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Dossier : 2006-2920(GST)I

ENTRE :

GERTRUDE HIGGINS,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

John Higgins (2006-2921(GST)I) le 25 juillet 2007,

à Fredericton (Nouveau-Brunswick).

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Don Olmstead

Avocate de l’intimée :

Me Carole Benoit

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 14 mars 2005 et porte le numéro 68100, est rejeté, sans dépens.

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 13e jour d’août 2007.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de septembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

Dossier : 2006-2921(GST)I

ENTRE :

JOHN HIGGINS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Gertrude Higgins (2006-2920(GST)I) le 25 juillet 2007,

à Fredericton (Nouveau‑Brunswick).

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

M. Don Olmstead

Avocate de l’intimée :

Me Carole Benoit

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 14 mars 2005 et porte le numéro A106059, est rejeté, sans dépens.

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 13e jour d’août 2007.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de septembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

 

 

Référence : 2007CCI469

Date : 20070813

Dossier : 2006-2920(GST)I

ENTRE :

GERTRUDE HIGGINS,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

Dossier : 2006-2921(GST)I

ET ENTRE :

JOHN HIGGINS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Webb

 

[1]   Les appelants, Gertrude Higgins et John Higgins, étaient tous deux administrateurs de Tru‑John Enterprises Inc. (la « personne morale »), qui exploitait une boutique d’artisanat et de cadeaux à St. Stephen (Nouveau‑Brunswick). Malheureusement, la personne morale n’a pas connu de succès. Les états financiers de la personne morale montraient que celle‑ci avait subi des pertes au cours de ses exercices ayant pris fin le 28 février 1995, le 29 février 1996, le 28 février 1997 et le 28 février 1998. La personne morale a fait de faibles bénéfices de 11 516 $ au cours de son exercice qui a pris fin le 28 février 1999. Toutefois, à ce moment‑là, après que les bénéfices réalisés en 1999 eurent été pris en compte, le déficit accumulé s’élevait néanmoins à 131 642 $.

 

[2]   La personne morale a omis de verser toute la TVH qu’elle avait perçue sur ses ventes. Les appelants ont fait l’objet de cotisations à titre d’administrateurs de la personne morale par suite de ce manquement. La TVH non versée se rapportait aux périodes allant du 30 novembre 1998 au 30 septembre 2000.

 

[3]   Il s’agit ici de savoir si les appelants, à titre d’administrateurs de la personne morale, sont tenus de payer la TVH non versée.

 

[4]   La responsabilité des administrateurs est prévue à l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »). Les paragraphes (1) et (2), pour les périodes visées par les appels, sont rédigés comme suit :

 

(1) Les administrateurs de la personne morale au moment où elle était tenue de verser une taxe nette comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer cette taxe ainsi que les intérêts et pénalités y afférents.

[...]

 

(3) L’administrateur n’encourt pas de responsabilité s’il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

 

[5]   Le moyen de défense soulevé par les appelants en l’espèce était fondé sur la diligence raisonnable, ce moyen étant prévu au paragraphe 323(3), précité.

 

[6]   Dans l’arrêt Soper v. R., [1997] 3 C.T.C. 242, la Cour d’appel fédérale a procédé à une analyse détaillée du moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable prévu au paragraphe 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, dont le libellé est identique à celui du paragraphe 323(3) de la Loi. La Cour d’appel fédérale a fait remarquer que les lois fédérales dont le libellé est le même doivent être interprétées de la même façon. En particulier, la Cour d’appel fédérale a mis l’accent sur les dispositions de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (la « LCSA »), qui impose également une obligation à l’administrateur et emploie les mêmes termes que ceux qui figurent dans la Loi et dans la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard du moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable. Dans l’arrêt Soper, précité, le juge Robertson, de la Cour d’appel fédérale, a fait les remarques suivantes :

 

