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Dossier : 2006-3716(IT)I

ENTRE :

MUNIR ALTAMIMI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

___________________________________________________________________

Appel entendu le 20 juin 2007, à Ottawa (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Ryan R. Hall

___________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel de la nouvelle cotisation établie sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement à l’année d’imposition 2000 de l’appelant est accueilli, et la nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national est annulée.

 

          L’appel de la nouvelle cotisation établie sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement à l’année d’imposition 2001 de l’appelant est accueilli en partie, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu’il établisse une nouvelle cotisation de sorte que le revenu non déclaré soit réduit à 3 732 $ et que la pénalité soit supprimée.

 

          L’appel de la nouvelle cotisation établie sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement à l’année d’imposition 2002 de l’appelant est accueilli en partie, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu’il établisse une nouvelle cotisation de sorte que le revenu non déclaré soit réduit à 21 424 $;

 

          Le tout sans dépens.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de septembre 2007.

 

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de novembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

 

Référence : 2007CCI553

Date : 20070913

Dossier : 2006-3716(IT)I

ENTRE :

MUNIR ALTAMIMI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Juge Boyle

 

[1]   Pendant les années en cause, le contribuable exploitait un salon de coiffure pour hommes. L’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») croyait qu’il avait déclaré en partie seulement le revenu qu’il avait tiré de son entreprise. L’ARC n’était pas convaincue qu’elle pouvait procéder à une vérification de l’entreprise à la lumière des documents commerciaux produits et elle a donc effectué ce qu’on appelle habituellement une cotisation de valeur nette.

 

[2]   Le présent appel interjeté sous le régime de la procédure informelle soulève trois questions :

 

1)  Les cotisations de valeur nette sont‑elles exactes?

2) Si le revenu du contribuable a été déclaré en partie seulement, les pénalités imposées par l’ARC étaient‑elles appropriées ou le contribuable a‑t‑il fait preuve de « diligence raisonnable » en s’efforçant de produire une déclaration adéquate et de se conformer à la législation en matière d’impôt?

3)  La nouvelle cotisation visant l’année d’imposition 2000 a été établie après la période normale de nouvelle cotisation et ne sera valable que si le contribuable, au moment de déclarer son revenu, a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire.

 

[3]   La Cour reconnaît qu’il était légitime et équitable de la part de la Couronne de soulever les points 2 et 3 ci‑dessus même s’ils ne paraissent pas avoir été invoqués directement par le contribuable dans son avis d’appel.

 

Fardeau de la preuve

 

[4]   Il incombe au contribuable de convaincre la Cour que les sommes visées par les cotisations de valeur nette sont inexactes. Cette obligation est identique à celle qu’assume le contribuable qui conteste une quelconque cotisation. Le fardeau de prouver, à la satisfaction de la Cour, que la déclaration de revenus initiale du contribuable justifie l’imposition de pénalités et permettait à l’ARC d’établir une nouvelle cotisation relative à l’année d’imposition 2000 après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation incombe à la Couronne.

 

Nouvelles cotisations

 

[5]   Le revenu supplémentaire visé par la nouvelle cotisation pour chacune des années 2000, 2001 et 2002 s’élève à 17 079 $, à 19 094 $ et à 30 129 $ respectivement. Il s’agit d’un revenu total de 66 302 $. Outre l’impôt, des pénalités de 1 627 $, de 1 530 $ et de 1 800 $, soit un total de 4 957 $, ont été imposées pour chacune de ces trois années respectivement. Les sommes initialement déclarées par le contribuable à titre de revenu net tiré du salon de coiffure pour hommes se chiffraient à 372 $ en 2000, soit la première année partielle d’exploitation, et à 5 891 $ en 2001. Les renseignements figurant dans les documents présentés à la Cour ne lui permettent pas de savoir quel était le montant du revenu net initialement déclaré pour 2002, mais le revenu brut déclaré s’élevait à 10 000 $. Les copies papier de la formule [traduction] « Option C » de l’ARC visant les années d’imposition du contribuable ne révèlent pas clairement ce renseignement. Lorsqu’on a demandé au vérificateur de l’ARC d’expliquer, de clarifier ou de rapprocher ces chiffres, il était manifeste que les nouvelles cotisations n’avaient pas été résumées d’une manière uniforme dans ces documents pour les trois années en question.

 

Contribuable

 

[6]   Le contribuable avait immigré au Canada à titre de réfugié peu avant les trois années en cause. Il est arrivé au Canada en 1995 avec pratiquement aucun bien personnel ni article ménager. Aucun témoignage n’a été rendu sur le point de savoir s’il avait de quelconques biens ou ressources au moment d’immigrer au Canada.

 

[7]   Dans son témoignage, le vérificateur de l’ARC a mentionné que le contribuable et son épouse ont coopéré à la vérification pendant toute la durée de celle‑ci. Le contribuable et son épouse ont affirmé pendant leur témoignage que leur domicile était très sommairement meublé et que leurs quelques biens provenaient principalement de personnes qui n’en voulaient plus, à l’exception d’une laveuse et d’une sécheuse ainsi que d’un four à micro‑ondes achetés neufs. Ils n’avaient pas de canapé dans leur salon. Ils se servaient plutôt de matelas qui faisaient également office de lits, pour eux, leurs trois enfants, la mère du contribuable, qui était souffrante et qui résidait avec eux, ainsi que pour un ou deux frères du contribuable, qui partageaient également leur domicile à divers moments pendant la période en cause et antérieurement. Le contribuable et son épouse touchaient des prestations d’aide sociale et avaient recours aux banques alimentaires pendant les années en cause. Leur domicile consistait en un logement social subventionné.

 

[8]   La preuve relative à la rareté des meubles garnissant leur domicile a été corroborée par le témoignage d’une amie du contribuable et de son épouse. Cette personne les connaissait depuis le début de la période en cause et leur rendait visite à leur domicile. Il se trouve que cette femme était également une employée de l’ARC. En outre, le contribuable et son épouse ont invité le vérificateur de l’ARC à leur domicile lorsqu’il a commencé la vérification puis lorsqu’il a décidé de procéder à une vérification de la valeur nette. Le vérificateur s’est rendu à leur domicile et, lorsqu’on lui a posé des questions pendant son contre‑interrogatoire au sujet des meubles garnissant la résidence, il n’a pu contredire les témoignages rendus sur ce point.

