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Dossiers : 2002-479(IT)G

2002-4202(IT)G

ENTRE :

UNIVAR CANADA LTD .,

(anciennement Vopak Canada ltée

Van Waters & Rogers ltée)

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

_______________________________________________________________

 

Appel entendu le 9 mai 2005 à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L’honorable juge R.D. Bell

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me E. Kroft

Me E. Junkin

Me Stacey Sloan

Avocats de l’intimée :

Me L. Chambers, c.r.

Me R. Carvalho

_______________________________________________________________

 

JUGEMENT MODIFIÉ

 

  L’appel des six nouvelles cotisations établies le 9 août 2002 en vertu de la partie I de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d’imposition mentionnées ci-après est admis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations conformément aux motifs du jugement ci‑joints : 

 

  (1)  l’année d’imposition terminée le 29 février 1996;

 

  (2)  l’année d’imposition terminée le 15 juillet 1996;

 

  (3)  l’année d’imposition terminée le 31 décembre 1996;

 

  (4)  l’année d’imposition 1997;

 

  (5)  l’année d’imposition 1998;

 

  (6)  l’année d’imposition 1999;

 

  L’appel de la nouvelle cotisation datée du 3 septembre 2002 qui imposait une pénalité en vertu du paragraphe 162(1) de la Loi en raison de l’omission de produire une déclaration de revenus selon les modalités et dans le délai prévus pour l’année d’imposition terminée le 15 juillet 1996 est admis et la pénalité est annulée.

 

  L’appel de la nouvelle cotisation établie le 6 août 2001 en vertu de la partie XIII de la Loi pour l’année d’imposition 1995 est admis conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

  Le présent jugement modifié remplace le jugement modifié daté du 4 novembre 2005.

 

  Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de décembre 2005. 

 

 

 

« R.D. Bell »

Juge Bell

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de juillet 2008.

 

Jean-François Leclerc-Sirois , LL.B, M.A.Trad.Jur.

 


 

 

 

 

Référence : 2005CCI723

Date : 20051103

Dossier : 2002-479(IT)G

2002-4202(IT)G

ENTRE :

UNIVAR CANADA LTÉE,

(anciennement Vopak Canada Ltée.

Van Waters & Rogers Ltée.)

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bell

 

 

Généralités

 

Les dispositions législatives mentionnées dans les présentes renvoient toutes à la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), sauf indication contraire.

 

POINTS EN LITIGE

 

I.  Relativement aux six nouvelles cotisations établies le 9 août 2002 (les « six nouvelles cotisations ») à l’égard de l’appelante pour les années d’imposition en cause, soit :

 

  1. l’année d’imposition terminée le 29 février 1996;

 

  1. l’année d’imposition terminée le 15 juillet 1996;

 

  1. l’année d’imposition terminée le 31 décembre 1996;

 

  1. l’année d’imposition 1997;

 

5.  l’année d’imposition 1998;

 

  1. l’année d’imposition 1999;

 

est-il raisonnable de considérer que la principale raison de l’acquisition par l’appelante des actions de Van Waters & Rogers (Barbadosco) Ltée. (« Barbadosco ») était de permettre à l’appelante d'éviter, de réduire ou de reporter le paiement d'un impôt qui serait payable par ailleurs en vertu de la Loi, au sens de l’alinéa 95(6)b), de sorte que :

 

(a)  Barbadosco ne serait pas une société étrangère affiliée, et, par conséquent

 

(b)  les dividendes versés par Barbadosco à l’appelante ne seraient pas déductibles en application du paragraphe 113(1)?

 

II.   Subsidiairement,

  • (a) relativement aux six nouvelles cotisations,

 

(i)   y a-t-il eu une « opération d’évitement » au sens du paragraphe 245(3) et, dans l’affirmative,

 

(ii)  à cause du paragraphe 245(4), doit-on éviter d’appliquer le paragraphe 245(2), puisque l’on peut raisonnablement considérer que l’opération n’a pas entraîné directement ou indirectement

 

(i)  un abus (« misuse ») dans l’application de la division 95(2)a)(ii)(A), relativement à l’impôt de la partie I,

 

ou

 

(ii)   un abus (« abuse ») dans l’application des dispositions de la Loi lue dans son ensemble?

 

  • (b) relativement à la nouvelle cotisation du 6 août 2001 pour l’impôt des non-résidents en vertu de la partie XIII pour l’année d’imposition 1995,

 

(i)   y a-t-il eu une « opération d’évitement » au sens du paragraphe 245(3) et, dans l’affirmative,

 

(ii)   à cause du paragraphe 245(4), doit-on éviter d’appliquer le paragraphe 245(2), puisque l’on peut raisonnablement considérer que l’opération n’a pas entraîné directement ou indirectement

 

  • (i) un abus (« misuse ») dans l’application du paragraphe 15(2.2), relativement à l’impôt de la partie XIII,

 

ou

 

 

(ii)    un abus (« abuse ») dans l’application des dispositions de la Loi lue dans son ensemble?

 

III.  La nouvelle cotisation du 3 septembre 2002 pour l’année d’imposition terminée le 15 juillet 1996 relative à une pénalité imposée en vertu du paragraphe 162(1) en raison de l’omission de produire une déclaration de revenus selon les modalités et dans le délai prévus, relative à l’impôt sous-jacent et frappée de prescription, a-t-elle été établie après la fin de la période normale de nouvelle cotisation?

 

CONCLUSIONS

 

J’ai conclu que :

 

I.  relativement aux six nouvelles cotisations, il n’est pas raisonnable de considérer, aux termes de l’alinéa 95(6)b), que la principale raison de l’acquisition des actions de Barbadosco était de permettre à l’appelante d’éviter, de réduire ou de reporter le paiement d’un impôt ou d’un autre montant qui serait payable par ailleurs en vertu de la Loi;

 

II.  relativement aux six nouvelles cotisations, il n’y a pas eu d’opération d’évitement au sens du paragraphe 245(3);

 

III.  relativement à la nouvelle cotisation du 6 août 2001, il n’y a pas eu d’opération d’évitement au sens du paragraphe 245(3);

 

IV.   relativement à la nouvelle cotisation du 3 septembre 2002 imposant une pénalité en vertu du paragraphe 162(1), l’appel est admis.

 

NOUVELLES COTISATIONS

 

Afin de faciliter la compréhension des nouvelles cotisations, une liste des opérations figure à l’annexe A.

 

[1]  Le ministre du Revenu national (le « Ministre ») a émis des avis de cotisation initiaux à l’appelante à l’égard de trois années d’imposition de 1996 (il y a eu trois fins d’années pendant cette année civile) et des années d’imposition 1997, 1998 et 1999. Pour chacune de ces années, l’appelante avait calculé dans son revenu des dividendes qui lui avaient été versés par Barbadosco et, en application des dispositions du paragraphe 113(1), avait déduit un montant équivalent.

 

[2]  Le 7 septembre 2001, le Ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante pour ces six années d’imposition en ajoutant, à chaque année, un montant ainsi décrit :

 

  [traduction]

 

Revenu d’intérêt d’Univar Europe N.V.

 

Aucun autre rajustement n’a été apporté au revenu. Il appert clairement que le Ministre a tout simplement ajouté les montants susmentionnés, qualifiés de revenus d’intérêt, sans aucune référence à l’ancienne inclusion d’un revenu de dividendes et à la déduction correspondante. Chacun des avis de nouvelle cotisation porte la mention suivante :

 

  [traduction]

 

L’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu appuie la présente cotisation.

 

Malheureusement, comme c’est généralement le cas, le Ministre a omis d’exposer le fondement de la nouvelle cotisation. L’information obtenue par la suite a confirmé que le Ministre s’était fondé sur l’article 245.

 

[3]  Le 9 août 2002, le Ministre a établi encore une fois de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelante relativement à ces six années d’imposition. Chacun des avis de nouvelle cotisation porte la mention suivante :

 

  [traduction]

 

Rajustements apportés à un revenu provenant d’une entreprise exploitée activement

 

Déduction à appliquer :

  le revenu d’intérêt figurant dans la cotisation antérieure.

 

La note suivante figure sur chacun de ces avis de nouvelle cotisation :

 

  [traduction]

 

La déduction de dividendes en application de l’article 113 qui avait antérieurement été acceptée est maintenant refusée en vertu du paragraphe 95(6) de la Loi.

 

Subsidiairement, l’article 245 s’applique et a pour effet d’ajouter au revenu d’Univar Canada Ltée les intérêts perçus par Van Waters & Rogers (Barbade) Ltée sur des prêts effectués à diverses sociétés non résidentes du Canada.

 

Comme il a été établi par la suite, Barbadosco n’a pas octroyé de tels prêts. Elle a simplement acquis la créance qu’Univar Canada (« UC ») avait envers lesdites sociétés.

 

[4]  Le 6 août 2001, le Ministre a émis un avis de nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante pour l’année d’imposition 1995 qui annulait et remplaçait l’avis de cotisation daté du 25 juillet 2001. La mention qui figure sur l’avis de nouvelle cotisation se lit comme suit :

 

  [traduction]

 

Le présent « avis de nouvelle cotisation » annule et remplace l’« avis de cotisation » no 6161436 daté du 25 juillet 2001. Vous deviez prélever et remettre 232 201 $ en retenues d’impôt des non-résidents en application de la partie XIII relativement aux montants versés ou crédités à des non-résidents du Canada.

Pour refléter cette diminution, nous avons rajusté le solde des arriérés en conséquence.

Nous avons imputé des intérêts au taux prescrit relativement au solde impayé.

 

Cette nouvelle cotisation semble découler du fait que le Ministre a décidé de qualifier autrement les opérations qu’elle contient et de procéder à un nouvel examen à la lumière des articles 15, 212, 214 et 215. L’avocat de l’intimée a déclaré que :

 

  [traduction]

 

L’avantage fiscal était l’évitement par Univar Europe de son obligation de payer et de l’obligation de l’appelante de déduire ou prélever et remettre au receveur général du Canada l’impôt payable sur les dettes entre Univar Europe et VWRB en vertu de la Partie XIII de la Loi de l’impôt sur le revenu, en particulier, par une combinaison des paragraphes 15(2), 15(2.1), 15(2.2), 212(2), 214(3), 215(1) et 215(6) de la Loi.

 

[5]  Le 3 septembre 2002, le Ministre a émis une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante pour l’année d’imposition terminée le 15 juillet 1996, laquelle, aux termes du SOMMAIRE DE LA NOUVELLE COTISATION, consistait en ce qui suit :

 

  [traduction]

 

Pénalités :  Solde net

Pénalité pour production tardive

en application du paragraphe 162(1)    27 351,10 $

 

Il s’agissait de la troisième nouvelle cotisation pour cette année d’imposition.

 

La deuxième nouvelle cotisation datée du 9 août 2002 portait la mention suivante :

 

  [traduction]

 

Nous avons annulé la pénalité pour production tardive précédemment imposée en vertu du paragraphe 162(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

Cette pénalité est calculée selon un pourcentage de l’impôt payable.

 

La première nouvelle cotisation datée du 7 septembre 2001 imposait une pénalité pour production tardive en vertu du paragraphe 162(1).

 

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

 

[6]  Les parties ont présenté un EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS comprenant cinq tableaux présentant les sociétés faisant partie du groupe international Univar (le « groupe Univar »). Ces tableaux utilisaient les anciens noms de certaines sociétés [1] , ce qui compliquait la compréhension de la structure sociale. En outre, au début de l’audience, j’ai cherché à obtenir l’accord des parties en vue d’utiliser le dernier nom en vigueur ainsi qu’un tableau simplifié contenant des noms faciles à identifier et exposant les faits importants : ni ce tableau, ni ces noms n’ont été utilisés à l’audience. Afin d’éviter la confusion ou une perte d’intérêt rapide des lecteurs, j’ai joint à l’annexe A un tableau faisant partie des présents motifs, qui est pratiquement identique à celui que j’ai présenté en cour. Elle expose la structure sociale et les principales opérations de manière compréhensible.

 

[7]  La Cour n’a aucun contrôle sur certains aspects de la préparation et de la présentation des causes. Néanmoins, quelques commentaires au sujet de cet appel pourraient aider les avocats de façon générale.

 

[8]  En l’espèce, le ministre du Revenu national (le « Ministre ») a suivi des procédures de cotisation inhabituelles. Comme il est indiqué dans les NOUVELLES COTISATIONS, la première nouvelle cotisation établie par le Ministre à l’égard de l’appelante pour six années d’imposition ajoutait des intérêts au revenu et était fondée sur l’article 245. La deuxième nouvelle cotisation, qui refusait la déduction de dividendes en application du paragraphe 113(1), était fondée sur le paragraphe 95(6) et, subsidiairement, sur l’article 245. Deux autres avis de nouvelle cotisation ont été émis. Le premier imposait à l’appelante le paiement d’un impôt des non-résidents en vertu de la partie XIII pour l’année d’imposition 1995. Le deuxième imposait une pénalité pour l’une des trois années d’imposition de 1996.

 

[9]  L’appelante a déposé un avis d’appel relatif aux premières nouvelles cotisations susmentionnées et à la cotisation relative à l’impôt à la source. Elle a ensuite produit un autre avis d’appel à l’égard de la deuxième nouvelle cotisation pour les six années d’imposition et à l’égard de la nouvelle cotisation ayant imposée une pénalité pour production tardive. Bien entendu, les deuxièmes nouvelles cotisations refusant la déduction en vertu du paragraphe 113(1) pour les six années d’imposition en cause venaient remplacer les premières nouvelles cotisations portant sur ces années. Toutefois, la nouvelle cotisation en vertu de la partie XIII pour 1995 qui était visée par le premier avis d’appel demeurait en vigueur et devait être présentée à la Cour.

 

[10]  Le premier avis d’appel était composé de 90 paragraphes dont un bon nombre étaient superflus. Le format de l’avis d’appel prescrit par les Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) exige que l’appelante expose les faits pertinents de l’affaire, précise les questions à trancher, indique les dispositions de la loi invoquées et fasse connaître les motifs sur lesquels elle a l’intention de fonder son appel. La réponse à l’avis d’appel, bien que ne contenant que 42 paragraphes, n’était pas succincte et ne se concentrait pas sur l’essentiel.

 

[11]  Le deuxième avis d’appel contenait 72 paragraphes et manquait également de concision. La réponse à ce deuxième avis contenait 47 paragraphes et présentait le même défaut.

 

[12]  J’ai noté ceci en guise de préambule, avant de faire remarquer que le contenu des appels et le motif pour lequel il continuait à y avoir deux avis d’appel n’a pas été clairement indiqué. En outre, les questions à trancher n’ont pas été exposées en terme clairs et concis. Au début de l’audience, j’ai d’ailleurs tenté de trouver un terrain d’entente à cet égard. J’ai préparé un résumé de ce que je considérais comme étant les questions en litige et l’ai fourni aux avocats. Ce n’est pas avant la fin du neuvième jour de l’audience qu’une entente a été atteinte sur ce point.

 

[13]  Les avocats auraient pu collaborer pour se mettre d’accord et préparer, avant l’audience, un bref énoncé des questions soulevées dans chaque avis d’appel, une courte description des nouvelles cotisations et des points en litige, ce qui aurait permis d’éviter des heures et des heures de recherches inutiles pour comprendre les détails qui ont été omis. J’ajoute que la transcription des éléments de preuve tenait en neuf gros volumes totalisant 2 053 pages. L’appelante a présenté cinq gros volumes de documents et trois volumes de documents lus en preuve du gestionnaire de la disposition générale anti-évitement et de la section du soutien technique de l’Agence du revenu du Canada. L’appelante a produit onze volumes de documents en annexes. Sa présentation écrite formait un tome de 217 pages. Il faut reconnaître qu’un grand nombre de renvois à la transcription étaient effectués concernant certains faits et certaines déclarations. La présentation orale de l’appelante s’est étirée sur la plus grande partie d’une journée et demie. La présentation écrite de l’intimée comptait 52 pages et 163 paragraphes.

 

[14]  L’affaire est complexe. Je comprends que l’avocat ait voulu s’assurer que tous les faits pouvant être pertinents seraient portés à l’attention de la Cour. Cependant, une meilleure sélection et davantage de précision à l’étape de la préparation auraient permis de raccourcir sensiblement la présentation de la preuve et les exposés. 

 

LES FAITS

 

[15]  Les détails relatifs aux nouvelles cotisations ont déjà été présentés. Je présenterai maintenant un résumé des faits sur lesquels mes conclusions sont fondées. Ces faits, ainsi que d’autres faits connexes, sont tous exposés de façon très détaillée à l’annexe B qui est jointe aux présents motifs et qui en fait partie. Elle comprend l’exposé conjoint des faits déposé par l’avocat ainsi qu’une présentation des témoignages de trois témoins cités par l’appelante.

 

[16]  L’appelante exploitait principalement une entreprise de traitement industriel et chimique et de transformation et distribution de produits agricoles. M. Pruitt a décrit Univar comme étant une composante représentant [traduction] « peut-être de 15 à 20 pour 100 du conglomérat UC en entier ». Comme il s’agit d’une industrie saisonnière, elle s’occupait régulièrement de payer ses fournisseurs de produits chimiques agricoles pendant l’été et était remboursée après la récolte.

 

[17]  Le Groupe UC avait pour politique de ne pas verser de dividendes. Un seul dividende a été versé à UC par l’appelante, soit environ 6 millions de dollars en 1980.

 

[18]  Au début des années 1990, l’appelante et le Groupe UC faisaient face à un certain nombre de problèmes connexes mais distincts.

 

Excédent de trésorerie

 

[19]  L’appelante disposait d’un excédent de trésorerie provenant d’activités de plus en plus fructueuses et d’un solide bilan. Elle a tenté, dans toute la mesure du possible, d’optimiser son rendement monétaire par le biais de plusieurs acquisitions et investissements. La société a utilisé une partie de son excédent de trésorerie pour financer des acquisitions et étendre ses activités commerciales. Elle s’attendait à ce que l’excédent de trésorerie monte en flèche, causant de graves problèmes de gestion de l’encaisse. Aucune autre occasion d’acquisition ne s’est présentée après les acquisitions effectuées pendant la période allant de 1991 à 1993. L’appelante a entrepris de cibler les occasions d’investissement à long terme qui produiraient un taux de rendement plus élevé que le taux d’intérêt des acceptations bancaires canadiennes.

 

Levier financier

 

[20]  M. Pruitt, président-directeur général de UC au moment des opérations en cause, croyait que le rapport entre le passif d’une société et ses capitaux propres (ratio d’endettement) devait être de un-un en ce sens qu’une société sous-endettée (c’est-à-dire dont le montant du passif n’est pas suffisamment élevé) n’utilise pas pleinement son capital. Le ratio d’endettement de l’appelante était nettement inférieur au ratio idéal. M. Pruitt a décrit la Société comme étant [traduction] « terriblement » sous-endettée. Il a témoigné qu’un moyen pour la société d’améliorer ce ratio était de contracter un emprunt sur la valeur du capital disponible afin de réaliser des investissements ayant un taux de rendement supérieur au taux d’intérêt associé aux fonds empruntés.

 

Commission de garantie

 

[21]  Pendant les exercices de 1989 à 1992, UC et sa filiale à cent pour cent américaine, la société exploitante, étaient des emprunteurs en vertu de l’accord de crédit de 1989 pour lequel l’appelante était l’unique garant. En raison de la garantie offerte par l’appelante relativement aux obligations de UC, le Ministre a émis une nouvelle cotisation à son égard pour les années d’imposition de 1989 à 1992 afin d’ajouter à son revenu un montant au titre de cette garantie. La question n’a été résolue qu’en septembre 1996. Pendant les exercices de 1992 à 1995, UC et quelques membres du Groupe, y compris l’appelante, étaient des emprunteurs en vertu d’un autre accord de crédit; l’appelante était un emprunteur autorisé et était responsable conjointement et solidairement des obligations de chacun des emprunteurs. M. Pruitt et M. Lundberg ont témoigné que, bien que ce fait eût dû éviter l’inclusion d’une commission de garantie dans le revenu de l’appelante, cette dernière et UC continuaient de s’inquiéter que le Ministre poursuive sur la même voie.

 

[22]  En raison du statut de l’appelante comme garante de l’accord de crédit de 1989 et de sa responsabilité conjointe et solidaire relativement à l’accord de crédit de 1992, la firme d’avocats Baker McKenzie a avisé UC qu’elle avait un problème relatif à la disposition 956 de l’Internal Revenue Code. Selon elle, UC serait réputée avoir reçue, à titre de dividendes, la plupart, voire tous les gains de l’appelante ainsi que les impôts réputés connexes.


Dette à l’intérieur du Groupe

 

[23]  En juin 1991, UE a emprunté des fonds auprès ses actionnaires et à prêté le produit de ces prêts aux sociétés exploitantes du Royaume-Uni et de Suède. Certains prêts étaient productifs d’intérêts et d’autres non. Conséquemment, UC assumait un part disproportionnée de la dette du Groupe et tentait de mettre au point des stratégies afin d’équilibrer le ratio d’endettement dans l’ensemble du Groupe.

 

Autres questions

 

[24]  Les accords de garantie susmentionnés ont créé pour UC des enjeux fiscaux aux États-Unis liés à l’application des règles relatives au crédit pour impôt étranger et aux restrictions quant à l’utilisation de ce crédit. Ces restrictions ont donné lieu à des « crédits pour impôt étranger accumulés en trop » pouvant faire l’objet d’un report rétrospectif  de deux ans ou d’un report prospectif de cinq ans. Ces crédits ne pouvaient être utilisés qu’à l’égard d’un « revenu de source étrangère admissible»; la capacité de gagner un tel revenu dépendait de la « perte totale subie à l’étranger ». La « perte totale subie à l’étranger » était un puissant dissuasif relativement à l’utilisation des crédits pour impôt étranger par UC. M. Lundberg était préoccupé par ce problème de crédits accumulés en trop et cherchait à y remédier. 

 

[25]  En outre, en Europe, le Groupe était divisé en trop de paliers, ce qui causait des problèmes au chapitre de l’impôt américain; pour ce motif, les sociétés exploitantes devaient être fusionnées.

 

[26]  Au début des années 1990, l’appelante et UC ont exploré de nouvelles stratégies d’investissement afin de résoudre les problèmes précédemment exposés. Au début de 1993, sur l’avis d’un professionnel, M. Pruitt a proposé au Groupe de mettre en œuvre la séquence d’événements présentée ci-dessous, élaborée sur une période de deux ans, à titre de solution intégrée à ces problèmes, et la proposition fut acceptée par le Groupe.

 

a)  Le nombre de paliers européens du Groupe serait réduit.

 

b)  Un plus grand nombre de prêts européens seraient restructurés pour les convertir en obligations portant intérêt, afin que les sociétés exploitantes assument une part proportionnelle de la dette du Groupe et que les effets à recevoir deviennent un investissement intéressant.  

 

c)  L’appelante et UE établiraient une ligne de crédit multi-devises.

 

d)  L’appelante établirait et doterait de capitaux une filiale internationale de financement (« NEWCO ») dans un ressort ayant un taux d’imposition des sociétés correspondant à moins de 90 pour 100 du taux d’imposition des sociétés des États-Unis; cette filiale n’aurait pas de bénéfices non répartis.

 

e)  NEWCO achèterait les effets à recevoir d’UC, percevrait un revenu d’intérêt sur ceux-ci et verserait des dividendes à l’appelante.

 

f)  L’appelante structurerait le capital de NEWCO avec l’excédent de trésorerie et les fonds empruntés et augmenterait ainsi son ratio d’endettement tout en maintenant un bon rendement du capital investi.

 

g)  Ces solutions permettraient aussi de résoudre un certain nombre de questions fiscales américaines.

 

[27]  L’appelante a réalisé un contrôle préalable pour veiller à ce que la solution intégrée serve ses meilleurs intérêts. Les questions relatives à l’impôt canadien ont été révisées dans cette optique. L’appelante a déterminé que l’investissement dans Barbadosco serait économiquement viable et produirait un rendement raisonnable. M. Tole a qualifié la solution intégrée de [traduction] « solution élégante ».

 

[28]  La Barbade a été suggérée puis finalement choisie parmi un certain nombre d’autres pays pour y constituer la société NEWCO en raison de son faible taux d’imposition des sociétés et de la présence de toutes les conditions commerciales, juridiques et bancaires nécessaires (de nombreuses sociétés financières internationales y étaient établies).

[29]  La solution intégrée a été mise en œuvre. Il était convenu qu’UE verserait ensuite des intérêts à Barbadosco qui, après s’être acquittée de l’impôt et des frais d’administration, verserait le montant restant à l’appelante par voie de dividendes. Les intérêts reçus de la Barbade constitueraient un revenu tiré d’une entreprise exploitée activement et l’appelante serait conséquemment admissible à la déduction prévue à l’alinéa 113(1)a).

 

[30]  Je répète que le témoignage de Messieurs Pruitt, Lundberg et Tole était clair et qu’il n’a jamais été envisagé que l’appelante achèterait les effets à recevoir elle-même car cela n’aurait permis de résoudre aucun problème.

 

ANALYSE

 

Dispositions législatives applicables

 

[31]  Pour préparer les six nouvelles cotisations (sauf la nouvelle cotisation imposant une pénalité en vertu du paragraphe 162(1)), le Ministre s’est fondé sur l’alinéa 95(6)b). Cet alinéa est ainsi libellé :

 

95(6)  Émission, acquisition et disposition de droits ou d'actions pour éviter l'impôt – Pour l'application de la présente sous-section, sauf l'article 90 :

 

b)  dans le cas où une personne ou une société de personnes acquiert des actions du capital-actions d'une société ou des participations dans une société de personnes, ou en dispose, directement ou indirectement et où il est raisonnable de considérer que la principale raison de l'acquisition ou de la disposition est de permettre à une personne d'éviter, de réduire ou de reporter le paiement d'un impôt ou d'un autre montant qui serait payable par ailleurs en vertu de la présente loi, les actions ou les participations sont réputées ne pas avoir été acquises ou ne pas avoir fait l'objet d'une disposition et, dans le cas où elles n'avaient pas été émises par la société ou la société de personnes immédiatement avant l'acquisition, ne pas avoir été émises.

 

L’argument subsidiaire du Ministre invoquait l’application de l’article 245, qui se lit comme suit : 

 

245.(1) [Définitions] Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

 

 « avantage fiscal » Réduction, évitement ou report d'impôt ou d'un autre montant payable en application de la présente loi ou augmentation d'un remboursement d'impôt ou d'un autre montant visé par la présente loi.

 

 « opération » Sont assimilés à une opération une convention, un mécanisme ou un événement

 

(2) [Disposition générale anti-évitement] En cas d'opération d'évitement, les attributs fiscaux d'une personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer un avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, de cette opération ou d'une série d'opérations dont cette opération fait partie.

(3) [Opération d’évitement] L'opération d'évitement s'entend :

 

a)  soit de l'opération dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s'il est raisonnable de considérer que l'opération est principalement effectuée pour des objets véritables — l'obtention de l'avantage fiscal n'étant pas considérée comme un objet véritable;

 

b)  soit de l'opération qui fait partie d'une série d'opérations dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s'il est raisonnable de considérer que l'opération est principalement effectuée pour des objets véritables — l'obtention de l'avantage fiscal n'étant pas considérée comme un objet véritable.

