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Dossier : 2003‑4234(GST)G

ENTRE :

BANQUE ROYALE DU CANADA,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 7 mars 2007, à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge J.E. Hershfield

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

James Warnock

Avocat de l’intimée :

Ronald MacPhee

Michael Ezri

[traduction française officielle]

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, par avis daté du  29 août 2003 et portant le numéro 11111111441, pour la période du 1er novembre 1996 au 31 octobre 1999, est rejeté, avec dépens en faveur de l’intimée, pour les motifs ci‑joints.

 

Signé à Winnipeg (Manitoba), ce 12e jour de septembre 2007.

 

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

Traduction certifiée conforme

Ce 17 e jour de décembre 2007.

 

Christiane Bélanger,

réviseure


 

 

 

                                                      Référence : 2007CCI281

                                                         Date : 20070912

                                                                 Dossier : 2003‑4234(GST)G

ENTRE :

BANQUE ROYALE DU CANADA,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hershfield

 

I.       Introduction

 

[1]     La Banque Royale du Canada (« RBC ») interjette appel d’une nouvelle cotisation datée du 29 août 2003 aux termes de laquelle le ministre du Revenu national (« ministre ») a établi la cotisation de l’appelante à 6 641 714 $ au titre de la taxe sur les produits et services (« TPS ») pour la période du 1er novembre 1996 au 31 octobre 1999. L’appel porte sur les paiements versés par BCR à Lignes aériennes Canadien International Ltée (« LACI »), un transporteur aérien de marché intérieur et international, aux termes d’une convention de carte de crédit d’affinité. Conformément à cette convention, LACI a émis des points de grands voyageurs aux titulaires de carte de crédit qui utilisaient une carte de crédit Visa Canadian Plus de RBC (« carte affinité »).

 

[2]     En vertu de la convention entre RBC et LACI, RBC octroyait du crédit aux détenteurs de la carte affinité et leur fournissait les services de carte de crédit. Ceux‑ci étaient aussi inscrits au programme de fidélisation des grands voyageurs de LACI et recevaient des points en vertu de ce programme pour avoir utilisé la carte. En vertu du programme de fidélisation de la carte affinité, pour chaque dollar de dépenses autorisées encourues au moyen de la carte de fidélisation des grands voyageurs, le titulaire recevait un point du programme échangeable contre des services de voyage de LACI. RBC faisait des paiements à LACI en fonction du nombre de points de grands voyageurs émis par celle‑ci aux titulaires de la carte affinité.

 

[3]     La principale question en litige dans le présent pourvoi repose sur la façon dont il convient de qualifier la fourniture à l’égard de laquelle les versements de RBC ont été effectués. L’appelante ne conteste pas le calcul du montant de la TPS, dans la mesure où il s’agit d’une fourniture taxable.

 

[4]     Le ministre soutient que RBC est l’acquéreur d’une fourniture taxable de bien effectuée par LACI ‑ nommément des points de voyageurs fréquents ‑ qui est assujettie à la TPS en application de la Loi sur la taxe d’accise (partie relative à la TPS) (« Loi »).

 

[5]     L’appelante prétend que LACI a fourni une prestation de services qui étaient intégrés dans le service offert par RBC à ses titulaires de carte de crédit. Sur ce fondement, l’appelante soutient que les paiements versés à LACI l’ont été pour la prestation de services financiers exemptés sur lesquels aucune TPS n’est payable. Subsidiairement, l’appelante fait valoir que si elle a acquis des points de voyageurs fréquents ou en a été le bénéficiaire, une telle fourniture de la part de LACI constituait une fourniture de certificats‑cadeaux qui n’était pas assujettie à la TPS. Et subsidiairement encore, elle soutient que LACI, en tant que fournisseur, était tenue de percevoir la TPS et de la verser, et qu’elle a déjà fait l’objet d’une cotisation établie sur ce fondement à l’égard des mêmes opérations que celles en cause en la présente espèce.  L’appelante soutient donc que la cotisation établie à l’encontre de LACI a fait naître une obligation fiscale et que conclure à la responsabilité de l’appelante pour la même taxe sur les mêmes fournitures constituerait une double imposition. 

 

II.      Le contexte factuel

 

[6]     Les faits sous‑jacents ont été établis par les parties dans un exposé conjoint des faits joint en annexe aux présents motifs. Les parties ont également produit un recueil conjoint de documents et aucun témoin n’a déposé à l’audience. Voici brièvement les faits.

 

[7]     Le 1er mars 1994, RBC et LACI ont conclu une convention de programme  de cartes d’affinité (« convention »). Selon les termes de la convention, LACI devait activement publiciser, commercialiser et promouvoir le produit, y compris maintenir des stocks de formulaires d’inscription. LACI avait aussi l’obligation d’afficher le matériel publicitaire, d’informer les clients actuels et potentiels de l’existence et de l’accessibilité du programme de cartes de fidélisation, d’accepter le paiement de services de voyages par carte de crédit, et d’entreprendre des promotions marketing périodiques comme des campagnes par publipostage. LACI avait également la responsabilité de fournir des « services accessoires » (tels qu’énoncés à l’annexe « G » de la convention), notamment accorder des points de voyageurs fréquents appelés points de récompense Canadian Plus (« Points ») aux détenteurs de cartes. Les points devaient être accordés au rythme minimum établi à l’annexe « G » d’un point pour chaque dollar de dépenses admissibles effectuées par carte de crédit. Aucune valeur pécuniaire n’était reconnue aux points en soi mais il était possible de les échanger contre des services de voyages auprès de LACI.

 

[8]     Aux termes de la convention, RBC avait la responsabilité d’émettre les cartes affinité ainsi que de fournir aux titulaires de ces cartes les services financiers qui y sont associés et de les administrer. RBC avait convenu d’assortir son offre de carte affinité, à tout le moins, des mêmes informations de financement par crédit et des mêmes conditions que celles en vigueur pour sa propre carte Visa Classic. Conformément aux dispositions de la convention, LACI n’a pas pris part à la présélection, à l’examen ou à la présentation des demandes de carte affinité à RBC.

 

[9]     Au début, chaque partie supportait ses propres dépenses en relation avec leur participation respective au programme. Plus particulièrement, l’article 1 de l’annexe « H » de la convention prévoyait le paiement par LACI de tous les frais et de toutes les dépenses engagés en relation avec l’émission des points. Aux termes de l’article 2 de l’annexe « H », RBC assumait la responsabilité des frais et dépenses relatifs à sa gestion des services de carte de crédit. Les parties devaient se partager les coûts résultant de la commercialisation et de la promotion.

 

[10]    Conformément à une convention de modification datée du 1er mai 1994,

(« convention de modification de 1994 »), les dispositions de partage des coûts pour la commercialisation et la promotion relatives au programme de carte affinité ont été modifiées pour fixer le montant maximum payable annuellement par LACI à 200 000 $[1]. La convention de modification de 1994 traitait aussi d’activités conjointes de commercialisation ainsi que d’élaboration de plans annuels de commercialisation et de services à la clientèle pour le programme. De plus, elle arrêtait la procédure pour permettre à LACI d’accorder des points aux titulaires de carte de crédit et obligeait RBC à rembourser mensuellement les frais encourus par LACI pour émettre les points auxdits titulaires. Le montant payable à LACI était calculé conformément au tarif établi à l’article 4.1 de la convention de modification de 1994 et dont les dispositions se lisent comme suit :

 

4.1      [traduction] Malgré les dispositions de l’article 1 de l’annexe « H » et conformément à celles de l’alinéa 2a) de l’annexe « G » de la convention, la Banque convient de rembourser à Canadian les frais encourus pour l’émission des points aux titulaires de cartes de crédit Visa au tarif de 0,0085$ par point émis ou selon tout autre tarif convenu par écrit  entre Canadian et  la Banque Royale.

 

Des modifications ultérieures d’ajustement ont porté le tarif initial de 0,0085$ à 0,01$ par point.

 

[11]    Sur les paiements effectués conformément à l’article 4.1 de la convention de modification de 1994, LACI n’a ni facturé la TPS à RBC, ni ne l’a perçue de cette dernière. Lorsque des points ont été achetés par RBC à des fins de promotions internes, cette dernière a payé la TPS[2].

 

[12]    Se fondant sur la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (« LACC »), LACI a institué des procédures en mars 2000 qui ont mené à la présentation d’un plan de transaction et d’arrangement (« plan »). Le plan libérait LACI de ses obligations antérieures au 24 mars 2000; il a été accepté par tous ses créanciers, dont l’Agence du revenu du Canada (« ARC »), et homologué par la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta. L’homologation du plan a conduit à la fusion de LACI avec Air Canada. Ce n’est pas avant le mois de juin 2000 que LACI a fait l’objet d’une cotisation sur les versements de TPS relativement aux paiements reçus de RBC conformément aux dispositions de l’article 4.1 de la convention de modification de 1994.

 

[13]    La première cotisation à l’encontre de RBC pour la TPS sur les paiements susmentionnés a été établie en janvier 2001. À la suite d’une série de cotisations, d’oppositions et d’ajustements, l’avis de nouvelle cotisation qui est visé par le présent pourvoi a été établi au mois d’août 2003.

 

 

III.    Questions en litige

[14]    Voici les questions à trancher dans le cadre du présent appel :

 

A.  Les paiements versés par RBC à LACI l’ont‑ils été en contrepartie de fournitures taxables ou LACI a‑t‑elle fourni des services financiers exemptés du paiement de la TPS?

 

B.   Alternativement, LACI a‑t‑elle effectué, sous forme de points, une fourniture de certificats‑cadeaux non taxable?

 

C.  L’établissement de la cotisation antérieure de LACI fait‑elle obstacle à la seconde établie à l’encontre de RBC pour la même fourniture?

 

IV.     Arguments et analyse

A.      La fourniture d’un service financier

[15]    En plus de l’article 165 de la Loi qui prévoit que l’acquéreur est tenu de payer la TPS sur la contrepartie de la fourniture acquise, il importe de signaler que selon la définition donnée à l’article 123 de la Loi le terme « acquéreur » s’entend notamment d’une :

[...]

a) personne qui est tenue, aux termes d'une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture,

[...]

Par ailleurs, la mention d'une personne au profit de laquelle une fourniture est effectuée vaut mention de l'acquéreur de la fourniture.

 

[16]    Dans le présent pourvoi, l’appelante ne conteste pas qu’elle est l’acquéreur d’une fourniture, au sens de l’alinéa a) de la définition ci‑dessus. Pas plus qu’il n’est contesté que les points sont des biens susceptibles d’être une fourniture aux termes de la convention de modification de 1994. L’appelante soutient plutôt que les points ne constituent pas la fourniture pour laquelle la contrepartie a été versée. La question préliminaire qu’il convient alors de trancher est de savoir si l’attribution des points représentait la fourniture ou son élément dominant. Dans l’affirmative, et si une telle conclusion étaye la subséquente voulant que la contrepartie payée par RBC à LACI visait cette fourniture, en tant que fourniture unique, alors le principal argument de l’appelante  ne saurait être retenu.

 

[17]    L’appelante soutient que les paiements versés à LACI étaient visés par la définition de « service financier » parce qu’ils étaient faits non pas pour des points mais bien pour des services dont la nature s’apparentait à celle de la « prise de mesures » pour « l’octroi de crédit ». Aux termes de la Loi, « service financier » comprend :

 

          [...]