 

[9]   Dans son témoignage, le contribuable a affirmé qu’il y avait très peu d’achalandage à son salon de coiffure pendant les années en cause. Il a d’ailleurs appelé à titre de témoin le coiffeur qui lui a succédé à cet endroit pour que ce dernier vienne déclarer que l’achalandage continue d’être faible. Les coupes de cheveux sont facturées neuf dollars chacune. L’amie du contribuable qui travaillait pour l’ARC a également été appelée à témoigner. Elle a confirmé qu’il lui arrivait souvent de passer tout près du salon du coiffure pendant les années en cause, habituellement entre 15 h 30 et 16 h 30, parce que son arrêt d’autobus se trouvait à côté. Elle a déclaré que le salon de coiffure paraissait très tranquille.

 

[10] Le contribuable a affirmé pendant son témoignage que, pour respecter ses obligations en matière de déclarations fiscales, il s’était adressé à un préparateur de déclarations de revenus, qu’il avait payé pour ses services, à chacune des années en cause. Il avait fourni au préparateur ce qu’il estimait être des documents comptables adéquats pour que ce dernier puisse calculer le revenu tiré de son salon de coiffure. À la lumière de ce témoignage, il semble que ces documents s’apparentaient davantage à des reçus de caisse et à des reçus pour dépenses plutôt qu’à des livres comptables, à des tableaux ou à des grands livres en bonne et due forme. Le contribuable a affirmé que son préparateur de déclarations de revenus, lequel se présentait comme une personne bien informée et expérimentée dans ce domaine, lui avait dit de simplement estimer le montant total de son revenu et le montant total de ses dépenses en 2001 et en 2002. Le préparateur de déclarations de revenus a bien remis au contribuable les reçus de caisse et les reçus pour dépenses que ce dernier lui avait fournis, mais il ne lui a pas remis de double des tableaux ou autres renseignements qu’il avait colligés.

 

[11] Selon le témoin de l’ARC, il ressort de ses dossiers qu’une déclaration sur support papier a été produite en 2000, tandis qu’une déclaration électronique a été produite en 2001 et en 2002. Dans son témoignage, le contribuable a précisé que son préparateur de déclarations de revenus avait depuis cessé ses activités et ne pouvait ou ne voulait lui fournir de quelconques renseignements ou documents se trouvant dans ses dossiers pour les années en cause. L’ARC a confirmé qu’elle avait reçu un état des résultats pour l’année 2000, mais qu’elle ne s’attendait pas à recevoir, et n’avait pas reçu, un tel document pour les années subséquentes à l’égard desquelles des déclarations électroniques avaient été produites. Aucune des parties n’a fourni à la Cour un double de l’état des résultats pour l’année 2000. De même, aucune des parties n’a fourni à la Cour un double des renseignements ou des résumés détaillés ni de copies de quelconques reçus de caisse ou de reçus de dépenses.

 

[12] Dans son témoignage, le contribuable a révélé qu’il fournissait tous les ans à son préparateur de déclarations de revenus les mêmes documents financiers que ceux qu’il avait remis au vérificateur de l’ARC. À son avis, ces documents auraient dû permettre, d’une part, à son préparateur de déclarations de revenus de calculer le revenu qu’il avait tiré de son salon de coiffure et, d’autre part, au vérificateur de vérifier adéquatement le revenu qu’il avait déclaré.

 

[13] Il convient de remarquer qu’à neuf dollars la coupe de cheveux, il aurait fallu que le contribuable fasse 7 000 coupes de cheveux de plus sans les déclarer pour tirer un revenu supplémentaire de 66 000 $ de son salon de coiffure pendant les trois années en cause. Cela veut dire plus de 2 400 coupes de cheveux chaque année, ce qui correspond à environ 50 coupes par semaine ou 10 coupes par jour. Si on suppose que chaque coupe prend une demi‑heure, il aurait fallu que le contribuable éteigne sa caisse enregistreuse et que son salon soit plein pendant cinq heures supplémentaires chaque jour en semaine. Cela me paraît invraisemblable compte tenu de la preuve relative à la faible activité de cet établissement qualifié de [traduction] « vieux salon de coiffure ordinaire ». Le faible degré d’activité du salon de coiffure a été corroboré par le contribuable et chacun de ses trois témoins, soit le coiffeur qui travaillait avec lui et qui exploite maintenant l’entreprise, son épouse et son amie qui travaille pour l’ARC. Le vérificateur de l’ARC s’est également rendu au salon de coiffure. Lorsqu’on lui a posé des questions à ce sujet pendant son contre‑interrogatoire, il n’a pu établir le contraire par son témoignage ou ses souvenirs.

 

Témoignage du vérificateur de l’ARC

 

[14] Dans son témoignage, le vérificateur de l’ARC a déclaré que le contribuable avait été des plus coopératifs pendant toute la durée de la vérification. Lorsqu’il a commencé son examen, il a demandé un double des livres comptables pour pouvoir vérifier le revenu déclaré tiré du salon de coiffure. Comme le contribuable n’a pu obtenir aucun document du préparateur de déclarations de revenus auquel il s’était adressé, il a remis au vérificateur ce qu’on a décrit comme deux sacs d’épicerie de pièces de vente et de reçus de dépenses. Le vérificateur a mentionné au contribuable qu’il n’entrait pas dans ses fonctions de dresser des livres comptables et des états des résultats à partir de ces pièces justificatives et que cette tâche incombait au contribuable. Ce dernier paraît avoir soutenu qu’il s’agissait de ses livres comptables, que ces documents étaient ceux dont il se servait et que c’était donc ceux qui devaient faire l’objet de la vérification. Si cela donnait lieu à des tâches supplémentaires, celles‑ci devaient faire partie de la vérification de l’ARC. Le contribuable a toutefois convenu avec le vérificateur de mettre un peu d’ordre dans les documents, mais le vérificateur est demeuré insatisfait. Le vérificateur a effectivement examiné les documents fournis dans la mesure où il a calculé le montant total des reçus de caisse et a découvert, pour chacune des années en cause, des écarts entre le revenu brut déclaré par le contribuable dans ses déclarations et le total des reçus de caisse qu’il a calculé à partir du journal quotidien des ventes du contribuable. En 2000, cet écart était attribuable à un revenu brut déclaré en trop de moins de 150 $ qui, selon les conclusions de l’ARC, était sans importance. En 2001 et en 2002, l’écart se chiffrait à un peu plus de 4 000 $ et de 2 300 $ respectivement. Le vérificateur de l’ARC n’a en aucune façon laissé entendre qu’il avait tenté de vérifier ou de découvrir d’autres revenus bruts. À peu près rien dans la preuve ne permet de penser qu’il a vérifié ou tenté de vérifier les dépenses ou les reçus y afférents. S’il a examiné les dépenses de façon plus approfondie, ce fait ne ressort pas suffisamment de son témoignage. Je suis sensible aux difficultés que rencontrent les vérificateurs de l’ARC auxquels on remet des documents comptables qui sont conservés dans des boîtes à chaussures ou des sacs d’épicerie et qui ne sont pas présentés sous forme de tableaux, de grands livres ou d’états financiers. Cependant, si ces documents ne sont pas traités par l’ARC à l’étape de la vérification, il reviendra aux agents des appels de l’ARC, aux avocats du ministère de la Justice et, trop souvent, à la Cour de le faire.

