même les véhicules récréatifs au poste frontalier américain. C’est dans le but d’obtenir une preuve irréfutable qu’il s’était résigné à adopter cette façon de faire. Selon lui, la documentation fournie par Jensen constituait la meilleure preuve de l’exportation des véhicules récréatifs aux États‑Unis. D’ailleurs, le procureur de l’intimée a admis, au début de l’audience, que tous les véhicules destinés aux consommateurs américains et visés par la cotisation avaient effectivement été exportés aux États‑Unis d’Amérique. Par conséquent, monsieur Gagné ne pouvait s’expliquer que les autorités fiscales canadiennes lui demandent de remettre la TPS sur les ventes faites à ces consommateurs américains.

 

[12]    Ajoutons que madame Fontaine avait communiqué au préalable avec des représentants du ministère pour s’assurer que cette nouvelle façon de faire était conforme aux dispositions de la Loi. Selon son témoignage, elle a informé la préposée à l’information à la clientèle que le consommateur américain se présentait à son établissement et qu’il livrait au courtier en douane américain au poste frontalier le véhicule, qu’il transportait lui‑même. Malheureusement, madame Fontaine n’avait pas noté le nom de la personne qui lui avait fourni l’information et n’avait pas pris de notes à cette occasion. De plus, elle a reconnu qu’elle ne s’était pas présentée au bureau du ministère avec la documentation pertinente.

 

[13]    La frustration de monsieur Gagné causée par la cotisation du ministère a été d’autant plus grande que la vérificatrice du ministère avait été présente à l’établissement de GLS pendant plusieurs mois, y compris durant une partie de la période pertinente, soit d’avril à juin 2002, et jamais elle ne l’avait informé que la façon de faire de GLS était inappropriée. Cette vérificatrice avait entrepris la vérification parce que GLS demandait des crédits de taxe sur intrants (CTI) importants par rapport à la TPS perçue. Lors de sa vérification, elle n’a relevé qu’une seule erreur dans la façon de déclarer la taxe nette, et le montant dont il s’agissait s’élevait à environ 500 $. La vérificatrice a même informé GLS que sa comptabilité était exemplaire et qu’il était rare qu’on en trouve une d’aussi bonne qualité. Au mois d’août 2002, lorsque GLS a communiqué avec le ministère pour savoir le montant de TPS qu’elle devait remettre à la suite de la vérification, on a été bouleversé d’apprendre que le montant impayé de TPS passait de 500 $ à environ 150 000 $!

 

[14]    Ce bouleversement s’est transformé en colère lorsque le ministre a pris des mesures de perception pour recouvrer ces sommes. Même si une entente prévoyant le versement de 5 000 $ par mois avait été conclue avec les agents de recouvrement et qu’il ne devait pas y avoir de saisie, le ministère a non seulement retenu des remboursements d’impôt, mais il a saisi des sommes dues par des clients de GLS pour des services ou des biens qu’elle avait fournis. Monsieur Gagné a indiqué qu’en raison de ces agissements du ministère, il avait perdu son coactionnaire et plusieurs employés. Monsieur Gagné a indiqué qu’il avait engagé des frais juridiques d’environ 78 000 $ en raison de la cotisation du ministère pour le ministre. Pour la période du 31 juillet 2005 au 15 février 2007, les honoraires et débours du procureur qui le représentait à l’audience s’élèvent à 57 603 $, taxes comprises, ce qui représente environ 50 000 $ avant taxes. Par conséquent, son entreprise a souffert énormément de la cotisation du ministre et des mesures de recouvrement qui ont été prises pour son bénéfice.

 

[15]    Ajoutons également que monsieur Gagné a offert au ministère de payer le montant dû à l’égard de la TPS non perçue pour les ventes aux consommateurs américains de façon à ce que ces derniers puissent demander le remboursement de cette taxe. On lui a alors expliqué qu’ils ne pourraient obtenir un tel remboursement que dans la mesure où la vente s’était effectuée dans la dernière année et que, par conséquent, il n’était pas de l’intérêt de GLS de s’embarquer dans une telle démarche, puisqu’elle se trouverait à reconnaître le bien‑fondé de la cotisation à l’égard de la période antérieure à cette dernière année. On lui aurait dit : « Oublie ça! ». GLS n’a pas alors donné suite à son offre. Selon monsieur Gagné, cet arrangement aurait pu lui permettre d’obtenir un remboursement de TPS de 25 000 $ pour l’année en question.

