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Dossier : 2006-3247(CPP)

ENTRE :

SUSPENDED POWER LIFT SERVICE INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Suspended Power Lift Service Inc. (2006-3238(IT)I)

le 14 août 2007, à Toronto (Ontario)

 

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

Richard Arsenault

Avocat de l’intimé :

MJosh Hunter

 

____________________________________________________________________

 

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté en vertu du Régime de pensions du Canada (le « Régime ») relativement à la question de savoir si Catherine Luke exerçait un emploi ouvrant droit à pension en 2004 aux fins du Régime est accueilli pour ce qui est de cette question, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national (le « ministre ») pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle évaluation en partant du principe que Catherine Luke était une entrepreneure indépendante, qu’elle n’exerçait donc pas un emploi ouvrant droit à pension auprès de l’appelante en 2004 et que, par conséquent, l’appelante n’est pas tenue de verser la cotisation de l’employeur en application du Régime.

 

          L’appel relatif à la cotisation de l’employé non versée au titre du Régime est accueilli en partie, et l’affaire est déférée au ministre pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle évaluation en tenant pour acquis que le montant que l’appelante est tenue de verser en application du Régime en ce qui concerne les cotisations de l’employé qui ont été déduites du montant payé à Catherine Luke en 2004 devrait être de 1 144,65 $ et non de 1 373,58 $, comme il est indiqué dans la réponse.

 

          Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 31e jour d’août 2007.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour d’octobre 2007.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


 

 

 

Dossier : 2006-3238(IT)I

ENTRE :

SUSPENDED POWER LIFT SERVICE INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Suspended Power Lift Service Inc. (2006-3247(CPP))

le 14 août 2007, à Toronto (Ontario)

 

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

Richard Arsenault

Avocat de l’intimée :

MJosh Hunter

 

____________________________________________________________________

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’encontre de la cotisation datée du 24 mars 2006 relativement à des retenues à la source non versées est rejeté sans dépens.

 

          Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 31e jour d’août 2007.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour d’octobre 2007.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2007CCI519

Date : 20070831

Dossier : 2006-3238(IT)I

ENTRE :

SUSPENDED POWER LIFT SERVICE INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

Dossier : 2006-3247(CPP)

ET ENTRE :

SUSPENDED POWER LIFT SERVICE INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Webb

 

[1]   Une cotisation et une évaluation ont été établies à l’égard de l’appelante pour tenir compte respectivement des retenues d’impôt sur le revenu et des cotisations au Régime de pensions du Canada (le « RPC ») non versées qui ont été déduites des montants payés à certaines personnes en 2004, ainsi que pour tenir compte des cotisations de l’employeur non versées conformément au Régime de pensions du Canada (le « Régime ») relativement aux services fournis par ces personnes en 2004. L’appelante a interjeté appel à l’encontre de la cotisation et de l’évaluation concernant le versement des sommes déduites des montants payés à Catherine Luke en 2004 et de l’exigence de verser les cotisations de l’employeur prévue dans le Régime pour ce qui est des services rendus par Catherine Luke pendant l’année d’imposition 2004.

 

[2]   La première question en l’espèce est de savoir si Catherine Luke était une employée ou une entrepreneure indépendante. Si elle était une entrepreneure indépendante en 2004, la question serait alors de savoir si cela aurait une incidence sur la cotisation et l’évaluation établies à l’égard de l’appelante pour tenir compte respectivement des retenues d’impôt à la source non versées et de la part de l’employée des cotisations au RPC. Si elle était une entrepreneure indépendante, l’appelante n’aurait alors pas été tenue de verser la part de l’employeur des cotisations au RPC.

 

[3]   L’appelante est une petite entreprise familiale. En 1999, l’appelante a retenu les services de Catherine Luke en tant que commis comptable. Dans le cadre de ses fonctions, elle devait notamment communiquer avec les clients ayant des comptes débiteurs impayés, s’assurer que les comptes créditeurs étaient payés, établir les états financiers mensuels et établir les états financiers de fin d’exercice pour le comptable. Catherine Luke n’offrait pas des services de tenue des comptes seulement à l’appelante, elle en offrait aussi à d’autres clients. Au début, elle envoyait des factures à l’appelante pour les services qu’elle rendait en tant qu’entrepreneure indépendante et elle facturait de la TPS pour ses services.

