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Dossier : 2004-1135(GST)I

ENTRE :

CHARLES BREMNER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

Appel entendu le 20 juin 2007, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge en chef adjoint Gerald J. Rip

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Nigel Schilling, c.r.

Avocat de l'intimée :

Me Josh Hunter

________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise pour la période allant du 1er mars 1999 au 31 mai 2000, datée du 1er octobre 2002 et portant le numéro 4437, est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d'août 2007.

 

 

« Gerald J. Rip »

Le juge en chef adjoint Rip

 

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de mars 2009.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

Référence : 2007CCI509

Date : 20070828

Dossier : 2004-1135(GST)I

ENTRE :

CHARLES BREMNER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef adjoint Rip

 

[1]     La question en l'espèce est celle de savoir si la cotisation établie à l'égard de Charles Bremner en vertu du paragraphe 323(4) de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi »), datée du 1er octobre 2002, a été établie plus de deux ans après qu'il eut cessé d'être administrateur d'Excel Highway Support Service Inc. (« Excel »).

 

[2]     En 2000, Excel a omis de remettre la taxe sur les produits et services (la « TPS ») nette selon les exigences prévues au paragraphe 228(2) de la Loi. De l'avis du ministre du Revenu national (le « ministre »), M. Bremner, en sa qualité d'administrateur de fait d'Excel à l'époque où Excel était tenue de verser la TPS, est tenu de payer le montant de la TPS ainsi que les intérêts et les pénalités afférents, conformément au paragraphe 323(1) de la Loi.

 

[3]     Monsieur Bremner admet qu'il a été administrateur de fait et administrateur réputé d'Excel, selon la description qui figure au paragraphe 115(4) de la Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario (la « LSA »), dès la constitution en société d'Excel en 1996 jusqu'au 1er septembre 2000, et qu'il n'avait pas agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir l'omission de verser la TPS d'Excel que ne l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances, aux termes du paragraphe 323(3) de la Loi. Il admet également que la Couronne avait obtenu un certificat précisant la somme pour laquelle Excel était responsable, conformément à l'alinéa 323(2)a) de la Loi.

 

[4]     Le seul moyen de défense invoqué par M. Bremner est le fait que le ministre a établi la cotisation en retard, le 1er octobre 2002. La question dont je suis saisi est donc celle de savoir si M. Bremner a cessé d'agir à titre d'administrateur d'Excel et, le cas échéant, s'il a cessé d'agir à titre d'administrateur avant le 1er octobre 2000.

 

[5]     Excel était une société qui fournissait des conducteurs à des entreprises de transport de marchandises par camion. Les conducteurs étaient des employés d'Excel. Excel était payée par les entreprises de transport par camion.

 

[6]     Selon la position de M. Bremner, Excel a cessé ses activités le 1er septembre 2000. La société avait commencé à fermer ses portes le 1er août 2000, et le 1er septembre, la société était [TRADUCTION] « essentiellement fermée ».

 

[7]     L'exercice d'Excel se terminait le 30 novembre. Monsieur Bremner a témoigné qu'Excel n'avait produit aucune déclaration de revenus pour l'année d'imposition 2000 et pour les années subséquentes, et qu'elle n'avait jamais transmis aux autorités provinciales les noms de ses administrateurs et de ses dirigeants.

 

[8]     Selon M. Bremner, la société 1434736 Ontario Inc., dont le fils de M. Bremner était propriétaire et qui faisait affaire sous la raison sociale White Line, a en somme repris les activités d'Excel; tous les conducteurs et leurs dossiers ont été transférés à White Line. White Line a [TRADUCTION] « pris en charge » la paye.