 

g) l'octroi d'une avance ou de crédit ou le prêt d'argent;

 

[...]

 

l) le fait de consentir à effectuer un service visé à l'un des alinéas a) à i) ou de prendre les mesures en vue de l'effectuer;

 

[...]

 

La présente définition exclut :

 

[...]

 

t) les services visés par règlement.

 

[18]    L’appelante soutient que LACI a participé à la mise en place et à l’exploitation du programme de carte affinité, notamment soit en précisant des termes spécifiques et des particularités des cartes de crédit, soit en les acceptant. Selon l’appelante, une telle participation suffit pour « prendre des mesures » en vue des services de crédit offerts par RBC et elle s’appuie sur le sens ordinaire du syntagme verbal « prendre des mesures » qui signifie « planifier ou prévoir; faire en sorte qu'une chose se produise »[3]. L’appelante soutient que la carte affinité et ses facilités de crédit ne seraient pas disponibles n’eût été le rôle de LACI. Sur le plan de la causalité, la participation de LACI était essentielle.

 

[19]    L’appelante se fonde sur l’arrêt de la Cour d’appel d’Angleterre Customs & Excise Commissioners c. Civil Service Motoring Association (« CSMA »)[4], portant sur une disposition similaire de la loi sur la taxe sur la valeur ajoutée du Royaume‑Uni (TVA) prévoyant une exemption en matière de service financier. Dans cet arrêt, la Cour d’appel d’Angleterre a statué que la participation de l’association automobile dans un programme de carte de crédit était visée par l’exemption de TVA sur les services financiers parce qu’elle avait collaboré à la conception ainsi qu’à l’exploitation du programme en question et qu’elle avait reçu des commissions pour l’utilisation des cartes de crédit. La Cour a conclu que la participation de l’association automobile n’avait pas à s’étendre au traitement des demandes individuelles de crédit et à leur acceptation pour que celle‑ci ait droit à l’exemption découlant de la prise de mesures en vue de l’octroi de crédit.

 

[20]    L’appelante soutient que LACI, tout comme l’association automobile dans l’affaire CSMA, a participé à la conception et à l’exploitation du programme de la carte de crédit en question et qu’elle a été payée pour l’utilisation de cartes de crédit. Les paiements faits par RBC à LACI ont été fixés selon un taux par dollar de crédit découlant de l’utilisation de la carte affinité et ces paiements devraient être assimilés à une commission versée pour les mesures prises en vue de l’octroi de la ligne de crédit aux titulaires de la carte affinité. Cette pratique illustre la nature et le caractère véritables du service pour lequel LACI était rétribuée, à savoir le rôle joué dans l’établissement d’une entreprise de crédit et sa promotion. L’appelante soutient que le renvoi, dans la convention de modification de 1994, aux paiements comme mode de remboursement des points ne devrait pas être déterminante quant à leur nature et elles cite Hidden Valley Golf Resort Association c. Sa Majesté la Reine[5] au soutien de ce principe.

 

[21]    La position de l’intimée repose sur l’argument que l’élément dominant dans la fourniture effectuée par LACI est l’émission des points et elle se fonde également sur notre décision dans l’affaire O.A. Brown Ltd. c. Sa Majesté la Reine[6], qui a été citée comme faisant école en matière de fournitures uniques et de fournitures multiples. L’intimée soutient que le présent appel ne porte pas sur le fait que LACI soit payée pour mettre en place du crédit, mais bien qu’elle acquiert un avantage pour faire augmenter l’utilisation de cartes de crédit. Bien que le programme de carte affinité ait été un programme mixte en vertu duquel LACI devait promouvoir l’émission de cartes tant à ses clients actuels qu’aux clients potentiels et leur utilisation par ceux‑ci, le service dominant était de promouvoir l’utilisation des cartes par l’émission de points à leurs utilisateurs. La preuve en est que les versements de 200 000 000 $ pour les points éclipsent le coût de chacun des autres éléments du contrat. Alors que la convention, dans sa version modifiée, limite les coûts afférents à la fourniture par LACI de services de promotion non supervisés à 350 000 $ par année, les points quant à eux étaient facturés et payés mensuellement.

 

[22]    De plus, alors que la convention initiale prévoyait que chaque partie devait payer ses propres dépenses, la convention modifiée de 1994 quant à elle stipulait que les frais et dépenses de LACI engagés en relation avec l’émission de points devaient être remboursés selon un taux par point. Le paiement d’une contrepartie  pour l’émission des points faisait l’objet d’une obligation légale et le lien entre le paiement et la fourniture est suffisamment étroit pour que ce paiement soit considéré avoir été fait « pour » cette fourniture[7].

 

[23]    L’intimée se fonde sur le fait que la responsabilité des services fournis par LACI ne s’étendait pas au tri, à l’examen ou à la soumission des demandes de cartes d’affinité et qu’à ce titre, ils ne pouvaient pas être considérés comme des services rendus à l’occasion de « mesures prises en vue » d’octroyer du crédit. Seule la RBC examinait et triait les demandes et accordait les approbations nécessaires à l’émission des cartes. Les facilités et les services de crédit étaient organisés, rendus et gérés par RBC. En ce sens, ils étaient entièrement façonnés par celle‑ci. En conséquence, l’intimée fait valoir qu’il n’y avait aucune fourniture de services financiers par LACI même si l’élément dominant de la fourniture unique n’était pas les points.

 

[24]    À cet égard, l’intimée fait valoir que les services de l’appelante ne satisfont pas à la condition préliminaire de « prendre les mesures en vue d’octroyer du crédit » telle qu’établie dans Les Promotions D.N.D. Inc. c. Sa Majesté la Reine [8] et la pratique administrative prévue par l’ARC dans l’énoncé de politique P‑239[9].

 

[25]    Enfin, l’avocat de l’intimée fait valoir que l’alinéa t) de la définition de 

« service financier » et le paragraphe 4(2) du Règlement sur les services financiers (TPS/TVH) (« Règlement ») ont pour effet d’exclure les services fournis par LACI dans la mesure où ils pourraient autrement être considérés comme des services financiers.

 

[26]    J’examinerai d’abord la décision O.A. Brown qui s’est penchée sur la jurisprudence anglaise sur la TVA. Dans ses motifs de jugement, le juge Rip se penchant sur cette jurisprudence a expliqué à la page 2095 :

 

21          En tranchant cette question, il est d'abord nécessaire de décider ce qui a été fourni en contrepartie du paiement. Il faut alors se demander si la fourniture globale est composée d'une seule fourniture ou de plus d'une fourniture. Le critère qui ressort de la jurisprudence anglaise est de savoir si, au fond et en réalité, la présumée fourniture séparée fait partie intégrante ou est un élément constitutif de la fourniture globale. Il faut examiner la nature véritable de l'opération pour en déterminer les attributs fiscaux. Le critère a été énoncé par le Value Added Tax Tribunal de la façon suivante :

[TRADUCTION]

À notre avis, lorsque les parties concluent une opération en vertu de laquelle une partie remet une fourniture à l'autre, la taxe (le cas échéant) exigible à cet égard doit être déterminée par rapport au fond de l'opération, mais le fond de l'opération doit être déterminé par rapport au caractère réel des accords conclus entre les parties.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[27]    L’appelante ne nie pas avoir été l’acquéreur d’une fourniture unique dont les points constituaient une portion, une composante. Cependant, l’appelante soutient que cette composante n’était pas le bien ou la fourniture visé par le paiement fait à LACI. Je ne suis pas de cet avis. Non seulement cela constitue‑t‑il l’essence même de la fourniture à laquelle tout le reste se rattache, mais aussi il n’y a pas, selon moi, de fourniture unique de services financiers du type invoqué par l’appelante.

 

[28]    Le programme portait fondamentalement sur la promotion de l’utilisation de la carte affinité par l’émission de points. Tout ce qu’a accompli LACI depuis sa participation dans l’élaboration des conditions de facilité de crédit jusqu’à la publicité du programme se résumait à la promotion de l’utilisation de la carte par l’émission de points; et c’est exactement ce pourquoi elle était payée – l’émission de points. Lorsque l’appelante s’est portée acquéreur de points pour son propre usage, elle a payé le même prix. De même, lors d’achats isolés à des fins de promotion, elle a versé le même prix pour les points[10]. Dans tous les cas, LACI était payée pour l’émission de points et non pour son rôle dans l’élaboration du programme. C’est exactement ce que précise l’article 4.1 de la convention de modification de 1994, c’est‑à‑dire que l’unique contrepartie pécuniaire à la base du présent appel a été versée pour l’acquisition de points. Sans émission de point, aucune contrepartie n’était payable. De plus, du point de vue de LACI, en vendant des points, elle vendait des services de transport aérien, son activité principale d’alors. Bien que la contrepartie payable soit associée à un paiement en recouvrement de coûts, il semble évident que ces coûts s’avéraient plutôt le prix à payer pour fournir des transports aériens gratuitement. En conséquence, j’arrive à la conclusion que les paiements en question ne sont pas des paiements versés pour la fourniture de services financiers.

 

[29]    En tirant cette conclusion, je n’ai pas fait abstraction du rôle crucial joué par LACI dans la mise en place du programme de carte affinité et de l’importance de l’utilisation du crédit qui en a résultée pour RBC. Toutefois, après m’être penché sur la jurisprudence citée par les parties et sur la signification de l’expression « prendre les mesures en vue de l’effectuer » figurant dans la définition de « service financier », je ne trouve aucun autre élément dans le présent appel susceptible de changer ma conclusion que la contrepartie qui a été versée l’a été en contrepartie de l’émission de points.

 

[30]    D’après l’appelante, l’expression « prendre les mesures en vue de l’effectuer » doit recevoir une interprétation large et la conclusion que le rôle de LACI dans la mise en place du programme était crucial pour l’octroi de crédit en vertu de ce programme mène inexorablement à conclure qu’elle a pris des mesures en vue d’établir du crédit. Au soutien d’une interprétation large de l’expression « prendre les dispositions en vue de l’effectuer », l’appelante se fonde sur le sens ordinaire de l’expression « prendre les mesures » et sur l’arrêt Promotions D.N.D. qui n’a retenu qu’un critère relativement minimal pour déterminer ce qu’on entend par « prendre les dispositions en vue » d’octroyer un crédit.

 

[31]  Dans l’affaire Promotions D.N.D., l’entreprise du contribuable s’occupait de la promotion de cartes de crédit. Ses employés distribuaient les demandes  d’émission de ces cartes dans des centres commerciaux. Ils examinaient les demandes pour s’assurer qu’elles étaient bien remplies et celles‑ci étaient ensuite envoyées par le contribuable à la société émettrice de cartes de crédit pour approbation. L’entreprise du contribuable n’avait pas de pouvoir décisionnel quant à l’octroi de crédit et n’y participait pas. Le ministre a refusé les CTI demandés par l’entreprise du contribuable en se fondant sur le fait que celle‑ci fournissait le service financier au sens de l’expression prendre les mesures en vue d’octroyer un crédit, service exempté en vertu de l’alinéa l) de la définition de la Loi. Notre Cour a accepté la position du ministre et notre décision a servi de fondement à la pratique administrative de l’ARC qui est détaillée dans l’énoncé de politique  P‑239[11].