[19]     À mon avis, ce n’est pas un pur hasard que le paragraphe 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu contienne des termes identiques à ceux qui figurent à l’alinéa 122(1)b) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions car ces deux dispositions législatives se rapportent à la norme de prudence à respecter. Il faut reconnaître que la disposition de la LCSA concerne le degré de prudence dont il faut faire preuve envers la société tandis que la disposition fiscale concerne le degré de prudence dont il faut faire preuve envers l’État et les contribuables canadiens. Toutefois, cette distinction n’annule pas la pertinence de la norme énoncée dans la LCSA, ne fût‑ce qu’à cause de la présomption de cohérence des lois entre elles. Ce principe élémentaire d’interprétation des lois est expliqué par P.‑A. Côté dans son ouvrage Interprétation des lois, 2e éd. (Cowansville (Québec) : Les Éditions Yvon Blais Inc., 1990), aux pages 323 et 325 :

 

On suppose qu’il règne, entre les divers textes législatifs adoptés par une même autorité, la même harmonie que celle que l’on trouve entre les divers éléments d’une loi : l’ensemble des lois est censé former un tout cohérent. L’interprète doit donc favoriser l’harmonisation des lois entre elles plutôt que leur contradiction, car le sens de la loi qui produit l’harmonie avec les autres lois est réputé représenter plus fidèlement la pensée de son auteur que celui qui produit des antinomies.

 

Plus concrètement, la présomption de cohérence des lois entre elles se manifeste avec d’autant plus d’intensité que les lois en question portent sur la même matière, sont in pari materia, comme on a l’habitude de dire. D’autre part, il peut apparaître certains conflits entre différentes lois, conflits que l’interprète devra résoudre de manière à rétablir l’harmonie.

 

[...]

 

En résumé donc, la présomption de cohérence entre lois connexes vaut surtout pour les lois émanant d’un même législateur. Elle s’appliquerait néanmoins entre lois issues de deux législateurs différents dans la mesure où il serait possible d’inférer des circonstances une volonté d’un des auteurs d’imiter la forme ou de tenir compte de la substance de l’autre législation.

 

Par conséquent, pour déterminer si la norme de prudence reconnue par la common law a été modifiée par la loi, il est approprié et instructif de tenir compte non seulement de la disposition relative à la diligence raisonnable prévue au paragraphe 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, mais aussi des dispositions analogues, et pratiquement identiques, relatives à la norme de prudence qui figurent dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

 

[7]   Le juge Robertson a conclu que les dispositions de l’alinéa 122(1)b) de la LCSA et le paragraphe 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu prévoyaient un critère objectif subjectif à appliquer dans l’analyse de la norme établie dans ces dispositions.

 

[8]   Dans l’arrêt Magasins à rayons Peoples inc. (Syndic de) c. Wise, 2004 CSC 68, [2004] 3 R.C.S. 461, la Cour suprême du Canada a fait les remarques suivantes au sujet du critère objectif subjectif énoncé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Soper :

 

[63]     Dans l’arrêt Soper c. Canada, 1997 CanLII 6352 (C.A.F.), [1998] 1 C.F. 124, par. 41, le juge Robertson de la Cour d’appel fédérale a décrit la norme de diligence énoncée à l’al. 122(1)b) de la LCSA comme étant une norme « objective subjective ». Même s’il portait sur l’interprétation d’une disposition de la Loi de l’impôt sur le revenu, cet arrêt est pertinent en l’espèce parce que le libellé de la disposition établissant la norme de diligence est identique à celui de l’al. 122(1)b) de la LCSA. Nous estimons pour notre part que le fait, pour le juge Robertson, de qualifier la norme par l’expression « objective subjective » peut semer la confusion. Nous préférons la décrire comme une norme objective. Ainsi, il devient évident que dans le cas de l’obligation de diligence prévue à l’al. 122(1)b), ce sont les éléments factuels du contexte dans lequel agissent l’administrateur ou le dirigeant qui sont importants, plutôt que les motifs subjectifs de ces derniers, qui sont l’objet essentiel de l’obligation fiduciaire prévue à l’al. 122(1)a) de la LCSA.