 

[16]    Madame Fontaine a révélé que le ministère a annulé la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe de vente du Québec (TVQ), non seulement en ce qui a trait aux véhicules livrés avant octobre 2000 par un salarié de GLS ou par un transporteur public, mais aussi à l’égard des véhicules transportés par les consommateurs américains eux‑mêmes au poste frontalier pour qu’ils soient dédouanés par Jensen. Malheureusement, le ministre a refusé d’adopter un règlement administratif semblable à celui du ministère.

 

[17]    À la suite de la réception de sa cotisation, GLS a demandé au ministère de lui fournir une description signée de la bonne marche à suivre, puisqu’elle ne connaissait pas la Loi. Tout ce que le ministère lui a fourni en réponse à cette demande, plus de dix jours après, c’est une copie des dispositions législatives.

 

Position de GLS

 

[18]    Dans sa plaidoirie, le procureur de GLS a soutenu que la cotisation devrait être annulée parce que les véhicules récréatifs avaient été livrés aux États‑Unis. Selon lui, la remise des véhicules aux consommateurs américains à l’établissement de sa cliente ne constituait pas une livraison légale. À l’appui de cette position il a cité plusieurs dispositions du Code civil du Québec (C.c.Q.) et en particulier les suivantes [2]:

1456.  L'attribution des fruits et revenus et la charge des risques du bien qui est l'objet d'un droit réel transféré par contrat sont principalement réglées au livre Des biens.

 

Toutefois, tant que la délivrance du bien n'a pas été faite, le débiteur de l'obligation de délivrance continue d'assumer les risques y afférents.

 

1717.  L'obligation de délivrer le bien est remplie lorsque le vendeur met l'acheteur en possession du bien ou consent à ce qu'il en prenne possession, tous obstacles étant écartés.

[Je souligne.]

 

[19]    Il a aussi cité les articles 22.7 et 22.9 de la TVQ, qui traitent de la présomption quant à la délivrance d’un bien :

 

22.7 Fourniture d'un bien meuble corporel par vente — La fourniture d'un bien meuble corporel par vente est réputée effectuée au Québec si le bien est délivré au Québec à l'acquéreur de la fourniture.

 

22.9 Présomption quant à la délivrance d'un bien − Un bien est réputé délivré :

 

au Québec si le fournisseur, selon le cas :

 

a)         expédie le bien à une destination au Québec qui est précisée dans le contrat de transport visant le bien ou transfère la possession du bien à un transporteur public ou à un consignataire dont le fournisseur a retenu les services pour le compte de l'acquéreur pour expédier le bien à une telle destination;

b)         envoie le bien par courrier ou messagerie à une adresse au Québec;

 

hors du Québec si le fournisseur, selon le cas :

 

a)         expédie le bien à une destination dans une autre province qui est précisée dans le contrat de transport visant le bien ou transfère la possession du bien à un transporteur public ou à un consignataire dont le fournisseur a retenu les services pour le compte de l'acquéreur pour expédier le bien à une telle destination;

 

b) envoie le bien par courrier ou messagerie à une adresse dans une autre province.

 

Exception —Le premier alinéa ne s'applique pas dans le cas où il s'agit d'un bien meuble corporel fourni par vente et qui est délivré hors du Canada à l'acquéreur, ou doit l'être.

[Je souligne.]

 

[20]    Se fondant sur ces articles de la TVQ, le procureur de l’appelante soutient que les véhicules récréatifs destinés aux consommateurs américains n’ont pas été « délivrés » à l’établissement de GLS, mais l’ont été au poste frontalier américain. Selon lui, le dédouanement constituait un obstacle visé par l’article 1717 C.c.Q.

 

[21]    Le procureur de l’appelante a aussi cité la décision rendue par la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Turcotte c. Lacombe, SOQUIJ AZ‑75011072. Dans le résumé de cette décision, on dit : « La remise des documents exigés par la loi et par l’autorité administrative était indispensable à la délivrance des autobus et la délivrance n’a pas été complétée.[3] »

 