 

[32]    L’avocat de l’appelante a fait valoir que s’il suffit de vérifier l’absence de renseignements essentiels sur une demande pour « prendre les mesures en vue » d’octroyer du crédit, alors en établir les conditions pour les titulaires de cartes doit certainement être considéré comme « prendre les mesures en vue de l’effectuer » à l’égard du crédit octroyé en vertu de ces mêmes conditions.  L’arrêt CSMA établit un précédent clair et convainquant sur lequel peut s’appuyer la position que le rôle éclipse la fourniture de bien (les points). L’appelante a également invoqué la décision Promotions D.N.D. au soutien de sa décision de ne pas se prévaloir de l’exclusion énoncée à l’alinéa t) de la définition de « service financier ».

 

[33]    L’alinéa t) de la définition de « service financier » exclut les services visés par règlement et le paragraphe 4(2) du Règlement exclut des services financiers la communication, la collecte ou le traitement de renseignements et les services administratifs. Si l’examen des demandes de cartes de crédit n’était pas un service administratif qui l’exclut ainsi du concept de service financier, alors  l’établissement des conditions de crédit pour les titulaires de cartes ne pouvait forcément pas être exclu en vertu de l’alinéa t) de la définition de « service financier »[12].

 

[34]    Bien que je convienne avec l’appelante que la décision Promotions D.N.D. favorise une interprétation large de l’expression « prendre les mesures en vue de l’effectuer » et qu’effectivement la détermination des conditions de crédit pour le compte de titulaires de cartes va beaucoup plus loin que ne le suggèrent les exclusions administratives prévue par la loi, comme celle formulée au paragraphe 4(2) du Règlement, de telles conclusions ne peuvent m’empêcher de déterminer à l’égard de l’appelante que le versement fait en l’espèce était si intimement lié à une autre fourniture (les points) que le tout se fondait dans cette fourniture principale. À mon avis, il n’y avait aucune contrepartie distincte versée à LACI pour remplir la fonction de « prendre les mesures en vue de » l’octroi de conditions de crédit. L’entière contrepartie sur laquelle je me suis penché a clairement été versée pour les points. L’implantation et la promotion de l’utilisation de cartes de crédit servaient de mécanisme d’émission de points, ce qui constituait, comme je l’ai signalé précédemment, une façon de vendre des services de transport aérien. La tâche de veiller à ce que les conditions de crédit demeurent concurrentielles n’était pas effectuée en tant qu’intermédiaire comme un service fourni à RBC ou aux utilisateurs de carte de crédit, pas plus qu’une contrepartie n’était versée pour ce genre de service; la participation de LACI au programme était conditionnelle à ce qu’elle favorise l’utilisation de la carte affinité de façon à vendre des points.

 

[35]    Ce fait permet aussi d’établir une distinction entre la présente affaire et l’affaire CSMA où l’association d’automobilistes participait activement comme intermédiaire à la négociation des conditions de facilités de crédit offertes à ses membres. En leur nom, l’association a conçu un régime de cartes de crédit dont le but précis était d’octroyer du crédit à ces membres. Ainsi des conditions cruciales du montage financier étaient négociées pour les membres, comme les taux d’intérêt et la mise en place d’un processus d’arbitrage. Le tribunal a conclu que le lien entre le rôle d’intermédiaire et le processus d’octroi de crédit légitimait la conclusion que la somme versée l’avait été à titre de commission pour l’établissement des modalités de crédit. De tels services constituaient l’aspect dominant de la fourniture effectuée et payée. Le caractère véritable de la fourniture dans cette affaire était d’obtenir des conditions de crédit favorables aux membres – qui leur étaient particulières – et de tirer des bénéfices de l’institution financière octroyant la facilité de crédit. En fait, il n’y avait aucune autre fourniture, telle la fourniture de points, dans l’affaire CSMA.

 

[36]    En l’espèce par contre, les versements ne peuvent être associés à aucune autre fourniture que les points. Les principales conditions du contrat de carte de crédit sont fixées dans la convention mais rien n’indique qu’il y ait des négociations pour le compte des détenteurs de cartes. L’énumération des services de RBC et la garantie que les services financiers qu’elle doit fournir s’avèrent au minimum semblables à ceux fournis en vertu de sa carte Visa Classic n’évoquent pas en soi un rôle d’intermédiaire agissant pour le compte des détenteurs de cartes. L’intérêt financier pour LACI de vendre des points se justifie beaucoup plus par la présence de conditions attrayantes dans la convention des détenteurs de cartes que par son rôle d’intermédiaire. 

 

[37]    La conclusion que LACI n’était pas un intermédiaire financier prenant des mesures en vue de l’octroi de crédit pour les détenteurs de cartes est davantage étayée par son rôle vu sous l’angle des risques afférents. Dans certains cas, les activités d’un intermédiaire peuvent l’exposer à un risque important en cas de défaut lié au crédit ou d’interruption des services fournis aux titulaires de cartes. De telles situations vont au‑delà de la simple gestion dont l’exclusion est visée à l’alinéa t) de la définition de « service financier » et elles seraient davantage de la nature d’un service financier exempté en vertu des dispositions relatives aux services consistant à « prendre les mesures en vue de l’effectuer ». Toutefois, LACI ne s’exposait à aucun risque d’affaires dans le cadre du processus d’octroi de crédit. Les dispositions de la convention relatives à la responsabilité, le dédommagement et l’indemnisation visaient à faire en sorte que LACI ne supporte aucun risque lié aux services de financement par le crédit dispensés par RBC. Son rôle consistait à fournir des services de voyage à titre onéreux.

 

[38]    De plus, je ne partage pas l’argumentation de l’appelante selon laquelle les versements en question reçus par LACI ont été faits à titre de commission découlant de l’utilisation de cartes de crédit; cette utilisation servait aussi de critère pour évaluer les points achetés et vendus. La fourniture ne devrait pas être confondue avec les outils ou les étalons utilisés pour évaluer le montant de la contrepartie payable pour cette fourniture. Il est clair que LACI pouvait augmenter ses revenus en vertu de cet arrangement par la promotion de la carte affinité et par l’offre d’un bon rapport qualité/prix pour les points en circulation. Le partage des coûts de publicité et de marketing n’a donc rien à voir avec la promotion de l’utilisation de carte de crédit d’un strict point de vue du financement par le crédit, mais bien avec l’augmentation des revenus des ventes provenant d’une hausse de l’utilisation de la carte. La promotion de l’utilisation d’une facilité de crédit a pu s’avérer une excellente affaire pour LACI, mais ce service ne saurait être perçu comme consistant à « prendre les mesures en vue de » l’octroi de cette facilité.

 

[39]    En conclusion, j’estime que la participation de LACI dans la prise de mesures en vue de l’octroi de facilité de crédit était accessoire à ses propres activités de vente des points. Cela tombe sous le sens commun et répond à un impératif commercial. LACI offrait des services de voyage; vendre des points équivalait à vendre ce genre de services. L’appelante a acheté des services de voyage pour en faire des récompenses liées à l’utilisation de sa carte affinité qui en retour accroissait ses revenus. Tout le reste n’est qu’accessoire à cette combinaison synergique. Compte tenu des faits en l’espèce, il n’est tout simplement pas raisonnable de conclure que LACI a joué un rôle fondamental dans la prise de mesures en vue de l’octroi de crédit par la RBC.

 

[40]    Avant d’aborder les arguments subsidiaires de l’appelante, je constate que même si je n’ai fait référence qu’à une seule décision anglaise sur cette question de « prendre les mesures en vue de » l’octroi de crédit (CSMA), un certain nombre d’autres décisions anglaises m’ont été soumises. La jurisprudence soumise par l’appelante, comme la décision CSMA, concernait des organisations autres que financières parrainant une gamme spécifique de carte de crédit[13]. D’autre part, l’intimée a invoqué la décision Tesco plc c. Commissioners for Customs and Excise[14] qui examinait les programmes encourageant la fidélisation de la clientèle et qui citait la jurisprudence en traitant. Quant aux faits, celle‑ci se comparait d’ailleurs mieux à la présente espèce que le courant jurisprudentiel sur le parrainage cité par l’appelante. Contrairement à l’affaire CSMA, d’une part l’affaire Tesco mettait en cause l’émission de points de récompense aux membres dans le cadre d’un programme de facilité de crédit et, d’autre part, il a été statué que l’émetteur de points (Tesco) avait fourni des services de promotion qui ne pouvaient être assimilés à la prise de mesures en vue de l’octroi de crédit.

 

[41]    Divers programmes ont été examinés dans la décision Tesco. De façon très générale, des points de récompense émis pour fidéliser la clientèle étaient échangés contre des coupons en prévision d’achats futurs. La Cour a conclu à l’absence de contrepartie pour de telles récompenses dans une quelconque portion du prix d’achat payé par les consommateurs. Dans le même ordre d’idées, la Cour a statué que le soutien apporté aux activités d’une tierce partie en lui émettant des points ou en émettant à ses clients, moyennant rétribution, devait être considéré comme un service promotionnel par opposition à une vente de biens. Bien que cette dernière conclusion diffère des miennes en l’espèce, elle n’est pas utile à la cause de l’appelante. En serais‑je venu à une conclusion sur les faits similaire à celle tirée dans Tesco et décidé que l’appelante a payé pour des services promotionnels fournis par LACI, qu’il en aurait résulté, comme dans Tesco, que de tels services ne sont pas des services financiers visés par  règlement. La prestation de services promotionnels n’entraîne pas la « prise de mesures [...] en vue de l’octroi de crédit ».

 

[42]    À la lumière de l’ensemble de la jurisprudence, il est clair que  l’application d’un principe unique à toutes les situations est illusoire. Dans le contexte d’un programme d’affinité ou de fidélisation, l’assujettissement à la TPS est toujours une question de fait. Bien que les ententes contractuelles relatives au programme et son mode de fonctionnement dictent souvent la façon dont la TPS sera appliquée, dans chaque cas, il sera toujours loisible au tribunal de déterminer la nature de la fourniture à l’égard de laquelle une contrepartie a été versée. Je rappelle que l’article 4.1 de la convention de modification de 1994 prévoit expressément que des paiements étaient versés pour des points. À mon avis, il est clair que le caractère véritable de la fourniture en l’espèce était la fourniture de points.

 

B.   Certificats‑cadeaux

 

[43]    Subsidiairement, l’appelante a fait valoir que l’achat des points ne devrait pas être assujetti à la TPS lors de leur acquisition, les points étant des certificats‑cadeaux selon l’article 181.2. L’appelante s’appuie sur l’article 181.2 pour justifier le report du paiement de l’impôt jusqu’au moment du rachat des points par le titulaire de carte.

 

[44]    L’article 181.2 dispose : 

181.2 Certificats‑cadeaux ‑‑ Pour l’application de la présente partie, la délivrance ou la vente d’un certificat‑cadeau à titre onéreux est réputée ne pas être une fourniture. Toutefois, le certificat‑cadeau donné en contrepartie de la fourniture d’un bien ou d’un service est réputé être de l’argent.

[45]    Les notes explicatives de l’article indiquent que la vente d’un certificat‑cadeau n’est pas considérée comme une fourniture (malgré la contrepartie) et donc qu’elle n’est pas assujettie à la TPS[15]. Ce n’est que lorsqu’un certificat‑cadeau est subséquemment échangé contre des biens ou services que sa valeur de rachat doit être traitée comme faisant partie intégrante de la contrepartie versée pour l’obtention de ces biens ou services.

