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Dossier : 2007-355(IT)I

ENTRE :

C. RAYMOND PERSAUD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 26 juillet 2007, à Fredericton (Nouveau‑Brunswick).

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

M. Roger Haineault

Avocate de l’intimée :

Me Carole Benoit

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2005 est accueilli en partie, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que l’appelant a le droit de déduire des frais de déménagement de 2 198,68 $ dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2005.

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 15e jour d’août 2007.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de septembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

 

 

Référence : 2007CCI474

Date : 20070815

Dossier : 2007-355(IT)I

ENTRE :

C. RAYMOND PERSAUD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Webb

 

[1]   La question qui est ici en litige se rapporte à la déduction de frais de déménagement effectuée par l’appelant en 2005. La déduction résulte d’un déménagement de Quispamsis (Nouveau‑Brunswick) à Fort McMurray (Alberta), et ensuite de Fort McMurray à Quispamsis au cours de la même année. Il s’agit en particulier de savoir si l’appelant résidait habituellement à Fort McMurray en 2005.

 

[2]   L’appelant est compagnon électricien. En 2005, il était en chômage. Le syndicat a affiché un poste vacant de compagnon électricien, à Fort McMurray. L’appelant n’avait pas beaucoup de temps pour répondre, mais il a décidé de se porter candidat au poste, à Fort McMurray.

 

[3]   L’appelant a engagé des dépenses de 1 099,34 $ pour se rendre, le 9 mai 2005, au lieu de son nouvel emploi, à Fort McMurray. Il a occupé le poste, à Fort McMurray, jusqu’au mois d’août. L’appelant a indiqué qu’il avait apporté la plupart de ses effets personnels, notamment ses vêtements de tous les jours, ses vêtements de travail, une veste d’hiver, des outils, un téléphone cellulaire, une radio‑réveil, un lecteur de disques compacts et un lecteur de bandes. Il est initialement allé à Fort McMurray en vue de s’y installer peut‑être en permanence. Avant de déménager au Nouveau‑Brunswick, en 1989, l’appelant et sa famille avaient vécu en Saskatchewan pendant 22 ans. L’appelant s’y connaissait donc bien lorsqu’il s’agissait de déménager d’un bout du pays à l’autre. De plus, le fils de l’appelant était stationné à Cold Lake (Alberta), et sa fille vivait à Calgary (Alberta).

 

[4]   La femme de l’appelant n’a pas déménagé avec celui‑ci; elle est restée dans leur maison, à Quispamsis. L’appelant n’est retourné à Quispamsis qu’au mois de septembre 2005, lorsqu’il a accepté un autre emploi. Il avait découvert que l’emploi, à Fort McMurray, n’allait pas durer aussi longtemps qu’il l’avait initialement prévu (et de fait, cet emploi n’a pas duré longtemps).

 

[5]   L’appelant n’avait pas de reçus pour les dépenses qu’il avait engagées afin de déménager de Fort McMurray à Quispamsis, au mois de septembre 2005, mais il a convenu que le montant dépensé devait être le même que celui qu’il avait dépensé pour déménager de Quispamsis à Fort McMurray. Il avait déduit un montant de 5 229 $ dans sa déclaration de revenus. Toutefois, le montant total qui aurait dû être déduit, comme en convient maintenant l’appelant, s’élève à deux fois 1 099,34 $, soit 2 198,68 $.

 

[6]   Le montant total que l’appelant a gagné à Fort McMurray dépassait les dépenses de 1 099,34 $ soumises à l’égard du déménagement à Fort McMurray, et le montant total que l’appelant a gagné à son retour, dans l’exercice de son emploi au Nouveau‑Brunswick, dépassait également le montant maintenant demandé à titre de déduction à l’égard du déménagement à Quispamsis.

 

[7]   Il s’agit en l’espèce de savoir si l’appelant résidait habituellement à Fort McMurray pendant le temps où il était là.