 

[9]     Monsieur Bremner a dit que son fils et lui avaient convenu que la société de son fils [TRADUCTION] « absorberait tout paiement subséquent », et c'est ce qu'elle a fait. White Line a payé les frais de découvert de 32,03 $ sur le compte qu'Excel détenait auprès de l'Oshawa Community Credit Union après le 22 septembre 2000, date à laquelle M. Bremner a dit avoir fermé le compte. En outre, des paiements de 2 000 $ chacun ont été crédités au compte fiscal d'Excel le 24 octobre 2000, le 1er décembre 2001 et le 9 février 2001. On ne sait pas avec certitude qui a payé; l'argent venait soit de White Line, soit de M. Bremner lui‑même. L'argent ne venait pas d'Excel.

 

[10]    Les conducteurs qui travaillaient pour Excel étaient payés à la semaine, avec un décalage de deux semaines. Par exemple, le travail accompli la première semaine était payé la troisième semaine. Comme l'a expliqué M. Bremner, c'est pour cette raison que des retraits avaient été faits dans le compte qu'Excel détenait auprès de l'Oshawa Community Credit Union les 1er, 6 et 13 septembre 2000, c'est‑à‑dire à la date où M. Bremner a dit avoir fermé Excel, le 1er septembre 2000, ou après cette date.

 

[11]    Après avoir mis fin aux activités d'Excel, M. Bremner a utilisé une autre société pour exploiter une entreprise de transport par camion, depuis des locaux situés à un endroit différent de ceux d'Excel.

 

[12]    Quand Excel a été constituée en société en 1996, sa première actionnaire et administratrice était Gloria Oke, l'épouse de M. Bremner, qui utilisait son nom de jeune fille. Monsieur Bremner était alors séparé de Mme Oke, mais ils étaient demeurés de bons amis. Madame Oke utilisait aussi son nom de femme mariée. Monsieur Bremner a insisté sur le fait que Mme Oke (ou Mme Bremner) ne s'occupait en rien de la société. Monsieur Bremner a produit une photocopie d'une lettre, datée du 4 avril 1997, dans laquelle Mme Bremner annonçait sa démission à titre d'administratrice d'Excel. Personne n'a remplacé Mme Bremner.

 

[13]    La Couronne a mis en doute la crédibilité de M. Bremner, en raison d'une lettre datée du 10 avril 2001 qu'il avait envoyée à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'« ADRC »), dans laquelle il écrivait ceci :

 

[TRADUCTION]

 

Veuillez prendre note qu'Excel Highway Support Service a fermé ses portes en août 2000; nous avons envoyé une lettre à votre bureau de Toronto afin de le confirmer à Mme Vieneer.

 

Madame Gloria Oke, de Brampton, était propriétaire de la société. Vous trouverez ci‑joint des copies des statuts constitutifs.

 

Veuillez ne pas adresser de correspondance à Mme Gloria Bremner, parce qu'elle n'a pas été et n'est pas affiliée à Excel Highway Support.

 

J'étais cadre d'Excel Highway et je vous demande de modifier vos dossiers en conséquence.

 

[14]    La Couronne allègue plus précisément que M. Bremner avait induit l'ADRC en erreur en lui faisant croire que Mme Oke et Mme Bremner étaient deux personnes différentes.

 

[15]    Je conviens avec l'appelant que celui‑ci était administrateur d'Excel depuis la constitution en société d'Excel, puisqu'il gérait et dirigeait toutes les activités de la société.

 

[16]    Excel avait été constituée en société en vertu de la LSA par des statuts constitutifs datés du 5 décembre 1996. Le paragraphe 1(1) de la LSA définit l'« administrateur » d'une société constituée en vertu de la LSA comme la personne qui occupe le poste d'administrateur d'une société, indépendamment de son titre. Si une société constituée sous le régime de la loi de l'Ontario n'a pas d'administrateur parce que tous les administrateurs ont démissionné ou ont été destitués sans être remplacés, le paragraphe 115(4) de la LSA prévoit que quiconque dirige ou supervise les activités commerciales et les affaires internes de la société est réputé un administrateur de la société. Par conséquent, étant donné que Mme Bremner avait démissionné en 1997 et qu'elle n'avait pas été remplacée, M. Bremner, qui dirigeait les activités commerciales et les affaires internes d'Excel, était réputé être un administrateur d'Excel pour l'application de la LSA.

