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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

2001-3141(IT)I

ENTRE :

DONALD G. BARKER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

Appel entendu le 15 mars 2002 à Toronto (Ontario) par

 

l'honorable juge J. E. Hershfield

 

Comparutions

 

Représentant de l'appelant :                          Cary N. Selby

 

Avocate de l'intimée :                                   Me Andrea Jackett

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1997 est admis, avec dépens, et la
cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de mai 2002.

 

 

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de février 2003.

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

 

Date: 20020502

Dossier: 2001-3141

 

ENTRE :

DONALD G. BARKER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Version révisée à partir de la transcription des motifs du jugement rendus oralement à l'audience, le 15 mars 2002, à Toronto (Ontario).)

 

Le juge Hershfield, C.C.I.

 

[1]     Il s'agit d'un appel à l'encontre de la nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1997 de l’appelant, à l'égard de laquelle il s’est prévalu d’une perte découlant de la remise de ce qui aurait été, selon les documents écrits, un prêt à la société Barker Terp Gibson Limited (que j’appellerai « Barker Limited »). En 1997, la somme de 41 480,00 $ a été prêtée à la société. Le prêt a été remis dans le cadre de la même série d'opérations qui l’avait décrit comme un prêt.

 

[2]     On a soutenu que ce montant était une perte en capital qui répond aux exigences de l’alinéa 39(1)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), qui définit une perte au titre d’un placement d’entreprise résultant de la disposition d'un bien quelconque. Quoique cet alinéa limite ensuite son application à une perte causée par la disposition de certains genres de biens en capital, c'est-à-dire un certain genre d’actions ou un certain genre de créances, la perte doit d’abord et avant tout être une perte en capital découlant de la disposition d'un bien quelconque, peu importe qu’il s’agisse ou non d’une action ou d’une créance. En outre, pour que la perte en capital soit une perte au titre d’un placement d’entreprise, il doit s'agir d'une disposition à laquelle s'applique le paragraphe 50(1), sauf s’il s’agit d’une disposition à une personne avec qui il existe un lien de dépendance. En l’espèce, il n’est pas nécessaire de décider que le paragraphe 50(1) s’applique, car la disposition en question au cours de l’année visée était faite en faveur d'une personne avec laquelle il n'existait aucun lien de dépendance[1].

 

[3]     En ce qui concerne le genre de biens pouvant donner lieu à une perte au titre d’un placement d’entreprise, les sous-alinéas 39(1)c)(iii) et (iv) exigent que le bien dont on a disposé soit une action du capital-actions d’une société exploitant une petite entreprise ou une créance du contribuable sur une société privée sous contrôle canadien. Les autres exigences portant sur la faillite ou la liquidation du débiteur ne s’appliquent pas si le bien visé par la disposition est une créance du contribuable sur une société privée sous contrôle canadien qui est une société exploitant une petite entreprise.

 

[4]     Tels sont les aspects pertinents de la définition des termes « perte au titre d’un placement d’entreprise » en vertu de l’alinéa 39(1)c), libellé comme suit :

 

39(1) Pour l'application de la présente loi :

 

[...]

 

c)   une perte au titre d'un placement d'entreprise subie par un contribuable, pour une année d'imposition, résultant de la disposition d'un bien quelconque s'entend de l'excédent éventuel de la perte en capital que le contribuable a subie pour l'année résultant d'une disposition, après 1977 :

 

      (i)   soit à laquelle le paragraphe 50(1) s'applique,

 

(ii) soit en faveur d'une personne avec laquelle il n'avait aucun lien de dépendance,

 

d'un bien qui est :

 

(iii) soit une action du capital-actions d'une société exploitant une petite entreprise,

 

(iv) soit une créance du contribuable sur une société privée sous contrôle canadien (sauf une créance, si le contribuable est une société, sur une société avec laquelle il a un lien de dépendance) qui est :

 

(A) une société exploitant une petite entreprise,

 

(B) un failli, au sens du paragraphe 128(3), qui était une société exploitant une petite entreprise au moment où il est devenu un failli pour la dernière fois,

 

(C) une personne morale visée à l'article 6 de la Loi sur les liquidations qui était insolvable, au sens de cette loi, et qui était une société exploitant une petite entreprise au moment où une ordonnance de mise en liquidation a été rendue à son égard aux termes de cette loi,

 

[...]