 

[15] Dans son témoignage, le vérificateur de l’ARC a affirmé qu’après avoir découvert les écarts importants entre les ventes brutes déclarées et les ventes calculées selon les documents de travail du contribuable, il a conclu que les livres comptables tenus par ce dernier ne lui permettaient pas de vérifier l’entreprise et il a donc procédé à une cotisation de la valeur nette du contribuable.

 

Cotisations de valeur nette

 

[16] Les cotisations de valeur nette sont nécessairement des solutions de dernier recours utiles dans les cas où, notamment en raison de l’état des livres comptables du contribuable, le revenu déclaré par le contribuable ne peut faire l’objet d’une vérification de la façon habituelle. Les vérifications et les cotisations fondées sur la valeur nette sont probablement insatisfaisantes par définition et elles constituent sans nul doute des méthodes imprécises d’évaluation du revenu. Il a été dit qu’il s’agissait [traduction] « d’une ultime tentative pour établir un fondement équitable susceptible d’étayer une cotisation en l’absence de livres comptables acceptables » dans la décision Urchyshyn v. MNR, 71 DTC 234 (C.R.I.), [traduction] « en réalité d’un moyen de fortune » dans la décision Zagumeny v. MNR, 63 DTC 718 (C.R.I.), et « d’un instrument grossier » à utiliser en dernier ressort dans la décision Ramey v. MNR, 93 DTC 791 (C.C.I.). Néanmoins, ces méthodes peuvent se révéler nécessaires, et l’ARC peut établir une cotisation fiscale en y ayant recours. Lorsqu’il fait l’objet d’une cotisation de valeur nette, le contribuable peut s’adresser à la section des appels de l’ARC et à la Cour en vue i) soit d’établir le revenu provenant de l’entreprise ou d’une autre source sur le fondement d’éléments de preuve acceptables, ii) soit de contester les éléments, les données et les hypothèses connexes utilisés par l’ARC pour effectuer ses calculs de la valeur nette étayant les cotisations en cause : Fortis v. MNR, 86 DTC 1795 (C.C.I.).

 

[17] Succinctement, la méthode suivie par l’ARC pour établir une cotisation de valeur nette comporte plusieurs étapes pour une année d’imposition donnée. Premièrement, l’ARC doit déterminer la valeur nette du contribuable à la fin de l’année précédente. Dans le cas du contribuable en l’espèce, il a donc fallu que l’ARC détermine sa valeur nette à la fin de 1999. L’ARC doit ensuite déterminer la valeur nette du contribuable à la fin des années d’imposition pertinentes, soit 2000, 2001 et 2002 dans la présente affaire. Cela permet à l’ARC de déterminer l’augmentation de la valeur nette du contribuable pendant les années en cause, cette augmentation étant supposée provenir des sources de revenu du contribuable, au sens le plus large, qui ont été déclarées ou non, qu’elles soient imposables ou non. L’ARC calcule la valeur nette à la fin de chaque année en dressant un bilan faisant état des actifs et des passifs connus du contribuable, tant sur le plan commercial que personnel. C’est ce qui figure aux annexes I et II de la pièce R‑4, lesquelles montrent comment l’ARC a calculé l’augmentation ou la diminution de la valeur nette du contribuable pendant les périodes en cause.

 

[18] En l’espèce, l’augmentation de la valeur nette du contribuable pendant les trois années en cause se chiffre à 1 750,80 $ en 2000, à 1 882,70 $ en 2001 et à 7 679,78 $ en 2002 selon les calculs de l’ARC. (On peut s’interroger sur la pertinence d’utiliser les cents dans les cotisations de valeur nette.) Une grande partie de cette augmentation pourrait être attribuable au fait que l’ARC a inscrit des biens ménagers d’une valeur de 6 300 $ dans la liste des actifs personnels du contribuable pour l’année 2000 et les années subséquentes, mais que ces biens ne figuraient pas parmi les actifs personnels du contribuable à la fin de 1999. Le contribuable soutient que ces « biens ménagers », ou meubles, ont été achetés en 1999. Le témoignage du contribuable permet d’expliquer le reste de l’augmentation : il s’agirait d’un passif sous forme de dettes qui ne sont pas mentionnées dans les annexes établies par l’ARC, y compris un prêt étudiant, une dette au titre d’une carte de crédit, une dette bancaire et divers prêts consentis par des membres de la famille.

 

[19] À la deuxième étape du calcul de la valeur nette, l’ARC doit déterminer les dépenses totales engagées par le contribuable, pour lui‑même et pour le ménage, en supposant que ces dépenses ont également été payées par contribuable et les membres de sa famille au moyen de ses sources de revenu au sens large, déclarées et non déclarées, imposables ou non. Les données initiales nécessaires à cette détermination sont réunies par les contribuables à l’aide de la feuille de calcul des dépenses personnelles établie par l’ARC. Les contribuables doivent y préciser quelles sont leurs dépenses en fonction de diverses catégories, comme la nourriture, le logement, le transport et les vêtements. Cette feuille de calcul a été produite sous la cote R‑3. L’ARC examine ensuite la feuille de calcul et elle prépare son propre résumé des dépenses personnelles, soit l’annexe IV de la pièce R‑4, dans lequel on fait état des modifications que le vérificateur de l’ARC estime appropriées à la lumière de sa vérification.