[46]    À cette étape‑ci, quelques observations préliminaires s’imposent afin d’aider à mettre les choses en perspective :

-                     Le mot « certificat‑cadeau » n’étant pas défini dans la Loi, il faut tenir compte de ce que l’interprétation commune du terme englobe. Selon l’ARC, le certificat‑cadeau doit avoir une valeur attribuée ou nominale. Comme les points n’ont pas de valeur attribuée ou nominale, ils ne peuvent pas, selon les pratiques administratives, être des certificats‑cadeaux.

‑        L’article 181 traite d’un autre type d’instrument d’une façon entièrement différente. Cet instrument s’appelle un « bon » et il est simplement défini comme une pièce autre qu’un certificat‑cadeau. En termes généraux, contrairement au certificat‑cadeau, le bon n’est pas traité par rapport à l’utilisation qu’en fait le consommateur en contrepartie de ce qu’il a payé. C’est‑à‑dire que le consommateur final paie la taxe sur la valeur de la contrepartie versée pour les services ou biens acquis après déduction du montant de la réduction correspondant au bon. L’avocat de l’intimée fait valoir que la vente de points est une vente de bons, laquelle, contrairement à la vente de certificats‑cadeaux, est une fourniture taxable. Suivant ce principe, lorsque les titulaires de carte de crédit échangent leurs points contre du transport aérien, ils n’ont pas à payer de TPS selon l’article 181, ce qui reflète les pratiques courantes de l’ARC pour l’établissement des cotisations.

‑        Pour aider à faire la distinction entre les deux instruments, l’ARC leur a conféré à des fins de commodité (ou peut‑on dire par nécessité) des caractéristiques qui ne sont pas prescrites par la Loi. Sur le plan administratif, l’ARC a déterminé que le certificat‑cadeau devait avoir une valeur attribuée et être acquis pour un montant égal à cette valeur attribuée[16]. Les bons peuvent avoir ou ne pas avoir de valeur attribuée, ils offrent, généralement du moins, un rabais au lieu d’une fourniture gratuite et ils sont émis sans contrepartie[17].

 

[47]    Lorsque j’examine tout d’abord l’argument de l’intimée, selon lequel les points ne peuvent être des certificats‑cadeaux en raison du défaut de valeur attribuée ou nominale, je ne trouve rien dans la Loi ou la jurisprudence qui justifie cette position. Malgré cela, l’intimée fait valoir que parce que le certificat‑cadeau est réputé être de l’« argent » aux termes de la Loi, il est soumis à une exigence implicite de la loi relativement à la valeur attribuée lorsque l’article 181.2 est lu conjointement avec la définition de l’« argent » figurant au paragraphe 123(1) :

 

« argent » Y sont assimilés la monnaie, les chèques, les billets à ordre, les lettres de crédit, les traites, les chèques de voyage, les lettres de change, les bons de poste, les mandats‑poste, les versements postaux et tout autre effet, canadien ou étranger, de même nature. La présente définition exclut la monnaie dont la juste valeur marchande dépasse la valeur nominale dans le pays d’origine et celle fournie ou détenue pour sa valeur numismatique.

 

[48]    Cette définition commande certainement que l’« argent » ait une valeur attribuée. L’avocat de l’intimée demande ensuite effectivement : « Comment l’article 181.2 peut‑il dire qu’une chose est réputée être ce qu’elle ne peut pas être, étant donné qu’elle ne possède pas une caractéristique essentielle de ce qu’elle est réputée être? » Or, c’est exactement ce que fait une disposition déterminative. L’avocat de l’intimée prétend ensuite que considérer le certificat comme étant de l’argent sans exiger qu’il ait une valeur attribuée rend la disposition déterminative inapplicable. Comment peut‑il fonctionner comme de l’argent alors qu’il ne possède pas la caractéristique même qui lui est nécessaire à cette fin? Cet argument présuppose une définition limitée du certificat‑cadeau. Une telle présupposition n’est pas justifiée par la jurisprudence ou les dispositions de la Loi.

 

[49]    Quant à l’interprétation commune du certificat‑cadeau, peut‑être est‑il présomptueux de penser qu’une telle chose existe. L’argument de l’avocat de l’intimée, que j’interprète comme l’obligation implicite pour un instrument d’être doté d’une valeur attribuée pour être considéré comme un certificat‑cadeau, peut être valable si, par exemple, l’interprétation commune du certificat‑cadeau est que, comme l’argent, il confère à son utilisateur une certaine discrétion quant à son utilisation. Si tel est le cas, un certificat donnant droit à un « lavage de voiture extérieur de base » chez Joe Lave‑auto, auquel aucune valeur n’aurait été attribuée, ne serait pas un « certificat‑cadeau » même si cette mention figure sur le certificat et que j’en ai fait l’acquisition en tant que tel. Comme acheteur d’un tel certificat, je comprendrais que j’ai fait l’acquisition d’un certificat‑cadeau. D’autre part, l’utilisateur d’un tel certificat pourrait s’attendre à ce que la TPS à l’égard du certificat ait été préalablement payée, c’est‑à‑dire que l’utilisateur pourrait alors comprendre que le certificat du lave‑auto n’est pas un certificat‑cadeau au sens de la Loi[18].

 

[50]    Bien qu’il puisse être présomptueux de statuer que le terme « certificat‑cadeau » signifie une chose ou une autre, ce ne l’est pas de penser que les décisions qui seront rendues par la présente Cour sur la façon d’interpréter le terme seront prises en compte. La Cour a énoncé clairement qu’il n’est pas nécessaire que le certificat‑cadeau, au sens de l’article 181.2, ait une valeur attribuée et soit applicable à des biens ou services identifiables. Dans Canasia Industries Limited c. La Reine[19], le juge en chef Garon, tout en faisant remarquer que le mot « certificat‑cadeau » est une expression familière pouvant englober divers documents et transactions, a ainsi décrit les éléments constitutifs d’un certificat‑cadeau :

 

L'élément essentiel est que le porteur du certificat, qui pourrait être quiconque à qui le certificat a été transféré par l'acheteur initial du certificat ou par un détenteur ultérieur, a le droit de recevoir gratuitement de l'émetteur du certificat soit un bien ou un service, soit la valeur nominale à l'achat d'un bien ou d'un service. Je ne crois pas qu'il soit important que le porteur du certificat ait ou non versé une contrepartie ou ait offert une contrepartie pour obtenir le certificat‑cadeau de l'acheteur initial du certificat ou de n'importe quel intermédiaire ultérieur. À mon avis, le concept de « certificat‑cadeau » dans le contexte d'une situation visée par l'article 181.2 de la Loi sur la taxe d'accise implique nécessairement que le bien ou le service mentionné dans le certificat soit fourni gratuitement au porteur du certificat lorsque le certificat est échangé par son émetteur. La partie « cadeau » de l'expression « certificat‑cadeau » serait autrement dénuée de sens[20].

 

[51]    Cet extrait ne dit pas que le certificat‑cadeau doit avoir une valeur indiquée sur le document pour en être un. Il dit que le certificat‑cadeau doit permettre de faire gratuitement l’acquisition de biens ou services ou d’appliquer la valeur qui lui est attribuée sur un bien ou un service. Si le certificat permet à son titulaire de faire l’acquisition d’une fourniture identifiable, il est encore susceptible d’être un certificat‑cadeau. De plus, dans Canasia, le juge en chef Garon souligne qu’il n'est pas nécessaire que la contrepartie soit équivalente à la valeur attribuée « si une telle valeur est indiquée sur le certificat puisque cet article exige seulement qu'il doit y avoir une contrepartie[21] ». Le « si » indique clairement qu’il n’est pas nécessaire qu’une valeur attribuée soit indiquée sur le certificat‑cadeau pour que ce dernier en soit un. En outre, je remarque qu’il n’est pas précisé que le certificat‑cadeau doit avoir une valeur attribuée dans l’une ou l’autre des notes explicatives de l’article 181.2 ou du paragraphe 157(2).

 

[52]    Bien que je comprenne la position de l’intimée – selon laquelle la Cour devrait reconnaître que l’article 181.2 exige que le certificat‑cadeau soit traité comme de l’argent et que cela suppose qu’il en possède les attributs – , je me trouve devant ce qui me semble être une analyse raisonnable faite par cette Cour qui arrive à une conclusion différente, à savoir que le certificat‑cadeau peut inclure un instrument donnant droit au porteur d’acquérir sans frais une fourniture identifiable. Je ne suis donc pas prêt – et cela n’est pas nécessaire vu les faits de la présente affaire – à ébranler cette jurisprudence qui met l’accent sur le mot « cadeau ». À ce chapitre, Canasia établit le principe qu’un certificat‑cadeau ne comprend pas un instrument qui ne donne au porteur que des droits conditionnels. Cette réserve repose sur l’acception courante et juridique de ce qu’est un cadeau.

 

[53]    Dans Canasia, on a demandé à cette Cour d’établir si les certificats de voyage échangeables contre des tarifs aériens aller‑retour vers des destinations de villégiature étaient des certificats‑cadeaux. La Cour a conclu qu’ils ne constituaient pas des certificats‑cadeaux étant donné que le porteur n’avait droit à rien à moins de verser des frais de traitement et de payer au moins sept nuits d’hébergement à des hôtels sélectionnés de la destination choisie. La Cour a fait remarquer que selon l’usage ordinaire et l’acception courante, le certificat‑cadeau n’inclut pas un instrument exigeant que l’on engage des dépenses substantielles avant qu’il puisse être utilisé. Les certificats de voyage n’étaient pas des certificats‑cadeaux aux termes de l’article 181.2 parce qu’ils ne donnaient pas au titulaire le droit inconditionnel à des biens et services gratuits.

 

[54]    Dans le même ordre d’idées, l’achat de points en l’espèce ne constituait qu’une étape parmi une série d’exigences et d’événements – utilisation de la carte de crédit, paiements par la RBC à mesure de l’accumulation des points, utilisation continue de la carte de crédit nécessaire pour permettre l’accumulation des points, programme de récompenses non annulé et cession du nombre de points considérés comme suffisant pour garantir un service de transport aérien précis sans frais. Selon moi, aucune autre mesure, y compris l’achat ou l’émission de points, ne donne de droits inconditionnels à quoi que ce soit.

 

[55]    De plus, reprenant à mon sens le même argument, l’intimée prétend que les points ne peuvent pas être considérés comme un certificat‑cadeau selon l’acception courante du terme car aucune corrélation fixe n’est établie entre les points crédités et leur utilisation. Les primes de voyage peuvent être modifiées. La valeur des points dépend en bout de ligne du nombre de points accumulés au fil du temps et du nombre de points requis au moment de la conversion pour recevoir les primes de voyage. En outre, LACI peut annuler les points en tout temps, de sorte qu’il n’y a aucun droit ou autorisation à quoi que ce soit au moment de leur émission[22]. Il n’y a aucun cadeau ou droit identifiable à quoi que ce soit à ce moment‑là. Je souscris à ce raisonnement[23].