 

[5]     La société, Barker Limited, est une société privée sous contrôle canadien qui est une société exploitant une petite entreprise. L’intimée n’a pas contesté que Barker Limited répond aux exigences des définitions de ces termes. Les questions en litige indiquées par les hypothèses dans la réponse sont de savoir s’il existait une créance et, dans l’affirmative, si elle avait été engagée en vue de tirer un revenu. Il est reconnu que la principale question en litige est la raison d’être de l’avance de fonds et la pertinence du sous-alinéa 40(2)g)(ii). Ce sous-alinéa porte que la perte subie par un contribuable est nulle dans la mesure où cette perte résulte de la disposition d’une créance ou d’un autre droit de recevoir une somme, sauf si la créance ou le droit a été acquis en vue de tirer un revenu. Si le bien visé par la disposition en l’espèce est en fait une créance ou un autre droit de recevoir une somme acquis pour une fin autre que celle de tirer un revenu, le sous-alinéa 40(2)g)(ii) porterait un coup fatal à l'affirmation de l'appelant qu'il s'agissait d'une perte en capital ou d'une perte au titre d’un placement d’entreprise. À l’égard de la question de savoir si le bien visé par la disposition était une créance ou un droit auquel s'appliquerait cette règle concernant la limitation des pertes, je remarque que le paragraphe 7(h) de la réponse fait état de l’hypothèse suivante :

 

          [TRADUCTION]

 

(h)        il n’y avait aucune créance de l’appelant sur une société privée sous contrôle canadien;

 

[6]     Puisqu’il n’est pas contesté que Barker Limited était une société privée sous contrôle canadien, cette hypothèse dans la réponse confirme que l’intimée estime qu'il n'existait aucune créance dont on pouvait disposer à perte. Toutefois, le fait qu’il n’y ait pas eu de créance – une conclusion de fait dont je parlerai plus loin dans ces motifs – ne signifie pas forcément qu'il n'y ait pas eu de perte en capital, même s’il ne s’agit pas d’une perte au titre d’un placement d’entreprise. Malgré cette possibilité, l’intimée a confirmé à l'audience que, selon elle, il n'y a eu ni perte en capital ni perte au titre d’un placement d’entreprise au cours de l’année en cause à l’égard de la disposition d’un bien appartenant à l’appelant À mon avis, il y a eu une perte en capital et il faut en tenir compte.

 

[7]     L’appelant était actionnaire à 50 % dans Barker Limited. Chaque actionnaire cautionnait la marge de crédit de la société et assumait une responsabilité illimitée à l’égard de la créance à la banque, même si la caution de l’appelant n’était garantie que par une hypothèque subsidiaire de 25 000,00 $. La société connaissait des difficultés et subissait des pertes. La marge de crédit bancaire n’était pas immédiatement menacée, mais l’appelant, qui était employé par la société, a décidé d'abandonner la partie. Il voulait se libérer de sa caution et disposer de ses actions. Il a été reconnu que la garantie n’avait pas été rappelée à ce moment-là.

 

[8]     L’appelant et l’autre actionnaire à 50 % dans Barker Limited ont conclu une convention d'achat-vente selon laquelle l’appelant vendait ses actions dans Barker Limited pour 1,00 $ et contribuait sa part de l’insuffisance d’actif de la société sous forme de prêt et de remise de prêt.

 

[9]     Le comptable de Barker Limited, qui, tout comme l'appelant, a témoigné lors de l'audience, avait préparé les états financiers de fin d’exercice en date du 28 février 1997, soit la fin de l’exercice suite à la vente des actions de l'appelant à l’autre actionnaire à 50 %. La fin de l’exercice précédent tombait le 30 avril, mais la vente d’actions a entraîné un changement de contrôle le 28 février, date de prise d'effet de l’achat des actions par l’autre actionnaire à 50 %, produisant un changement à la date de fin d’exercice, qui devenait le 28 février.

