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Dossier : 2002-3517(GST)G

ENTRE :

VILLE DE GATINEAU

(COMMUNAUTÉ URBAINE DE L'OUTAOUAIS),

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 23 septembre 2004, à Ottawa (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Michael Kaylor

 

Avocat de l'intimée :

Me Benoît Denis

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la cotisation établie en vertu de l'article 169 de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 30 novembre 2001 et porte le numéro H2001096 pour la période du 1er janvier 1998 au 30 juin 2000 est rejeté avec frais et la cotisation est confirmée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de mai 2005.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


 

 

 

 

Référence : 2005CCI358

Date : 20050520

Dossier : 2002-3517(GST)G

ENTRE :

VILLE DE GATINEAU

(COMMUNAUTÉ URBAINE DE L'OUTAOUAIS),

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Juge Lamarre

 

[1]     Il s'agit d'un appel d'une cotisation par laquelle le ministre du Revenu national (« Ministre ») a refusé à l'appelante des crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») pour un montant de 304 594,97 $, réclamés au cours de la période du 1er janvier 1998 au 30 juin 2000 en vertu de l'article 169 de la Loi sur la taxe d'accise (« LTA »), en sus d'imposer des intérêts et des pénalités aux termes de l'article 280 de la LTA.

 

[2]     L'appelante avait initialement réclamé des CTI pour un montant de 312 994,07 $, afin de récupérer l'excédent de la taxe sur les produits et services (« TPS ») payée par elle sur l'acquisition de biens et services utilisés dans l'exploitation de son usine d'épuration des eaux usées, sur le montant de TPS remboursé par application de l'article 259 de la LTA (lequel donne droit à l'appelante à un remboursement de la taxe payable selon un pourcentage prescrit par règlement; ce taux était de 57,14 pour cent de la taxe exigée non admise au crédit au cours de la période en litige). Sur les 312 994,07 $ de CTI réclamés, le Ministre n'en a accordé que 8 399,10 $, le solde ayant été refusé au motif que ce montant se rattachait à une fourniture exonérée, en vertu de l'alinéa 28c), de la partie VI de l'annexe V de la LTA.

 

Dispositions statutaires et réglementaires reliées à la LTA

 

[3]     Les dispositions statutaires et réglementaires applicables au cours de la période en litige se lisent comme suit :

 

LOI SUR LA TAXE D'ACCISE (TPS)

(1985), C.E.-15 telle que modifiée

 

PARTIE IX - TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

 

SECTION I – DÉFINITIONS ET INTERPRÉTATION

 

123. (1) Définitions – Les définitions qui suivent s'appliquent à l'article 121, à la présente partie et aux annexes V à X.

 

« acquéreur »

 

a) Personne qui est tenue, aux termes d'une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

 

b) personne qui est tenue, autrement qu'aux termes d'une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

 

c) si nulle contrepartie n'est payable pour une fourniture :

 

(i) personne à qui un bien, fourni par vente, est livré ou mis à sa disposition,

 

(ii) personne à qui la possession ou l'utilisation d'un bien, fourni autrement que par vente, est transférée ou à la disposition de qui le bien est mis,

 

(iii) personne à qui un service est rendu.

 

Par ailleurs, la mention d'une personne au profit de laquelle une fourniture est effectuée vaut mention de l'acquéreur de la fourniture.

 

« activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

 

a) l'exploitation d'une entreprise [...] sauf dans la mesure où l'entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

 

[...]

 

« fourniture » Sous réserve des articles 133 et 143, livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation.

 

[...]

 

« fourniture exonérée » Fourniture figurant à l'annexe V.

 

[...]

 

« municipalité »

 

a) Administration métropolitaine, [...] ou autre organisme municipal ainsi constitué quelle qu'en soit la désignation;

 

[...]

 

« organisme de services publics » Organisme à but non lucratif, organisme de bienfaisance, municipalité, administration scolaire, administration hospitalière, collège public ou université.

 

« service » Tout ce qui n'est ni un bien, ni de l'argent, ni fourni à un employeur par une personne qui est un salarié de l'employeur, ou a accepté de l'être, relativement à sa charge ou à son emploi.

 

 

Sous-section b – Crédit de taxe sur les intrants

 

169. (1) Règle générale – Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d'une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu'elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à la fourniture, à l'importation ou au transfert devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu'elle soit devenue payable :

 

A x B

 

 

A    représente la taxe relative à la fourniture, à l'importation ou au transfert, selon le cas, qui, au cours de la période de déclaration, devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu'elle soit devenue payable;

 

B : [...]

 

c) dans les autres cas, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis ou importé le bien ou le service, ou l'a transféré dans la province, selon le cas, pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

 

[...]

 

259. (1) Définitions – Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

 

« municipalité » Est assimilée à une municipalité la personne que le ministre désigne comme municipalité pour l'application du présent article, aux seules fins des activités, précisées dans la désignation, qui comportent la réalisation de fournitures de services municipaux par la personne, sauf des fournitures taxables.

 

« organisme déterminé de services publics »

 

[...]

 

e) municipalité.

 

[...]

 

(3) Remboursement aux personnes autres que des municipalités désignées - [...] le ministre rembourse la personne [...] qui, le dernier jour de sa période de demande ou de son exercice qui comprend cette période, est un organisme déterminé de services publics, un organisme de bienfaisance ou un organisme a but non lucratif admissible. Le montant remboursable est égal au pourcentage réglementaire de la taxe exigée non admise au crédit relativement à un bien ou à un service, sauf un bien ou un service visés par règlement, pour la période de demande.

 

[...]

 

ANNEXE V – FOURNITURES EXONÉRÉES

paragraphe 123(1)

Partie VI – Organismes du secteur public

 

1. [Définitions] – Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.

 

[...]

 

« municipalité locale » Municipalité qui fait partie d'une municipalité régionale et dont la compétence s'étend sur une région qui fait partie du territoire de cette dernière.

 

[...]

 

28. [Fournitures entre différentes entités] – Les fournitures entre les entités suivantes :

 

[...]

 

c) une municipalité régionale et ses municipalités locales ou les organisations paramunicipales de celles-ci;

 

 

RÈGLEMENT SUR LES REMBOURSEMENTS AUX ORGANISMES DE SERVICES PUBLICS (TPS/TVH)

 

[...]

 

1. Titre abrégé – Règlement sur les remboursements aux organismes de services publics (TPS/TVH).

 

[...]

 

5. Pourcentages du remboursement – Pour le calcul du remboursement payable à une personne en vertu de l'article 259 de la Loi, le pourcentage applicable est le suivant :

 

[...]

 

e) les municipalités, 57,14 %.