 

[56]    Ces conclusions sont suffisantes pour permettre de conclure que les points ne sont pas des certificats‑cadeaux. À ce titre, il n’y a pas de disposition établissant que la provision de points ne constitue pas une fourniture.

 

[57]    Bien qu’il ne soit pas nécessaire d’examiner plus à fond cet argument subsidiaire, il convient de faire certaines observations concernant l’argument de l’intimée voulant que les points soient considérés comme des « bons » au sens de l’article 181.

 

[58]    L’intimée prétend que les points devraient être considérés comme un « coupon » au sens de l’article 181 de la Loi. En vertu de la Loi, contrairement au certificat‑cadeau qui confère le droit de régler, en partie ou en totalité, le prix demandé pour des biens ou services – la TPS étant payable au moment de la remise du certificat, le bon donne le droit d’acquérir un bien ou un service donné à un prix réduit. Lorsque le coupon est échangé, il ramène la valeur taxable pour le consommateur du bien ou service acquis avec le coupon, au montant net payé. 

 

[59]    Les paragraphes pertinents de l’article 181 prévoient ce qui suit[24] :

 

181 (1) Définitions ‑‑ Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

 « bon » Sont compris parmi les bons les pièces justificatives, reçus, billets et autres pièces. En sont exclus les certificats‑cadeaux et les unités de troc au sens de l’article 181.3.

...

(4) Acceptation d’autres bons ‑‑ Pour l’application de la présente partie, lorsqu’un inscrit accepte, en contrepartie, même partielle, de la fourniture d’un bien ou d’un service, un bon auquel les alinéas (2)a) à c) ne s’appliquent pas et qui est échangeable contre le bien ou le service ou qui permet à l’acquéreur de bénéficier d’une réduction ou d’un rabais sur le prix du bien ou du service, la valeur de la contrepartie de la fourniture est réputée égale à l’excédent éventuel de cette valeur, déterminée par ailleurs pour l’application de la présente partie, sur la valeur de rabais ou d’échange du bon.

 

[60]    Même si la principale caractéristique du bon est d’être un véhicule de rabais, le libellé de l’article 181 n’empêche pas que ce rabais soit égal au prix intégral des biens ou services lorsque le bon est encaissé. La contrepartie taxable en vertu de la disposition précédente est le montant, « le cas échéant », par lequel le prix des biens ou services excède le rabais. Que le prix payable soit égal à zéro après déduction du rabais démontre que les points peuvent être effectivement des bons même s’ils ne peuvent être utilisés qu’en blocs fixes qui sont suffisants pour assurer que l’excédent taxable est toujours égal à zéro.

 

[61]    Par conséquent, je suis d’accord avec l’intimée pour dire que ce n’est pas aller à l’encontre de la Loi que de traiter les points comme des bons. Toutefois, cela étant dit, je me dois d’ajouter que j’ai une certaine réticence à donner l’impression que je donne mon blanc‑seing aux pratiques administratives de l’ARC relativement à l’application de l’article 181 et aux distinctions qu’elle cherche à faire entre les bons et les certificats‑cadeaux. À mon avis, les dispositions ne s’appliquent pas aussi facilement que l’ARC cherche à le faire. L’état du droit reste incertain – situation qui demande que l’on apporte des éclaircissements à la loi. Sans ces éclaircissements, la Loi imposera des obligations de perception et de remise aux fournisseurs qui auront peu d’indications quant à l’issue d’un éventuel différend portant sur ces obligations.

 

C.      Double taxation

[62]    Pour ce qui est de la troisième et dernière question, l’appelante prétend qu’elle ne pouvait faire l’objet d’une cotisation de la TPS en janvier 2001, puisque LACI a fait l’objet d’une cotisation en juin 2000 pour les mêmes transactions. Les deux cotisations ont été confirmées. La cotisation établie à l’égard LACI n’a pas été annulée, modifiée ou autrement traitée. Par conséquent, il y a deux cotisations impayées pour la même fourniture taxable, ce qui pourrait donner lieu à une double taxation.

 

[63]    L’avocat de l’intimée soutient qu’il est clairement établi en droit que le ministre peut établir la cotisation du fournisseur et de l’acquéreur relativement à la même fourniture en vertu du paragraphe 296(1) de la Loi. En vertu de l’alinéa 296(1)a), le ministre peut établir une cotisation pour déterminer la taxe nette du fournisseur et en vertu de l’alinéa 296(1)b), il peut le faire pour déterminer la taxe payable par l’acquéreur. Les parties pertinentes du paragraphe 296(1) sont rédigées comme suit : 

 

296 (1) Cotisations ‑‑ Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire pour déterminer :

 

a) la taxe nette d'une personne, prévue à la section V, pour une période de déclaration;

 

b) la taxe payable par une personne en application des sections II, IV ou IV.1;

 

c) [...]

 

d) [...]

 

e) [...]

 

[64]    L’alinéa 296(1)a) permet au ministre d’établir une cotisation pour déterminer la taxe nette d’une personne, prévue à la section V, laquelle selon l’article 225 comprend les montants que les fournisseurs doivent percevoir conformément au paragraphe 221(1). LACI devait percevoir la TPS exigible sur la fourniture taxable effectuée au profit de l’appelante et elle peut faire l’objet d’une cotisation sur cette base. Le montant de la taxe nette doit être versé au receveur général conformément à l’article 228.

 

[65]    L’alinéa 296(1)b) permet au ministre d’établir une cotisation pour déterminer la taxe payable en application du paragraphe 165(1) de la Loi. Le paragraphe 165(1) exige que l’appelante, en tant qu’acquéresse d’une fourniture taxable, paie la TPS et elle peut faire l’objet d’une cotisation sur cette base.

 

[66]    Dans le texte anglais, le « and » qui suit l’alinéa d) du paragraphe 296(1) est conjonctif en ce sens qu’il donne expressément au ministre un double pouvoir de cotisation. Le lire autrement serait contraire à l’esprit de la Loi. Si quelqu’un est tenu de payer et que quelqu’un d’autre est tenu de verser, la double obligation est essentielle. En outre, cette double obligation ne dépend pas de l’établissement d’une cotisation. Le paragraphe 299(2) est on ne peut plus clair à ce sujet :

 

(2) Obligation inchangée ‑‑ L’inexactitude, l’insuffisance ou l’absence d’une cotisation ne change rien aux taxes, pénalités, intérêts ou autres montants dont une personne est redevable [pay or remit] aux termes de la présente partie. [Non souligné dans l’original]

 

Les mots soulignés de la version anglaise font ressortir la coexistence de deux obligations, dont la nature est toutefois différente. L’obligation de l’acquéreur consiste à « payer » la taxe découlant de l’acquisition d’une fourniture taxable. L’obligation du fournisseur consiste à « verser » au receveur général le montant de la taxe perçue ou recouvrable de l’acquéreur au profit de qui le fournisseur a effectué une fourniture. L’obligation de verser est en quelque sorte le pistolet sur la tempe du fournisseur – « percevez et versez la taxe ou versez vous‑même la taxe et recouvrez‑la ensuite de l’acquéreur tel qu’il est prévu à l’article 224[25] ». Le défaut de remise donne lieu à l’établissement d’une cotisation à l’égard du fournisseur conformément à l’alinéa 296(1)a).

 

[67]    Voilà comment les événements se sont déroulés en l’espèce, du moins jusqu’à ce que l’appelante ait fait l’objet d’une cotisation. À ce stade‑ci, une question intéressante se pose : peut‑on soutenir que l’appelante a l’obligation de payer la TPS à deux parties – au receveur général et à son mandataire, LACI?

 

[68]    À mon avis, il va sans dire qu’il est insoutenable de prétendre que les acquéreurs devraient payer à deux agents de recouvrement la TSP applicable aux mêmes transactions. Pour éviter que cela se produise, la restriction relativement à la perception devrait être imposée à la Couronne. Le paragraphe 278(2) prévoit que les montants recouvrables par la Couronne auprès de l’acquéreur ne peuvent pas être payés à la Couronne si le fournisseur a l’obligation de percevoir la taxe auprès de l’acquéreur. Ce paragraphe est rédigé comme suit :

 

(2) Paiement et versement ‑‑ Quiconque est tenu par la présente partie de payer ou de verser un montant doit le payer ou le verser au receveur général, sauf lorsqu'une autre personne est tenue de percevoir le montant en application de l'article 221.

 

[69]    Par conséquent, il n’est pas suffisant qu’une cotisation ait été établie à l’égard de l’appelante. Tant et aussi longtemps qu’à titre de fournisseur, LACI est tenu selon l’article 221 de percevoir la taxe auprès de l’appelante en tant que mandataire de Sa Majesté du chef du Canada, la Couronne ne peut percevoir la taxe payable par l’appelante en tant qu’acquéresse d’une fourniture, sauf au nom de LACI. Que le paragraphe 315(1) exige que la cotisation soit établie avant que des mesures de recouvrement soient prises par la Couronne ne signifie pas en soi, à la lumière du paragraphe 278(2), que la prise de mesures de recouvrement par la Couronne exige que le paiement soit versé à la Couronne lorsqu’une cotisation est établie s’il y a un fournisseur qui est tenu de percevoir la taxe. Que le paragraphe 313(2) permette que des procédures judiciaires en recouvrement soient entamées par la Couronne lorsqu’un montant peut faire l'objet d'une cotisation n’indique pas en soi, à la lumière du paragraphe 278(2), que l’institution de procédures judiciaires de recouvrement par la Couronne suppose que le paiement soit fait à la Couronne s’il y a un fournisseur qui est tenu de percevoir la taxe. Indépendamment, de ces mesures ou procédures, le paragraphe 278(2) exige que le paiement des dettes fiscales de l’acquéreur soit fait au fournisseur, lequel est tenu de le percevoir.

 

[70]    L’anomalie en l’espèce est que le mandataire (le fournisseur) est tenu de percevoir la taxe auprès de l’acquéreur d’une fourniture taxable et de verser cette taxe avant que le mandant ne soit autorisé à la percevoir[26]. Cependant, une telle situation est loin d’être anomale si l’on considère que la Loi ne prévoit aucune règle régissant la possibilité de recouvrements par deux personnes d’un montant dû par deux personnes[27]. Le paragraphe 278 ne semble pas alors sans objet – il ne peut y avoir qu’un agent de recouvrement autorisé / bénéficiaire à la fois.

 

[71]    À ma connaissance, une telle proposition n’a jamais été mise à l’épreuve devant les tribunaux. La décision Carlson & Associates Advertising Ltd. c. La Reine[28] permet de penser que même si le ministre peut établir une cotisation à l’égard de l’acquéreur au titre de la TPS, il ne peut pas recouvrer directement auprès de l’acquéreur la taxe non réglée par lui si l’ARC est d’avis que le fournisseur ne pourra jamais recouvrer la taxe[29]. Toutefois, on a peut‑être esquivé en l’espèce la question de paiement au receveur général parce qu’aucun « paiement » n’était nécessaire. Le montant de la TPS exigible a été payé par voie de compensation sur les CTI, conformément à l’article 318.