[22]    Il a cité de plus la décision de la Cour du Québec, Division des petites créances, dans Bernier c. Boissonneault, 2007 Q.C.C.Q. 565. Dans cette affaire, le demandeur réclamait une somme de 3 934 $ pour la perte de la valeur d’un véhicule dont le prix d’achat s’était élevé à 3 600 $, auquel montant venaient s’ajouter des droits accessoires de 334 $ payés à la Société de l’assurance automobile du Québec. Le demandeur avait acheté à l’automne 2000 un véhicule tout‑terrain qu’il a immatriculé le 3 février 2001. Il a pu renouveler cette immatriculation au cours des deux années subséquentes, mais, malheureusement, il ne l’a pas pu en 2003 parce que le numéro de série du véhicule était invalide et le véhicule a été saisi pour être détruit, selon les explications d’un représentant de la Sûreté du Québec. Le juge Labbé a conclu qu’il n’y avait pas eu exécution de l’obligation de délivrance du bien vendu avec tous ses accessoires et il a cité à cet égard les articles 1717 et 1718 C.c.Q. Au paragraphe 13, il indique : « L’impossibilité d’immatriculer le véhicule acheté, en 2003, pour une cause qui existait au moment de la vente, constitue un obstacle, au sens de l’article 1717 C.c.Q., qui empêche l’acheteur de disposer d’un droit de propriété complet sur le véhicule en question. » (Je souligne.) À l’appui de sa décision, le juge Labbé a cité l’affaire Turcotte, mentionnée plus haut.

 

[23]    Parmi les décisions apparaissant dans le cahier de jurisprudence de GLS, notons les suivantes. Tout d’abord, il y a celle du juge Michel Parent de la Cour du Québec, Division des petites créances, dans Nicholas c. Doré, SOQUIJ AZ‑50224494 B.E. 2004BE‑443. Dans cette affaire, il s’agissait d’une requête réclamant une somme de 2 700 $ représentant les versements effectués au titre de l’achat d’une pelle mécanique que la partie intimée n’a jamais reçue. Après avoir mentionné les articles 1716 et 1717 C.c.Q., le juge cite, au paragraphe 36 de ses motifs, Me Jacques Deslauriers dans Collection de droit : Obligations et contrats, 2003‑2004, volume 5, Éditions Yvon Blais, page 169 :

 

[36]      À propos de la notion de délivrance, Me Jacques Deslauriers écrit ce qui suit :

 

« Concrètement, la délivrance peut s’effectuer de diverses façons. Ce peut être la remise des clés qui permettent l’accès au bien, comme pour une maison ou une automobile. Ce pourra aussi être la remise du titre, par exemple un connaissement, permettant à l’acheteur de réclamer le bien d’un tiers, ou encore l’obligation [sic[4]] à l’acheteur de l’endroit où il pourra aller chercher les matériaux achetés. Dans le cas d’un immeuble, ce sera aussi la signature d’un acte de vente destiné à être publié afin de rendre la vente opposable aux tiers (art. 1719 C.c.Q.). Le vendeur assume les frais de la délivrance. De son côté, l’acheteur assume les frais d’enlèvement du bien (art. 1722 et 1734 C.c.Q.).

 

Dans le langage ordinaire, on a tendance à confondre délivrance et livraison. Au sens propre, la livraison qui concerne les biens meubles corporels impose au vendeur des actes matériels pour remettre le bien à l’acheteur; la vente à livrer comporte le transport du bien au domicile ou à la place d’affaires de l’acheteur. Remarquons qu’il peut y avoir délivrance sans livraison. Il peut y avoir également livraison sans qu’il y ait délivrance au sens de l’article 1714 C.c.Q. Pensons à la location d’un appareil avec option d’achat. Si le locataire de l’appareil se prévaut de cette option dans le délai imparti, la délivrance aura lieu par interversion de titre. Le locateur de l’appareil cessera de se comporter comme locateur. Le locataire qui jusque‑là était détenteur de l’appareil en deviendra le possesseur. Les paiements faits seront dorénavant considérés comme l’acquittement du prix de vente et non plus comme le paiement du loyer. C’est donc dire que la délivrance est un processus intellectuel qui, à l’occasion, se complète par le processus matériel de la livraison. Il en est de même d’une situation où le vendeur et l’acheteur conviendraient que l’acheteur prendrait possession du bien vendu dans un lieu auquel le vendeur lui faciliterait l’accès. C’est le cas d’une machinerie que l’acheteur démontera pour la transporter. L’obligation du vendeur peut alors se limiter à laisser libre accès aux lieux. Là encore, il y a délivrance, mais pas de livraison proprement dite. De fait, il n’y a qu’un enlèvement par l’acheteur. » (soulignés ajoutés)

 