 

[10]    Les états financiers n’ont été préparés qu’à la fin mai, et le prix d’acquisition a été déterminé en consultation avec les comptables à ce moment. La convention d'achat-vente n’a été préparée qu’en mai, quoiqu'elle a été signée en date du 28 février 1997. L'intérêt de l'appelant comportait une insuffisance ou une valeur négative de 41 480,00 $ relativement à cette acquisition en raison des obligations de la société et de l’insuffisance de l’actif. L’élément de passif le plus important, qui représentait environ 85 % du passif total de la société, était le prêt bancaire impayé garanti par l’appelant. Les parties ont convenu qu’il fallait tenir compte de cette insuffisance d’actif ou valeur négative. Même s’il n’y avait aucune preuve que la convention unanime des actionnaires (résiliée par la convention d'achat-vente) prévoyait cela ou qu’il existait une autre convention écrite des actionnaires exigeant une telle comptabilisation, j’accepte néanmoins que les parties, à titre de coactionnaires, ont convenu implicitement de tenir compte de cette insuffisance. Cet accord s’imposait à cause de l’obligation de l’actionnaire partant aux termes de la garantie et de son besoin d’en être libéré. J’accepte que c’était d'un commun accord.

 

[11]    Même si la convention écrite qui établissait la vente des actions ne mentionnait pas la libération, il existe de la correspondance de la banque en mars et en avril de l’année en cause confirmant que la libération avait déjà été obtenue lorsque la convention a été rédigée en mai. La banque a fourni la libération en comptant sur les autres garants, c'est-à-dire l’autre actionnaire dont l’accord était exigé par la banque avant qu’elle ne libère l’appelant de sa responsabilité. J’accepte que la libération était une condition préalable au prêt et à la remise de prêt de 41 480,00 $ que l’appelant a accordé à la société aux termes de la convention d'achat-vente. J’accepte également que la libération n’aurait pas été accordée si l’appelant n’avait pas rendu compte à Barker Limited de la valeur négative déterminée par le comptable de la société. La libération dépendait du consentement de l’autre actionnaire, et ce consentement était lui-même conditionnel à ce que l'appelant rende compte relativement à l’insuffisance. La garantie a soulevé le voile corporatif au bénéfice de la banque, et l’obtention de la libération a, dans les faits, soulevé le voile au bénéfice du coactionnaire de l’appelant. J’accepte que la convention réciproque qui a, dans les faits, soulevé le voile entre les actionnaires a créé une obligation différée liée à l’obligation différée découlant des garanties personnelles fournies à la banque.

 

[12]    Dès lors, il semble clair que l’appelant a acheté sa libération complète de toutes les obligations différées en contribuant à la société sa part de la valeur négative de la société, c’est-à-dire qu’il a acheté sa libération en contribuant 50 % de l’insuffisance d’actif, sa part étant de 41 480,00 $[2].

 

[13]    Même s’il est clair que le versement dans ce cas visait une obligation ou un prêt différé, la convention d'achat-vente affirmait qu'il s'agissait d'un prêt ou d'une avance courante à Barker Limited avec remise immédiate, sans doute pour qu'il s'agisse, lors de sa disposition, d'une perte au titre d’un placement d’entreprise. Toutefois, si la transaction était, en fait, une avance courante ou un prêt, on ne pourrait dire qu’elle avait été faite en vue de tirer un revenu, ce qui signifierait que la disposition résultant de la remise de prêt serait assujettie à la règle concernant la limitation des pertes au sous-alinéa 40(2)g)(ii).

 

[14]    Pour ce qui est de savoir si l'opération telle qu'elle était formulée a créé ou non une créance courante payable à l’appelant, je souscris à l’hypothèse dans la réponse. Aucune créance n'a été créée[3].

 

[15]    S’il n’y avait aucune créance, il faut déterminer la nature du versement. Il est clair que l'appelant a versé ce montant pour obtenir sa libération aux termes de la garantie. Il s'agissait d'un versement lié principalement à l’obligation différée engagée par l’appelant au cours d’un exercice précédent, alors que le critère de tirer un revenu n’était pas en cause. Une perte subie à l’égard d’une telle obligation différée est une perte en capital, mais non une perte au titre d’un placement d’entreprise.

