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Dossier : 2001‑2915(EI)

 

ENTRE :

 

LE MINISTÈRE DES SERVICES FAMILIAUX ET COMMUNAUTAIRES,

 

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

 

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Requête entendue le 10 décembre 2002 à Fredericton (Nouveau‑Brunswick)

 

Devant : L’honorable juge en chef Alban Garon

 

Comparutions

 

Avocats de l’appelant :

Me Cedric L. Haines, c.r. et

Me Vicky Smith

 

Avocate de l’intimé :

Me Dominique Gallant

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

          Vu la requête présentée par l’intimé afin d’obtenir une ordonnance rejetant l’appel pour le motif que l’appelant n’est pas une personne que concerne la décision sur un appel comme le prévoit le paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi;

 

          Et vu les allégations des parties;

 

          La Cour ordonne que la requête de l’intimé soit rejetée.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de février 2003.

 

 

« Alban Garon »

J.C.C.C.I.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de mars 2004.

 

 

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice


 

 

 

 

 

 

Référence : 2003CCI41

Date : 20030213

Dossier : 2001‑2915(EI)

 

ENTRE :

 

LE MINISTÈRE DES SERVICES FAMILIAUX ET COMMUNAUTAIRES,

 

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge en chef GARON, C.C.I.

 

[1]     Il s’agit d’une demande qu’a présentée l’intimé afin d’obtenir une ordonnance rejetant l’appel pour le motif que le ministère des Services familiaux et communautaires [TRADUCTION] « n’est pas une personne que concerne la décision sur un appel comme le prévoit le paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance-emploi ». 

 

[2]     La présente demande concerne un appel qu’a interjeté l’appelant en juin 2001 dont la question en litige consiste à déterminer si Mme Joyce Bernard, la « travailleuse », exerçait un emploi assurable en vertu d’un contrat de louage de services auprès de Mme Violet Sergeant, la « payeuse », pendant la période du 28 juin au 31 octobre 2000.

 

[3]     Selon les faits relatifs au présent appel, l’appelant a accordé en l’espèce une aide financière mensuelle à Mme Violet Sergeant ou à un membre désigné de sa famille pendant la période susmentionnée, ce qui a permis à Mme Joyce Bernard de fournir les services requis à Mme Violet Sergeant, ci‑après appelée la cliente. La contribution de la cliente au coût lié à la prestation de services de soin de longue durée avait été établie à zéro en raison du revenu et de l’avoir familial net de la cliente. Cette aide financière qu’a accordée l’appelant a permis à Mme Violet Sergeant de demeurer à la maison et de recevoir des services d’aide visant à répondre à ses besoins.  

 

[4]     Selon le ministre du Revenu national, le paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») doit être lu conjointement avec les articles 90, 91 et 92 de cette même loi. Il a fait également valoir que l’appelant n’était pas une personne que concerne la décision aux termes de l’article 103 de la Loi.

 

[5]     Selon l’appelant, le paragraphe 103(1) de la Loi parle de lui‑même, et l’on devrait donner à l’expression « que concerne » son sens ordinaire.

 

Analyse

 

[6]     Afin de déterminer, en termes de catégorie de personnes, la portée du droit d’interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt prévu au paragraphe 103(1) de la Loi, il semble utile d’examiner l’ensemble de l’économie de la Loi concernant les décisions et les appels en se référant aux décisions en matière d’assurabilité rendues en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi.

 

[7]     Tout d’abord, l’article 90 de la Loi prévoit que la Commission et quatre catégories de personnes peuvent demander à un fonctionnaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada autorisé par le ministre du Revenu national de rendre une décision sur l’une ou l’autre des questions énumérées au paragraphe 90(1) de la Loi.

 

[8]     Ces quatre catégories de personnes sont les suivantes :

 

                   l’employeur;

                   l’employé;

                   une personne prétendant être un employeur;

                   une personne prétendant être un employé.

 

[9]     Le fonctionnaire autorisé de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) est tenu de rendre une décision dans un délai raisonnable suivant la demande, tel que le prévoit le paragraphe 90(3) de la Loi.

 

[10]    Quant à l’article 91 de la Loi sur l’assurance‑emploi, il prévoit un droit de porter en appel la décision qu’a rendue le fonctionnaire autorisé de l’ADRC, devant le ministre du Revenu national, dans un délai prescrit. Ce droit d’interjeter appel est accordé à la Commission ou à « tout autre intéressé ». 

 

[11]    L’article 92 de la Loi prévoit qu’un employeur qui a fait l’objet d’une évaluation en vertu de l’article 85 de la Loi peut interjeter appel devant le ministre.

 

[12]    En outre, lorsque le ministre doit rendre une décision à l’égard d’un appel, l’article 93 de la Loi exige qu’il notifie son intention à « toute autre personne pouvant être concernée » par son éventuelle décision. Il doit également donner à ces personnes « la possibilité de fournir des renseignements et de présenter des observations pour protéger leurs intérêts ».

 

[13]    Enfin, l’article 103 de la Loi permet d’interjeter appel à l’encontre de la décision du ministre devant la Cour canadienne de l’impôt dans un délai prescrit. Ce droit d’interjeter appel est conféré à la Commission ou à toute « personne que concerne » la décision du ministre.