 

[8]   Dans l’arrêt Thomson v. M.N.R., 1945 CarswellNat 23, [1946] C.T.C. 51, la Cour suprême du Canada a examiné la définition de l’expression « résident habituel ». Le juge Rand, de la Cour suprême du Canada, a fait les remarques suivantes :

 

[traduction]

 

[47]     La progression par degrés en ce qui concerne le temps, l’objet, l’intention, la continuité et les autres circonstances pertinentes montre que, dans le langage ordinaire, le terme « résidant » ne correspond pas à des éléments invariables qui doivent tous être présents dans chaque cas donné. Il est tout à fait impossible d’en donner une définition précise et applicable à tous les cas. Ce terme est très souple, et ses nuances nombreuses varient non seulement suivant le contexte de différentes matières, mais aussi suivant les différents aspects d’une même matière. Dans un cas donné, on y retrouve certains éléments, dans un autre cas, on en trouve d’autres, dont certains sont fréquents et certains sont nouveaux.

 

[48]     L’expression « résidence habituelle » a un sens restrictif et, alors qu’à première vue elle implique une prépondérance dans le temps, les décisions rendues en vertu de la loi anglaise ont rejeté ce point de vue. On a jugé qu’il s’agit de résidence au cours du mode habituel de vie de la personne en question, par opposition à une résidence spéciale, occasionnelle ou fortuite. Pour appliquer le critère de la résidence habituelle, il faut donc examiner le mode général de vie.

 

[9]   Dans la même décision, le juge Estey, de la Cour suprême du Canada, a fait les remarques suivantes :

 

[traduction]

 

[71]     D’après le dictionnaire et d’après l’interprétation que les tribunaux donnent de ces termes, un individu est « résident habituel » du lieu où, dans sa vie de tous les jours, il habite d’une manière régulière, normale ou habituelle. On « séjourne » à un endroit que l’on visite ou dans un lieu où l’on demeure exceptionnellement, occasionnellement ou par intermittence. Dans le premier cas, c’est le caractère permanent qui prédomine, et dans le second, le caractère temporaire. La différence ne peut être exprimée d’une manière claire et nette, chaque cas devant être déterminé compte tenu de tous les facteurs pertinents, mais ce qui précède indique d’une façon générale la différence essentielle. Ce n’est pas la longueur de la visite ou du séjour qui détermine la question. Même la période de 183 jours prévue à l’alinéa 9b) de la présente loi ne détermine pas si la personne séjournait ou non en un lieu; elle détermine simplement si la personne ayant séjourné doit ou non payer de l’impôt.

 

[10]  De toute évidence, l’expression « résident habituel » est imprécise et ne dépend pas entièrement de la durée d’une visite ou d’un séjour.

 

[11]  Dans la décision Cavalier v. R., 2001 CarswellNat 2374, [2002] 1 C.T.C. 2001, le juge Bowie a fait les remarques suivantes au sujet de l’arrêt Thomson :

 

Une chose ressort toutefois clairement de l’arrêt Thomson : le sens de la notion de résidence habituelle est loin d’être certain.

 

[12]  Le juge a ajouté ce qui suit au paragraphe 22 :

 

[22]     Je conclus de ces jugements que, pour être considéré comme un résident habituel, un contribuable n’a pas à avoir eu l’intention de rester au nouveau lieu de résidence en permanence ou pour une période d’une durée particulière. Il n’a pas non plus à avoir déménagé tous ses meubles ou à avoir été accompagné par les membres de sa famille immédiate.

 

[13] Par conséquent, le fait que l’épouse de l’appelant est restée à Quispamsis et que les meubles et autres effets de l’appelant sont restés à Quispamsis n’est pas déterminant.

 

[14] Dans la décision Calvano v. R., 2004 CarswellNat 730, 2004 CCI 227, le juge C. Miller a fait les remarques suivantes :

 

[23] [...] L’intention d’habiter une résidence temporairement ou en permanence ne permet pas de déterminer si la résidence constitue une résidence où le contribuable « réside habituellement ». Le simple fait qu’une personne décide de vivre quelque part temporairement ne veut pas nécessairement dire qu’elle ne peut pas y résider habituellement. D’autre part, une personne peut habituellement résider dans une résidence sur une base temporaire. La notion de « résident habituel » se rapporte davantage à la vie de tous les jours qu’au caractère permanent de la situation.