 

[16]    Lors des plaidoiries en l’espèce, l’avocate de l’intimée m’a renvoyé à l’affaire Easton c. Canada, [1998] 2 C.F. 44, 97 D.T.C. 5464 (C.A.F.). Même si je ne comprends pas bien pourquoi elle me renvoie à cette affaire, je note que celle-ci mentionne l’affaire M.N.R. v. Steer, [1967] R.C.S. 34 (C.S.C.), où l’on a statué que la garantie accordée à une banque par un contribuable relativement à l’endettement d’une société en contrepartie d’actions de la société doit être considérée comme un prêt différé à la société et que les montants versés pour acquitter la dette doivent être traités comme une perte en capital. En outre, la portée générale de l’arrêt Easton me semble claire. Les versements non remboursés faits par les actionnaires à l’égard de versements liés à une garantie, même s’ils sont volontaires, sont présumés être à titre de capital, sauf si les faits réfutent cette conclusion et obligent à un traitement à titre de revenu et non de capital. La garantie d’un actionnaire relativement à l'obligation de la société est accordée pour obtenir un bénéfice durable sous forme de dividendes ou d’une augmentation de la valeur des actions. Même si l’avantage est lié aux actions, il ne l’est pas suffisamment pour constituer une part du coût des actions. L’avantage est un bien en immobilisation distinct et, comme le montre la présente affaire, il comporte des droits et des obligations qui excèdent ceux liés aux actions elles-mêmes. Les actions ne sont pas imposables. En l’espèce, les actionnaires, outre leurs intérêts dans les actions, et en plus des garanties bancaires, ont convenu d’être imposables entre eux. Par conséquent, il existe des droits et des obligations entre eux qui excèdent les droits simplement liés à leurs actions. L’avantage dérivé de la garantie et l’intérêt imposable dans la société peuvent se traduire par des droits assurés en vertu d’une convention unanime des actionnaires ou assurés d'une autre façon[4]. En l’espèce, la convention d'achat-vente des actions, aux termes de laquelle le versement de 41 480,00 $ a été fait, contient des renonciations mutuelles à tous droits et obligations et à toutes formes d’actions, de dettes, de créances, et ainsi de suite. Il existe des clauses d’indemnité et de garantie qui seraient superflues s'il n'était question que de droits à titre d'actionnaires. Ce facteur, conjugué à la résiliation de la convention unanime des actionnaires, montre qu’un autre bien immatériel, une sorte de chose non possessoire, était incorporé dans l’entente des coactionnaires en l’espèce, à l’égard duquel une contrepartie devait être versée lors de sa disposition. Cet ensemble de droits et d'obligations réciproques est un « bien » qui a, dans ce cas, une valeur négative pour chacune des parties qui a un intérêt à son égard. Les actionnaires ont, entre eux, soulevé le voile corporatif et créé un intérêt, distinct des actions, susceptible d'être aliéné à un ou l'autre d'eux. La contribution en cas de déficit ou d'obligation différée ou éventuelle (découlant principalement des garanties personnelles données à la banque) est un coût de la disposition de ce bien immatériel qui donne lieu à une perte en vertu des calculs visés au sous-alinéa 40(1)b)(i), c'est-à-dire qu’il y a, dans ce cas, disposition d’un bien en immobilisation qui exige un versement donnant lieu à une perte en vertu de la Loi. Un immeuble qui doit être démoli peut être vendu par un vendeur qui paye l’acheteur pour prendre l’immeuble à sa charge. Ce sont des coûts ou dépenses engagés pour effectuer la disposition et qui font partie de la perte calculée en vertu du sous-alinéa 40(1)b)(i), qui porte que la perte liée à la disposition d’un bien pour le contribuable comprend « des dépenses dans la mesure où celles-ci ont été engagées ou effectuées par lui en vue de réaliser la disposition ».

