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Dossier : 2002‑2867(IT)G

ENTRE :

STATUS-ONE INVESTMENTS INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

_______________________________________________________________

Requête entendue le 14 septembre 2005, à Montréal (Québec).

 

Devant : L’honorable Gerald J. Rip

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me André Gauthier

Me Josée Vigeant

 

Avocat de l’intimée :

Me Daniel Bourgeois

_______________________________________________________________

ORDONNANCE

 

          Il est ordonné que l’intimée puisse modifier sa réponse modifiée et déposer la seconde réponse modifiée qui est la pièce « E » jointe à la déclaration sous serment de Paul Chamberland.

 

Les dépens suivront l’issue de la cause.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de décembre 2005.

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge Rip


 

 

Référence : 2005CCI766

Date : 20051223

Dossier : 2002-2867(IT)G

ENTRE :

STATUS-ONE INVESTMENTS INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

Le juge Rip

 

[1]     L’intimée a demandé l’autorisation de la Cour, en vertu de l’article 54 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »), de modifier de nouveau sa réponse modifiée à l’avis d’appel de l’appelante (« seconde réponse modifiée »). La demande résulte de ma décision[1] de radier de la réponse modifiée deux alinéas portant sur des tiers, décision qui a été confirmée par la Cour d’appel fédérale[2]. Les alinéas en litige, soit 11uu) et 11ww), que j’ai radiés de la réponse modifiée sont les suivants :

 

uu)       Equicap a procédé au cours des années 1993 à 1998 à la promotion et à la mise en marché, par voie de notices d’offre, de plusieurs arrangements de sociétés en commandite;

           

ww)      Les aspects importants de ces arrangements de société en commandite étaient identiques à AFS No.11, notamment en ce qui concerne la structure, le mode de fonctionnement, les ententes intervenues, les parties impliquées, les actions posées, les objectifs poursuivies et les résultats financiers et fiscaux obtenus;

 

[2]     Le juge Noël, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale, qui a rejeté l’appel de l’intimée, a dit ce qui suit :

 

                        Dans la mesure où le Ministre veut se fonder sur les agissements de tiers pour soutenir une cotisation, il lui appartient de préciser le lien entre ces agissements et ceux du contribuable en cause afin que ce dernier sache ce qu’il a à démontrer.[3]

 

[3]     Les éléments contestés de la seconde réponse modifiée comportent les parties suivantes du paragraphe 11 dans lesquelles figurent des faits que le ministre a tenus pour vrais en établissant la nouvelle cotisation à l’égard des années d’imposition 1996, 1998 et 1999 de l’appelante :

 

oo.1)    les âmes dirigeantes de Alliance No.11 et de AFS No. 11 étaient respectivement Joseph Miller et Bernard Abrams (« Âmes dirigeantes »);

 

oo.2)    Bernard Abrams a également été l’âme dirigeante de plusieurs autres sociétés en commandite similaires à AFS No. 11 nommément, AFS Limited Partnership No. 1, AFS Limited Partnership No. 2, AFS and Company Limited Partnership No. 4, AFS and Company Limited Partnership No. 5, AFS Limited Partnership No. 7, AFS Limited Partnership No. 8, AFS Limited Partnership No. 9, AFS Limited Partnership No. 12 et AFS Limited Partnership No. 14 (collectivement appelées « Autres sociétés en commandite AFS »);

 

oo.3)    Joseph Miller a été également l’âme dirigeante de plusieurs autres sociétés en commandite similaires à Alliance No. 11 nommément, Alliance Services (No. 1) Limited Partnership, Alliance Services (No. 2) Limited Partnership, Alliance Services (No. 3) Limited Partnership, Alliance Services (No. 4) Limited Partnership, Alliance Services (No. 5) Limited Partnership, Alliance Services (No. 7) Limited Partnership, Alliance Services (No. 9) Limited Partnership, Alliance Services (No. 10) Limited Partnership, Alliance Services (No. 11) Limited Partnership (collectivement appelées « Autres sociétés en commandite Alliance »);

 

oo.4)    à l’instar de AFS No. 11, les unités de ces Autres sociétés en commandite AFS ont toutes été l’objet d’une promotion et d’une mise en marché faites par Equicap par voie de notices d’offres;

 

oo.5)    la promotion et la mise en marché des unités de ces Autres sociétés en commandite AFS et la création des Autres sociétés en commandite Alliance ont eu lieu au cours des années 1993 à 1998;