 

[9]   La Cour suprême du Canada a encore une fois fait remarquer qu’étant donné que le libellé de l’alinéa 122(1)b) de la LCSA est identique à celui du paragraphe 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu (qui est également identique au libellé du paragraphe 323(3) de la Loi), les dispositions doivent être interprétées de la même façon. À mon avis, il faut donc conclure que la Cour suprême du Canada a modifié le critère objectif subjectif que la Cour d’appel fédérale avait énoncé dans l’arrêt Soper, pour adopter plutôt une norme objective qui devrait maintenant être utilisée pour l’application de l’alinéa 122(1)b) de la LCSA ainsi que pour l’application du paragraphe 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu et du paragraphe 323(3) de la Loi.

 

[10]  Dans l’arrêt Magasins à rayons Peoples inc., précité, la Cour suprême du Canada a également fait les remarques suivantes au sujet de cette obligation :

 

[67]     On ne considérera pas que les administrateurs et les dirigeants ont manqué à l’obligation de diligence énoncée à l’al. 122(1)b) de la LCSA s’ils ont agi avec prudence et en s’appuyant sur les renseignements dont ils disposaient. Les décisions prises doivent constituer des décisions d’affaires raisonnables compte tenu de ce qu’ils savaient ou auraient dû savoir. Lorsqu’il s’agit de déterminer si les administrateurs ont manqué à leur obligation de diligence, il convient de répéter que l’on n’exige pas d’eux la perfection. Les tribunaux ne doivent pas substituer leur opinion à celle des administrateurs qui ont utilisé leur expertise commerciale pour évaluer les considérations qui entrent dans la prise de décisions des sociétés. Ils sont toutefois en mesure d’établir, à partir des faits de chaque cas, si l’on a exercé le degré de prudence et de diligence nécessaire pour en arriver à ce qu’on prétend être une décision d’affaires raisonnable au moment où elle a été prise.

[11]  Par conséquent, il s’agit ici de savoir si les appelants ont agi avec prudence et en s’appuyant sur les renseignements dont ils disposaient et s’ils ont satisfait à la norme objective qui leur est imposée d’agir avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

[12]  En l’espèce, les deux appelants s’occupaient de l’exploitation quotidienne de l’entreprise. Les deux appelants ont rencontré le comptable et l’avocat pour discuter de l’organisation de l’entreprise et ils traitaient également avec la banque au nom de la personne morale. Initialement, ils avaient embauché un comptable pour s’occuper de toutes les questions financières, mais étant donné qu’ils avaient de la difficulté à faire en sorte que ce comptable particulier achève à temps les tâches nécessaires, ils ont décidé de s’occuper davantage des affaires de la personne morale et de faire appel à un cabinet comptable distinct.

[13]  Le 20 février 1998, les appelants ont reçu le premier appel de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») au sujet des montants impayés. Comme il en a ci‑dessus été fait mention, les montants non versés au titre de la TVH se rapportaient à la période allant du 30 novembre 1998 au 30 septembre 2000. En d’autres termes, tous les montants non versés se rapportaient à des périodes postérieures à la réception par les appelants du premier appel téléphonique de l’ARC. La personne morale avait par le passé produit en retard ses déclarations de TVH, et elle n’envoyait pas avec ses déclarations le montant approprié au titre de la TVH. En ce qui concerne certains mois, la personne morale avait droit à un remboursement de la TVH qui était imputé aux montants non versés lors de périodes antérieures. Il est également arrivé plusieurs fois que plusieurs déclarations de TVH soient envoyées ensemble. La personne morale avait initialement décidé de produire aux trois mois ses déclarations de TVH, et elle avait ensuite décidé de les produire tous les mois (quoiqu’elle ait à maintes reprises produit ses déclarations mensuelles en retard).