[24]    Voici ce que le juge Parent ajoute au paragraphe 44, et les conclusions qu’il adopte aux paragraphes 47 et 48 :

 

[44]      Il faut distinguer entre transfert de propriété, délivrance et livraison. Monsieur Nicholas avait le droit de prendre possession de la pièce d’équipement à St‑Amable dès que le paiement était effectué. Ce n’est que pour des raisons pratiques qui le concernent que Monsieur Nicholas a retardé la prise de possession. Rien ni personne ne s’opposait à ce qu’il prenne possession de la pièce d’équipement à St‑Amable. Monsieur Nicholas n’avait pas besoin de l’autorisation de Monsieur Doré. Par conséquent, Monsieur Doré a rempli son obligation de délivrance en laissant au requérant le soin de transporter lui‑même la pièce d’équipement au moment où il jugeait approprié de le faire.

 

[...]

 

[47]      L’article 1456(2) C.c.Q. stipule que « tant que la délivrance du bien n’a pas été faite, le débiteur de l’obligation de délivrance continue d’assumer les risques y afférents. »

 

[48]      D’une part, le Tribunal a déjà conclu que Monsieur Doré s’était acquitté de son obligation de délivrance.

[Je souligne.]

 

[25]    Dans l’affaire Paré c. Francoeur, SOQUIJ AZ‑00021539, J.E., 2000‑1079, le juge Taschereau fait le commentaire suivant après avoir fait l’analyse de l’article 1456 C.c.Q. ainsi que de l’article 1717 C.c.Q. :

 

En définitive, le vendeur n’a accompli son obligation de délivrer la chose vendue à son acheteur que s’il a fait tout ce qui pouvait être accompli pour permettre à celui‑ci d’utiliser cette chose, de manière à en retirer tous les profits et avantages auxquels un propriétaire peut normalement s’attendre[5].

                                                                                                [Je souligne.]

 

[26]    Dans Décors Jacques Parent inc. c. Slater, SOQUIJ AZ‑01036227, B.E. 2001BE‑466, le juge Gagnon devait décider de la responsabilité de la demanderesse quant à la livraison au Colorado de meubles achetés au Canada par les défendeurs et qui étaient parvenus à destination endommagés. Ce sont les défendeurs qui avaient demandé qu’on leur expédie les meubles, à leurs frais. Le juge a conclu que la demanderesse, Les Décors Jacques Parent inc., avait rempli son obligation de délivrance. Le juge écrit :

 

[...] À cet égard, le tribunal considère que la délivrance au sens juridique du terme était parfaite lorsque les biens ont été confiés en bon état et correctement emballés à un transporteur. [...]

[Je souligne.]

 

[27]    Il a cité Me Léon Faribault, qui écrivait à l’égard de l’article 1493 de l’ancien Code civil du Bas‑Canada :

 

Lorsque les effets vendus doivent être délivrés F.O.B. entre les mains d’un voiturier, ce dernier devient l’agent de l’acheteur, et la remise que le vendeur lui fait de ces effets suffit pour qu’il y ait une délivrance valide.

 

[Je souligne.]

 

[28]    La notion de délivrance fait l’objet de commentaires de la part du professeur Denys‑Claude Lamontagne dans Droit de la vente, 3e édition, Éditions Yvon Blais, aux paragraphes 144 et 147, aux pages 78 et 79 :

 

i)          Nature de la délivrance

 

[144] La délivrance consiste dans le transfert par le vendeur de la détention du bien vendu, soit qu’il y ait tradition du bien (auquel cas la délivrance coïncide avec la prise de livraison par l’acheteur), soit que le bien soit mis à la disposition de l’acheteur. En somme, il s’agit d'un acte d’exécution : le changement ou la possibilité de changement de contrôle du bien permet à l’acheteur de bénéficier in concreto des effets résultant du transfert de propriété.

 

•     Ce dernier transfert se réalise par le seul échange de consentements des contractants (1386, 1708 C.c.Q.).

 

•     La translation de la propriété implique en soi un transfert de possession : l’acheteur acquiert l’animus et le corpus, même s’il possède par l’intermédiaire de son vendeur, détenteur précaire (921 et s. C.c.Q.). Il est donc inexact d’affirmer que la délivrance opère un transfert de possession (1717 C.c.Q.) : elle concerne strictement celui de la détention.

 

[...]