 

[72]    Il y a aussi la question de l’interaction entre le paragraphe 313(1.1) de la Loi interagit et le paragraphe 278(2)[30]. Bien que cette disposition prévoit que toute dette fiscale envers Sa Majesté est recouvrable, il est évident, selon moi, que le bénéficiaire direct de toute action ou procédure ne peut être que le fournisseur conformément au paragraphe 278(2). C’est‑à‑dire que selon une interprétation stricte du paragraphe 278(2) la Couronne ne peut être que le bénéficiaire direct de l’activité de recouvrement lorsque l’obligation de perception du fournisseur prend fin sans égard à la situation financière de l’acquéreur ou du fournisseur. Toutefois, la Loi ne dit pas à quel moment une telle obligation prend fin.

 

[73]    En l’espèce, LACI a déposé un arrangement en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies qui la décharge des obligations qu’elle a contractées avant le 24 mars 2000. Comme l’arrangement a été accepté par les créanciers de LACI, dont l’ARC, et approuvé par la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, il pourrait nécessairement s’ensuivre que l’obligation de perception de LACI selon l’article 221 a pris fin de sorte que la restriction du paragraphe 278(2) a été levée. En l’absence, toutefois, de dispositions dans la Loi précisant à quel moment une telle restriction est levée, il est préférable d'attendre une autre occasion pour tirer cette conclusion – peut‑être devant un tribunal saisi d’une affaire de perception[31].

 

[74]    Pour revenir à l’argument de la double taxation de l’intimée, le point qui ressort sans cesse, c’est la nécessité d’établir des règles régissant la dualité possible de l'obligation envers la Couronne au titre de la TPS des fournisseurs et des acquéreurs sur la même fourniture[32]. Cette éventualité est peut‑être préoccupante mais elle ne correspond pas à la double taxation typique qui heurte les principes généraux de taxation[33]. En ce qui concerne l’acquéreur, la RBC en l’espèce, il n’y a pas lieu de s’inquiéter d’un assujettissement à la double taxation. L’analyse précédente du paragraphe 278(2) donne, je l’espère, un certain réconfort à cet égard. Que le bénéficiaire direct de mesures de recouvrement prises contre un acquéreur soit la Cour ou le fournisseur, il ne peut y avoir qu’une seule obligation de paiement. Si ce réconfort est insuffisant, la jurisprudence confirme, de toute manière, qu’il n’y a pas de possibilité réelle que notre Cour ou tout autre tribunal exige qu’un acquéreur paie deux fois la même taxe[34].

 

[75]    Indépendamment de ces observations, la solution des questions de perception n’influe pas sur le bien‑fondé de la cotisation établie à l’égard de l’appelante. Celle‑ci a reçu une fourniture taxable et elle peut faire l’objet d’une cotisation en vertu de l’article 296. La cotisation antérieure établie à l’égard de LACI n’empêche pas qu’une cotisation subséquente soit établie à l’égard de la RBC pour la même fourniture.

 

[76]    Par ailleurs, je constate que la question de la possibilité d’une double taxation violant une règle à l’encontre de la double taxation a été examinée dans Carlson Advertising lorsque la Cour d’appel n’a pas contesté le jugement de notre Cour, selon lequel la possibilité de la double taxation n’est pas la double taxation. En rejetant l’appel, je juge Hamlyn affirmé :

 

 

32 ... Il faut noter que l’on cherche par là à prévenir les cas fortuits de « double taxation » ou « double imposition », et non pas la possibilité d’une « double taxation » ou « double imposition. [Je souligne]

 

[77]    Bien que la possibilité d’une double taxation soit élevée en l’espèce, par rapport à la situation dans Carlson Advertising (où la cotisation a été établie seulement à l’égard de l’acquéreur), les doubles cotisations en l’espèce ne renvoient elles‑mêmes, à mon avis, à la double taxation. Que des problèmes de perception découlent des doubles cotisations n’est pas suffisant pour avaliser la conclusion voulant que la présente cotisation soit rejetée pour le motif qu’elle viole une règle interdisant la double taxation. Par conséquent, je conclus que cet argument subsidiaire de l’appelante est insuffisant pour justifier l’intervention de la Cour.

 

[78]    Avant de conclure, j’aimerais mentionner que l’avis d’appel a confirmé que les montants payés à LACI en rapport avec les fournitures en question incluaient la TPS. Cette position n’a pas été contestée au procès et, compte tenu de la preuve, elle n’aurait pas pu obtenir gain de cause, si elle l’avait été. Par ailleurs, l’appelante a fait part de ses préoccupations concernant le fait que LACI a mis à la disposition du ministre un crédit de TPS d’environ 12 400 000 $ qui n’a pas appliqué à l’égard de la cotisation. L’intimée a répliqué que l’article 318 de la Loi et l’article 155 de la Loi sur la gestion des finances publiques permettent à Sa Majesté du chef du Canada de compenser les créances envers la Couronne par des montants dont la Couronne est débitrice et cela a été fait sans réduire la taxe payable relativement à la fourniture des points en question, tel qu’il est autorisé par ces dispositions.

 

[79]    Il m’a été fourni si peu de renseignements sur l’argument de l’appelante à ce sujet que je ne peux que spéculer sur son importance et sa pertinence. Cela n’est pas suffisant pour satisfaire au fardeau de l’appelante qui consiste à me dissuader d’accepter la position de l’intimée sur ce point. En outre, si la question concerne le montant de la taxe payable, je suis convaincu que je n’ai pas besoin de la traiter, étant donné que l’avocat de l’appelante a admis à l’audience que le montant de la taxe établie n’était pas en litige.

 

V.     Conclusion

 

[80]    Pour tous ces motifs, l’appel est rejeté avec dépens en faveur de l’intimée.

 

 

Signé à Winnipeg, Manitoba, le 12e jour de septembre 2007.

 

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

Traduction certifiée conforme

Ce 17 e jour de décembre 2007.

 

Christiane Bélanger

réviseure


[traduction]

ANNEXE aux motifs du jugement

en date du 12 septembre 2007.

 
 

 


2003‑3234 (TPS)G

 

 

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

 

 

 

ENTRE : 

 

BANQUE ROYALE DU CANADA

 

 

appelante

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

 

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

 

 

Aux seules fins de la présente instance, l’appelante et l’intimée conviennent des faits suivants :

 

1.                    L’appelante est inscrite aux termes de la Loi sur la taxe d’accise (ci‑après la « Loi ») et exerce des activités en tant qu’institution financière.

 

Avis d’appel de l’appelante au paragraphe 4.

 

2.                    Les Lignes aériennes Canadien International Ltée (ci‑après LACI) étaient également inscrites aux termes de la Loi et elles exerçaient des activités de transport aérien au pays et à l’étranger.

 

Avis d’appel de l’appelante au paragraphe 5.

 

3.                    Par la voie d’une entente datée du 1er mars 1994, l’appelante et LACI ont convenu de participer à un programme conjoint de commercialisation et de promotion (le programme des cartes Affinité) lié à la carte de crédit Visa Affinité « Canadien plus ». L’entente a été modifiée aux dates suivantes : 1er mai 1994, 20 novembre 1995, 30 septembre 1996 et 1er octobre 1997.

 

Les copies de ces contrats, sur lesquels s’appuient l’appelante et l’intimée, sont incluses dans la pièce A2, Cahier conjoint de documents.

 

4.                    L’appelante devait offrir et exploiter le programme des cartes Affinité en association avec LACI, conformément aux dispositions de l’entente.

 

Entente datée du 1er mars 1994, pièce A2, onglet 1, alinéa 2a).

 

5.                    En vertu de l’entente, l’appelante devait notamment émettre des cartes de crédit ainsi que fournir et administrer les services financiers offerts aux titulaires de cartes, conformément au programme des cartes Affinité.

 

Entente datée du 1er mars 1994, pièce A2, onglet 1, aux paragraphes 3 et 5.

 

6.                    L’appelante avait également convenu avec  LACI que les services de financement par le crédit qu’elle devait offrir et exploiter à l’intention des titulaires de carte, de même que les services bancaires et les services connexes qui devaient être offerts ou rendus accessibles aux titulaires de carte par son entremise seraient les services énoncés au paragraphe 1 de l’annexe G du programme des cartes Affinité

 

Entente datée du 1er mars 1994, pièce A2, onglet 1, au sous‑alinéa 5a)(iv) et à l’annexe G

 

7.                     LACI devait assurer la publicité, la commercialisation et la promotion du programme des cartes Affinité auprès de leurs clients et de clients potentiels par divers moyens, notamment en fournissant du matériel de publicité, en conservant des formulaires de demande de carte et en faisant activement la publicité et la promotion du programme. LACI devait élaborer un programme de publicité, de commercialisation et de promotion avec l’appelante.

 

Entente datée du 1er mars 1994, pièce A2, onglet 1, à l’alinéa 4h).

 

8.                     LACI devait également assurer les services prévus au paragraphe 2 de l’annexe G de l’entente du 1er mars 1994. L’annexe G exigeait que LACI fournisse, dans le cadre du système de points pour les grands voyageurs « Canadien plus », des points aux titulaires membres pour certains types de transactions admissibles. De façon générale, les points devaient être fournis par LACI aux titulaires membres à raison d’un point pour chaque dollar dépensé à l’égard d’achats admissibles à l’aide de la carte de crédit Affinité. En outre, LACI était tenu d’offrir aux titulaires membres les points liés à l’inscription initiale et les points bonis accordés lors des renouvellements subséquents en plus de leur offrir certaines récompenses ou services connexes, tel qu’il était convenu par LACI et l’appelante de temps à autre.

 

Entente datée du 1er mars 1994, pièce A2, onglet 1, annexe G.

 

9.                    Les points crédités aux titulaires membres par LACI étaient échangeables auprès de cette dernière contre des services de voyage.

 

Transcription de l’interrogatoire préalable du mandataire de l’intimée, Angelo Bertolas, page 28, q. 121.

 

10.                 Conformément aux modalités de l’entente, il n’incombait pas à LACI de sélectionner, d’examiner ou de présenter les demandes de carte de crédit Affinité à l’appelante aux fins d’approbation de crédit.

 

Entente datée du 1er mars 1994, pièce A2, onglet 1, aux alinéas 1c) et 3a).

 

11.                 Selon l’annexe H de l’entente, il incombait à LACI et à l’appelante d’assurer le paiement des frais et débours qu’elles engageraient respectivement pour s’acquitter de leurs responsabilités relativement à la carte Affinité. LACI et l’appelante avaient accepté de partager les frais promotionnels liés au programme des cartes Affinité dont elles conviendraient de temps à autre.

 

Entente datée du 1er mars 1994, pièce A2, onglet 1, annexe A, paragraphes 1, 2, 3.

 

12.                 La modification effectuée en mai 1994 et les modifications subséquentes ont ajusté la formule pour déterminer le montant payable par l’appelante et LACI pour la publicité et promotion.

 

Entente datée du 1er mars 1994, pièce A2, onglet 2.

 

13.                 La modification effectuée en mai 1994 exigeait notamment que l’appelante fasse les paiements à LACI. La modification prévoyait ce qui suit :

 

4.1           Nonobstant l’article 1 de l’annexe H de l’entente, la Banque accepte de rembourser à Canadien tous les frais et débours engagés par cette dernière pour créditer des points aux titulaires de carte, conformément à l’article 2.a) de l’annexe G de la convention Visa, au taux de 0,0085 $ par point crédité ou à tout autre taux dont Canadien et la Banque Royale ont convenu par écrit.

 

Entente datée du 1er mars 1994, pièce A2, onglet 2, par. 4.1.