 

[17]    Monsieur Bremner était également administrateur de fait d'Excel depuis la constitution de la société. L'administrateur de fait comprend l'administrateur « réputé » visé par la loi de l'Ontario. Monsieur Bremner a fait tout ce qu'un administrateur est autorisé à faire et tenu de faire, même s'il n'avait pas été élu administrateur et qu'il ne portait pas le titre d'administrateur. Il était l'unique actionnaire d'Excel et son administrateur réel. Comme le juge Noël l'a fait remarquer dans R. c. Wheeliker[1], les lois sur les sociétés par actions (le juge Noël faisait référence à la loi intitulée Companies Act de la Nouvelle‑Écosse) ne parlent généralement pas d'administrateurs de droit ou de fait. « [Elles utilisent] le terme “administrateur” dans plusieurs contextes, certains laissant supposer qu'[elles veulent] parler d'un administrateur qui répond aux critères qu'[elles fixent], et d'autres, d'une personne qui agit comme telle sans répondre à ces critères. »

 

[18]    Le juge Noël a ensuite analysé le raisonnement qui sous‑tend la reconnaissance des administrateurs de fait :

 

[...] Il serait étrange que ceux qui enfreignent la Loi en agissant comme administrateurs alors qu'ils ne sont pas éligibles en vertu de celle‑ci se voient ainsi accorder le statut d'administrateurs par la même Loi. Il va de soi que l'intention du législateur est que seuls ceux qui répondent aux exigences de la Loi peuvent avoir le statut d'administrateurs en vertu de celle‑ci.

 

Je suis d'avis qu'on ne peut interpréter la Loi de façon à accorder le statut d'administrateurs aux personnes qui agissent comme tels alors qu'elles ne sont pas éligibles, non plus qu'on puisse parvenir à un tel résultat en appliquant la common law. Au fil des ans, les tribunaux ont trouvé des formules pour protéger les tiers ayant traité avec des personnes agissant comme administrateurs, ou que les compagnies ont désignées comme telles, alors qu'elles n'étaient pas éligibles et donc n'avaient aucun statut.

 

[...]

 

Comme il est avéré en l'instance que les intimés ont agi comme administrateurs selon la volonté des actionnaires, je ne vois pas pour quels motifs ils seraient autorisés à s'appuyer sur le fait qu'ils n'étaient pas éligibles pour échapper aux obligations imposées aux administrateurs par l'article 227.1 de la LIR.

 

En conséquence, bien que je partage l'avis du juge de la Cour de l'impôt que les personnes agissant comme administrateurs sans être éligibles à ce poste ne sont pas des administrateurs au sens de la Loi, je ne crois pas que les intimés puissent échapper de ce fait à leurs obligations en vertu du paragraphe 227.1(1) de la LIR[2].

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[19]    Ainsi, dans l'arrêt Wheeliker, précité, la majorité des juges a conclu qu'une personne qui ne répondait pas aux exigences nécessaires pour être dûment nommée au poste d'administrateur d'une société ne pouvait invoquer ce fait pour échapper à la responsabilité qui est liée à ce poste. Ce principe découle de la nécessité d'aider les tiers qui traitent avec des personnes qui agissent comme administrateurs sans en avoir le pouvoir ou répondre aux exigences nécessaires.