 

(4) [Non-application du par. (2)] Il est entendu que l'opération dont il est raisonnable de considérer qu'elle n'entraîne pas, directement ou indirectement, d'abus dans l'application des dispositions de la présente loi lue dans son ensemble — compte non tenu du présent article — n'est pas visée par le paragraphe (2).

 

(5) [Attributs fiscaux à déterminer] Sans préjudice de la portée générale du paragraphe (2), dans le cadre de la détermination des attributs fiscaux d'une personne de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer l'avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, d'une opération d'évitement :

 

a)  toute déduction dans le calcul de tout ou partie du revenu, du revenu imposable, du revenu imposable gagné au Canada ou de l'impôt payable peut être en totalité ou en partie admise ou refusée;

 

b)  tout ou partie de cette déduction ainsi que tout ou partie d'un revenu, d'une perte ou d'un autre montant peuvent être attribués à une personne;

 

c)  la nature d'un paiement ou d'un autre montant peut être qualifiée autrement;

 

d)  les effets fiscaux qui découleraient par ailleurs de l'application des autres dispositions de la présente loi peuvent ne pas être pris en compte.

 

Voici un tableau où figurent les étapes de l’analyse, dans un format comparatif, des deux articles susmentionnés en rapport avec les faits de l’espèce.

 

Paragraphe 95(6)

 

Article 245

(a) acquisition des actions de Barbadosco.

 

(a) « opération » qui comprend une convention, un mécanisme ou un événement.

 

(b) l’acquisition a-t-elle permis à une personne d'éviter, de réduire ou de reporter un paiement « qui serait payable par ailleurs »?

(b) l’opération a-t-elle entraîné un « avantage fiscal », c’est-à-dire une « réduction, évitement ou report d'impôt [...] »?

 

(c) est-il raisonnable de considérer que la principale raison de l’acquisition est de permettre d’éviter, de réduire ou de reporter le paiement d’un impôt payable par ailleurs?

(c) l’opération est-elle une « opération d’évitement » et est-il raisonnable de considérer qu’elle a été principalement effectuée pour des objets véritables autres que la réduction, l’évitement ou le report de l’impôt?

 

 

(d) s’il y a eu « opération d’évitement, est-il raisonnable de considérer qu’elle entraîne un abus (« misuse » ou « abuse ») dans l'application des dispositions de la loi lue dans son ensemble, compte non tenu de l’article 245?

 

 

Concernant la nouvelle cotisation imposant une pénalité, le paragraphe 162(1) énonce que :

 

Toute personne qui ne produit pas de déclaration de revenu pour une année d'imposition selon les modalités et dans le délai prévus au paragraphe 150(1) est passible d'une pénalité égale au total des montants suivants:

 

  (un calcul en fonction de pourcentages est ensuite exposé)

 

Concernant le pouvoir du Ministre d’imposer une pénalité au moyen d’une nouvelle cotisation, le sous-alinéa 152(4)b)(iii) indique que :

 

Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l'impôt pour une année d'imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu'aucun impôt n'est payable pour l'année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d'imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année que dans les cas suivants:

 

[...]

 

  (b)  la cotisation est établie avant le jour qui suit de trois ans la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année et, selon le cas:

 

  [...]

 

  (iii)  est établie par suite de la conclusion d'une opération entre le contribuable et une personne non résidente avec laquelle il avait un lien de dépendance.

 

Avantage fiscal

 

[32]  Essentiellement, l’impôt « qui serait payable par ailleurs » auquel fait référence l’alinéa 95(6)b) correspond à l’« avantage fiscal » de l’article 245.

 

[33]  Il ne s’agit pas d’une situation dans laquelle un impôt payable par Univar aurait été réduit, évité ou reporté par une quelconque opération faisant partie d’une suite d’opérations.

 

[34]  Dans McNichol c. La Reine, C.C.I. no 94-1577(IT)G, 17 janvier 1997 (97 D.T.C. 111), cette Cour a dit, à la page 18 (DTC : p. 119) :

 

Le concept d’avantage fiscal figurant au paragraphe 245(1) n’a rien de mystérieux. De toute évidence, une réduction d’impôt ou l’évitement de l’impôt exige, dans un ensemble donné de circonstances, l’identification d’une norme par rapport à laquelle la réduction doit être mesurée.

(Italiques ajoutés.)

 

[35]  Dans cette affaire, on cherchait à mettre fin aux affaires d’une société. Les parties en cause voulaient distribuer les fonds de la société par un autre moyen que le versement de dividendes. La méthode de distribution utilisée a entraîné des gains en capital qui, en raison des dispositions relatives à l’exonération des gains en capital, étaient assujettis au paiement d’un impôt nettement moins élevé que cela n’aurait été le cas autrement. Le jugement se poursuivait ainsi :

 

Dans d’autres cas, il peut être difficile d’identifier la norme, mais en l’espèce, il n’est pas difficile de le faire. L’avantage recherché par les appelants est clairement identifié dans la lettre du 16 mars 1989 de M. Dunnett. C’est la différence entre l’impôt que les appelants doivent payer sur réception des dividendes imposables et celui qu’ils doivent payer au moment de la réalisation des gains en capital tirés de la disposition des actions. Le fait que pareil avantage peut également être décrit comme une absence d’inconvénients importe peu. On ne peut pas dire que la norme par rapport à laquelle la réduction doit être mesurée est nulle en se fondant sur le fait que, si les actions n’étaient pas vendues, aucun impôt n’aurait été payable. Pour les appelants, il n’a jamais été possible de ne rien faire car ils ont toujours cherché à réaliser la valeur économique de leurs actions […] Les appelants avaient le choix de distribuer ce surplus au moyen du versement d’un dividende de liquidation ou de la vente des actions et, en choisissant la dernière solution, ils ont conclu une opération qui a donné lieu à un avantage fiscal au sens de la définition figurant au paragraphe 245 (1).

 

[36]  Dans Hypothèque Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, 2005 CSC 54, la Cour suprême du Canada a énoncé que :

 

La question de savoir s’il existe un avantage fiscal est une question de fait qui est d’abord tranchée par le ministre, et ensuite par les tribunaux, habituellement la Cour de l’impôt.

 

La Cour a ajouté que, dans certains cas,

 

[...] il se peut que l’existence d’un avantage fiscal ne puisse être établie qu’au moyen d’une comparaison avec un autre mécanisme.

 

[37]  Pendant toute la durée du procès, les déclarations de l’intimée et les questions posées par elle lors du contre-interrogatoire de MM. Pruitt, Lundberg et Tole se raccrochaient à la situation hypothétique selon laquelle l’appelante avait acquise la créance d’UC envers UE, comme s’il s’agissait d’un « autre mécanisme ». MM. Pruitt, Lundberg et Tole étaient tous, sans nul doute, crédibles. Leurs témoignages, y compris tous les commentaires qu’ils ont émis au sujet des documents que les avocats ont présentés pour le compte des deux parties, constituent la base factuelle sur laquelle j’ai fondé mon analyse. Les éléments de preuve présentés par ces trois témoins établissaient clairement qu’Univar n’avait jamais eu la moindre intention d’acquérir cette créance et, en effet, Univar ne l’a pas acquise. La créance a été acquise par Barbadosco avec l’argent utilisé par Univar pour souscrire des actions de Barbadosco.

 

[38]  Un exemple de ce qui précède se trouve dans la déclaration écrite de l’intimée, qui se lit comme suit :

 

  [traduction]

 

L’intimée déclare que, dans certains cas, il est raisonnable d’évaluer l’impôt payable par ailleurs en vertu de la Loi en déterminant le montant de l’impôt que l’actionnaire aurait eu à payer relativement au revenu tiré du bien s’il avait été le propriétaire du bien acquis par la société avec l’argent investi dans les actions. Il n’est pas nécessaire de tenir compte du fait que l’actionnaire aurait pu un jour envisager d’acquérir directement le bien, en particulier si l’unique raison pour laquelle cela n’était pas possible est liée à l’impôt qui serait alors payable en vertu de la Loi relativement au revenu tiré de ce bien. [...]

 

L’alinéa 95(6)b) vise l’argent versé par les sociétés à leurs actionnaires. Cet argent peut être touché sous forme de dividendes, de prêts ou d’intérêts (si l’actionnaire est un créancier de la société). En l’espèce, l’intention sous-jacente aux opérations en cause était de faire en sorte que l’intérêt accumulé sur les effets d’Univar Europe soient versés à l’appelante et soient exonérés d’impôt. Le seul moyen prévu la Loi pour y parvenir était de verser ce revenu d’intérêt à VWRB, puis faire en sorte que l’appelante devienne actionnaire de VWRB afin qu’elle puisse recevoir l’argent sous forme de dividendes; autrement, cet intérêt ne pourrait être versé à l’appelante que si celle-ci devenait créancier d’Univar Europe. N’eût été l’acquisition des actions par l’appelante, l’impôt payable par ailleurs en vertu de la Loi aurait été l’impôt applicable à ce revenu d’intérêt.

 

J’insiste sur ce que j’ai dit plus tôt, savoir que les arguments de l’intimée s’appuyant sur l’alinéa 95(6)b) et sur l’article 245 ne reposent que sur l’hypothèse que la créance d’UC envers UE avait été achetée par Univar et non par Barbadosco.

 

[39]  La Cour d’appel fédérale a opiné, dans Canadien Pacifique Ltée c. La Reine. 2002 D.T.C. 6742 au paragraphe 33, page 6750, que :

 

La nouvelle qualification d'une opération est expressément autorisée par l'article 245, mais uniquement après qu'il a été établi qu'il y a eu opération d'évitement et qu'il y aurait par ailleurs abus. Une opération ne peut être définie comme quelque chose qu'elle n'est pas, et elle ne peut non plus être requalifiée de manière à devenir une opération d'évitement.

 

[40]  Au paragraphe 15 de l’arrêt Canada Trustco, les Notes explicatives sur le projet de loi concernant l’impôt sur le revenu publiées par l’honorable Michael H. Wilson, ministre des Finances (juin 1988) (« notes explicatives ») servent d’outil d’interprétation. Ces notes explicatives précisent, d’entrée de jeu,

 

qu’elles « n’ont qu’un but d’information et ne doivent pas être prises comme une interprétation officielle des dispositions qu’elles décrivent ».

 

[41]  Au paragraphe 30, la Cour poursuit de la sorte :

 

Il est utile de se demander ce qui n’est pas suffisant pour établir l’existence d’une opération d’évitement au sens du par. 245(3). Les notes explicatives précisent ceci, à la p. 495 :

 

Le paragraphe 245(3) ne permet pas de « requalifier » une opération afin de déterminer s’il s’agit ou non d’une opération d’évitement. Autrement dit, il ne permet pas de considérer une opération comme une opération d’évitement parce qu’une autre opération, qui aurait pu permettre d’obtenir un résultat équivalent, se serait traduite par des impôts plus élevés.

 

[42]  Il est clair que l’intimée ne peut présumer que l’appelante aurait acheté les effets susmentionnés afin de requalifier une opération qui, dans les faits, a eu lieu. Une telle présomption n’est tout simplement pas compatible avec la preuve offerte par trois témoins crédibles de l’appelante. Cette tentative de requalification ne constitue pas un « autre mécanisme » approprié d’établir le paiement d’un impôt qui serait par ailleurs payable.

 

[43]  Le seul autre mécanisme qui puisse être envisagé est la possibilité que la prétendue opération d’évitement n’ait pas eu lieu. Si les actions de Barbadosco n’avaient pas été acquises par l’appelante, il n’y aurait pas eu d’impôt payable par ailleurs ayant pu être évité, réduit ou reporté. L’acquisition des actions par l’appelante ne change en rien ce fait.

 

[44]  Pour ce qui est de l’article 245, il y a eu, comme il a été décrit plus tôt au point a), une « opération » qui comprenait une convention, un mécanisme ou un événement. Toutefois, cette opération ne s’est pas traduite en un avantage fiscal, comme qu’il a été énoncé précédemment, puisqu’il n’y pas eu réduction, évitement ou report du paiement d’un impôt payable par ailleurs en vertu de la Loi.

 

Opération d’évitement

 

J’en arrive maintenant aux questions soulevées au point c) du tableau présenté plus haut, reproduit ci-dessous.

 

Paragraphe 95(6)

 

Article 245

(c) est-il raisonnable de considérer que la principale raison de l’acquisition est de permettre d’éviter, de réduire ou de reporter le paiement d’un impôt payable par ailleurs?

((c) l’opération est-elle une « opération d’évitement » et est-il raisonnable de considérer qu’elle a été principalement effectuée pour des objets véritables autres que la réduction, l’évitement ou le report de l’impôt?

 

 

[45]  L’alinéa 95(6)b) pose comme condition que la principale raison de l’acquisition soit de permettre d’éviter, de réduire ou de reporter le paiement d’un impôt payable par ailleurs. Étant donné qu’il n’existait pas d’impôt pouvant être évité, réduit ou reporté, le paragraphe 95(6) ne s’applique pas.

 

[46]  S’il m’avait été nécessaire de déterminer s’il est raisonnable de considérer, aux termes du paragraphe 95(6), que la principale raison de l’acquisition par l’appelante des actions de Barbadosco était de lui permettre

 

[…] d'éviter, de réduire ou de reporter le paiement d'un impôt [...] qui serait payable par ailleurs

 

j’aurais conclu, sur le fondement des faits, que cela n’est pas raisonnable.

 

[47]  De même, pour ce qui est de l’article 245, il y a bien eu, comme il a été décrit, une « opération » comprenant une convention, un mécanisme ou un événement. Toutefois, l’opération n’a pas donné lieu à un avantage fiscal puisqu’il n’y a pas eu réduction, évitement ni report du paiement d’un impôt payable en vertu de la Loi. Par conséquent, l’opération ne peut être qualifiée d’opération d’évitement puisqu’elle ne se traduirait pas, directement ou indirectement, en un avantage fiscal.

 

[48]  S’il m’avait été nécessaire de déterminer s’il est raisonnable de considérer, aux termes de l’article 245 que l'opération a été principalement effectuée pour des objets véritables, l'obtention de l'avantage fiscal n'étant pas considérée comme un objet véritable, j’aurais conclu, sur le fondement des faits, que cela est raisonnable.

 

[49]  J’en arrive maintenant à la nouvelle cotisation émise à l’égard de l’appelante concernant l’impôt de la partie XIII, soit la nouvelle cotisation émise le 6 août 2001 pour l’année d’imposition 1995. L’argument de l’intimée concernant cet impôt repose sur l’opinion selon laquelle le fait que l’appelante ait constitué Barbadosco et s’en soit servi pour acheter les effets susmentionnés, anciennement détenus par UC, entraîne un abus dans l’application du paragraphe 15 (2.2). Vu les conclusions que j’ai tirées au sujet de l’article 245, l’argument de l’abus ne peut être invoqué par l’intimée. Par conséquent, l’appel relatif à l’impôt de la partie XIII est admis. Aucun impôt ne sera payable en vertu de la partie XIII.

 

[50]   Concernant la pénalité pour production tardive imposée le 3 septembre 2002 en application du paragraphe 162(1), la nouvelle cotisation a été émise après l’expiration du délai prescrit pour ce faire, et n’a pas été, conformément au sous-alinéa 152(4)b)(iii) :

 

[...] établie par suite de la conclusion d'une opération entre le contribuable et une personne non-résidente avec laquelle il avait un lien de dépendance.

 

La nouvelle cotisation a été établie par suite de l’omission de produire une déclaration d’impôt dans le délai prescrit pour ce faire. Il a été noté qu’il s’agissait d’un argument subsidiaire. Pour ce qui est de l’année d’imposition terminée le 15 juillet 1996 faisant l’objet de la pénalité, aucun des montants établis dans la nouvelle cotisation ne pourra être inclus dans le revenu de l’appelante et, par conséquent, aucune pénalité ne sera exigible.

 

ARGUMENTATION DE L’INTIMÉE

 

[51]  J’examinerai maintenant les arguments présentés par l’avocat de l’intimée.

 

[52]  Au contre-interrogatoire tout comme dans sa présentation orale et écrite, l’avocat de l’intimée est revenu sans cesse sur la manière dont l’opération d’acquisition de la créance aurait pu être structurée plutôt que d’accepter la preuve montrant comment elle l’avait été en réalité. J’ai examiné auparavant la question de la requalification et conclu qu’une opération ne peut pas être requalifiée dans le but d’établir qu’il s’agissait d’une opération d’évitement. Une opération ne peut être requalifiée qu’une fois qu’il a été déterminé qu’il s’agissait d’une opération d’évitement au sens de l’article 245. Le même raisonnement s’applique à l’alinéa 95(6)b).

 

[53]  L’avocat de l’intimée, concernant le but principal ou primordial de la constitution de la société de la Barbade, a écrit :

 

  [traduction]

 

L’intimée soutient d’emblée que les seules raisons pertinentes en vertu de l’alinéa 95(6)b) et de l’article 245 de la Loi sont les raisons qui sont pertinentes pour l’appelante. En particulier, la seule raison pertinente en vertu de l’alinéa 95(6)b) et de l’article 245 de la Loi est celle des opérations d’achat d’actions, savoir si on peut raisonnablement considérer qu’elles ont été principalement réalisées dans le but d’éviter, réduire ou reporter le paiement d’un impôt payable par ailleurs en vertu de la Loi. Ainsi, même s’il pouvait être prouvé que le principal objectif des opérations était d’éviter, de réduire ou de reporter le paiement d’un impôt aux États-Unis, ce fait ne serait pas pertinent2. Dans les présentations de l’intimée, le même principe est appliqué à toutes les autres raisons alléguées, non-liées à l’impôt, relatives à la création et à l’exploitation de VWRB qui sont sans rapport avec l’appelante en sa qualité de contribuable canadien. Ces raisons seront également considérées non pertinentes aux questions soulevées en vertu de l’alinéa 95(6)b) et de l’article 2452.

 

RRM Canadian Enterprises Inc. et Equilease Corporation c. La Reine, C.C.I., no 94-1732(IT)G, 10 avril 1997 (97 D.T.C. 302), DTC : p. 312, le juge Bowman, C.C.I..

 

[54]  Le raisonnement de l’intimée est vraisemblablement dérivé du commentaire suivant du juge Bowman :

 

L’article 245 s’applique dans le contexte du droit fiscal canadien et c’est dans ce contexte que le but primordial doit être déterminé. La position de l’appelant semble être que lorsqu’une opération d’évitement au Canada entraîne des conséquences plus sérieuses pour le fisc américain que pour le fisc canadien, le but primordial ne peut pas être d’éviter l’impôt du Canada. Je ne retiens pas cet argument.

 

[55]  Toute citation présentée à l’appui d’un argument doit être soigneusement située dans le contexte complet de la décision dont elle est tirée. L’appelante, RRM, allait être liquidée et le dividende versé aurait été assujetti à la retenue d’impôt; pour éviter cela, l’appelante avait organisé, avec la société-mère américaine, un commode achat de ses actions. Cette opération avait pour objectif de réduire l’impôt canadien et l’impôt américain.

 

[56]  Les différences entre l’affaire RMM et la présente cause sont les suivantes.

 

(1)  En l’espèce, il n’y avait aucun impôt pouvant être évité comme la retenue d’impôt canadienne.

 

(2)  La citation ci-dessus reconnaît l’existence dans la société RMM d’un « stratagème d’évitement d’impôt au Canada  ». J’ai conclu qu’il n’y a pas eu d’opération d’évitement en l’espèce. 

 

(3)  La dernière partie de la citation énonce que l’article 245 s’applique au contexte fiscal et juridique canadien et que c’est dans ce contexte que le but primordial de l’opération doit être déterminé. Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas examiner la situation factuelle en entier, indépendamment de l’emplacement géographique où ont eu lieu les faits pertinents à l’origine des décisions et des opérations effectuées par un contribuable canadien. 

 

(4)  Il n’a pas été argué en l’espèce qu’un montant plus élevé d’impôt avait été épargné dans un ou plusieurs pays autres que le Canada et que le but primordial de l’opération n’était donc pas d’obtenir un avantage fiscal au Canada.

 

(5)  Les témoins en l’espèce, y compris les trois sieurs Pruitt, Lundberg et Tole, connaissaient intimement les faits pertinents aux événements qui sont survenus, tel qu’il est exposé dans les présents motifs.

 

[57]  Le juge Bowman, en rejetant la position de l’appelante, était visiblement influencé par la situation factuelle qui se trouvait devant lui. Les étapes suivies par l’appelante permettaient clairement d’éviter le paiement d’un impôt qui aurait été payable par ailleurs si l’appelante n’avait pas cherché à le contourner : un impôt découlant de la répartition de l’actif selon la procédure normale des sociétés qu’elle aurait inévitablement dû payer.

 

[58]  En outre, la déclaration précitée du juge Bowman semble avoir été faite en obiter.

 

L’English Oxford Dictionary, deuxième édition, définit « obiter dictum » comme suit :

  [traduction]

 

[…] en droit, expression d’une opinion sur une question juridique, donnée par un juge dans un tribunal dans le cadre d’une argumentation ou d’un jugement, mais qui ne constitue pas une partie essentielle des motifs déterminant la décision et ne font donc pas autorité.

 

[59]  Je ne crois pas que l’affaire RMM vienne appuyer l’argument selon lequel cette Cour ne doit pas tenir compte des objectifs des opérations ou des événements ayant eu lieu à l’extérieur du Canada.

 

[60]  Dans Will-Kare Paving & Contracting Limited c. La Reine., C.C.I., no 93-2747(IT)G (97 D.T.C. 506), cette Cour a dit, à la page 510 du DTC:

 

Le terme « primary » (et donc « primarily ») signifie qui vient en premier dans le temps, dans l’élaboration ou dans l’intention. Le terme « principal » (ce terme et le terme « primary » sont pour ainsi dire interchangeables) signifie dominant, le plus important ou considérable, premier, original, qui vient en tête pour le rang, l’autorité, le caractère, l’importance ou le degré.

 

[61]  Dans ses présentations orales et écrites, l’avocat de l’intimée a fait ressortir l’importance du contenu d’une multitude de documents, acceptant très peu, voire aucun des éléments de preuve verbale présentés devant la Cour. Il a notamment brandi de manière excessive l’expression « stratégie fiscale » qui revient fréquemment dans ces documents pour argumenter que le but primordial de l’opération était la réduction, l’évitement ou le report du paiement d’un impôt. D’ailleurs, à un certain point de son argumentation orale touchant la question de la commission de garantie, l’avocat a rejeté la preuve verbale, comme le montre l’échange suivant :

 

[traduction]

 

Le juge :  Vous ne croyez donc pas cette preuve?

 

L’avocat :  Non.

 

[62]  En outre, un certain nombre d’arguments de l’avocat, comme ceux qui portaient sur le nouvel article 17 [2] , n’avaient rien à voir avec la raison de l’acquisition ou de toute autre opération visée par cet appel. Ces arguments renvoyaient à des événements postérieurs à la période qui doit être examinée afin de déterminer cet objectif. À cet égard, le juge Rothstein s’est ainsi exprimé au paragraphe 46 de l’arrêt OSFC Holdings Ltée c. Canada 2001 C.A.F. :

 

Le membre de phrase « il est raisonnable de considérer que l'opération est principalement effectuée pour » au paragraphe 245(3) indique que le critère de l'objet principal est un critère objectif. Par conséquent, l'accent sera mis sur les faits et les circonstances pertinentes et non sur les déclarations d'intention. Il est également évident que l'objet principal doit être déterminé au moment où les opérations en question ont été effectuées. Il ne s'agit pas d'une évaluation rétrospective, qui tiendrait compte de faits et de circonstances survenus après que les opérations ont été effectuées.

 

[63]  L’avocat, lors du contre-interrogatoire et dans son argumentation, a aussi beaucoup insisté sur le fait que le taux d’imposition à la Barbade n’était que de 2,5 pour 100 comparativement à quelque 45 pour 100 au Canada. L’argumentation écrite de l’avocat comprend cet énoncé :

 

  [traduction]

 

Tout ce qui a changé était que le rendement des effets était assujetti à un impôt de 2,5 %, comparativement à 45 % au Canada, et qu’il y avait d’autres frais à la Barbade. La seule explication plausible concernant le but d’investir dans des titres portant intérêt à l’étranger ne peut donc avoir été que d’éviter le paiement d’un impôt canadien sur ce revenu.

 

[64]  L’avocat de l’intimée à refusé d’accepter la preuve selon laquelle l’appelante disposait de liquidités d’environ 12 000 000 $ au moment où elle a emprunté les fonds en vue de remplir le double objectif d’acquérir les actions de Barbadosco et de payer les fournisseurs pendant la période intérimaire précédant la récolte des produits cultivés par les clients de l’appelante. Lors du contre-interrogatoire, de nombreuses questions ont été posées aux témoins afin de déterminer si la totalité du montant approximatif de 37 600 000 $ ayant servi à acquérir les actions avait été emprunté. Il n’a pas été tenu compte des réponses données à ces questions, savoir que la société disposait de liquidités et que celles-ci avaient été utilisées à cette fin. Finalement, la dernière question posée par l’avocat de l’intimée au contre-interrogatoire de M. Tole a été la suivante :

 

  [traduction]

 

Q.  Vous reconnaîtrez, M. Tole, que la plus grande partie de la somme de 37 600 000 $ qui a été injectée dans la société de la Barbade était de l’argent emprunté?

 

R.  Oui, il y avait tout juste un peu moins de 12 millions de dollars en banque, donc le gros de l’argent a dû être emprunté, j’en conviens.

 

Je suis convaincu, sur le fondement de la preuve, que, comme cela avait toujours été prévu, l’encaisse disponible a servi à financer la souscription des actions de Barbadosco. Si une quelconque confusion existe relativement à l’analyse des relevés bancaires de l’appelante à cette date, on ne peut que se reporter à la déclaration des témoins. De plus, l’argent est une matière fongible. Selon l’expression de l’Oxford English Dictionary, deuxième édition,

 

[traduction]

 

Une guinée [...] comble avec précision la place d’une autre guinée.

 

[65]  En ce qui concerne l’importance excessive accordée à l’utilisation de l’expression « stratégie fiscale », toutes les opérations commerciales, si elles sont adéquatement analysées, planifiées et exécutées, comportent un examen approfondi de l’incidence fiscale de chacun de leurs aspects. Il est tout simplement impossible, dans notre monde des affaires moderne si complexe, de ne pas mettre un très grand soin à régler cette facette des opérations commerciales.

 

CONCLUSION

 

[66]  Conformément aux conclusions qui précèdent, l’appel relatif aux années d’imposition suivantes :

 

 

  (1)  l’année d’imposition terminée le 29 février 1996;

 

  (2)  l’année d’imposition terminée le 15 juillet 1996;

 

  (3)  l’année d’imposition terminée le 31 décembre 1996;

 

  (4)  l’année d’imposition 1997;

 

  (5)  l’année d’imposition 1998;

 

  (6)  l’année d’imposition 1999;

 

est admis.

 

[67]  L’appel de la nouvelle cotisation ayant imposé une pénalité en vertu du paragraphe 162(1) en raison de l’omission de produire une déclaration de revenus selon les modalités et dans le délai prévus pour l’année d’imposition terminée le 15 juillet 1996 est admis.