 

oo.6)    à l’instar de AFS No. 11 et d’Alliance No. 11, l’objet des Autres sociétés en commandite AFS et des Autres sociétés en commandite Alliance était une participation dans la distribution commerciale de films pour le compte de Warner Bros.;

 

oo.7)    les résultats financiers et fiscaux obtenus par les Autres sociétés en commandite AFS et les Autres sociétés en commandite Alliance ont été les mêmes que ceux obtenus par AFS No. 11 et Alliance No. 11, en ce que

 

i)        celles-ci ont toutes subi des pertes qui ont été attribuées ultimement aux investisseurs au prorata de leur participation pour fins de déductions fiscales;

ii)       la somme maximale au titre du Defined Gross Payments a été payable par Warner Bros. aux Autres sociétés en commandite Alliance en vertu du Studio Theatrical Distribution Agreement;

iii)     à l’instar de Alliance No. 11, les Autres sociétés en commandite Alliance n’ont pas été en mesure de respecter leurs engagements envers Warner Bros. au terme du Studio Loan Agreement;

 

oo.8)    en novembre 1996, au moment de la souscription par l’appelante de ses unités de AFS No. 11, les Âmes dirigeantes étaient au courant des pertes encourues par les Autres sociétés en commandite AFS et par les Autres sociétés en commandite Alliance;

 

oo.9)    les Âmes dirigeantes n’avaient pas l’intention d’exercer des activités en vue de réaliser un profit;

 

oo.10) en novembre 1996, au moment de la conclusion du Studio Theatrical Distribution Agreement, du Studio Loan Agreement et du Sub-Distribution Agreement, les Âmes dirigeantes et Warner Bros. étaient au courant des résultats financiers obtenus suite aux ententes similaires conclues avec ces Autres sociétés en commandite Alliance.

 

[4]     L’avocat de l’appelante a consenti à l’inclusion des allégations suivantes dans le paragraphe 11 de la seconde réponse modifiée, à condition que l’intimée apporte des précisions à la description de M. Takefman comme « l’âme dirigeante de l’appelante » :

 

11.4 Earl Takefman, qui était l’administrateur et l’âme dirigeante de l’appelante, avait lui-même souscrit personnellement à des unités de AFS and Company Limited Partnership No. 4, et connaissait les résultats financiers et fiscaux obtenus par cette dernière lors de l’acquisition par l’appelante des unités de AFS No. 11.

 

11.5 Earl Takefman n’avait pas l’intention d’exercer des activités en vue de réaliser un profit.

 

[5]     L’avocat de l’intimée fait valoir que, compte tenu des faits suivants allégués dans la réponse modifiée, les allégations en litige sont pertinentes :

 

i)                    Le 22 novembre 1996, Status-One Investments Inc. et de nombreux autres investisseurs achètent des unités d’une société en commandite, AFS No. 11 Limited Partnership (ci-après « AFS No. 11 »), au moyen de sommes payées comptant et d’une somme empruntée de Berkshire Financial Services No. 9 (ci-après « Berkshire »). Le commandité de AFS No. 11 est Mediaventures No. 16 Inc.

 

ii)                   Le produit de cette souscription est utilisé pour créer et acheter des unités d’une société en commandite américaine, Alliance Services (No. 11) Limited Partnership (ci-après « Alliance No. 11 »). Le commandité est Alliance Distribution Services No. 11 Inc. (ci‑après « Alliance Distribution »), une société américaine dont le président est Joseph Miller.

 

iii)                 Alliance No. 11 conclut un certain nombre d’ententes avec Warner Bros. et Riverside Avenue Distributing Inc.     (ci-après « Riverside ») visant la distribution de certains films aux États-Unis. Avant même que les films ne soient mis en salle et quelques jours seulement après la création des sociétés en commandite et la signature des ententes, Alliance No. 11 déclare une perte nette de 28 871 913 $, laquelle est attribuée en partie à AFS No. 11. À son tour, cette perte est attribuée aux commanditaires de AFS No. 11, dont Status-One.

 

iv)                 Les pertes réclamées par Status-One ont été refusées par le ministre du Revenu national au motif, notamment, que ni AFS No. 11, ni Alliance No. 11 ne constituaient de véritables sociétés de personnes au sens juridique puisqu’elles n’exploitaient pas en commun une entreprise dans le but d’en tirer des bénéfices. Au surplus, l’intimée soutient dans la réponse modifiée que les ententes conclues avec Warner Bros. et Riverside constituaient un trompe‑l’œil.