 

[147]    Théorie des risques. − La date de la délivrance est importante en matière de vente, notamment en raison de la dissociation du transfert de propriété et du transfert des risques. La règle res perit domino (950 C.c.Q.) est ici mise en échec, au profit de la règle res perit debitori. Nonobstant le transfert de propriété − relatif à un bien individualisé ou déterminé par son espèce seulement (1562, 1563 C.c.Q.) le vendeur assume les risques de perte tant que la délivrance n’a pas lieu (1456, 1846 C.c.Q.) (supra, nos 116 et s.). En d’autres termes, le contrôle ou la détention du bien justifie la responsabilité de droit. Le principe n’est toutefois pas absolu.

[Je souligne.]

 

[29]    Il est à noter que, dans le cahier de jurisprudence et de doctrine de GLS, je n’ai vu aucun texte législatif, jurisprudentiel ou doctrinal reconnaissant que l’obligation de délivrance comprend l’obligation de dédouaner les véhicules récréatifs vendus par un vendeur canadien québécois à un étranger. Notons, de plus, qu’avant l’utilisation des services de Jensen, GLS livrait ses véhicules récréatifs sans s’occuper du dédouanement.

 

Analyse

 

[30]    Malgré l’excellente plaidoirie présentée par le procureur de GLS, il n’a pas réussi à convaincre la Cour que la cotisation du ministre était mal fondée. Signalons tout d’abord que les dispositions pertinentes pour résoudre le litige sont le paragraphe 165(1) et l’alinéa 142(1)a) de la Loi, que je reproduis ici :

 

165(1) Taux de la taxe sur les produits et les services — Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l'acquéreur d'une fourniture taxable effectuée au Canada est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe calculée au taux de 7 % sur la valeur de la contrepartie de la fourniture.

 

[Je souligne.]

 

142(1) Règle générale — Canada -- Pour l'application de la présente partie et sous réserve des articles 143, 144 et 179, un bien ou un service est réputé fourni au Canada si :

 

a)         s'agissant d'un bien meuble corporel fourni par vente, il est, ou sera, livré à l'acquéreur au Canada ou y est, ou y sera, mis à sa disposition;

[Je souligne.]

 

[31]    Selon l’alinéa 142(1)a) de la Loi, un bien meuble corporel fourni par vente est réputé fourni au Canada s’il est « livré » à l'acquéreur au Canada  ou y est « mis à sa disposition ». Notons dès le départ que le texte de la Loi fait référence à la livraison, et non pas à la délivrance, d’un bien au Canada. En ce qui concerne les expressions « livré » et « mis à sa disposition », il n’est pas nécessaire d’avoir recours à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils du Québec pour en définir la portée. Il n’est donc pas nécessaire de recourir au Code civil du Québec[6]. Par conséquent, l’article 8.1 de la Loi d’interprétation n’est d’aucune aide ici[7].

 

[32]    La question que doit résoudre la Cour est celle de savoir si les biens vendus par GLS aux consommateurs américains ont été livrés à ces consommateurs, ou, à tout le moins, mis à leur disposition, au Canada. La preuve révèle amplement que GSL leur a remis la possession des véhicules récréatifs au Canada après leur avoir transféré le titre de propriété. En outre, GLS a manifestement mis les véhicules récréatifs à leur disposition au Canada. Par conséquent, les consommateurs américains auraient pu, dans le cas de véhicules tout‑terrains, décider de ne pas les transporter aux États‑Unis et de les utiliser sur une terre qu’ils pouvaient posséder ou louer au Canada[8].

 

[33]    Malheureusement pour GLS, son appel doit subir le même sort que celui de l’entreprise Évasion Hors Piste mentionnée ci‑dessus, et ce, pour les mêmes motifs.

 

[34]    Je dois souligner également que les commentaires suivants, qui m’apparaissaient tout à fait justifiés dans l’affaire Évasion Hors Piste Inc., s’imposent davantage dans la présente affaire, non seulement compte tenu du fait que le procureur de l’intimée a reconnu que tous les biens faisant l’objet de la cotisation avaient été exportés aux États‑Unis et du fait que le ministère a annulé la cotisation provinciale relativement à tous les véhicules exportés aux États‑Unis, mais aussi en raison du rôle joué par le ministère dans sa communication avec la représentante de l’appelante et de la conduite de la vérificatrice, à titre de mandataire du ministre, lors de sa vérification. Voici ce que j’écrivais au paragraphe 21 de la décision Évasion Hors Piste Inc. :