 

[20]    Ni la Loi ni la Loi de l'impôt sur le revenu ne définissent le mot « administrateur » pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu; il faut examiner la loi en vertu de laquelle la société a été constituée. Dans Wheeliker, la Cour d'appel fédérale a conclu qu'une personne qui n'a pas été dûment nommée à titre d'administrateur en vertu de la loi qui régissait la société ou qui a démissionné de ce poste d'administrateur (c.‑à‑d. une personne qui n'est pas administrateur de droit de la société) peut néanmoins être administrateur de cette société si elle exerce les fonctions d'administrateur de la société (c.‑à‑d. un administrateur de fait de la société). Bien que ces principes aient été discutés dans le contexte de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu, ils s'appliquent également à l'article 323 de la Loi : voir Mosier c. La Reine[3], Parisien c. La Reine[4], Thibeault c. La Reine[5], et McDougall c. P.G. Canada[6]. Le problème, c'est que nous ne pouvons nous guider sur ces affaires pour décider comment ou quand un administrateur de fait cesse d'être un administrateur.

 

[21]    Dans R. c. Kalef[7], la Cour d'appel a conclu que, puisque la Loi de l'impôt sur le revenu est muette quant au moment où une personne cesse d'être un administrateur, les tribunaux doivent se reporter à la loi en vertu de laquelle la société avait été constituée en personne morale. Les conséquences de cette conclusion ont été discutées dans Ciriello c. Canada[8] :

 

[40]      La Cour d'appel fédérale a accueilli l'appel de la Couronne interjeté à l'encontre de la décision de cette cour dans l'affaire Kalef. La Cour d'appel a examiné la loi régissant les sociétés nationales, en vertu de laquelle la société en question avait été constituée en personne morale. Le paragraphe 121(1) de la Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario prévoit que le mandat d'un administrateur d'une société prend fin au décès de celui‑ci, au moment de sa démission ou de sa destitution ou au moment où il devient inhabile. La Loi de l'impôt sur le revenu, comme la Loi sur la taxe d'accise, est silencieuse quant au moment où une personne cesse d'être un administrateur, et, par conséquent, il faut se reporter à la loi en vertu de laquelle la société a été constituée en personne morale. La Cour d'appel a conclu que M. Kalef n'avait pas cessé d'être un administrateur en raison de la nomination d'un syndic et qu'il ne respectait pas les conditions portant sur la fin du mandat d'un administrateur établies par la Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario. Par conséquent, le délai prévu par l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu n'a pas fait obstacle à l'établissement de la nouvelle cotisation à l'égard de M. Kalef.

 

[41]      Dans l'affaire La Reine c. Wheeliker, la Cour fédérale du Canada s'est fondée sur l'affaire Kalef et a déclaré qu'il n'était pas utile d'invoquer la common law, puisque le droit législatif précisait à quel moment une personne cessait d'occuper un poste d'administrateur.

 

[42]      Une société continue d'exister lorsqu'elle fait cession de ses biens ou lorsqu'une requête de mise en faillite est présentée à son égard et qu'un syndic est nommé. Les administrateurs ne peuvent plus exploiter la société en faillite, mais ils en sont encore les administrateurs.

 

[22]    Il est clairement établi en droit que le mandat de l'administrateur de droit ne prend pas fin simplement parce que la société cesse ses activités commerciales[9]. La justification est simple : l'arrêt des activités commerciales ne prive pas les administrateurs des pouvoirs qui leur ont été accordés conformément à la loi qui s'applique à la société et, de ce fait, ne les libère pas des obligations et des responsabilités correspondantes.

 

[23]    Dans la décision Mosier, précitée, le juge Bowman (tel était alors son titre) a examiné, dans une remarque incidente, la question de savoir quand quelqu'un cesse d'être administrateur de fait :

 

[36]      [...] La dernière question vise à savoir, si l'appelant était administrateur de fait, s'il avait cessé de travailler pour la société à ce titre plus de deux ans avant la cotisation du 18 septembre 1995. Comment quelqu'un cesse‑t‑il d'être un administrateur de fait? Il est évident qu'on ne peut cesser d'être quelque chose qu'on n'a jamais été. Cependant, si nous acceptons l'hypothèse de la Couronne à l'effet qu'il a été administrateur de fait à un moment donné, est‑il suffisant de jeter ses clés sur la table, de dire « Je démissionne », de s'en aller puis de signer sa démission?

