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Dossier : 2001-1805(EI)

ENTRE :

CLAUDETTE DECHAMPLAIN,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

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Appel entendu le 28 octobre 2002 à Matane (Québec)

 

Devant : L'honorable juge suppléant S.J. Savoie

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Gaétan Gauthier

 

Avocate de l'intimé :

Me Marie-Claude Landry

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JUGEMENT

 

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 31e jour de mars 2003.

 

 

 

« S.J. Savoie »

J.S.C.C.I.


 

 

 

Référence : 2003CCI128

Date : 20030331

Dossier : 2001-1805(EI)

ENTRE :

CLAUDETTE DECHAMPLAIN,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Savoie, C.C.I.

 

[1]     Cet appel a été entendu à Matane (Québec), le 28 octobre 2002.

 

[2]     Il s'agit d'un appel portant sur l'assurabilité de l'emploi de l'appelante lorsqu'au service de Robert Lévesque, le payeur, durant les périodes en litige, soit du 2 août au 29 novembre 1997, du 4 mai au 2 octobre 1998, du 31 mai au 16 octobre 1999 et du 1er mai au 25 août 2000.

 

[3]     Le 16 février 2001, le ministre du Revenu national (le «Ministre»), informait l'appelante de sa décision selon laquelle cet emploi n'était pas assurable, durant les périodes en litige, car il était d'avis, après avoir examiné les conditions et les modalités de l'emploi, qu'un contrat de travail à peu près semblable n'aurait pas été conclu s'il n'y avait pas eu de lien de dépendance entre elle et le payeur. Il informait l'appelante, en outre, que cet emploi n'était pas assurable parce qu'il ne rencontrait pas les exigences d'un contrat de louage de services.

 

[4]     La décision du Ministre est basée sur les hypothèses de fait suivantes énoncées au paragraphe 8 de sa Réponse à l'avis d'appel :

 

a)         Durant les périodes en litige, l'appelante et le payeur étaient conjoints de fait.

 

b)         Le 14 mai 1997, l'appelante et le payeur ont acheté la « Cantine 3 Dimensions ».

 

c)         Le prix d'achat était de 57 000 $.

 

d)         Initialement, le permis d'exploitation de la cantine était au nom de l'appelante et du payeur; le 12 août 1997, l'appelante a fait retirer son nom du permis d'exploitation afin de pouvoir bénéficier de l'assurance‑emploi.

 

e)         Antérieurement à l'achat de la cantine, l'appelante y avait travaillé pendant 3 saisons comme cuisinière.

 

f)          La cantine possédait un comptoir et quelques tables à l'extérieur ainsi que 4 tables à l'intérieur.

 

g)         En 1997, l'appelante travaillait comme gérante de l'établissement; le payeur travaillait à l'extérieur et l'appelante s'occupait de tout.

 

h)         Le payeur a été victime d'un accident d'automobile le 20 mars 1998 et est devenu invalide (il ne pouvait plus marcher); il a confié la pleine gérance de la cantine à l'appelante depuis cette date.

 

i)          Durant les périodes en litige, l'appelante s'occupait des achats, de la préparation des repas et de la supervision des employés de l'établissement.

 

j)          L'appelante prétend qu'elle travaillait toujours 40 heures par semaine alors qu'elle n'avait aucun horaire de travail à respecter et que ses heures n'étaient pas comptabilisées.

 

k)         L'appelante rendait des services bénévolement à l'établissement; elle a rendu des services en dehors des périodes en litige afin de pouvoir retirer des prestations d'assurance-emploi.

 

l)          Durant les période en litige, l'appelante recevait un prétendu salaire de 8,50 $ l'heure en 1997 et 1998 et 9,00 $ par la suite, pour 40 heures par semaine.

 

m)        Durant les périodes en litige, l'appelante était parfois payée par chèque, parfois en argent liquide directement du tiroir-caisse de la cantine.

 

 

n)         Dans une déclaration assermentée datée du 29 septembre 2000, l'appelante reconnaissait que les relevés d'emploi pour les périodes en 1999 et 2000 étaient faux quant aux périodes réellement travaillées.