 

[68]  L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la partie XIII pour l’année d’imposition 1995 est admis.

 

[69]  Conformément à l’entente prise avec l’avocat, je serai disponible pour tenir une conférence téléphonique afin de régler la question des dépens. L’avocat peut prendre les dispositions nécessaires à cet égard avec le coordonnateur des rôles.

 


ANNEXE A

 


ANNEXE B

 

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

 

[traduction]

 

Par l'entremise de leur procureur respectif, les parties aux présentes admettent les faits suivants, aux fins des présents appels seulement et à la condition que leurs admissions ne puissent être utilisées à leur encontre dans quelque autre contexte que ce soit et que les parties puissent produire d'autres éléments de preuve pertinents relatifs aux questions en litige et non incompatibles avec le présent exposé.

 

  1. L’appelante est une « société canadienne imposable » au sens du paragraphe 89(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada (la « Loi »).

 

  1. Jusqu’au 2 avril 2001, l’appelante a porté le nom de Van Waters & Rogers Ltée (« VWRL »), qu’elle a changé pour celui de Vopak Canada Ltée (« Vopak Canada »). Par la suite, le 2 juillet 2002, l’appelante a de nouveau changé son nom pour celui d’Univar Canada Ltée (« Univar Canada »).

 

  1. L’appelante est une société constituée en vertu des lois de la Colombie-Britannique dont le principal établissement est sis au 9800, Van Horne Way, Richmond (Colombie-Britannique).

 

  1. Pendant la période pertinente, l’appelante était une filiale en propriété exclusive d’Univar Corporation (« Univar »), une société résidant aux États-Unis qui a changé son nom pour celui d’Univar North America Corporation le 3 juillet 2002.

 

  1. Le 26 mai 1995, l’appelante a constitué en société la filiale en propriété exclusive Van Waters & Rogers (Barbados) Ltd (« Barbadosco »). À toutes les époques pertinentes, Barbadosco était une filiale en propriété exclusive de l’appelante.

 

  1. Le 29 mai 1995, l’appelante a souscrit10 000 actions de Barbadosco au prix de 2 703,66 $US l’action, pour un total de 27 036 660 $US, montant équivalant à 37 360 000 $CA.

 

  1. Le 14 juin 1995, Barbadosco a payé 37 352 574 $CA (équivalant à 27 036 625 $US) à Univar afin d’acquérir ses créances portant intérêt envers Univar Europe N.V., une société néerlandaise (les « effets à recevoir »).

 

  1. À toutes les époques pertinentes, l’appelante et Univar Europe étaient des filiales à cent pour cent d’Univar.

 

  1. Entre 1995 et la fin de 1999, Barbadosco a gagné et touché un revenu d’intérêt provenant des effets à recevoir et de dépôts bancaires.

 

  1. Entre 1995 et la fin de 1999, Barbadosco a versé les montants suivants à l’appelante par voie de dividendes (les « dividendes ») :

 

 

Fin de l’année d’imposition    Dividendes ($CA)

29 février 1996       1 810 855 $

15 juillet 1996     759 651 $

31 décembre 1996     1 313 172 $

31 décembre 1997     2 578 071 $

31 décembre 1998     2 090 000 $

31 décembre 1999     2 374 286 $

    10 926 035 $

 

  1. Dans le calcul de l’impôt payable en vertu de la partie I pour les années d’imposition 1996 à 1999, l’appelante a inclus les dividendes dans son revenu et les a déduits de son revenu imposable.

 

  1. En décembre 1998, l’appelante a versé un dividende de 70 000 000 $CA à Univar et a prélevé et remis une retenue d’impôt des non-résidents au montant de 3 500 000 $CA en vertu de la partie XIII de la Loi et de la Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôt sur le revenu.

 

  1. Le 3 janvier 2000 ou vers cette date, Barbadosco a été dissoute. Les effets à recevoir ont été versés à l’appelante par voie de dividende de liquidation que l’appelante a, à son tour, versé à Univar par voie de dividende. L’appelante a prélevé et remis une retenue d’impôt des non-résidents au montant de 1 790 228 $ en vertu de la partie XIII de la Loi et de la Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôt sur le revenu.

 

  1. L’appelante a reçu les avis de nouvelles cotisations datés du 7 septembre 2001 (collectivement, les « nouvelles cotisations établies en vertu de la partie I – disposition générale anti-évitement ») dans lesquelles le ministre du Revenu national (le « Ministre ») a émis une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante pour les années d’imposition 1996 à 1999 concernant l’impôt et les intérêts en vertu de la partie I de la Loi.

 

  1. L’appelante a reçu un avis de nouvelle cotisation daté du 6 août 2001 (la « nouvelle cotisation établie en vertu de la partie XIII ») par laquelle le Ministre lui a imposé l’impôt à la source et les intérêts exigibles en vertu de la partie XIII de la Loi pour l’année d’imposition 1995.

 

  1. Le 12 octobre 2001, l’appelante a dûment déposé des avis d’opposition à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la partie I – disposition générale anti-évitement et de la nouvelle cotisation établie en vertu de la partie XIII

 

  1. Par un avis de confirmation daté du 9 novembre 2001, le Ministre a confirmé les nouvelles cotisations établies en vertu de la partie I – disposition générale anti-évitement et la nouvelle cotisation en vertu de la partie XIII.

 

  1. Par un avis d’appel déposé le 5 février 2002, l’appelante a interjeté appel devant cette Cour à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la partie I – disposition générale anti-évitement et de la nouvelle cotisation établie en vertu de la partie XIII (l’« appel Vopak »).

 

  1. Le 12 avril 2002, l’intimée a déposé une réponse à l’avis d’appel relativement à l’appel interjeté par Vopak devant cette Cour.

 

  1. L’appelante a reçu des avis de nouvelles cotisations (les « nouvelles cotisations de 2002 ») datées du 9 août 2002 pour les années d’imposition 1996 à 1999. Ces nouvelles cotisations établissaient l’impôt et les intérêts payables en vertu de la partie Ipour ces années d’imposition en vertu de l’alinéa 95(6)b) de la Loi, annulant ainsi l’inclusion antérieure d’intérêts dans le revenu et refusant la déduction de dividendes dans le calcul du revenu imposable.

 

  1. L’appelante a reçu un avis de nouvelle cotisation daté du 3 septembre 2002 (la « nouvelle cotisation de septembre ») pour l’année d’imposition se terminant le 15 juillet 1996 qui imposait une pénalité en vertu du paragraphe 162(1) de la Loi.

 

  1. Le 5 novembre 2002, l’appelante a rempli un avis d’appel (l’« appel interjeté par Univar ») relativement aux nouvelles cotisations de 2002 et à la nouvelle cotisation de septembre.

 

  1. Le 27 janvier 2003, l’intimée a déposé une réponse à l’avis d’appel de l’appelante relativement à l’appel interjeté par Univar.

 

  1. Le 26 février 2003, l’appelante a déposé une réponse à la réponse à l’avis d’appel relativement à l’appel interjeté par Univar.

 

  1. Les tableaux ci-joints décrivent avec précision la structure de l’organisation et les liens de parenté entre les sociétés du groupe Univar, et portent les titres suivants :

 

  • (a) Organisation au 30 juin 1991 (onglet A).

 

  • (b) Organisation au 1er mars 1995 (onglet B).

 

  • (c) Organisation au 14 juin 1995, après la formation de Van Waters & Rogers (Barbados) Ltd (onglet C).

 

  • (d) Organisation après l’acquisition d’Univar Corporation par Royal Pakhoed le 16 juillet 1996 (onglet D).

 

  • (e) Organisation après la liquidation de Van Waters & Rogers (Barbados) Ltd le 3 janvier 2000 (onglet E).

 

  1. Les avis de cotisations initiaux établis à l’égard de l’appelante pour les années d’imposition 1996 à 1999 portaient les dates suivantes :

 

Année d’imposition  Date

 

29 février 1996    5 décembre 1996

 

15 juillet 1996  18 septembre 1997

 

31 décembre 1996  22 septembre 1997

 

31 décembre 1997  31 août 1998

 

31 décembre 1998  29 décembre 1999

 

31 décembre 1999  21 septembre 2000


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TÉMOIGNAGE DE GARY EMMETT PRUITT

 

[1]  Gary Pruitt (« M. Pruitt ») a commencé à travailler pour l’appelante en octobre 1978. Il est comptable public agréé (CPA) et a occupé toutes sorte de postes au sein de l’empire UC. Il a fait ses débuts dans le secteur de la vérification interne, a été trésorier adjoint, trésorier, vice-président et trésorier, vice-président des finances, directeur des finances, et membre du conseil exécutif, président du conseil exécutif, puis président-directeur général. M. Pruitt a occupé ces postes pendant l’époque où UC était contrôlée par une société américaine. En juillet 1996, UC est devenu la propriété exclusive d’une société néerlandaise, Royal Packhoed NV. Au moment de son témoignage, M. Pruitt était président du conseil exécutif et président-directeur général d’Univar NV, une société néerlandaise exploitant une entreprise internationale de distribution de produits qui s’était séparée, en raison d’un conflit, d’une autre branche des affaires de Royal Packhoed.

 

[2]  M. Pruitt a déclaré que :

 

  [traduction]

 

le principal principe ou la principale finalité d’affaires était d’améliorer la valeur globale pour les actionnaires en investissant la totalité du capital de la société de manière à produire le meilleur rendement possible.

 

Ce fut là la philosophie de la société pendant de très nombreuses années et [traduction] « certainement depuis qu’elle est devenue une société ouverte au milieu des années soixante ». UC était une société ouverte cotée à la bourse de New York.

 

[3]  Le témoin a déclaré que, selon lui et les membres de la direction en général, les quatre principaux aspects financiers étaient les suivants :

 

(1)  la croissance des bénéfices;

 

(2)  l’augmentation du rendement des capitaux propres;

 

(3)  l’excellence des flux de trésorerie;

 

(4)  la gestion efficace des capitaux.

 

 [4]  Il a décrit la croissance des bénéfices comme étant :

 

  [traduction]

 

l’augmentation et la croissance constantes des bénéfices produisant un rendement de l’ensemble des fonds propres supérieur au coût en capital total.

 

[5]  Il a décrit l’augmentation du rendement des capitaux propres comme étant le bénéfice net relié au total de l’avoir des actionnaires figurant sur le bilan. Il a dit qu’il faisait référence :  

 

  [traduction]

 

au capital versé, à la valeur des actions ordinaires et aux bénéfices non répartis, habituellement pour le total de l’avoir des actionnaires.

 

[6]  Il a ainsi décrit l’excellence des flux de trésorerie :

 

  [traduction]

 

la société doit s’efforcer de produire et d’améliorer des flux de trésorerie positifs et solides. 

 

[7]  Il a ajouté que, pour une gestion efficace des capitaux, la société devait :

 

  [traduction]

 

utiliser tout le capital disponible de la manière la plus efficace ou rentable possible, tant sur le plan du capital des actionnaires que sur celui de la capacité d’emprunt.

 

Il a affirmé que les sociétés doivent utiliser des techniques de vente agressives et avoir pour priorité l’acquisition d’entreprises afin d’accroître la rentabilité de leurs activités.

 

  [traduction]

 

[...] afin de pouvoir utiliser leur capital en entier de façon rentable.

 

 

[8]  Il a déclaré que, lorsqu’une filiale épuise tous les moyens qu’elle a de croître à l’interne ou de faire des acquisitions, elle devient sous-endettée, ce qui constitue un gros problème en ce sens qu’elle n’est pas en mesure d’utiliser sa capacité d’emprunt et son effet de levier. M. Pruitt a ensuite déclaré qu’Univar ne remplissait pas cet objectif. Il l’a décrit comme une société très rentable et ayant une bonne croissance, mais incapable de croître assez rapidement pour suivre le rythme de l’accumulation des fonds propres. Il a dit qu’elle demeurait donc en deçà du niveau des nouveaux investissements qu’elle était capable de faire. Il a déclaré que, si une société sous-utilise son capital et n’est pas capable de faire croître son entreprise assez vite,

 

  [traduction]

 

[…] vous vous retrouvez avec des fonds inutilisés et une capacité d’emprunt inutilisée, ce qui a en réalité pour effet de diminuer la valeur pour les actionnaires, soit la valeur des titres de la société ouverte. Il est important de faire les deux : obtenir un rendement supérieur au coût en capital et utiliser entièrement les fonds propres.

 

[9]  Il a affirmé qu’Univar avait acquis des sociétés concurrentes mais que le nombre d’acquisitions était insuffisant pour lui permettre d’utiliser l’ensemble de ses fonds propres. Il a déclaré que cela avait été constamment un problème pour Univar, la société canadienne, en raison de son succès au sein de l’économie canadienne, et qu’elle

 

  [traduction]

 

était très rentable, mais incapable de croître aussi rapidement qu’elle ne l’aurait dû pour pouvoir continuer à générer une augmentation de la valeur.

 

[10]  M. Pruitt a déclaré que les sociétés figurant au tableau 1 de l’exposé conjoint des faits (sauf Royal Pakhoed et les actionnaires non liés) avaient fait partie de la consolidation à l’époque.

 

[11]  M. Pruitt a exposé la philosophie d’entreprise consistant à conserver un ratio d’endettement de l’ordre de 1 : 1. Il a affirmé :

 

  [traduction]

 

Il s’agit du principe de base d’après lequel les valeurs mobilières publiques ont été évaluées sur le marché en termes de rendement des fonds propres, et donc, si nous sous-utilisions notre capital, la valeur des titres pour nos actionnaires diminuerait, mais si au contraire nous avions un bon rendement sur ce point, cette valeur augmenterait [...] et c’est pourquoi l’objectif doit être, en tout premier lieu, que la société dans son ensemble ainsi que chacun des secteurs d’activité utilisent pleinement tout le capital, à la fois les capitaux propres et la capacité d’emprunt, et qu’ils soient en mesure d’utiliser tout ce capital pour produire un revenu à un taux de rendement adéquat.

 

Il a ensuite souligné qu’Univar n’atteignait pas ces objectifs. Le ratio d’endettement de un-un n’était pas atteint en Europe ni au Canada. Il a ajouté qu’une restructuration était nécessaire afin de permettre à Univar d’utiliser plus efficacement la totalité de son capital.

 

[12]  En ce qui concerne la gestion des capitaux, M. Pruitt a dit que le capital ne comprend pas seulement l’encaisse et les autres éléments d’actif qui sont décrits sur un bilan mais également la capacité d’emprunter de l’argent [traduction] « selon un ratio de financement acceptable ». En réponse à la question de l’avocat concernant la raison pour laquelle les sociétés européennes et canadienne n’empruntaient pas tout simplement l’argent directement, M. Pruitt a répondu qu’elles devaient s’assurer d’être en mesure d’utiliser l’argent emprunté de façon efficace en vue de trouver de bonnes occasions d’investissement. Il a poursuivi en disant que, pendant cette période, Univar tentait de trouver des investissements qui produiraient un rendement adéquat, des investissements supplémentaires produisant un bon rendement. L’échange suivant a ensuite eu lieu :

 

  [traduction]

 

Q : Pourquoi ne pas tout simplement faire en sorte que la société canadienne emprunte l’argent et verse un dividende élevé à Univar Corporation? Cela permettrait de rétablir l’équilibre entre tous. 

 

R : Eh bien, ça n’a jamais été notre politique d’agir ainsi. La réalité est que... le pire, selon nous, de l’approche que nous avions choisie pour exploiter nos entreprises est que nous étions très intégrés aux sociétés et aux pays dans lesquels nous menions nos activités. Et nous avons toujours senti que si nous nous étions limités à tirer l’argent de ces sociétés qui continuent d’être prospères, sans plus, cela démotiverait les administrateurs qui travaillaient fort à faire fructifier ces entreprises. C’est donc la première raison pour laquelle nous n’avions pas l’habitude de procéder ainsi.  

 

En deuxième lieu, si vous laissez simplement l’argent là où il est et incitez les administrateurs à l’utiliser pleinement, cette façon d’agir met carrément de la pression sur leur dos ainsi que sur les programmes d’encouragement... afin qu’ils continuent de faire croître l’entreprise toujours plus rapidement dans ces milieux, qu’ils soient encouragés à accroître les bénéfices dans l’intérêt des actionnaires et… en raison des programmes d’encouragement. 

 

La troisième raison est que si vous faites ce que vous venez de suggérer mais ne réussissez pas à le faire d’une manière avantageuse au chapitre de l’impôt, cela diminue la valeur finale pour les actionnaires, c’est-à-dire la valeur au niveau des détenteurs des titres de la société ouverte. C’est pourquoi cette démarche n’a jamais fait partie de notre philosophie. Il y a des sociétés qui le font, mais cela n’a jamais été la philosophie d’Univar [3] .

 

À l’appui de ce qui précède, M. Pruitt a indiqué, au sujet d’une note afférente aux états financiers d’UC relative au sommaire des conventions comptables de 1993 :

 

  [traduction]

 

Il n’est pas nécessaire de prendre des mesures concernant les retenues d’impôt à l’étranger ou l’impôt sur le revenu fédéral des États-Unis, car les administrateurs n’ont l’intention de verser des dividendes que lorsque cela n’entraînera pas d’augmentation du coût fiscal net. 

 

M. Pruitt a expliqué que cela nuirait à la valeur totale des actions des sociétés consolidées. Il a insisté sur ce point à plusieurs reprises.

 

M. Pruitt a ensuite mentionné l’acquisition par Univar d’une société concurrente, Harrison Crossfield. Il a déclaré que ce genre d’opérations étaient utiles, mais que la rapide croissance de l’entreprise continuait de produire des rentrées de fonds si élevées que ces acquisitions ne permettaient pas de résoudre le problème. 

 

[13]  Il a ensuite déclaré que les filiales d’Univar Europe exploitaient des entreprises de distribution de produits chimiques semblables à celles d’Univar. Il a poursuivi en disant qu’UC était, essentiellement, une société de portefeuille détenant une exploitation multinationale, qui ne participait pas directement à ces activités de distribution. Il a expliqué qu’elle fournissait du financement pour la société dans son ensemble, qu’elle coordonnait les activités de trésorerie, fournissait un système de vérifications et de contre-mesures appropriées et des processus de gouvernance d’entreprise, surveillait le contrôle de la gestion et se chargeait de services tels que les services juridiques et fiscaux afin que des spécialistes puissent être affectés à chaque unité exploitante pour l’aider dans ses entreprises. Il a ajouté qu’Univar ne pouvait pas réaliser d’investissements à l’extérieur de son secteur d’activités principal sans obtenir une autorisation par le biais du processus de gouvernance d’entreprise établi. Selon M. Pruitt :

 


  [traduction]

 

Toutes les multinationales que je connais qui sont bien administrées ont un bon processus de gouvernance d’entreprise.

 

[14]  M. Pruitt a insisté sur ce point lorsqu’il a affirmé :

 

  [traduction]

 

Le rendement de la société canadienne était bon, il n’y a rien à redire à cela. Le défi auquel vous devez faire face lorsque le rendement d’une société atteint 20 pour 100  puis 25 pour 100 et ainsi de suite, un taux de rendement très très élevé qui peut typiquement seulement être atteint lorsque vous sous-utilisez vos fonds propres. Donc, le rendement du capital se trouve à être ici sur le capital réellement utilisé et non sur le capital incluant la capacité d’emprunt, et c’est pourquoi il était nécessaire d’utiliser l’excédent de trésorerie et la capacité d’emprunt... l’opinion courante est que moins vous avez de dettes, mieux vous vous portez, mais lorsque vous n’avez pas assez de dettes, vous sous-utilisez vos fonds propres.

 

Le témoin a ensuite mentionné l’acquisition par Univar de Wilber-Ellis, une entreprise qui avait étendu ses activités à la distribution de produits chimiques  agricoles, et il  a décrit l’opération comme étant un autre pas dans la bonne direction. Néanmoins, la société faisait face aux mêmes problèmes, soit l’incapacité de réaliser ce genre d’investissements plus rapidement. Il a déclaré que les administrateurs faisaient tout ce qui était en leur pouvoir mais que ce type d’occasion d’investissement n’était pas facilement disponible. 

 

[15]  Lorsqu’on lui a mentionné un procès-verbal du conseil d’administration de la fin de l’été 1994, M. Pruitt a déclaré qu’Univar était toujours sous-endettée et continuait d’améliorer son rendement d’exploitation. Il a ensuite déclaré 

 

  [traduction]

 

Un des défis à relever à l’époque était que, en raison de ce problème de levier financier au Canada, c’est-à-dire le problème de sous-utilisation de l’encaisse et de la capacité d’emprunt; les taux de rendement augmentaient tellement que les primes d’encouragement étaient trop élevées et que les employés canadiens étaient récompensés de façon excessive relativement aux concurrents et à la valeur produite.

 

[16]  M. Pruitt a décrit Univar comme étant une composante représentant [traduction] « peut-être de 15 à 20 pour 100 du conglomérat UC en entier ».

 

[17]  Il a ensuite mentionné un accord général de crédit renouvelable conclu en 1988 avec plusieurs banques américaines. Il a déclaré qu’Univar était un garant des emprunts d’UC. La deuxième convention de crédit a été l’accord  américain de crédit renouvelable qui a remplacé l’accord de 1988. En vertu de ce nouvel accord, Univar [traduction] « était un emprunteur » mais [traduction] « n’était pas un emprunteur principal ». Il a décrit Univar comme étant uniquement un garant principal. La troisième convention de crédit a été décrite comme étant une ligne ou convention de crédit multi-devises mise en œuvre en 1995. En vertu de celle-ci, toutes les filiales non américaines étaient autorisées à emprunter [traduction] « dans leur propre devise ». 

 

[18]  À la question concernant la raison pour laquelle il n’aurait pas été opportun de prendre le contrôle de Barbadosco par emprunt, M. Pruitt a répondu :

 

  [traduction]

 

Eh bien, Barbadosco a été constituée en tant que filiale de la société canadienne, il s’agissait d’un investissement de la société canadienne dans le but de faire -- d’investir dans des prêts ou d’accorder des prêts à d’autres entreprises. Il s’agissait donc d’une filiale de placement, et le capital initial pour la constituer était au moins suffisant pour remplir ses besoins à l’époque.

 

M. Pruitt a décrit les difficultés et les nombreux mois nécessaires pour mettre en œuvre une convention de crédit de cette nature. Il a ajouté :

 

  [traduction]

 

L’idée était que la société canadienne investirait dans cette société de financement et qu’elle réaliserait des investissements appropriés en acquérant des créances ou en concédant des prêts à des entreprises.

 

[19]  On a demandé à M. Pruit de se reporter à la cotisation émise par Revenu Canada concernant le présumé revenu associé à la garantie offerte par Univar relativement à l’accord de crédit renouvelable d’UC. Il a dit qu’on l’avait informé que l’administration fiscale canadienne présumait qu’un revenu était associé à la garantie offerte dans le cadre de certaines conventions de crédit et voulait évaluer l’impôt sur cette valeur présumée. Il a déclaré qu’on lui avait dit de se reporter à un document rédigé pour la réunion du comité des finances du 22 avril 1993 dans lequel il indiquait que Revenu Canada avait établi une cotisation de 95 000 $CA et qu’un avis d’opposition avait été produit. Il a témoigné que des conversations avec la Banque of America montraient que cette dernière n’attachait aucun poids ou valeur à la garantie canadienne. Il a ensuite transmis cette information à Revenu Canada.

 

[20]  Il a déclaré que l’administration fiscale canadienne était [traduction] « encore aux trousses de la société canadienne au 21 février 1994 ». M. Pruitt voulait également prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que l’Internal Revenue Service des États-Unis (l’« IRS »)  n’imputerait pas un dividende si Univar empruntait sur la ligne de crédit. Il a affirmé qu’il avait alors compris que, dans ces circonstances, [traduction] « l’IRS pourrait alléguer qu’un dividende avait été versé même si ce n’était pas le cas et qu’il n’y avait eu aucune intention d’en verser un, et d’imposer le paiement d’un impôt en conséquence ». Selon lui, ce problème d’ordre fiscal était une source de préoccupation pour la société.

 

[21]  L’échange suivant a eu lieu relativement au plan d’entreprise global :

 

  [traduction]

 

Q :   M. Pruitt, vous avez décrit plusieurs problèmes. Quelle solution la société américaine croyait-elle pouvoir apporter afin de les résoudre?

 

R :   Eh bien, la société Univar est, vous savez, la société-mère qui surveille les activités en Europe, au Canada et aux États-Unis. Nous avons une multitude… une avalanche de problèmes à régler, si j’ose dire. Nous avions des enjeux liés à la restructuration du capital en Europe. Nous avions ce problème de dividendes réputés aux États-Unis qui ne faisait aucun sens compte tenu de notre approche d’entreprise. Nous étions dans une situation de sous-endettement au Canada et avions aussi d’autres problèmes de structure des capitaux en Europe, et il s’agissait d’une question embarrassante, franchement, mais nos conseillers en sont arrivés avec l’idée d’un processus où – et cela semblait une solution vraiment très sensée – nous aurions une société internationale d’investissement qui permettrait des investissements appropriés qui seraient effectuée par la société canadienne au moyen d’une filiale internationale de financement qui pourrait ensuite servir à financer, prêter de l’argent ou acheter des créances existantes, afin que l’entreprise puisse continuer de prospérer et que le chiffre d’affaires continue de croître. La société canadienne obtiendrait un bon rendement. Le capital pourrait croître dans d’autres secteurs, et il me semblait qu’il s’agissait là d’une solution logique, très logique qui permettrait de résoudre un certain nombre de problèmes financiers et de trésorerie de notre société et d’obtenir un meilleur effet de levier afin que nos actionnaires puissent bénéficier d’une augmentation de la valeur globale des actions, dans le cadre de ce processus.

 

M. Pruitt a également décrit le travail de restructuration du capital qui devait être accompli en Europe. Il a fait part de la nécessité de [traduction] « mettre de l’ordre » dans les prêts portant intérêt et les prêts ne portant pas intérêt. Il fallait également envisager de régler le problème des sociétés ayant un taux d’endettement supérieur ou insuffisant par rapport aux objectifs. Il a expliqué que la restructuration du capital, toute la réorganisation avait pour objectif d’utiliser de façon plus optimale le capital global de la société :

 

  [traduction]

 

c’est ce à quoi nous nous étions engagés envers les actionnaires.

 

[22]  L’avocat de l’appelante a présenté à M. Pruitt le procès-verbal de la réunion du comité des finances du 18 février 1993 et a lu l’extrait suivant :

 

  [traduction]

 

M. Pruitt a ensuite présenté le projet de la société concernant la consolidation des filiales d’Univar Europe. Il a été noté que cette activité vise à rendre la structure de l’organisation européenne conforme aux lois fiscales des États-Unis. Ces lois exigent que les sociétés ne comportent pas plus de trois paliers. Deuxièmement, la consolidation permettra d’examiner et évaluer les filiales existantes pour comprendre leur raison d’être. Les sociétés travaillent en collaboration avec les filiales locales et les employés locaux sur cette question, ainsi qu’avec Coopers & Lybrand.