 

v)                  La somme représentant l’ensemble des billets à ordre remis par les investisseurs provient de ING Bank N.V. (ci-après « ING »), une banque néerlandaise. Le 22 novembre 1996, cette somme fait l’objet d’un certain nombre de transferts, suivant une trajectoire circulaire. Cette somme est prêtée à Berkshire, qui distribue cette somme sous forme de prêt aux investisseurs. Les investisseurs injectent cette somme dans AFS No. 11 en faisant l’acquisition d’unités. À son tour, AFS No. 11 investit la somme dans Alliance No. 11. Finalement, la même somme est placée par Alliance No. 11 dans un certificat de dépôt auprès de ING. Tous ces transferts sont effectués au moyen de virements internes parmi les comptes que chaque intervenant possède chez ING. En tout temps, cette somme est conservée chez ING afin de garantir le plein remboursement de sa créance.

 

vi)                 Une série de transactions impliquant cette facilité de crédit a lieu entre le 3 décembre 1996 et le 30 janvier 1998 au cours de laquelle le certificat de dépôt auprès de ING est détenu temporairement par Warner Bros. Toutes ces transactions sont prédéterminées et tout au long de la période en litige cette somme est détenue par ING en garantie de sa créance. Par ces transactions, des mécanismes sont mis en place afin d’assurer des distributions de revenus aux investisseurs et leur permettre de payer les intérêts et rembourser le prêt à Berkshire à l’échéance.

 

vii)               Dans sa réponse modifiée, l’intimée soutient que l’ensemble des ententes reliées à l’utilisation de la facilité de crédit de ING accordent à AFS No. 11 et aux investisseurs le droit de recevoir des sommes permettant aux investisseurs de rembourser leur prêt à Berkshire ainsi que les intérêts sur celui-ci. Ces avantages ont été accordés en vue de supprimer ou réduire l’effet d’une perte que les investisseurs et AFS No. 11 pouvaient subir en tant qu’associé de leur société respective. À ce titre, ces avantages doivent être retranchés du calcul de la fraction à risques de AFS No. 11 et de Status-One et donc réduire le montant de la perte qui sera déductible.

 

viii)              Au cours des années 1996 et 1997, Status-One et les autres investisseurs ne versent aucun intérêt à Berkshire au titre de leur billet à ordre. D’autre part, les prêts effectués par Berkshire sont des dettes à l’égard desquelles le recours est limité, compte tenu des ententes intervenues entre Alliance No. 11, Warner Bros., Berkshire, ING et Equicap. À ce titre, le paragraphe 143.2(6) réduit le coût des unités que AFS No. 11 détient dans Alliance No. 11 dans la mesure où ces unités constituent un abri fiscal déterminé.

 

ix)                 Par ailleurs, les investisseurs intéressés par ce stratagème reçoivent de Alliance Equicap Inc. une notice d’offre. Celle-ci fait la promotion d’une occasion de participer dans la distribution de certains films sans prévision quant aux revenus susceptibles de découler de la distribution de ces films. Par ailleurs, la notice d’offre fait état des distributions annuelles de revenus aux investisseurs qui seront équivalentes aux intérêts payables à Berkshire et d’une distribution spéciale de revenus afin de leur permettre de rembourser le capital sur ce prêt.

 

x)                  Également, Equicap distribue une analyse financière qui fonde le calcul du rendement global de l’investissement sur des prévisions d’économies d’impôt sans aucune mention d’éventuels profits.

 

xi)                 Dans sa réponse modifiée, l’intimée soutient qu’il est raisonnable de considérer que si une personne faisait l’acquisition d’une unité d’Alliance No. 11 en 1996, le montant des pertes qui seraient vraisemblablement déductibles serait égal ou supérieur au coût pour l’acquéreur de l’unité. Ce faisant, les unités d’Alliance No. 11 constituent un abri fiscal déterminé au sens du paragraphe 143.2(1).