 

o)         Le 20 septembre 2000, l'appelante cédait, par acte notarié, sa participation dans la « Cantine 3 Dimensions ».

 

[5]     L'appelante a admis les hypothèses du Ministre énoncées aux alinéas a) à c), e), f), l), m) et o) et nié, tel que rédigé, les alinéas d), g) à k) et n).

 

[6]     Il est important de noter que l'appelante s'est contentée, sans plus, de nier certaines hypothèses du Ministre sur lesquelles il a fondé sa décision. Il est donc permis de conclure que ces hypothèses du Ministre, dont on n'a pas prouvé la fausseté, sont avérées, selon le principe établi par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Elia c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1998] A.C.F. no 316.

 

[7]     Par contre, la preuve recueillie à l'audience et les déclarations statutaires produites en preuve par la procureure du Ministre établissent les faits suivants :

 

1.       Au cours des périodes visées, l'appelante était sociétaire à part égale avec monsieur Robert Lévesque, le payeur.

 

2.       Elle a travaillé à la cantine comme gérante du 4 mai au 2 octobre 1998. En 1999, elle a travaillé du 31 mai au 28 août. Par la suite, elle a travaillé bénévolement jusqu'à la fermeture vers le 16 octobre. Elle a aussi travaillé bénévolement aux heures des repas pour vérifier le commerce, tout en recevant ses prestations d'assurance‑emploi.

 

3.       Elle a été inscrite au livre des salaires le 4 juin 2000, mais elle travaillait déjà bénévolement aux heures des repas depuis le début mai, sans toutefois recevoir ses prestations d'assurance‑emploi. Elle n'a pas déclaré son travail bénévole sur ses cartes de chômage et elle a fait de fausses déclarations.

 

4.       L'appelante contrôlait son horaire de travail et remettait ses heures à la comptable madame Lucette Algerson pour les inscrire au registre des salaires.

 

5.       Elle a souvent été payée comptant à même la caisse de la cantine. Elle a toujours géré la cantine puisque le payeur occupait un travail à temps plein comme concierge jusqu'en 1998 alors qu'il a été blessé dans un accident d'automobile.

 

6.       Elle a reconnu que ses relevés d'emploi concernant le premier et le dernier jour de travail sont faux.

 

7.       Elle était la seule signataire autorisée sur les chèques de l'entreprise.

 

8.       L'appelante n'a reçu aucune compensation, sauf 1,00 $, de monsieur Robert Lévesque lorsqu'elle lui a cédé ses parts dans l'entreprise en septembre 2000. Dans les faits, la cantine était la propriété des deux pendant toutes les périodes en litige.

 

9.       À l'achat de la cantine, les acheteurs, monsieur Lévesque et l'appelante, ont déboursé la somme de 11 000 $, à même leur compte conjoint.

 

10.     Le payeur, monsieur Lévesque, ignorait tout sur les revenus de la cantine; c'est l'appelante et la comptable qui s'occupaient de cela.

 

[8]     L'appelante a soutenu qu'en dépit de la documentation produite en preuve qui confirmait l'acquisition du commerce et les garanties signées par elle et son conjoint, elle ne se considérait pas propriétaire. Elle affirme que son conjoint, le payeur, est celui qui décidait tout, et qu'elle n'avait qu'à signer. Elle ajoute que c'est la raison pour laquelle elle a vendu sa part du commerce au payeur pour la somme d'un dollar en septembre 2000.

 

[9]     Cependant les documents produits en preuve portent bien sa signature, obtenue librement, tel qu'attesté par Me Nadine Rioux, notaire, qui a témoigné à l'audition. La preuve a révélé, en outre, que l'appelante a signé à titre de caution solidaire avec monsieur Robert Lévesque pour garantir l'hypothèque contractée pour l'achat de la cantine.