 

[24]     Je souscris à la conclusion suivante que le juge Bowie a tirée dans la décision Cavalier c. Canada, au paragraphe 22 :

 

Je conclus de ces jugements que, pour être considéré comme un résident habituel, un contribuable n’a pas à avoir eu l’intention de rester au nouveau lieu de résidence en permanence ou pour une période d’une durée particulière. [...]

 

Ceci dit, la durée du séjour à Coquitlam est l’un d’un certain nombre de facteurs à prendre en considération lorsqu’il s’agit de déterminer si M. Calvano résidait habituellement à Coquitlam.

 

[15] Comme le juge C. Miller l’a fait remarquer, la durée du séjour à un endroit particulier est un facteur dont il faut tenir compte en décidant si une personne réside habituellement à cet endroit. Toutefois, il y a des cas dans lesquels la durée n’est pas pertinente. Ainsi, si un particulier devait vendre sa maison à un endroit et si, avec toutes les autres personnes qui résident dans cette maison, il devait déménager ses possessions à un nouvel endroit pour commencer à y exercer un nouvel emploi, le temps passé au nouvel endroit n’entrerait pas en ligne de compte étant donné que le particulier aurait clairement cessé de résider à l’ancien endroit et qu’il aurait rompu ses liens de résidence avec cet endroit.

 

[16] Toutefois, dans les cas où le particulier n’a pas rompu ses liens de résidence à un endroit particulier, le temps passé au nouvel endroit est un facteur dont il faut tenir compte en décidant si ce particulier réside habituellement au nouvel endroit, étant donné que plus celui‑ci reste longtemps au nouvel endroit, plus il est probable qu’il s’y soit établi dans sa vie de tous les jours. Dans l’affaire MacDonald c. Sa Majesté la Reine, 2007 CCI 250, le particulier s’était rendu en Alberta à deux reprises. Lors du premier voyage, il n’avait pas pu trouver de travail et, la seconde fois, il n’avait travaillé que pendant six semaines. Dans ce cas‑ci, l’appelant est resté à Fort McMurray beaucoup plus longtemps que ne l’avait fait M. MacDonald. De même, dans ce cas‑ci, l’appelant a ouvert un compte de banque à la coopérative de crédit de Fort McMurray, alors que M. MacDonald n’avait pas ouvert de compte.

 

[17] L’appelant n’a pas obtenu de permis de conduire de l’Alberta et il n’a pas demandé à être couvert par le régime d’assurance‑santé de l’Alberta. Jusqu’à quel point l’omission d’obtenir un permis de conduire de l’Alberta ou de demander à être couvert par le régime provincial d’assurance‑santé de l’Alberta est‑elle importante lorsqu’il s’agit de décider si l’appelant réside habituellement en Alberta?

 

[18] La Motor Vehicle Administration Act, R.S.A. 2000, ch. M‑23, de l’Alberta prévoit ce qui suit :

 

[traduction]

 

5(1) Personne ne doit conduire un véhicule à moteur sur une voie publique à moins de détenir un permis de conduire.

 

[...]

 

(3) La personne qui détient, dans un ressort autre que l’Alberta, un permis valide l’autorisant à conduire un véhicule à moteur d’une catégorie ou d’un type donné est exemptée de l’application du paragraphe (1) si elle ne reste pas en Alberta pendant plus de trois mois.

 

(4) Le paragraphe (1) ne s’applique pas à un non‑résident du Canada si les conditions suivantes sont réunies :
 
a)   il détient un permis de conduire international délivré à l’étranger;
 
b)   il ne reste pas en Alberta pendant plus de 12 mois consécutifs.

 

(5) Le paragraphe (1) ne s’applique pas à l’étudiant, selon la définition donnée dans le règlement d’application, qui est autorisé par les lois de son lieu de résidence à conduire un véhicule à moteur d’une catégorie ou d’un type donné.
 
(6) Quiconque contrevient
 

a)   au paragraphe (1) est coupable d’une infraction et passible de la peine prévue au paragraphe 101(1) [...]

 

(7) L’accusé qui fait l’objet d’une poursuite par suite de la perpétration d’une infraction au paragraphe (1) a la charge de démontrer qu’il détient un permis de conduire valide.