 

[6]     L’avocat de l’appelante a dit que les arguments de l’avocat de l’intimée ne sont qu'une resucée des arguments qu’il a présentés à la Cour d’appel fédérale et qu’il ne faut pas les accepter. Les allégations ne sont pas nouvelles; elles sont formulées de façon plus précise. La Couronne dit les mêmes choses qu’avant, mais de façon plus détaillée. Quoi qu’il en soit, soutient l’avocat de l’appelante, l’intention de l’appelante au moment où elle a acquis des parts dans ASF No. 11 est précisément celle de l’appelante; il ne s’agit pas de l’intention du commandité ou des âmes dirigeantes de la société en commandite. Il faut tenir compte de l’appelante, et de personne d’autre, pour déterminer quelle était l’intention de l’appelante à ce moment‑là. Selon l’avocat de l’appelante, l'intention de tiers n’est pas pertinente contrairement à ce qu'on donne à entendre aux alinéas 11oo.1) à 11oo.10).

 

[7]     Dans les motifs de mon jugement radiant les alinéas 11uu) et 11ww) de la réponse modifiée, j’ai conclu que, à cette étape-là de la procédure, il semblait que les allégations de ces alinéas n’étaient pas pertinentes pour déterminer si le contribuable avait l’intention de tirer un profit de l’exploitation de AFS. No. 11. L’inclusion des allégations, qui sont semblables aux allégations contestées dans l’affaire La Reine c. Global Communications Ltd.[4], prolongerait indûment les interrogatoires préalables et l’instruction, et ce, sans garantir que l’enquête porterait sur des questions pertinentes dans le contexte des cotisations en litige.

 

[8]     Les allégations aux alinéas 11uu) et 11ww) énoncent des faits apparemment tenus pour acquis par le ministre lorsqu'il a établi la cotisation. Il s'agit d’allégations assez générales, qui ne comportaient aucune précision et ne concernaient rien de précis. Or, les faits allégués sous forme d'hypothèses formulées par le ministre en procédant à l’établissement de la cotisation ne sont pas des allégations ordinaires. Dans mes motifs initiaux, j’ai cité le juge Rothstein de la Cour d’appel fédérale, qui a expliqué que :

 

Alléguer l'existence d'hypothèses confère comme avantage important à la Couronne de renverser le fardeau de preuve, de sorte que le contribuable doive réfuter les hypothèses du ministre. Les faits allégués comme hypothèses doivent être précis et exacts afin que le contribuable sache bien clairement ce qu'il lui faudra prouver.[5]

 

[9]     J’ai conclu mes motifs de la façon suivante :

 

Les alinéas 11(uu) et 11(ww) viennent embrouiller le processus d'appel. À ce stade du processus, les actions de Equicap paraissent n'avoir aucun rapport direct avec les questions fondamentales soulevées par les appels. Il convient de faire preuve d'une grande circonspection lorsque des tiers sont concernés. Ce sont les actes de l'appelante qui sont pertinents; c'est l'appelante qui a fait l'objet de cotisations et elle est en droit de savoir pourquoi. Il se peut bien que, dans certains cas, les relations ou les liens que peut avoir une partie appelante avec des tiers soient pertinents. Je pense notamment aux affaires en matière de négociation de titres. Je n'ai toutefois rien trouvé dans les actes de procédure des parties en l'espèce qui démontre que les faits allégués aux alinéas 11uu) et 11ww) sont pertinents. Une partie appelante doit toujours faire sa preuve elle‑même. Le ministre doit établir la cotisation à l'égard d'un contribuable en se fondant sur ce que ce dernier a fait, ou n'a pas fait, et non pas, d'une manière générale, sur la conduite d'un tiers.

 

[10]    La Cour d’appel fédérale a conclu que la Couronne n’a pas démontré que les faits allégués aux alinéas 11uu) et 11ww), particulièrement en ce qui concerne les relations entre l’appelante et les tiers, étaient pertinents pour la détermination de quelque intention que ce soit. Les actes de procédure doivent laisser voir, de façon précise, en quoi ces liens ou relations entre une partie appelante et des tiers pourraient être utiles pour déterminer l’impôt payable.

 

[11]    Le juge Noël a averti la Couronne qu’il ne suffit pas d’alléguer que toutes les circonstances sont pertinentes :

 

Il ne suffit pas d'affirmer comme le fait la Couronne que toutes les circonstances sont pertinentes. Le fait que la personne de qui Status-One a acquis sa participation dans la société en commandite se soit livrée à des activités semblables avec des tiers par le passé ne fait pas en soi preuve des intentions de Status-One au moment de la signature des ententes.[6]

 

[12]    La question qu’il me faut maintenant trancher est de savoir si, compte tenu des documents qui m’ont été soumis, les alinéas 11oo.1) à oo.10), inclusivement, de la seconde réponse modifiée ne viennent pas embrouiller le processus d’appel, mais clarifient plutôt le lien ou la relation, s’il en est, entre l’appelante et les tiers, dans la mesure où les relations sont pertinentes pour déterminer l’intention de Status-One au moment de la signature des ententes faisant l’objet de l’examen.