 

En réponse à cela, M. Pruitt a déclaré qu’il n’était pas un expert en fiscalité mais que la question touchait le caractère déductible de certains intérêts lorsqu’il y avait quatre ou cinq paliers de filiales étrangères qui appartenaient à une société-mère américaine. Il a exposé qu’un trop grand nombre de paliers empêchaient la déduction des intérêts dans le système fiscal américain. Il a déclaré qu’ils refusaient ou admettaient les frais d’intérêts ou imputaient un revenu d’intérêt en fonction du nombre de paliers. Il a dit qu’il s’agissait d’une initiative qui ne visait qu’à diminuer le nombre de paliers en Europe en vue de résoudre ce problème d’impôt américain qui avait surgi de manière imprévue en résultat des fusions et des consolidations. M. Pruitt a ajouté que toutes les opérations comportent des éléments fiscaux mais que l’objet principal de chacune d’elle est analysé sous l’angle des finances, du rendement, et d’autres aspects. Il a dit :

 

  [traduction]

 

En fait, comme la plupart des société multinationales... nous organisons des séances de planification pour déterminer  comment organiser nos affaires [...] y compris [...] certaines idées touchant la planification fiscale et la façon de traiter les revenus provenant de source étrangère, c’était la véritable question en jeu ici, puis URECO [4] était un véritable projet d’investissement immobilier qui n’était pas un projet fiscal [...] tous les dossiers ont quelque chose à voir avec l’impôt mais l’objectif principal était de trouver de meilleurs moyens d’investir dans l’immobilier.

 

[23]  Le procès-verbal de la réunion du comité des finances d’UC daté du 22 avril 1993 se lit en partie comme suit :

 

  [traduction]

 

M. Pruitt a ensuite présenté une stratégie potentielle relativement à la restructuration du capital de Van Waters & Rogers Ltée. [5] Cette stratégie prévoit essentiellement que l’organisation canadienne achètera les effets à recevoir détenus par Univar et payables par Univar Europe. Il a passé en revue l’objectif de la restructuration du capital et les avantages qui en découleraient, et a déclaré qu’il s’agissait d’une étape préliminaire et que l’opération donnerait à la société la souplesse pour exécuter cette stratégie possible d’utilisation d’un levier financier de 15 millions de dollars et de l’exécuter au Canada à la fin d’exercice la plus proche. Il a déclaré que la recherche préliminaire n’avait pas tenu compte d’un possible problème opérationnel en Europe et qu’il serait souhaitable de développer la stratégie.   

 

La proposition a été présentée et appuyée, et le comité a autorisé la direction à poursuivre l’élaboration d’une stratégie canadienne de restructuration du capital.

 

Concernant ce qui précède, M. Pruitt a dit :

 

  [traduction]

 

Ce paragraphe décrit le projet de création d’une filiale étrangère, qui s’est finalement concrétisé à la Barbade, à titre de société d’investissement appartenant à la société canadienne, et cette société d’investissement ferait... dans ce cas, l’opération initiale envisagée était l’achat des effets à recevoir appartenant à Univar par les entreprises européennes. C’était une opération à faible risque pour la nouvelle filiale de financement puisque, bien entendu, nous connaissions les sociétés. Celles-ci avaient de très bons taux d’intérêt sur le marché et constituaient un bon investissement relativement sûr pour la nouvelle filiale.

 

Puis l’échange suivant a eu lieu :

 

  [traduction]

 

Q :   [...] puis vous poursuivez en disant : « M. Pruitt a présenté le projet de la société concernant la consolidation des filiales d’Univar Europe. Il a été noté que ce processus visait plusieurs objectifs, notamment d’assurer la conformité avec les lois fiscales américaines, en vue de respecter la convention des actionnaires d’Univar Europe. En outre, il a été noté que pour mettre en place un plan de restructuration du capital canadien efficace ces deux questions devaient abordées sous un angle commun. La recherche préliminaire montre que le plan de restructuration du capital envisagé exige que les filiales européennes soient consolidées de telle manière que les paiements d’intérêts sur les prêts entre sociétés détenus en Europe pourront être attribués à une société active. Nous continuons de travailler avec le personnel de la filiale locale ainsi qu’avec Coopers & Lybrand afin de régler ces questions. » 

 […]

 

Q :   Qu’avez-vous à dire à ce sujet?

 

R :   Voyez-vous, tout ce que cela veut dire en réalité est qu’il s’agit d’une solution intégrée. C’est-à-dire, comme je l’ai expliqué auparavant, l’ensemble des efforts visaient à atteindre tous ces objectifs par le biais d’un même processus. Ainsi, afin que la qualité des effets à recevoir soit telle que la filiale des la Barbade puisse, doive les acheter, et les achète, nous devions réduire le nombre de paliers afin de ne pas nous attirer [...] des conséquences fiscales désavantageuses et inopportunes. L’autre enjeu était lié au fait que nous devions transformer certains prêts ne portant pas intérêt en prêts portant intérêt car la filiale de la Barbade ne pouvait pas acheter ni n’achèterait des effets à recevoir ou des créances non assorties de taux d’intérêt très avantageux, selon le taux du marché, très avantageux. 

 

Ainsi donc, tous ces éléments devaient être accomplis de concert afin d’en arriver à quelque chose qui aurait du sens. 

 

David Olsen (« M. Olsen ») était le trésorier adjoint d’UC à l’époque où cette réunion a eu lieu. Une partie de son compte rendu de la réunion se lit comme suit :

 

  [traduction]

 

La discussion incluait notamment un aperçu du bilan consolidé proforma d’Univar Europe de l’exercice 1992 pour la créance subordonnée à long terme des actionnaires, retraitée dans les capitaux propres. Ces relevés indiquent qu’Univar Europe dispose d’un solide levier financier avec un ratio d’endettement approprié de 0,5 : 1. En outre, il a été noté que la société explore de nouvelles avenues en vue de faire un usage plus efficace de son excédent de trésorerie. Il a ensuite discuté du plan de la société concernant la mise en œuvre d’une ligne d’emprunt multi-devises en Europe qui fournirait un véhicule pour la gestion des liquidités d’Univar Europe, permettrait d’établir des relations bancaires visant à faciliter les exigences de l’ensemble de la société et de participer à une stratégie relationnelle internationale à plusieurs paliers. Il a été souligné que la société avait amorcé des discussions préliminaires avec le personnel financier d’Univar Europe et que celui-ci s’était montré favorable à l’établissement d’une telle ligne d’emprunt. En réponse à la question de M. Rogers, il a été indiqué que cette ligne serait étroitement surveillée au moyen de mécanismes de contrôle rigoureux afin qu’elle ne serve pas de véhicule financier pour des positions sur devises de nature spéculative.

 

Les commentaires de M. Pruitt à l’égard de ce qui précède ont été les suivants :

 

  [traduction]

 

Bien, cela est vrai en partie. L’ensemble du travail de restructuration du capital était une partie intégrante et nécessaire de l’initiative globale. Les bilans proforma et le retraitement de la créance subordonnée à long terme des actionnaires étaient ‑‑ quand j’ai décrit auparavant la conversion de dettes ne portant pas intérêt en dettes portant intérêt, cela décrit l’essence même de cette mesure... Et les états montraient qu’Univar se trouvait dans une situation très avantageuse en matière de levier financier avec un ratio d’endettement d’environ 0,5 : 1, ce qui indique qu’elle pouvait et devait prendre ces prêts subordonnés ne portant pas intérêt et les convertir en prêts portant intérêt, comme ils auraient dû l’être, et c’est tout ce que cela veut dire. 

 

L’exploration de nouvelles avenues afin de trouver un meilleur moyen d’utiliser la trésorerie, l’excédent de trésorerie, fait toujours partie de l’initiative globale que j’ai décrite auparavant. Le premier pas est d’utiliser la totalité de l’excédent de trésorerie. Le deuxième pas est de s’assurer que tous s’approchent du ratio de levier financier de 1 : 1 dont nous avons discuté plus tôt dans la journée, et bien entendu la description de la mise en œuvre de la ligne de crédit multi-devises en Europe était de -- était un commentaire sommaire concernant la ligne de crédit multi-devises que nous avons précédemment – sur laquelle j’ai témoigné auparavant en détail à l’égard de chacun des emprunteurs non américains, et ainsi de suite, et cet aspect s’insérerait également dans une relation internationale à plusieurs paliers, qui ramènerait les paliers à un nombre approprié. Et donc, il indique simplement ici qu’il y a eu des discussions préliminaires avec le personnel financier d’Univar Europe, qui s’est montré favorable à l’établissement d’une telle ligne de crédit et était disposé à l’utiliser. 

 

Ce genre d’initiative présente toujours le défi de trouver un accord entre des gens de différentes cultures et de plusieurs pays en vue d’adopter une solution commune. Ce n’est pas tout le monde, et c’est légitime, qui veut être indépendant, et donc chaque fois que vous prenez une initiative afin de trouver une sorte de solution commune, il est toujours difficile d’aller de l’avant parce que les gens ont peur de perdre leur identité de Suédois ou d’Anglais, et nous respectons cela, mais -- donc, il faut y travailler pendant une longue période de temps pour parvenir à insuffler de l’enthousiasme aux directions pour qu’elles appuient l’organisation. Et donc il décrit simplement cet effort.

 

[24]  M. Pruitt a ensuite expliqué que le ratio d’endettement de 0,5 : 1 devait être modifié en convertissant les dettes ne portant pas intérêt en dettes portant intérêt, et que cela reflèterait avec davantage de précision ce que serait la structure du capital des exploitations européennes. 

 

[25]  Les propos suivants ont ensuite été échangés entre l’avocat et M. Pruitt concernant la filiale canadienne :

 

  [traduction]

 

Q :   Maintenant, M. Pruitt, il s’agit d’un plan que vous avez préparé pour la filiale canadienne. Comment avez-vous communiqué cette information aux responsables canadiens? Êtes-vous simplement allé leur dire ce qui allait se passer...?

 

R :   En fait, tout d’abord, je ne crois pas que ce plan puisse être qualifié de solution pour le problème canadien, ce serait inexact. Il s’agissait d’une solution destinée autant à l’Europe qu’au Canada visant à résoudre certaines questions fiscales, notamment le risque que des montants soient réputés constituer des dividendes aux yeux de l’administration fiscale américaine. Donc, il ne s’agit vraiment pas d’un problème strictement canadien. Mais la communication a été vraiment, je veux dire, la réalité est que, à l’époque, tout comme aujourd’hui, il y a un esprit d’équipe et les administrateurs canadiens Pat Tole et Fred Hermesmann le personnel financier encore plus que le personnel responsable de l’exploitation commerciale ainsi que leurs homologues en Europe, tous participaient à l’évaluation des diverses solutions avec leurs conseillers juridiques et fiscaux et y consacraient des efforts, tout comme moi, Dave Oslen et Wayne Lundberg à notre bureau nous en examinions toutes les complexités. C’est donc comme ça que ça se passait -- afin que la communication soit vraiment -- c’était un effort conjoint de la direction pour passer en revue les divers éléments. Ils ne connaissaient pas tous les éléments, c’est certain. Mais tous connaissaient le concept général et chacun se concentrait ensuite de façon plus particulière sur son secteur de compétences. Et donc, bien sûr, elle serait -- un plus grand nombre de dirigeants seraient informés avec le temps, puis les conseils d’administration au Canada et les conseils d’administration en Europe -- les filiales européennes seraient informées ainsi que notre comité des finances et finalement le conseil d’administration d’Univar, avant de mettre en œuvre la solution.

 

M. Pruitt a déclaré qu’il n’était pas un administrateur de l’appelante. 

 

[26]  Lorsque l’avocat a laissé entendre que M. Pruitt semblait dire à la société canadienne ce qu’elle devait faire, celui-ci a répliqué :

 

  [traduction]

 

[…] Non, ce que je faisais était de partager ce plan avec eux, et le concept se trouve à un stade préliminaire, bien sûr, avec le conseil d’administration. Mais cela aurait été après avoir travaillé avec la direction de la société canadienne au sein de l’équipe que j’ai décrite plus tôt et donc c’est ainsi que je les informais -- et non dans le sens de leur dire ce qu’ils devaient faire mais bien dans le sens d’échanger des idées. Cette façon de procéder ne serait pas ‑- compatible avec mon caractère, ni avec celui de la société, jamais. Premièrement -- et deuxièmement, notre société canadienne et les employés canadiens que je connais sont des personnes très indépendantes, comme elles doivent l’être, et fières de ce qu’elles accomplissent. Elles ne vont pas -- vous n’allez pas -- vous devez travailler de concert avec eux. Voilà, c’est ce que je veux dire.

 

[27]  M. Pruitt a ensuite déclaré qu’il était chargé du projet et qu’il faisait appel aux services de plusieurs personnes pour l’aider à coordonner les efforts. Il a déclaré qu’il avait surtout fait appel à Wayne Lundberg en tant que coordonnateur clé [6] . Il a dit :

 

  [traduction]

 

Je travaille avec lui depuis un très très grand nombre d’années. C’est quelqu’un qui a un grand souci du détail, mais beaucoup d’autres personnes étaient aussi impliquées [...] mais Wayne était [...] dans le cadre de ce projet particulier [...] le principal coordonnateur, et M. Olsen s’occupait des questions bancaires et de trésorerie. En fait, Wayne allait très souvent rendre visite aux employés des filiales pour leur expliquer les projets en cours, car il avait passé beaucoup de temps dans chacun de ces bureaux à travailler avec eux sur diverses questions fiscales, et donc il les connaissait bien.

 

Concernant la présentation de Lundberg décrite dans le procès-verbal du comité des finances d’UC daté du 22 juin 1994, M. Pruitt a déclaré :

 

  [traduction]

 

J’avais demandé à M. Lundberg de faire une présentation [...] concernant le statut général du plan et le travail de restructuration du capital, ce qu’il a fait, et de la façon normale -- je veux dire, on s’attendait à ce que Wayne mette l’accent sur les questions fiscales plus que sur toute autre chose. C’était le directeur des services fiscaux et la plupart de ses commentaires portaient sur cet aspect. Le comité comprenait très bien, puisque cette question avait été discutée à de nombreuses reprises, en quoi consistait l’initiative, pourquoi nous le faisions, et nous en étions déjà près des étapes finales si je me rappelle bien.

 

[28]  L’avocat de l’appelante a mentionné que James Fletcher, qui était le premier vice-président d’UC, avait présenté un aperçu de deux acquisitions potentielles en Europe qui étaient sous examen. Le procès-verbal auquel l’avocat a fait référence se lit en partie comme suit :  

 

  [traduction]

 

Le bilan proforma après l’acquisition par Pakhoed présente la situation financière de la société Univar consolidée. Il est prévu que le ratio d’endettement sera de 0,8 :1, ce qui démontre une capacité financière suffisante pour mener à terme les deux opérations. 

 

Lorsqu’on lui a demandé si le paragraphe concordait avec les stratégies qu’il avait décrites, M. Pruitt a répondu :

 

  [traduction]

 

Oui. Tout d’abord, je veux dire, le commentaire est clair en ce qui a trait au ratio d’endettement de l’entité consolidée et à la capacité de réaliser ces acquisitions. À la base --  ou le plan en termes de financement pour une de ces opérations ou les deux aurait été d’utiliser la filiale de financement de la Barbade pour financer ces acquisitions.

 

Q :  À quelles acquisitions faites-vous référence?

 

  [...]

 

R :  Impag et Berk sont les deux acquisitions auxquelles il est fait référence dans le --

 

Q :   Oh, je vois, donc il y avait donc déjà à ce moment une discussion concernant la possibilité d’acquérir Berk. 

 

R :   Je crois.

 

Q :   Bon, à la deuxième ligne cela fait référence à deux acquisitions en cours d’examen, BP Norway et Impag en Suisse. 

 

R :   Oui. BP exploitait une entreprise de terminaux en Suisse, je veux dire en Suède, et l’opération a aussi été étudiée et effectuée. Il ne s’agissait finalement que d’une opération immobilière au sens strict. Quant à Impag, c’était une société en exploitation qui aurait pu être candidate, mais le projet a été abandonné.

 

[29]  L’échange s’est poursuivi :

 

  [traduction]

 

Q :   […] Pouvez-vous maintenant me dire quelque chose au sujet du scénario envisagé par la direction, soit d’enquêter sur une nouvelle structure d’entreprise selon laquelle Univar serait constituée en société offshore?

 

R :   Oui. Cela a conduit à une réunion à New York entre moi, Wayne Lundberg et un conseiller fiscal, organisée par M. Kesseler pour ce qu’il a appelé, je crois, une opération de vente-achat (« flip »). J’ai évalué la proposition et j’ai recommandé de laisser tomber le projet, qu’il n’y avait aucune raison d’affaires sous-jacente à une opération de ce genre et qu’il s’agissait uniquement d’un mécanisme fiscal. Et nous n’avons tout simplement jamais fait les choses uniquement pour ces raisons et nous ne le faisons pas aujourd’hui.

 

[…] selon mon expérience, cela ne fonctionne généralement pas car les lois changent, les circonstances changent, ce genre de stratégies et de plans sont attaqués, et nous avons simplement laissé tomber.

 

[30]  Après quelques discussions entre l’avocat de l’appelante et M. Pruitt et après renvoi à la réunion du comité des finances du 23 août 1995 portant sur l’acquisition de Berk Ltd, acquisition dont on a dit qu’elle serait financée par Barbadosco avec des fonds supplémentaires fournis par Univar sous forme d’apport de capitaux, M. Pruitt a déclaré que la filiale de Berk au Royaume-Uni avait été acquise par UE. Elle a été fusionnée avec K&K Greff en une seule société au Royaume-Uni. L’opération prévoyait que Barbadosco achèterait un effet à payer portant intérêt. La direction de la société canadienne tentait d’obtenir l’approbation du conseil d’administration pour fournir de capitaux supplémentaires à Barbadosco, mais cette approbation n’a jamais été obtenue car UC a été acquise par Royal Pakhoed, est devenue une filiale à cent pour cent de la société des Pays-Bas et [traduction] « ils ne voulaient pas envisager le financement de cette façon ».

 

[31]  En réponse à la question de l’avocat, M. Pruitt a expliqué que Barbadosco n’avait pas acheté les effets de la société Berk [traduction] « ou de quel que soit son successeur » car Packhoed avait sa propre société d’investissement, sa propre démarche et sa propre organisation concernant le financement de ce type d’acquisition et

 

  [traduction]

 

[...] elle avait sa propre approche relativement à la gouvernance d’entreprise -- une philosophie différente de celle [...] d’Univar.

 

[32]  M. Pruitt a décrit la philosophie de Pakhoed sur un ton déclamatoire :

 

[traduction]

 

Royal Pakhoed avait une manière très différente d’approcher les entreprises multinationales. Leur approche consiste essentiellement à se livrer au pillage des sociétés, à en extraire tout l’argent, à utiliser toute leur capacité d’emprunt, à les paralyser. Leurs filiales, ainsi que la société-mère d’Univar, n’avaient absolument aucune espèce de sensibilité envers les directions des sociétés, envers leurs sentiments et la voie qu’ils estimaient que les sociétés devaient emprunter.

 

[33]  L’avocat a discuté avec M. Pruitt d’une note datée du 13 novembre 1997. Celle-ci était intitulée [traduction] « Élimination de Van Waters & Rogers (Barbados) Ltd. ». Il s’agissait d’une note envoyée par Lundberg à Hugo Brink [7] de Royal Pakhoed. M. Pruitt a affirmé :

 

  [traduction]

 

[…] les gens de chez Pakhoed avaient adopté l’approche selon laquelle ils décideraient ce que nous devions faire, tout simplement, et nous donneraient des ordres, et d’après mon expérience, même si nous tentions de discuter et de débattre des idées, une fois qu’ils avaient pris une décision, c’était -- vous pouviez peut-être retarder le moment de son exécution par des discussions, mais ils finiraient par l’exécuter et vous recevriez l’ordre de vous en charger. 

 

Cette note portait notamment sur la liquidation de Barbadosco.

 

[34]  Lorsque l’avocat de l’appelante a demandé à M. Pruitt si les changements proposés à l’article 17 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») étaient l’une des principales raisons de la liquidation de la filiale de la Barbade, celui-ci a répondu :

 

  [traduction]

 

Non. La principale raison de la liquidation de la filiale de la  Barbade était que cette opération faisait partie du processus d’extraction des fonds au profit de Royal Pakhoed. Cela faisait partie de leur processus pour prendre l’argent.

 

[35]  M. Pruitt a également témoigné que Pakhoed avait été à l’origine du versement de dividendes de 70 000 $ par l’appelante à UC. Il a déclaré qu’il avait été nommé en 2001 au conseil exécutif de la société-mère ultime aux Pays-Bas. Il est devenu le président du directoire ainsi que le directeur général de la société, à la suite de quoi il a établi une stratégie visant à séparer les sociétés entre le secteur des terminaux et le secteur de la distribution. Il a embauché un nouveau directeur général pour l’entreprise de terminaux et la société est devenue une société ouverte distincte. UC est donc devenue, encore une fois, une société ouverte distincte en juin 2002. Il a déclaré que, à l’époque, ils avaient remis en place les politiques antérieures et tenté de recapitaliser l’ensemble des sociétés.  

 

[36]  Au contre-interrogatoire, l’avocat de l’intimée, Me Luther Chambers, a demandé à M. Pruitt si le ratio d’endettement s’était amélioré de 1997 à 1998 en raison du versement d’un important dividende à UC. M. Pruitt a répondu par l’affirmative, et l’avocat a demandé s’il ne serait pas juste de dire que, plutôt que d’effectuer les opérations qui sont en litige en l’espèce, l’appelante aurait pu améliorer son ratio d’endettement en 1995 en empruntant une somme élevée et en versant un important dividende à UC. M. Pruitt a répondu :

 

  [traduction]

 

Pas selon la politique d’Univar.

 

M. Pruitt a de nouveau indiqué que le paiement d’un dividende était le résultat des directives données par Pakhoed après son acquisition d’UC. Selon lui :

 

  [traduction]

 

Le défi est que, si vous devez payer un impôt parce que vous avez déplacé des fonds, que votre fardeau fiscal augmente mais pas en résultat d’avoir gagné de l’argent ou d’avoir exploité la société, vous diminuez alors, à notre avis, la valeur pour les actionnaires de la société ouverte. C’est pourquoi la philosophie était de ne pas faire ces déclarations de dividende.

 

Un autre facteur plus important encore, au cœur de ce que vous devez faire, est de maintenir le capital sous la responsabilité des dirigeants qui ont généré ce capital et de faire croître l’entreprise, pour les encourager à trouver de nouveaux moyens d’augmenter le volume d’affaires et d’investir l’argent dans leurs activités. Et c’est là la pierre de touche de notre philosophie, qui est totalement différente de celle qui a guidé les opérations que vous avez vues ici.

 

L’avocat a ensuite posé des questions dont l’objectif semblait être de tirer de l’information de M. Pruitt concernant le rendement des investissements en supposant qu’Univar aurait acheté les effets plutôt que Barbadosco. L’échange suivant a eu lieu :

 

  [traduction]

 

Q.  […] la seule source de revenus pour la société de la Barbade était les intérêts provenant d’Europe?

 

R.  À ce moment, oui.

 

[…]

 

Q.  La société de la Barbade n’a donc pas exploité d’entreprise de distribution de produits chimiques, n’est-ce pas?

 

R.  Non, il s’agissait d’une société d’investissement.

 

Q.  Oui. Mais je croyais que votre politique était que la filiale canadienne devait trouver de nouveaux investissements reliés à ses activités principales?

 

R.  Reliés aux affaires de la société exploitante, oui, par opposition au fait d’investir dans des titres publics.

 

[…]

 

R.   Des titres négociables, comme ceux de la bourse de New York ou quelque chose comme ça.

 

Q.  Oui. Maintenant vous pouvez constater dans tous ces états financiers que certaines dépenses ont été engagées par la société de la Barbade, et ce ne sont pas de petits montants, bien que le paiement de l’impôt de la société de la Barbade représente environ deux et demi pour cent, et ces dépenses s’élevaient à -- autour de 60 000 $ par année. Les autres dépenses au-delà de 100 000 $, de sorte que seul le montant net était disponible pour être versé à l’appelante par voie de dividendes, c’est exact?

 

R.  Oui, Maître. C’est ça, le solde du revenu net après la déduction de ces dépenses serait le seul montant disponible pour l’année, c’est exact. Et des dividendes de 2 000 072 $ ont été versés pendant cette année.

 

Q.  C’est ça, en 1997, n’est-ce pas.

 

R.  En 1997, oui, Maître.

 

Q.  Si l’appelante avait acquis les effets européens elle-même, elle aurait reçu un revenu d’intérêt de 2 000 488 $. C’est pourquoi le fait de passer par la société barbadienne a réduit le revenu de l’appelante, n’est-ce pas, puisque les dividendes étaient inférieurs au revenu d’intérêt reçu.

 

R.  Non. Ces effets n’ont jamais appartenu à Van Water & Rogers Limitée [8] , donc cela n’a jamais diminué -- je ne comprends pas la question.

 

[…]

 

Q.  Je vais simplement poser la question en supposant que, si cela s’était produit, vous seriez d’accord pour dire que le revenu d’intérêt -- que le revenu de la société canadienne aurait été plus élevé que celui qu’elle recevait de la Barbade.

 

R.  Je ne sais pas, je ne sais pas quels seraient tous les coûts associés à ce genre de structure. Ce scénario n’a jamais été évalué donc je n’ai jamais -- cela n’a jamais --  j’ai simplement -- on n’a jamais établi de proforma à cet égard, donc je n’avais aucune idée concernant - - je ne sais pas quel serait l’impact parce qu’il se peut qu’il y ait toutes sortes de considérations qui surgiraient alors, qui devraient être envisagées. Ce scénario n’a jamais été présenté, n’a jamais été envisagé.

 

L’avocat, faisant référence à Barbadosco, a ensuite demandé :

 

  [traduction]

 

Il s’agissait donc, essentiellement, d’un plan de nature fiscale, n’est-ce pas?

 

M. Pruitt a répondu :

 

  [traduction]

 

Non, ce n’est pas vrai. Il s’agissait de fiscalistes qui parlaient de règles fiscales précises et de la mise en œuvre du plan; toutes les opérations dont j’ai eu connaissance et toutes celles auxquelles nous avons participé comportaient des aspects fiscaux. Vous devez toujours avoir des avocats, des conseillers fiscaux et du personnel technique pour évaluer ces éléments. Cela n’en fait pas un plan fiscal, mais simplement un - - je reconnais qu’il y a des aspects fiscaux à tout, y compris à ce plan, et ces aspects doivent être soigneusement planifiés et élaborés par des fiscalistes. Et c’est ce qu’ils font. 

 

L’avocat de l’intimée, suite à la lecture de deux paragraphes du procès-verbal de la réunion du comité de finances d’UC du 26 octobre 1994, a échangé les propos suivants avec M. Pruitt :

 

  [traduction]

 

Q :   […] Ma question, Monsieur, est la suivante : ces deux paragraphes pris ensemble montrent qu’il y avait au moins un élément fiscal dans ce plan NEWCO, s’il ne s’agissait pas de son unique objectif.