 

[37]      Je crois que oui. Ces gestes n'ont pas été simplement posés à des fins théâtrales sans signification aucune. Ils avaient un sens. La démission d'un administrateur de droit peut être assujettie à son acceptation par le conseil, mais je ne connais aucun élément en droit des sociétés qui impose une telle exigence aux administrateurs de fait. L'appelant a remis ses clés à la fin d'avril ou au début de mai 1993 puis signé et soumis sa lettre de démission le 22 juillet 1993, donc plus de deux ans avant l'établissement de la cotisation. La Couronne prétend que ces événements théâtraux étaient trompeurs, car l'appelant a continué de signer des chèques bien après le 22 juillet 1993. Plus ça change, plus c'est la même chose. Je ne crois pas que cet argument prouve qu'il a continué d'être administrateur de fait jusqu'à la faillite de la société, s'il l'a jamais été. [...]

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[24]    Selon la règle générale qui s'applique aux administrateurs de droit, le mandat de l'administrateur ne prend pas fin simplement parce que les activités commerciales ont cessé. La société continue d'exister même si ses activités commerciales ont pris fin. L'avocat de l'intimée a allégué que [TRADUCTION] « il n'y a aucune raison pour que l'administrateur de fait, qui a volontairement choisi de se présenter lui‑même comme un administrateur à des tiers, puisse se soustraire à sa responsabilité selon des conditions plus favorables que l'administrateur de droit ». Cet argument est persuasif. Paul Martel, dans l'édition à feuilles mobiles de l'ouvrage Business Corporations in Canada – Legal and Practical Aspects[10], assimile les responsabilités de l'administrateur de fait à celles de l'administrateur de droit, au paragraphe 21-16 :

 

[TRADUCTION]

 

Un administrateur qui exerce cette fonction alors que les formalités requises n'ont pas été intégralement respectées ou qui continue d'agir comme administrateur malgré le fait qu'il ait démissionné de ce poste est un administrateur de fait soumis aux mêmes responsabilités qu'un administrateur de droit.

 

Comme son nom l'indique, l'administrateur de fait sera considéré comme un administrateur si, dans les faits, il agit comme tel en posant des actes normalement réservés aux administrateurs : par exemple, participer aux réunions du conseil d'administration, signer des résolutions du conseil, prendre des décisions d'administration ou d'aliénation ou y participer, donner des instructions au nom de la société, se présenter aux tiers comme un administrateur, etc.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[25]    De plus, il ne semble pas y avoir de principe général du droit des sociétés ou de règle particulière énoncée par nos tribunaux qui restreindrait la responsabilité de l'administrateur de fait.

 

[26]    Aucune règle fixe ne permet de déterminer le moment où l'administrateur de fait ou l'administrateur « réputé » cesse d'être administrateur. Toutefois, pour paraphraser le juge Potter Stewart, on peut reconnaître quand quelqu'un cesse d'être administrateur quand on l'observe. Le comportement de la personne est important[11]. Il manquera quelque chose dans la relation entre le particulier et la société. Comme tout administrateur, l'administrateur de fait ou l'administrateur « réputé » cessera d'être administrateur lorsque les actionnaires éliront son remplaçant ou lorsqu'il démissionnera. Si aucune de ces situations ne se produit, l'administrateur conserve son mandat. L'administrateur de fait ou l'administrateur « réputé » peut également mettre fin à son mandat en donnant un avis à cet effet à la société et en cessant vraiment de diriger ou de superviser la gestion de la société. Dans la présente affaire, le lien d'administrateur entre M. Bremner et Excel n'était pas rompu. Je reconnais qu'il peut être difficile pour l'unique actionnaire d'une société de délaisser les activités normalement dévolues à l'administrateur, mais si cette personne accomplit les tâches d'un administrateur, alors elle est administrateur. Dans le présent appel, les faits suivants, entre autres, appuient la conclusion selon laquelle M. Bremner a continué d'être administrateur de fait après le 1er septembre et en octobre 2000 : il était l'unique actionnaire d'Excel et la seule personne à avoir géré et supervisé Excel; aucun élément de preuve n'indique qu'il a informé des tiers, créanciers ou autres, à l'exception peut‑être de son fils, lequel n'a pas témoigné, qu'il ne se présentait plus comme un administrateur d'Excel; il a continué d'agir au nom d'Excel après septembre 2000, des paiements ayant notamment été faits pour le compte d'Excel au regard des arriérés de TPS.