 

[17]    L’appelant se retirait d’une participation active chez Barker Limited. Il a démissionné à titre d’employé, de dirigeant et d’administrateur, et il a vendu ses actions. Il a été obligé de verser le montant en question afin de se dégager d’engagements pris dans un contexte commercial à titre de capital. Ces engagements constituaient une obligation différée qui devait être prise en compte lors du retrait de tous ses intérêts dans la société, y compris la disposition de ses actions et des droits contractuels connexes. Ses intérêts contractuels connexes étaient des biens en immobilisation et, dans la mesure où ceux-ci avaient une valeur négative au moment de la disposition, le versement de cette valeur négative constitue un coût de la vente. La valeur négative était une obligation éventuelle qui a cessé d’être éventuelle lors du départ de l’appelant de Barker Limited. Le coût d’un tel départ est à titre de capital et, dans ce cas, il donne lieu à une perte en capital de 41 480,00 $. Si l’on décidait le contraire, si l’on refusait d’admettre cette perte en capital, cela reviendrait à dire que cette dépense est un « rien » dont notre système fiscal ne tient aucunement compte. Pourtant, il ne s'agit manifestement pas d'une dépense personnelle. Il s'agit d'un coût clairement lié à l’aspect en capital de son investissement dans cette société et, à ce titre, on ne devrait pas refuser de reconnaître une perte effectivement subie.

 

[18]    J’ai quelques autres observations à faire au sujet d’une autre cause mentionnée par l’avocate de l’intimée, soit l’affaire The Cadillac Fairview Corporation Limited c. La Reine, C.A.F., no A-282-96, 25 janvier 1999 (99 D.T.C. 5121). Dans cette affaire, une société mère a effectué des versements à la banque aux termes d’une garantie concernant les créances de sa filiale avant qu’il n’y ait demande. Selon ce que je comprends, la banque exigeait ces versements car elle ne consentait pas à différentes propositions qui auraient laissé le solde du prêt impayé et garanti par les autres parties qui faisaient l’acquisition de la filiale. Cela donne à croire que le prix d’achat des actions aurait été réduit pour tenir compte de l’existence des créances si la banque avait accepté ces propositions. Il semble que la banque ait plutôt demandé que les prêts soient remboursés, ce qu’a fait la société mère, et l’acheteur a alors demandé à la société mère de renoncer à toute réclamation subrogée qu’elle pouvait avoir contre la filiale en raison du remboursement des obligations de celle-ci. La société mère a fait état d’une perte en capital à l’égard du montant payé à la banque et la Cour d’appel fédérale a statué qu’aucune perte de ce genre n’existait. Il semble que ce résultat ait été fondé sur la conclusion, dans ce cas, que la créance payable par la filiale à la société mère en raison du remboursement par la société mère des créances de la filiale n’a pas fait l’objet d’une disposition, mais qu'il y a plutôt eu renonciation aux droits d'exécution moyennant contrepartie. La contrepartie était le fait de se dégager d’un désastre financier, et aucune perte ne devait être reconnue.

 

[19]    Quoique l’arrêt Cadillac Fairview préconise le refus de pertes créées par les frais de résiliation relativement à des obligations éventuelles, il faut, à mon avis, faire preuve de prudence dans son application si cela mène à refuser de reconnaître des dépenses réelles qui ont permis la vente d’un bien en immobilisation. La reconnaissance des pertes en capital créées par de telles dépenses est un résultat acceptable en théorie et qui est permis par le sous-alinéa 40(1)b)(i), dont on n’a pas tenu compte dans l’affaire Cadillac Fairview. Dans l’affaire Cadillac Fairview, la Cour a statué que les articles de la Loi invoqués pour réclamer la perte ne s’appliquaient pas tels qu’ils sont libellés. En outre, l’affaire Cadillac Fairview se distingue de la présente affaire. En l’espèce, il existe un bien en immobilisation distinct à l'égard des deux actionnaires, qui avaient établi entre eux un régime de droits et d’obligations dont il fallait disposer lors de la vente des actions de l’un d’entre eux. On a disposé de ce bien en immobilisation distinct, et cette disposition nécessitait l'engagement de dépenses qui ont donné lieu à une perte en vertu du sous-alinéa 40(1)b)(i). Dans l’affaire Cadillac Fairview, on a conclu qu'il y avait une contrepartie dont on n'avait pas tenu compte qui compensait toute perte. En l’espèce, il y a une relation contractuelle existante entre les coactionnaires, dont chacun avait une obligation éventuelle. Il y a eu versement d'une contrepartie de l'un à l'autre lors de la résiliation de leurs ententes contractuelles pour effectuer une compensation, sauf dans la mesure de l’insuffisance d’actif dont on avait tenu compte et qui était un coût de la vente qui s'ajoutait au reste de la contrepartie découlant de la résiliation des intérêts de l’appelant dans ces ententes contractuelles.