 

R :  L’objectif principal était la restructuration de la dette et la restructuration du capital dont nous avons déjà parlé. Cet aspect a été, à ma demande, décrit par M. Lundberg. M. Lundberg est un fiscaliste et c’est pourquoi toutes ses descriptions sont toujours effectuées à partir d’une perspective  fiscale; c’est normal, et dans le premier paragraphe auquel vous avez fait référence il décrivait le plan devant le comité des finances -- je m’en rappelle de façon très nette -- la structure générale de son service, sa façon d’aborder les choses, ce qu’il accomplit -- une gouvernance habituelle et appropriée du comité visant à comprendre comment nous nous y prenons pour respecter nos obligations fiscales, qui fait quoi, où et comment cela est organisé. C’est vraiment ce que -- et quelles stratégies et manœuvres sont menés de l’avant ou en cours d’élaboration. Je lui avais aussi demandé de parler du projet de restructuration du capital sur lequel nous travaillions.

 

Un grand nombre d’enjeux relatifs à la mise en œuvre étaient liés à des questions fiscales, et j’ai donc senti qu’il serait préférable que ce soit lui qui en quelque sorte dirige la discussion, au cas où il y aurait des questions. Par exemple, il nous est arrivé un jour d’avoir à obtenir  une décision du Royaume-Uni. Un certain nombre d’autres questions devaient également être abordées et il était donc logique que ce soit lui qui, d’une certaine façon, coordonnerait cette description. Naturellement, ses propos seraient axés sur l’impôt, et c’est aussi à ce moment que nous avons demandé l’approbation du comité des finances pour continuer à travailler à cette idée générale - - ou à ce projet général. Cela ne signifie pas et n’indique absolument pas qu’il s’agissait principalement d’une question fiscale. Il y avait des éléments fiscaux, bien entendu, comme dans toutes les opérations. 

 

M. Pruitt a ensuite décrit le processus visant à obtenir une décision en matière de revenu auprès de l’administration fiscale du Royaume-Uni afin de s’assurer avec précision de la manière dont le retraitement de prêts ne portant pas intérêt en prêts portant intérêt serait traitée dans ce territoire. Il  a ensuite parlé de quelques enjeux en Scandinavie et a dit que le Canada était envisagé, que les États-Unis étaient envisagés et que la Barbade était envisagée. L’avocat de l’intimée a répliqué :

 

  [traduction]

 

Q :   Je n’ai aucun intérêt à connaître les incidences fiscales aux États-Unis, en Scandinavie ou au Royaume-Uni. Je vous demande spécifiquement : quelles étaient les incidences fiscales au Canada?

 

[...]

 

R :   En toute franchise, je me fiais à des experts en matière d’impôt et, honnêtement -- les seules incidences spécifiques dont je me souvienne, je vous les ai déjà mentionnées, et elles n’avaient rien à voir avec le Canada, donc...

 

L’avocat, après avoir lu une partie du procès-verbal de la réunion du conseil d’administration d’Univar du 15 octobre 1993, a dit :

 

  [traduction]

 

Et moi je vous dis, M. Pruitt, que l’intention principale était que l’appelante achète cette créance portant intérêt et que cet achat serait effectué par l’intermédiaire de cette société de la Barbade.

 

R : Cet énoncé est inexact. Ce n’est pas vrai.

 

L’avocat a abandonné cette stratégie d’interrogation. 

 

[37]  M. Pruitt a aussi déclaré :

 

  [traduction]

 

[...] Je pense que la qualification, et le même raisonnement s’appliquerait à mes commentaires d’avant, ce que nous qualifions de stratégie fiscale est surtout relié aux éléments qui étaient mis en œuvre à ce moment, je crois que c’était -- la formulation était parfois quelque peu bâclée car un très grand nombre de questions dont nous discutions étaient liées à des questions fiscales. Et je vous donne -- un bon exemple est la décision en matière de revenu, la décision de l’Inland Revenue que nous devions obtenir au Royaume-Uni, et ainsi de suite. Mais une grande part de la discussion était axée sur les approbations fiscales et les questions fiscales. Ce commentaire qu’il a fait, ainsi que le commentaire qui figure dans le procès-verbal [...] vous venez de me faire lire le passage où il est fait mention de stratégies fiscales, mais c’était loin d’être le seul élément en jeu. 

 

Il est certain que l’impôt en était un, mais le principal élément, je le répète, c’était le processus de restructuration du capital, la nécessité d’équilibrer les ratios d’endettement, et cela avait quelque chose à voir avec l’harmonisation des objectifs et des primes d’encouragement. Il y avait donc beaucoup, beaucoup de facteurs en jeu et - - et tous savaient très bien que c’était le cas, y compris M. Rogers et moi-même dans le précédent, le simple fait que Bill Butler ait utilisé l’expression « stratégie fiscale » ne change en rien son objectif ou son principal objectif.

 

L’échange suivant a ensuite eu lieu :

 

  [traduction]

 

Q.  […] Monsieur, ma question est la suivante : vous avez répondu que le rendement de l’appelante était toujours remarquable mais que, comme elle n’avait aucun effet de levier, l’excédent de trésorerie continuait de s’accumuler, ce qui fait qu’elle éprouvait de la difficulté à trouver des investissements, c’est bien ça? L’appelante cherchait des investissements mais avait de la difficulté à en trouver qui soient liés à sa principale entreprise, c’est-à-dire à la distribution de produits chimiques, c’est exact?

 

R.  Ils avaient, en effet, de la difficulté à trouver des investissements adéquats connexes aux entreprises exploitantes, oui, et à des montants suffisants pour utiliser l’excédent de trésorerie ou la capacité d’emprunt. Leur rendement était exemplaire, c’est certain, et l’exploitation de l’entreprise existante donnait de très, très bons résultats, il n’y a pas lieu de se plaindre, mais le problème est que si vous sous-utilisez vos fonds propres, vous n’augmentez pas la valeur des actions associées aux investissements dans votre entreprise et vous devez donc être capable de foncer et de faire croître votre entreprise plus rapidement afin de pouvoir utiliser le capital disponible de façon appropriée. C’était là le défi.

 

[38]  L’avocat de l’intimée a ensuite laissé entendre que l’appelante aurait pu demander à UC de lui permettre de faire des investissements rapportant un revenu d’intérêt semblable à celui des effets achetés par l’appelante. M. Pruitt a répondu que [traduction] « beaucoup de choses auraient pu être faites ».

 

L’échange suivant a eu lieu :

 

  [traduction]

 

Q.  Mon opinion est que la raison pour laquelle l’appelante -- pardon, la société-mère de l’appelante, Univar, n’y tenait pas et que l’appelante non plus n’y tenait pas est que cela aurait créé un revenu d’intérêt canadien qui aurait été entièrement imposable au Canada. Ai-je raison?

 

A.  C’est une hypothèse inacceptable car nous avions un volume considérable et croissant d’affaires au Canada et un revenu croissant assujetti à l’impôt, et nous étions tout à fait prêts à payer la totalité de l’impôt applicable à ce revenu, donc je ne comprends pas la pertinence -- je veux dire, bon, ce n’est pas à moi de le dire, mais c’est une hypothèse émise à partir d’une autre hypothèse qui -- donc je ne sais pas quoi répondre à ça. Désolé. Si la question était s’il y avait eu un revenu imposable au Canada, la société aurait-elle payé l’impôt applicable à ce revenu, la réponse serait oui, absolument.

 

Q.  Mon opinion est que l’une des principales raisons pour laquelle le plan NEWCO, le plan de la société de la Barbade, a été mis en œuvre était d’éviter de créer un revenu d’intérêt au Canada. Ai-je raison?

 

A.  Je ne me rappelle pas que cela ait été un point central de la discussion, Maître. Je ne me rappelle tout simplement pas que cela ait été un point central de la discussion. Quel que soit le revenu gagné au Canada, nous sommes tout à fait disposés à payer l’impôt qui y est associé et l’avons toujours été.

 

[39]  Dans le cadre de la discussion concernant la raison pour laquelle Barbadosco n’a pas été liquidée avant le mois de janvier 2000, et après que l’avocat ait fait référence à une note datée du 15 octobre 1999, ainsi rédigée :

 

  [traduction]

 

Au début de l’année 1999, l’administration fiscale canadienne a publié une nouvelle loi fiscale, en vigueur à compter du 1er janvier 2000. En raison de ce changement apporté à la législation en matière d’impôt, la structure comprenant Van Waters Ampersand Rogers (Barbados LTD) n’est plus recommandée.

 

M. Pruitt a répondu de la façon suivante :

 

  [traduction]

 

Mais cette note a été rédigée par Hugo Brink, un employé de Pakhoed, qui n’était jamais dans les parages pendant cette période. Je veux dire, c’était en 1999. Il n’était pas là quand Pakhoed -- quand nous avons constitué la société de la Barbade, et donc je ne -- je n’accorderais pas trop de crédibilité à cette note, bien que je ne conteste pas son exactitude technique. Mais elle ne reflète pas l’idée qu’avaient en tête les personnes qui, en réalité - - qui l’ont créée et tentaient de la faire fructifier. C’est un fiscaliste, il l’a expliqué selon une perspective fiscale, et il n’était pas là à l’époque.

 

[40]  En contre-interrogatoire, M. Pruitt a témoigné que Royal Pakhoed était une société beaucoup plus grande qu’UC et qu’elle avait la capacité d’acheter cette dernière, croyait-il, sans emprunter. Il a déclaré qu’UC comptait 3 000 employés alors que Pakhoed en avait beaucoup plus.

 

[41]  M. Pruitt s’est ensuite fait demander pourquoi le processus de liquidation de Barbadosco, terminé le 3 janvier 2000, avait pris autant de temps. Il a répondu :

 

  [traduction]

 

[…] cela s’explique jusqu’à un certain point par les importants dividendes versés et par l’extraction de fonds en Europe et en Amérique du Nord et, franchement, certains de nous tentions de négocier qu’ils en prennent moins qu’ils ne l’ont fait -- cela explique en partie ce délai, du mieux de mes connaissances. Et, vous savez, encore une fois, ce n’est pas le principal élément. Je veux dire, vous savez, vous discutez d’un projet, puis ils le mettent en attente quelque temps pour y revenir plus tard.

 

TÉMOIGNAGE DE WAYNE ARVID LUNDBERG

 

[42]  Wayne Lundberg («M. Lundberg »), comptable public agréé, a été vice-président des services fiscaux. Il est entré chez UC en mai 1977 et l’a quittée en février 1984, y est revenu en décembre 1987 et y travaille encore aujourd’hui. Il occupait initialement le poste de chef des services fiscaux et a déclaré que, vers la moitié des années 1990, il en était le directeur, et qu’il en est devenu vice-président en 2001. Il a expliqué que sa principale responsabilité consistait à gérer et à surveiller toutes les questions touchant l’impôt des sociétés, à administrer l’impôt des sociétés aux États-Unis ainsi que tous les aspects de fiscalité internationale ou  

 

  [traduction]

 

les questions fiscales qui - - essentiellement, entre plus d’un ressort.

 

Il a affirmé que, pendant la période allant de 1992 à 2000, le nombre d’activités en Europe avait augmenté comparativement au début des années 1990. Il a dit :

 

  [traduction]

 

Pour remplir ces fonctions, nous avons embauché le cabinet d’expertise comptable Coopers & Lybrand à titre de ce que j’appelle notre fournisseur global de services fiscaux. Occasionnellement, nous faisions également appel aux services de consultation de l’étude d’avocats Baker MacKenzie concernant certaines questions de fiscalité américaine et internationale.

 

Il a déclaré que les consultants en comptabilité avaient été Arthur Andersen jusqu’en 1992. Il a aussi déclaré qu’il relevait de M. Pruitt. Il a affirmé que les services fiscaux faisaient partie intégrante du service des finances. Il a déclaré qu’UE s’était jointe au groupe de sociétés en 1991 et qu’elle utilisait des sociétés locales fournissant des services fiscaux dans chaque pays en particulier. Il a ajouté que son rôle était de gérer et de coordonner les services fournis et que son expertise se limitait au droit fiscal américain.

 

[43]  M. Lundberg a expliqué qu’UC avait produit une déclaration d’impôt consolidée et que les seules sociétés qui étaient consolidées avec elles à cette fin étaient sa principale filiale, la société américaine active (« Inc »), et une ou deux autres sociétés américaines de faible envergure.

 

[44]  M. Lundberg a déclaré qu’Univar n’avait versé qu’un seul dividende, soit un dividende de 6 millions de dollars en 1980, et qu’UC avait demandé un crédit américain pour impôt étranger relativement à la retenue d’impôt et à l’impôt canadien sous-jacent payé sur le revenu distribué. Il a exposé que :

 

  [traduction]

 

[…] le dividende aurait été soumis à ce que l’on appelle une majoration, c’est-à-dire qu’il aurait été traité comme étant « avant impôt », puis un impôt américain aurait été appliqué au montant du dividende majoré, et un crédit pour impôt étranger aurait été demandé relativement au montant de l’impôt américain perçu sur le revenu de dividendes. 

 

Il a ensuite témoigné qu’il y aurait eu des crédits pour impôt étranger accumulés en trop dans la mesure où la retenue d’impôt à la source et les impôts rattachés au dividende, les impôts réputés avoir été payés, dépassaient le taux d’imposition américain de trente-cinq pour cent.

 

[45]  Il a exposé qu’UC n’était pas insensible au fait qu’Univar avait, pendant une certaine période de temps, supporté des impôts canadiens fixés selon un taux supérieur au taux américain. Il a expliqué que les crédits qui ne pouvaient pas être utilisés devenaient des crédits pour impôt étranger accumulés en trop et étaient assujettis à une période de report rétrospectif de deux ans et à une période de report prospectif de cinq ans. 

 

[46]  M. Lundberg a ajouté :

 

  [traduction]

 

La direction d’Univar a une politique de longue date selon laquelle un dividende ne doit pas être perçu auprès d’une filiale étrangère si cela ne peut être fait d’une manière qui soit, au minimum, exempte d’incidences fiscales négatives pour les sociétés sur une base consolidée. 

 

[47]  Les notes afférentes aux états financiers d’UC pour l’année d’imposition 1993, comprenant des chiffres comparatifs pour les deux années précédentes, se lisent en partie comme suit :

 

  [traduction]

 

Il n’est pas nécessaire de prendre des mesures concernant des retenues fiscales étrangères ou l’impôt fédéral des États-Unis car les administrateurs n’ont l’intention de verser de dividendes que lorsque cela n’entraînera pas d’augmentation du coût fiscal net.  

 

M. Lundberg a déclaré, après avoir passé en revue le sommaire des conventions comptables, que la direction d’UC avait pour politique de ne pas verser de dividendes lorsqu’ils pouvaient occasionner une augmentation des impôts sur le revenu. Il a également fait référence, en parlant d’UC, au sommaire des conventions comptables :

 

  [traduction]

 

[…] incapacité d’utiliser entièrement les crédits qui accompagneraient un tel dividende au Canada, qu’il s’agisse d’impôts réputés ou de retenues d’impôt.

 

Il a ajouté :

 

  [traduction]

 

Les principes des services fiscaux du groupe Univar reposaient sur la gestion d’un taux efficace d’imposition du revenu pour le groupe à l’échelle mondiale. Une des politiques sous-jacentes était que nous n’étions prêts à réaliser des opérations fiscales ou des opérations ayant des incidences fiscales que si celles-ci étaient compatibles avec les objectifs généraux de la société et qu’elles visaient l’atteinte d’un objectif d’affaires. Nous avions l’habitude de dire que la fiscalité n’était pas le moteur de notre société.   

 

[48]  On a ensuite renvoyé M. Lundberg à l’ordre du jour d’une réunion de planification fiscale d’Univar, plus particulièrement aux éléments suivants :

 

  [traduction]

 

3.   « Changements récents dans l’impôt ordinaire des sociétés aux États-Unis », la stratégie d’administration de l’impôt de la multinationale Univar.

 

4.  « Financement au Canada, achat de la créance d’Univar Europe ».

 

8.   « Création d’une société d’approvisionnement » (ISCO).

 

  1. Possibilité pour UC et sa filiale américaine active de facturer des filiales de test pour les services fournis (ingénierie, environnement, droit, assurance, ressources humaines).

 

On lui a ensuite mentionné un élément d’une note de service interne datée du 22 novembre 1994 qu’il avait envoyée à M. Pruitt. La note faisait référence à un avis d’opposition en cours, déposé par Coopers & Lybrand, concernant une assertion du revenu garanti d’Univar effectuée par Revenu Canada après que la société canadienne eut garanti la dette américaine.

 

[49]  Le deuxième élément avait trait à la réduction de la retenue d’impôt canadienne, qui était passée de dix à cinq pour cent et, en conséquence, au montant moins élevé de la retenue sur les dividendes futurs :

 

  [traduction]

 

[…] et, par conséquent, un montant moins élevé d’impôt canadien qui devra être utilisé aux États-Unis à titre de crédits pour impôt étranger, la portion inutilisée de ce montant pouvant être reportée sur des années ultérieures.

 

M Lundberg a ensuite déclaré que, pendant un certain temps, UC avait cherché des moyens de gagner un revenu de source étrangère admissible qui soit très bas ou non assujetti à l’impôt dans les ressorts étrangers, ce qui lui aurait permis de reporter prospectivement des crédits pour impôt étranger accumulés en trop. Selon lui :

 

  [traduction]

 

Une des idées que nous avons étudiées dont nous avons discuté était la possibilité que la société exploitante américaine effectue directement des ventes au Canada à des clients canadiens existants, lesquelles seraient imposables aux États-Unis mais structurées de telle sorte qu’elles ne le seraient pas au Canada. Par conséquent, elles constitueraient un revenu de source étrangère de grande valeur pour la société américaine en ce qui a trait à l’impôt international, notamment à la question des crédits pour impôt étranger. 

 

Il a ajouté que ce plan n’avait finalement pas été retenu en raison de la perception négative qu’auraient pu avoir les clients de la société canadienne et des objections d’Univar fondées sur sa méthode indépendante d’exploitation des entreprises. 

 

[50]  L’avocat de l’appelante s’est penché de nouveau sur le quatrième élément de l’ordre du jour et a demandé si [traduction] « le plan NEWCO avait été mis en œuvre ». M. Lundberg a répondu qu’il était relié à l’utilisation des crédits accumulés en trop et que :

 

  [traduction]

 

En ce qui concerne les crédits américains pour impôt étranger, le plan NEWCO était efficace car il ne nuisait pas à la capacité de la société américaine de s’en prévaloir. Le plan ne créait pas d’opération ayant pu être réputée constituer un versement de dividendes, ce qui aurait alors occasionné des crédits pour impôt étranger supplémentaires et aurait été lié au problème des crédits accumulés en trop aux États-Unis, et il y avait une restructuration du capital en Europe dans le cadre du plan global NEWCO. Cette restructuration se traduirait en des intérêts plus élevés associés à la dette et par le fait même par des intérêts plus élevés payables par ces sociétés. 

 

Finalement, l’opération NEWCO a permis à la société américaine de gagner de l’argent par la vente de ces effets à la société de la Barbade. Cet argent a servi à réduire la dette aux États-Unis et, de même, à y réduire les frais d’intérêts, et il y avait une procédure, un calcul effectué en vertu de la législation fiscale américaine selon lequel il était avantageux pour nous de -- pour nous, la société américaine, la société Univar, de réduire les frais d’intérêts à l’intérieur du territoire américain.

[…]

 

En vertu d’une règle fiscale des États-Unis, l’article 861 de l’Internal Revenue Code, à compter de 1986 il y a eu un processus, un calcul qui était fait par lequel, chaque année, le groupe de sociétés consolidées des États-Unis effectueraient ce calcul et une certaine partie des dépenses seraient considérées comme ayant été engagées dans le processus de création d’un revenu étranger. Le résultat net était qu’une partie du revenu de source étrangère qui aurait normalement été admissible au titre de crédit américain pour impôt étranger ne l’était plus. Par conséquent, l’opération en soi signifiait un montant plus élevé de crédits pour impôt étranger accumulés en trop. Le paiement des frais d’intérêts aux États-Unis a aidé - - ou adouci l’impact négatif de ce calcul.

 

Il a ajouté que le plan NEWCO ne donnait pas lieu à un montant réputé constituer un dividende et était donc avantageux sur le plan des crédits pour impôt étranger accumulés en trop aux États-Unis. Il a mentionné que  l’Internal Revenue Code contenait des dispositions qui couvraient certaines situations pouvant donner lieu à un dividende payé par une filiale étrangère, [traduction] « dans le cas présent, versé par la société canadienne à la société-mère américaine ». Il a expliqué que, vers 1988, Univar s’était vu demander de devenir garant pour des facilités de crédit d’UC et que, en application de l’Internal Revenue Code, toute garantie offerte par une filiale étrangère pour une dette de sa société mère américaine était réputée constituer un dividende versé par la filiale étrangère, c’est-à-dire versé par Univar à UC.

 

[51]  M. Lundberg a poursuivi en disant que la société canadienne avait cessé d’être garant de la ligne de crédit; pour la remplacer, une facilité de crédit avait été établie par laquelle la société canadienne et d’autres sociétés du groupe Univar étaient devenues des emprunteurs conjoints et solidaires. Il a exposé qu’un avis professionnel avait révélé l’existence d’une forte exposition et de fortes possibilités que la responsabilité conjointe et solidaire serait considérée, du moins par l’Internal Revenue Service des États-Unis, comme équivalent à une garantie, [traduction] « ce qui aurait causé le même problème de dividendes réputés ». Il a déclaré qu’Univar avait cessé d’être un emprunteur conjoint et solidaire le 1er juin 1995 à la création d’une nouvelle ligne de crédit multi-devises dont elle-même et d’autres filiales étrangères d’UC étaient les emprunteurs désignés. Lorsque l’avocat lui a demandé pourquoi Univar n’avait pas acheté les effets à recevoir d’UC, puisque la ligne de crédit multi-devises avait permis de résoudre le problème de dividendes réputés, M. Lundberg a répondu : 

 

  [traduction]

 

Je n’ai pas eu connaissance que la société canadienne ait jamais eu l’occasion d’emprunter -- d’acheter ces effets directement. Mon inquiétude, d’après l’avis que j’avais reçu, avait trait au fait qu’il était possible que l’achat direct de ces effets par la société canadienne serait réputé constituer un versement de dividendes et un investissement dans des biens aux États-Unis, ou encore serait considéré comme un prêt indirect octroyé à la société américaine, ce qui aurait déclenché les conditions de l’article 956 de l’Internal Revenue Code. De plus, la structure en vigueur depuis 1991, et lorsque les effets à recevoir portant intérêt ont été mis en place, l’avait été précisément de telle manière que le revenu d’intérêt serait considéré comme un revenu de source étrangère admissible pour la société américaine.

[…]

 

Si les effets à recevoir portant intérêt avaient été détenus directement par la société canadienne, ils n’auraient pu être considérés comme source étrangère admissible pour la société américaine, et nous aurions alors perdu un avantage appréciable dans notre façon d’administrer notre exposition relative aux crédits pour impôt étranger accumulés en trop.

[…]

 

C’est en partie la raison pour laquelle la société de la Barbade a été constituée. Il y avait -- le plan qui avait été conçu pour la société, pour les sociétés combinées, par Baker and MacKenzie, puis poursuivi par Coopers & Lybrand, se résumait essentiellement à résoudre certaines questions de trésorerie sous-jacentes. M. Pruitt était préoccupé, si je ne me trompe pas d’après les conversations que j’ai eues avec lui, il était préoccupé depuis un certain temps par le bilan de la société canadienne et par le fait qu’elle était dotée d’un capital élevé et pratiquement dépourvue de dettes portant intérêt, ce qui n’était pas conforme à ce que j’ai compris qui était la politique de la société en matière de gestion de la trésorerie. Les conversations maintenues avec M. Tole pendant une certaine période m’ont également appris que la société Van Waters & Rogers Limitée [9] était devenu très rentable, avait accumulé une somme considérable de liquidités, allait probablement continuer sur cette voie dans un avenir prévisible et avait besoin d’un véhicule par lequel elle pourrait investir efficacement cet excédent de trésorerie de façon acceptable. 

[…]

 

et sous l’angle de -- strictement sous l’angle de la gestion fiscale, qui est celui qui me concernait, il s’agissait d’une solution permettant aux opérations de se dérouler sans créer d’incidences fiscales négatives pour la société américaine relativement à la question des crédits pour impôt étranger et sans créer un fardeau fiscal supplémentaire qui aurait nui à la société. 

 

[52]  Un peu plus loin au cours du témoignage, l’échange suivant a eu lieu entre l’avocat de l’appelante et M. Lundberg :

 

  [traduction]

 

Q :   Et je me rappelle que vous avez témoigné que la création de la société de la Barbade était nécessaire pour contourner le problème de l’article 956 car il était préférable que le Canada n’achète pas les effets directement? Ai-je bien compris?

 

R :   Vous avez bien compris en ce sens que, d’après l’avis que nous avions reçu, il y avait une préoccupation à l’égard du fait que l’achat direct des effets à recevoir par la société canadienne entraînerait l’exposition aux dispositions relatives aux dividendes réputés de l’article 956 de l’Internal Revenue Code. Mais ce n’était pas en sa qualité de garant. Cet aspect concerne d’autres dispositions du même article du Code.

 

Et comme je l’ai mentionné précédemment, un autre motif était que cela nous aurait nui sur le plan de la gestion du crédit pour impôt étranger puisque l’intérêt accumulé sur ces effets à recevoir pourrait directement être inclus dans la déclaration du revenu de la société américaine à titre de revenu de source étrangère admissible, et cela nous soulageait d’une certaine façon ou nous procurait un certain avantage dans la gestion globale des crédits pour impôt étranger accumulés en trop. 

 

[53]  Après avoir discuté quelque peu avec la Cour, M. Lundberg a déclaré :

 

  [traduction]

 

[…] le revenu d’intérêt tiré de ces effets est considéré par la législation fiscale américaine comme un revenu de source étrangère admissible. Ce revenu n’est pas assujetti à l’impôt dans aucun ressort à l’extérieur des États-Unis.

 

À ce titre, il figurait directement dans la déclaration américaine de revenus sans être imposé à l’étranger. 

[…]

 

Ce revenu a été gagné par la société américaine, les effets étaient détenus aux États-Unis.

[…]

 

Et, à ce titre, ce revenu d’intérêt n’était pas assujetti à l’impôt ailleurs qu’aux États-Unis.

 

Il a ensuite affirmé que cela donnait à UC un revenu de source étrangère qui l’aidait à régler son problème de crédits d’impôt accumulés en trop, c’est-à-dire le problème qu’avait le groupe américain consolidé. 

 

[54]  M. Lundberg a expliqué que, si les effets étaient détenus par la société de la Barbade, les règles et les calculs appliqués feraient en sorte que le revenu d’intérêt serait inclus dans la déclaration de revenus américaine de la même manière que s’ils avaient été détenus directement. Il a déclaré que cela s’expliquait par le taux d’imposition très bas de la Barbade. Il a ajouté que ces mêmes règles faisaient en sorte que, si le revenu était directement tiré par la société canadienne, l’impôt canadien associé à ce revenu serait trop élevé pour l’inclure simultanément dans la déclaration américaine. Il a expliqué que le facteur de distinction était le suivant : si le taux d’imposition sur le revenu était inférieur à quatre-vingt-dix pour cent du taux américain, le revenu était alors automatiquement inclus dans la déclaration américaine. Il a continué en disant que le taux d’imposition canadien était supérieur à quatre-vingt-dix pour cent du taux américain et

 

  [traduction]

 

c’est pourquoi il n’a pas été inclus sur la déclaration de revenus américaine au même moment. 