 

Remarque préliminaire

 

[4]     La Communauté urbaine de l'Outaouais (« CUO ») a été constituée en personne morale de droit public formée de cinq municipalités (Aylmer, Hull, Gatineau, Buckingham et Masson-Angers) et des habitants et des contribuables des territoires de celles-ci, en vertu de la Loi sur la Communauté urbaine de l'Outaouais (« LCUO »), L.R.Q., chapitre c-37.1. La LCUO a été abrogée le 1er janvier 2002 par l'adoption de la Loi portant réforme de l'organisation territoriale municipale des régions métropolitaines de Montréal, de Québec et de l'Outaouais (2000, c. 56). Par cette dernière loi, la nouvelle ville de Gatineau fut constituée en personne morale et succède aux droits, obligations et charges de la CUO ainsi qu'à ceux des villes d'Aylmer, de Buckingham, Gatineau, Hull et Masson-Angers, telles qu'elles existaient le 31 décembre 2001. La nouvelle ville de Gatineau est devenue, sans reprise d'instance, partie à toute instance, à la place de la CUO ou, selon le cas, de chacune des municipalités à laquelle elle succède. Ainsi le présent litige qui porte sur les années 1998 à 2000 met en cause la CUO telle qu'elle existait alors, mais c'est la nouvelle ville de Gatineau qui est devenue partie à cette instance par suite de l'abrogation de la CUO. C'est donc la ville de Gatineau qui est devenue l'appelante, pour et au nom de la CUO.

 

Question en litige

 

[5]     La seule question en litige est de déterminer si la CUO avait droit au montant total des CTI réclamés, soit 312 994,07 $, ou si l'intimée a raison de prétendre qu'elle n'a droit qu'à un montant de 8 399,10 $. Pour résumer les faits de façon sommaire, la CUO, au cours de la période en litige, recevait à son usine d'épuration les eaux usées de trois de ses municipalités constituantes, soit les villes de Gatineau, Aylmer et Hull, telles qu'elles existaient alors. Pour se départir de ces eaux usées, ces trois municipalités payaient à la CUO une somme globale approximative de neuf millions de dollars par année qu'elles assumaient selon la quote-part établie pour chacune d'elles par la CUO annuellement. Celle‑ci procédait à l'assainissement des eaux et une fois les eaux filtrées, elle enfouissait les déchets solides (qu'on appelle aussi des boues) ou valorisait une partie de ces déchets (dans une proportion variant entre 70 et 85 pour cent environ) pour en faire des granules qui étaient ensuite revendus sur le marché, pour l'épandage sur les terres agricoles en particulier. Le Ministre reconnaît que le processus consistant à transformer les boues en granules (la « granulation ») pour fins de commercialisation, constitue une activité commerciale au sens de l'article 123 de la LTA, et que la taxe payée sur cette portion du coût d'opération de l'usine de granulation donne droit à des CTI, aux termes de l'article 169 de la LTA. Le Ministre a calculé que les CTI attribuables au processus de granulation s'élevaient à 8 399,10 $.

 

[6]     Par contre, le Ministre considère que tout le processus d'assainissement des eaux usées de même que le traitement des déchets avant d'en arriver au processus de granulation constitue une fourniture de services entre une municipalité régionale (la CUO) et ses municipalités locales (les trois villes d'Aylmer, Hull et Gatineau). En conséquence, il s'agit là, selon l'intimée, d'une fourniture de services exonérée au sens de l'alinéa 28c) de la partie VI de l'annexe V de la LTA, laquelle ne donne pas droit aux CTI aux termes de l'article 169 et de la définition d'« activité commerciale » au paragraphe 123(1) de la LTA.

 

[7]     L'appelante de son côté, considère que la seule fourniture exonérée effectuée par la CUO, c'est-à-dire le seul service rendu par la CUO aux trois municipalités, est l'acceptation des eaux usées. Au-delà du transfert de propriété des eaux usées entre les trois municipalités et la CUO, l'appelante soutient que la CUO n'a rendu aucun service à celles-ci, et que dès lors, tout le processus d'assainissement des eaux ne peut constituer une fourniture exonérée aux fins de la LTA. Selon l'appelante, tout le processus d'assainissement étant nécessaire pour obtenir la granulation des boues commercialisables, elle aurait donc droit à l'entièreté des CTI réclamés initialement.

 

Faits

 

[8]     Monsieur Jacques Nadeau, directeur du service de traitement des eaux et de la gestion des matières résiduelles pour la direction des travaux publics et environnement de la ville de Gatineau, a expliqué à l'aide d'un document déposé sous la pièce A-1, le fonctionnement de l'usine d'épuration des eaux usées avec procédé de séchage et de granulation des boues de la CUO. En premier lieu, chaque municipalité collecte les eaux usées par son réseau d'égoûts. Ces eaux usées sont acheminées à l'usine d'épuration par l'intercepteur principal qui appartient à la CUO. À partir du moment où la CUO reçoit les eaux usées, elle en devient responsable. Le processus d'assainissement vise à épurer les eaux, c'est-à-dire à enlever les matières en suspension et les débris qui sont dans l'eau.

 

[9]     Pour ce faire, les eaux brutes subissent un pré-traitement qui comporte deux opérations. D'abord, un dégrillage grossier est effectué à l'entrée de la station de pompage, lequel procédé protège les pompes contre l'arrivée de gros objets flottants susceptibles de provoquer des blocages dans les différents équipements. Les eaux sont ensuite pompées au dégrilleur fin à l'aide de quatre pompes. Le dégrilleur fin sert à extraire les matières fibreuses et autres débris qui se retrouvent dans les équipements d'extraction des boues et dans les granulés, affectant ainsi la qualité du produit fini qui est une source de revenus pour la CUO. En fait, l'étape du dégrillage fin a été rajoutée au cours des dernières années pour améliorer la qualité des boues.

 

[10]    Après le dégrillage, les eaux usées sont acheminées par gravité vers les dessableurs. Le dessablage a pour but d'enlever les graviers, sables et particules minérales plus ou moins fines. Ceci permet d'éviter les dépôts dans les canaux et conduites, de protéger les pompes et autres appareils contre l'abrasion et d'alourdir également les boues.

 

[11]    L'effluent prétraité s'écoule ensuite par gravité vers les décanteurs primaires qui permettent le dépôt des particules en suspension, des solides décantables et de récupérer en surface les matières flottantes, telles les graisses, les écumes et les huiles. Ceci constitue la première étape d'extraction des boues qui sont récupérées dans le fond du bassin de décantation.