 

[20] En l’espèce, la feuille de calcul des dépenses personnelles initiale (pièce R‑3) a été remplie à la demande du vérificateur de l’ARC. C’est l’épouse du contribuable qui s’en est chargée. Dans son témoignage, elle a mentionné que le vérificateur de l’ARC lui avait conseillé d’y aller rondement, et que plus il y en a aurait, mieux ce serait pour son mari. Il ressort sans équivoque de son témoignage qu’elle a cru que cela voulait dire que plus la somme estimée serait élevée, plus l’issue serait favorable. Elle n’a pas compris que plus la somme estimée serait importante, plus son mari aurait des problèmes. Bien qu’il n’ait pas témoigné sur ce point pendant son contre‑interrogatoire, même s’il a été interrogé à cet égard, le vérificateur de l’ARC a sûrement voulu lui faire comprendre que plus les renseignements seraient nombreux, mieux ce serait. Quoi qu’il en soit, le contribuable a insisté sur le fait que son épouse avait incorrectement rempli toute la feuille de calcul parce qu’elle avait mal compris le vérificateur.

 

[21] Plus précisément, l’épouse du contribuable a pu affirmer que les dépenses de 3 000 $ au titre du téléphone et de 2 640 $ au titre du tabac étaient nettement exagérées. Selon son témoignage, elle ne fumait que la moitié d’un paquet de cigarettes par jour, et son mari a déclaré qu’il ne fumait pas. Mme Altamimi a ajouté qu’elle avait surévalué les frais de téléphone dans la feuille de calcul initiale à 3 000 $ par année, alors qu’elle estimait que ces frais variaient plus exactement de 50 $ à 60 $ par mois environ. Aucun élément de preuve corroborant n’a été présenté quant aux frais de téléphone. Selon les renseignements que le vérificateur de l’ARC a obtenus de Statistique Canada (pièce R‑7), une famille canadienne moyenne de cinq personnes dépense environ 1 000 $ par année pour le téléphone.

 

[22] Le contribuable et son épouse ont contesté plusieurs autres modifications que le vérificateur de l’ARC avait apportées aux renseignements fournis par l’épouse du contribuable dans la feuille de calcul des dépenses personnelles pour les besoins de l’annexe IV, laquelle fait partie des documents nécessaires à l’établissement de la cotisation de valeur nette. Trois éléments en particulier ont été contestés.

 

[23] Premièrement, le vérificateur de l’ARC avait ajouté 1 129 $ aux dons et aux contributions pour 2001 parce qu’il s’agissait d’une autre somme offerte en cadeau à un membre de la famille. Le témoignage du vérificateur n’était pas très clair même s’il consultait ses dossiers. Son témoignage sur la question de savoir s’il s’agissait d’un cadeau reçu par le contribuable ou d’un cadeau offert par celui‑ci était très confus. Le contribuable et son épouse ont tous deux déclaré dans leur témoignage que cette somme se rapportait au remboursement d’un prêt que le grand‑père de cette dernière leur avait accordé.

 

[24] Deuxièmement, le contribuable et son épouse n’approuvaient pas l’augmentation de la somme estimée de 6 600 $ relative aux frais de transport pour 2000 et pour 2002 qui figurait dans leur feuille de calcul. Le vérificateur de l’ARC avait augmenté ces frais de 1 620 $ pour 2000 et de 715 $ pour 2002. Dans leur témoignage, le contribuable et son épouse ont affirmé que la somme visant 2002 avait servi à rembourser l’argent que le grand‑père de l’épouse avait prêté afin que le contribuable puisse rembourser sa dette envers le gouvernement du Canada pour le tarif aérien payé au moment de son immigration au pays, et que la somme visant 2000 se rapportait au remboursement d’une dette au titre d’une carte de crédit Zellers pour un voyage aérien effectué au cours d’une année précédente. Dans cette optique, comme ces deux sommes représentent le remboursement d’une dette relative à des dépenses de transport engagées au cours d’années antérieures, elles ne devraient pas figurer dans le résumé annuel des dépenses personnelles pour les années en cause (mais elles auraient peut‑être dû figurer dans l’annexe III, laquelle fait état du passif).

 

[25] Enfin, le contribuable conteste la somme de 2 650 $ que le vérificateur de l’ARC a ajoutée à chacune des années 2001 et 2002 pour les remboursements en capital et intérêts d’un prêt étudiant. Tout d’abord, cette somme est incompatible avec celle de 500 $ qu’ils ont inscrite sous la rubrique intitulée [traduction] « Divers/intérêts » de leur feuille de calcul des dépenses personnelles. Selon le témoignage de l’épouse du contribuable, ils ont versé 50 $ par mois à ce titre, ce qui correspond à 600 $ par année. Dans son témoignage, le vérificateur de l’ARC a déclaré qu’il n’avait pas mentionné le prêt étudiant dans le bilan figurant à l’annexe II parce qu’il n’en connaissait pas l’existence au moment d’établir cette partie de l’état financier. Il avait plutôt fait état du capital et des intérêts au moyen d’un rajustement apporté aux dépenses personnelles. Comme il a ajouté cette somme au résumé des dépenses personnelles joint à l’annexe IV, le vérificateur de l’ARC reconnaît qu’il existait un prêt étudiant. Il a témoigné qu’il avait confirmé auprès de l’institution financière que le prêt n’avait été consenti qu’en 2001, et qu’il avait donc, à l’avantage du contribuable, réduit à néant pour l’année 2000 l’estimation de 500 $ avancée par ce dernier dans sa feuille de calcul relative à cette même année.