 

[4]   Au cours de l’été 2004, l’appelante a fait l’objet d’une vérification par l’Agence du revenu du Canada. À ce moment‑là, l’Agence a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante pour tenir compte de retenues à la source non versées pour certains membres de la famille que la société ne considérait pas comme des employés, mais qui, selon les conclusions de l'ARC, étaient effectivement des employés. Catherine Luke a alors parlé avec le président de l’appelante et lui a dit qu’elle pensait qu’elle devrait être sur la liste de paye comme les autres. Le président a témoigné qu’il n’acceptait pas les conclusions de l’ARC et qu’il ne comprenait pas comment elle pouvait être sur la liste de paye si elle était une entrepreneure indépendante. Catherine Luke était la personne qui s’occupait de la production des documents à l’Agence du revenu du Canada. Elle se considérait comme une employée de la société et elle remplissait un T4 pour elle‑même dans lequel elle indiquait un revenu d’emploi de 31 249,95 $, des déductions d’impôt sur le revenu de 8 055 $, des cotisations de l’employé au RPC de 1 144,65 $ et des cotisations de l’employé d’assurance‑emploi de 586,80 $. Comme il est indiqué dans la réponse, les retenues à la source non versées en l’espèce totalisent 6 694,26 $. Une partie des sommes retenues a donc due être versée. Comme la période d’emploi prétendue était de quatre à cinq mois en 2004 et qu’il y avait d’autres employés, je ne vois pas très bien quelle partie du montant de 6 694,26 $ est en fait liée aux sommes déduites des montants payés à Catherine Luke. Les sommes déduites relativement aux cotisations d’assurance‑emploi ne font pas l’objet du présent appel.

 

[5]   Catherine Luke a mentionné dans son témoignage que, pendant la période où elle était sur la liste de paye de la société, elle avait également conservé d’autres clients à qui elle offrait des services de tenue de compte et à qui elle envoyait des factures en tant qu’entrepreneure indépendante. Elle a indiqué que la seule différence entre les services qu’elle offrait à l’appelante et ceux qu’elle offrait à ses autres clients était qu’elle fournissait davantage de services conseils à l’appelante qu’à ses autres clients. Elle a confirmé qu’elle n’avait aucun pouvoir de décision, mais que les employés de l’appelante venaient la voir pour qu’elle leur donne des conseils sur des questions financières.

 

[6]   La première question à trancher est de savoir si Catherine Luke était une employée ou une entrepreneure indépendante de l’appelante en 2004.

 

[7]   La question de savoir si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant a été traitée dans plusieurs affaires. Dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] A.C.S. 61, 2001 C.S.C. 59, le juge Major de la Cour suprême du Canada a formulé les commentaires suivants :

 

46     À mon avis, aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Lord Denning a affirmé, dans l'arrêt Stevenson Jordan, précité, qu'il peut être impossible d'établir une définition précise de la distinction (p. 111) et, de la même façon, Fleming signale que [traduction] « devant les nombreuses variables des relations de travail en constante mutation, aucun critère ne semble permettre d'apporter une réponse toujours claire et acceptable » (p. 416). Je partage en outre l'opinion du juge MacGuigan lorsqu'il affirme – en citant Atiyah, op. cit., p. 38, dans l'arrêt Wiebe Door, p. 563 – qu'il faut toujours déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles :

 

[traduction] [N]ous doutons fortement qu'il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant d'identifier les contrats de louage de services [...] La meilleure chose à faire est d'étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties. De toute évidence, ces facteurs ne s'appliquent pas dans tous les cas et n'ont pas toujours la même importance. De la même façon, il n'est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée.

 

47     Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

 

48     Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

 

[8]   Dans des arrêts récents de la Cour d’appel fédérale, la question de l’intention des parties a été abordée. Dans la récente décision que la Cour d’appel fédérale a rendue dans Combined Insurance Co. of America c. M.R.N., 2007 CAF 60, le juge Nadon de la Cour d’appel fédérale a mentionné ce qui suit :

 

35.     De ces décisions, il se dégage, à mon avis, les principes suivants :

 

1.  Les faits pertinents, incluant l’intention des parties quant à la nature de leur relation contractuelle, doivent être examinés à la lumière des facteurs de Wiebe Door, précitée, et à la lumière de tout autre facteur qui peut s’avérer pertinent compte tenu des circonstances particulières de l’instance.