 

[12]    Les boues décantées sont ensuite pompées vers l'unité de traitement des boues et la deuxième étape d'assainissement commence à ce moment-là. La première opération s'accomplit dans un bassin d'aération, dans lequel on provoque le développement d'un floc bactérien (boues activées). Dans ce bassin, le mélange est brassé par les aérateurs de surface de façon à maintenir les boues en suspension et recevoir l'oxygène nécessaire à la prolifération des micro‑organismes aérobies. Le mélange est ensuite envoyé dans un décanteur afin de séparer l'eau traitée des boues. Ces boues sont retournées dans le bassin d'aération pour y maintenir une concentration suffisante en boues activées. Les boues en excès sont extraites et évacuées vers le traitement des boues. À ce moment, l'eau est rejetée dans la rivière de l'Outaouais.

 

[13]    Le traitement des boues se poursuit et elles sont alors acheminées vers les épaississeurs. Il s'agit encore une fois d'un processus de décantation. Ces boues épaissies sont ensuite pompées vers les digesteurs où s'effectue la digestion anaérobie. Il s'agit d'un processus qui se produit en l'absence d'air, donc d'oxygène, qui entraîne une réduction de la masse de boue d'environ 30 pour cent du volume des boues. La digestion anaérobie génère, entre autres, du gaz méthane qui sera récupéré pour l'usine d'épuration (pour chauffer les digesteurs, les bâtiments et ce gaz peut aussi alimenter le séchoir rotatif de l'unité de séchage et de granulation des boues).

 

[14]    Les boues digérées sont ensuite concentrées par centrifugation et acheminées vers l'unité de séchage et de granulation des boues. Les granulés sont ensuite vendus à des fins agricoles.

 

[15]    Monsieur Nadeau a expliqué que lors de la construction de l'usine d'épuration en 1982, on enfouissait les boues. Par la suite, la CUO a pensé à valoriser les boues et l'usine de granulation a été mise en opération en 1992. Seules les étapes du dégrillage fin et de la granulation ont été ajoutées au processus d'épuration d'eau déjà existant. De plus, on a rajouté un nouvel épaississeur et un nouveau digesteur. Selon monsieur Nadeau, depuis 1992 la CUO utilise le procédé d'extraction des boues pour valoriser les boues. Les eaux usées sont indispensables pour la production des engrais. Elles constituent en quelque sorte la matière première pour produire les granules. La CUO tire entre 30 000 $ et 60 000 $ de revenus annuellement de la vente de ces engrais. Il y a encore entre 13 à 27 pour cent des boues qui ne sont pas transformées en granules mais qui sont plutôt enfouies. Par ailleurs, sur 20 mille tonnes de boues qui arrivent à l'usine d'épuration, il y a deux à trois pour cent de ces matières solides qui sont interceptées à l'étape du dégrillage grossier et qui sont systématiquement enfouies (le sable, le gravier et le bois).

 

[16]    Avant 1992, l'épaississeur, le digesteur anaérobique et la centrifugeuse avaient été installés pour la digestion des boues et ultimement pour la production du gaz méthane (tel qu'expliqué plus haut). De plus, l'étape de la centrifugation après la décantation secondaire était aussi utilisée pour enfouir les boues (sinon on avait un liquide qui ne s'enfouissait pas). Par contre, les digesteurs n'étaient pas essentiels à l'enfouissement mais pouvaient servir à réduire la quantité d'enfouissement. Monsieur Nadeau a ajouté que cela coûtait relativement moins cher à la CUO de procéder à l'enfouissement plutôt que de fabriquer des granules d'engrais.

 

[17]    La CUO établissait un budget à chaque année et déterminait la quote-part de chaque municipalité selon le débit estimé de son volume d'eaux usées. Chaque municipalité était facturée selon sa quote-part. Si le débit réel de chaque municipalité variait, la quote-part du budget total établi au départ par la CUO pouvait varier selon les municipalités, mais c'est la CUO qui absorbait le surplus ou le déficit par rapport au budget initial pré-établi.

 

Législation sur l'assainissement des eaux

 

[18]    Selon la LCUO, la CUO possédait la compétence sur l'assainissement des eaux (article 84) et c'étaient les articles 113 à 127 qui en traitaient. Ces articles se lisaient en partie comme suit :

 

SECTION VI

 

COMPÉTENCE DE LA COMMUNAUTÉ [CUO]

 

Compétence de la Communauté.

 

84. La Communauté possède la compétence prévue par la présente loi sur les domaines suivants:

 

[...]

 

2o l'assainissement des eaux et l'alimentation en eau potable;

 

[...]

 

§ 2. —  Assainissement des eaux et alimentation en eau potable

 

Règlements sur normes de travaux.

 

113.  La Communauté peut, par règlement, établir des normes minimales pour l'ensemble de son territoire relativement aux méthodes d'exécution de tous travaux d'aqueduc, d'égout et de construction d'usines ou ouvrages de traitement d'eau ainsi qu'aux matériaux employés dans l'exécution de ces travaux. Ces règlements sont obligatoires pour toutes les municipalités de son territoire; ils n'entrent en vigueur que sur approbation du ministre de l'Environnement.

 

Approbation de certains projets.

 

114.  Ces municipalités doivent soumettre au Conseil, pour approbation, tout projet de construction, d'agrandissement ou de modification d'un réseau d'aqueduc, d'égout et d'usines ou ouvrages de traitement d'eau, avant d'adopter la résolution ou le règlement nécessaire à la mise en oeuvre de ce projet.

 

Délai.

 

Dans les 30 jours de la réception de cette demande, le Conseil doit déterminer si ce projet est de nature purement locale ou s'il a des incidences intermunicipales.

 

Incidences intermunicipales.

 

S'il décide que le projet a des incidences intermunicipales, le Conseil peut, par résolution, sous réserve de l'approbation du ministre de l'Environnement, ordonner les modifications qu'il juge utiles aux plans et devis des travaux projetés et autoriser la municipalité à exécuter ces travaux. À défaut d'entente entre la Communauté et les municipalités intéressées concernant la répartition du coût des travaux, cette répartition est fixée par le ministre de l'Environnement, à la demande de la Communauté ou d'une municipalité intéressée.

 

Pouvoirs restreints.

 

115.  Le ministre de l'Environnement ne peut, en matière d'aqueduc, d'égout ou d'usines ou ouvrages de traitement d'eau, exercer à l'égard d'une municipalité dont le territoire est compris dans celui de la Communauté un pouvoir prévu par l'article 29, 32, 34, 35, 41 ou 43 de la Loi sur la qualité de l'environnement (chapitre Q-2) sans avoir appelé la Communauté à lui faire les représentations que celle-ci juge appropriées.

 

Représentations de la Communauté.