 

[10]    Au paragraphe 9 de sa Réponse à l'avis d'appel, le Ministre expose les dispositions statutaires sur lesquelles il s'est appuyé dans l'exercice de ses fonctions en vertu du paragraphe 93(3) de la Loi sur l'assurance-emploi (la «Loi»). Il s'est appuyé, inter alia, sur l'alinéa 5(1)a) et les paragraphes 2(1) et 93(3) de cette Loi. En d'autres termes, le Ministre soutient que l'appelante n'occupait pas un emploi assurable au sens de la Loi, pendant les périodes en litige, puisque, pendant ces périodes, elle exploitait sa propre entreprise. L'article 2186 du Code civil du Québec définit le contrat de société de la façon suivante :

 

Le contrat de société est celui par lequel les parties conviennent, dans un esprit de collaboration, d'exercer une activité, incluant celle d'exploiter une entreprise, d'y contribuer par la mise en commun de biens, de connaissances ou d'activités et de partager entre elles les bénéfices pécuniaires qui en résultent.

 

[11]    Cette Cour a eu à se prononcer dans une cause semblable à celle sous étude dans l'arrêt Parent c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [1999] A.C.I. no 83. Sous la plume du juge Archambault la Cour statuait ce qui suit, au paragraphe 38 :

 

[...] La société de personnes n'est pas considérée comme possédant une personnalité distincte de celle de ses associés, contrairement aux sociétés par actions. L'entreprise de la société de personnes est celle des associés. Les actifs de la société appartiennent aux associés. C'est donc pour lui-même que monsieur François Parent travaillait. Le travail qu'il a fait n'était donc pas accompli sous la direction ou le contrôle d'une autre personne tel que l'exige l'article 2085 du C.c.Q. Par conséquent, il n'existait pas de contrat de travail entre monsieur Parent et Société DN.

 

[12]    La juge Lamarre de cette Cour dans l'affaire Carpentier c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [1996] A.C.I. no 502 reprenait la même idée en s'exprimant en ces termes :

 

Compte tenu des caractéristiques rattachées à un contrat de société tant sous le C.c.B.C. que sous le C.c.Q. et les critères retenus par la jurisprudence pour établir l'existence d'un contrat de louage de services, il m'apparaît évident qu'un associé ne peut être l'employé de sa propre société. Puisque en tant qu'associé, il participe aux prises de décision de la société dans la poursuite de l'objectif commun de la société, qu'il en partage les profits et les pertes, il en est automatiquement le maître et ne peut donc agir en même temps à titre de subalterne pour lui-même et ce, même s'il y a plusieurs associés.

 

[13]    À l'examen de la preuve présentée, il m'apparaît approprié de conclure que le constat du Ministre que l'appelante exploitait sa propre entreprise a été confirmé. Elle ne pouvait donc pas être une employée de sa propre entreprise en vertu de la Loi, du Code civil du Québec et de la jurisprudence précitée.

 

[14]    En regard de ce qui précède, en particulier la preuve recueillie, les admissions de l'appelante, les hypothèses du Ministre non réfutées, les contradictions entre la preuve à l'audition et les déclarations précédentes, cette Cour ne voit aucunement le bien-fondé d'intervenir à l'encontre de la décision du Ministre.

 

[15]    En outre, cette Cour est d'avis que même si elle avait conclu à l'existence d'un contrat de louage de services, elle aurait jugé non assurable l'emploi de l'appelante pour le motif qu'il existait entre elle et le payeur un lien de dépendance selon l'alinéa 5(2)i), le paragraphe 5(3) de la Loi et les articles 251 et 252 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

[16]    Pour tous ces motifs, l'appel est rejeté et la décision du Ministre est confirmée.

 

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 31e jour de mars 2003.

 

 

 

 

 

« S.J. Savoie »

J.S.C.C.I.


 

RÉFÉRENCE :

2003CCI128

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2001-1805(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Claudette Dechamplain et M.R.N.

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Matane (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 28 octobre 2002

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge suppléant S.J. Savoie

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 31 mars 2003

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelante :

Me Gaétan Gauthier

 

Pour l'intimé :

Me Marie-Claude Landry

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

 

Pour l'appelante :

 

Nom :

Me Gaétan Gauthier

 

Étude :

Me Gaétan Gauthier

Rimouski (Québec)

 

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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