 

[13]    L’article 54 des Règles est ainsi rédigé:

 

Une partie peut modifier son acte de procédure, en tout temps avant la clôture des actes de procédure, et subséquemment en déposant le consentement de toutes les autres parties, ou avec l’autorisation de la Cour, et la Cour en accordant l’autorisation peut imposer les conditions qui lui paraissent appropriées.

 

A pleading may be amended by the party filing it, at any time before the close of pleadings, and thereafter either on filing the consent of all other parties, or with leave of the Court, and the Court in granting leave may impose such terms as are just.

 

[14]    L’article 54 des Règles ne décrit pas les circonstances dans lesquelles la Cour peut accorder l’autorisation de modifier un acte de procédure. Le juge a le pouvoir discrétionnaire d’accorder ou de refuser cette autorisation. Dans certains cas, le juge peut vouloir s'inspirer de l’article 53 des Règles et examiner si la modification proposée peut compromettre ou retarder l'instruction équitable de l'appel, si elle est scandaleuse, frivole ou vexatoire, ou si elle constitue un recours abusif à la Cour. Dans de telles circonstances, l’autorisation de modification ne serait pas accordée. De même, le juge peut aussi se pencher sur la question de savoir si la modification proposée révèle un moyen raisonnable d’appel ou de contestation de l’appel : article 58 des Règles. Dans le case de la présente demande, il n’est pas nécessaire de s'inspirer des articles 53 et 58 des Règles.

 

[15]    Je suis convaincu qu’au moins dans une certaine mesure, les allégations modifiées figurant aux alinéas 11oo.1) à 11oo.10) de la seconde réponse modifiée ne sont pas nouvelles, mais qu’elles décrivent de façon plus détaillée ce qui a été allégué aux alinéas 11uu) et 11ww) de la réponse modifiée. Dans cette mesure, je partage l’opinion de l’avocat de l’appelante. Par exemple, les alinéas 11oo.4) et 11oo.5) de la seconde réponse modifiée disent sensiblement la même chose que l’alinéa 11uu) de la réponse modifiée. Toutefois, les alinéas 11oo.1) à 11oo.10) de la seconde réponse modifiée comportent suffisamment de précisions pour que l’appelante puisse comprendre les liens et les relations possibles entre elle et les tiers, précisions que ne contenaient pas les alinéas 11uu) et 11ww) de la réponse modifiée.

 

[16]    Les alinéas 11oo.1), oo.2), oo.3), oo.6), oo.7), oo.8), oo.9) et oo.10) comportent des allégations concernant entre autres choses : les noms des âmes dirigeantes de AFS No. 11 ainsi que les noms d'autres sociétés en commandite dont elles étaient les âmes dirigeantes; la similitude des objets des sociétés en commandite; les résultats financiers et fiscaux obtenus par les autres sociétés en commandite dont les âmes dirigeantes étaient les mêmes que celles de AFS No. 11. Dans ces mêmes alinéas, il est également allégué que les autres sociétés en commandite ont subi des pertes, que les autres sociétés en commandite n'ont pas respecté les obligations prévues dans des contrats qu'elles avaient conclus avec Warner Bros., que les âmes dirigeantes étaient au courant des pertes qui avaient été subies par les différentes sociétés en commandite au moment où l’appelante a souscrit des parts dans AFS No. 11 et que les âmes dirigeantes n’avaient pas l’intention que AFS No. 11 réalise un profit.