 

[21]      Même si la cotisation établie par le ministre est conforme à la lettre de la LTA, je ne peux m'empêcher de constater qu'elle n'est pas conforme à son esprit. En effet, il ressort clairement des dispositions de la LTA que les biens tangibles exportés à l'extérieur du Canada ne devraient pas être assujettis à la TPS. Cela traduit d'ailleurs l'un des motifs importants de l'adoption de la TPS en remplacement de l'ancienne taxe de vente fédérale, à savoir : rendre plus compétitifs les produits canadiens sur le marché mondial. Comme le procureur de l'intimée et la vérificatrice ont reconnu que certains des véhicules d'EHP avaient été réellement exportés aux États‑Unis, quoiqu'on n'ait pas suivi la bonne façon de faire, EHP se trouve à être pénalisée en devenant responsable d'une taxe qui n'aurait pas eu à être perçue si elle avait suivi la bonne démarche. Par conséquent, je recommande fortement au ministre qu'il exerce le pouvoir que lui confère le paragraphe 23(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques et qu'il prenne un décret de remise édictant le remboursement à EHP des montants de TPS, d'intérêt et de pénalité fixés dans sa cotisation, mais seulement, bien évidemment, dans la mesure où il est convaincu que les véhicules ont été, dans les faits, exportés aux États‑Unis. Si le ministre ne prend pas cette mesure, une grave injustice sera commise envers EHP, qui n'est pas en mesure de forcer ses clients américains à lui verser la TPS qu'ils auraient dû lui remettre en sa qualité de mandataire du ministre. En effet, les tribunaux américains refusent d'aider les pays étrangers à percevoir leurs taxes aux États‑Unis. Ce fait devrait d'autant plus inciter le ministre à remédier à cette injustice.

 

[35]    Le procureur de GLS a demandé que l’intimée, en raison de sa conduite, soit condamnée aux dépens. Ayant conclu que la cotisation du ministre est bien fondée en droit, même si au point de vue de l’équité la situation est tout autre, on ne peut reprocher à l’intimée d’avoir défendu sa cotisation devant la Cour. Ajoutons qu’elle a concédé au début de l’audience qu’une partie de la taxe nette devait être annulée. Je peux accorder des dépens visant à décourager « les comportements et litiges impétueux, futiles et abusifs » ou à « indemniser, du moins en partie, la partie qui a eu gain de cause et qui a parfois engagé de grosses dépenses pour faire valoir ses droits »[9]. Je ne crois pas, par contre, qu’il soit le rôle de la Cour d’indemniser une partie qui croit, à bon droit ou pas, avoir subi des dommages résultant de la communication erronée d’un renseignement requis dans le cadre de l’administration de la Loi. Il s’agit là d’un évènement survenu hors du processus judiciaire de la contestation de la cotisation.

 

[36]    Pour tous ces motifs, l’appel de GLS est accueilli et la cotisation est renvoyée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis qu’un montant de 79 790,25 $ doit être exclu des fournitures taxables, le tout sans dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de juillet 2007.

 

 

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI300

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2004-3730(GST)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              GAGNÉ-LESSARD SPORTS INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Sherbrooke (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 2 avril 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       l'honorable juge Pierre Archambault

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 16 juillet 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Marc Vaillancourt

Avocat de l'intimée :

Me Benoit Denis

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                            Me Marc Vaillancourt

 

                 Cabinet :                           Vaillancourt Guertin

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]           Selon le procureur de l'intimée, le montant des intérêts ne comprend pas le volet « pénalité », prévu à l'alinéa 280(1)a) LTA (en vigueur avant le 1er avril 2007). (Voir également la pièce I‑1, onglet 1).

[2]           Rappelons également l’art. 1453 C.c.Q., qui traite du transfert du droit de propriété :

 

1453. Le transfert d'un droit réel portant sur un bien individualisé ou sur plusieurs biens considérés comme une universalité, en rend l'acquéreur titulaire dès la formation du contrat, quoique la délivrance n'ait pas lieu immédiatement et qu'une opération puisse rester nécessaire à la détermination du prix.

 

Le transfert portant sur un bien déterminé quant à son espèce seulement en rend l'acquéreur titulaire, dès qu'il a été informé de l'individualisation du bien.

[Je souligne.]

 

[3]           Selon le résumé de l'arrêt, il s'agit des « documents nécessaires au transfert d'enregistrement des autobus ».