 

Le montant payable en vertu de l’entente a été finalement accru de 0.01 $ par point à la suite de modifications subséquentes. Les paiements ont été calculés uniquement en fonction des points fournis par LACI aux titulaires de carte aux fins d’utilisation de la carte de crédit Affinité. LACI devait fournir aux titulaires de carte les points liés à l’inscription initiale et les points de renouvellement, sans frais.

 

Voir modification des ententes à la pièce A2, onglets 3 et 4.

 

14.                 Aucune valeur pécuniaire n’avait été attribuée aux points.

 

Transcription de l’interrogatoire préalable du mandataire de l’appelante, Lawry A, Mitchell, aux pages 47 à 50, q. 108 à 110, et à la page 55, q. 120 et 121.

 

15.                 Conformément au paragraphe 16 de l’entente conclue le 1er mars 1994, l’appelante et LACI n’ont pas travaillé ensemble dans une relation de partenariat, de coentreprise ou de mandat.

 

Entente datée du 1er mars 1994, pièce A2, onglet 1, par. 16.

 

16.                 LACI n’a pas imputé ou perçu la TPS sur les paiements effectués conformément à l’article 4.1 de la modification de mai 1994, à l’exception des points acquis par l’appelante pour son propre usage.

 

Mémoire des engagements de l’appelante, article 15, pièce A4.

 

17.                 Le 24 mars 2000, LACI a entamé des procédures en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (la « LACC »). Le 25 avril 2000,  LACI a déposé un plan de transaction et d’arrangement proposant de payer à ses créanciers, dont l’ARC, 14 % du montant qui leur était dû au 24 mars 2000 (le « plan de la LACC »). Le plan de la LACC était approuvé par les créanciers de LACI et sanctionné par la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta.

 

18.                 Le 2 juin 2000, une cotisation a été établie à l’égard de LACI pour ce qui est de la TPS au montant de 14 608 235,02 $ (pénalité et intérêt en sus) pour des paiements effectués, conformément à l’article 4.1 de la modification de mai 1994, totalisant 215 064 538,58 $, provenant de l’appelante durant la période s’échelonnant de mai 1996 à avril 2000.

 

Voir l’avis de cotisation, pièce A‑2, onglet 6.

 

19.                 Le 3 janvier 2001, une cotisation a été établie à l’égard de la RBC, à titre d’acquéresse, pour ce qui est de la TPS payable sur les montants indiqués au paragraphe 18 susmentionné, payés à LACI. Le montant total de la cotisation a été établi à 6 988 813,00 après déduction de certains crédits de taxe sur les intrants. Suivant le dépôt d’un avis d’opposition, un avis de nouvelle cotisation, daté du 29 août 2003, a été délivré, supprimant les montants de la cotisation pour certaines périodes prescrites et réduisant le montant dû à 6 641 714,00 $. Le montant de la nouvelle cotisation n’est pas contesté.

 

Voir les avis de cotisation, pièce A‑2, onglet 11, et l’avis de nouvelle cotisation, onglet 15.

 

20.                 Les parties ont convenu qu’elles auraient le droit de demander à la Cour canadienne de l'impôt de tirer des inférences de la preuve présentée, à condition que cette preuve ou inférences additionnelles ne soient pas incompatibles avec le présent exposé conjoint des faits.

 

21.                 L’appelante et l’intimée ont convenu de déposer devant le tribunal les copies des documents suivants, comme pièces aux fins de la présente instance :

 

A1. Le présent exposé conjoint des faits;

 

A2. Cahier conjoint de documents :

 

Onglets 1 à 15 :                    Points 1 à 15 de la liste de documents de l’appelante;

 

Onglets 16 et 17 :                 Points 10 et 13 de la liste de documents de l’intimée;

 

Onglet 18 :                            Les parties de la transcription de l’interrogatoire préalable de l’appelante et de l’intimée, tenu le 18 novembre 2005 et signifié à l’appelante et à l’intimée conformément à la note de pratique numéro 8 de la Cour canadienne de l’impôt, doivent être considérées comme déjà lues par cette même Cour;

 

Onglet 19                              Réponses aux engagements, points 4, 8, 9,13, 15, 21, 22, 23;

 

Onglet 20 :                            Exemples de matériel promotionnel et convention du titulaire de carte tiré du mémoire des engagements de l’appelante à l’onglet 2 du mémoire des engagements;

 

Onglet 21 :                            Exemple de note de frais de la RBC tiré des engagements de l’appelante à l’onglet 3 du mémoire des engagements;

 

Onglet 22 :                            Renseignements concernant l’activité du programme à l’intention des grands voyageurs de LACI tirés du site Web archivé de LACI.

 

 

 

 

 

 

 

SIGNÉ à Ottawa (Ontario), le   6    mars 2007.

 

 

________________________________

Ronald Mac Phee

Michal Ezri

Avocat de l’intimée

 

 

SIGNÉ à Toronto (Ontario) le   6    mars 2007.

 

 

________________________________

James Warnock


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI281

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2003‑4234(GST)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              BANQUE ROYALE DU CANADA ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 7 mars 2007

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :       L'honorable juge J.E. Hershfield

                                                         

DATE DU JUGEMENT :                   Le 12 septembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

James Warnock

Avocats de l’intimée :

Ronald MacPhee

Michael Ezri

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                            Nom :                    James Warnock

 

                            Cabinet :                McCarthy Tétrault LLP

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Canada)

 

 

 



[1] Des conventions de modification  subséquentes ont augmenté ce montant à 300 000$ pour 1997 et 1998, et à 350 000 $ pour 1999.

[2] Une convention de modification datée du 8 août 1996 contient des dispositions pour l’achat d’un nombre précis de points par RBC dans certaines situations particulières.

[3] Voir Banque Royale du Canada c. Canada, 2006 G.T.C. 91, au paragraphe 15, qui cite la définition donnée par le Canadian Oxford Dictionary de « prendre des dispositions ».

[4] [1998] BVC 21 (C.A.).

[5] [2000] A.C.F. no 869 (C.A.F.).

[6] [1995] A.C.I. no 678, aux paragraphes 27 et 28 (« O.A. Brown »).

[7] L’intimée fonde son argumentation sur la décision Commission Scolaire Des Chênes c. Sa Majesté la Reine, 2001 CAF 264, aux paragraphes 19 et 20.

[8] 2006 G.T.C. 166 (Fr.), [2006] G.S.T.C. 10, 2006 TCC 63 (« Promotions D.N.D. »).

[9] Énoncé de politique P‑239 – Signification de l'expression « prendre les mesures en vue de l'effectuer » que l'on trouve dans la définition de « service financier » (30 janvier 2002).

[10] Aux termes de l’article 4 de la convention de modification de 1996, il était exigé 8 560 00$ de RBC pour un million de points dans le cadre d’un concours pour les détenteurs de cartes dont RBC envisageait le lancement. Le prix de chaque point pour l’utilisation de la carte était pour ainsi dire le même, soit 0,0085$, jusqu’à vers la fin de 1997.

[11] Cité et approuvé dans Banque Canadienne Impériale de Commerce c. R., 2006 G.T.C. 457 (Eng.), 2006 TCC 336. L’énoncé de politique P‑239 fournit de nombreux exemples traitant de situations où un service intermédiaire peut être considéré comme consistant « à prendre les mesures en vue » d’octroyer du crédit. La distinction établie dans Promotions D.N.D. est mise en évidence par les exemples 2 et 4. Lorsqu’un intermédiaire commercial distribue des formulaires de demande de crédit qui sont transmis aux fins d’acceptation directement à la partie octroyant le crédit, l’intermédiaire en question ne répond pas à l’exigence de « prendre les mesures en vue » d’octroyer du crédit. Lorsque les formulaires de demande de carte de crédit sont retournés à l’intermédiaire commercial pour vérifier s’il manque des renseignements, l’intermédiaire ne répond pas à l’exigence de « prendre les mesures en vue » d’octroyer du crédit.

[12] La décision Promotions D.N.D. a été critiqué pour ne pas avoir appliqué l’exclusion du paragraphe (t) visée par règlement et l’avocat de l’intimée en l’espèce a semblé peu enclin à écarter ces critiques comme mal fondées même s’il a par ailleurs soumis que je devrais appliquer le paragraphe (t) en l’espèce. D’aucuns pourraient ainsi s’autoriser à critiquer davantage les pratiques de l’intimé en ce qu’il semble que le ministre veuille d’une part contenir les impacts de la décision de notre Cour dans l’arrêt Promotions D.N.D. lorsqu’il perçoit des taxes et d’autre part en élargir la portée lorsqu’il accorde des CTI.

[13] Customs and Excise Commissioners c. BAA plc, [2003] BVC 112 (C.A.); Prudential Assurance Co. Ltd., [2006] BVC 2340 (VAT Tribunal).

[14] [2003] EWCA Civ 1367 (« Tesco »).

[15] Notes explicatives de l’article 181.2 (février 1993). Voir également les notes explicatives du paragraphe 157(2) (mai 1990).

[16] L’ARC expose les caractéristiques du certificat‑cadeau dans l’énoncé de politique P‑202. Selon le ministère, le certificat‑cadeau est un « document » (par ex., une pièce justificative, un reçu, un jeton) qui présente les caractéristiques suivantes : il a une valeur monétaire précisée; il est remboursable lors de l’achat d’un bien ou d’un service à un fournisseur particulier, en ce sens que le fournisseur convient d’accepter le certificat‑cadeau en contrepartie intégrale ou partielle de l’achat d’un bien ou d’un service; il tient lieu de contrepartie pour la valeur qui lui est attribuée; et il n’a pas de valeur intrinsèque.

[17] Bien que la distinction entre certains types de bons et de certificats‑cadeaux ne soit pas évidente, selon l’ARC, le bon présente les caractéristiques suivantes telles qu’elles ont été indiquées dans la base de données de Revenu Canada (6D, Q.36, 1991) : il peut avoir ou ne pas avoir de valeur monétaire précisée; il offre au consommateur un rabais sur le prix d’achat d’un bien ou service précis et aucune contrepartie n’a été payée pour l’obtenir. Bien que les dispositions relatives aux bons aient été modifiées depuis la publication de cet énoncé, les critères énoncés n’ont jamais été mentionnés à l’article 181 (ni à l’article 174 où figuraient les dispositions antérieures). Quoi qu’il en soit, ces critères ne reflètent pas nécessairement l’opinion actuelle de l’ARC, du moins telle qu’elle a été avancée par l’avocat de l’intimée. Il a soutenu que les bons pouvaient servir à obtenir des biens ou services gratuits et qu’une contrepartie pouvait être payée pour leur délivrance. Cette position semble cadrer davantage avec les termes exprès de la Loi.

[18] Un autre exemple de l’incertitude qui règne quant au sens du mot « certificat‑cadeau » est le « bon » que j’ai reçu récemment d’un grand détaillant. Le bon offrait une remise de 100 $ sur l’achat d’un appareil‑photo de 399 $. Ce bon apparaissait clairement comme un bon au sens de l’article 181. Si j’avais acheté l’appareil‑photo, je me serais attendu à payer la TPS sur le montant net de 299 $ que j’aurai eu à payer. Toutefois, le bon disait que j’aurais à payer la TPS sur le prix avant d’obtenir le rabais correspondant à ce coupon. Est‑ce à dire que le détaillant m’a fait parvenir un « certificat‑cadeau »? Au lieu de faire l’acquisition des appareils‑photos à un prix réduit, le détaillant aurait‑il acheté en fait le rabais au fabricant pour 100 $ et satisfait ainsi aux exigences de l’ARC pour transformer le bon en certificat‑cadeau?