 

[17]    Toutes ces allégations, de même que celles énoncées aux alinéas 11oo.4) et oo.5), peuvent être ou ne pas être pertinentes pour déterminer l’intention de l’appelante au moment où elle a acquis des parts dans AFS No. 11. Les faits énoncés au paragraphe 5 des présents motifs suggèrent qu’il peut y avoir une relation entre l’appelante et des tiers qui a influencé la décision de l’appelante d'investir dans AFS No. 11. Jusqu’ici, ces allégations ne sont que des allégations, étant donné que le ministre a tenu pour acquis la plupart de ces allégations pour établir la cotisation et qu’elles pourraient être réfutées. Il se peut que des éléments de preuve qui ne seront disponibles qu’à l’instruction soient nécessaires pour déterminer la pertinence des allégations contestées. Seul le juge de première instance sera en mesure de décider si les allégations figurant aux alinéas 11oo.1) à 11oo.10) sont pertinentes en totalité ou en partie, ou si elles ne sont pas pertinentes du tout, dans la détermination de l’intention de l’appelante au moment où elle a acquis des parts dans AFS No. 11. Comme je l’ai indiqué dans mes motifs précédents, il peut y avoir des appels où les activités, passées et présentes, de tiers peuvent être pertinents en ce qui concerne les actes d’un contribuable. Une personne peut être influencée par ses associés futurs ou actuels. Pour ce qui est des allégations qui m’avaient été soumises dans le contexte de la requête visant à faire radier les alinéas 11uu) et 11ww), il était clair que rien ne pouvait être dégagé des allégations contestées et elles ont donc été radiées. Or, les allégations dont il est question ici sont détaillées et elles peuvent avoir une certaine importance dans l’examen de l’intention de l’appelante. Mais, là encore, c’est au juge de première instance qu’il appartient de décider si c'est le cas.

 

[18]    En ce qui concerne les paragraphes 11.4 et 11.5, je ne vois pas pourquoi, à ce moment‑ci, il serait nécessaire que l’intimée apporte des précisions à la description de M. Takefman comme étant l'administrateur et l’âme dirigeante de l’appelante. Il sera possible d’obtenir des précisions lors des interrogatoires préalables.

 

[19]    Les faits dans cette demande d’autorisation de modification d'un acte de procédure ne sont pas semblables à ceux de plusieurs des affaires que l’avocat m’a signalées, dont  Canderel Ltée c. Canada[7] et Continental Bank Leasing Corp. c. Canada[8]. Précédemment dans les présents motifs, je me suis référé aux motifs de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Anchor Pointe Energy Ltd.[9].

 

[20]    L'autorisation de déposer l'acte de procédure appelé seconde réponse modifiée sera accordée à l'intimée. Cela, bien entendu, n’a aucune incidence sur le droit de l’appelante d’interroger le représentant autorisé de l’intimée au préalable afin de savoir si, pour établir la nouvelle cotisation à l'égard de l’appelante, le ministre a tenu pour acquis, en tout ou en partie, les faits allégués au paragraphe 11 de la seconde réponse modifiée.

 

[21]    L’appelante a déposé l’avis d’appel le 22 juillet 2002. La Cour ne doit pas être un lieu de débat sur des questions de faute en matière de procédure[10]. Il est temps que les parties passent à l'étape de l'examen du fond de l’appel, échangent leurs listes de documents et procèdent aux interrogatoires préalables et à l’instruction.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de décembre 2005.

 

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge Rip


 

 

RÉFÉRENCE :

2005CCI766

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2002-2867(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Status-One Investments Inc. c.

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 14 septembre 2005

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Gerald J. Rip

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 23 décembre 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelante :

Me André P. Gauthier

Me Josée Vigeant

 

Pour l'intimée :

Me Daniel Bourgeois

 

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

 

Pour l'appelante :

 

Nom :

Me André P. Gauthier

 

Étude :

Heenan Blaikie SRL

 

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 



[1] 2004 CarswellNat 5659, 2004CCI473, 2004 DTC 3042.

[2] 2005 CarswellNat 881, 2005 CAF 119, 2005 DTC 5224, juge Noël.

[3] Ibid., par. 24.

[4] [1997] A.C.F. no  382, 97 DTC 5194 (C.A.F.), p. 5195.

[5] Anchor Pointe Energy Ltd. c. La Reine, [2003] A.C.F. n1045 (C.A.F.), 2003 DTC 5512 (C.A.F.).

[6] Status-One Investments (C.A.F.), précitée, juge Noël, para. 20.

[7] [1994] 1 C.F. 3.

[8] [1993] A.C.I. no 18, 93 DTC 298; voir aussi Loewen c. Canada, [2003] A.C.I. no 282, 2003 DTC 686 (C.C.I.).

[9] Précitée.

[10] Voir Gould v. The Queen, 2005 DTC 1311.

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