 

Lorsqu'il exerce les pouvoirs prévus par l'article 35 de la Loi sur la qualité de l'environnement, le ministre de l'Environnement ordonne l'exécution de travaux intermunicipaux par les municipalités qu'il désigne, à moins que la Communauté n'ait indiqué au ministre que celle-ci consent à les exécuter. Dans ce dernier cas, le ministre ne peut en ordonner l'exécution que par la Communauté. Le ministre ne peut établir la répartition du coût des ouvrages et des frais d'entretien et d'exploitation de ceux-ci, déterminer le mode de paiement ou fixer l'indemnité, périodique ou non, payable par les municipalités pour l'usage des ouvrages ou les services fournis, qu'après avoir appelé la Communauté à faire valoir ses représentations à ce sujet.

 

Exécution de travaux.

 

116.  Sous réserve de la Loi sur la qualité de l'environnement (chapitre Q‑2), la Communauté peut, par règlement, décréter l'exécution, même à l'extérieur de son territoire, de travaux relatifs aux usines ou ouvrages de traitement d'eau ou aux conduites de transport du système d'aqueduc ou d'égout destinés à desservir le territoire, compris dans le sien, de plus d'une municipalité.

 

Exécution de travaux.

 

117.  Sous réserve de la Loi sur la qualité de l'environnement (chapitre Q‑2) la Communauté peut, par règlement, décréter l'exécution des travaux visés à l'article 116 même si les usines, ouvrages ou conduites de transport qui en font l'objet ne sont pas destinés à desservir le territoire de plus d'une municipalité.

 

Compétence exclue.

 

Un règlement adopté par la Communauté en vertu du premier alinéa exclut la compétence d'une municipalité sur les travaux visés par ce règlement.

 

Acquisition d'usine de traitement d'eau ou de conduite de transport.

 

118.  La Communauté peut, par règlement, acquérir, avec l'approbation du ministre de l'Environnement, la propriété de toute usine ou ouvrage de traitement d'eau ou de toute conduite de transport appartenant à une municipalité dont le territoire est compris dans celui de la Communauté et desservant ou pouvant desservir le territoire d'une ou de plus d'une telle municipalité.

 

Compétence exclue.

 

Un règlement adopté par la Communauté en vertu du premier alinéa exclut la compétence d'une municipalité sur une usine, un ouvrage ou une conduite qui fait l'objet de l'acquisition par la Communauté.

 

Parties intermunicipales du réseau d'alimentation en eau.

 

119.  Les usines de filtration et les usines d'épuration de la Communauté ainsi que les ouvrages situés entre ces usines et la source d'approvisionnement en eau, dans le cas d'une usine de filtration, et les ouvrages situés entre ces usines et le lieu de déversement des eaux épurées dans le cas d'une usine d'épuration, constituent des parties intermunicipales du réseau d'alimentation en eau potable ou, selon le cas, du réseau d'assainissement des eaux de la Communauté.

 

Règlements.

 

La Communauté doit par règlement:

 

1° délimiter la partie de son réseau de transport d'eau potable ou d'eaux usées qui est de nature intermunicipale ou qui, à cause de l'importance de sa fonction principale à l'intérieur du réseau, doit être soumise au même régime que la partie intermunicipale;

 

2° déterminer les autres éléments de son réseau de transport d'eau potable ou d'eaux usées qui doivent être considérés au seul avantage de la municipalité sur le territoire de laquelle ils sont situés.

 

[...]

 

Répartition des dépenses.

 

120.  Les dépenses de la Communauté faites dans l'exercice d'un pouvoir prévu aux articles 116 à 118 et se rapportant à la partie intermunicipale de son réseau, ainsi que celles découlant de l'exploitation et de l'entretien de cette partie du réseau, sont réparties entre les municipalités en proportion de leur volume respectif d'eau consommée, quant aux dépenses se rapportant à l'alimentation en eau potable, et en proportion de leur volume respectif d'eaux déversées quant aux dépenses se rapportant à l'assainissement des eaux.

 

Dépenses à la charge d'une municipalité.

 

Les dépenses de la Communauté qui se rapportent à chaque élément de son réseau visé dans un règlement adopté en vertu du paragraphe 2° du deuxième alinéa de l'article 119 sont à la charge de la municipalité sur le territoire de laquelle cet élément est situé.

 

[...]

 

Mode de répartition.

 

120.1.  Malgré l'article 120, la Communauté peut, par règlement adopté à la majorité des trois quarts des voix exprimées par les représentants des municipalités dont le territoire est desservi, établir un mode différent de répartition des dépenses visées à l'article 120.

 

Perte de compétence.

 

121.  Lorsque toutes les usines ou ouvrages de traitement d'eau d'une municipalité du territoire de la Communauté sont acquis par la Communauté, cette municipalité perd toute compétence pour établir de telles usines ou ouvrages.

 

Pouvoirs non limités.

 

La présente loi n'a pas pour effet de limiter les pouvoirs d'une municipalité de distribuer dans son territoire l'eau potable qui lui est fournie par la Communauté ou de recevoir les eaux usées provenant de ce territoire pour les acheminer vers les ouvrages de la Communauté.

 

[...]

 

Eaux usées.

 

123.  La Communauté peut recevoir à des fins de traitement, d'une personne autre qu'une municipalité, des eaux usées qui proviennent ou non de son territoire.

 

Consentement de la municipalité.

 

Avant de conclure tout contrat à cette fin, la Communauté doit obtenir le consentement de la municipalité locale du territoire de laquelle proviennent ces eaux.

 

Consentement pour fournir de l'eau.

 

124.  À compter de la date d'entrée en vigueur d'un règlement adopté en vertu de l'article 118, aucune municipalité qui reçoit de l'eau de la Communauté ou qui achemine des eaux usées vers les ouvrages de la Communauté ne peut, sans le consentement de la Communauté, fournir de l'eau sur le territoire d'une autre municipalité ni recevoir pour fins de traitement les eaux usées en provenance d'un tel territoire.

 

Respect des contrats antérieurs.

 

125.  Rien dans l'article 124 n'est censé empêcher une municipalité de fournir de l'eau sur le territoire d'une autre municipalité ou de recevoir les eaux usées en provenance d'un tel territoire en vertu de contrats antérieurs à la date mentionnée à l'article 124, si les usines, ouvrages ou conduites nécessaires pour ce faire n'ont pas été acquis par la Communauté.

 

Règlements.

 

126.  La Communauté peut adopter des règlements pour:

 

1° la fourniture d'eau potable sur le territoire des municipalités, la réception des eaux usées provenant de leur territoire et la disposition des boues de vidanges provenant des installations septiques;

 

2° l'entretien, la gestion et l'exploitation de ses usines ou ouvrages de traitement d'eau et des conduites de transport de son système d'aqueduc ou d'égout;

 

[...]

 

[19]    Par ailleurs, il est utile ici de reproduire certaines dispositions de la Loi sur la qualité de l'environnement, L.R.Q., chapitre Q-2.