 

2.  Il n’existe aucune manière préétablie d’appliquer les facteurs pertinents et leur importance dépendra des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

Même si en règle générale, le critère de contrôle aura une importance marquée, les critères élaborés dans Wiebe Door et Sagaz, précités, s’avéreront néanmoins utiles pour déterminer la véritable nature du contrat.

 

[9]   En l’espèce, il n’y a aucun accord entre l’appelante et Catherine Luke en ce qui concerne la question de savoir si elle était une employée ou une entrepreneure indépendante en 2004. Le président de la société a maintenu catégoriquement qu’il ne comprenait pas comment elle pouvait être une employée alors qu’elle avait envoyé des factures pendant plusieurs années en tant qu’entrepreneure indépendante. Par conséquent, l’intention des parties n’appuie ni une relation employeur‑employé, ni une relation employeur‑entrepreneur indépendant.

 

Contrôle

 

[10] En l’espèce, il était clair que l’appelante exerçait très peu de contrôle sur le travail effectué par Catherine Luke. Cette dernière fixait ses propres heures de travail, et personne n’a jamais fait appel à elle au nom de l’appelante pour qu’elle fasse du travail supplémentaire. Il y avait une très grande différence entre le témoignage du président de l’appelante et celui de Catherine Luke concernant le nombre d’heures que celle‑ci passait dans les locaux de l’appelante. Le président a témoigné qu’elle travaillait peut‑être une à quatre heures par semaine sur place. Catherine Luke, quant à elle, a témoigné qu’elle passait de 15 à 20 heures par semaine dans les locaux de la société. Quoi qu’il en soit, il ne s’agissait manifestement pas d’un poste à temps plein et c’était Catherine Luke qui décidait combien d’heures elle consacrait à la tenue des comptes de l’appelante.

 

[11] Il semblait également que, en l’espèce, Catherine Luke avait été engagée pour exécuter certaines tâches : établir les états financiers mensuels, s’assurer que les comptes créditeurs étaient payés, recouvrer l’argent pour les anciens comptes débiteurs impayés et préparer les renseignements pour les états financiers de fin d’exercice.

 

[12]  Dans l’arrêt Direct Care in-Home Health Services Inc. c. Le ministre du Revenu national, 2005 CCI 173, le juge Hershfield a formulé les commentaires suivants concernant le contrôle :

 

11     Dans le cadre de l’analyse de ce facteur, il faut déterminer qui contrôle le travail et comment, quand et où il doit être effectué. S’il est jugé que le travailleur a le contrôle du travail une fois qu’il lui est confié, cela semble davantage indiquer que le travailleur est un entrepreneur indépendant, et s’il est jugé que l’employeur exerce un contrôle sur l’exécution du travail par le travailleur, cela laisse entendre qu’il y a une relation employeur‑employé. Toutefois, lorsque les travailleurs ont une spécialisation accrue, il se peut que ce critère soit considéré comme moins fiable. On accorde donc plus d’importance à la question de savoir si le service que le travailleur doit fournir dans le cadre de ses fonctions est simplement axé sur les « résultats »; c.‑à‑d. « voici une tâche précise – vous avez été engagé pour l’exécuter ». Dans un tel cas, il n’y a pas de lien de subordination, ce qui est une exigence fondamentale pour qu’il y ait une relation employé-employeur. De plus, il ne faut pas confondre le contrôle des résultats, qui peut être exigé à chaque fois qu’un travailleur est engagé pour fournir des services, avec le contrôle ou la subordination d’un travailleur.

 

12     En l’espèce, la travailleuse pouvait refuser une affectation pour quelque raison que ce soit, ou même sans raison. […]

 

(Non souligné dans l’original)

 

[13] L’entente avec Catherine Luke semble être très semblable à l’entente décrite par le juge Hershfield en ce sens qu’on lui avait confié des tâches précises et qu’elle avait été engagée pour les exécuter. Par conséquent, le critère du contrôle indiquerait que les parties se trouvaient dans une relation d’entrepreneur indépendant plutôt que dans une relation employeur‑employé.