[19] [2003] G.S.T.C. 38 (Procédure informelle de la C.C.I.) (« Canasia »).

[20] Canasia, au paragraphe 33.

[21] Canasia, au paragraphe 32. Cette affirmation selon laquelle il n’était pas nécessaire que la contrepartie soit égale à la valeur du certificat ne reflète pas la position de l’ARC, exposée dans l’énoncé de politique P‑202.

[22] L’article 13 de l’entente énonce les conditions de résiliation du programme de récompense.

[23] L’intimée a fait valoir que les points ne pouvaient être évalués au moment de leur émission en raison de certaines incertitudes. On revient ici à l’argument de la valeur attribuée. Toutefois, dans cette optique, l’argument n’a aucun fondement. Si les points sont des certificats‑cadeaux régis par l’article 181.2, l’absence d’une valeur nominale ou attribuée au moment de leur émission n’est pas problématique étant donné que les points peuvent être évalués lorsqu’ils sont échangés contre un voyage alors que la TPS est payable. L’appelante s’appuie sur la décision Fred Mommersteeg et John Giffen c. Sa Majesté la Reine, 96 D.T.C. 1011, dans laquelle notre Cour a statué que le service de transport aérien reçu en échange des points de récompense pouvait être évalué à des fins fiscales au moment du rachat. En outre, l’avocat de l’appelante invoque l’un des propres bulletins d'interprétation du ministère (Bulletin d’interprétation IT‑470R (consolidé) de l’Agence des douanes et du revenu du Canada ‑‑ avantages sociaux des employés (« IT‑470R »), au paragraphe 14 ), exposant la politique de l’ARC qui consiste à imputer, à des fins fiscales, la juste valeur marchande du billet d’avion obtenu au moment du rachat des points de récompense. L’avocat fait valoir que l’attribution de la valeur devrait être également valide aux fins de la TPS lorsqu’elle est cédée en contrepartie de la fourniture de services de voyage.

[24] Différents scénarios sont examinés à l’article 181. Le paragraphe (2) prévoit le cas où le fournisseur prend le bon du client et reconnaît les conditions du bon (considéré comme étant une fourniture gratuite ou une réduction de prix) en partant du principe que le fournisseur pourra échanger le coupon contre de l’argent auprès d’un tiers (tel un fabricant). Dans ce cas, il y a deux personnes qui paient la contrepartie reçue par le fournisseur – c’est‑à‑dire deux acquéreurs – de sorte que le consommateur ne paie que la TPS s’appliquant à ce qu’il paie après déduction de la valeur du bon. Le fournisseur doit toutefois remettre tant la taxe payable sur la tranche de la contrepartie payée par le consommateur que la taxe payable sur la tranche de la contrepartie payée par le tiers. Toutefois, le fournisseur ne perçoit pas cette taxe auprès du tiers – le fournisseur obtient plutôt un crédit de taxe sur les intrants pour le même montant. Cela s’applique lorsque le fournisseur obtient l’argent d’un tiers pour le bon utilisé par le consommateur. Lorsque l’argent versé au fournisseur ne provient que du consommateur (c‑à‑d. qu’il n’y a pas de tiers qui paie un montant sur la remise du coupon), il y a deux scénarios prévus. L’un ces scénarios, c’est lorsque le coupon est établi pour une valeur fixe ou un pourcentage indiqués sur le coupon. C’est le cas prévu au paragraphe (3) où le fournisseur a le choix de traiter la contrepartie versée pour la fourniture comme étant le montant net payable par le consommateur ou de remettre la taxe sur la valeur du bon et de demander un crédit de taxe sur les entrants pour un montant semblable. Il reste le cas prévu au paragraphe (4) qui, selon l’avocat de l’intimée, inclut les points puisqu’il s’agit d’un mécanisme qui satisfait aux exigences de ce paragraphe plutôt qu’à celles des paragraphes (2) ou (3). Lors de l’utilisation de ce type de bon, la TPS s’applique au prix payé, le cas échéant, par le consommateur pour l’acquisition de la fourniture, déduction faite de la valeur du bon. Pour le consommateur qui les utilise, les bons sont alors une contrepartie non taxable suivant ce scénario (ou tout autre paragraphe de l’article 181).

[25] L’article 224 confirme que le fournisseur peut intenter un recours contre l’acquéreur des fournitures, à la condition que la TPS ait été facturée tel qu’il est prescrit à l’article 223. C’est‑à‑dire que le droit du fournisseur de percevoir la TPS a vraisemblablement été dissocié de son obligation de la percevoir. Bien que l’acquéreur soit responsable de la TPS selon l’article 165, sans égard au fait qu’il a été facturé, et qu’il peut faire l’objet d’une cotisation (et, conformément à la position de la Couronne en l’espèce, de mesures de recouvrement de la part de la Couronne) sans égard au fait qu’il a été facturé, l’agent de recouvrement autorisé peut avoir perdu le droit de perception si aucune facture n’a été remise en temps opportun. Cette anomalie semble difficile à justifier sauf si la Couronne doit effectuer la perception au nom de son mandataire ou, plus vraisemblablement, sauf si le fournisseur a expressément garanti à l’acquéreur que la fourniture était exempte de taxes ou les incluait. Autrement, un recours de la part des fournisseurs exige une interprétation large des exigences à l’égard de la facturation, étant donné que l’économie de la Loi consiste à rendre le fournisseur responsable du versement de la taxe devant être payée par l’acquéreur même si le fournisseur doit encore la facturer et la percevoir. Le fournisseur doit procéder à la perception et cela devrait être suffisant pour lui donner le droit de perception après le fait. Un tel droit assure également que le fournisseur est la seule personne qui peut effectuer la perception auprès de l’acquéreur même à l’exclusion de la Couronne (conformément au paragraphe 278(2)). C’est‑à‑dire que pour que le fournisseur puisse obtenir réparation et recouvrer la taxe auprès de l’acquéreur, il faut permettre la facturation tardive ou modifiée de la TPS payable par l’acquéreur, ou reconnaître l’action en recouvrement de la common law. En fait, une certaine latitude relativement aux exigences de facturation aux articles 224 et 223 et aux droits de recouvrement en common law ont été reconnus dans la seule décision d’une cour d'appel ayant examiné la question : OCCO Developments Ltd. c. McCauley, [1996] G.S.T.C. 16 (C.A.N.‑B.). Même si cette décision n’a pas été unanimement suivie, il semble qu’il s’agissait alors d’affaires où la Cour a conclu que le contrat d’approvisionnement interdisait une facturation subséquente de la TPS, instituant ainsi le fournisseur garant du respect des règles d’imposition des fournitures. Voir Deep Six Developments c. Kassam, [1998] G.S.T.C. 36 (C. sup. C.‑B.); et Villa Nova Developments c. Hunter, [1998] G.S.T.C. 74  (C. prov. T.‑N.). Voir également l’Énoncé de politique sur la TPS P‑118R, Établissement d'une cotisation sur la base de la taxe comprise ou de la taxe non comprise.

[26] Le ministre exige que le montant ait fait l’objet d’une cotisation avant de prendre des mesures de recouvrement relativement à ce montant, conformément au paragraphe 315(1), ou une ordonnance de la cour, conformément au paragraphe 313(2), avant l’établissement d’une cotisation.

[27] Dans d’autres cas, lorsque la Loi rend les personnes solidairement responsables à l’égard de la même taxe, des règles sont établies relativement à la libération des parties de façon à éviter le double recouvrement de taxe. Voir, par exemple, les articles 323 et 325 qui traitent de l’obligation solidaire des administrateurs et des cessionnaires de propriété liés et l’article 266 qui traite de fournisseurs et de séquestres où un fournisseur a été mis sous séquestre.

[28] [1997] G.S.T.C. 32 (C.C.I..), conf. [1998] G.S.T.C. 25 (C.A.F.) (« Carlson Advertising »).

[29] Dans l’affaire Carlson Advertising, le contribuable n’avait pas payé la TPS aux fournisseurs en raison de difficultés financières. Lorsqu’une cotisation a été établie à l’égard du contribuable relativement à la taxe payable conformément à l’alinéa 296(1)b), le contribuable a interjeté appel au motif qu’il devait déjà payer à ses créanciers fournisseurs les comptes impayés, y compris la TPS. Comme la taxe était déjà payable par l’appelante à ses fournisseurs et que les fournisseurs étaient tenus de percevoir et de verser la TPS, le contribuable a fait valoir que la cotisation pouvait donner lieu à une double taxation. L’appel a été rejeté. Le juge Hamlyn a également signalé, dans cette affaire, qu’outre le fait que le fournisseur avait une défense à opposer à une action en recouvrement, la question de la double taxation était prématurée parce que la double taxation était une simple éventualité et qu’en tant que telle la cotisation ne pouvait être rejetée pour le motif qu’il y avait une double taxation.

[30] Après les années visées par le présent appel, ce paragraphe a été ajouté. Auparavant, le renvoi pertinent était le paragraphe 313(1).

[31] Le paragraphe 313(1) (maintenant 313(1.1)) reconnaît que d’autres tribunaux ont compétence en matière de perception de dettes fiscales, ce qui comprenait la compétence pour statuer sur l’applicabilité du paragraphe 278(2). Comme il a été souligné à la note 25, il y a une distinction entre le droit du fournisseur de percevoir un montant et son obligation de le faire. Même si d’autres tribunaux ont examiné la première question, aucun d’eux n’a, à ma connaissance, examiné la dernière.

[32] La Loi n’accorde aux fournisseurs aucun crédit pour les versements de paiements faits directement à la Couronne par les acquéreurs.

[33]  Prosperous Investments Ltd. c. MRN, (1992) D.T.C. 1163 (C.C.I.), à la page 1167, le juge Bowman, maintenant juge en chef de notre Cour, a fait remarquer que la double taxation sert essentiellement à brouiller les pistes, du moins lorsque la même somme n’est pas imposée deux fois aux mains du même contribuable. Tous ces mots sont très importants lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, la nature et le caractère des responsabilités à l’égard des taxes diffèrent.

[34] La Cour d’appel fédérale dans Carlson Advertising n’a pas hésité à confirmer (sur la base d’un contrôle judiciaire) la décision du juge Hamlyn de notre Cour, qui n’était pas préoccupé de la double obligation de l’acquéreur envers le fournisseur et la Couronne. Que le juge Hamlyn n’ait vu aucun problème à ce chapitre se reflète dans l’observation qu’il fait au paragraphe 34 : » Une fois que la taxe est payée, il n’y a plus de taxe payable, et ce fait constituerait une défense complète pour faire rejeter toute autre procédure de perception intentée contre l’appelante ou toute autre personne ». Par ailleurs dans Airport Auto Ltd. c. R., [2003] G.S.T.C. 151, 2003 CCI 683, notre Cour a statué que le ministre ne pouvait pas établir une cotisation pour déterminer la taxe payable par l’acquéreur (c.‑à‑d. la percevoir) si l’acquéreur a payé cette taxe au fournisseur.

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