[14]  Il ressort clairement de la preuve que les appelants essayaient vraiment de maintenir l’entreprise en activité étant donné qu’il s’agissait de leur rêve. Ils croyaient qu’ils devaient continuer à payer les fournisseurs, à défaut de quoi ils ne recevraient pas les marchandises destinées à la vente. La banque exerçait de son côté des pressions sur la personne morale. Étant donné qu’il y avait des arriérés à l’égard des emprunts contractés auprès de la banque, cette dernière imputait à sa créance impayée tout l’argent qui était dans le compte. La banque avait également pris des dispositions en vue du refinancement à l’aide de la résidence personnelle des appelants aux fins du remboursement des dettes de la personne morale. Il importe également de noter que la banque détenait les garanties personnelles des appelants à l’égard des dettes de la personne morale. Les appelants avaient également emprunté de l’argent auprès de membres de leur famille pour tenter de maintenir l’entreprise à flot. Malheureusement, leurs efforts ont échoué. Le propriétaire des locaux que la personne morale occupait a verrouillé les portes à cause des arriérés de loyer et cela a mis fin à l’entreprise.

[15]  Malheureusement, il existe fort peu d’éléments de preuve au sujet des mesures que les appelants ont prises pour prévenir les nombreuses omissions de verser la TVH.

[16]  Dans l’arrêt Worrell v. R., 2000 CarswellNat 2344, [2000] G.S.T.C. 91, la Cour d’appel fédérale a dit ce qui suit :

 

[68]     J’estime qu’il est essentiel de ne pas perdre de vue la question qui est au cœur du présent appel, savoir si les administrateurs en l’espèce ont exercé la diligence raisonnable requise pour prévenir le défaut de versement de la compagnie. Il ne s’agit pas nécessairement de la même chose que de se demander s’il était raisonnable de leur part, du point de vue commercial, de continuer à exploiter l’entreprise. Pour être en mesure d’invoquer le moyen de défense tiré du paragraphe 227.1(3), il faut normalement qu’ils aient pris des mesures positives qui, si elles aboutissaient, auraient pu prévenir le défaut de versement. Il faut donc examiner si ce qu’ont fait ces administrateurs pour prévenir le défaut satisfait à la norme de soin, de diligence et d’habileté qu’aurait observée une personne raisonnablement prudente dans des circonstances comparables.

 

[69]     Il ne suffira normalement pas que les administrateurs aient continué à exploiter l’entreprise, sachant qu’un défaut de versement était probable mais dans l’espoir que la compagnie reprendrait pied avec une reprise de l’économie ou une amélioration de sa position sur le marché. Dans ces conditions, les administrateurs seront généralement tenus pour avoir accepté le risque inhérent à la gageure que la compagnie serait subséquemment en mesure de verser les sommes dues. Le public n’a pas à assurer contre son gré ce risque, aussi raisonnable qu’il soit du point de vue commercial pour les administrateurs de continuer à exploiter l’entreprise sans rien faire pour prévenir les défauts de versement à l’avenir.

 

[70]     Cette conclusion a été récemment tirée dans Ruffo c. R., [1998] 2 C.T.C. 2203 (C.C.I.), décision confirmée par notre cour le 13 avril 2000 (A-429-97), et où Mme la juge Lamarre-Proulx de la Cour canadienne de l’impôt s’est prononcée en ces termes (paragraphe [20]) :

 

Je suis d’avis que la jurisprudence de notre cour est constante sur la diligence qui doit avoir été exercée par l’administrateur d’une corporation pour lui permettre d’échapper à la responsabilité prescrite par le paragraphe 227.1(1) de la Loi. Elle est la diligence qui s’est préoccupée de prévenir le manquement et peut dans bien des cas, se différencier de la diligence que doit exercer l’administrateur envers la corporation.

 

[71]     Un peu plus loin, elle a cité avec approbation cette affirmation du juge Rip de la Cour canadienne de l’impôt dans Merson c. R., 89 DTC 22 (page 28) :

 

La prudence qu’exige le paragraphe 227.1(3) pour agir avec soin, diligence et habileté diffère de celle que doit exercer l’administrateur qui exécute ses fonctions, en vertu du droit des compagnies, quoique le paragraphe 227.1(3) et l’alinéa 122(1)b) de la Loi sur les sociétés par actions, par exemple, emploient des mots identiques. Le soin, la diligence et l’habileté que le paragraphe 227.1(3) exige de l’administrateur ne reposent pas sur les obligations de ce dernier envers la corporation; ils reposent sur l’une des obligations de la corporation en vertu de la Loi et l’omission, par la corporation, d’exécuter cette obligation. On s’attend à ce que l’administrateur qui gère une entreprise prenne des risques pour accroître la rentabilité et c’est à cette attente que se mesurent les obligations du soin, de la diligence et de l’habileté. Le degré de prudence qu’exige le paragraphe 227.1(3) ne laisse aucune place au risque.