 

Possibilité de profit / risque de perte

 

[14] Le président de la société et Catherine Luke ne s’entendent pas sur le montant auquel celle‑ci avait droit. Catherine Luke a témoigné que l’entente qui avait été conclue prévoyait qu’elle aurait droit à 6 000 $ par mois. Si Catherine Luke travaillait 15 heures par semaine (le nombre d’heures le plus bas selon ce qu’elle a indiqué dans son témoignage), elle travaillait donc environ 65 heures par mois (si on se fonde sur une moyenne de 4,3 semaines par mois (52/12)), ce qui donnerait un taux horaire approximatif de 92 $ l’heure pour la prestation de services de tenue de comptes. Si elle travaillait 20 heures par semaine (le nombre d’heures le plus élevé selon son témoignage), son taux horaire serait alors d’environ 70 $ l’heure. Si elle ne travaillait que le nombre d’heures indiqué par le président de la société, son taux horaire serait donc de 350 $ à 1 400 $ l’heure. Le président de l’appelante a également indiqué que l’appelante était une petite entreprise et que Catherine Luke n’avait que quelques factures à traiter chaque semaine (environ de 15 à 20) et qu’elle avait habituellement seulement de six à sept clients à appeler pour le recouvrement de comptes débiteurs en souffrance. Pour ce qui est du critère de la possibilité de profit et du risque de perte, comme elle recevait un montant fixe par mois, le revenu qu’elle touchait pour les tâches qu’elle accomplissait pour l’appelante était fixe et il n’y avait guère de risque de perte. Ses dépenses étaient les mêmes que celles qu’un employé aurait engagées, c’est‑à‑dire celles engagées pour aller au bureau de l’appelante et en revenir. Par conséquent, cela indiquerait qu’il y avait une relation employeur‑employé. Le fait que, pendant la période visée, elle avait d’autres clients à qui elle fournissait essentiellement les mêmes services en tant qu’entrepreneure indépendante indiquerait par contre la présence d’une relation d’entrepreneur indépendante plutôt qu’une relation employeur‑employé.

 

Propriété des instruments de travail

 

[15] Elle n’avait besoin que de très peu d’instruments pour accomplir ses tâches. Elle utilisait le bureau du président, lequel était souvent à l’extérieur du bureau pour l’exécution de travaux pour les clients. Elle utilisait l’ordinateur de l’appelante parce qu’elle faisait de l’entrée de données. Elle utilisait également le téléphone de l’appelante pour appeler les clients qui étaient en retard pour le paiement de leurs factures afin d’essayer de recouvrer l’argent pour les comptes débiteurs impayés. Toutefois, cela n’était pas différent des années précédentes où elle envoyait des factures en tant qu’entrepreneure indépendante. De plus, son cas n’était pas différent de celui d’autres personnes qui fournissaient des services de tenue de compte à divers clients et qui vont de temps en temps dans les locaux des clients pour entrer des données ou pour aider les clients à recouvrer l’argent pour les comptes débiteurs.

 

Embauche d’assistants

 

[16] Rien n’indiquait s’il elle pouvait ou non engager des assistants.

 

Degré de responsabilité des mises de fonds et de la gestion

 

[17] Comme Catherine Luke l’a mentionné, des employés de l’appelante lui demandaient parfois des conseils concernant des questions financières, mais elle n’avait pas le pouvoir de prendre des décisions pour l’appelante et, par conséquent, elle n’était pas responsable des mises de fonds et de la gestion de l’appelante.

 

[18] Par conséquent, je conclus que, en l’espèce, Catherine Luke était une entrepreneure indépendante de l’appelante tout au long de l’année 2004. L’appelante n’est donc pas tenue de payer les cotisations de l’employeur conformément au Régime pour ce qui est des services fournis par Catherine Luke.

 

[19] Toutefois, comme il est indiqué ci‑dessus, le feuillet T4 de Catherine Luke indique qu’une somme de 8 055 $ a été déduit de sa paye aux fins de l’impôt sur le revenu et qu’une somme de 1 144,65 $ a été déduit à titre de cotisations au RPC pour elle en tant qu’employée. Dans la réponse, il est indiqué que la somme des cotisations au RPC retenues à la source sur le montant payé à Catherine Luke était de 1 373,58 $. Aucune explication n’a été fournie concernant la raison pour laquelle la somme dans la réponse était différente de la somme sur le feuillet T4. Par conséquent, je conclus que la somme qui a été déduite dans les faits était de 1 144,65 $.