 

En d’autres mots, ce qu’il voulait dire, a-t-il expliqué, est que ce revenu n’aurait pas représenté un revenu de source étrangère aux États-Unis.

 

[55]  M. Lundberg a expliqué que toute cette information aurait été transmise à M. Pruitt.

 

[56]  Il a ensuite mentionné certains documents relatifs à un avis professionnel reçu concernant la formation et l’utilisation de la société de la Barbade à titre de « société internationale de financement » :

 

  [traduction]

 

Nous voulions nous assurer dans une certaine mesure des résultats et des ramifications créées par la formation d’une telle société.

 

[57]  M. Lundberg a dit :

 

  [traduction]

 

Cela fait partie d’un plan intégré. Il y avait des problèmes canadiens qui devaient être réglés, pour nous assurer que nous respections les règlements. Il y avait des enjeux américains. Il y avait des enjeux au Royaume-Uni et en Scandinavie ainsi qu’aux Pays-Bas. Cela fait donc partie d’un plan coordonné touchant les opérations d’affaires telles qu’elles avaient été proposées et activement mises en œuvre par M. Pruitt et M. Tole. 

 

L’échange suivant a ensuite eu lieu entre l’avocat de l’appelante et M. Lundberg :

 

  [traduction]

 

Q :   Êtes-vous en train de me dire que le plan NEWCO n’a pas été principalement mis en œuvre pour des motifs liés à l’impôt canadien?

 

R :   Le plan NEWCO et la constitution de cette nouvelle société internationale de financement n’ont pas été exécutés exclusivement, particulièrement ou principalement pour des motifs liés à l’impôt canadien. Ce plan visait des objectifs de trésorerie et de gestion de l’encaisse. Certaines fonctions fiscales y étaient associées, mais ce n’était pas, et de loin, la principale raison pour laquelle le plan NEWCO et la structure NEWCO ont été mis en place. 

 

[58]  L’avocat a renvoyé M. Lundberg à une note de service qu’il avait écrite le 31 janvier 1995 concernant le plan NEWCO et la création d’une société de financement. Il a dit que les discussions en cours avaient trait à la rentabilité économique de NEWCO, à la constitution de la société à la Barbade, au taux d’intérêt pratiqué, à la combinaison de liquidités et de fonds empruntés qui seraient investis dans NEWCO, au caractère à long terme de l’investissement comparativement à l’effet de levier temporaire, ou à l’emprunt qui devrait être remboursé – aux fluctuations historiques des taux d’intérêts, à la possibilité que NEWCO devienne le centre de la trésorerie

 

  [traduction]

 

ou le centre de financement international, qui était l’usage prévu qui serait donné à cette société.

 

Lorsque l’avocat lui a demandé pourquoi il avait préparé autant de notes de service et de lettres, il a répondu :

 

  [traduction]

 

Eh bien, premièrement, j’ai un grand souci du détail. Je m’occupe d’une multitude de questions fiscales assez complexes. Je m’écris moi-même des mémos ou des notes détaillées afin de documenter les questions qui m’occupent, les préoccupations que j’ai, si j’en ai, afin de conserver une trace et de pouvoir informer les personnes qui participaient également à ce plan à l’égard de certaines situations ou certaines circonstances. Mais effectivement, j’écris beaucoup de notes, parce que cela semble être la nature de cette « bête » qu’est l’administration fiscale et c’est justement la façon dont je mène personnellement mes affaires. Je pense que cela est très représentatif de ce que je ferais dans le cadre de tous les dossiers touchant l’administration de l’impôt américain, pour surveiller l’intégration des plans fiscaux internationaux.

 

[59]  On a ensuite mentionné à M. Lundberg RECO, une société immobilière américaine. Il s’agissait d’un plan qui aurait permis à la société canadienne d’utiliser son bilan et sa capacité de levier financier pour investir dans des biens immobiliers aux États-Unis. Il l’a décrit comme un plan ayant suscité l’intérêt de M. Pruitt. Il a dit que cela n’avait rien à voir avec la production d’un revenu de source étrangère et a ajouté que le plan n’avait finalement pas été adopté car il s’agissait d’une option de planification moins viable que la création de NEWCO.

 

[60]  Il a décrit la société d’approvisionnement (ISCO) qui figurait à l’ordre du jour. Il a déclaré qu’elle aurait une application directe pour la création d’une source étrangère de revenu admissible au sein de la société américaine. Il a dit que le concept était celui d’une société d’approvisionnement, une société d’achat internationale qui serait constituée dans le but d’acheter des produits chimiques, habituellement dans des ressorts étrangers, pour les revendre ensuite à Univar et à Inc. Cette société aurait le droit de produire un revenu et serait régie par les règles fiscales des États-Unis; il s’agirait d’une source admissible de revenu étranger qui aiderait à gérer les crédits pour impôt étranger d’UC. 

Il a également parlé de l’idée de facturer à Univar certaines dépenses d’UC et d’Inc afin de positionner ces dépenses dans un environnement imposable à quarante-cinq pour cent plutôt qu’à trente-cinq pour cent. Il a déclaré que cela n’avait rien à voir avec une source étrangère de revenu ou avec les crédits pour impôt étranger mais que c’était simplement une discussion concernant la facturation à Univar de dépenses d’UC pour des services fournis, à titre consultatif, par UC à Univar. Il a fait état que l’idée avait été explorée pendant plus ou moins un an puis abandonnée. Il a résumé ce qui précède en affirmant que la politique de la société était de ne pas effectuer d’opérations ayant une « compensation fiscale » si elles n’avaient aucun sens sur le plan commercial.

 

[61]  M. Lundberg a ensuite décrit sa présentation, contenue dans le procès-verbal de la réunion du comité des finances d’UC du 26 octobre 1994, dans les termes suivants :

 

  [traduction]

 

[…] compatible avec le profil fiscal global de la société et avec le rôle que j’avais de gérer ce profil. La présentation a fondamentalement été faite à la demande de l’un des membres du comité des finances qui voulait obtenir une vue d’ensemble de la manière dont les questions fiscales de la société étaient gérées. 

 

Cette note portait sur une opération de vente-achat (« flip ») décrite comme étant un moyen de contourner certaines dispositions fiscales qui exigeaient qu’UC soit de propriété étrangère à plus de cinquante pour cent. Il a dit que l’idée avait été abandonnée parce qu’elle [traduction] « ne faisait pas de sens pour notre société », après avoir été portée à l’attention des membres du comité des finances par un membre ayant sollicité la présentation d’une vue d’ensemble de la gestion fiscale de la société. Il a ensuite fait référence à la discussion relative aux crédits d’impôt accumulés en trop, qu’il a décrits comme ayant une grande valeur pour la société, et a poursuivi en disant :

 

  [traduction]

 

[…] et nous devions trouver des moyen de planifier les affaires de la société et de prévoir un nombre suffisant de sources étrangères de revenu appropriées qui permettraient d’utiliser ces crédits.

 

[62]  On a ensuite renvoyé M. Lundberg au procès-verbal de la réunion du 26 octobre 1994 du comité des finances d’UC qui  indiquait, notamment :

 

  [traduction]

 

M. Lundberg a décrit en détail une stratégie qui comprenait la restructuration des prêts aux actionnaires d’Univar Europe, du niveau de la société de portefeuille vers le niveau de l’exploitation européenne.

 

Lorsque l’avocat de l’appelante lui a demandé s’il s’agissait d’une « stratégie fiscale canadienne », il a répondu qu’il s’agissait d’une stratégie européenne qui était aussi liée à la formation d’une filiale de financement offshore de la société canadienne. Il a déclaré que la stratégie américaine présentait l’avantage suivant : à mesure que les prêts étaient restructurés, à mesure que la restructuration du capital était mise en œuvre en Europe, UC créait de nouvelles dettes portant intérêt au sein de la structure européenne et, en conséquence, augmentait le nombre de sources étrangères de revenus admissibles pour UC, connexes à ce revenu d’intérêt. L’échange suivant a ensuite eu lieu :

 

  [traduction]

 

Q :   Maintenant, Monsieur, les opérations qui ont été décrites ici ont-elles été effectuées principalement pour des raisons fiscales?

 

R :   Non, Maître. Ces opérations constituaient le volet fiscal du processus visant à l’adapter au plan d’affaires [...] à réagir aux préoccupations de M. Pruitt concernant le bilan de la société canadienne, à réagir aux préoccupations de M. Tole concernant la position de trésorerie de la société canadienne et à réaliser ce genre d’opération sans créer de conséquences fiscales négatives.

 

[63]  On lui a ensuite présenté une note de service qu’il avait fait parvenir à M. Lougee, le directeur financier d’UE. Il a dit qu’il avait envoyé cette note en raison d’une réunion qui avait été organisée avec le conseil d’administration de MB Sveda AB, la société exploitante suédoise, qui serait l’une des sociétés touchée par la restructuration du capital des bilans européens. M. Lundberg a déclaré qu’il veillait à faire participer au processus tous les employés locaux d’un pays ou d’un ressort donné concernant toutes les opérations pouvant les toucher.

 

[64]  Une partie de la note de M. Lundberg est ainsi rédigée :

 

  [traduction]

 

Nous espérons que ceci permettra de démontrer qu’en raison du taux d’imposition canadien de 45 pour 100 il est vivement recommandé d’élaborer un plan permettant à la société de réduire l’impact de l’impôt canadien sur une base multinationale consolidée.

 

À ce sujet, il a dit que l’une de ses responsabilités était d’administrer un taux d’imposition avantageux pour le groupe UC à l’échelle mondiale. Il a dit qu’il voulait attirer l’attention de M. Lougee et d’autres membres du conseil d’administration de MB Sveda AB sur ce taux d’imposition afin qu’ils comprennent que le processus prévoyait

 

  [traduction]

 

[…] l’accroissement du levier financier de la société canadienne, ainsi qu’un avantage fiscal accessoire pour la société [10] .

 

[65]  Une note adressée par M. Lundberg à MM. Elwood, Lougee et Pruitt porte la mention suivante :

 

  [traduction]

 

[…] ces questions opérationnelles d’importance critique ne devraient pas être négligées, et aucune mesure ne doit être prise si elle a des conséquences fiscales négatives pour les activités.

 

[66]  Relativement à une discussion tenue avec Ingvar Severin, président de la société suédoise, il a expliqué qu’un point important pour lui concernant la réorganisation de la dette était que

 

  [traduction]

 

aucune opération liée à l’impôt ne doit être entreprise si elle ne vise pas l’atteinte d’objectifs d’affaires solides et pertinents. 

 

M. Lundberg a expliqué que le montant de la dette placée dans la société suédoise avait été réduit afin de faciliter la mise en œuvre de la politique globale d’UC.

 

[67]  L’avocat a ensuite présenté à M. Lundberg une note de service datée du 18 janvier 1995 qui décrivait où en étaient les plans visant à restructurer la dette aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Suède et à placer une nouvelle dette au Danemark. Il a dit qu’il était nécessaire, dans le cadre de la restructuration de la dette européenne, de comprimer certains paliers des sociétés. Il a expliqué qu’en résultat de la manière dont les sociétés européennes avaient été acquises en 1991, il existait quatre paliers de sociétés étrangères au Royaume-Uni et en Suède, et certaines des sociétés exploitantes se situaient au quatrième palier. Il a expliqué que cette situation était préoccupante car le crédit pour impôt étranger ne pouvait être demandé, en vertu des règles américaines, que [traduction] « jusqu’au troisième palier d’une entité étrangère ». M. Lundberg a expliqué que la première étape à suivre afin de situer les dépenses en intérêts directement au niveau de la société exploitante au Royaume-Uni, en Suède et au Danemark était de fusionner les activités et d’éliminer les sociétés inactives ou inutiles. Il a exposé que la deuxième raison, d’après l’avis reçu par des conseillers relativement au dossier NEWCO, était que

 

  [traduction]

 

[…] il serait approprié de situer la dette en Europe aux niveaux des sociétés exploitantes.

 

Il a déclaré que la restructuration de la dette européenne ne visait pas principalement un objectif lié à l’impôt canadien et que la raison de la création de NEWCO était principalement liée à la trésorerie. Il a affirmé :

 

  [traduction]

 

C’était lié au problème d’excédent de trésorerie de la société canadienne et à la préoccupation de M. Pruitt concernant la restructuration du capital ou l’établissement d’un levier financier adéquat pour les sociétés du groupe Univar à l’échelle mondiale. 

 

M. Lundberg a ensuite été renvoyé à un certain nombre de notes de service portant sur des questions relatives à la mise en œuvre au Royaume-Uni, en Suède et au Danemark. À cet égard, l’échange suivant a eu lieu :

 

  [traduction]

 

Q :   Les incidences fiscales canadiennes étaient-elles la principale raison de la restructuration de la dette européenne, suivant les commentaires que vous avez émis dans la note de service du 28 décembre 1994?

 

R :   Non, les incidences fiscales canadiennes n’étaient pas la principale raison. Il y avait des problèmes fiscaux qui devaient être pris en considération et des éléments qui devaient être mis en œuvre au Royaume-Uni, en Suède et au Danemark. Ces raisons étaient liées aux opérations ou aux dispositions qui avaient été prises afin d’assurer que nous étions en mesure de respecter les règlements pour ce qui est de la structure NEWCO. Mais ils représentaient fondamentalement -- ou discutaient d’un certain nombre d’incidences fiscales [...] mais ces questions n’étaient pas principalement ou exclusivement liées à l’impôt canadien.  

 

[68]  M. Lundberg a ensuite décrit les crédits pour impôt étranger d’UC comme étant un élément d’actif de la société qui pouvait être converti en argent par la création d’un revenu admissible de source étrangère au sein du groupe américain consolidé, grâce au report prospectif des crédits d’impôt. 

 

[69]  M. Lundberg a en outre affirmé :

 

  [traduction]

 

Le plan NEWCO lui-même allait aider à régler les questions relatives au crédit pour impôt étranger puisque, dans le cadre du plan général que j’ai appelé ou que nous avons appelé le plan NEWCO, il existait une dette supplémentaire portant intérêt créée en Europe. Cela faisait augmenter le montant du revenu d’intérêt provenant d’une source étrangère admissible aux États-Unis et procurait un fondement plus solide à l’utilisation future des crédits pour impôt étranger. 

[…]

 

L’augmentation du montant de la dette portant intérêt en Europe a fait augmenter le montant du revenu d’intérêt que recevait la société américaine, et ce revenu d’intérêt constituait un revenu de source étrangère admissible qui pourrait servir à absorber les crédits pour impôt étranger accumulés en trop. Ainsi, plus le montant des intérêts provenant d’Europe était élevé, plus les avantages sur le plan de l’utilisation de nos crédits pour impôt étranger étaient grands. 

 

[70]  M. Lundberg a ajouté qu’il y avait une deuxième composante en jeu : grâce au plan NEWCO, UC recevrait des liquidités en échange des effets vendus et pourrait les utiliser pour rembourser sa dette intérieure. Il a dit :

 

  [traduction]

 

Par suite de l’opération, à la conclusion de l’opération NEWCO, la société américaine avait remboursé sa dette et avait donc moins de dépenses en intérêts à l’intérieur de son territoire qui pourraient être associés à ce revenu de source étrangère [11] .

 

[71]  En réponse à la question de l’avocat concernant la raison pour laquelle UC n’avait pas réglé la question du levier financier simplement en faisant en sorte que la société canadienne déclare un dividende, M. Lundberg a déclaré qu’un dividende réputé ou un dividende réel produirait les mêmes résultats, c’est-à-dire qu’UC les recevrait et que l’impôt pourrait entièrement être crédité. Cependant, une restriction était imposée par la loi américaine qui aurait pour effet de créer des crédits accumulés en trop : des crédits pour impôt étranger reportés sur des années postérieures. Il a souligné de nouveau le fait que la société de la Barbade jouait un rôle important pour aider à convertir les crédits pour impôt étranger en argent. 

 

[72]  Il a ensuite décrit l’acquisition de la société Berk par la société barbadienne, en sa qualité de filiale internationale de financement. Il a déclaré :

 

  [traduction]

 

[…] le plan que nous avions mis au point et sur lequel nous comptions était que l’acquisition de Berk serait le prochain investissement dans ce que nous espérions qui serait une série d’investissements réalisés par l’intermédiaire de la société internationale de financement de la Barbade.

 

[…] et l’acquisition de Berk a effectivement eu lieu, le 1er décembre 1995 si je ne me trompe pas.

 

M. Lundberg a affirmé qu’il savait, en sa qualité de chef des services fiscaux, que certaines réductions étaient acquises et que, de son propre chef, il avait porté la situation à l’attention de M. Pruitt sans que celui-ci ne le lui ait demandé :

 

  [traduction]

 

J’ai transmis ce renseignement à M. Pruitt. Je considérais que c’était normal, que cela faisait partie de mes responsabilités […]

 

Certaines procédures devaient être suivies afin de mettre en place la bonne structure; le plan était que la société de la Barbade financerait -- ou allait acquérir l’effet portant intérêt de la même manière qu’elle avait acquise les effets portant intérêt initiaux.

 

Il a ensuite décrit l’objectif de la création d’un revenu de source étrangère pour UC à partir de ces « effets à recevoir » portant intérêt, soit optimiser l’utilisation des crédits pour impôt étranger dans les déclarations de revenus consolidées d’UC.

 

[73]  Pour ce qui est des ramifications fiscales au Royaume-Uni et au Canada, M. Lundberg a dit :

 

  [traduction]

 

Il s’agissait de ma responsabilité en matière de gestion de l’impôt international de chercher à comprendre toute question pouvant avoir une incidence sur l’une de nos opérations, d’obtenir un avis auprès des bonnes personnes, dans le cas présent auprès de Coopers & Lybrand, et de m’assurer que nous structurions et exécutions les opérations dans le respect des règlements; puis je me suis fié à l’opinion de Me Hornsby [12] et Me Bergen concernant cette opération.

 

[74]  M. Lundberg a ensuite discuté de la vente d’un effet portant intérêt de Berk à Barbadosco. Il a déclaré que l’opération n’avait pas eu lieu, bien qu’elle eût été approuvée en juillet 1996, car UC

 

  [traduction]

 

qui avait été une société indépendante, a été acquise en entier par une société du nom de Royal Pakhoed et, ce jour-là, les activités et les politiques, tout ce qui était rattaché à Univar, à l’administration de l’impôt, à la gestion de la trésorerie et tout le reste a radicalement changé car, comme nous l’avons appris par la suite, Royal Pakhoed menait ses activités d’une façon tout à fait différente.

[…]

 

Ils étaient très intéressés à extraire de l’argent partout et à n’importe quel endroit où ils pourraient en trouver. Et ils administraient leurs affaires de façon bien différente [...] de celle d’Univar

[…]

 

J’ai participé à des réunions avec M. Brink [13] [...] et il n’avait pas le moindre désir de conserver la société de la Barbade, il voulait la liquider et en retirer les investissements pour les transférer en Europe où ils administraient leurs affaires financières. 

 

M Lundberg a décrit les répercussions financières négatives découlant du fait de transférer tous les fonds à Royal Pakhoed, y compris l’impact négatif de la perte fiscale américaine totale subie à l’étranger, ses préoccupations concernant la question des crédits pour impôt étranger, etc. M. Lundberg a ensuite expliqué que la perte fiscale totale subie à l’étranger est liée au système des crédits pour impôt étranger accumulés en trop en ce sens qu’elle empêche UC de demander un crédit relativement à une certaine portion du revenu étranger qui, par ailleurs, aurait été admissible à ce crédit. Dans ses mots :

 

  [traduction]

 

La perte totale subie à l’étranger est liée à cette question car elle empêche la société américaine de demander un crédit pour impôt étranger relativement à une certaine part du revenu de source étrangère qui, autrement, aurait été admissible à un tel crédit.

 

Les règles américaines prévoient un calcul, comme je l’ai souligné plus tôt, qui traite conceptuellement certaines dépenses engagées à l’intérieur du territoire comme étant associées à la production d’un revenu à l’étranger. À cet égard, le calcul sert à compenser le revenu étranger par ces dépenses, mais il empêche par le fait même la société américaine de demander un crédit pour impôt étranger relativement à ce montant. 

 

Par exemple, si le calcul porte sur des dépenses affectées de 10 millions de dollars, soit pour l’exercice en cours ou de façon cumulative pour une période de temps donnée, et si un dividende de 20 millions de dollars a été versé par la société canadienne, ces règles font en sorte que la société américaine n’a plus le droit de demander un crédit pour impôt étranger relativement à la somme de 10 millions de dollars. En gros, cette situation créerait une charge fiscale supplémentaire de 3,5 millions de dollars aux États-Unis.

 

Il a dit que le concept de perte totale subie à l’étranger était pertinent en 1994 pour la planification de l’opération NEWCO car elle nuisait à la capacité de la société-mère américaine de reporter le crédit pour impôt étranger pour l’année en cours ou sur des années postérieures. 

 

M. Lundberg a ensuite déclaré que, pendant une période de 13 mois ayant commencé vers la toute fin de 1998, Royal Pakhoed avait tiré 113 millions de dollars de la société canadienne.

 

[75]  Lorsqu’on a demandé à M. Lundberg quelle avait été l’incidence des lois canadiennes sur la liquidation de Barbadosco et sur le versement de 113 millions de dollars par la société canadienne à Royal Pakhoed, il a répondu que les versements de dividendes de cette ampleur n’étaient aucunement touchés par la modification proposée à l’article 17 de la Loi. Il a répondu que l’impôt canadien n’était pas l’unique raison pour laquelle Barbadosco avait été liquidée, et a précisé :

 

  [traduction]

 

Les changements survenus dans la loi [...] n’étaient pas forcément plus importants ou moins importants que l’idée générale qui guidait les gens de Pakhoed et la manière dont ils comptaient gérer la société.

 

M. Lundberg a déclaré que la possibilité de liquider Barbadosco avait déjà été soulevée en octobre 1997 avant que les changements à l’article 17 de la Loi de l’impôt sur le revenu n’aient été annoncés. Il a parlé de nouveau du problème soulevé par l’article 956 et d’autres dispositions du code du revenu américain concernant l’utilisation des crédits pour impôt étranger en raison de l’absence d’une source étrangère de revenu admissible.

 

[76]  Concernant une note de service préparée par M. Brink de Royal Pakhoed, qui se lit comme suit :

 

  [traduction]

 

Historique – la société Van Waters & Rogers (Barbados) Ltd. a été créée en 1995. Plusieurs motifs sont à l’origine de sa fondation :

 

-  le placement de la dette au Canada;

-  le renvoi de liquidités aux États-Unis;

-  l’évitement de la retenue d’impôt au Canada.

 

M. Lundberg a dit :

 

  [traduction]

 

Bon, je pense que concernant le premier point, c’est-à-dire le placement de la dette au Canada, c’était certainement l’objectif de trésorerie que M. Pruitt avait en tête. Le placement de la dette au Canada a permis, en effet, de renvoyer des liquidités aux États-Unis, un autre point visé par l’opération de trésorerie. Et, au moment de l’opération, aucun impôt à la source canadien ne s’appliquait, du fait que l’opération de la Barbade était structurée de telle manière qu’elle ne créait pas un fardeau fiscal supplémentaire pour la société, ce qui aurait causé un problème pour la gestion des crédits pour impôt étranger. 

 

Il a répété que Royal Pakhoed avait eu l’intention de liquider la société de la Barbade depuis l’acquisition d’UC.

 

[77]  Au contre-interrogatoire, on a renvoyé M. Lundberg à une note de service et on lui a demandé s’il comprenait, de façon générale, l’avis donné par Coopers & Lybrand concernant la définition  de  « revenu étranger accumulé, tiré de biens » (« REATB ») et l’incidence de revenus tirés d’une entreprise exploitée activement pour la société du payeur. On  lui a ensuite demandé s’il avait compris que NEWCO, qui serait concrétisée dans Barbadosco, gagnerait un revenu d’intérêt en Europe puis remettrait ce revenu à l’appelante par voie de dividendes. M. Lundberg a répondu que, de façon générale, c’était ce qu’il avait compris d’après les explications de ses conseillers. L’avocat de l’intimée l’a ensuite renvoyé à des parties d’une note de service faisant mention de trois ressorts : Chypre, avec un taux d’imposition des sociétés de 4,5 pour 100, l’Irlande avec un taux d’imposition des sociétés de 10 pour 100, et la Barbade, avec un taux d’imposition des sociétés de 2,5 pour 100. L’avocat a ensuite demandé si la Barbade avait été choisie pour y constituer NEWCO parce qu’elle avait le taux d’imposition le plus bas. M. Lundberg a répondu :

 

  [traduction]

 

Le choix de la Barbade était exclusivement fondé sur la recommandation offerte par nos conseillers, soit principalement Coopers & Lybrand qui s’occupaient de la gestion du projet. Je ne pourrais pas affirmer que le plus bas taux d’imposition ait nécessairement joué pour ou contre cette décision. Nos conseillers ont simplement estimé que le ressort de la Barbade serait le plus approprié pour la mise en œuvre du plan NEWCO.

 

M. Lundberg a aussi déclaré que l’appelante emprunterait des fonds pour réaliser l’investissement initial à la Barbade, que la dette serait contractée au Canada, que la société disposait d’environ 10 à 12 millions de dollars en liquidités et emprunterait quelque 27 millions pour acheter la créance détenue par UC. Il a dit qu’il se rappelait avoir vu la mention d’un retrait sur la ligne de crédit multinationale de 37 360 00 $ et a ajouté que la société avait effectué un autre retrait de 15 millions de dollars. De l’avis de M. Lundberg, ce jour-là,

 

  [traduction]

 

[…] ils avaient investi 37 millions de dollars dans la société de la Barbade par le biais du compte en banque, grâce à une combinaison de liquidités et de fonds empruntés.

 

[78]  Lorsque l’avocat de l’intimée a suggéré qu’il y avait


  [traduction]

 

[…] certains avantages, comme la possibilité de déduire un revenu d’intérêt au Canada et le fait que le revenu de dividendes ne serait pas assujetti à l’impôt canadien.

 

M. Lundberg a répondu que c’était là les conditions expliquées par Coopers & Lybrand qui leur avait conseillé de mettre ensemble le plan de trésorerie et le plan de gestion des liquidités, qui se sont concrétisés dans le projet NEWCO.