 

L.R.Q., chapitre Q-2

 

LOI SUR LA QUALITÉ DE L'ENVIRONNEMENT

 

CHAPITRE I

 

DISPOSITIONS D'APPLICATION GÉNÉRALE

 

SECTION I

 

DÉFINITIONS

 

Interprétation:

 

1. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, les mots et expressions qui suivent signifient ou désignent:

 

«eau»;

 

1o  «eau»: l'eau de surface et l'eau souterraine où qu'elles se trouvent;

 

[...]

 

«environnement»;

 

4° «environnement»: l'eau, l'atmosphère et le sol ou toute combinaison de l'un ou l'autre ou, d'une manière générale, le milieu ambiant avec lequel les espèces vivantes entretiennent des relations dynamiques;

 

«contaminant»;

 

5° «contaminant»: une matière solide, liquide ou gazeuse, un micro-organisme, un son, une vibration, un rayonnement, une chaleur, une odeur, une radiation ou toute combinaison de l'un ou l'autre susceptible d'altérer de quelque manière la qualité de l'environnement;

 

«polluant»;

 

6° «polluant»: un contaminant ou un mélange de plusieurs contaminants, présent dans l'environnement en concentration ou quantité supérieure au seuil permissible déterminé par règlement du gouvernement ou dont la présence dans l'environnement est prohibée par règlement du gouvernement;

 

[...]

 

«source de contamination»;

 

8° «source de contamination»: toute activité ou tout état de chose ayant pour effet l'émission dans l'environnement d'un contaminant;

 

[...]

 

«municipalité»;

 

10° «municipalité»: toute municipalité, la Communauté métropolitaine de Montréal, la Communauté métropolitaine de Québec ainsi qu'une régie intermunicipale;

 

[...]

 

«ministre»;

 

18° «ministre»: le ministre de l'Environnement;

 

[...]

 

SECTION II 

FONCTIONS ET POUVOIRS DU MINISTRE

 

Pouvoirs.

 

2.  Le ministre peut:

 

[...]

 

c) élaborer des plans et programmes de conservation, de protection et de gestion de l'environnement et des plans d'urgence destinés à combattre toute forme de contamination ou de destruction de l'environnement et, avec l'autorisation du gouvernement, voir à l'exécution de ces plans et programmes;

 

[...]

 

j) élaborer et mettre en oeuvre un programme visant à réduire le rejet de contaminants provenant de l'exploitation d'établissements industriels et à contrôler le rejet de contaminants provenant de l'exploitation d'ouvrages municipaux d'assainissement des eaux usées.

 

[...]

 

SECTION IV 

 

LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

 

Émission d'un contaminant.

 

20.  Nul ne doit émettre, déposer, dégager ou rejeter ni permettre l'émission, le dépôt, le dégagement ou le rejet dans l'environnement d'un contaminant au-delà de la quantité ou de la concentration prévue par règlement du gouvernement.

 

Émission d'un contaminant.

 

La même prohibition s'applique à l'émission, au dépôt, au dégagement ou au rejet de tout contaminant, dont la présence dans l'environnement est prohibée par règlement du gouvernement ou est susceptible de porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité, au bien-être ou au confort de l'être humain, de causer du dommage ou de porter autrement préjudice à la qualité du sol, à la végétation, à la faune ou aux biens.

 

[...]

 

Ordre.

 

29.  Le ministre peut, après enquête, ordonner à une municipalité d'exercer les pouvoirs relatifs à la qualité de l'environnement que confère à cette municipalité la présente loi ou toute autre loi générale ou spéciale.

 

[...]

 

Règlement.

 

31.  Le gouvernement peut adopter des règlements pour:

 

[...]

 

 c) prohiber, limiter et contrôler les sources de contamination de même que l'émission, le dépôt, le dégagement ou le rejet dans l'environnement de toute catégorie de contaminants pour l'ensemble ou une partie du territoire du Québec;

 

 d) déterminer pour toute catégorie de contaminants ou de sources de contamination une quantité ou une concentration maximale permissible d'émission, de dépôt, de dégagement ou de rejet dans l'environnement pour l'ensemble ou une partie du territoire du Québec;

 

e) définir des normes de protection et de qualité de l'environnement ou de l'une de ses parties pour l'ensemble ou une partie du territoire du Québec;

 

 e .1) mettre en place des mesures prévoyant le recours à des instruments économiques, notamment des permis négociables, des droits ou redevances d'émission, de déversement ou de mise en décharge, des droits ou redevances d'élimination anticipés et des droits ou redevances liés à l'utilisation, à la gestion ou à l'assainissement de l'eau, en vue de protéger l'environnement et d'atteindre des objectifs en matière de qualité de l'environnement pour l'ensemble ou une partie du territoire du Québec, et établir toute règle nécessaire ou utile au fonctionnement de ces mesures portant entre autres sur la détermination des personnes ou municipalités tenues au paiement de ces droits ou redevances, sur les conditions applicables à leur perception ainsi que sur les intérêts et les pénalités exigibles en cas de non-paiement ;

 

[...]

 

Attestation aux municipalités.

 

31.33.  Le ministre délivre une attestation d'assainissement à toute municipalité qui exploite des ouvrages d'assainissement des eaux usées.

 

Contenu de l'attestation.

 

31.34.  L'attestation d'assainissement doit contenir les éléments suivants:

 

1° la nature, la quantité, la qualité et la concentration de chaque contaminant émis, déposé, dégagé ou rejeté dans l'environnement et provenant de l'exploitation d'ouvrages municipaux d'assainissement des eaux usées;

 

2° la nature, la provenance et la qualité des eaux usées traitées par des ouvrages municipaux d'assainissement;

 

3° les normes relatives au rejet de contaminants définies par règlement adopté en vertu des paragraphes c et d de l'article 31 et c et f du premier alinéa de l'article 46 pour chaque contaminant émis, déposé, dégagé ou rejeté dans l'environnement et provenant de l'exploitation d'ouvrages municipaux d'assainissement des eaux usées, à l'exception de celles qui sont incompatibles avec les normes établies par le ministre en vertu de l'article 31.37;

 

4° les normes définies par règlement adopté en vertu du paragraphe e de l'article 31, du paragraphe g du premier alinéa de l'article 46, de l'article 70 ainsi que celles relatives à l'exploitation d'un service d'égout ou de traitement des eaux définies par règlement adopté en vertu du paragraphe d du premier alinéa de l'article 46, dans la mesure où ces normes sont applicables à des ouvrages municipaux d'assainissement des eaux usées;

 

[...]

 

6° tout autre élément déterminé par règlement.

 

[...]

 

Responsabilité du titulaire.