 

[20] En l’espèce, comme Catherine Luke était une entrepreneure indépendante et non pas une employée, l’appelante n’était pas tenue de déduire de l’impôt sur le revenu en application du paragraphe 153(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Le paragraphe 153(1) de la Loi prévoit en partie ce qui suit :

 

153(1) Toute personne qui verse au cours d'une année d'imposition l'un des montants suivants :

 

a) un traitement, un salaire ou autre rémunération, à l'exception des sommes visées au paragraphe 212(5.1);

 

[…]

 

g) des honoraires, commissions ou autres sommes pour services, à l'exception des sommes visées au paragraphe 212(5.1);

 

[…]

 

doit en déduire ou en retenir la somme fixée selon les modalités réglementaires et doit, au moment fixé par règlement, remettre cette somme au receveur général au titre de l'impôt du bénéficiaire ou du dépositaire pour l'année en vertu de la présente partie ou de la partie XI.3. Toutefois, lorsque la personne est visée par règlement à ce moment, la somme est versée au compte du receveur général dans une institution financière désignée.

 

[21] Le paragraphe 153(3) de la Loi prévoit ce qui suit :

 

153(3) Lorsqu'une somme a été déduite ou retenue en vertu du paragraphe (1), elle est, pour l'application générale de la présente loi, réputée avoir été reçue à ce moment par la personne à qui la rémunération, la prestation, le paiement, les honoraires, les commissions ou d'autres sommes ont été payés.

 

[22] Le paragraphe 227(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

 

227(1) Nulle action ne peut être intentée contre une personne pour le fait de déduire ou de retenir une somme d'argent quelconque en conformité, réelle ou intentionnelle, avec la présente loi.

 

[23] Selon le paragraphe 153(1) de la Loi, l’appelante n’était pas tenue de déduire  quelque somme que ce soit des montants payés à Catherine Luke, étant donné que les modalités réglementaires n’exigeaient pas que de l’impôt sur le revenu soit déduit des paiements effectués à des entrepreneurs indépendants dans cette situation. Toutefois, comme la somme a été déduite, la question devient donc de savoir si l’appelante est maintenant tenue de la remettre. Une interprétation stricte du paragraphe 153(1) de la Loi indiquerait qu’un payeur est seulement tenu de verser les sommes qu’il est obligé de déduire en application du paragraphe 153(1) de la Loi.

 

[24] Dans l’arrêt Stubart Investments Limited c. Sa Majesté la Reine 1984 CarswellNat 222, [1984] C.T.C. 294, 53 N.R. 241, [1984] 1 R.C.S. 536, 10 D.L.R. (4e) 1, 84 DTC 6305, la Cour suprême du Canada a formulé les commentaires suivants concernant l’interprétation des lois fiscales :

 

60     Dans l'article précité, le professeur Willis prévoit fort justement l'abandon de la règle d'interprétation stricte des lois fiscales. Comme nous l'avons vu, le rôle des lois fiscales a changé dans la société et l'application de l'interprétation stricte a diminué. Aujourd'hui, les tribunaux appliquent à cette loi la règle du sens ordinaire, mais en tenant compte du fond, de sorte que si l'activité du contribuable relève de l'esprit de la disposition fiscale, il sera assujetti à l'impôt. Voir Whiteman et Wheatcroft, précité, à la p. 37.

 

61     Bien que les remarques de E.A. Dreidger dans son ouvrage Construction of Statutes (2e éd. 1983), à la p. 87, ne visent pas uniquement les lois fiscales, il y énonce la règle moderne de façon brève :

 

[traduction] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

 

62     La question revient à déterminer le juste rôle du tribunal dans l'interprétation de la Loi de l'impôt sur le revenu dans des circonstances comme celles de l'espèce, où Sa Majesté se fonde sur les dispositions générales de la Loi et non sur une disposition fiscale précise. Il faut bien sûr interpréter la Loi comme un tout, y compris l'art. 137, mais pour les motifs que j'ai déjà énoncés, sans appliquer cet article expressément aux présentes cotisations.

 

[25] Selon le paragraphe 153(3) de la Loi, si la somme de 8 055 $ a été déduite ou retenue en vertu du paragraphe (1) de la Loi, elle est réputée avoir été reçue par Catherine Luke. On pourrait interpréter ce paragraphe en disant qu’il ne s’appliquait qu’aux sommes que le payeur était tenu de déduire conformément au paragraphe 153(1). Toutefois, à mon avis, il faut aussi tenir compte des dispositions du paragraphe 227(1) pour établir quelle était l’intention du législateur lors de la rédaction des paragraphes 153(1) et (3) de la Loi.