 

               [...]

 

10(1) Sauf disposition contraire de la présente loi, quiconque est coupable d’une infraction à la présente loi ou au règlement d’application, pour laquelle une peine n’est pas par ailleurs prévue, est passible d’une amende d’au plus 500 $ et, à défaut de paiement, d’une peine d’emprisonnement d’au plus six mois ou, si aucune amende n’est prévue, d’une peine d’emprisonnement d’au plus six mois.

 

[19] L’expression « operator’s licence » (permis de conduire) est définie comme suit à l’alinéa 1n) de la Motor Vehicle Administration Act :

 

[traduction]

 

« permis de conduire » Permis délivré conformément à la présente loi autorisant une personne à conduire un véhicule à moteur.

 

[20] Il importe de noter qu’afin de conduire un véhicule à moteur sur une voie publique en Alberta, sous réserve des paragraphes 3, 4 et 5, le particulier doit détenir un permis délivré par la province. L’exception, qui autorise les résidents du Canada qui ne sont pas des étudiants à conduire un véhicule à moteur en Alberta s’ils détiennent un permis délivré par une autre province, s’applique dans la mesure où ceux‑ci ne restent pas plus de trois mois en Alberta. Cette exception n’est pas fondée sur le fait qu’ils deviennent résidents de l’Alberta. En l’espèce, il faut également noter que l’appelant n’avait pas apporté son véhicule à moteur et qu’il a indiqué qu’il n’avait tout simplement pas besoin d’un permis de conduire parce qu’il ne conduisait pas en Alberta. L’omission d’obtenir un permis de conduire de l’Alberta ne faisait pas de lui un résident du Nouveau‑Brunswick, mais il aurait ainsi pu commettre une infraction à la Motor Vehicle Administration Act de l’Alberta s’il avait conduit un véhicule en Alberta en étant titulaire d’un permis du Nouveau‑Brunswick après être resté en Alberta pendant plus de trois mois.

 

[21] Le paragraphe 3(1) de l’Alberta Health Insurance Act, R.S.A. 2000, ch. A‑20, prévoit ce qui suit :

 

[traduction]

 

Conformément à la présente loi et à son règlement d’application, le ministre administre et met en œuvre dans un but non lucratif un régime visant à accorder des prestations à l’égard de services de santé de base à tous les résidents de l’Alberta.

 

[22] Le mot « resident » (résident) et l’expression « resident of Alberta » (résident de l’Alberta) sont définis comme suit à l’alinéa 1x) :

 

[traduction]

 

« résident » ou « résident de l’Alberta » Toute personne qui, étant légalement autorisée à être ou à rester au Canada, établit sa résidence et est habituellement présente en Alberta et toute autre personne qui est réputée par règlement être un résident, à l’exception de la personne qui fait du tourisme, qui est de passage ou qui est en visite en Alberta.

 

Il importe de noter que le libellé de cette disposition est légèrement différent de celui de la Loi de l’impôt sur le revenu, en ce sens qu’il s’applique à la personne qui établit sa résidence et qui est habituellement « présente » en Alberta.

 

[23] Cela comprendrait également une personne qui est réputée par règlement être un résident.

 

[24] En l’espèce, l’appelant croyait être encore couvert par le Nouveau‑Brunswick. La Loi sur le paiement des services médicaux, L.R.N.‑B., 1973, ch. M‑7, du Nouveau‑Brunswick prévoit que l’administration provinciale doit établir un régime de services médicaux.

 

[25] Le paragraphe 3(4) du Règlement général – Loi sur le paiement des services médicaux, Règl. du N.‑B. 84‑20, prévoit notamment ce qui suit :

 

3(2)      Sauf dispositions contraires de la Loi et du présent règlement, un bénéficiaire a droit au paiement, effectué en son nom, du coût des services assurés ou à un remboursement calculé conformément au présent règlement, pour les services assurés reçus par lui‑même ou toute personne à sa charge

 

a)   à l’intérieur de la province;

 

b)   à l’extérieur de la province; ou

 

c)   au cours d’une absence temporaire de la province.

 

[...]