 

31.38.  Le titulaire de l'attestation d'assainissement doit:

 

1° respecter tout élément contenu dans son attestation;

 

 2° fournir à la demande du ministre, tous les renseignements nécessaires relatifs à l'évaluation de la conformité du rejet de contaminants aux normes visées au paragraphe 3° de l'article 31.34 et au paragraphe 1° de l'article 31.35;

 

[...]

 

34.  [...]

 

Ordonnances.

 

Le ministre peut rendre à l'égard d'une municipalité les ordonnances qu'il juge nécessaires en matière d'alimentation en eau potable et de gestion des eaux usées.

[...]

 

Services mis en commun.

 

35.  Lorsque le ministre, après enquête faite de sa propre initiative ou à la demande d'un intéressé, estime que des services d'aqueduc, d'égout ou de traitement des eaux devraient être en commun, par suite de nécessité ou d'avantage, entre deux ou plusieurs municipalités distinctes, il peut prescrire les mesures nécessaires.

 

Ordonnances.

 

Il peut en particulier ordonner:

 

1° que l'exécution, l'entretien et l'exploitation des ouvrages soient faits en commun par toutes les municipalités intéressées ou en tout ou en partie par une seule municipalité, ou

 

2° que les ouvrages existants sur le territoire d'une ou de plusieurs de ces municipalités soient utilisés, ou

 

3° que le service soit fourni en tout ou en partie par une municipalité à l'autre ou aux autres. [Je souligne.]

 

Coût.

 

Dans tous ces cas, le ministre peut établir le coût et la répartition du coût des ouvrages et des frais d'entretien et d'exploitation et le mode de paiement ou fixer l'indemnité, périodique ou non, payable pour l'usage des ouvrages ou pour le service fourni par une municipalité. [Je souligne.]

 

[...]

 

Règlements.

 

46.  Le gouvernement peut adopter des règlements pour:

 

[...]

 

c) déterminer, pour toute catégorie de contaminant ou de source de contamination, la quantité ou la concentration maximale dont le rejet est permis dans l'eau soit pour l'ensemble du territoire, soit pour une région, un cours d'eau à débit régulier ou intermittent, un lac, un étang, un marais, un marécage, une tourbière ou une étendue d'eau souterraine;

 

d) déterminer des normes de qualité pour toute source d'alimentation en eau et des normes d'exploitation pour tout service d'aqueduc, d'égout ou de traitement des eaux;

 

[...]

 

g) déterminer le mode d'évacuation et de traitement des eaux usées;

 

[...]

 

l) déterminer des normes de construction en matière de systèmes d'aqueduc, d'égout et de traitement des eaux;

 

[...]

 

Argument de l'appelante

 

[20]    L'avocat de l'appelante soutient que la CUO, de par sa loi constituante (LCUO), a l'obligation de recevoir les eaux usées des municipalités et de les traiter avant de retourner l'eau assainie à la rivière. La CUO a pris l'initiative de commercialiser les boues séchées résultant du processus d'assainissement des eaux usées. L'appelante reconnaît que la production de granules intervient seulement à la fin du processus d'assainissement et que le coût associé à cette activité commerciale ne constitue qu'un pourcentage peu élevé du coût total d'opération de l'usine d'épuration des eaux usées. Toutefois, si l'on considère que la CUO n'effectue aucune fourniture exonérée après avoir reçu les eaux usées, tel que le prétend l'appelante, le coût d'opération de l'usine d'épuration fait ainsi partie du processus complet pour obtenir en bout de ligne la fabrication de granules d'engrais, et le tout constitue donc une activité commerciale, donnant droit à des CTI.

 

[21]    De l'avis de l'appelante, la CUO n'effectue aucune fourniture exonérée par l'application de l'alinéa 28c) de la partie VI de l'annexe V de la LTA. En effet, cet alinéa prévoit que les fournitures entre une municipalité régionale (la CUO) et ses municipalités locales (Hull, Gatineau, Aylmer) sont des fournitures exonérées. Or pour avoir une fourniture, il faut dans ce cas-ci, qu'il y ait prestation de services par la CUO au profit des trois municipalités qui acquièrent ces services (voir définition de « fourniture » et d'« acquéreur » à l'article 123 de la LTA). Selon l'appelante, en retournant l'eau assainie dans la rivière, la CUO ne rend aucun service aux trois municipalités. Selon elle, dès le moment où la propriété des eaux usées est transférée à la CUO, les municipalités n'attendent plus rien de la CUO, puisque ces eaux ne leur sont pas retournées. Ces eaux sont assainies pour le bien‑être de la collectivité, en vertu d'une obligation qui est dévolue à la CUO de par la LCUO.

 

[22]    Par ailleurs, en ce qui concerne le traitement des boues, celles-ci deviennent la propriété de la CUO, qui soit les enfouit, soit les commercialise. Ces boues ne sont pas retournées aux trois municipalités et la CUO ne leur rend aucun service en traitant et valorisant les boues de la façon dont elle l'entend. L'appelante soutient que tout le processus enclenché pour assainir les eaux et en retirer des boues commercialisables est indivisible.

 

[23]    La somme approximative de neuf millions de dollars versée annuellement par les trois municipalités représente le coût pour ces dernières pour se départir de leurs eaux usées, selon la méthode prévue à l'article 120 de la LCUO. Il ne s'agit toutefois pas d'une considération versée pour l'assainissement des eaux usées, puisque cette opération est du ressort de la CUO, laquelle opération est entreprise pour le bien-être de la collectivité.

 

Argument de l'intimée

 

[24]    L'intimée est plutôt d'avis que la CUO fournit un service d'assainissement des eaux aux trois municipalités moyennant une contrepartie prévue à l'article 120 de la LCUO. Cette contrepartie est basée sur une répartition des dépenses selon le volume d'eau acheminé à l'usine d'épuration des eaux. Les trois municipalités veulent faire assainir leurs eaux usées et c'est la CUO qui a compétence pour le faire. La CUO rend donc ce service aux trois municipalités. Le fait que l'eau assainie ne leur soit pas retournée par la suite ou que la CUO ait décidé de commercialiser les boues séchées provenant de l'assainissement des eaux, ne change rien au fait que cette dernière a d'abord rendu un service aux trois municipalités qui ont accepté de payer le prix établi par la CUO pour l'épuration de leurs eaux usées. Ce service constitue une fourniture exonérée au sens de l'alinéa 28c) de la partie VI de l'annexe V de la LTA. Les matières premières utilisées par la CUO pour fabriquer les granules d'engrais ne sont pas les eaux usées qu'elle reçoit, mais les boues retirées suite à l'assainissement des eaux usées. Le service d'assainissement des eaux doit donc être considéré à part tout comme on a considéré à part la collecte des matières recyclables (fourniture exonérée) dans le cadre de l'opération de tri des matières recyclables (qui en soi constitue une activité commerciale) dans Montréal (Ville) c. Canada, [2003] G.S.T.C. 131 (C.C.I.). De même, devait être considéré séparément la construction d'un complexe immobilier pour loger des employés en vertu d'une réglementation municipale (fourniture exonérée) dans le cadre de la construction d'un complexe hôtelier (cette dernière opération constituant une activité commerciale) (voir 398722 Alberta Ltd. c. Canada, [2000] A.C.F. no 644 (C.A.F.) (Q.L.)).