 

[26] L’étape suivante de l’établissement d’une cotisation de valeur nette consiste à ajouter i) l’augmentation de la valeur nette, ii) les dépenses personnelles et iii) les dépenses engagées par le contribuable et les membres de sa famille, son épouse en l’espèce, qui cotisent au Régime de pensions du Canada et à l’assurance‑emploi ainsi que l’impôt payé. Ce total donne une estimation du revenu ou des sommes dépensées par le contribuable et les membres cotisants de sa famille pendant chacune des années en cause.

 

[27] À l’étape suivante, qui figure aussi à l’annexe III de la pièce R-4, il faut déduire toutes les sources de revenu connues et déclarées dont le contribuable et son épouse auraient disposé pour payer leurs dépenses au cours des années en cause. Outre le revenu déclaré du contribuable et celui de son épouse, il faut ajouter les remboursements d’impôt, les crédits de TPS, les prestations fiscales pour enfants, les dons reçus de membres de la famille, etc. Dans la présente affaire, le seul membre de la famille qui contribuait aux dépenses du ménage acceptées par l’ARC était l’épouse du contribuable. Ce dernier a omis de documenter à l’intention de l’ARC les sources de revenu qui provenaient de sa mère et que celle‑ci aurait pu fournir de même que les dons ou contributions qu’elle a pu offrir. Cela s’applique également aux frères du contribuable qui vivaient parfois avec eux. Le contribuable n’a produit devant la Cour aucun élément de preuve relatif à une quelconque source de revenu provenant de sa mère ou de ses frères.

 

[28] Pendant le contre‑interrogatoire, l’avocat de la Couronne a présenté à l’épouse du contribuable la feuille de calcul des dépenses personnelles modifiée (pièce R‑9) qu’elle avait remplie après celle dont le vérificateur de l’ARC s’était servi. Cette autre feuille de calcul, qui fait état de chiffres sensiblement moins élevés, a été établie pendant le processus d’opposition administratif entrepris par le contribuable auprès de l’ARC. La Couronne n’a pas utilisé cette annexe pour mettre directement en doute la crédibilité de l’épouse du contribuable pendant le contre‑interrogatoire ni au moment du débat. L’épouse a précisé que la feuille de calcul modifiée constituait une estimation plus exacte de leurs dépenses pendant les années en cause. En réalité, il me semble que ce document aurait eu pour effet d’éliminer les cotisations de valeur nette pour 2000 et 2001 et de réduire celle pour 2002 à un revenu déclaré en partie seulement d’environ 6 000 $. L’épouse du contribuable a en outre affirmé que l’agent des appels, après avoir entendu son explication du fait qu’elle avait mal compris ce que le vérificateur de l’ARC avait voulu dire par [traduction] « plus il y en aurait, mieux ce serait », lui avait demandé de remplir cette nouvelle feuille de calcul. Elle a témoigné que l’agent des appels avait examiné cette annexe et leur opposition, et qu’il leur avait ensuite proposé d’établir de nouvelles cotisations qui auraient pour effet de réduire d’environ la moitié le revenu déclaré en partie seulement pour les années en cause.

 

[29] L’annexe III, qui est utilisée dans les calculs de la valeur nette, montrait que le revenu déclaré de l’épouse s’élevait respectivement à 1 563 $, à 392 $ et à 8 217 $ pour les années 2000, 2001 et 2002. Dans son témoignage, le vérificateur de l’ARC a déclaré que ces sommes étaient tirées des données récapitulatives de l’ARC auxquelles il avait accès dans la formule [traduction] « Option C » de l’ARC visant l’épouse (pièce R‑8). Cependant, lors du contre‑interrogatoire, l’avocat de la Couronne a fait dire à cette dernière que ces sommes étaient sensiblement moins élevées que le montant de son revenu réel pour 2000 et 2001, soit d’environ 1 500 $ pour 2000 et 5 600 $ pour 2001. Par ses réponses comme [traduction] « si vous le dites » ou [traduction] « vous êtes l’ARC », l’épouse du contribuable s’en remettait à l’avocat de la Couronne à titre de personne disposant des renseignements les plus exacts sur ses années d’imposition. La Couronne a poursuivi en tentant d’obtenir une confirmation ou une preuve corroborante du fait que l’épouse avait gagné un revenu plus élevé pendant ces années. Après avoir rafraîchi sa mémoire à l’aide de certains documents se trouvant sur la table réservée à son représentant, l’épouse du contribuable a témoigné que les chiffres plus élevés que lui avait présentés l’avocat de la Couronne lui paraissaient exacts. Aucune des parties n’a produit en preuve les documents qu’elle a consultés. Je n’ai d’ailleurs pas bien compris pourquoi l’avocat de la Couronne a voulu obtenir ce témoignage puisqu’il n’a pas mis en doute la crédibilité de l’épouse du contribuable au moment du débat même si, à cet égard, les questions qu’il lui a posées semblaient viser cette fin. L’avocat réagissait peut‑être à des chiffres que le contribuable avait présentés au vérificateur de l’ARC pendant qu’il le contre‑interrogeait. Quoi qu’il en soit, si le revenu de l’épouse du contribuable au cours de l’une ou l’autre des années en cause était réellement plus élevé que celui utilisé par le vérificateur de l’ARC dans son annexe III, cela aurait pour effet de réduire encore davantage les cotisations de valeur nette établies parce que le revenu a été déclaré en partie seulement.

 

[30] La preuve dont la Cour est saisie comporte plusieurs lacunes. En particulier, le contribuable n’a présenté au tribunal aucun document permettant de corroborer sa version de l’un ou l’autre des points qu’il a contestés. Cela aurait très bien pu entraîner le rejet total de son appel n’eut été des insuffisances de la preuve produite par l’ARC ou du fait qu’il a appelé à la barre des témoins dignes de foi qui ont corroboré ses allégations. Néanmoins, l’examen de l’affaire par la Cour s’en est peut‑être trouvé plus ardu qu’il n’était nécessaire.

 

[31] En outre, les différences entre les sommes estimées par l’épouse du contribuable dans la première feuille de calcul des dépenses personnelles et la deuxième sont à ce point importantes que force m’est de conclure qu’au moins dans l’un de ces documents, elle n’a pas essayé de faire des estimations raisonnables et qu’elle a plutôt cédé à la tentation et pris ses désirs pour des réalités.