 

[79]  L’avocat de l’intimée a fait référence au procès-verbal de la réunion du comité des finances du 26 octobre 1994 et a lu l’extrait suivant :

 

  [traduction]

 

M. Lundberg a ensuite présenté une vue d’ensemble des stratégies fiscales de la Société. Il a d’abord passé en revue les objectifs de la stratégie multinationale de gestion de l’impôt, la façon dont ces objectifs sont mis en œuvre et la composition de l’équipe qui travaille à l’élaboration de la stratégie et à son exécution. Il a ensuite présenté un panorama des incidences fiscales pour chacun des quatre grandes problématiques fiscales de la société : les États-Unis, le Canada, l’Europe et les provisions pour la planification fiscale de l’entité consolidée, et les questions de rendement. En outre, il a examiné les principaux facteurs ayant une incidence sur les provisions pour l’impôt de l’entité consolidée de la Société et les moyens de réduire les taux d’imposition effectifs. Il a ensuite présenté un aperçu de stratégies fiscales déjà appliquées ou en cours d’application. Des stratégies supplémentaires pouvant donner lieu à des gains élevés et d’autres stratégies sur une base continue [...] M. Lundberg a décrit en détail une stratégie qui comprenait la restructuration des prêts des actionnaires d’Univar Europe, du niveau de la société de portefeuille vers le niveau de la société exploitante européenne. La stratégie comportait en outre la conversion de prêts ne portant pas intérêt en prêts portant intérêt. Ces opérations ont servi à préparer le terrain en vue de la vente subséquente des prêts des actionnaires par Univar à une nouvelle filiale de Van Waters & Rogers Ltée située à la Barbade, après la création d’une ligne de crédit multi-devises. Après discussion, une proposition a été présentée, appuyée et approuvée selon laquelle la société et chacune de ses filiales directes et indirectes seraient autorisées à signer tous les documents.

 

M. Lundberg a dit que le dossier NEWCO avait été discuté lors de cette réunion.

 

[80]  L’avocat a ensuite mentionné une note de service envoyée par M. Tole à M. Pruitt, M. Lundberg et à d’autres personnes. Il a lu l’extrait suivant :

 

  [traduction]

 

Cette présentation se concentrait spécifiquement sur l’impact du taux d’imposition de 45 % au Canada et sur les occasions de planification visant à repositionner les bénéfices du Canada aux États-Unis et à transférer les dépenses des États-Unis vers le Canada.

 

Lorsqu’on lui a demandé ce que cela voulait dire, M. Lundberg a affirmé qu’il s’agissait d’énoncés généraux et que l’une des ses responsabilités à titre de directeur de la fiscalité était de gérer et surveiller le taux d’imposition effectif de la société. Il a ajouté que cela voulait généralement dire qu’il devait se pencher sur certaines questions et évaluer le taux d’imposition des pays touchés et toutes les opérations – [traduction] « juste une gestion du taux d’imposition effectif ». L’échange suivant a eu lieu :

 

  [traduction]

 

Q.  Mais concernant le repositionnement de -- le repositionnement des bénéfices du Canada aux États-Unis, il était prévu, n’est-ce pas, que l’appelante emprunterait des fonds, engagerait des dépenses d’intérêts et réduirait ainsi -- réduirait de cette façon ses bénéfices au Canada?

 

A.  Cela aurait été le résultat de la stratégie de trésorerie que M. Pruitt gérait [...] de gérer le bilan de la société canadienne afin qu’un effet de levier soit mis en place sur ce bilan. Le résultat final serait que les intérêts pourraient être déduits au Canada peu importe leur finalité, peu importe à quelle fin seraient destinés les fonds empruntés.

 

L’avocat de l’intimée a ensuite mentionné une autre note de service écrite par M. Lundberg et a dit :

 

  [traduction]

 

[…] il semble que Coopers & Lybrand vous ait dit, à vous et à l’appelante, que cette stratégie fiscale respectait les lois canadiennes de l’impôt sur le revenu.

 

M. Lundberg a répondu :

 

  [traduction]

 

Cela concordait avec tous les avis que nous avions obtenus auprès de Coopers & Lybrand pendant une bonne période de temps concernant les opérations que j’ai mentionné ce matin au cours de mon témoignage. Le groupe Univar dans son ensemble n’effectue pas d’opérations uniquement pour des raisons fiscales, il doit y avoir une raison d’affaires. Nous prenons particulièrement soin de nous conformer aux règles, et ce n’était pas la première fois que Me Bergen nous informait que le plan NEWCO conçu par Baker MacKenzie et par Coopers & Lybrand n’était pas considéré comme un plan « agressif ».

 

[81]  L’avocat de l’intimée a ensuite mentionné une note de service envoyée par Dieter Rechel, comptable gestionnaire chez Univar, datée du 9 décembre 1994. L’avocat a lu l’extrait suivant :


  [traduction]

 

Plusieurs propositions ont été soumises par Rod afin que la société Ltée [14] achète la créance d’Univar envers Univar Europe.

 

M. Lundberg a soutenu que ce commentaire était erroné. Selon lui :


  [traduction]

 

L’appelante n’avait pas l’intention d’acheter la créance d’Univar. Son intention était -- c'est M. Rechel qui a mal interprété cela. Son intention dès le début a été que ces titres de créance, ces effets à recevoir portant intérêt soient achetés par la société de la Barbade, et non par l’appelante. [...] La seule proposition dont j’aie eu connaissance concernait le plan NEWCO qui était en cours d’élaboration, celle dont nous avons discuté toute la journée.

 

[82]  M. Lundberg a ensuite décrit les étapes de la restructuration de la dette au sein des sociétés suédoise et danoise. Lorsqu’on l’a interrogé au sujet des prêts d’Univar Europe improductifs d’intérêts, M. Lundberg a répondu :

 

  [traduction]

 

Il faut remonter à l’acquisition initiale en 1991. Les capitaux avaient étaient structurés de façon tripartite. Une toute petite portion de capital social, des créances portant intérêt et des créances ne portant pas intérêt. Les créances portant intérêt bénéficiaient à Univar aux États-Unis car elles constituaient un revenu de source étrangère admissible, dont nous avons discuté ce matin, aux fins du crédit pour impôt étranger.

 

La raison de l’utilisation de créances ne produisant pas d’intérêts était, au moment des acquisitions, que nous pourrions évaluer de façon optimale la capacité de la société suédoise et de la société britannique d’amortir la dette, avec l’idée de, plus tard, une seule fois, recapitaliser ces sociétés lorsque nous saurions avec précision quelle était leur capacité financière et de quoi aurait l’air leur bilan. [...] au fond, on peut considérer la créance ne portant pas intérêt comme un apport de capitaux. Mais étant donné que cette créance était improductive d’intérêts, nous avions la possibilité de procéder à un rajustement final et à une restructuration du capital.

 

M. Lundberg a déclaré que la créance portant intérêt créait un revenu de source étrangère admissible de grande valeur pour UC. M. Lundberg a en outre affirmé que la société danoise n’avait initialement aucune dette « en place » et qu’il était donc possible, au moment de la restructuration du capital, d’utiliser sa capacité d’endettement afin qu’elle supporte sa juste part de la dette sur le bilan. Il a ajouté que cela faisait augmenter le montant de la créance portant intérêt et, par le fait même, le revenu d’intérêt gagné par UC qui serait utile aux fins du crédit pour impôt étranger. Il a souligné le fait que cela était également vrai pour toutes les autres dettes européennes restructurées, notamment en Suède, au Royaume-Uni et au Danemark.

 

[83]  Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il importait que les dépenses d’intérêts engagées par les sociétés exploitantes soient traitées dans les ressorts locaux comme des versements d’intérêts plutôt que des versements de dividendes, M. Lundberg a répondu :

 

  [traduction]

 

À ma souvenance, il ne s’agissait que d’une condition générale par laquelle nous voulions nous assurer que les intérêts pourraient être déduits au niveau de la société locale. Il y avait une valeur attachée à -- du point de vue de l’impôt et de la gestion fiscale, à ce que les dépenses d’intérêts puissent être déduites comme telles par les sociétés actives, plutôt que d’être interprétées d’une certaine façon comme représentant un revenu de dividendes qui ne serait pas déductible au niveau local.

 

[84]  L’avocat de l’intimée a ensuite posé des questions concernant l’importance de pouvoir déduire les intérêts au Canada, le fait que l’argent tiré de Barbadosco ne représentait pas un REATB, et l’importance pour l’appelante et UC que [traduction] « les intérêts accumulés sur les effets d’Univar Europe ne soient pas assujettis à l’impôt canadien ». Il a également mentionné une note de service envoyée par M. Lundberg à M. Pruitt et James Bernard [15] portant sur le conseil fourni par Coopers & Lybrand relativement au fait que les membres de la direction de Barbadosco devaient résider à l’extérieur du Canada. Il a ensuite demandé :

 

  [traduction]

 

Il s’agissait de raisons fiscales n’est-ce pas...?

 

M. Lundberg a rétorqué qu’il se fiait au conseil reçu par cette firme.

 

[85]  En réponse à d’autres questions relatives aux crédits pour impôt étranger accumulés en trop, M. Lundberg a expliqué l’importance attachée par UC à cet aspect. Il a ensuite déclaré, après une autre série de questions de l’avocat de l’intimée :

 

  [traduction]

 

Comme nous en avons discuté hier au cours de mon témoignage, il existait plusieurs raisons sous-jacentes au plan NEWCO, notamment les problèmes de trésorerie qui préoccupaient M. Pruitt. Une autre raison était la préoccupation de M. Tole concernant l’utilisation efficace des liquidités. Et le plan NEWCO, tel qu’il a été conçu, nous a beaucoup aidé en ce sens que sa mise en œuvre n’entraînait pas de dépenses fiscales supplémentaires pour la société qui ne pourraient pas être utilisées [...] Nous avons assumé un impôt de deux et demi pour cent à la Barbade, il s’agissait d’un impôt assez bas et, par l’estimation du revenu futur provenant d’une source étrangère, nous étions en mesure de déclarer ce pourcentage de deux et demi au titre de crédit d’impôt qui serait postérieurement utilisé, et même si ce crédit ne pouvait pas être inclus dans les déclarations de revenus à ce moment, il représentait ce que l’on appelle un actif d’impôts reportés, c’est-à-dire un élément d’actif figurant dans le bilan d’une société qui est disponible pour un usage futur.

 

M. Lundberg a expliqué que la perte totale subie à l’étranger couvre une portion des dépenses effectuées à l’intérieur du territoire des États-Unis, lesquelles sont réputées avoir servi à gagner un revenu étranger, ce qui empêche jusqu’à un certain point de demander des crédits pour impôt étranger. En raison de l’acquisition par NEWCO de la créance d’environ 27 millions de dollars américains détenue par UC, cette dernière pourrait rembourser sa dette et, par conséquent, diminuer ses frais d’intérêts, ce qui se reflèterait dans le calcul de la perte totale subie à l’étranger. Cela serait avantageux pour le plan général d’utilisation des crédits pour impôt étranger puisque la perte totale subie à l’étranger serait réduite. M. Lundberg a déclaré :

 

  [traduction]

 

la perte totale subie à l’étranger présentait un désavantage en ce qui a trait à l’utilisation des crédits pour impôt étranger

 

car elle empêchait la société de se prévaloir des crédits. L’avocat de l’intimée a ensuite posé la question suivante :

 

  [traduction]

 

Si la société Univar avait vendu les effets d’Univar Europe à l’appelante et utilisé les produits de cette vente pour rembourser la dette, le résultat n’aurait-il pas été le même?

 

Ce à quoi M. Lundberg a répondu :

 

  [traduction]

 

Non, Maître. D’après ce que j’ai compris, les dispositions de la sous-partie F de l’U.S. Internal Revenue Code, prévoyaient que le revenu d’intérêt ne serait pas assujetti à l’impôt aux États-Unis si les effets avaient été vendus directement à l’appelante, car la sous-partie F de l’U.S. Internal Revenue Code prévoit un calcul selon lequel, si le revenu fait l’objet d’un taux d’imposition égal ou supérieur à 90 % du taux américain, il ne sera pas considéré comme un revenu et ne pourra pas être inclus dans la déclaration de revenus aux États-Unis. [...] Si les effets avaient été vendus directement à l’appelante plutôt qu’à la société de la Barbade, le revenu n’aurait alors pas pu être directement inclus dans la déclaration de revenus américaine et la société Univar aurait perdu une valeur annuelle correspondant à des dépenses d’intérêts d’environ 2,5 millions dans la gestion de ses crédits pour impôt étranger.

 

[86]  Au réinterrogatoire, M. Lundberg a réaffirmé que, si les effets n’étaient pas détenus directement par UC, il était important qu’ils le soient par la filiale de la Barbade.

 

  [traduction]

 

[…] car, en application des dispositions de la sous-partie F de l’U.S. Internal Revenue Code, la société américaine devrait payer exactement le même impôt sur ce revenu que si elle avait détenue directement les effets.

 

[87]  Après d’autres questions, M. Lundberg a remis l’accent sur ce qu’il avait dit avant au sujet de la perte globale subie à l’étranger :

 

  [traduction]

 

C’était, comme j’ai essayé de le dire plus tôt dans mon témoignage, qu’Univar avait reçu de l’argent par la vente des effets et qu’elle disposait maintenant de liquidités aux États-Unis -- avec lesquelles elle pourrait amortir la dette, indépendamment de sa source, et rembourser la dette. Le remboursement de la dette se traduirait par une diminution des frais d’intérêt de la société américaine. La perte globale subie à l’étranger est -- survient en résultat de l’affectation de certaines dépenses américaines, dont la plus grande part correspond à des frais d’intérêts. Donc, dans la mesure où les frais d’intérêts de la société américaine sont réduits, le montant de ces dépenses qui sera inclus dans le calcul de la perte totale subie à l’étranger est réduit, et la perte totale subie à l’étranger diminue en conséquence.

 

[88]  Le témoin Patrick Tole (« M. Tole ») est comptable agréé, s’est joint aux rangs d’Univar en 1983 et a été employé du Groupe depuis ce temps. Il a fait ses débuts comme comptable principal, est devenu vice-président des finances puis, en 2002, a été nommé chef des finances de l’ancienne société-mère néerlandaise. Il a témoigné qu’il avait assisté à toutes les réunions du conseil d’administration d’Univar pendant la période allant de 1987 à 2000, à titre de contrôleur. Il a affirmé qu’à l’époque Larry Bullock était vice-président pour l’Ouest du Canada, Fred Hermesmann était trésorier d’Univar et Gary Pruitt était vice-président des finances d’UC. Il a ajouté que Paul Hough était président d’Univar et qu’A.C. McNeight, ancien président de la société, en présidait le conseil d’administration. En mai 1994, James Fletcher était le vice-président principal d’UC et James W. Bernard en était le président. William Butler était vice-président, avocat général et secrétaire général d’UC et était devenu un administrateur d’Univar. Au 7 mai 1996, M. Hough était passé à la société américaine et était devenu président d’UC alors que M. Bullock était devenu président d’Univar.

 

[89]  M. Tole a témoigné que l’appelante s’occupait de la distribution de produits agricoles et industriels chimiques partout au Canada. Il a dit que la position de trésorerie de l’appelante en 1990 se chiffrait à environ 13,9 millions de dollars en 1990 et à environ 16,2 millions de dollars en 1991. Elle avait des comptes fournisseurs à court terme, des charges à payer, des impôts sur le revenu à payer et un faible montant d’impôt sur le revenu reporté, mais pas la moindre dette, car elle était très lucrative.

 

[90]  Il a déclaré qu’UC et sa filiale active étaient emprunteurs en vertu d’une facilité de crédit et qu’Univar, qui ne l’était pas, garantissait les prêts. En décembre 1991, Univar a acquis une société concurrente, Harcross Chemicals Canada, en utilisant les liquidités dont elle disposait.

 

[91]  À la fin de l’année d’imposition 1993, la position de trésorerie d’Univar se situait autour de 20,6 millions de dollars. À la fin de l’année d’imposition 1993, en vertu de la deuxième facilité de crédit, Univar avait contracté des emprunts d’une valeur de 18,7 millions de dollars. M. Tole a expliqué que, par suite de l’avis reçu concernant l’impôt américain, Univar avait emprunté des fonds en vertu d’une deuxième facilité de crédit et, comme aucune acquisition ni de dépenses majeures en capital n’étaient prévues à ce moment-là, elle les avait investi dans des acceptations bancaires portant intérêt. M. Tole a ensuite décrit la nature saisonnière de son entreprise au Canada, ce qui a poussé Univar à emprunter sur les lignes de crédit afin de pouvoir payer ses fournisseurs, car plusieurs clients n’étaient pas en mesure de payer, avant la récolte, les sommes qu’ils lui devaient. Au 28 février 1994, la position de trésorerie d’Univar était d’environ 5,6 millions de dollars et la société n’avait aucun emprunt bancaire. À cette époque, toutefois, Univar était responsable conjointement et solidairement pour tous les emprunts actifs d’UC et de ses filiales, malgré le fait qu’Univar n’était pas un emprunteur autorisé sur la ligne de crédit. M. Tole a témoigné que, à la fin du mois de février 1995, les états financiers indiquaient qu’Univar disposait d’une encaisse de 11,4 millions de dollars, cette somme n’ayant pas été utilisée à la fin de l’exercice.

 

[92]  On a renvoyé M. Tole à une note de service datée du 22 décembre 1987 et envoyée par M. Hermesmann à MM. Rogers, McNeight, Bernard, Samson, Pruitt et Tole, et ce dernier a déclaré qu’il s’agissait simplement d’une estimation de l’excédent de trésorerie qui serait disponible à la fin de l’exercice et a déclaré qu’Univar avait remboursé toutes ses dettes, disposait d’une encaisse solide et [traduction] « devait penser à ce qu’elle allait en faire ». M. Tole a expliqué que, même si la note de service suggérait qu’UC pourrait disposer d’une somme de 7 millions de dollars, ce versement n’avait pas eu lieu. M. Tole a déclaré :

 

  [traduction]

 

Non, cela n’a pas été fait. Le problème, c’était que la société avait pour politique de ne pas prélever de dividendes de ses filiales si cela entraînerait un montant élevé d’impôt sur le revenu ou de retenues d’impôt… et la philosophie de la société demeure la même aujourd’hui, tant que nous pouvons laisser les fonds dans les sociétés exploitantes et que celles-ci peuvent réaliser de bons investissements permettant de produire un rendement acceptable, l’argent va y rester, mais, essentiellement, nous avions pour principe de ne pas rapatrier le capital sous forme de dividendes si cela avait pour effet de nous obliger à payer des montants supplémentaires d’impôt sur le revenu.

 

Il a également souligné qu’un seul dividende avait été versé, au montant de 6 millions de dollars en 1980, et que c’était le seul dividende de toute l’histoire de la société, soit de 1950 à 1995.

 

[93]  M. Tole a ensuite expliqué qu’Univar avait acheté une société de distribution de produits agricoles au Canada en 1987, avait acquis Harcross en 1991 ainsi qu’une petite société agricole, Wilber-Ellis of Canada en 1992, et que ces acquisitions s’étaient traduites en une forte croissance.

 

[94]  M. Tole a témoigné qu’UC comptait un plus grand nombre d’employés qu’Univar et qu’elle fournissait un certains nombre de services, notamment des services d’ingénierie, alors qu’Univar s’occupait de la construction de nouveaux locaux, et fournissait des services liés à la santé et l’environnement et à la planification fiscale internationale. Il a ajouté :

 

  [traduction]

 

[…] nous étions une société internationale assez étendue et nous devions coordonner des questions d’impôt internationales, et ils avaient donc un employé qui s’occupait de ces questions.

 

M. Tole a aussi déclaré que le chiffre d’affaires du groupe s’élevait à environ 1,8 milliard de dollars pour l’année 1993 et provenait de la vente et de la distribution d’un large éventail de produits chimiques. Le texte d’un document qui semble être le rapport annuel d’UC comprend un énoncé selon lequel Univar

 

  [traduction]

 

est en bonne position de croître et d’augmenter son rendement futur au Canada. Nos installations, nos systèmes d’information technologique et notre équipe de direction expérimentée conviennent bien aux occasions d’affaires prévues.

 

[95]  Dans ce rapport, M. Tole développe une idée sous l’intitulé [traduction] « acquisitions d’entreprises », dont voici un extrait :

 

  [traduction]

 

Pendant l’exercice 1992, la société a effectué des acquisitions qui ont permis de percer le marché européen et a consolidé sa position concurrentielle dans le nord-est des États-Unis et au Canada.

 

Il a ensuite fait référence à Univar Europe et à certaines sociétés exploitantes du Royaume-Uni, de la Suède et du Danemark, ainsi qu’à des sociétés sises en Italie et en Suisse. Dans cette chaîne de sociétés, UC détenait 51 pour 100 d’UE et Royal Pakhoed en détenait 49 pour 100. En 1995, Royal Pakhoed a vendu sa part de 49 pour 100 à UC.

 

[96]  Dans le rapport susmentionné, sous l’intitulé [traduction] « impôts sur le revenu », on pouvait lire :

 

  [traduction]

 

Il n’est pas nécessaire de prendre de mesures concernant les retenues d’impôt à l’étranger ou l’impôt fédéral des États-Unis car la direction n’a l’intention de verser des dividendes que lorsque cela n’entraînera pas d’augmentation du coût fiscal net.  

 

[97]  M. Tole a ensuite témoigné que, en date du 18 février 1995, Univar était conjointement et solidairement responsable des emprunts non remboursés contractés aux termes de l’accord américain, en vertu duquel elle pouvait également emprunter. On a renvoyé M. Tole aux états financiers consolidés d’Univar du 28 février 1991, plus particulièrement à une note qui indiquait que, en date du 28 février 1991, UC et sa filiale active avaient des emprunts non remboursés de 96 700 000 $US en vertu de divers accords de crédit pour lesquels Univar était co-garant.

 

[98]  M. Tole a ensuite mentionné les états financiers d’Univar pour l’exercice terminé le 29 février 1996. Ceux-ci portaient une mention selon laquelle Univar et ses filiales non américaines étaient des emprunteurs autorisés sur une ligne de crédit américaine multi-devises de 90 millions de dollars. Au 29 février 1996, Univar avait emprunté 18 millions de dollars canadiens sur cette ligne de crédit.

 

[99]  On a ensuite renvoyé le témoin au certificat de constitution de Barbadosco du 26 mai 1995. Les administrateurs de la société étaient M. Butler, avocat général d’UC, et M. Carmichael, un avocat résidant à la Barbade. Il a affirmé que Barbadosco avait émis 10 000 actions vendues à Univar au coût total de 27 036 600 $US. M. Tole a décrit les raisons de la constitution de la société :

 

  [traduction]

 

Du point de vue canadien, cette opération était liée à l’excédent de trésorerie dont nous avons déjà parlé et au fait que de l’argent s’accumulait et allait bientôt être disponible, et la société canadienne cherchait des occasions d’investir. Nous n’avons pas beaucoup parlé de -- même si nous avons fait référence à la situation américaine, de s’il s’agissait d’un montant adéquat pour figurer dans la colonne du passif du bilan de la société américaine et de celui de la filiale américaine -- une toute petite dette, voire aucune dette au Canada. L’un des enjeux était donc que mes amis de Kirkland tentent de répartir la dette de la société de façon appropriée entre les divers bilans des filiales, y compris au Canada.

 

Il a expliqué qu’un des objectifs était d’avoir un montant de passif égal pour toutes les unités opérationnelles et d’exploiter efficacement la position de trésorerie canadienne. Il a affirmé qu’il était improductif de disposer d’un excédent de trésorerie et que leur intention était de répartir adéquatement la dette à travers la société. Il a ajouté qu’ils étaient en voie de convertir en Europe certaines dettes ne portant pas intérêt en dettes portant intérêt.

 

[100]  M. Tole ainsi expliqué l’objectif de la réorganisation de la dette, selon la perspective d’UC :

 

  [traduction]

 

[…] il s’agissait d’une fonction de trésorerie de la société-mère et ce qu’ils tentaient de faire était de répartir la dette à travers la société, d’éviter qu’elle ne se trouve toute aux États-Unis. Ils voulaient qu’il y ait un bon équilibre entre le passif et les capitaux propres ainsi que de solides bilans pour chacune des sociétés actives.

 

Il a déclaré que M. Pruitt était la personne qui se préoccupait le plus de régler le problème du levier financier.

 

[101]  L’avocat de l’appelante a poursuivi en disant que le problème de trésorerie canadien constituait un motif et que l’effet de levier en était un second, puis il a demandé s’il existait d’autres motifs à la création de Barbadosco. M. Tole a précisé que la question du levier financier faisait référence à une comparaison entre le passif d’une société et le montant de ses capitaux propres figurant sur le bilan. Il a déclaré que le troisième motif était l’impôt sur le revenu. Selon ses propos :


  [traduction]

 

Certains problèmes fiscaux étaient associés à la garantie offerte par la société canadienne relativement aux facilités de crédit et il y avait des problèmes fiscaux au Canada et aux États-Unis[... j’ai compris qu’il était préoccupant que la société canadienne soit un garant ou soit conjointement et solidairement responsable relativement à la dette américaine sans être un emprunteur en vertu de ces facilités, que cette situation était très problématique puisque qu’il pourrait y avoir en quelque sorte des montants réputés constituer des dividendes qui se traduiraient en un impôt élevé à payer aux États-Unis.

 

Il a clairement exposé qu’il ne s’agissait pas d’une question d’impôt canadien mais d’impôt américain. M. Tole a décrit un problème d’impôt canadien qui s’était posé en 1989, 1990 et 1991, et, croyait-il, en 1992, alors que Revenu Canada voulait imposer certains frais à la société canadienne parce qu’elle était garant mais non emprunteur. Il a expliqué que le Ministre avait considéré, dans une cotisation, qu’un montant était réputé avoir été reçu par Univar au titre de commission de garantie. M. Tole a affirmé que les banques américaines avaient demandé à UC de donner en gage ses biens à titre de garantie dans le cadre d’une facilité de crédit et qu’elle avait songé à le faire mais que, en raison de problèmes de sûretés, elle avait décidé qu’il serait plus facile qu’Univar fournisse la garantie à ces banques plutôt que d’utiliser elle-même ses actions à cette fin. M. Tole a poursuivi en disant que le problème de l’impôt canadien avait été réglé et que la société avait convenu de payer 15 pour 100 du montant initialement calculé.

 

[102]  Lorsqu’on lui a demandé quelle était la raison d’être de Barbadosco, M. Tole a affirmé :

 

  [traduction]

 

[…] il y avait essentiellement... trois raisons. Il y avait l’excédent de trésorerie dont il fallait faire quelque chose, trouver un investissement raisonnable; il y avait l’enjeu de M. Pruitt qui tentait de rééquilibrer le passif et les capitaux propres au sein de la société; et finalement nous voulions régler ce problème d’impôt, ainsi que le problème d’impôt américain dont j’ai parlé… la constitution de la société de la Barbade me semblait une solution plutôt élégante à tous ces problèmes. De notre point de vue, le principal problème était celui de l’excédent de trésorerie qui s’accumulait. Ce serait là un investissement dans une filiale qui produirait un revenu de dividendes, qui donnerait un meilleur rendement, plutôt que de simplement investir dans des dépôts à court terme ou des acceptations bancaires, etc… Pour ce qui est de la question du levier financier de M. Pruitt, c’était non seulement un moyen d’utiliser les liquidités mais également un véhicule pour augmenter le montant des emprunts au Canada. Les produits de ces prêts aboutiraient aux États-Unis, ce qui ferait baisser la dette américaine… nous aurions ainsi une dette plus petite aux États-Unis et une dette plus grande au Canada.

 

M. Tole a ensuite expliqué qu’ils avaient utilisé l’encaisse et des fonds empruntés afin de capitaliser ou d’acquérir les actions de Barbadosco. Barbadosco a ensuite utilisé les produits de ces actions pour acheter les effets portant intérêt payables par UE à UC. M. Tole a dit que la question du levier financier avait été résolue de cette manière. Cette solution a généré un flux de revenu de dividendes pour Univar.