 

[25]    Selon l'intimée, dès qu'il y a contrepartie (ce qui est le cas ici en vertu de la LCUO), il y a une fourniture au sens de la LTA. Cette fourniture est l'assainissement des eaux par la CUO. Ceci est logique puisque les villes transfèrent leurs eaux usées à l'usine d'épuration des eaux de la CUO et non pas à une usine de granulation des boues et engrais. C'est le processus d'épuration qui génère les déchets, que l'on enfouit ou que l'on valorise par la suite. Selon l'intimée, il est clair que les trois municipalités ont payé la somme approximative annuelle de neuf millions de dollars pour que la CUO procède à l'assainissement des eaux et non pas simplement pour recevoir ces eaux sans offrir le service d'assainissement.

 

[26]    Puisque ce service d'assainissement est effectué par la CUO pour les trois municipalités, il s'agit donc d'une fourniture exonérée. Le Ministre avait donc raison de ne pas accorder des CTI à l'appelante relativement à la taxe qu'elle a payée sur les biens et services acquis pour l'exploitation de son usine d'épuration des eaux usées, avant d'arriver au processus de granulation, qui lui, en tant qu'activité commerciale, donne droit à des CTI de l'ordre de 8 399,10 $ pour la période en litige.

 

Analyse

 

[27]    Je suis du même avis que l'intimée. Il ressort en effet de la législation provinciale sur la qualité de l'environnement, et plus particulièrement sur l'assainissement des eaux, que toute les municipalités doivent respecter les mesures mises en place par le gouvernement provincial en vue de protéger l'environnement et d'atteindre des objectifs en matière de qualité de l'environnement. L'alinéa 31e.1) de la Loi sur la qualité de l'environnement prévoit également que ces municipalités peuvent être tenues au paiement des droits ou redevances pour l'exécution de ces mesures.

 

[28]    L'article 35 de la Loi sur la qualité de l'environnement prévoit, entre autres, que le ministre de l'Environnement peut ordonner que le service de traitement des eaux puisse être fourni, en tout ou en partie, par une municipalité à l'autre ou aux autres municipalités. Dans ce cas, le ministre peut établir le coût et la répartition du coût des ouvrages et des frais d'entretien et d'exploitation et le mode de paiement payable pour le service fourni par une municipalité. On ne peut avoir un texte législatif plus clair. Le législateur parle spécifiquement d'un service de traitement des eaux (ou autre) fourni par une municipalité à d'autres municipalités, dans le cadre d'une politique gouvernementale d'assainissement des eaux.

 

[29]    C'est précisément ce que prévoit la LCUO. À l'article 113, il est stipulé que la CUO peut, par règlement, établir des normes minimales pour l'ensemble de son territoire (lequel couvre celui des trois municipalités en question ici) relativement aux méthodes d'exécution de tous ouvrages de traitement d'eau. Ces règlements sont obligatoires pour toutes municipalités de son territoire. De plus, l'article 116 prévoit que la CUO peut, par règlement, décréter l'exécution de travaux relatifs aux usines ou ouvrages de traitement d'eau destinés à desservir le territoire de plus d'une municipalité. Également, l'article 118 prévoit que la CUO peut, par règlement, acquérir, avec l'approbation du ministre de l'Environnement, la propriété de toute usine ou ouvrage de traitement d'eau ou de toute conduite de transport appartenant à une municipalité dont le territoire est compris dans celui de la CUO et desservant ou pouvant desservir le territoire d'une ou de plus d'une telle municipalité. Dans ces cas, les dépenses de la CUO sont réparties entre les municipalités en proportion de leur volume respectif d'eaux déversées quant aux dépenses se rapportant à l'assainissement des eaux (article 120 de la LCUO).

 

[30]    Il ressort donc clairement de la législation précitée, que les trois municipalités de Hull, Aylmer et Gatineau, telles qu'elles existaient alors, ont versé la somme annuelle globale de neuf millions de dollars à la CUO, selon leur quote-part respective, en vue que celle-ci procède à l'assainissement de leurs eaux usées. Chaque municipalité devait respecter les lois environnementales et chaque municipalité a ainsi versé sa quote‑part pour que la CUO procède à l'assainissement de leurs eaux respectives. Dans l'affaire Commission scolaire Des Chênes c. La Reine, [2001] F.C.J. no 1559, la Cour d'appel fédérale mentionnait que pour constituer une contrepartie, un paiement doit découler d'une obligation juridique et doit être suffisamment relié à une fourniture pour être considéré comme ayant été effectué pour cette fourniture (selon la définition de « fourniture » à l'article 123 de la LTA). À mon avis, l'on peut dire dans la présente instance que les trois municipalités ont versé une contrepartie pour la fourniture d'un service, au sens de la LTA, lequel service s'étend bien au‑delà du simple transfert des eaux usées à la CUO, telle que le prétend l'appelante.

 

[31]    Je conclus donc que, le paiement par les trois municipalités de neuf millions de dollars par année à la CUO, est directement lié au service d'assainissement des eaux rendu par cette dernière. D'ailleurs, les trois municipalités n'ont pas eu à payer la TPS sur cette somme. Ce qui est un élément de plus démontrant que toutes les parties en cause considéraient que le service d'assainissement des eaux rendu par la CUO était une fourniture exonérée.

 

[32]    Quant à la question de savoir où cesse le service rendu par la CUO aux municipalités d'assainir leurs eaux, et où débute le processus de commercialisation des boues, je considère que l'appelante ne m'a pas apporté d'éléments suffisants pour me permettre de conclure que le calcul de l'intimée est erroné. En effet, monsieur Nadeau a expliqué lors de son témoignage que seules les étapes du dégrillage fin (qui se passe au tout début du processus d'assainissement des eaux) et de la granulation (laquelle se produit à la toute fin) ont été ajoutées au processus d'épuration des eaux déjà existant. Par ailleurs, il ressort aussi de la preuve que l'assainissement des eaux inclut le traitement des boues puisque même avant que la CUO ne commence à commercialiser les boues, il fallait traiter ces boues avant de les enfouir. D'autant plus que Le Petit Larousse Illustré (1998) définit le terme « assainissement » de cette façon :

 

assainissement: [...] 2. Ensemble de techniques d'évacuation et de traitement des eaux usées et des boues résiduaires.