 

[32] La preuve de la Couronne était elle aussi une source de confusion ou d’erreurs appréciables. Mes principales préoccupations à cet égard sont les suivantes :

 

i)                   Pendant son contre‑interrogatoire, le vérificateur a admis qu’il avait fait une erreur de 21 000 $ dans la partie de sa vérification de la valeur nette consacrée à l’analyse des retraits;

 

ii)                 La confusion et l’incertitude concernant le rajustement approprié au titre des cadeaux reçus par opposition à ceux offerts étaient presque inexplicables;

 

iii)               Si elles sont exactes, les explications fournies par le vérificateur sur les formules [traduction] « Option C » signifient que ces dernières sont plutôt trompeuses. Il importe notamment de signaler le fait que, selon les explications du témoin, le revenu total du contribuable indiqué à la ligne 150 de la formule [traduction] « Option C » correspondait en réalité au revenu net d’impôt et non au revenu total déclaré sur une déclaration de revenus. Pourtant, le vérificateur de l’ARC et la Couronne ont tous deux tenté d’utiliser le revenu total inscrit à la ligne 150 de la formule [traduction] « Option C » de Mme Altamimi comme s’il s’agissait de son revenu total déclaré dans ses déclarations de revenus;

 

iv)               Les raisons données pour expliquer l’absence des dettes au titre du prêt d’études canadien dans le passif montré au bilan établi par le vérificateur à l’annexe II dans le cadre de sa cotisation de valeur nette et le fait que les remboursements en capital et intérêts ont plutôt été ajoutés au résumé des dépenses personnelles à l’annexe IV étaient totalement insatisfaisantes;

 

v)                 La preuve relative aux rajustements qui se révéleraient nécessaires si les meubles de 6 300 $ avaient été achetés pendant l’année de base 1999, d’une part, et aux conséquences découlant de cette situation, d’autre part, était insatisfaisante.

 

Analyse

 

[33] Le tribunal doit d’abord se demander s’il y a lieu de confirmer la nouvelle cotisation relative à l’année 2000 du contribuable qui a été établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. Selon le paragraphe 152(4), elle ne peut être confirmée que si M. Altamimi « a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi ».

 

[34] Je suis convaincu que le contribuable a fait une présentation erronée du revenu qu’il a tiré de son salon de coiffure pendant les années en cause. Cependant, dans la mesure où il a agi ainsi en 2000, je ne suis pas convaincu que sa présentation erronée a été faite par négligence, inattention ou omission volontaire. La Couronne n’a allégué aucune fraude. Il ressort de la preuve que le contribuable a retenu les services d’un préparateur de déclarations de revenus pour remplir ses déclarations de revenus relatives à l’année 2000 et qu’il a remis à ce préparateur les reçus de caisse et les reçus de dépenses ainsi que les documents nécessaires à cette fin. Il semble, du moins en rétrospective, que le choix de ce service de préparation de déclaration de revenus était mal avisé. Le contribuable venait d’immigrer au Canada à cette époque. Si son conseiller fiscal lui a dit que la méthode appropriée était suivie, je ne crois pas que le contribuable, pour sa première année en affaires au Canada, ait fait une présentation erronée par négligence, inattention ou omission volontaire dans les circonstances particulières en l’espèce. Compte tenu de la situation, j’estime que la Couronne ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver le bien‑fondé d’une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2000 du contribuable. L’appel formé par ce dernier relativement à son année d’imposition 2000 sera donc accueilli intégralement.

 

[35] En ce qui concerne les années d’imposition 2001 et 2002 du contribuable, je suis convaincu que ce dernier a déclaré en partie seulement le revenu qu’il a tiré de son salon de coiffure. Pour les raisons exposées plus haut, je ne suis toutefois pas convaincu que les sommes visées par les nouvelles cotisations relatives à ces années que le ministre a établies sur le fondement des calculs de la valeur nette en cause constituent une estimation suffisamment exacte de ces déclarations en moins. En particulier, je crois que le contribuable s’est acquitté de l’obligation qui lui incombait d’établir qu’à certains égards particuliers, ces calculs sont inexacts et qu’ils doivent être modifiés à nouveau.

 

[36] Quant au bilan des actifs de l’entreprise et des actifs personnels joint à l’annexe I, je suis convaincu que l’ARC n’était pas justifiée de supposer que tous les biens ménagers du contribuable (totalisant 6 336,81 $) avaient été achetés pendant l’année 2000 et que lui et sa famille ne possédaient aucun bien ménager en 1999. La preuve montre que les seuls biens ménagers d’une certaine valeur acquis pendant les années 2000 et 2002 consistent en une laveuse et une sécheuse de format réduit et en un four à micro‑ondes achetés chez Léon. L’ordinateur acquis en 2002 fait l’objet d’une mention distincte et n’est pas en litige. Les biens ménagers du contribuable en 1999 devraient correspondre à une somme de 5 000 $. Cela aurait pour effet de réduire la cotisation relative à l’année 2000 du contribuable d’une somme équivalente et n’aura aucune incidence sur les cotisations visant les années 2001 ou 2002. Cependant, comme je l’ai déjà mentionné, j’arrive à la conclusion que la nouvelle cotisation relative à l’année 2000 ne peut en aucun cas être étayée puisqu’elle est frappée de prescription.

 

[37] En ce qui touche le résumé des dépenses personnelles joint à l’annexe IV, je suis convaincu, dans la mesure où les données initiales se fondaient sur la première feuille de calcul des dépenses personnelles remplie par l’épouse du contribuable, que cette dernière avait tendance à surévaluer certaines des catégories. Plus précisément, je suis persuadé que la somme inscrite à la ligne 11 pour le tabac et l’alcool devrait être réduite à 1 000 $ pour chacune des années. Cela n’aura aucune incidence sur l’année 2000, mais entraînera une réduction des cotisations de 1 640 $ pour 2001 et de 1 140 $ pour 2002.

 

[38] De même, les frais d’habitation figurant à la ligne 3 devraient être réduits pour refléter des frais de téléphone de 1 200 $ par année plutôt que de 3 000 $. Cette mesure n’influera pas sur l’année 2000, mais entraînera une réduction supplémentaire de 1 800 $ pour chacune des années 2001 et 2002.