 

[26] Si on interprète le paragraphe 153(3) de la Loi en disant que seulement les sommes qui doivent être déduites conformément au paragraphe 153(1) de la Loi sont réputées avoir été reçues, cela pourrait donner lieu à une situation anormale. Par exemple, supposons qu’un employeur particulier est tenu de déduire 4 000 $ du montant à verser à un employé, mais qu’il fait une erreur dans le calcul de la somme et que, dans les faits, il déduit 5 000 $ du montant payé à l’employé. Si l’interprétation qu’il convient de donner au paragraphe 153(1) est que l’employeur n’est seulement obligé de remettre 4 000 $ (étant donné qu’il s’agit de la somme qui doit être déduite selon le paragraphe 153(1)), sur quoi l’employé peut‑il alors se fonder pour recouvrer la somme de 1 000 $ déduite en trop? Selon le paragraphe 227(1) de la Loi, l’employé n’aurait pas pu intenter d’action contre le payeur parce que la somme de 5 000 $ avait été déduite en conformité intentionnelle avec la Loi. Tant que le payeur a l’intention de se conformer à la Loi, le bénéficiaire ne peut exercer aucun recours contre le payeur pour la déduction de la somme. Si l’employé reçoit seulement un crédit pour la somme de 4 000 $ conformément au paragraphe 153(3), celui‑ci perd la somme de 1 000 $ parce que l’employeur a déduit la somme de 1 000 $ en trop par inadvertance. Cela ne peut pas être le but visé du paragraphe 153(3). Il faut que le résultat soit que toute somme déduite en application du paragraphe 153(1), que ce soit parce que le payeur est tenu de déduire la somme ou non, soit versée conformément à la Loi et réputée avoir été reçue par le bénéficiaire.

 

[27] Par conséquent, à mon avis, comme un bénéficiaire perdra tout droit d’intenter une action contre toute personne qui déduit ou retient, à l’égard d’un montant payable au bénéficiaire, une somme en conformité intentionnelle avec la Loi :

 

           a)     le bénéficiaire doit, selon le paragraphe 153(3), recevoir un crédit pour toute somme qui a été déduite en conformité intentionnelle avec la Loi;

 

           b)    le payeur doit verser toutes les sommes déduites en conformité intentionnelle avec la Loi.

 

[28] Si cette interprétation n’est pas correcte, alors l’appelante recevrait un avantage inattendu. Si la Loi exige seulement que l’appelante verse le montant établi conformément au Règlement de l’impôt sur le revenu, comme le paragraphe 227(1) de la Loi prévoit que le bénéficiaire ne peut pas intenter d’action contre l’appelante si les sommes ont été déduites en conformité intentionnelle avec la Loi, alors ni l’appelante ni le gouvernement ne sera capable de recouvrer cet argent, étant donné que les sommes ont été déduites en conformité intentionnelle avec la Loi. Cela ne serait pas le résultat visé  des exigences de versement prévues dans la Loi. Par conséquent, l’appelante doit être tenue de verser toutes les sommes déduites en conformité intentionnelle avec la Loi, étant donné que cela est conforme à l’esprit des exigences de versement du paragraphe 153(1) de la Loi.

 

[29] Comme la juge Lamarre-Proulx l’a mentionné dans la décision McLeod Masonry [1979] Limited c. Canada, [2000] A.C.I. no 290 :

 

L'avocate de l'intimée a raison dans son interprétation selon laquelle une fois les déductions effectuées à l'égard d'une somme versée comme rémunération, le montant des déductions doit être remis au receveur général. Le libellé et l'économie de la Loi commandent cette interprétation.

 

Une fois les sommes déduites des montants à payer à Catherine Luke, elles devaient être versées.

 

[30] Le président de l’appelante a soulevé la question de savoir si Catherine Luke avait droit à 31 249,95 $ et a également mentionné qu’il n’avait pas signé certains chèques payables à Catherine Luke. Cette dernière a nié avoir signé quelque chèque que ce soit. Le président de l’appelante a également indiqué que l’appelante n’avait pas intenté d’action contre Catherine Luke relativement à ces questions et que, par conséquent, l’appelante avait accepté les paiements faits à Catherine Luke. Si l’appelante décide de contester le montant payable à Catherine Luke, cette question devrait être réglée entre l’appelante et Catherine Luke, que ce soit au moyen d’un accord ou d’un litige devant les tribunaux de la province d’Ontario. La présente Cour ne peut pas trancher cette question.