 

[33]    Il ressort aussi du témoignage de monsieur Nadeau, que l'usine d'épuration comportait déjà toutes les étapes qu'il a décrites (à l'exception du dégrillage fin et de la granulation) avant que l'on ne commercialise les granules d'engrais. Le processus complet était nécessaire afin de pouvoir enfouir les boues. Encore maintenant, il y a entre 13 et 27 pour cent des boues qui ne sont pas transformées, mais qui sont enfouies.

 

[34]    Par ailleurs, l'avocat de l'appelante a reconnu lui-même dans son argument que la production de granules intervient seulement à la fin du processus d'assainissement et que le coût associé à cette activité commerciale ne constitue qu'un pourcentage peu élevé du coût total d'opération de l'usine d'épuration des eaux usées. Bien que monsieur Nadeau ait mentionné que les eaux usées étaient la matière première pour la fabrication ultime des granules, ceci ne change pas le fait que les municipalités devaient s'engager à assainir leurs eaux usées. Comme je l'ai dit plus haut, la CUO leur rendait ce service. Ce n'est qu'une fois le processus d'assainissement rendu fonctionnel, que la CUO a décidé de commercialiser les boues décantées par suite du processus d'assainissement des eaux. La CUO avait le choix d'enfouir ces boues ou de les commercialiser sous forme de granules. À mon avis, c'est à partir de ce moment seulement, une fois les boues décantées et prêtes à passer au processus de granulation, que l'activité commerciale de la CUO commence et pas avant.

 

[35]    Je suis d'avis que l'affaire Midland Hutterian Brethren c. Canada, [2000] A.C.F. no 2098 (Q.L.), citée par l'avocat de l'appelante, ne peut être appliquée dans le contexte de la présente cause. Dans l'affaire Midland Hutterian Brethren, le Ministre avait refusé des CTI à l'égard du prix d'achat d'un tissu utilisé pour fabriquer des vêtements de travail à l'usage de ses membres dans le cadre de son exploitation agricole. Le litige portait sur la question de savoir si le tissu avait été acquis par cette colonie communautaire pour une utilisation au moins partielle dans le cadre de son exploitation agricole. Les CTI réclamés sur le tissu de travail avaient été refusés au motif que ce tissu n'avait pas été acquis pour utilisation dans le cadre de l'activité commerciale, mais principalement pour usage personnel. La Cour d'appel fédérale s'est penchée sur la proximité entre la dépense et l'activité commerciale comme telle. Dans un jugement majoritaire, la Cour a spécifié qu'une fois qu'un article est jugé avoir été acquis et utilisé dans le cadre des activités commerciales d'un inscrit à la TPS, et que cet article contribue directement ou indirectement à la production d'articles ou à la fourniture de services imposables, il y aurait alors un droit aux CTI en vertu du paragraphe 169(1) de la LTA. La Cour devait conclure que le tissu en question contribuait aux activités commerciales de la communauté coloniale, en ce qu'il faisait faire des économies à long terme. Étant donné que l'intimée avait déjà concédé que l'acquisition d'autres articles, tels les gants et les bottes de travail, donnaient droit à des CTI, on a décidé que le lien avec le tissu de travail en cause n'était pas trop indirect.

 

[36]    Dans la présente instance, j'en arrive à la conclusion que l'activité commerciale ne commence qu'une fois le processus d'assainissement terminé. J'estime que ce n'est qu'une fois les boues extraites à la fin du processus d'assainissement (après la centrifugation), que les boues sont décantées et propices à faire des granules d'engrais, que l'on peut dire que débute le processus de granulation, et l'activité commerciale en soi. Tout le processus d'épuration des eaux incluant l'extraction des boues, fait partie du service d'assainissement des eaux qui est rendu par la CUO aux trois municipalités, en considération de la somme annuelle de neuf millions de dollars. Comme je l'ai dit plus haut, il s'agit là d'une fourniture exonérée au sens de l'alinéa 28c) de la partie VI de l'annexe V de la LTA. Les fournitures acquises dans le cadre de l'assainissement et de l'extraction des boues ne sont donc pas acquises dans le cadre d'une activité commerciale. De fait, la définition d'activité commerciale à l'article 123 de la LTA stipule bien qu'une activité commerciale est l'exploitation d'une entreprise sauf dans la mesure où l'entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées.

 

[37]    Dans 398722 Alberta Ltd., précité, la Cour d'appel fédérale s'exprimait ainsi aux paragraphes 21 et 22 :

 

 21     [...]

 

Il échet donc d'examiner si l'entreprise de l'intimée comporte, de quelque façon que ce soit, la réalisation de fournitures exonérées.

 

 22      Toute entreprise peut consister en plusieurs éléments, dont chacun fait partie intégrante de l'ensemble. La définition d'"activité commerciale" prend en compte cette possibilité mais pose, aux fins de la TPS, que tout élément de l'entreprise qui consiste dans la réalisation de fournitures exonérées soit considéré à part. [...]

 

[38]    Comme dans le cas particulier qui nous concerne, l'assainissement des eaux usées constitue une fourniture exonérée, cette activité doit être considérée à part et ne fait pas partie de l'activité commerciale de vente de granules. Tous les coûts reliés au service d'assainissement des eaux avant d'en arriver à la granulation, sont donc des coûts associés à une fourniture exonérée, qui ne peuvent donner droit à des CTI. En effet, ces coûts ne sont pas engagés dans le cadre d'une activité commerciale, mais dans le cadre d'une fourniture exonérée.

 

[39]    Par ailleurs, je suis consciente que depuis le 1er janvier 2002, la CUO n'existe plus et que c'est la nouvelle ville de Gatineau qui assume le processus d'assainissement des eaux de par sa nouvelle loi constituante. Par le fait même, l'alinéa 28c) de la partie VI de l'annexe V de la LTA n'a plus d'application, puisque ce service n'est pas rendu par la nouvelle ville de Gatineau pour d'autres municipalités. Toutefois, ceci ne change pas la législation telle qu'elle existait auparavant.

 

[40]    Je considère donc que l'appelante n'a pas démontré selon la prépondérance des probabilités, que la cotisation sous appel est non fondée.

 

[41]    L'appel est rejeté avec frais.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de mai 2005.

 

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


 

 

RÉFÉRENCE :

2005CCI358

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2002-3517(GST)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Ville de Gatineau (Communauté urbaine de l'Outaouais) c. La Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 23 septembre 2004

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 20 mai 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant(e) :

Me Michael Kaylor

 

Pour l'intimé(e) :

Me Benoît Denis

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

 

Pour l'appelant(e) :

 

Nom :

Me Michael Kaylor

 

Étude :

Lapointe Rosenstein

 

Pour l'intimé(e) :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 

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