 

3(4) Pour l’application du présent article, « absence temporaire de la province » signifie une absence

 

a)   pour fins de vacances, de visites ou d’affaires, sauf si la période d’absence dure plus de 182 jours au cours d’une période de douze mois, ou

 

b)     dans le but exprès de poursuivre des études dans une province ou un pays où la personne n’a pas droit au remboursement ou au paiement, en son nom, du coût des services assurés au titre du régime de services médicaux de cette province ou de ce pays, le cas échéant, et qu’elle n’a pas un emploi rémunéré à l’extérieur de la province, sauf durant les périodes de congé, pourvu que la période d’absence ne dépasse pas douze mois consécutifs.

 

[...]

 

3(7) Tout bénéficiaire qui quitte la province perd sa qualité de bénéficiaire aux fins de la protection offerte par la Direction de l’assurance‑maladie

 

a)   le premier jour du troisième mois suivant celui de son arrivée à sa nouvelle résidence, dans le cas d’un particulier qui, selon le Directeur, a cessé d’être résident de la province et a établi sa résidence ailleurs au Canada;

 

b)   douze mois après la date de son départ, dans le cas de tout autre bénéficiaire qui, selon le Directeur, quitte la province pour établir sa résidence ailleurs au Canada, sous réserve des dispositions particulières de l’article 3; et

 

c)   à la date à laquelle il quitte le Canada, dans le cas d’un particulier qui, selon le Directeur, a cessé d’être résident de la province et a établi sa résidence ailleurs qu’au Canada.

 

[26] Il importe de noter que l’alinéa 3(4)a) du Règlement général – Loi sur le paiement des services médicaux prévoit une protection lorsqu’une personne s’absente temporairement de la province, et que la notion d’absence temporaire comprend l’absence « pour fins d’affaires ». Il appartient aux tribunaux du Nouveau‑Brunswick de décider si les fins d’affaires comprennent un emploi temporairement exercé dans une autre province. Il importe également de noter qu’en vertu du paragraphe 3(7), une personne cesse d’être un bénéficiaire si, selon le Directeur, cette personne a cessé d’être résident du Nouveau‑Brunswick. En l’espèce, rien n’indique si le Directeur a exprimé un tel avis au sujet de l’appelant.

 

[27] Quoi qu’il en soit, il s’agirait encore de savoir si l’omission de demander à être couvert par le régime provincial d’assurance‑santé au nouvel endroit changerait quoi que ce soit à la question de savoir si l’appelant s’était établi dans sa vie de tous les jours en Alberta ou au Nouveau‑Brunswick. Il semble qu’une personne peut s’être établie dans sa vie de tous les jours, sans avoir changé sa protection médicale provinciale. Le simple fait de demander à être couvert par le régime d’assurance‑santé de l’Alberta n’aurait pas fait de l’appelant un résident de l’Alberta, mais s’il avait cessé, selon le Directeur, de résider au Nouveau-Brunswick aux termes du programme de l’assurance‑maladie du Nouveau‑Brunswick, l’appelant aurait cessé d’être protégé par le régime d’assurance‑maladie du Nouveau‑Brunswick comme le prévoit le paragraphe 3(7) du Règlement général – Loi sur le paiement des services médicaux du Nouveau‑Brunswick susmentionné. La question de savoir si l’appelant était protégé par le régime d’assurance‑maladie du Nouveau‑Brunswick est une question que les autorités compétentes chargées de la mise en œuvre de ce régime auraient dû trancher si l’appelant avait été obligé de subir des traitements médicaux pendant qu’il était en Alberta.