 

[14]    Il est également à noter que le paragraphe 104(1) de la Loi est notamment promulgué de manière à ce que la Cour canadienne de l’impôt et le ministre aient le pouvoir de décider toute question de droit ou de fait qu’il est nécessaire de décider pour rendre une décision au titre de l’article 91 ou 103 de la Loi, y compris le pouvoir de décider « si une personne est ou peut être concernée par la décision ou l’évaluation ».

 

[15]    Si l’on examine la question relative aux catégories de personnes qui ont le droit de présenter une demande de décision ou celles qui ont le droit d’interjeter appel devant la présente Cour, et si l’on compare le libellé de l’article 90 avec celui de l’article 103, il semble évident que, d’une part, le droit de demander à un fonctionnaire autorisé de l’ADRC de rendre une décision se limite à la Commission et à quatre catégories de personnes précises, comme il a été mentionné précédemment, et que, d’autre part, l’article 103 accorde le droit d’interjeter appel à la Commission ou à toute autre personne pouvant être « concernée » par une décision.

 

[16]    De même, si l’on examine l’article 91 de la Loi qui traite du droit d’interjeter appel à l’encontre d’une décision devant le ministre, ce droit est accordé à « tout autre intéressé ». De plus, le ministre est tenu de notifier son intention en vertu de l’article 93 de la Loi à toute autre personne « pouvant être concernée » par son éventuelle décision et de donner à ces personnes « la possibilité de fournir des renseignements et de présenter des observations pour protéger leurs intérêts ». En outre, l’article 104 accorde au ministre et à la Cour canadienne de l’impôt le pouvoir de décider « si une personne est ou peut être concernée par la décision ou l’évaluation ».

 

[17]    Après avoir examiné attentivement ces dispositions, il est donc évident que le droit d’interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt ne se limite pas à la Commission et aux quatre catégories de personnes énumérées à l’article 93 de la Loi. Si le législateur avait eu l’intention de limiter le droit d’interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt à la Commission et aux quatre catégories de personnes mentionnées à l’article 93(1) de la Loi, il aurait été facile de le préciser. Bien entendu, on doit prétendre que le législateur, en utilisant des termes très généraux, notamment une personne que concerne, à l’article 103 de la Loi, a dû avoir l’intention d’accorder le droit d’interjeter appel devant la présente Cour, selon les circonstances de chaque cause, à d’autres catégories de personnes qui ne sont pas visées par les quatre catégories précises dont il est fait mention à l’article 90 de la Loi. Dans le cas contraire, le législateur aurait employé le même langage. De même, les termes utilisés au paragraphe 103(1) de la Loi, soit « toute personne [...] concernée » par la décision du ministre, devraient être interprétés selon leur sens habituel et inclure, par exemple, toute personne ou entité que l’éventuelle décision que rendra la Cour canadienne de l’impôt concernera financièrement d’une manière directe. En outre, je suis convaincu que l’économie de la Loi visant à accorder, dans certaines circonstances, le droit d’interjeter un appel devant la présente Cour à des personnes qui pourraient ne pas demander une décision en vertu de l’article 90 de la Loi, ne donnerait pas lieu à quelque absurdité que ce soit ou à des résultats non voulus.

 

[18]    Dans l’affaire en l’espèce, l’éventuelle décision de la Cour canadienne de l’impôt concernera directement le gouvernement provincial du Nouveau‑Brunswick ou, plus particulièrement, l’appelant. En effet, il n’est pas contesté que l’appelant était en réalité le payeur. Comme il a été mentionné précédemment, l’aide financière qu’avait accordée l’appelant avait servi à l’achat de services de soutien à domicile de manière à permettre à Mme Violet Sergeant de demeurer à la maison.

 

[19]    Je conviens que le sens que l’on doit attribuer au syntagme « une personne pouvant être concernée » ne doit pas être trop général, sinon les syndicats, les organismes sociaux et de nombreuses autres personnes se verront accorder le droit d’interjeter appel à l’encontre de la décision. C’est ce que l’on appelle « l’argument de l’avalanche des poursuites ». Cependant, le sens que l’on donne à la phrase susmentionnée ne devrait pas s’entendre uniquement de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada et des quatre catégories de personnes dont il est fait mention à l’article 90 de la Loi, et ce, pour les motifs énoncés précédemment. De plus, il me semble que ce ne soit pas anormal d’étendre la portée du syntagme « une personne pouvant être concernée » pour déterminer si elle vise l’entité gouvernementale qui fournit tous les fonds nécessaires à l’appui de ce programme en particulier et qui paie directement la personne (ou un membre de la famille désigné) qui requiert les services et qui, à son tour, paie la personne qui lui fournit lesdits services. 

 

[20]    Par conséquent, je conclus que l’appelant tombe dans le champ d’application de l’article 103 de la Loi et qu’il était une personne que concernait la décision qu’a rendue la présente Cour.

 

[21]    Pour ces motifs, la requête est rejetée.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de février 2003.

 

 

 

 

« Alban Garon »

J.C.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de mars 2004.

 

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice

 


 

 

 

 

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