 

[27]    Dans sa lettre du 10 avril 2001, M. Bremner a indiqué au fisc qu'il [TRADUCTION] « était » cadre d'Excel et a demandé à l'ADRC de modifier ses dossiers en conséquence. Le fait qu'il a écrit au fisc donne à penser qu'il s'occupait encore de diriger ou de superviser les actions d'Excel, peu importe leur importance.

 

[28]    Monsieur Bremner se présentait lui‑même comme administrateur d'Excel, même s'il n'en portait pas le titre, et a continué d'agir comme administrateur de fait après le 30 septembre 2000. Le fait qu'Excel a cessé ses activités au mois d'août n'est pas vraiment pertinent. Les administrateurs des sociétés ont des devoirs qui subsistent après la fin de l'exploitation de leurs activités. Monsieur Bremner s'est lui‑même chargé de voir à la liquidation ordonnée des activités commerciales et des affaires internes de la société, qui s'est poursuivie jusqu'en octobre 2000.

 

[29]    L'appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d'août 2007.

 

 

« Gerald J. Rip »

Le juge en chef adjoint Rip

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de mars 2009.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI509

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2004-1135(GST)I

 

INTITULÉ :                                       Charles Bremner c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 20 juin 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable juge en chef adjoint Gerald J. Rip

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 28 août 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Nigel Schilling, c.r.

Avocat de l'intimée :

Me Josh Hunter

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelant :

 

                   Nom :           Me Nigel Schilling, c.r.

 

                   Cabinet :      Schilling, Evans

 

          Pour l'intimée :       John H. Sims, c.r.

                                       Sous-procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada



[1]           [1999] 3 C.F. 173 (C.A.F.), au paragraphe 50.

 

[2]           Wheeliker, précité, aux paragraphes 59 à 62.

 

[3]           no 96‑3504(GST)G, 10 octobre 2001, [2001] A.C.I. no 692 (QL) (C.C.I.).

 

[4]           2004 CCI 276 (procédure informelle), [2004] A.C.I. no 168 (QL).

 

[5]           2005 CCI 393, [2005] A.C.I. no 300 (QL).

 

[6]           2002 CAF 455, 2002 D.T.C. 7582.

 

[7]           no A‑11‑95, 1er mars 1996, 96 D.T.C. 6132 (C.A.F.), autorisation d'appel refusée, no 25290, 29 août 1996, 204 N.R. 400 (C.S.C.).

 

[8]           no 98‑2304(GST)I, 30 novembre 2000, [2000] A.C.I. no 829 (QL) (C.C.I.).

 

[9]           Voir Nagy c. M.R.N., no 89‑124(IT), 17 juin 1991, 91 D.T.C. 993, à la page 997 (C.C.I.), Dufour c. La Reine, 2005 CCI 9 (procédure informelle), au paragraphe 4, [2005] A.C.I. no 15 (QL).

 

[10]          Toronto, Carswell, 2004.

 

[11]          Boivin c. La Reine, no 2000‑332(GST)G, 24 janvier 2003, [2003] G.S.T.C. 30, [2003] A.C.I. no 47 (QL) (C.C.I.), et Parisien, précité.

 

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