 

[72]     Je n’interprète pas l’affirmation faite par le juge Rip que « le degré de prudence qu’exige le paragraphe 227.1(3) ne laisse aucune place au risque » comme signifiant que l’article 227.1 impose une présomption de responsabilité aux administrateurs dont la compagnie se révèle en fin de compte incapable d’acquitter les sommes en souffrance. Pareille conception serait indubitablement contraire au paragraphe 227.1(3), qui n’entre en jeu que dans le cas où Revenu Canada ne peut recouvrer l’argent que la compagnie aurait dû verser.

 

[73]     Je pense au contraire qu’il a voulu dire par là que si les administrateurs décident de maintenir l’entreprise en activité dans l’espoir que la compagnie sera remise à flot et sera en mesure de rattraper les défauts de versement après coup, et que la compagnie fasse quand même faillite sans avoir payé ce qu’elle devait au fisc, ils ne peuvent arguer en défense qu’une personne raisonnable aurait accepté le risque qu’ils ont couru. Le moyen de défense tiré du paragraphe 227.1(3) ne peut servir que si les administrateurs peuvent prouver qu’ils ont agi avec le soin, la diligence et l’habileté qu’un homme d’affaires raisonnablement prudent aurait exercé dans des circonstances comparables pour prévenir le défaut.

 

[Je souligne.]

 

[17]  Dans la décision Ciriello v. R., 2000 CarswellNat 2823, [2000] G.S.T.C. 104, le juge Rip (tel était alors son titre) a également fait les remarques suivantes au sujet de la décision d’exploiter une entreprise dans l’espoir qu’elle reprenne :

 

[34]     Le fait d’exploiter l’entreprise en sachant que la compagnie n’effectuera pas les versements à temps, mais en espérant que la chance de la compagnie tournera n’est normalement pas utile pour la défense de l’administrateur. Ce dernier, en de telles circonstances, assume le risque selon lequel la compagnie pourra par la suite effectuer des paiements.

 

[18]  De plus, dans l’arrêt Ruffo v. R., 2000 CarswellNat 1570, [2004] 4 C.T.C. 39, la Cour d’appel fédérale a fait les remarques similaires suivantes :

 

[6]       L’obligation de l’appelant en tant qu’administrateur était de prévenir et d’empêcher l’omission de payer les sommes dues et non de la commettre ou de la perpétuer comme il l’a fait à compter de mars 1992 dans l’espoir qu’en fin de compte l’entreprise renouerait avec la rentabilité ou qu’il y aurait assez d’argent, même en cas de liquidation, pour payer tous les créanciers.

 

[19]  À mon avis, c’est exactement ce que les appelants ont fait dans ce cas‑ci. Ils ont décidé de continuer à exploiter l’entreprise dans l’espoir que leur rêve se réalise et que la personne morale soit rentable et qu’elle soit en mesure de payer les montants non versés. Il est certain que les appelants étaient honnêtes et sincères dans leurs efforts, mais ils n’ont malheureusement pas établi qu’ils avaient agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir l’omission de verser la TVH que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

 

[20]  Par conséquent, les appels sont rejetés.

    Signé à Toronto (Ontario), ce 13e jour d’août 2007.

 

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de septembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI469

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2006-2920(GST)I et 2006-2921(GST)I

 

INTITULÉ :                                       GERTRUDE HIGGINS

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

                                                          ET JOHN HIGGINS

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Fredericton (Nouveau-Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 25 juillet 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 13 août 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant des appelants :

M. Don Olmstead

Avocate de l’intimée :

Me Carole Benoit

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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