 

[20]    Par conséquent, l’appel est admis et déféré au ministre en raison du fait qu'il y a eu disposition d’un bien en capital et que les dépenses au montant de 41 480,00 $ doivent être reconnues comme des dépenses engagées ou effectuées par l’appelant en vue de réaliser la disposition de ce bien en vertu du sous-alinéa 40(1)b)(i). Pour plus de certitude, je fais remarquer que la perte ainsi déterminée n’est pas une perte au titre d’un placement d’entreprise.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de mai 2002.

 

 

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de février 2003.

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 



[1] Il n’y a eu aucune preuve que l’autre actionnaire à 50 % de Barker Limited était apparenté à l’appelant, et puisque les prix de la disposition en l’espèce étaient déterminés d’une façon autonome, j’accepte que l'opération a été conclue entre deux personnes sans lien de dépendance. En outre, la réponse n’affirme pas que les opérations n'étaient pas faites entre personnes sans lien de dépendance, mais elle reconnaît plutôt qu’une perte au titre d’un placement d’une petite entreprise a été accordée à l’égard de la vente des actions de Barker Limited par l’appelant à l’autre actionnaire. Si la vente d’actions comportait un lien de dépendance, il n’y aurait eu aucune perte au titre d’un placement d’entreprise, sauf si paragraphe 50(1) s’appliquait. Le paragraphe 50(1) ne s’appliquerait pas en l’espèce à l’égard de la vente d’actions, puisque le débiteur ne satisfait à aucune des exigences des sous-alinéas (i) à (iii) de l’alinéa 50(1)b).

[2] La créance de la banque, qui était entièrement garantie par l’appelant, s'élevait à 97 589,00 $. Même si l’appelant avait le droit d’être indemnisé par l’autre actionnaire pour la moitié du montant garanti par l’appelant, ce dernier était responsable pour le montant entier de 97 589,00 $, et c’était le cas même si le bien donné en gage ne valait que 25 000,00 $. Il est clair que l’appelant avait tout intérêt à obtenir une libération complète de toutes ses obligations envers la banque et envers son coactionnaire au coût de 41 480,00 $, et qu'il avait accepté cette obligation lorsqu'il avait fourni la garantie et convenu avec son coactionnaire de rendre compte de toute insuffisance d’actif de Barker Limited.

[3] Le fait que la convention d'achat-vente des actions de l'appelant dans Barker Limited datée du 28 février 1997 décrit la contribution de 4l 480,00 $ de l’appelant à la société comme une avance de fonds et une remise de créance pourrait appuyer l'argument selon lequel la forme l’emporte sur le fond. Par contre, on doit assumer la validité de l’hypothèse dans la réponse à moins de preuves contraires. L’appelant n’a pas réellement essayé de réfuter l’hypothèse. À mon avis, l’hypothèse revient en fait à dire que les prétendus prêt et remise de créances sont artificiels. Il n’y avait aucun prêt réel et exécutable. Il s'agissait d'un versement pour obtenir une libération d’une obligation de prêt différée qui avait été créée antérieurement. Si la forme l’emporte sur le fond, je note entre parenthèses que, sauf réorganisation des classes d’actions détenues par l’appelant et l’autre actionnaire, ce versement aurait pu être structuré comme une contribution de capital à l’égard des actions détenues par l’appelant et, dans ce cas, il y aurait eu non seulement une perte en capital lors de la disposition des actions, mais cette perte aurait pu être une perte au titre d’un placement d’entreprise.

[4] On n’a pas déposé de copie de la convention unanime des actionnaires à l’audience, mais la convention d'achat-vente des actions en fait mention et la résilie.

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