 

[28] Le représentant de l’appelant a également soulevé la question du droit qu’ont les étudiants de déduire les frais de déménagement. La définition de l’expression « réinstallation admissible » s’applique non seulement aux particuliers qui déménagent pour travailler, mais aussi aux étudiants qui déménagent pour fréquenter, à temps plein, une université, un collège ou un autre établissement d’enseignement. Le paragraphe 62(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu modifie la définition de la réinstallation admissible à l’égard des étudiants, mais il modifie uniquement l’alinéa b) de la définition, et ne change rien à l’alinéa c). En d’autres termes, les étudiants n’ont le droit de déduire des frais de déménagement que s’ils habitent ordinairement au nouvel endroit pendant qu’ils fréquentent l’établissement d’enseignement. La définition de la réinstallation admissible dans le cas des étudiants est modifiée en ce sens que les mots « toutes deux » à l’alinéa b) sont remplacés par les mots « ou l’une de ces résidences ». Par conséquent, la définition de l’expression « nouvelle résidence » demeure la même, c’est‑à‑dire qu’il s’agit de la résidence que le contribuable habitait ordinairement après la réinstallation, et les exigences quant à la distance sont encore les mêmes à l’alinéa c). Par conséquent, en ce qui concerne les étudiants, il s’agira encore de savoir s’ils habitent ordinairement au nouvel endroit.

 

[29] Par conséquent, le législateur doit avoir voulu que les étudiants qui quittent la maison pour fréquenter l’université à temps plein soient considérés comme habitant ordinairement à l’université (ou ailleurs), même si le logement dans lequel ils résident n’est que temporaire et même s’ils retournent à la maison à la fin du semestre ou de l’année. Étant donné que la définition de la « nouvelle résidence » est la même pour les travailleurs et pour les étudiants (à savoir l’endroit où une telle personne habite ordinairement), le législateur doit avoir voulu que les travailleurs ou les étudiants puissent habiter ordinairement dans leur logement temporaire. Cela est également conforme à la conclusion que le juge Bowie a tirée dans la décision Cavalier, où le contribuable vivait dans une résidence au collège.

 

[30] En l’espèce, l’appelant a résidé dans un logement fourni par son employeur à Fort McMurray pendant plus de trois mois. Les logements ont été décrits comme étant semblables à une résidence universitaire. L’appelant travaillait à Fort McMurray, il avait ouvert un compte de banque à Fort McMurray et pendant tout le temps où il était là, il s’était établi, dans sa vie de tous les jours, à Fort McMurray. L’appelant visitait également ses enfants, qui vivaient à Cold Lake (Alberta) et à Calgary (Alberta). Une période de quatre mois était suffisante pour que le juge Bowie conclue, dans l’affaire Cavalier, que le contribuable s’était installé à Fort McMurray, et je conclus qu’en l’espèce, l’appelant habitait ordinairement à Fort McMurray et qu’il a donc le droit de déduire les frais de déménagement liés à son déménagement de Quispamsis à Fort McMurray et de Fort McMurray à Quispamsis.

 

[31] Si l’appelant n’avait pas habité ordinairement à Fort McMurray pendant le temps où il était là, il aurait été conclu qu’il habitait ordinairement à Quispamsis pendant ce temps, mais il me semble difficile de dire que l’appelant s’était établi, dans sa vie de tous les jours, à Quispamsis pendant la période allant du mois de mai au mois de septembre, puisqu’il n’était pas à Quispamsis à ce moment‑là. Dans ce cas‑ci, l’absence a tout simplement duré trop longtemps pour qu’il soit possible de considérer que l’appelant habitait ordinairement à Quispamsis pendant ce temps.

 

[32] L’intimée a en outre fait remarquer que le montant dont la déduction était demandée dans la déclaration de revenus était de beaucoup supérieur au montant établi au cours de l’audience au titre des dépenses engagées. Toutefois, cela était également le cas dans l’affaire Cavalier, où le juge Bowie avait également fait remarquer que les frais déduits par le contribuable dans ce cas‑là étaient « considérablement gonflés ». Comme dans la décision Cavalier, cela n’influe pas sur le droit de l’appelant de déduire des frais de déménagement, mais cela influe uniquement sur le montant qui peut en réalité être déduit.

 

[33] Par conséquent, l’appel est accueilli en partie, et l’appelant aura le droit de déduire des frais de déménagement de 2 198,68 $ dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2005.

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 15e jour d’août 2007.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de septembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI474

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-355(IT)I

 

INTITULÉ :                                       C. RAYMOND PERSAUD

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Fredericton (Nouveau‑Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 26 juillet 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 15 août 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelant :

M. Roger Haineault

Avocate de l’intimée :

Me Carole Benoit

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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