 

[39] J’accepte le témoignage du contribuable et de son épouse voulant que les frais de transport de 1 620 $ que le vérificateur de l’ARC a ajoutés à leur estimation relative à l’année 2000 se rapportaient au remboursement en 2000 d’une dette contractée en 1999 pour effectuer un voyage. Les remboursements de dette ont une incidence sur la partie du calcul de la valeur nette qui intéresse le bilan et ne doivent pas aussi figurer comme une dépense personnelle courante. Cependant, comme la nouvelle cotisation relative à l’année 2000 est frappée de prescription, cela ne changera rien à l’affaire. Le témoignage du contribuable et de son épouse m’a en outre convaincu que les frais de transport supplémentaires de 715,39 $ ajoutés par le vérificateur de l’ARC au revenu pour 2002 se rapportaient au remboursement en 2002 d’une dette contractée pour un voyage effectué au cours d’une année antérieure. Cela aura pour effet de réduire la nouvelle cotisation relative à l’année 2002 d’une somme correspondante.

 

[40] Quant à la ligne 12 de l’annexe IV visant les dons et les contributions, je suis persuadé, à la lumière du témoignage du contribuable et de son épouse, que le chiffre exact devrait être la somme de 200 $ inscrite dans leur feuille de calcul initiale. L’ARC n’a pas fourni de précision satisfaisante pour expliquer la somme supplémentaire de 1 129 $ ajoutée par son vérificateur. Même pendant son interrogatoire principal, le vérificateur de l’ARC ne savait pas trop si la somme de 1 129 $ était un cadeau reçu ou offert par le contribuable. J’estime que le témoignage et l’explication du vérificateur de l’ARC n’étaient pas satisfaisants. Par ailleurs, le contribuable et son épouse ont clairement affirmé qu’un paiement de cette importance avait été fait à un membre de la famille en remboursement d’un prêt. Cela aura pour effet de réduire la nouvelle cotisation relative à l’année 2001 d’une somme correspondante de 1 129 $.

 

[41] Le dernier rajustement en faveur du contribuable devant être apporté au résumé des dépenses personnelles figurant à l’annexe IV touche son prêt d’études canadien. Le contribuable et son épouse ont montré que le prêt d’études faisait partie des prêts déclarés sous la rubrique 14 relative aux intérêts sur les prêts personnels, au total de 500 $ pour chacune des trois années. Le vérificateur de l’ARC a conclu que les prêts étudiants n’avaient été consentis qu’en 2001 et il a donc réduit à néant, pour cette année‑là, les intérêts courus sur leurs prêts personnels, ce qui paraît incompatible avec le fait qu’ils avaient d’autres dettes personnelles. Toutefois, plus troublant encore est le fait que, lorsque le vérificateur a eu connaissance de ces autres dettes, au lieu de corriger la situation et d’ajouter les prêts étudiants à l’annexe II à titre de passifs personnels, il a inscrit le capital ainsi que les intérêts au résumé des dépenses personnelles, ce qui est totalement contraire aux propres formules de l’ARC. Cela met sérieusement en doute la façon dont l’ARC a traité ce point, et il ne me reste que les témoignages du contribuable et de son épouse, par ailleurs non corroborés, voulant que les remboursements de leurs prêts étudiants se soient élevés à 50 $ par mois. Ce rajustement aura pour effet de réduire les cotisations relatives à 2001 et à 2002 d’une somme de 2 050 $.

 

[42] Je me suis prononcé sur les modifications qui, selon moi, doivent être apportées au résumé des dépenses personnelles figurant à l’annexe IV de l’ARC dans la mesure où des catégories précises de la feuille de calcul initialement remplie par l’épouse du contribuable avaient fait l’objet de rajustements que le contribuable et son épouse ont contestés pendant leur témoignage. Il reste la question déconcertante de la deuxième feuille de calcul relative aux dépenses personnelles qui a été produite en preuve par la Couronne au moment du contre‑interrogatoire de l’épouse du contribuable. Je ne suis pas convaincu que l’une ou l’autre des tentatives visant à reconstituer ce qui s’est passé puisse, maintenant ou n’importe quand, offrir un reflet exact de la réalité, des années après les faits. Je n’oublie pas que le vérificateur de l’ARC a affirmé dans son témoignage que, selon Statistique Canada, les dépenses personnelles moyennes d’une famille de cinq personnes vivant au Canada s’élèvent à environ 60 000 $ par année. Il a fourni une pièce très détaillée à l’appui de cette assertion. Il a reconnu que les dépenses familiales du contribuable et de son épouse devaient être moins élevées compte tenu de leur situation, mais on ne lui a pas demandé, et il n’a pas précisé, dans quelle mesure ces dépenses devaient être moins élevées. Sur ce point, il a seulement déclaré qu’il acceptait les chiffres donnés dans son résumé des dépenses personnelles joint à l’annexe IV, lesquels totalisaient entre 42 000 $ et 44 000 $ environ. Quelle importance faut‑il accorder à cette deuxième feuille de calcul que l’épouse du contribuable a également préparée et qui, selon ses dires, serait plus exacte et aurait été remplie une fois qu’elle avait bien compris ce qu’on attendait d’elle?

 

[43] Une chose ressort clairement de la preuve. Il ne s’agissait pas de Canadiens ayant un revenu moyen. Le contribuable, immigrant de fraîche date, était arrivé au pays avec peu ou pas de biens ménagers. Lui et sa famille étaient bénéficiaires d’aide sociale. Ils vivaient dans un logement subventionné. Leur domicile était, dans le meilleur des cas, peu meublé pendant les années en cause. Le témoin du contribuable, amie de ce dernier et employée de l’ARC, a confirmé qu’ils avaient placé sur le sol des matelas qui faisaient également office de canapés puisqu’il n’y avait pas de canapé dans le salon. Ils prenaient en outre soin de la mère du contribuable, laquelle avait une santé fragile. L’ARC a reconnu que les dépenses personnelles du ménage étaient celles qui avaient été calculées dans la première annexe remplie, sous réserve de certaines augmentations, dont la plupart ont déjà été examinées. Ce chiffre correspond à 70 pour 100 ou plus de la somme de 60 000 $ établie par Statistique Canada; suivant la deuxième feuille de calcul remplie par l’épouse du contribuable, il représente environ le tiers de la somme établie par Statistique Canada. Une fois les rajustements susmentionnés apportés aux nouvelles cotisations relatives aux années d’imposition 2001 et 2002 du contribuable, les dépenses personnelles modifiées figurant à l’annexe IV totaliseront environ 60 pour 100 de cette somme ou 36 000 $. À la lumière des éléments de preuve présentés par tous les témoins entendus en l’espèce, y compris la deuxième feuille de calcul des dépenses personnelles, je conclus que le résumé des dépenses personnelles joint à l’annexe IV, utilisé par l’ARC pour établir les cotisations de valeur nette visant les années 2001 et 2002, doit faire l’objet d’une autre réduction de 3 000 $ pour chacune de ces années.