 

  [traduction]

 

[…] et nous avons pensé que cela aiderait beaucoup à résoudre nos problème fiscaux puisque dorénavant, la société canadienne serait non seulement un garant, responsable conjointement et solidairement, mais elle contracterait également un emprunt en vertu de cette facilité… et leur préoccupation était que, si une filiale fournissait une garantie mais n’empruntait pas, l’IRS pourrait considérer qu’il y avait là un dividende réputé et, de nouveau, ce risque était quelque peu réduit par le fait que la société canadienne empruntait maintenant en vertu de ces facilités.

 

[103]  M. Tole a déclaré que le groupe Univar ne comprenait aucune autre société de financement hormis Barbadosco. Il a dit que ce n’était pas une solution à court terme et que le problème était toujours, pour Univar, qu’elle continuait de produire une somme considérable de liquidités. Il a déclaré :

 

  [traduction]

 

[…] la société de financement internationale qui serait établie, pour laquelle le ressort de la Barbade était envisagé, serait essentiellement un véhicule au sein du groupe Univar pour fournir du financement aux autres sociétés du groupe. En même temps, la société canadienne serait en mesure d’utiliser les liquidités au fur et à mesure que celles-ci deviendraient disponibles, de générer un revenu de dividendes qui produirait un rendement supérieur à celui d’un simple investissement dans des effets à court terme, et il s’agissait donc d’une sorte de solution élégante à toutes ces questions -- ce n’était pas seulement ces effets qui -- les trois effets en question ici. Nous allions, à long terme, -- « nous », c’est-à-dire la société canadienne, cherchions des moyens d’investir les liquidités dont nous disposions, et la société-mère américaine cherchait, pour sa part, des moyens de fournir du financement ailleurs dans la société.

 

M. Tole a ensuite déclaré que, plutôt que d’investir en bourse, Univar investirait dans les actions d’une filiale et constituerait une société internationale de financement qui lui appartiendrait afin de produire un rendement acceptable à faible risque. Il a déclaré :

 

  [traduction]

 

Je veux dire, investir en bourse comporte un certain degré de risque, je pense que vous serez d’accord avec moi. Ce n’est pas ce que nous faisons, investir en bourse.

 

Il a ajouté qu’il y avait d’autres enjeux américains et liés au financement entre sociétés, mais que du point de vue canadien, il s’agissait d’un investissement raisonnable.

 

[104]  Dans le procès-verbal de la réunion du 14 mai 1993 du conseil d’administration d’Univar, sous l’intitulé [traduction] « autres activités », on peut lire ce qui suit :

 

  [traduction]

 

M. Pruitt a informé le Conseil qu’une opération était envisagée selon laquelle V.W.&R. Ltée achèterait une partie de la créance portant intérêt d’Univar envers Univar Europe. Le montant de la créance dont l’achat est recommandé est d’environ 8,2 millions de dollars américains. Dans le cadre de cette opération, V.W.&R. Ltée doterait d’un capital social une filiale étrangère avec des fonds empruntés en vertu de l’accord de crédit renouvelable d’Univar. La filiale utiliserait ces fonds pour acheter la créance d’Univar. M. Pruitt a indiqué que la planification de l’opération se trouve au stade préliminaire, que le Conseil sera tenu informé de son évolution et qu’une approbation sera demandée avant sa mise en œuvre.

 

M. Tole a dit que c’était une description générale des opérations réalisées le 14 juin 1995, que la société effectuait un investissement à la Barbade et que la filiale de la Barbade achetait les effets. Il a ensuite expliqué pourquoi la somme de 8,2 millions avait augmenté jusqu’à près de 27 millions. Il a dit que l’emprunt souscrit en application de l’accord de crédit renouvelable aiderait à régler la question du levier qu’il avait mentionné plus tôt, en ce sens qu’Univar utiliserait une combinaison de liquidités et de fonds empruntés pour acquérir les actions de la société de la Barbade. Après l’acquisition des prêts d’UC, celle-ci disposerait de fonds pour effectuer un paiement visant à amortir sa propre dette, et la dette d’Univar augmenterait. Il a expliqué qu’Univar n’a jamais eu l’occasion d’acquérir la créance, que l’argent serait investi à la Barbade et que, depuis le début, il était prévu que ce serait la société de financement qui achèterait la créance. Il a déclaré que l’acquisition de la créance par la société canadienne n’avait jamais fait partie du plan car cela n’aurait pas permis de résoudre les trois questions précédemment mentionnées et aurait entraîné le paiement d’un impôt supplémentaire au Canada. M. Tole a poursuivi en disant que l’investissement touchait également l’activité de consolidation consistant à convertir les effets ne portant pas intérêt payables par UE à UC en effets portant intérêt.

 

[105]  M. Tole a affirmé que la proposition initiale concernant la création d’une société à la Barbade provenait d’UC, qui savait qu’Univar produisait des liquidités et recherchait un bon investissement. Il a déclaré :

 

  [traduction]

 

Ils avaient d’autres problèmes, l’impôt, la trésorerie dont j’ai parlé plus tôt et ils ont donc suggéré de travailler ensemble pour établir une filiale de financement.

 

[106]  Lorsqu’on lui a demandé pourquoi Univar avait choisi le ressort de la Barbade, M. Tole a répondu :

 

  [traduction]

 

Un jour, alors que nous travaillions à élaborer le plan avec des conseillers externes, ceux-ci ont avancé l’idée que nous devions choisir un ressort approprié pour établir une société de ce genre. Et voilà, il y a eu je crois quatre ou cinq ressorts qui ont été proposés, et la Barbade se trouvait sur la liste. Parmi les ressorts proposés, c’était la Barbade qui avait le plus faible taux d’imposition des sociétés. Et c’était un ressort qui -- où ce type de société internationale de financement, où il y avait un grand nombre de sociétés de ce genre qui étaient établies, et il y avait des comptables, des avocats et d’autres professionnels pour veiller à ce que les choses fonctionnent bien. Nous avons donc agi essentiellement d’après l’avis donné par nos conseillers.

 

Lorsqu’on lui a demandé si le conseil d’administration de la société canadienne avait abdiqué son autorité en faveur de M. Lundberg pour que celui-ci puisse procéder à l’opération sans consultation, M. Tole a répliqué :

 

  [traduction]

 

Pas du tout. Je veux dire, du point de vue de la société canadienne, j’avais la responsabilité finale de veiller à ce que la mise en œuvre se déroule correctement, et j’étais assez à l’aise avec le fait que M. Lundberg se chargerait de certaines questions. Je veux dire, après tout, il y avait des questions de légalité en jeu, il y avait des questions de fiscalité et de comptabilité, et personne n’était aussi bien placé que M. Lundberg pour s’en occuper.

 

[107]  M. Tole a affirmé que ce n’était que le début des investissements qui seraient réalisés par Barbadosco. Il a dit qu’au cours des premiers mois suivant l’investissement initial dans les trois effets, une autre acquisition était prévue en Europe, celle d’une société du Royaume-Uni appelée « Berk » qui exploitait une entreprise de distribution de produits chimiques. Il y aurait des effets portant intérêt, a-t-il dit, auxquels était associé un bon taux d’intérêt et qui constitueraient un [traduction] « investissement intéressant pour la société de la Barbade ». Il a déclaré que des capitaux supplémentaires devaient être apportés à Barbadosco pour financer l’acquisition de ces effets.

 

[108]  On a renvoyé M. Tole à l’ordre du jour d’une réunion du 21 novembre 1994 qui exposait les grandes lignes d’un certain nombre d’opérations potentielles et d’idées de planification pour une réunion de planification fiscale. Il a dit qu’aucune proposition autre que celle de la Barbade n’avait été mise en œuvre au motif que :

 

  [traduction]

 

[…] aucune n’était fondée sur de bonnes et solides raisons commerciales [...]

 

Il a également fait référence à une note de service portant sur une analyse de la rentabilité de NEWCO. Il a déclaré qu’Univar s’apprêtait à investir dans une société internationale de financement, voulait analyser le montant des liquidités et des fonds empruntés qui seraient investis et déterminer si le revenu de dividendes reçu constituerait un rendement acceptable. Il a affirmé que la société tenait à s’assurer que le revenu de dividendes constituerait un bon rendement même dans le cas où la totalité de l’argent serait emprunté.

 

[109]  En réponse à la question de l’avocat de l’appelante concernant la manière dont Univar avait acheté les actions de Barbadosco, c’est-à-dire avec quoi, M. Tole a répondu :

 

  [traduction]

 

Les actions de la société de la Barbade ont été achetées grâce à une combinaison des liquidités disponibles immédiatement avant l’achat, soit la somme d’environ 12 millions de dollars du compte en banque. Et le reste a été emprunté en vertu de la facilité de crédit multi-devises [16] .

 

[110]  La manière dont la somme de 37 360 000 $ utilisée pour souscrire les actions de Barbadosco a été rassemblée a provoqué de longues discussions en vue d’analyser la véritable signification des relevés bancaires concernant l’opération. La version de M. Tole était que le solde en espèces du compte d’Univar était d’environ 11,9 millions de dollars, qu’Univar avait emprunté la somme de 15 millions de dollars sur la ligne de crédit multi-devises et qu’elle avait effectué le même jour un second emprunt de 37 360 000 $ sur la même ligne de crédit. M. Tole a affirmé qu’Univar avait, par conséquent, emprunté 52 millions de dollars en une journée, qu’elle avait payé 37 360 000 $ pour acquérir les actions de Barbadosco et utilisé 26 958 863 $ pour acquitter d’importants comptes fournisseurs. L’échange suivant entre l’avocat de l’appelante et M. Tole présente la version de l’appelante au sujet de ce paiement : 

 

  [traduction]

 

Q.  Donc M. Tole, lorsque la société canadienne a réalisé la souscription d’actions et a envoyé les fonds à la Barbade pour acquérir les actions de la société de la Barbade, combien d’argent y avait-il dans le compte bancaire canadien?

 

R.  Environ 11 970 $.

 

M. Tole a ensuite témoigné que, au 31 décembre 1997, il n’y avait plus aucun montant à payer sur la ligne de crédit multi-devises, car la dette avait été entièrement remboursée grâce aux bénéfices de la société. D’ailleurs, M. Tole a dit que les prêts avaient commencé à être remboursés en juin 1995 et avaient été payés en entier au début de 1997.

 

[111]  Les derniers mots de M. Tole concernant le rassemblement des fonds ayant servi à acquérir les actions de Barbadosco ont été :

 

  [traduction]

 

[…] il y avait 12 millions de dollars dans le compte en banque et… il y a eu en effet deux emprunts qui ont été tirés sur la ligne de crédit à cette date qui, nous l’avons vu, totalisaient un peu plus de 52 millions de dollars. Il y avait donc plusieurs choses qui se passaient en même temps – l’encaisse plus les emprunts, moins les paiements à divers fournisseurs de produits agricoles, moins l’investissement. C’est tout – l’encaisse et l’emprunt ont été mis en commun dans un compte bancaire et les opérations ont eu lieu par l’intermédiaire de ce compte.

 

[112]  Après une discussion concernant l’acquisition des effets de Berk par Barbadosco, M. Tole a témoigné que cette acquisition n’avait pas été réalisée parce que [traduction] « notre monde a changé en juin 1996 » lors de l’annonce, ce jour-là, que Royal Pakhoed allait acquérir toutes les actions en circulation d’UC. Il a dit qu’à ce moment UC avait été radiée de la bourse de New York et que Royal Pakhoed, qui possédait sa propre société internationale de financement, n’était pas intéressée à continuer d’utiliser Barbadosco comme source de financement. M. Tole a déclaré qu’au cours des années suivantes Univar avec versé des dividendes de plus de 100 millions de dollars à UC.

 

[113]  M. Tole a ensuite déclaré que Barbadosco avait été liquidée le 3 janvier 2000, au motif que Royal Pakhoed désirait conserver la totalité de l’actif européen en Europe, dans la structure européenne, et que la nécessité d’une société internationale de financement comme Barbadosco ne se faisait plus sentir.

 

[114]  L’avocat de l’appelante a présenté à M. Tole un document télécopié par Pricewaterhouse Coopers au sujet de la liquidation de Barbadosco. Il contenait notamment l’énoncé suivant :

 

  [traduction]

 

Ce délai expose VWRL aux dispositions de l’article 17 pendant une période de deux jours.

 

M. Tole a déclaré qu’il ne savait pas à quoi cela faisait référence mais que, à son avis, les changements dans la législation auraient entraîné le paiement d’un impôt supplémentaire au Canada. M. Tole a affirmé que Barbadosco n’envisageait pas d’autres investissements et qu’elle aurait été liquidée de toute façon.

 

[115]  Au contre-interrogatoire, l’avocat de l’intimée a posé des questions concernant les bénéfices non répartis d’Univar dont le montant était passé de quelque 54 millions de dollars à quelque 57 millions en 1992, puis environ 61 millions en 1993, 67 millions en 1994, 79 millions en 1995 et 93 millions en 1996. L’avocat a affirmé que les bénéfices non répartis n’étaient que d’environ 6,6 millions de dollars au 31 décembre 1996, et a demandé qu’est-ce qui pouvait expliquer cela. M. Tole a répondu que, lorsque la direction d’une société change, le solde est transféré à un [traduction] « surplus d’apport », et qu’il s’agit d’une [traduction] « gymnastique comptable ». M. Tole a ajouté que la baisse ultérieure des bénéfices non répartis s’expliquait par l’obligation de verser des dividendes qui avait été imposée par Royal Pakhoed.

 

[116]  L’avocat a ensuite mentionné que le rendement du capital d’Univar était un résultat de ses bénéfices.

 

[117]  Concernant la conversion de la dette européenne ne portant pas intérêt en dette portant intérêt, l’avocat de l’intimée a dit :

 

  [traduction]

 

L’objectif était-il que les intérêts générés par ces sociétés européennes ne soient pas imposables au Canada?

 

M. Tole a répondu qu’il n’avait jamais été envisagé que les intérêts seraient versés au Canada, qu’il s’agissait d’un investissement à la Barbade qui comportait le versement d’un revenu de dividendes. Il a poursuivi en disant :

 

  [traduction]

 

Et donc je ne - - je ne la qualifierais pas de la sorte.

 

[118]  L’avocat a ensuite demandé si l’objectif était de permettre à l’appelante de déduire les intérêts accumulés sur les fonds empruntés au Canada pour le financement de Barbadosco. M. Tole a répondu que cette possibilité était envisagée. Il a dit que, comme pour n’importe quel investissement, il fallait déterminer l’emprunt nécessaire et la possibilité de déduire les intérêts aux fins de l’impôt. M. Tole a ajouté qu’Univar avait participé à la fixation de l’intérêt payable sur la dette européenne.

 

[119]  L’échange suivant a ensuite eu lieu :

 

  [traduction]

 

Q.  Nous savons donc que l’appelante a emprunté autour de 37 360 000 $ pour l’injecter à la Barbade... des injections de capitaux?

 

R.  Non, je ne vois pas où cette information a été prise. À la date de l’investissement, nous avions un peu moins de 12 millions de dollars en liquidités et, au cours de la journée, nous avons emprunté un peu plus de 52 millions en vertu de la facilité de crédit; nous avons utilisé les liquidités et ces 52 millions pour payer nos fournisseurs et réaliser l’investissement initial à la Barbade.

 

[120]  L’avocat a approfondi la question en interrogeant le témoin concernant d’autres utilisations possibles de la somme de quelque 37 millions de dollars, en se répétant beaucoup. Il a été interrompu par une objection de l’avocat de l’appelante selon laquelle le témoin avait déjà répondu aux questions. L’avocat de l’intimée a ensuite posé des questions pour déterminer si M. Tole savait que la restructuration ne nuirait pas à la capacité d’Univar de déduire l’intérêt payable sur ses emprunts et que l’intérêt reçu par NEWCO ne constituerait pas un revenu étranger accumulé, tiré de biens. M. Tole a mentionné qu’il avait obtenu un avis prudent selon lequel le revenu ne serait pas assujetti à l’impôt canadien puisqu’il avait été gagné et imposé à la Barbade. M. Tole a dit que les dividendes reçus par Barbadosco seraient versés à partir de bénéfices assujettis à l’impôt barbadien et qu’il était donc important d’éviter qu’ils ne soient imposés de nouveau lors de leur répartition au Canada.

 

[121]  L’avocat de l’intimée a ensuite demandé à M. Tole si le transfert de la dette américaine des États-Unis au Canada avait été discuté lors d’une réunion du comité des Finances d’UC en juin 1994. M. Tole a répondu par l’affirmative en disant :

 

  [traduction]

 

[…] toute la question du levier dont nous avons parlé pour laquelle la société-mère cherchait à faire augmenter la dette au Canada et à diminuer la dette aux États-Unis. Oui, j’étais au courant de cela.

 

L’avocat de l’intimée a demandé si la raison était que le taux d’imposition au Canada était plus élevé qu’aux États-Unis, ce à quoi M. Tole a répondu qu’il aurait pu s’agir de l’une des raisons selon la perspective du directeur des services fiscaux.

 

[122]  L’avocat a ensuite demandé à M. Tole s’il était familier avec le concept de revenu tiré d’une entreprise exploitée activement et de revenu provenant de placements passifs, souvent désigné comme « revenu étranger accumulé, tiré de biens ». M. Tole a répondu que sa préoccupation était encore une fois d’éviter la double imposition du revenu et a déclaré que, pour les détails sous-jacents, il appartenait [traduction] « aux conseillers fiscaux de nous éclairer à ce sujet ». Lorsqu’on lui a demandé si on l’avait informé du niveau de la dette au Royaume-Uni et en Suède, M. Tole a répondu qu’il était seulement au courant du fait qu’une restructuration était en cours qui rendrait possible l’achat d’effets portant intérêt par la société de la Barbade. M. Tole a également fait part à l’avocat de l’intimée que la possibilité que l’appelante achète la créance d’UE n’avait jamais été envisagée.

 

[123]  Par d’autres questions, l’avocat de l’intimée a ensuite tenté de qualifier l’acquisition comme une opération qui aurait produit un revenu d’intérêt imposable au Canada si ce revenu avait été reçu par Univar. Il a même demandé à M. Tole s’il admettait qu’Univar aurait été tenue de payer un impôt de l’ordre de 45 pour 100 au Canada. Cette question hypothétique a reçu une réponse conséquente : l’acquisition de la créance par Univar n’avait jamais été envisagée.

 

[124]  L’avocat de l’intimée a ensuite discuté avec M. Tole de la nouvelle cotisation établie par Revenu Canada qui avait été fixée à 15 pour 100. Cette discussion a débouché sur la remarque qu’Univar avait cessé d’être garant et sur l’opinion émise par l’avocat de l’intimée que, par le fait même, le conflit avec Revenu Canada était résolu. M. Tole a indiqué que M. Lundberg considérait qu’il y avait encore une exposition importante aux États-Unis, même si Univar était garant ou conjointement et solidairement responsable en vertu des accords de crédit de la société-mère – qu’il y avait un risque de dividendes réputés aux États-Unis.

 

[125]  L’avocat de l’intimée, de façon lourde et répétitive, a demandé si le caractère déductible des dépenses en intérêts était un [traduction] « point crucial du scénario » pour l’appelante. M. Tole s’est contenté de répondre que n’importe quel emprunteur considérait important de s’assurer que les intérêts seraient déductibles aux fins de l’impôt.

 

[126]  L’avocat de l’intimée a poursuivi en demandant à M. Tole pourquoi il aurait pu penser que l’arrangement ne serait pas acceptable pour Revenu Canada. L’avocat a demandé à M. Tole si la sous-partie F du U.S. Revenue Code était équivalente aux règles canadiennes relatives au REATB. M. Tole a répondu qu’il s’agissait exclusivement d’une question d’impôt américain. L’avocat a poursuivi avec une série de questions touchant les différentes devises faisant partie de l’opération de la Barbade, mais il a été interrompu par la Cour qui considérait que ces questions n’étaient pas pertinentes puisque la nouvelle cotisation avait été émise en dollars canadiens.

 

[127]  L’avocat de l’intimée à chercher à démontrer que l’opération créait un avantage pour Univar en raison de la possibilité qu’elle avait de déduire des intérêts au Canada, étant donné l’augmentation de sa dette. M. Tole a répondu qu’il s’agissait d’un avantage mineur et que l’opération comportait plusieurs autres avantages liés à la trésorerie, à l’utilisation de liquidités produites au Canada et à l’ensemble des questions relatives à l’impôt.

 

[128]  L’avocat de l’intimée est allé jusqu’à demander pourquoi la souscription d’actions de Barbadosco par Univar avait été réalisée en dollars américains.  

 

[129]  À un certain point, l’échange suivant a eu lieu :

 

  [traduction]

 

Le juge :  Mais pourquoi posez-vous encore une fois cette question? Si vous voulez utiliser cette information, elle se trouve déjà dans la preuve, et c’est ce que Me Kroft essaie d’expliquer. Vous les avez mentionnés dans vos présentations.

 

Me Chambers : D’accord, mais j’aurais juste quelques questions, votre honneur.

 

Le juge :  Je sais, vous n’arrêtez pas de le répéter. Vous ne m’écoutez pas. Pourquoi voulez-vous continuez à poser des questions si l’information est là et qu’elle est dans la preuve? Remettez-vous en cause la crédibilité du témoin qui a déjà répondu à des questions à ce sujet?

 

Me Chambers :  Non.

 

[130]  L’avocat de l’intimée a ensuite demandé si l’appelante envisageait d’utiliser la somme de 37 600 000 $ dans son entreprise, qui était très prospère, pour ainsi gagner 30 % ou 20 % plutôt que seulement 8 % ou 7 %, ou même moins. M. Tole a déclaré qu’un excédent de trésorerie était disponible et que ce montant continuerait d’augmenter. Il a dit que trop de liquidités s’accumulaient, plus qu’il n’en fallait pour investir dans la distribution de produits chimiques, et qu’Univar faisait tout ce qu’elle pouvait pour remédier à cette situation. Il a déclaré qu’ils investissaient une partie de l’excédent dans des dépôts à terme, ce qui ne produisait pas un rendement très élevé. Il a ajouté que le taux de rendement de Barbadosco était plus élevé et que cela aidait la société à atteindre un certain nombre d’autres objectifs. L’avocat de l’intimée a ensuite posé une série de questions pour élucider pourquoi les effets n’avaient pas été amenés au Canada. Il a laissé entendre que Barbadosco avait été liquidée en raison de changements apportés à la Loi de l’impôt sur le revenu qui seraient défavorables pour Univar. M. Tole a affirmé que la société-mère, Royal Pakhoed, n’était pas intéressée à conserver cette structure.

 

[131]  Après maintes tentatives, l’avocat de l’intimée a voulu démontrer que la souscription d’actions de Barbadosco avait été entièrement effectuée à l’aide de fonds empruntés par Univar. Le contre-interrogatoire a pris fin sur l’échange suivant :

 

  [traduction]

 

Le juge :  Vous continuez -- Me Chambers, vous ne laissez pas tomber ce questionnement et tentez de qualifier, dans vos propres mots, la somme d’argent ayant servi à acheter les effets. Vous n’avez rien, mais absolument rien fait d’autre par vos questions que qualifier cet argent d’argent emprunté. Je n’écouterai pas les réponses qui seront données à des questions posées de cette manière. À mon avis, elles sont hors de propos. Je veux dire, vous n’allez pas réussir à prouver que l’argent a été emprunté en formulant vos questions de cette manière, pas du tout. S’il existe des éléments de preuve à cet égard, c’est une toute autre histoire, parce que je considère opportun de tenir compte des preuves lorsqu’elles existent. Mais le fait de qualifier une opération sous forme de question est inacceptable à mes yeux.

 

Q :  Vous reconnaîtrez, M. Tole, que la plus grande partie de la somme de 37 600 000 $ qui a été injectée dans la société de la Barbade était de l’argent emprunté?

 

R :  Oui, il y avait tout juste un peu moins de 12 millions de dollars en banque, donc le gros de l’argent a dû être emprunté, j’en conviens.

 

L’avocat de l’intimée n’a pas posé de questions concernant cette réponse.

 

[132]  Au ré-interrogatoire, M. Tole a soutenu que le simple fait d’emprunter des fonds ne produit pas des avantages fiscaux. Cela permet de déduire des intérêts, mais il n’en reste pas moins qu’il en coûte quelque chose à la société et que cet emprunt doit avoir un but. L’avocat de l’appelante a mentionné la note de service interne d’UC, datée du 11 janvier 1995 et envoyée par M. Lundberg à David E. Olsen, portant sur le retrait d’Univar des accords de crédit renouvelable. Il a rappelé à M. Tole que l’avocat de l’intimée avait mentionné la garantie offerte par la société canadienne pour certaines facilités concédées à UC par ses prêteurs. Il a ensuite demandé s’il y avait une quelconque mention dans cette note de service des incidences fiscales canadiennes. M. Tole a répondu qu’il n’y en avait aucune, qu’il s’agissait strictement d’une question de trésorerie et que les seules questions fiscales  mentionnées dans cette note avaient trait à l’impôt américain.

 

[133]  L’avocat de l’appelante a ensuite résumé le témoignage de M. Tole concernant les trois facilités de crédit. L’une d’elles avait été en vigueur en 1991 et 1992, années au cours desquelles Univar n’était pas emprunteur mais uniquement garant. En 1992, une nouvelle facilité avait été établie aux États-Unis en vertu de laquelle la société canadienne était un emprunteur ayant une responsabilité conjointe et solidaire. Troisièmement, en juin 1995, les filiales non-américaines étaient devenues des emprunteurs individuels,  non responsables conjointement et solidairement, en vertu de la ligne de crédit multi-devises.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de novembre 2005.

 

 

« R.D. Bell »

Le juge Bell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour de mars 2006.

 

Jean Pierre Koch, LL.B., réviseur

 



[1]   Univar est le troisième nom de l’appelante.

[2]   Qui n’est entré en vigueur qu’en 2000.

[3]   En parlant d’Univar, il faisait référence à UC.

[4]   Il s’agit d’une opération immobilière à New York qui a été présentée à UC mais qui fut rejetée parce qu’elle était excessivement orientée sur l’impôt et qu’il ne s’agissait pas d’une opération avantageuse. 

[5]   Il s’agit de l’appelante.

[6]   Il était chef/directeur du service de la fiscalité chez UC.

[7]   Vice-président de la fiscalité chez Royal Pakhoed. 

[8]   Univar

[9]   Univar

[10]   Dans ce contexte, le terme « société » renvoie à UC.

[11]   M. Lundberg a expliqué que la société disposait ainsi d’un revenu étranger plus élevé qui était disponible pour utiliser les crédits accumulés en trop.

[12] Employés de Coopers & Lybrand à Londres (Angleterre).

[13] Vice-président du service de l’impôt, secrétaire général de Royal Pakhoed N.V.

[14]   Ltée, dans ce contexte, renvoie à Van Waters & Rogers Ltée, c’est-à-dire Univar, l’appelante.

[15]   Président-directeur général d’UC jusque vers la fin de 1995 et administrateur d’UC.

[16]   Il s’agit de la facilité de crédit multi-devises américaine de 90 millions.

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