 

[31] En ce qui concerne les dispositions du Régime, les articles 27.1 et 28 du Régime prévoient ce qui suit :

 

27.1 Lorsqu’une somme payable par lui a été évalué par le ministre au titre de l’article 22, l’employeur peut, dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la date à laquelle il reçoit l’avis d’évaluation, demander au ministre de réviser l’évaluation quant à la question de savoir s’il y a matière à évaluation ou quel devrait être le montant de celle‑ci.

 

28(1) Appel devant la Cour canadienne de l’impôt — La personne visée par la décision du ministre sur l’appel que prévoit les articles 27 ou 27.1, ou son représentant, peut, dans les quatre‑vingt‑dix jours qui suivent la date à laquelle la décision lui est communiquée, ou dans le délai supplémentaire que la Cour canadienne de l’impôt peut accorder sur demande qui lui est présentée dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant l’expiration de ces quatre‑vingt‑dix jours, en appeler de la décision en question auprès de cette Cour en conformité avec la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt et les règles de cour applicables prises en vertu de cette loi.

 

Par conséquent, le montant de l’évaluation en vertu du Régime peut faire l’objet d’un appel devant la Cour, et l’appelante a interjeté appel à l’encontre du montant de l’évaluation en application du Régime devant le ministre et devant la présente Cour.

 

[32] Les paragraphes 21(1), (2), (5) et 26(1) du Régime prévoient ce qui suit :

 

21(1) Tout employeur payant une rémunération à un employé à son service, à une date quelconque, dans un emploi ouvrant droit à pension est tenu d’en déduire, à titre de cotisation de l’employé ou au titre de la cotisation pour l’année au cours de laquelle la rémunération au titre de l’emploi ouvrant droit à pension est payée à cet employé, le montant déterminé conformément à des règles prescrites; l’employeur remet au receveur général, à la date prescrite, ce montant ainsi que le montant qui est prescrit à l’égard de la cotisation qu’il est tenu de verser selon la présente loi. De plus, lorsque l’employeur est une personne prescrite à la date prescrite, le montant est versé au compte du receveur général dans une institution financière (au sens du paragraphe 190(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, compte non tenu des alinéas d) et e) de la définition de cette expression).

 

(2) Sous réserve du paragraphe (3), l’employeur qui ne déduit ni ne remet un montant prélevé sur la rémunération d’un employé en conformité avec le paragraphe (1) est tenu de payer à Sa Majesté le montant global qui aurait dû être déduit et remis à compter de la date où il aurait dû être déduit.

 

[…]

 

(5) Les montants déduits en conformité avec le paragraphe (1) sont réputés avoir été reçus à cette date par l’employé à qui la rémunération était payable.

 

[…]

 

26(1) Aucune action n’est recevable contre une personne parce qu’elle a déduit une somme d’argent en conformité avec la présente loi ou dans l’intention de s’y conformer.

 

 

[33] Comme les dispositions du Régime sont semblables et que celui‑ci comprend aussi une disposition qui prévoit que nulle action n’est recevable contre une personne parce qu’elle a déduit une somme d'argent en conformité avec le Régime ou dans l’intention de s’y conformer, pour les motifs susmentionnés, lorsqu’une somme a été déduite en tant que cotisation de l’employé conformément au Régime, elle doit être versée. L’appelante a effectué cette déduction dans l’intention de se conformer au Régime, et comme le bénéficiaire ne peut pas intenter d’action contre l’appelante à l’égard de cette conformité intentionnelle, il appartient au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour recouvrer cette somme.

 

[34] Par conséquent, l’appel interjeté à l’encontre de la cotisation en vertu de la Loi est rejeté, et l’appel interjeté en application du Régime est accueilli en partie afin de réduire la part de l’employé selon le Régime pour qu’elle passe de 1 372,58 $ à 1 144,65 $, et afin de réduire le montant à payer selon l’évaluation pour ce qui est de la cotisation de l’employeur selon le Régime.

 

       Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 31e jour d’août 2007.

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour d’octobre 2007.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI519

 

NOS DES DOSSIERS :                       2006-3247(CPP) et 2006-3238(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Suspended Power Life Service Inc. c. La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 14 août 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 31 août 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

Richard Arsenault

Avocat de l’intimée :

Me Josh Hunter

 

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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