 

[44] Le dernier rajustement touchant les ajouts au revenu vise le revenu total déclaré par l’épouse à l’annexe III. Pour 2001, l’ARC a utilisé la somme de 392 $ qu’elle a tirée de la formule [traduction] « Option C » relative à Mme Altamimi (pièce R‑8). Comme il est mentionné plus haut, j’estime que les précisions fournies par l’ARC pour justifier le revenu total inscrit à la ligne pertinente des formules [traduction] « Option C » sont entièrement incompatibles avec le fait qu’il s’agit d’un revenu avant impôt déclaré. Ne reste donc que le témoignage de l’épouse du contribuable voulant que son revenu pour 2001 ait été de 6 135,30 $. Comme elle a vérifié cette somme à l’aide de documents qu’elle avait en sa possession, comme elle a affirmé qu’il s’agissait de feuillets T4 et comme l’avocat de la Couronne n’a pas contesté cette description ni produit les documents en preuve, je conclus que ce témoignage est digne de foi. L’ajout au revenu pour 2001 devrait être réduit d’une somme supplémentaire de 5 743 $.

 

[45] Il convient maintenant d’examiner la question des pénalités relatives aux années 2001 et 2002. Le paragraphe 163(2) dispose que, si elle veut imposer des pénalités, la Couronne doit convaincre la Cour du fait que le contribuable, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, a fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, ou y a participé, consenti ou acquiescé. Cette norme est plus rigoureuse que celle prévue au paragraphe 152(4) pour permettre l’examen d’une année par ailleurs frappée de prescription après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. La Couronne fait valoir, pour l’application du paragraphe 163(2), que le contribuable, à tout le moins dans des circonstances équivalant à faute lourde, a consenti aux omissions observées dans sa déclaration qui découlent du fait qu’il a fourni des estimations de revenu brut et de revenu net. Je suis convaincu, à la lumière de la preuve, que le contribuable a participé ou a consenti à cette omission. Je suis en outre convaincu que déclarer en partie seulement un revenu tiré d’une entreprise dans les circonstances en l’espèce constitue également un faux énoncé pour l’application du paragraphe 163(2). Cependant, la question importante que la Cour doit trancher est celle de savoir si la Couronne, par la preuve présentée, a établi, selon la prépondérance des probabilités, que cette omission ou ce faux énoncé a été fait sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde pour chacune des années 2001 et 2002. Pour l’essentiel, il s’agit de savoir s’il était raisonnable pour M. Altamimi de se fier à son préparateur de déclarations de revenus, lequel lui avait conseillé de lui fournir des estimations du revenu brut et du revenu net de l’entreprise ainsi que les reçus de caisse et les reçus de dépenses, et qui avait finalement utilisé ces estimations pour remplir les déclarations de revenus du contribuable. Comme il est mentionné plus haut, en ce qui concerne la période normale de nouvelle cotisation pour l’année 2000, je conclus qu’il n’était pas déraisonnable pour le contribuable, immigrant de fraîche date, de se fier aux conseils rémunérés d’un préparateur de déclarations de revenus canadien pour tenter de se conformer aux exigences canadiennes en matière de déclaration de revenus pendant la première année d’exploitation de son entreprise. Pour l’année 2000, M. Altamimi a fourni les reçus de caisse et les reçus de dépenses à son préparateur de déclarations de revenus et il a déclaré un montant de revenu brut précis au dollar près. Il semble ressortir de la preuve que c’est à l’égard des années 2001 et 2002 que le préparateur de déclarations de revenus a conseillé au contribuable de procéder au moyen d’estimations. À mon avis, il n’était pas manifestement déraisonnable pour M. Altamimi de se fier à ce conseil pour 2001, puisqu’il s’agissait de la première année pour laquelle on lui demandait de fournir une estimation du revenu, tiré d’une entreprise, qu’il précisait et déclarait dans sa déclaration de revenus. J’arrive à la conclusion que, pour 2002, le contribuable ne pouvait plus raisonnablement se fier de façon crédible à ces conseils, en particulier parce que l’estimation qu’il a fournie pour 2002 était identique au revenu brut qu’il avait estimé l’année précédente. Cela me confirme que, pour l’année 2002, son estimation ne pouvait vraisemblablement avoir été faite avec l’intention d’exercer un quelconque degré raisonnable d’exactitude. Pour cette raison, je confirme les pénalités imposées relativement à l’année d’imposition 2002.

 

Conclusion

 

[46] L’appel interjeté par le contribuable à l’égard de l’année 2000 est accueilli intégralement parce que la période normale de nouvelle cotisation est expirée et que la Couronne n’a pas réussi à convaincre la Cour du fait qu’elle avait le droit d’établir une nouvelle cotisation après l’expiration de cette période.

 

[47] L’appel interjeté par le contribuable à l’égard de l’année 2001 est accueilli, mais uniquement dans la mesure où la somme à ajouter au revenu est réduite de 19 094 $ à 3 732 $ et où la pénalité est annulée.

 

[48] L’appel interjeté par le contribuable à l’égard de l’année 2002 est également accueilli, mais uniquement dans la mesure où la somme à ajouter au revenu est réduite de 30 129 $ à 21 424 $.

 

[49] Compte tenu des circonstances, aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de septembre 2007.

 

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de novembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI553

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2006-3716(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              MUNIR ALTAMIMI c.
SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 20 juin 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 13 septembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

 

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Ryan R. Hall

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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