 

[4] Me Deslauriers a écrit plutôt « l’indication ».

[5]           Léon Faribault, Traité de droit civil du Québec, t. 10, Montréal, Wilson & Lafleur, 1961, à la page 182, numéro 210.

 

[6]           Par contre, je trouve intéressante la description faite par Me Jacques Deslauriers, citée ci‑dessus, qui distingue la livraison de la délivrance. Il affirme : « Remarquons qu'il peut y avoir délivrance sans livraison. » Voir le paragraphe 23 ci‑dessus. Ajoutons que, même si la notion de « délivrance » telle qu'elle est définie aux fins du Code civil du Québec, à l'article 1717 C.c.Q., était pertinente aux fins de l’alinéa 142(1)a) de la Loi, je doute qu'une cour du Québec conclurait que la délivrance du véhicule récréatif n'est pas complète tant que le bien n'a pas été dédouané par la douane américaine. Les documents de la douane américaine ne sont pas de la même nature que ceux visés dans la décision Bernier. Ils ne sont pas nécessaires au transfert de l’immatriculation des véhicules récréatifs, au Canada du moins. Ils n’empêchent pas l’acheteur américain de « disposer d’un droit de propriété complet sur le véhicule en question ». Par analogie, on pourrait ajouter que ce n’est pas parce qu’une personne n’a pas payé la TPS sur son véhicule qu’il n’a pas le « droit de propriété complet sur le véhicule en question ».

 

La réalité est que le véhicule récréatif a été livré au consommateur américain et l'obligation de GLS de délivrer le bien a été remplie lorsqu'elle lui en a donné la possession. À mon avis, le dédouanement du bien en question ne constitue pas un des obstacles visés par l'article 1717 C.c.Q. Les documents exigés dans l'affaire Turcotte étaient, selon toute vraisemblance, les certificats d'immatriculation du vendeur. Dans l'affaire Bernier, il va de soi, comme on avait été incapable de livrer un véhicule avec un numéro de série valide, les tribunaux ont pu considérer qu'il n'y avait pas eu de délivrance au sens du Code civil du Québec. Il s'agissait, selon toute vraisemblance, d'un véhicule volé. Le régime d'immatriculation de ce type de véhicule assure à un acquéreur la validité de l'acquisition de son droit de propriété.

 

[7]           L'article 8.1 de la Loi d'interprétation se lit comme suit :

 

8.1       Le droit civil et la common law font pareillement autorité et sont tous deux sources de droit en matière de propriété et de droits civils au Canada et, s’il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue d’assurer l’application d’un texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s’y opposant, avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province au moment de l’application du texte.

[Je souligne.]

 

La seule notion apparaissant à l’alinéa 142(1)a) de la Loi qui pourrait appartenir « au domaine de la propriété et des droits civils » est celle de la « vente ». Or, cette notion n’est pas en litige ici. En outre, le paragraphe 123(1) de la Loi fournit cette définition de « vente » :

 

« vente » Y sont assimilés le transfert de la propriété d'un bien et le transfert de la possession d'un bien en vertu d'une convention prévoyant le transfert de la propriété du bien.

 

[8]           Je ne sais pas s'il est légal d'utiliser sur un terrain privé au Québec un véhicule tout‑terrain sans obtenir préalablement l'immatriculation du véhicule en question. Par contre, que cette utilisation soit légale ou non aux fins de la loi québécoise régissant ces questions, il n’en reste pas moins qu’un client américain de GLS à qui on avait remis la possession d’un véhicule récréatif à l’égard duquel aucune TPS n’avait été prélevée aurait pu dans les faits l’utiliser au Canada sans avoir à verser de TPS. À mon avis, c’est pour empêcher une telle éventualité que la Loi prévoit l’obligation de percevoir la TPS lorsqu’un bien destiné à l’exportation est livré au Canada ou mis à la disposition du consommateur étranger au Canada, à moins que le véhicule ait été livré à un transporteur public ou à un consignataire, dont le rôle de tiers intermédiaire permet d’établir que le bien a bel et bien été exporté hors du Canada.

 

[9]           Voir Sherman c. M.R.N., 2003 CAF 202, [2003] 4 C.F. 865, [2003] G.S.T.C. 85, au paragraphe 46, dont le passage pertinent est cité dans Fournier c. La Reine, 2005 CAF 131, [2005] G.T.C. 1398, au paragraphe 12.

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